La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2022 | LUXEMBOURG | N°46817C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 03 mai 2022, 46817C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46817C ECLI:LU:CADM:2022:46817 Inscrit le 21 décembre 2021 Audience publique du 3 mai 2022 Appel formé par Monsieur (L), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 novembre 2021 (n° 43857 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre deux décisions de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) en matière d’amende administrative Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46817C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 21 décembre 2021 par Maître Jean-Marie BA

ULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Lu...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46817C ECLI:LU:CADM:2022:46817 Inscrit le 21 décembre 2021 Audience publique du 3 mai 2022 Appel formé par Monsieur (L), …, contre un jugement du tribunal administratif du 23 novembre 2021 (n° 43857 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre deux décisions de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) en matière d’amende administrative Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46817C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 21 décembre 2021 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (L), administrateur indépendant, demeurant à L-… …, …, …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 23 novembre 2021 (n° 43857 du rôle) ayant déclaré recevable, mais non fondé, son recours principal en réformation de deux décisions du 29 octobre 2019 de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro J26, représentée par le président de son comité de direction en fonctions, établie et ayant son siège social à L-1150 Luxembourg, 283, route d’Arlon, référencées respectivement sous … et …, prononçant chacune une amende d’ordre de ….,- euros à son encontre, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, en rejetant les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure formulées par les deux parties et en condamnant le demandeur aux frais et dépens de l’instance ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculés auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 3 janvier 2022 portant signification de cette requête d’appel à l’établissement public CSSF ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 3 février 2022 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement public CSSF ;

1Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 2 mars 2022 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1er avril 2022 par Maître Albert RODESCH au nom de l’établissement public CSSF ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Virginie VERDANET, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 avril 2022.

En date du 8 octobre 2019, la Commission de surveillance du secteur financier, ci-après « la CSSF », adressa deux courriers à Monsieur (L) en sa qualité de membre du conseil d’administration de la société d’investissement (S), ci-après « la (S) », de la teneur suivante :

1er courrier :

« (…) Nous nous référons à notre lettre du 16 juillet 2019, référence …, relative à la non-transmission électronique du document de clôture suivant se rapportant à l'exercice comptable qui s'est terminé le 31 décembre 2018 de (S):

- la lettre de recommandations (« Management Letter »), ou à défaut, une déclaration écrite du réviseur d'entreprises de laquelle il ressort qu'une telle lettre n'a pas été émise.

Dans sa lettre précitée, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») vous a demandé de lui transmettre endéans la quinzaine le document précité.

En plus, nous vous avions expliqué que, conformément à la réglementation en vigueur l'(S) doit transmettre à la CSSF les documents de clôture dans un délai de six mois à compter de la fin de la période à laquelle les documents se réfèrent.

En ce qui concerne la transmission à la CSSF, la circulaire CSSF 19/708 précise que le document précité, « sous leur forme définitive, sont à transmettre en utilisant un système de transmission électronique sécurisé et accepté par la CSSF ».

Nonobstant toute communication éventuelle antérieure, nous constatons que le document précité se rapportant à l'exercice comptable qui s'est terminé le 31 décembre 2018 fait toujours défaut à ce jour et que les dispositions réglementaires précitées n'ont pas été respectées.

Étant donné que nous n'avons pas encore reçu à ce jour le document précité, nous vous demandons sur base des articles 55 (1) et 58 de la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés (ci-après la Loi), de nous transmettre endéans la huitaine à compter de la date de réception de la présente lettre, le document précité.

2 Dans ce contexte, nous attirons votre attention également sur l'article 51 (1) de la Loi qui prévoit que « Les administrateurs ou membres du directoire, selon le cas, gérants et directeurs des fonds d'investissement spécialisés des sociétés de gestion, des dépositaires ainsi que de toute entreprise concourant aux activités du fonds d'investissement spécialisé soumis à la surveillance de la CSSF ainsi que les liquidateurs en cas de liquidation volontaire d'un fonds d'investissement spécialisé peuvent être frappés par celle-ci d’une amende d'ordre de 125 à 12.500 euros au cas où ils refuseraient de fournir les rapports financiers et les renseignements demandés ou lorsque ceux-ci se révéleraient incomplets, inexacts ou faux, ainsi qu'en cas d'infraction à l'article 52 de la présente loi ».

En cas de non-respect du délai imparti, nous envisageons de vous imposer une amende d'ordre d’EUR 2.000 (deux mille euros) par document manquant conformément à l'article 51 (1) de la Loi, laquelle pourra faire l'objet d'une publication en application de l'article 51 (3) de la Loi.

Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes (procédure administrative non contentieuse) et au vu de ce qui précède, nous vous invitons à nous faire parvenir vos observations éventuelles par rapport à la présente endéans la huitaine à compter de la date de réception de la présente lettre. (…) ».

2ième courrier :

« (…) Nous nous référons à notre lettre du 16 juillet 2019, référence …, relative à la non-transmission du rapport annuel daté au 31 décembre 2018 de (S).

Dans sa lettre du 16 juillet 2019, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la « CSSF ») vous a demandé de lui transmettre endéans la quinzaine le rapport précité. A ce sujet, nous vous rappelons que l'article 52 (1) de la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés (la « Loi ») dispose que « la société d'investissement et la société de gestion pour chacun des fonds communs de placement qu'elle gère, doivent établir:

(…) - un rapport annuel par exercice » L'article 52 (2) de la Loi précise que « le rapport annuel doit être mis à disposition des investisseurs dans les six mois, à compter de la fin de la période à laquelle ce rapport se réfère ».

Finalement, l'article 56 de la Loi exige que « les fonds d'investissement spécialisés doivent transmettre à la CSSF leur document d'émission et toute modification apportée à celui-ci, ainsi que leur rapport annuel ».

En ce qui concerne la transmission à la CSSF, la circulaire CSSF 19/708 précise que les rapports annuels, « sous leur forme définitive, sont à transmettre en utilisant un système de transmission électronique sécurisé et accepté par la CSSF ».

3Nonobstant toute communication éventuelle antérieure, nous constatons que le rapport annuel daté au 31 décembre 2018 fait toujours défaut à ce jour et que les dispositions légales précitées n'ont pas été respectées.

Dans ce contexte, nous avons pris note que le rapport annuel de (S) a été envoyé en date du 25 juillet 2019 par (F) SA à travers la plateforme électronique (« e-file »). Cependant la transmission du rapport a été refusée par nos soins en raison du fait que le rapport était incomplet car le rapport du réviseur était manquant. Un message d'annulation a été envoyé par voie électronique (« e-file ») à (F) S.A. en date du 26 juillet 2019.

Nous vous demandons par la présente de nous transmettre endéans la huitaine à compter de la date de réception de la présente lettre le rapport annuel daté au 31 décembre 2018 de (S).

Par ailleurs, nous attirons votre attention également sur l'article 51 (1) de la Loi qui prévoit que « Les administrateurs ou membres du directoire, selon le cas, gérants et directeurs des fonds d'investissement spécialisés, des sociétés de gestion, des dépositaires ainsi que de toute entreprise concourant aux activités du fonds d'investissement spécialisé soumis à la surveillance de la CSSF ainsi que les liquidateurs en cas de liquidation volontaire d'un fonds d'investissement spécialisé peuvent être frappés par celle-ci d'une amende d’ordre de 125 à 12.500 euros au cas où ils refuseraient de fournir les rapports financiers et les renseignements demandés ou lorsque ceux-ci se révéleraient incomplets, inexacts ou faux, ainsi qu'en cas d'infraction à l'article 52 de la présente loi ».

Au cas où le rapport annuel ne nous parviendrait pas dans le délai imparti, nous envisageons de vous imposer une amende d'ordre d’EUR 2.000 (deux mille euros) conformément à l'article 51 (1) de la Loi, laquelle pourra faire l'objet d'une publication en application de l'article 51 (3) de la Loi.

Conformément au règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'État et des communes (procédure administrative non contentieuse) et au vu de ce qui précède, nous vous invitons à nous faire parvenir vos observations éventuelles par rapport à la présente endéans la huitaine à compter de la date de réception de la présente lettre. (…) ».

En date du 10 octobre 2019, le conseil d’administration de la SICAV-FIS s’adressa à la CSSF en ces termes :

« (…) Au nom des administrateurs de la SICAV-FIS et en référence à votre estimée du 8 octobre 2019, nous devons vous informer que nous ne serons pas en mesure de vous transmettre ni le rapport annuel ni la lettre de recommandation dans les délais demandés. Nous avons régulièrement informé vos collègues par une série de mails successifs que vous lirez en annexe et qui décrivent l'avancement des travaux et les obstacles rencontrés. Nous avions également répondu sans délai à votre estimée du 16 juillet.

L'auditeur, copié sur ce mail, qui audite pour la première fois la Sicav-FIS, effectue ses travaux avec diligence et de manière détaillée, ce qui ne peut être que dans l'intérêt de toutes les 4parties concernées, et en particulier de l'actionnaire unique. Comme vous le savez, il peut s'avérer compliqué de récolter en temps opportun les données nécessaires, particulièrement en matière de private equity. Nous venons de recevoir ce 8 octobre de la Banque Dépositaire la valeur nette d'inventaire au 31 décembre 2018 de notre deuxième position la plus importante de notre portefeuille et qui nous était indispensable pour comptabiliser et valoriser correctement des opérations d'apport en nature du 15 novembre 2018 et de souscription du 31 décembre 2018. Il nous reste encore quelques documents que nous tentons d'obtenir des représentants des sociétés dans lesquelles nous investissons, en vue de donner un maximum de confort à notre auditeur. Sous réserve des demandes ou des avis de l'auditeur, nous espérons pouvoir terminer les travaux d'audit à la fin du mois d'octobre, et ensuite finaliser les comptes et le rapport annuels et vous les communiquer.

Nous tenons à vous remercier d'avoir refusé les comptes farfelus que l'Administration Centrale a tenté de vous soumettre sans nous en informer. Vous lirez en annexe le vif mécontentement dont nous avons fait part à l'Administration Centrale qui n'a tenté, par cette manœuvre, que de se décharger de ses responsabilités.

En vous assurant que nous déployons tous les efforts nécessaires pour remédier à la situation que vous évoquez, nous vous prions d'agréer nos plus sincères salutations. (…) », En date du 29 octobre 2019, la CSSF a prononcé, par deux décisions séparées, deux amendes d’ordre de 2.000,- euros à l'égard de Monsieur (L). Ces décisions ont la teneur suivante :

1ière décision :

« (…) Nous avons l'honneur de nous référer à notre lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2019, référence OPC.19/M2227 P2-ML-1812/O8830-262236-PROD, par laquelle la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la «CSSF») vous a demandé, sur base des articles 55 (1) et 58 de la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés (ci-après la «Loi»), de lui transmettre endéans la huitaine le document de clôture suivant se rapportant à l'exercice comptable qui s'est terminé le 31 décembre 2018 de (S) :

- la lettre de recommandations (« Management Letter »), ou à défaut, une déclaration écrite du réviseur d'entreprises de laquelle il ressort qu'une telle lettre n'a pas été émise.

Dans ce contexte, nous avons pris note de tous les éléments nous transmis depuis notre lettre du 8 octobre 2019, entre autres votre courrier électronique du 10 octobre 2019, exposant un certain nombre d'éléments destinés à justifier le retard de transmission du rapport annuel et en conséquence de la lettre de recommandations.

Néanmoins, force est de constater que le document fait toujours défaut à ce jour et que les dispositions réglementaires précitées n'ont pas été respectées.

Dans la lettre précitée, nous avons également attiré votre attention sur l'article 51 (1) de la Loi qui prévoit que « Les administrateurs ou membres du directoire, selon le cas, gérants et directeurs des fonds d'investissement spécialisés, des sociétés de gestion, des dépositaires ainsi 5que de toute entreprise concourant aux activités du fonds d'investissement spécialisé soumis à la surveillance de la CSSF ainsi que les liquidateurs en cas de liquidation volontaire d'un fonds d'investissement spécialisé peuvent être frappés par celle-ci d'une amende d'ordre de 125 à 12.500 euros au cas où ils refuseraient de fournir les rapports financiers et les renseignements demandés ou lorsque ceux-ci se révéleraient incomplets, inexacts ou faux, ainsi qu'en cas d'infraction à l'article 52 de la présente loi ».

Nous vous avons également informés qu'en cas de non-respect du délai imparti, la CSSF vous imposerait une amende d'ordre conformément à l'article 51 (1) de la Loi, laquelle fera, sauf exception, l'objet d'une publication conformément à l'article 51 (3) de la Loi.

Etant donné que le délai imparti par la CSSF s'est écoulé et que le document fait toujours défaut à ce jour, la CSSF prononce à votre encontre, sur base de l'article 51 (1) de la Loi, une amende d'ordre d'un montant d'EUR 2.000 (deux mille euros).

Nous vous prions de trouver en annexe une facture indiquant les modalités de paiement de l'amende ainsi que la référence à rappeler impérativement lors du virement.

Dans la mesure où cette amende a été prononcée à votre encontre en raison d'un manquement par rapport à vos propres responsabilités professionnelles, nous vous signalons qu'il n'est en aucun cas acceptable de prélever le montant de l'amende des actifs de OPC.

Comme vous êtes par ailleurs toujours en défaut de nous fournir le document en question, nous en exigeons la communication immédiate. (…) ».

2ième décision :

« (…) Nous avons l'honneur de nous référer à notre lettre recommandée avec accusé de réception du 8 octobre 2019, référence OPC.19/M2224 P2-RA-1812/O8830-262236-PROD, par laquelle la Commission de Surveillance du Secteur Financier (la «CSSF») vous a demandé, sur base de l'article 52 (1) de la loi du 13 février 2007 relative aux fonds d'investissement spécialisés (la «Loi»), de lui transmettre endéans la huitaine le rapport annuel se rapportant à l'exercice comptable qui s'est terminé le 31 décembre 2018 de l'OPC COMPAGNIE FINANCIERE ST.

EXUPÉRY SICAV-SIF.

L'article 52 (2) de la Loi précise que « le rapport annuel doit être mis à disposition des investisseurs dans les six mois, à compter de la fin de la période à laquelle ce rapport se réfère ».

Finalement, l'article 56 de la Loi exige que « les fonds d'investissement spécialisés doivent transmettre à la CSSF leur document d'émission et toute modification apportée à celui-ci, ainsi que leur rapport annuel ».

En ce qui concerne la transmission à la CSSF, la circulaire CSSF 19/708 précise que les rapports annuels, « sous leur forme définitive, sont à transmettre en utilisant un système de transmission électronique sécurisé et accepté par la CSSF ».

6Dans ce contexte, nous avons pris note de tous les éléments nous transmis depuis notre lettre du 8 octobre 2019, entre autres votre courrier électronique du 10 octobre 2019, exposant un certain nombre d'éléments destinés à justifier le retard de transmission du rapport annuel.

Par ailleurs, nous avons également pris note qu'un projet non-audité du rapport annuel au 31 décembre 2018, ayant été transmis en date du 25 juillet 2019 par (F) S.A. à travers la plateforme électronique (« e-file »), a été annulé par la CSSF en date du 26 juillet 2019. A cet égard, nous vous rappelons que la CSSF ne souhaite pas obtenir de projets, mais s'attend à recevoir le rapport annuel finalisé du fonds en question.

Néanmoins, force est de constater que le rapport annuel fait toujours défaut à ce jour et que les dispositions légales précitées n'ont pas été respectées.

Nous avons également attiré votre attention sur l'article 51 (1) de la Loi qui prévoit que «Les administrateurs ou membres du directoire, selon le cas, gérants et directeurs des fonds d'investissement spécialisés, des sociétés de gestion, des dépositaires ainsi que de toute entreprise concourant aux activités du fonds d'investissement spécialisé soumis à la surveillance de la CSSF ainsi que les liquidateurs en cas de liquidation volontaire d'un fonds d'investissement spécialisé peuvent être frappés par celle-ci d'une amende d'ordre de 125 à 12.500 euros au cas où ils refuseraient de fournir les rapports financiers et les renseignements demandés ou lorsque ceux-ci se révéleraient incomplets, inexacts ou faux, ainsi qu'en cas d'infraction à l'article 52 de la présente loi ».

Nous vous avons également informés qu'en l'absence de transmission du rapport annuel précité, la CSSF vous impose une amende d'ordre conformément à l'article 51 (1) de la Loi, laquelle pourra faire l'objet d'une publication en application de l'article 51 (3) de la Loi.

Etant donné que le délai imparti par la CSSF s'est écoulé et que le rapport annuel précité fait toujours défaut à ce jour, la CSSF prononce à votre encontre, sur base de l'article 51 (1) de la Loi, une amende d'ordre d'un montant d'EUR 2.000 (deux mille euros).

Nous vous prions de trouver en annexe une facture indiquant les modalités de paiement de l'amende ainsi que la référence à rappeler impérativement lors du virement.

Dans la mesure où cette amende a été prononcée à votre encontre en raison d'un manquement par rapport à vos propres responsabilités professionnelles, nous vous signalons qu'il n'est en aucun cas acceptable de prélever le montant de l'amende des actifs de l'(S).

Comme vous êtes par ailleurs toujours en défaut de nous fournir le rapport en question, nous en exigeons la communication immédiate (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 novembre 2019, inscrite sous le numéro 43857 du rôle, Monsieur (L) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation des deux décisions précitées de la CSSF du 29 octobre 2019, ci-après « les décisions déférées », prononçant chacune à son encontre une amende d’ordre de 2.000,- euros pour non-transmission du rapport annuel se 7rapportant à l’exercice comptable s’étant terminé le 31 décembre 2018, respectivement de la lettre de recommandations (« Management letter ») relative au même exercice, ci-après « les documents litigieux ».

Par jugement du 23 novembre 2021, le tribunal rejeta d’abord la demande visant à voir « enjoindre à la CSSF de communiquer le dossier administratif » tout en déclarant le recours principal en réformation recevable, mais non fondé, en en déboutant le demandeur, en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur son recours subsidiaire en annulation, en rejetant les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure des deux parties et en condamnant l’appelant aux frais et dépens.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 21 décembre 2021, Monsieur (L) a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 23 novembre 2021 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir annuler, sinon réformer ce jugement et de voir réformer, sinon annuler les deux décisions litigieuses en disant qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une amende d’ordre, sinon subsidiairement de voir poser à la Cour constitutionnelle des questions préjudicielles par lui proposées concernant la conformité de l’article 51 de la loi modifiée du 13 février 2007 relative aux fonds d’investissement spécialisés, ci-après « la loi du 13 février 2007 », par rapport à l’article 14 de la Constitution.

En instance d’appel, l’appelant réitère d’abord son moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en estimant que si la CSSF avait communiqué son intention de prononcer à son encontre des amendes administratives et signalé qu’il était admis à formuler ses observations y relativement, elle avait cependant omis un élément essentiel, à savoir celui qu’il était en droit de solliciter, endéans le délai imparti, qu’il puisse être entendu en personne.

La CSSF estime avoir rempli ses obligations découlant de l’article 9 en question en renvoyant précisément audit article pertinent tout en signalant à l’intéressé qu’il pouvait faire valoir ses observations. Elle demande la confirmation du jugement dont appel sur ce point ayant débouté Monsieur (L) de sondit moyen déjà invoqué en première instance.

L’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que « Sauf s'il y a péril en la demeure, l'autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d'office pour l'avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d'une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l'amènent à agir.

Cette communication se fait par lettre recommandée. Un délai d'au moins huit jours doit être accordé à la partie concernée pour présenter ses observations.

Lorsque la partie concernée le demande endéans le délai imparti, elle doit être entendue en personne. (…) » 8Si les parties convergent pour admettre que la CSSF a rempli les obligations découlant de l’article 9 en question en ce qu’elle a fait part à Monsieur (L) de son intention de prononcer des amendes administratives à son encontre dans le contexte des dispositions de l’article 51, paragraphe 1, de la loi modifiée du 13 février 2007, tel que résultant de la modification opérée par la loi du 26 mars 2012, tout en énonçant que l’intéressé avait la possibilité de faire valoir ses observations conformément à l’article 9 en question, elles sont néanmoins contraires quant à la question de savoir dans quelle mesure la CSSF aurait également dû avertir l’intéressé de son droit découlant du même article 9 in fine que si la partie concernée le demandait endéans le délai imparti, elle devait être entendue en personne.

Le tribunal, dans son jugement dont appel, a été d’avis que le fait par la CSSF de renvoyer globalement à l’article 9 en question suffisait comme indication de la part de l’autorité ayant statué, sans que celle-ci n’ait dû expressément indiquer à l’administré en question l’existence de son droit de solliciter dans le délai imparti, d’être entendu en personne.

Il est constant en cause et d’ailleurs contesté par aucune des parties que l’article 9 en question est applicable au cas de figure de la procédure sous analyse, la CSSF ayant agi de sa propre initiative en dehors d’une quelconque demande de la partie demanderesse initiale, l’appelant actuel.

L’article 9 en question s’inscrit dans le cadre des objectifs de la loi habilitante du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, ci-après « la loi du 1er décembre 1978 », contenus à l’alinéa 2 de son article 1er énonçant que les règles générales destinées à réglementer la procédure administrative non contentieuse à résulter précisément du règlement grand-ducal d’application du 8 juin 1979 « doivent notamment assurer le respect des droits de la défense de l’administré en aménageant dans la mesure la plus large possible la participation de l’administré à la prise de la décision administrative ».

L’alinéa 3 du même article 1er précise que dans ce cadre, [ses règles générales] en question « assurent la collaboration procédurale de l’administration, consacrent le droit de l’administré d’être entendu (…) ».

Tant la loi du 1er décembre 1978 que le règlement grand-ducal d’application du 8 juin 1979 sont restés inchangés à ce jour et excellent par un libellé général et impersonnel qui, au fil des décennies, n’a point perdu de son actualité et, au contraire, continue à régler en plénitude les relations entre l’administration, partie en général forte, assortie de droits exorbitants du droit commun de nature à pouvoir agir dans l’intérêt général, face à l’administré, généralement la partie faible.

Il est imparti au juge administratif de créer l’équilibre indispensable à un vivre en commun aussi adéquat que possible compte tenu des exigences d’un Etat de droit, conformément au principe fondamental afférent consacré par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 28 mai 2019 (n° 146 du registre), compte tenu de l’évolution de l’action administrative au fil des décennies passées et de la modernisation des relations entre administration et administrés, ne fût-ce qu’en raison des progrès d’ordre technique tous azimuts intervenus depuis l’entrée en vigueur de la procédure administrative non contentieuse en 1979.

9 La Cour constate que depuis 1979 une tendance nette à la numérisation, à la distanciation personnelle entre l’administration et ses administrés, accentuée ces deux dernières années par la pandémie, à l’anonymisation tous azimuts et à la déshumanisation des rapports entre parties s’est développée sans conteste possible.

La Cour note encore que si les moyens techniques ont permis une informatisation tous azimuts des procédures et une rationalisation des rapports de force en découlant, cette évolution s’est opérée dans le sens d’une déshumanisation prononcée où le personnel de l’administration se retrouve de plus en plus à une distance accentuée par rapport aux administrés au service desquels il est pourtant appelé à déployer ses efforts.

Dans ce contexte général, force est à la Cour de retenir que les dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne se trouvent pas utilement respectées par l’indication faite par une administration à un administré qu’il avait la possibilité de présenter ses observations dans un délai imparti à condition qu’il soit au moins de 8 jours, ni encore en adjoignant un renvoi à l’article 9 en question, tel que la CSSF l’a fait à un double titre dans la présente affaire, mais que, de manière impérative, face à cette évolution a priori difficilement réversible de déshumanisation des rapports entre administration et administrés, il aurait fallu que l’administration rende spécialement attentif l’administré concerné de sa possibilité de demander d’être entendu en personne, à condition de le faire dans ledit délai imparti, tel que ce droit se trouve précisément consacré par l’article 9 in fine en question, en application de l’article 1er, alinéas 2 et 3, de la loi habilitante du 1er décembre 1978 qui impose que soient assurés la participation la plus large possible à la prise de la décision et le droit de l’administré d’être entendu (« Recht auf Gehör »).

Dès lors, par réformation du jugement dont appel, la Cour est amenée à accueillir le moyen de l’appelant, réitéré, tiré de la violation des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, à interpréter sur la toile de fonds, des objectifs expressément articulés figurant à l’article 1er, alinéas 2 et 3, de la loi du 1er décembre 1978 qui lui sert de base habilitante et à renvoyer l’affaire en prosécution de cause devant la CSSF.

Eu égard à la solution ainsi dégagée, l’analyse des autres moyens proposés en cause devient surabondante, de même que celle de la question préjudicielle suggérée par l’appelant sous son double volet.

L’appelant sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de ….- € pour la première instance et d’une indemnité d’un même montant pour l’instance d’appel, tandis que la CSSF demande la condamnation de la partie appelante au même titre au paiement d’une somme afférente de ….- €.

Eu égard à l’issue du litige, la demande de la CSSF est à rejeter.

Toujours eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de la partie appelante est à accueillir en son principe, tant pour ce qui est de la première instance que pour ce qui est de l’instance d’appel.

10La Cour évalue ex aequo et bono le montant à allouer à Monsieur (L) à titre d’indemnité de procédure globale pour les deux instances à 1.000.- €.

Il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à la CSSF.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit justifié ;

par réformation du jugement dont appel, annule les deux décisions critiquées de la CSSF du 29 octobre 2021 pour violation des dispositions de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ensemble les objectifs afférents expressément inscrits à la loi habilitante du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse, tels que figurant aux alinéas 2 et 3 de son article 1, et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant la CSSF ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la CSSF ;

accueille les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées par la partie appelante ;

condamne la CSSF à payer à Monsieur (L) le montant de 1.000.- € à titre d’indemnité de procédure globale pour les deux instances ;

condamne la CSSF aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 mai 2022 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46817C
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-05-03;46817c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award