La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2022 | LUXEMBOURG | N°53/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 avril 2022, 53/22


N° 53 / 2022 du 21.04.2022 Numéro CAS-2021-00044 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un avril deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

L), demanderesse en cassation, comparant

par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

l’ETA...

N° 53 / 2022 du 21.04.2022 Numéro CAS-2021-00044 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-et-un avril deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Monique SCHMITZ, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

L), demanderesse en cassation, comparant par Maître Guy THOMAS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre d’Etat, ayant ses bureaux à L-1341 Luxembourg, 2, Place de Clairefontaine, défendeur en cassation, comparant par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 192/18-VII-CIV, rendu le 19 décembre 2018 sous le numéro 45351 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 16 avril 2021 par L) à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG (ci-après l’« l’ETAT »), déposé le 20 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de Justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 15 juin 2021 par l’ETAT à L), déposé le 16 juin 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, L) s’était vu refuser par l’ETAT l’aide financière pour études supérieures pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013 au motif qu’elle ne remplissait pas la condition requise par l’article 1, point 2°, b) de la loi du 26 juillet 2010 modifiant la loi modifiée du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures et que nonobstant l’arrêt C-20/12 du 20 juin 2013 par lequel la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « la CJUE ») a retenu la non-conformité du texte susvisé au droit communautaire, l’ETAT avait maintenu son refus d’octroi de l’aide financière pour les années concernées au motif que la demanderesse en cassation n’avait pas introduit un recours administratif contre ces décisions.

Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait dit non fondée l’action en responsabilité civile dirigée par L) contre l’ETAT aux fins de se voir indemniser du préjudice découlant du refus de lui accorder l’aide financière. La Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris au motif que la demanderesse avait omis d’introduire devant les juridictions administratives des recours contre les décisions de refus de l’aide lui notifiées et que l’action obligerait le juge judiciaire à dépasser son champ de compétence en devant contrôler la légalité d’actes administratifs individuels.

Sur les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens de cassation, qui sont préalables aux quatre premiers moyens de cassation Sur le cinquième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation de l’article 6.1. de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile pour contradiction de motifs de l’arrêt équivalant à une absence de motifs, Pour avoir rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subi du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010.

Aux motifs propres que l’appelante soutient que la faute reprochée à l’Etat sur base des dispositions de l'article 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 1er septembre 1988, sinon des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 3 du Code civil dans le cadre de sa demande en indemnisation n’est pas la prise des décisions individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013, mais l’adoption de la loi du 26 juillet 2010 dont la contrariété au droit communautaire a été reconnue par l’arrêt précité de la CJUE du 20 juin 2013, respectivement le refus d’application immédiate par l’administration, soit par le CEDIES, du droit de l’Union Européenne, en dépit du texte législatif contraire ; que le principe de la responsabilité de l’Etat du chef de son pouvoir législatif, respectivement de son pouvoir exécutif, pour violation du droit communautaire, par l’adoption de lois ou par le prise de décisions individuelles, n’est pas controversé entre parties, mais l’Etat soutient que les règles nationales peuvent, sous certaines conditions, restreindre la réparation des conséquences d’une violation du droit européen. A ce titre, l’intimé invoque la force de chose décidée » des décisions individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013 ; que c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse originaire entend, par le biais de sa demande en allocation de dommages et intérêts pour responsabilité civile de l’Etat du fait de son activité législative, sinon de son activité exécutive, obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures (bourses et prêts) qui lui ont été refusées pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013 par les décisions administratives individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013.

Le dommage moral invoqué par L), tiré des inquiétudes pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union Européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat de décisions individuelles à son égard et il ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 ; que la demande en indemnisation de L) trouve donc sa cause dans les décisions administratives prises les 3 février 2012 et 13 mars 2013 qui lui font grief.

Aux motifs adoptés que admettre la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des bourses refusées reviendrait à anéantir en fait les décisions de refus pourtant définitivement entrées dans l'ordonnancement juridique, à défaut d'avoir fait l'objet du seul recours légal adéquat devant le Tribunal administratif ; que faire droit à la demande en indemnisation pour préjudice matériel et moral subi en relation avec les décisions de refus présupposerait le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentre pas dans le champ de compétence du juge judiciaire.

Alors qu’en retenant que le dommage moral invoqué par L) et tiré des inquiétudes pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union Européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat de décisions individuelles à son égard et il ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010, les juges du fond ont admis que le dommage moral subi par la demanderesse en cassation est, du moins partiellement, résulté de l’adoption de la loi du 26 juillet 2010, sans en tirer les conséquences qui s’imposaient au niveau de son indemnisation. ».

Réponse de la Cour Dès lors que la demanderesse en cassation ne soulève pas une contradiction entre deux motifs de fait, mais reproche aux juges d’appel de ne pas en avoir tiré les conséquences de droit qui s’imposaient, le grief, qui est relatif au bien-fondé des conséquences juridiques déduites d’un fait matériel, est étranger à celui de la contradiction de motifs.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris du défaut de base légale au regard des articles 1 alinéa 1er de la loi du 1er septembre 1988, 1382, 1383 et 1384 al. 3 du code civil, Pour avoir rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010.

Aux motifs propres que l’appelante soutient que la faute reprochée à l’Etat sur base des dispositions de l'article 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 1er septembre 1988, sinon des articles 1382, 1383 et 1384 alinéa 3 du Code civil dans le cadre de sa demande en indemnisation n’est pas la prise des décisions individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013, mais l’adoption de la loi du 26 juillet 2010 dont la contrariété au droit communautaire a été reconnue par l’arrêt précité de la CJUE du 20 juin 2013, respectivement le refus d’application immédiate par l’administration, soit par le CEDIES, du droit de l’Union Européenne, en dépit du texte législatif contraire ; que le principe de la responsabilité de l’Etat du chef de son pouvoir législatif, respectivement de son pouvoir exécutif, pour violation du droit communautaire, par l’adoption de lois ou par le prise de décisions individuelles, n’est pas controversé entre parties, mais l’Etat soutient que les règles nationales peuvent, sous certaines conditions, restreindre la réparation des conséquences d’une violation du droit européen. A ce titre, l’intimé invoque » des décisions individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013 ; que c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse originaire entend, par le biais de sa demande en allocation de dommages et intérêts pour responsabilité civile de l’Etat du fait de son activité législative, sinon de son activité exécutive, obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures (bourses et prêts) qui lui ont été refusées pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013 par les décisions administratives individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013.

Le dommage moral invoqué par L), tiré des inquiétudes pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union Européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat de décisions individuelles à son égard et il ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 ; que la demande en indemnisation de L) trouve donc sa cause dans les décisions administratives prises les 3 février 2012 et 13 mars 2013 qui lui font grief.

Aux motifs adoptés que admettre la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des bourses refusées reviendrait à anéantir en fait les décisions de refus pourtant définitivement entrées dans l'ordonnancement juridique, à défaut d'avoir fait l'objet du seul recours légal adéquat devant le Tribunal administratif ; que faire droit à la demande en indemnisation pour préjudice matériel et moral subi en relation avec les décisions de refus présupposerait le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentre pas dans le champ de compétence du juge judiciaire.

première branche Alors que la Cour d’appel a manqué d’examiner en quoi l’arrêt GIERSCH de la CJUE, interprète attitré des textes de l’Union européenne et de la conformité des textes nationaux aux textes en question, dans plusieurs affaires de principe (ou affaires pilotes) lui renvoyées à titre préjudiciel par notre tribunal administratif pour se prononcer sur la conformité de la loi du 26 juillet 2010 avec les textes communautaires ayant trait au même cas de figure que celui de l’actuelle demanderesse en cassation, ne constituait pas un constat d’illégalité suffisant pour entraîner la responsabilité de l’Etat-législateur dans l’ensemble des demandes de bourse identiques d’étudiants ayant déjà déposé un recours en la matière, sans réitérer ces recours par la suite pour des raisons économiques évidentes ;

Alors qu’en présence de cet arrêt GIERSCH, que le tribunal administratif a entériné dans les affaires pilotes et qu’il n’aurait pas manqué d’entériner automatiquement dans l’hypothèse où Mme L) aurait encore déposé des recours pour les années 2011-2012 et 2012-2013, la saisine dudit tribunal n’aurait rien apporté de plus qu’un encombrement sans précédent de son rôle.

deuxième branche Alors qu’à tout le moins, en ne recherchant pas si par les décisions individuelles invoquées, l’administration avait exercé un quelconque autre pouvoir que d’appliquer mécaniquement la loi illégale, elle n’a pas justifié sa décision au regard desdites dispositions. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En rejetant la demande indemnitaire trouvant sa cause dans les décisions administratives individuelles de refus d’attribution d’une aide financière qui n’avaient pas été attaquées par la demanderesse en cassation devant le tribunal administratif, les juges d’appel, qui n’avaient pas compétence pour statuer par voie d’exception sur la légalité de ces mêmes actes, n’encourent pas le reproche d’avoir omis d’anticiper l’issue d’un tel recours hypothétique et se sont partant déterminés par des motifs exempts d’insuffisance.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première banche, n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen En constatant que le préjudice invoqué trouve sa source dans les décisions administratives individuelles de refus d’octroi de l’aide financière, conclusion déduite du fait que la demande en réparation du préjudice matériel est à considérer comme une demande en paiement par équivalent des aides financières refusées et que le préjudice moral se rapporte également à ce refus d’octroi d’aide, les juges d’appel n’avaient plus à s’interroger sur la marge d’appréciation réservée à l’Administration par la loi du 26 juillet 2010 et se sont partant déterminés par des motifs exempts d’insuffisance.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation des articles 1 alinéa 1er de la loi du 1er septembre 1988, 1382, 1383 et 1384 al 3 du code civil, Pour avoir rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subi du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010.

Aux motifs énoncés au moyen précédent Alors que lorsqu’une décision administrative individuelle ne fait qu’appliquer un texte législatif ne lui laissant aucune autonomie, le préjudice éventuellement subi ne résulte pas de la décision individuelle qui se fonde sur ce texte mais de la loi dont elle fait application ;

Qu’en opposant la force de chose décidée des décisions administratives individuelles non déférées au tribunal administratif tout en refusant de prendre en considération l’autorité de l’arrêt GIERSCH de la CJUE intervenu sur renvoi préjudiciel du tribunal administratif dans des affaires pilotes concernant les mêmes décisions de refus que celles opposées à la demanderesse en cassation et ayant déclaré la loi du 26 juillet 2010 non-conforme aux textes communautaires, partant illégale et discriminatoire, alors que c’est cette loi, et elle seule, qui était à l’origine du préjudice, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. ».

Réponse de la Cour Le moyen fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir admis que le préjudice invoqué par la demanderesse en cassation a été causé par la loi du 26 juillet 2010.

Sous le couvert du grief tiré des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, du lien de causalité entre les fautes invoquées, à savoir l’adoption par le législateur de la loi du 26 juillet 2010, les décisions administratives de refus d’attribution de l’aide financière à la demanderesse en cassation et le préjudice allégué, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le huitième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation de l’article 84 de la Constitution, des articles 1er alinéa 1 de la loi du 1er septembre 1988, 1382, 1383 et 1384 al 3 du code civil, Pour avoir rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral résultant des décisions administratives d’application de la loi du 26 juillet 2010.

Aux motifs énoncés au sixième moyen Aux motifs encore que conformément à ce qu’a retenu le tribunal, en appréciant la demande de L), la Cour devrait donc trancher de manière incidente la question de l’illégalité d’actes administratifs à titre individuel. Or, les actes à caractère individuel, passé le délai de recours de trois mois devant le tribunal administratif, ne peuvent être remis en cause par voie d'exception d'illégalité, ni par le juge administratif, ni par le juge judiciaire dans le cadre d'une instance ultérieure.

Le juge judiciaire luxembourgeois refuse, en effet, l'annulation de facto par voie d’exception d’un acte administratif individuel par respect des attributions des juridictions de l'ordre administratif. Il a ainsi été retenu que les tribunaux judiciaires n’avaient pas compétence pour connaître du fond du litige qui oppose une société à la Chambre de Commerce au sujet de bulletins de cotisation argués d’illégaux, étant donné que cette société aurait dû faire valoir ses réclamations devant les juridictions administratives auxquelles il appartenait d’assurer la stabilité des situations juridiques produites par des décisions administratives individuelles. L’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire a été motivée plus spécialement par la circonstance que les bulletins de cotisation litigieux n’avaient fait l’objet d’aucun recours devant les juridictions administratives dans le délai contentieux requis et qu’admettre que l’on puisse devant le juge judiciaire discuter des cotisations litigieuses en s’attaquant aux bulletins de cotisation eux-mêmes dans le dessein de les anéantir et d’en effacer les conséquences, n’entraîne pas seulement un risque de confusion entre le pouvoir du juge administratif et le juge judiciaire, mais, de surcroît, reviendrait à soumettre devant le juge judiciaire une problématique en rapport avec un acte administratif individuel qu’on a négligé d’attaquer dans le délai légal devant la juridiction administrative (Cour 23 mai 2012, no 36670 du rôle et Cass. 13 novembre 1986, Pas 27, p. 34, cités in La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3ème édition, Pasicrisie luxembourgeoise 2014, n° 211, p. 240).

La doctrine a relevé elle aussi que lorsque la demande en dommages et intérêts introduite devant le juge judiciaire tend en réalité à anéantir l’acte administratif, à en effacer les conséquences, à réparer en nature le dommage qu’il a causé, il y a risque de confusion entre le pouvoir du juge administratif et celui du juge judiciaire…Il faudrait donc que le juge judiciaire alors même qu’il se reconnaîtrait compétent pour connaître de la légalité des actes administratifs comme préalable à une demande de responsabilité civile, se refuse à connaître des demandes tendant indirectement à l’anéantissement de l’acte administratif taxé d’illégal » (Georges Ravarani, La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3 éd. n° 212).

La Cour de cassation luxembourgeoise a finalement retenu qu’une demande tendant à faire sanctionner l’illégalité d’une décision administrative définitive en empruntant la voie civile est irrecevable, au motif qu’une telle démarche contournerait les règles du droit administratif sur les recours, visant à assurer la stabilité des situations produites par les décisions administratives individuelles (Cass. 7 janvier 2016, n 3/16, JTL 2016, confirmant une décision de la Cour d’appel du 21 janvier 2015 no 39254 du rôle). C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu que la demande en indemnisation de Mme L) pour responsabilité de l’Etat du fait de la prise des décisions des 3 février 2012 et 13 mars 2013 en vertu d’une disposition légale, ayant par la suite été déclarée contraire au droit communautaire, ne saurait aboutir eu égard aux règles de droit interne.

Alors que à supposer qu’il n’ait été demandé réparation que du préjudice résultant des décisions administratives d’application de la loi illégale, il appartient au juge civil, même en l’absence de recours direct contre ces décisions, d’en apprécier la légalité, et, si elles sont illégales, de réparer le préjudice causé par elles ; qu’en statuant autrement, la Cour d’appel a méconnu sa compétence et violé l’article 84 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour En retenant par les motifs critiqués que l’exception d’illégalité des décisions administratives individuelles ne pouvait être accueillie au motif qu’elle aurait pour effet de contourner les règles régissant les recours de droit administratif et en rejetant la demande de la demanderesse en cassation de faire constater, par les juridictions judiciaires, l’illégalité des décisions qu’elle avait omis d’attaquer devant les juridictions de l’ordre administratif et de voir réparer le préjudice en résultant, la Cour d’appel a statué dans les limites de la compétence attribuée aux juridictions de l’ordre judiciaire.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation de l’article 84 de la Constitution, des articles 1er alinéa 1 de la loi du 1er septembre 1988, 1382, 1383 et 1384 al 3 du code civil, Pour avoir rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation du préjudice matériel indépendant du paiement des aides refusées et du préjudice moral à elle causé par les décisions administratives d’application de la loi du 26 juillet 2010.

Aux motifs énoncés au sixième moyen Alors que, à supposer même que le juge judiciaire ne soit pas compétent pour réparer le préjudice matériel résultant des décisions administratives litigieuses, il est et demeure seul compétent pour réparer le préjudice distinct de celui équivalent au bénéfice des sommes refusées par les décisions administratives, notamment moral, qu’en se déclarant incompétente pour réparer ce préjudice, la Cour d’appel a méconnu sa compétence et violé l’article 84 de la Constitution code civil. ».

Réponse de la Cour Au vu de la réponse donnée au huitième moyen, la Cour d’appel n’a pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les troisième et quatrième moyens de cassation qui sont préalables aux deux premiers moyens de cassation Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris du manque de base légale au regard des articles 1er alinéa 1 de la loi du 1er septembre 1988, 1382, 1383 et 1384 al 3 du code civil, de l’article 7§2 du règlement CE n° 1612/68 (entretemps remplacé par le règlement UE n° 492/2011), du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer l’efficacité de la disposition communautaire, par une protection juridictionnelle directe et immédiate.

En ce que les juges du fond ont rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010 et de l’application qui lui en a été faite aux motifs :

- qu’il lui aurait appartenu de diligenter des recours devant les juridictions administratives contre les différentes décisions administratives individuelles lui refusant les aides financières de l’Etat luxembourgeois pour études supérieures (ci-

après les ) demandées et qu’admettre la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des bourses refusées reviendrait à anéantir en fait les décisions de refus pourtant définitivement entrées dans l'ordonnancement juridique, à défaut d'avoir fait l'objet du seul recours légal adéquat devant le Tribunal administratif ; que faire droit à la demande en indemnisation pour préjudice matériel et moral subi en relation avec les décisions de refus présupposerait le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentrerait pas dans le champ de compétence du juge judiciaire nonobstant la déclaration contraire au droit communautaire de la loi du 26 juillet 2010 sur les bourses (ayant servi de base auxdites décision individuelles) par arrêt de la CJUE du 20 juin 2013 (affaire C-20/12, GIERSCH et autres) ;

- que l’obligation ainsi imposée à la demanderesse en cassation d’introduire par le ministère d’avocat à la Cour plusieurs recours devant le tribunal administratif contre les multiples décisions individuelles intervenues à son égard n’aurait pas rendu son préjudice eu égard aux faits ;

- que L) n’établit pas qu’elle se soit trouvée dans un état de économique » par rapport à l’Etat, étant donné que son avocat a traité plusieurs affaires du même genre en sorte qu’il se trouvait également dans une situation lui permettant de préparer des recours-types et un mémoire en réplique-type lui permettant de diminuer le travail et les coûts relatifs aux recours et que l’Etat devait, de son côté, rémunérer tant son avocat, que ses délégués du gouvernement ;

- que le reproche adressé par L) à l'Etat de n'avoir pas suspendu le processus décisionnel à propos des demandes d'aides jusqu'à ce que la CJUE se soit prononcée à propos de l'affaire GIERSCH ne saurait être déclaré fondé et impliquer la constatation d'une faute dans le chef de l'Etat, qui se doit, par principe et dans un souci de bonne administration, de traiter les demandes qui lui sont adressées et de faire suivre sa décision dans un délai raisonnable ;

première branche 1°) Alors qu’à supposer même qu’en droit interne luxembourgeois, le juge civil ne puisse, sans violer l’autorité de chose décidée, accorder réparation du préjudice causé par une décision administrative individuelle non attaquée devant la juridiction administrative, même si celle-ci n’a pas d’autonomie par rapport à la loi, il ne peut en être ainsi lorsque cette exigence rend excessivement difficile l’exercice de recours tendant à voir sanctionner la violation par l’Etat du droit de l’Union européenne ;

Qu’il en est ainsi lorsque l’exigence d’un recours administratif préalable fait obstacle sans motif utile à l’exercice de l’action en responsabilité ; QU’en refusant de dire l’exigence du recours préalable excessive en l’espèce, et en retenant que le nombre de recours à engager ni le coût de ceux-ci n’étaient excessifs au regard de l’enjeu du litige, la Cour d’appel a statué par des motifs abstraits - sans égard au cas concret de L) en tant qu’étudiante démunie de ressources propres - et n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 84 TFUE ensemble avec l’article 7§2 du règlement CE n° 1612/68 (entretemps remplacé par le règlement UE n° 492/2011), du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer l’efficacité de la disposition communautaire, par une protection juridictionnelle directe et immédiate.

deuxième branche 2°) Alors au demeurant qu’en n’examinant pas les conséquences du coût imposé à la requérante - étudiante sans ressources propres - par l’attitude de l’Etat multipliant les décisions sans attendre la solution du contentieux des affaires pilotes renvoyées devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, alors même que suivant le droit national, elle aurait pu notifier des décisions de refus sans faire courir un délai de forclusion, et en augmentant ainsi les obstacles mis à la défense des droits de la requérante, la Cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions.

troisième branche 3°) Alors en tout cas qu’en présence d’un moyen sérieux basé sur l’article 84 TFUE ensemble l’article 7§2 du règlement CE n° 1612/68 (entretemps remplacé par le règlement UE n° 492/2011), et du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer son efficacité de la disposition communautaire, par une protection juridictionnelle directe et immédiate, le juge national dont la décision n’est pas susceptible de recours doit saisir la Cour de Justice de l’Union de la question préjudicielle de la conformité au droit de la question posée ; qu’il appartiendra donc à la Cour de cassation de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de Justice de l’Union Européenne les questions ainsi libellées :

1 - Les principes de droit européen selon lequel les Etats membres sont tenus de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire, constatées par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, qu’elles émanent du législateur ou de l’administration, et d’appliquer le principe de l’autonomie procédurale, de l’équivalence et de l’effectivité lors d’une telle demande en indemnisation s’opposent-t-ils à ce que le droit à l’indemnisation soit subordonné à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée » du droit européen, du moment que le droit national n’exige qu’une faute simple dans le chef de l’Etat membre pour engager la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques ;

2 - Les mêmes principes s’opposent-t-ils à ce que l’ordre juridique national puisse subordonner une telle action au recours préalable de la victime devant le juge administratif aux fins de réformation sinon annulation de l’acte administratif ayant, sur stricte application de la loi jugée contraire au droit européen, directement causé le préjudice dans le chef de la victime, sous peine d’irrecevabilité ou de rejet de l’action judiciaire en responsabilité du législateur ou de l’administration, alors que :

a) le bénéfice refusé par ladite loi contraire au droit européen et les décisions ministérielles en découlant l’a été de façon semestrielle par l’administration à tous les travailleurs frontaliers ayant des enfants en cours d’études supérieures et que le délai de forclusion pour exercer ce recours devant le tribunal administratif était pour chaque décision de trois mois, b) plusieurs affaires de principe étaient pendantes devant les juridictions administratives nationales en attendant la réponse de la Cour de Justice de l’Union européenne à une question préjudicielle lui posée par jugement du tribunal administratif du 11 janvier 2012 ayant donné lieu à l’arrêt GIERSCH e.a. du 20 juin 2013 (aff. C-20/12), dont l’issue valait décision de principe pour toutes les autres affaires dans le même cas, c) l’administration a délibérément notifié des décisions faisant courir ce délai, alors même que suivant le droit national, elle aurait pu notifier des décisions de refus sans faire courir un délai de forclusion, ce qui aurait permis aux administrés d’attendre l’issue de l’affaire de principe sans devoir attaquer chaque décision semestrielle endéans ce délai de forclusion, d) la procédure devant les juridictions administratives nationales, qui aurait dû être suivie au préalable selon l’argumentation de l’Etat luxembourgeois, prévoit obligatoirement le ministère d’avocat à la Cour et ne permet pas de suspendre les délais prévus pour l’échange strictement réglementé d’arguments obligatoirement écrits, et partant ne permet pas de limiter les frais et honoraires dudit avocat en dessous d’un certain seuil sous peine de forclusion dans la présentation des moyens de réplique, rendant ainsi une telle procédure particulièrement onéreuse et disproportionnée par rapport à l’avantage escompté, e) L’Etat a la faculté de se faire représenter par des délégués de gouvernement devant les juridictions administratives, fonctionnaires de l’Etat recevant un traitement fixe et sans relation avec le nombre d’affaires traités pour le compte de l’Etat, tandis que les justiciables sont obligés de recourir à un avocat à la Cour dont les frais et honoraires sont basés sur un taux horaire variant dès lors en fonction du nombre des actes posés, Quelle que soit l’interprétation du droit luxembourgeois seul que croira devoir faire la Cour de cassation, cette interprétation ne peut être faite qu’à la lumière du droit de l’Union Européenne, dont il lui appartient d’assurer la pleine efficacité. ».

Réponse de la Cour Sur les première et deuxième branches du moyen réunies En retenant « L’ETAT fait répliquer à bon escient que du fait que de nombreux étudiants étaient concernés par les recours administratifs auxquels se réfère l’appelante, le mandataire de celle-ci se trouvait également dans une situation lui permettant de préparer des recours-types et un mémoire en réplique-type et qu’il était donc en mesure de diminuer le travail et les coûts relatifs auxdits recours.

Il s’ajoute que l’ETAT devait, de son côté, rémunérer tant son avocat, que ses délégués du gouvernement.

Le tribunal a donc retenu à bon droit que L) n’établit pas qu’elle se soit trouvée dans un état de « faiblesse économique » par rapport à l’intimé.

En ce qui concerne le reproche de l’absence de suspension du processus décisionnel qui aurait rendu plus difficile l’exercice d’un recours en obligeant les concernés à introduire des recours multiples, aucun texte de loi n’oblige l’ETAT à surseoir à son activité de prise de décisions administratives individuelles en raison du fait que d’autres décisions du même genre se trouvent attaquées devant les juridictions administratives (…) », la Cour d’appel ne s’est pas prononcée par des considérations abstraites, d’ordre général, mais a, à suffisance, constaté les faits qui l’ont amenée à retenir que l’exigence imposée à la demanderesse en cassation d’introduire des recours devant le tribunal administratif contre les décisions de refus critiquées ne rendait pas impossible ou excessivement difficile la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat pour la violation du droit de l’Union européenne.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses première et deuxième branches, n’est pas fondé.

Sur la troisième branche du moyen Les deux premières branches du moyen tiré du manque de base légale ayant été rejetées, il n’y a pas lieu à renvoi devant la CJUE des questions préjudicielles proposées.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation des articles 1er alinéa 1 de la loi du 1er septembre 1988, 1382, 1383 et 1384 al 3 du code civil, de l’article 7§2 du règlement CE n° 1612/68 (entretemps remplacé par le règlement UE n° 492/2011), du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer l’efficacité de la disposition communautaire, par une protection juridictionnelle directe et immédiate.

En ce que les juges du fond ont rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010 et de l’application qui lui en a été faite aux motifs qu’il lui aurait appartenu de diligenter des recours devant les juridictions administratives contre les différentes décisions administratives individuelles lui refusant les aides financières de l’Etat luxembourgeois pour études supérieures (ci-après les ) demandées et qu’admettre la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des bourses refusées reviendrait à anéantir en fait les décisions de refus pourtant définitivement entrées dans l'ordonnancement juridique, à défaut d'avoir fait l'objet du seul recours légal adéquat devant le Tribunal administratif ; que faire droit à la demande en indemnisation pour préjudice matériel et moral subi en relation avec les décisions de refus présupposerait le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentrerait pas dans le champ de compétence du juge judiciaire nonobstant la déclaration contraire au droit communautaire de la loi du 26 juillet 2010 sur les bourses (ayant servi de base auxdites décision individuelles) par arrêt de la CJUE du 20 juin 2013 (affaire C-

20/12, GIERSCH et autres) ;

1°) Alors que compétence [en tant qu’organe d’un Etat membre], les dispositions du droit communautaire a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de par sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » (arrêt SIMMENTHAL, point 24 en liaison avec le point 16) ; que ce principe trouve également application lorsque des dispositions internes d’un Etat membre empêchent une juridiction civile de réparer un préjudice résultant d’une violation du droit de l’Union européenne en l’absence de constat d’illégalité par la juridiction administrative ; qu’en pareille hypothèse, le juge national doit passer outre cet obstacle purement interne pour assurer tout son effet à la norme communautaire violée, et cela d’autant plus que la CJUE a elle-même constaté l’illégalité de la loi du 26 juillet 2010 sur les bourses et des décisions individuelles y relatives ans le cadre d’une question préjudicielle à elle renvoyée par le tribunal administratif dans quatre affaires pilotes similaires diligentées par des étudiants non-résidents relevant de l’enseignement supérieur dont l’un des parents travaille comme transfrontalier au Grand-Duché de Luxembourg (arrêt GIERSCH e.a.) ;

Que la jurisprudence de la CJUE en matière de réparation des conséquences juridiques découlant de la violation du Droit de l’Union européenne ne se borne en effet pas à laisser au droit national le droit de tirer toutes les conséquences juridiques découlant de cette violation, mais impose à l’Etat une obligation de réparation à l’égard du particulier, y compris lorsque cette violation découle d’un jugement définitif de la plus haute juridiction nationale (arrêt KÖBLER, C-224/01), mais également - par voie de conséquence - en présence d’une décision administrative individuelle n’ayant pas fait l’objet d’un recours de la part de la victime, nonobstant d’éventuelles règles procédurales nationales y faisant obstacle.

2°) Alors en tout cas qu’en présence d’un moyen sérieux tiré de la violation de l’article 84 TFUE ensemble l’article 7§2 du règlement CE n° 1612/68 (entretemps remplacé par le règlement UE n° 492/2011), et du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer son efficacité de la disposition communautaire, par une protection juridictionnelle directe et immédiate, le juge national dont la décision n’est pas susceptible de recours doit saisir la Cour de Justice de l’Union de la question préjudicielle de la conformité au droit de la question posée ; qu’il appartiendra donc à la Cour de cassation de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de Justice de l’Union Européenne les questions ainsi libellées :

1 - Les principes de droit européen selon lequel les Etats membres sont tenus de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire, constatées par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, qu’elles émanent du législateur ou de l’administration, et d’appliquer le principe de l’autonomie procédurale, de l’équivalence et de l’effectivité lors d’une telle demande en indemnisation s’opposent-t-ils à ce que l’ordre juridique national puisse subordonner une telle action au recours préalable de la victime devant le juge administratif aux fins de réformation sinon annulation de l’acte administratif ayant, sur stricte application de la loi jugée contraire au droit européen, directement causé le préjudice dans le chef de la victime, sous peine d’irrecevabilité ou de rejet de l’action judiciaire en responsabilité du législateur ou de l’administration, alors que a) le bénéfice refusé par ladite loi contraire au droit européen et les décisions ministérielles en découlant l’a été de façon semestrielle par l’administration à tous les travailleurs frontaliers ayant des enfants en cours d’études supérieures et que le délai de forclusion pour exercer ce recours devant le tribunal administratif était pour chaque décision de trois mois, b) plusieurs affaires de principe étaient pendantes devant les juridictions administratives nationales en attendant la réponse de la Cour de Justice de l’Union européenne à une question préjudicielle lui posée par jugement du tribunal administratif du 11 janvier 2012 ayant donné lieu à l’arrêt GIERSCH e.a. du 20 juin 2013 (aff. C-20/12), dont l’issue valait décision de principe pour toutes les autres affaires dans le même cas, c) l’administration a délibérément notifié des décisions faisant courir ce délai, alors même que suivant le droit national, elle aurait pu notifier des décisions de refus sans faire courir un délai de forclusion, ce qui aurait permis aux administrés d’attendre l’issue de l’affaire de principe sans devoir attaquer chaque décision semestrielle endéans ce délai de forclusion, d) la procédure devant les juridictions administratives nationales, qui aurait dû être suivie au préalable selon l’argumentation de l’Etat luxembourgeois, prévoit obligatoirement le ministère d’avocat à la Cour et ne permet pas de suspendre les délais prévus pour l’échange strictement réglementé d’arguments obligatoirement écrits, et partant ne permet pas de limiter les frais et honoraires dudit avocat en dessous d’un certain seuil sous peine de forclusion dans la présentation des moyens de réplique, rendant ainsi une telle procédure particulièrement onéreuse et disproportionnée par rapport à l’avantage escompté, e) l’Etat a la faculté de se faire représenter par des délégués de gouvernement devant les juridictions administratives, fonctionnaires de l’Etat recevant un traitement fixe et sans relation avec le nombre d’affaires traités pour le compte de l’Etat, tandis que les justiciables sont obligés de recourir à un avocat à la Cour dont les frais et honoraires sont basés sur un taux horaire variant dès lors en fonction du nombre des actes posés, 2 - L’arrêt Gerhard KÖBLER c/ Republik Österreich du 30 septembre 2013 (C-224/01) en ce qu’il oblige les Etats membres de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui leur sont imputables lorsque le manquement reproché est attribué à une juridiction suprême dont la décision est partant définitive et irrévocable en droit national, est-il transposable à un Etat membre dont une loi nationale a été déclarée non-conforme au droit de l’Union, mais dont des décisions administratives individuelles basées sur cette loi n’ont pas été attaquées en temps utile devant le tribunal administratif compétent et squi ont donc également définitives et irrévocables en droit national.

3 - L’arrêt SIMMENTHAL du 9 mars 1978 (aff. 106/77) en ce qu’il a décidé en son point 24 en liaison que est-il transposable à l’action en réparation d’un préjudice causé à des particuliers par des violations du droit communautaire applicable lorsque des dispositions internes d’un Etat membre empêchent une juridiction civile de réparer un préjudice résultant d’une violation du droit de l’Union européenne en l’absence de constat d’illégalité par la juridiction administrative. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Il appartient aux juridictions nationales d’appliquer, dans le respect de leurs compétences, les dispositions du droit de l’Union européenne, d’assurer le plein effet de ces normes, de protéger les droits qu’elles confèrent aux particuliers et d’assurer, conformément au droit national, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’efficacité, l’indemnisation des préjudices causés par l’Etat du chef de la violation du droit de l’Union européenne. Cette obligation ne dispense cependant pas la personne lésée de l’exigence, lui imposée le cas échéant par le droit national, de se montrer raisonnablement diligente pour éviter le préjudice ou en limiter la portée. Le respect de cette exigence fait partie du régime de la responsabilité de l’Etat défini par la CJUE selon laquelle l’existence d’un recours en manquement pendant devant elle ou la probabilité qu’elle soit saisie d’une demande de décision préjudicielle par le juge national ne peuvent, en tant que telles, constituer une raison suffisante pour conclure qu’il n’est pas raisonnable de devoir exercer une voie de droit.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé.

Sur la seconde branche du moyen Lorsqu’il n’existe aucun recours juridictionnel de droit interne contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la CJUE, conformément à l’article 267, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle, à moins qu’elle n’ait constaté que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union concernée a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la CJUE ou que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

Sur la première question préjudicielle La question repose sur la prémisse erronée que l’exigence d’un recours administratif préalable au recours civil en indemnité rend l’obtention de la réparation des dommages causés par la violation du droit de l’Union européenne excessivement difficile, dès lors que le recours administratif ne constitue pas une étape préalable à la réparation du préjudice, mais en aurait évité la naissance et dispensé la demanderesse en cassation d’introduire un recours civil.

Il s’ensuit que la première question préjudicielle n’est pas pertinente.

Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles réunies L’application du principe général tiré de ce que la personne lésée doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice en rapport avec le recours en responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la CJUE.

Il s’ensuit qu’il n’y a lieu à renvoi devant la CJUE d’aucune des questions préjudicielles proposées.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris du manque de base légale au regard des articles 6.1. et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (ci-après la ConvEDH) garantissant le droit à un procès équitable et à un recours effectif, pris ensemble avec son article 14 tel qu’il a été complété par l’article 1er du protocole n° 12 à ladite Convention qui prohibe de manière générale toute forme de discrimination dans les termes suivants :

discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

Nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1. » En ce que les juges du fond ont rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010 et de l’application qui lui en a été faite aux motifs :

- qu’il lui aurait appartenu de diligenter des recours devant les juridictions administratives contre les différentes décisions administratives individuelles lui refusant les aides financières de l’Etat luxembourgeois pour études supérieures (ci-après les ) demandées et qu’admettre la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des bourses refusées reviendrait à anéantir en fait les décisions de refus pourtant définitivement entrées dans l'ordonnancement juridique, à défaut d'avoir fait l'objet du seul recours légal adéquat devant le Tribunal administratif ; que faire droit à la demande en indemnisation pour préjudice matériel et moral subi en relation avec les décisions de refus présupposerait le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentrerait pas dans le champ de compétence du juge judiciaire nonobstant la déclaration contraire au droit communautaire de la loi du 26 juillet 2010 sur les bourses (ayant servi de base auxdites décision individuelles) par arrêt de la CJUE du 20 juin 2013 (affaire C-20/12, GIERSCH et autres) ;

- que l’obligation ainsi imposée à la demanderesse en cassation d’introduire par le ministère d’avocat à la Cour plusieurs recours devant le tribunal administratif contre les multiples décisions individuelles intervenues à son égard n’aurait pas rendu son préjudice eu égard aux faits ;

- que L) n’établit pas qu’elle se soit trouvée dans un état de économique » par rapport à l’Etat, étant donné que son avocat a traité plusieurs affaires du même genre en sorte qu’il se trouvait également dans une situation lui permettant de préparer des recours-types et un mémoire en réplique-type lui permettant de diminuer le travail et les coûts relatifs aux recours et que l’Etat devait, de son côté, rémunérer tant son avocat, que ses délégués du gouvernement ;

- que le reproche adressé par L) à l'Etat de n'avoir pas suspendu le processus décisionnel à propos des demandes d'aides jusqu'à ce que la CJUE se soit prononcée à propos de l'affaire GIERSCH ne saurait être déclaré fondé et impliquer la constatation d'une faute dans le chef de l'Etat, qui se doit, par principe et dans un souci de bonne administration, de traiter les demandes qui lui sont adressées et de faire suivre sa décision dans un délai raisonnable ;

première branche 1°) Alors qu’à supposer même qu’en droit interne luxembourgeois, le juge civil ne puisse, sans violer l’autorité de chose décidée, accorder réparation du préjudice causé par une décision administrative individuelle non attaquée devant la juridiction administrative, même si celle-ci n’a pas d’autonomie par rapport à la loi, il ne peut en être ainsi lorsque cette exigence rend excessivement difficile l’exercice de recours tendant à voir sanctionner la violation par l’Etat du droit de l’Union européenne ;

Qu’il en est ainsi lorsque l’exigence d’un recours administratif préalable fait obstacle sans motif utile à l’exercice de l’action en responsabilité ; Qu’en refusant de dire l’exigence du recours préalable excessive en l’espèce, et en retenant que le nombre de recours à engager ni le coût de ceux-ci n’étaient excessifs au regard de l’enjeu du litige, la Cour d’appel a statué par des motifs abstraits - sans égard au cas concret de L) en tant qu’étudiante démunie de ressources propres et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6.1. et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (ci-après la Conv EDH) garantissant le droit à un procès équitable et à un recours effectif, pris ensemble avec son article 14 tel qu’il a été complété par l’article 1er du protocole n° 12 à ladite Convention qui prohibe de manière générale toute forme de discrimination ;

Qu’en effet, le constat de non-conformité aux textes communautaires fait par la CJUE dans son arrêt GIERSCH se base sur une différence de traitement, constitutive d’une discrimination indirecte, entre les personnes qui résident dans l’Etat membre concerné et celles qui, sans résider dans cet Etat membre, sont des enfants de travailleurs frontaliers exerçant une activité dans ledit Etat membre, cette discrimination tombant sous l’interdiction générale de la discrimination de l’article 14 ConvEDH tel que complété par l’article 1er du Protocole n° 12.

deuxième branche 2°) Alors au demeurant qu’en n’examinant pas les conséquences du coût imposé à la requérante - étudiante sans ressources propres - par l’attitude de l’Etat multipliant les décisions sans attendre la solution du contentieux des affaires pilotes renvoyées devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, alors même que suivant le droit national, elle aurait pu notifier des décisions de refus sans faire courir un délai de forclusion, et en augmentant ainsi les obstacles mis à la défense des droits de la requérante, la Cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard desdites dispositions. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule, d’une part, le grief tiré du défaut de base légale relatif au droit à un procès équitable et à un recours effectif, garanti par les articles 6, paragraphe 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après « la Convention »), et, d’autre part, celui de l’interdiction de la discrimination prévue par les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole n°12 à la Convention, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est irrecevable.

Sur la seconde branche du moyen Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait invoqué une violation de la Convention devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche est irrecevable.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « Pris de la violation des articles 6.1. et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (ci-après la Conv EDH) garantissant le droit à un procès équitable et à un recours effectif, pris ensemble avec son article 14 tel qu’il a été complété par l’article 1er du protocole n° 12 à ladite Convention qui prohibe de manière générale toute forme de discrimination dans les termes suivants :

discrimination aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.

Nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit fondée notamment sur les motifs mentionnés au paragraphe 1. » En ce que les juges du fond ont rejeté la demande formée par Mme L) tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la non-conformité à la loi et aux normes internationales et européennes de la loi du 26 juillet 2010 et de l’application qui lui en a été faite aux motifs :

- qu’il lui aurait appartenu de diligenter des recours devant les juridictions administratives contre les différentes décisions administratives individuelles lui refusant les aides financières de l’Etat luxembourgeois pour études supérieures (ci-après les ) demandées et qu’admettre la demande tendant à l'allocation de dommages et intérêts correspondant au montant des bourses refusées reviendrait à anéantir en fait les décisions de refus pourtant définitivement entrées dans l'ordonnancement juridique, à défaut d'avoir fait l'objet du seul recours légal adéquat devant le Tribunal administratif ; que faire droit à la demande en indemnisation pour préjudice matériel et moral subi en relation avec les décisions de refus présupposerait le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentrerait pas dans le champ de compétence du juge judiciaire nonobstant la déclaration contraire au droit communautaire de la loi du 26 juillet 2010 sur les bourses (ayant servi de base auxdites décision individuelles) par arrêt de la CJUE du 20 juin 2013 (affaire C-20/12, GIERSCH et autres) ;

- que l’obligation ainsi imposée à la demanderesse en cassation d’introduire par le ministère d’avocat à la Cour plusieurs recours devant le tribunal administratif contre les multiples décisions individuelles intervenues à son égard n’aurait pas rendu son préjudice eu égard aux faits ;

- que L) n’établit pas qu’elle se soit trouvée dans un état de économique » par rapport à l’Etat, étant donné que son avocat a traité plusieurs affaires du même genre en sorte qu’il se trouvait également dans une situation lui permettant de préparer des recours-types et un mémoire en réplique-type lui permettant de diminuer le travail et les coûts relatifs aux recours et que l’Etat devait, de son côté, rémunérer tant son avocat, que ses délégués du gouvernement ;

- que le reproche adressé par L) à l'Etat de n'avoir pas suspendu le processus décisionnel à propos des demandes d'aides jusqu'à ce que la CJUE se soit prononcée à propos de l'affaire GIERSCH ne saurait être déclaré fondé et impliquer la constatation d'une faute dans le chef de l'Etat, qui se doit, par principe et dans un souci de bonne administration, de traiter les demandes qui lui sont adressées et de faire suivre sa décision dans un délai raisonnable ;

première branche 1°) Alors qu’à supposer même qu’en droit interne luxembourgeois, le juge civil ne puisse, sans violer l’autorité de chose décidée, accorder réparation du préjudice causé par une décision administrative individuelle non attaquée devant la juridiction administrative, même si celle-ci n’a pas d’autonomie par rapport à la loi, il ne peut en être ainsi lorsque cette exigence rend excessivement difficile l’exercice de recours tendant à voir sanctionner la violation par l’Etat du droit de l’Union européenne ;

Qu’il en est ainsi lorsque l’exigence d’un recours administratif préalable fait obstacle sans motif utile à l’exercice de l’action en responsabilité ; QU’en refusant de dire l’exigence du recours préalable excessive en l’espèce, et en retenant que le nombre de recours à engager ni le coût de ceux-ci n’étaient excessifs au regard de l’enjeu du litige, la Cour d’appel a statué par des motifs abstraits – sans égard au cas concret de L) en tant qu’étudiante démunie de ressources propres et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6.1. et 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, signée à Rome, le 4 novembre 1950 (ci-après la Conv EDH) garantissant le droit à un procès équitable et à un recours effectif, pris ensemble avec son article 14 tel qu’il a été complété par l’article 1er du protocole n° 12 à ladite Convention qui prohibe de manière générale toute forme de discrimination ;

Qu’en effet, le constat de non-conformité aux textes communautaires fait par la CJUE dans son arrêt GIERSCH se base sur une différence de traitement, constitutive d’une discrimination indirecte, entre les personnes qui résident dans l’Etat membre concerné et celles qui, sans résider dans cet Etat membre, sont des enfants de travailleurs frontaliers exerçant une activité dans ledit Etat membre, cette discrimination tombant sous l’interdiction générale de la discrimination de l’article 14 Conv EDH tel que complété par l’article 1er du Protocole n° 12.

deuxième branche 2°) Alors qu’il appartenait aux juges du fond de retenir qu’au vu des conséquences du coût imposé à la requérante - étudiante sans ressources propres -

par l’attitude de l’Etat multipliant les décisions sans attendre la solution du contentieux des affaires pilotes renvoyées devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, alors même que suivant le droit national, elle aurait pu notifier des décisions de refus sans faire courir un délai de forclusion, et en augmentant ainsi les obstacles mis à la défense des droits de la requérante, L) n’était pas obligée de s’adresser au tribunal administratif pour avoir droit à la réparation de son préjudice matériel et moral imputable à un loi déclarée discriminatoire par l’arrêt GIERSCH de la CJUE qui s’appliquait identiquement à son cas.

Qu’en statuant comme il a fait, l’arrêt entrepris encourt la cassation pour violation des articles visés au moyen. ».

Réponse de la Cour Sur la première branche du moyen Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Le moyen articule, d’une part, le grief tiré de la violation du droit à un procès équitable et à un recours effectif, garantis par les articles 6, paragraphe 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-

après « la Convention »), et, d’autre part, celui de la violation de l’interdiction de la discrimination prévue par les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole n°12 à la Convention, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa première branche, est irrecevable.

Sur la seconde branche du moyen Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que la demanderesse en cassation ait invoqué une violation de la Convention devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen, pris en sa seconde branche est irrecevable.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure La demanderesse en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande de la demanderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne L) à payer au défendeur en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

la condamne aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Monique SCHMITZ et du greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation L) c/ ETAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG (affaire n° CAS 2021-00044 du registre) Le pourvoi de la demanderesse en cassation, par dépôt au greffe de la Cour en date du 20 avril 2021, d’un mémoire en cassation, est dirigé contre un arrêt n° 192/18-VII-CIV contradictoirement rendu en date du 19 décembre 2018 sous le numéro 45351 du rôle.

Sur la recevabilité du pourvoi Le pourvoi est recevable en ce qui concerne le délai1 et la forme2.

Il est dirigé contre une décision contradictoire, donc non susceptible d’opposition, rendue en dernier ressort qui tranche tout le principal, de sorte qu’il est également recevable au regard des articles 1er et 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation (ci-après « la loi de 1885 »).

Le pourvoi est, partant, recevable.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, saisi par L) d’une action en responsabilité civile dirigée contre l’ETAT DU GRAND-DUCHÉ DE LUXEMBOURG aux fins d’indemnisation du préjudice découlant du refus par le défendeur de lui accorder l’aide financière de l’Etat pour études supérieures sollicitée par elle pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013, cette aide lui ayant été refusée au motif que la loi subordonnait l’octroi de l’aide à la condition que le bénéficiaire demeurait au Luxembourg, cette condition ayant cependant été jugée dans un cas comme celui de la demanderesse, d’étudiants résidant dans un autre Etat membre de l’Union européenne dont les parents ont la qualité de travailleurs frontaliers à Luxembourg, contraire au droit de l’Union européenne par l’arrêt C-20/12, Giersch e.a., de la Cour de justice de l’Union européenne du 20 juin 20133, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejetait la demande 1 L’arrêt attaqué a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 8 février 2021 (pièce n° 8 annexée au mémoire en réponse ; voir également les développements du défendeur en cassation dans son mémoire en réponse, page 2, sous « Sur la recevabilité du pourvoi du point de vue du délai pour se pourvoir ») et le pourvoi a été formé le 20 avril 2021, de sorte que le délai de recours de deux mois et quinze jours, prévu par l’article 7, alinéas 1 et 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ensemble avec l’article 167, point 1°, premier tiret, du Nouveau Code de procédure civile (la demanderesse en cassation demeurant en Belgique), a été respecté (le pourvoi ayant été formé deux mois et douze jours après la signification de l’arrêt).

2 La demanderesse en cassation a, conformément à l’article 10, alinéa 1, de la loi précitée, fait déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour, signifié antérieurement à son dépôt à la défenderesse en cassation, précisant les dispositions attaquées et des moyens de cassation et contenant des conclusions dont l’adjudication est demandée.

3 Cour de justice de l’Union européenne, 20 juin 2013, C-20/12, Giersch e.a., ECLI:EU:C:2013:411.

en retenant que la demanderesse avait omis d’introduire devant les juridictions administratives des recours contre les décisions de refus de l’aide lui notifiées et que son action obligerait le juge judiciaire à dépasser son champ de compétence en constatant l’illégalité d’actes administratifs individuels. Sur appel, la Cour d’appel confirma le jugement entrepris.

Sur le cadre juridique L’aide financière de l’Etat pour études supérieures a été réglementée par une loi du 22 juin 20004. Celle-ci subordonna le bénéfice de cette aide pour les ressortissants d’autres Etats membres de l’Union européenne à la double condition d’« être domicilié au Grand-Duché de Luxembourg et [de] tomber sous le champ d’application des dispositions des articles 7 et 12 du règlement (CEE) No 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté »5. Ce règlement6 disposait dans son article 7 que le travailleur ressortissant d’un Etat membre ne pouvait, sur le territoire des autres Etats membres, en raison de sa nationalité, être traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, avantages sociaux et fiscaux et enseignement et dans son article 12 que les enfants d’un ressortissant d’un Etat membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre Etat membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat, si ces enfants résident sur son territoire.

La loi précitée a été modifiée par une loi du 26 juillet 20107. Celle-ci subordonna l’attribution de l’aide à des ressortissants d’autres Etats membres de l’Union européenne à la condition de « séjourner, conformément au chapitre 2 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, de travailleur non salarié, de personne qui garde ce statut ou de membre de famille de l’une des catégories de personnes qui précèdent, ou [d’] avoir acquis le droit de séjour permanent »8. La loi précitée de 20089 définit dans son chapitre 2 le droit du citoyen de l’Union, du ressortissant des autres Etats parties à l’Accord sur l’Espace économique européen et de la Confédération suisse et des membres de leur famille, de circuler et de séjourner librement sur le territoire du Grand-Duché10.

Dans son arrêt précité Giersch e.a. du 20 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, sur question préjudicielle du Tribunal administratif posée dans le cadre de recours dirigés par des enfants non résidants au Grand-Duché de travailleurs frontaliers ressortissants d’autres Etats membres de l’Union européenne exerçant leur activité au Grand-

Duché contre des décisions de refus d’octroi de l’aide financière aux études supérieures motivées par la condition de résidence au Grand-Duché imposée par la loi précitée de 2000, telle qu’elle a été modifiée par celle de 2010, que le droit de l’Union européenne « s’oppose, 4 Loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures (Mémorial, A, 2000, n° 49, page 1106).

5 Article 2, point b), de la loi précitée du 22 juin 2000.

6 Journal officiel des Communautés européennes L 257 du 19.10.68, page 2.

7 Loi du 26 juillet 2010 modifiant la loi modifiée du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures (Mémorial, A, 2010, n° 118, page 2040).

8 Article 2, point b), de la loi précitée de 2000, telle que modifiée par la loi précitée de 2010.

9 Mémorial, A, 2008, n° 138, page 2024. Cette loi a été à la date de ce jour modifiée à dix-sept reprises. Elle a en dernier lieu fait l’objet d’un texte coordonné en 2013 (Mémorial, A, 2013, n° 113, page 1645).

10 Le chapitre 2 de la loi de 2008 comporte les articles 5 à 33 de celle-ci.

en principe, à une législation d’un Etat membre telle que celle en cause au principal, qui subordonne l’octroi d’une aide financière aux études supérieures à une condition de résidence de l’étudiant dans cet Etat membre et instaure une différence de traitement, constitutive d’une discrimination indirecte, entre les personnes qui résident dans l’Etat membre concerné et celles qui, sans résider dans cet Etat membre, sont des enfants de travailleurs frontaliers exerçant une activité dans ledit Etat membre »11.

A la suite de cet arrêt12, le législateur a modifié la loi de 2000 par une loi du 19 juillet 201313 en disposant que « un étudiant ne résidant pas au Grand-Duché de Luxembourg peut également bénéficier de l’aide financière pour études supérieures, à condition qu’il soit enfant d’un travailleur salarié ou non salarié […] ressortissant de l’Union européenne […] et que ce travailleur ait été employé ou ait exercé son activité au Luxembourg pendant une durée ininterrompue d’au moins cinq ans au moment de la demande de l’aide financière pour études supérieures »14.

La loi de 2000 a finalement été remplacée par une loi du 24 juillet 201415. Celle-ci maintient en substance la solution retenue par la loi de 2013 en disposant que l’octroi de l’aide financière à des enfants de travailleurs frontaliers ressortissants d’autres Etats membres de l’Union européenne exerçant leur activité au Grand-Duché n’est plus subordonné à la condition que l’étudiant réside au Grand-Duché, mais suppose seulement que le travailleur frontalier exerce « son activité au Grand-Duché de Luxembourg au moment de la demande par l’étudiant pour l’aide financière pour études supérieures [,] que ce travailleur continue à contribuer à l’entretien de l’étudiant et que ce travailleur ait été employé ou ait exercé son activité au Grand-Duché de Luxembourg pendant une durée d’au moins cinq ans au moment de la demande d’aide financière pour études supérieures par l’étudiant pendant une période de référence de sept ans à compter rétroactivement à partir de la date de la demande pour l’obtention de l’aide financière pour études supérieures ou que, par dérogation, la personne qui garde le statut de travailleur ait correspondu au critère des cinq ans sur sept fixé ci-avant au moment de l’arrêt de l’activité »16.

Sur le litige La demanderesse en cassation réside en Belgique17. Elle est la fille d’une personne ayant eu depuis 1988 la qualité de travailleur frontalier à Luxembourg18. Elle sollicita au cours des années académiques 2010-2011, 2011-2012 et 2012-2013 l’aide financière de l’Etat pour études 11 Dispositif de l’arrêt précité.

12 Rapport de la Commission de l’enseignement supérieur, de la recherche, des médias, des communications et de l’espace de la Chambre des Députés du 5 juillet 2013 relatif au projet de loi n° 6585 (Document parlementaire n° 6586-2), page 1.

13 Loi du 19 juillet 2013 modifiant la loi modifiée du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures (Mémorial, A, 2013, n° 168, page 3214 (Republication rectifiée, suite à une erreur matérielle).

14 Article 2bis, nouveau, de la loi de 2000, tel qu’il a été inséré par la loi de 2013.

15 Loi du 24 juillet 2014 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures (Mémorial, A, 2014, n° 139, page 2188).

16 Article 3, paragraphe 5, point b), de la loi précitée de 2014.

17 Arrêt attaqué, page 1 (qualités des parties).

18 Idem, page 2, premier alinéa.

supérieures19, qui lui fut refusée sur base de la loi du 22 juin 2000 telle que modifiée par celle du 26 juillet 2010 au motif qu’elle ne remplissait pas la condition prévue par cette loi de « séjourner, conformément au chapitre 2 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, au Grand-Duché de Luxembourg en qualité de travailleur salarié, de travailleur non salarié, de personne qui garde ce statut ou de membre de famille de l’une des catégories de personnes qui précèdent, ou [d’] avoir acquis le droit de séjour permanent »20.

Contre la décision lui refusant l’octroi de l’aide financière pour l’année académique 2010-2011 elle introduisit un recours devant le tribunal administratif21. Dans le cadre de recours similaires le tribunal administratif saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel22. Cette Cour rendit le 20 juin 2013 son arrêt Giersch e.a. du 20 juin 2013, dans lequel elle constata la non-conformité au droit de l’Union européenne de la disposition légale précitée sur base de laquelle les demandes d’aide financière avaient été refusées23. A la suite de cet arrêt, l’Etat accepta de verser les aides financières à ceux des étudiants de travailleurs frontaliers qui avaient introduit devant les juridictions administratives un recours contre la décision de refus de l’aide financière24. L’Etat accepta dans cet ordre d’idées de verser à la demanderesse en cassation l’aide financière pour l’année académique 2010-2011, objet du recours introduit par celle-ci devant le tribunal administratif25. Il refusa toutefois de lui verser l’aide financière pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013, motif pris que la demanderesse en cassation n’avait pas introduit de recours contre les décisions de refus correspondantes26.

Elle saisit en 2014 le tribunal d’arrondissement de Luxembourg d’un recours en responsabilité civile dirigé contre l’Etat fondé à titre principal sur l’article 1er, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 sur la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques et, pour autant que de besoin, sur base des articles 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil et, à titre subsidiaire, sur base de l’article 1er, alinéa 2, de la loi précitée de 198827.

Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg rejeta la demande au motif que la demanderesse en cassation avait omis d’introduire un recours contre les décisions de refus devant le tribunal administratif, mais que l’appréciation du bien-fondé de la demande suppose le constat de l’illégalité des décisions critiquées, qui échappe à la compétence du juge judiciaire28.

L’exigence d’un recours administratif préalable, qui ne serait pas de nature à rendre la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne impossible ou excessivement difficile, ne serait par ailleurs pas contraire à ce droit29.

Sur appel de la demanderesse en cassation la Cour d’appel confirma le jugement entrepris en retenant :

19 Idem et loc.cit.

20 Article 2, point b), de la loi précitée de 2000, telle que modifiée par la loi précitée de 2010, voir idem, page 2, deuxième alinéa.

21 Arrêt attaqué, page 2, avant-dernier alinéa.

22 Idem et loc.cit.

23 Idem et loc.cit.

24 Idem et loc.cit.

25 Idem et loc.cit.

26 Idem, même page, dernier alinéa.

27 Idem, page 3, deuxième alinéa.

28 Idem, page 4, dernier alinéa, et page 5, deuxième alinéa.

29 Idem, page 5, troisième alinéa.

- que « c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse originaire entend, par le biais de sa demande en allocation de dommages et intérêts pour responsabilité civile de l’ETAT du fait de son activité législative, sinon de son activité exécutive, obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures (bourses et prêts) qui lui ont été refusées […] »30 et que « le dommage moral invoqué […], tiré des inquiétudes pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union Européenne, se rapporte également à la prise par l’ETAT de décisions individuelles à son égard et il ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 »31, - que, faute pour la demanderesse en cassation d’avoir introduit devant le tribunal administratif un recours contre les décisions de refus de l’aide financière pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013, « en appréciant la demande [d’indemnisation], la Cour devrait donc trancher de manière incidente la question de l’illégalité d’actes administratifs à titre individuel »32, ce qui se heurte au principe tiré de ce que « les actes à caractère individuel, passé le délai de recours de trois mois devant le tribunal administratif, ne peuvent être remis en cause par voie d’exception d’illégalité, ni par le juge administratif, ni par le juge judiciaire dans le cadre d’une instance ultérieure »33, le juge judiciaire refusant « l’annulation de facto par voie d’exception d’un acte administratif individuel par respect des attributions des juridictions de l’ordre administratif »34, qu’une telle exception d’illégalité est exercée contre un tel acte lorsqu’une demande indemnitaire introduite devant le juge judiciaire « tend en réalité à anéantir l’acte administratif, à en effacer les conséquences, à réparer en nature le dommage qu’il a causé »35 et qu’une telle démarche contournerait les règles du droit administratif sur les recours, visant à assurer la stabilité des situations produites par les décisions administratives individuelles cette solution ayant été approuvée par la jurisprudence de votre Cour36, - que cette condition imposée par le droit interne, de subordonner la réparation par le juge judiciaire du préjudice découlant de l’illégalité alléguée, en l’occurrence au regard du droit de l’Union européenne, d’un acte administratif individuel à l’exercice préalable d’un recours contre cet acte devant les juridictions administratives, n’est pas contraire au droit précité, qui, au regard de l’arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame de la Cour de justice de l’Union européenne37, autorise le juge national d’exiger de la personne lésée par une violation du droit précité de faire preuve d’une diligence raisonnable pour éviter le préjudice ou en limiter la portée en utilisant à temps utile toutes les voies de droit qui sont à sa disposition38 ;

30 Idem, page 10, deuxième alinéa.

31 Idem et loc.cit.

32 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

33 Idem, même page, dernier alinéa.

34 Idem, page 11, deuxième alinéa.

35 Idem, même page, dernier alinéa, citant : Georges RAVARANI, La responsabilité civile des personnes morales et publiques, Luxembourg, Pasicrisie, 3ième édition, 2014, n° 212, page 241, deuxième alinéa.

36 Idem, page 11, avant-dernier alinéa, et page 12, premier alinéa.

37 Cour de justice de l’Union européenne, 5 mars 1996, C-46/93 et C-48/93, Brasserie du Pêcheur et Factortame, ECLI:EU:C:1996:79, point 84.

38 Arrêt attaqué, page 12, antépénultième alinéa.

- que cette exigence susceptible d’être imposée à la personne lésée par une violation du droit de l’Union européenne, d’utiliser à temps utile toutes les voies de droit qui sont à sa disposition, ne trouve pas exception en l’espèce dans les circonstances envisagées par l’arrêt Metallgesellschaft e.a.39, de voies de droit en tout état de cause vouées à l’échec, alors que, suite à l’arrêt Giersch e.a., ayant constaté la non-conformité de la loi luxembourgeoise avec le droit de l’Union européenne, le tribunal administratif a procédé à l’annulation des actes administratifs individuel attaqués par les étudiants concernés par des refus d’octroi de l’aide financière fondés sur cette loi et ayant utilisé cette voie de droit et que, en cas de refus d’annulation par le tribunal administratif, la demanderesse en cassation aurait par ailleurs eu à sa disposition un recours devant la Cour administrative40, - que si, conformément à l’arrêt précité Brasserie du Pêcheur et Factortame41, les critères de mise en cause de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne, qu’il appartient à l’ordre juridique interne de définir, doivent respecter le condition de l’équivalence, donc ne pas être moins favorables que ceux concernant la mise en cause de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit interne, cette condition est respectée en l’espèce dès lors que l’exigence litigieuse, d’introduire, en cas de violation du droit de l’Union européenne commise par un acte administratif individuel, préalablement au recours en responsabilité, un recours contre cet acte devant les juridictions administratives, s’applique également lorsque la responsabilité de l’Etat est recherchée en raison d’une violation du droit interne commise par un tel acte42, - que si, conformément à l’arrêt précité Brasserie du Pêcheur et Factortame43, les critères de mise en cause de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne, qu’il appartient à l’ordre juridique interne de définir, doivent en outre respecter le condition de l’effectivité du recours, donc ne sauraient, en aucun cas, être aménagés de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile la réparation du préjudice, cette condition est respectée en l’espèce44, - que la demanderesse en cassation a fait valoir à ce titre que l’exigence d’un recours à diriger contre les décisions de refus implique l’exercice de recours multiples, les décisions, dont l’effet est limité à un semestre, devant être sollicitées chaque semestre et être attaquées successivement et séparément eu égard au délai de recours de trois mois, que la procédure devant les juridictions administratives est écrite, nécessite le ministère d’avocat à la Cour et ne permet pas d’introduire un recours à titre conservatoire et que le coût, en principe non récupérable par la condamnation de l’Etat à une indemnité de procédure, engendré par un recours s’élèverait à 4.000.- euros, ce qui représenterait un coût excessif pour une étudiante, qui se trouverait par rapport à l’Etat en état de faiblesse économique de sorte que l’exigence d’un recours serait, au 39 Cour de justice de l’Union européenne, 8 mars 2001, C-397/98 et C-410/98, Metallgesellschaft e.a., ECLI:EU:C:2001:134, points 104 à 106.

40 Arrêt attaqué, page 13, troisième alinéa.

41 Arrêt cité, point 83.

42 Arrêt attaqué, page 13, avant-dernier alinéa.

43 Arrêt cité, point 83.

44 Arrêt attaqué, page 14, dernier alinéa, et page 15, trois premiers alinéas.

regard de l’arrêt Fuß de la Cour de justice de l’Union européenne45, contraire au principe d’effectivité46, - que ces arguments sont cependant à rejeter étant donné que la demanderesse en cassation, au lieu d’agir, s’agissant des refus de l’aide financière pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013, devant les juridictions administratives, a préféré saisir les juridictions civiles, devant lesquelles les recours sont pourtant aussi, sinon plus coûteux que devant les juridictions administratives, que sa situation financière lui a permis de s’abstenir de solliciter l’aide juridictionnelle de l’Etat, que son avocat a défendu plusieurs affaires analogues devant les juridictions administratives, dont une affaire ayant donné lieu à un renvoi préjudiciel tranché par l’arrêt Giersch e.a., de sorte qu’il disposait d’un mémoire et d’un recours-type, partant, n’aurait pas eu de difficultés de saisir le tribunal administratif d’un recours, que le litige s’inscrit dans le cadre d’un contentieux de masse concernant de nombreux enfants de travailleurs frontaliers à Luxembourg, assistés de syndicats prenant en charge les frais d’avocats, de sorte que la demanderesse ne saurait soutenir que des considérations de coûts l’auraient dissuadée d’agir devant les juridictions administratives ni qu’elle se serait trouvée dans un état de faiblesse économique par rapport à l’Etat, qui a dû rémunérer tant son avocat que ses délégués du gouvernement47, - qu’il y a enfin lieu de rejeter dans cet ordre d’idées le reproche tiré de ce que l’Etat aurait dû suspendre le processus décisionnel relatif aux demandes d’aide financière introduites par des enfants de travailleurs frontaliers à Luxembourg, dont la demanderesse en cassation, dans l’attente de l’issue des recours introduits par certains d’entre eux devant le tribunal administratif dans le cadre d’affaires pilotes, ayant donné lieu à un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne, dès lors qu’aucun texte de loi n’oblige l’Etat à surseoir son activité décisionnelle dans un tel cas de figure, qu’une telle suspension ne serait en tout état de cause pas légalement de nature à empêcher des décisions d’être prises, alors que l’article 4, paragraphe 1, de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose que l’écoulement d’un délai de trois mois équivaut à une décision implicite de rejet et « que le refus de suspendre le processus décisionnel relève du principe d’une bonne administration et plus spécialement du respect d’un délai raisonnable dans la prise de décisions administratives, ce d’autant plus que le nombre important des décisions à prendre avait, en l’espèce, une grande influence sur les finances publiques et que tant l’Etat que les particuliers avaient donc un intérêt à être fixés »48.

Sur les moyens de cassation La demanderesse en cassation fait valoir neuf moyens de cassation.

L’arrêt attaqué a un objet et une motivation similaires à celui qui a fait l’objet de votre arrêt n° 77/2020, numéro CAS-2019-00063 du registre du 4 juin 2020 (ci-après « l’arrêt du 4 juin 45 Cour de justice de l’Union européenne, 25 novembre 2010, C-429/09, Fuß, ECLI:EU:2010 :717, points 81 et 87.

46 Arrêt attaqué, page 14, troisième alinéa, et page 15, avant-dernier alinéa.

47 Idem, page 14, dernier alinéa, à page 16, deuxième alinéa.

48 Idem, page 16, troisième au sixième alinéa.

2020 »). Ainsi que l’Etat le fait valoir dans son mémoire en réponse49, le mémoire en cassation soulève des moyens qui sont largement similaires à ceux qui avaient été présentés par la demanderesse en cassation dans le pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt précité :

- le premier moyen du présent pourvoi est, au regard du pourvoi ayant donné lieu à votre numéro CAS-2019-00063, nouveau, - le deuxième moyen est également, au regard de cette référence, nouveau, - le troisième moyen correspond au premier moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt numéro CAS-2019-0006350, - le quatrième moyen correspond au deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt précité51, sous réserve que la question préjudicielle proposée dans le cadre de ce moyen comportait un point supplémentaire, non repris par la question préjudicielle proposée dans le cadre du présent pourvoi52, et que la question préjudicielle proposée dans le cadre du présent pourvoi comporte certaines précisions supplémentaires53, - le cinquième moyen, tiré d’une contradiction de motifs, est, au regard du pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt précité, nouveau, - le sixième moyen correspond au cinquième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt précité, sous réserve qu’il n’est plus tiré de la violation, par défaut de base légale, des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile et qu’il est subdivisé en deux branches et comporte une première branche nouvelle54, - le septième moyen correspond au quatrième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt précité, sous réserve, en substance, qu’il n’est plus tiré d’une violation des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile55, - le huitième moyen correspond au sixième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt précité, sous réserve qu’il y est fait abstraction de la violation des articles 53 et 54 49 Mémoire en réponse, page 2, troisième au cinquième alinéa.

50 Arrêt précité, pages 8-11, sous « Sur le premier moyen de cassation ».

51 Idem, pages 12-15, sous « Sur le deuxième moyen de cassation ».

52 Dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt précité, la demanderesse en cassation avait demandé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle (intitulée « question 1 ») libellée comme suit : « 1 - Les principes de droit européen selon lequel les Etats membres sont tenus de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire, constatées par arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne, qu’elles émanent du législateur ou de l’administration, et d’appliquer le principe de l’autonomie procédurale, de l’équivalence et de l’effectivité lors d’une telle demande en indemnisation s’opposent-t-ils à ce que le droit à l’indemnisation soit subordonné à l’existence d’une du droit européen, du moment que le droit national n’exige qu’une faute simple dans le chef de l’Etat membre pour engager la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques » (arrêt précité, page 14).

Cette question n’est plus reprise par le présent pourvoi.

53 La question préjudicielle n° 1, présenté dans le cadre du quatrième moyen comporte, contrairement à la question préjudicielle n° 2 de l’arrêt précité, qui constitue son pendant (voir page 14 de cet arrêt), de nouveaux sous-points c) à e) (voir le Mémoire en cassation, pages 31 et 32).

54 Arrêt précité, pages 4-5, sous « Sur le cinquième moyen de cassation ».

55 Idem, page 4, sous « Sur le quatrième moyen de cassation ».

du Nouveau Code de procédure civile et de la première branche, relative à une violation alléguée de l’article 4 du Code civil56 et - le neuvième moyen correspond au septième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt précité, sous réserve qu’il n’y est plus fait référence à une violation des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile et qu’il y est fait abstraction de la première, troisième et quatrième branches, qui étaient relatives à des violations alléguées des articles 4 du Code civil (première branche), 54 du Nouveau Code de procédure civile (troisième branche) et 1134 du Code civil (quatrième branche)57.

Les deux premiers moyens sont tirés de la violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Les troisième et quatrième moyens sont tirés de la violation du droit de l’Union européenne.

Les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens sont tirés de la violation du droit interne.

Comme les quatre premiers moyens, tirés de la violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du droit de l’Union européenne, supposent que le droit interne ait été correctement appliqué et que les cinq derniers moyens critiquent l’exacte application de ce droit, ces derniers sont préalables.

Comme les violations alléguées de la Convention, présentées dans le cadre des deux premiers moyens, supposent que le droit de l’Union européenne, qui en cas de contrariété du droit interne prime ce dernier, ait été correctement appliqué, les deux premiers moyens sont subsidiaires aux troisième et quatrième moyens, relatifs à la correcte application du droit de l’Union européenne.

Le respect de la logique des subsidiarités des moyens impose dès lors d’examiner successivement :

- les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens, puis - les troisième et quatrième moyens et, enfin, - les premier et deuxième moyens.

Sur les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième moyens de cassation Le cinquième moyen est tiré de la violation, par contradiction de motifs, des articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel, pour rejeter la demande en réparation de la demanderesse en cassation a retenu que « C’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse originaire entend, par le biais de sa demande en allocation de dommages et intérêts pour responsabilité civile de l’ETAT du fait de son activité législative, sinon de son 56 Idem, pages 5-6, sous « Sur le sixième moyen de cassation, pris en ses deux branches ».

57 Idem, page 7, sous « Sur le septième moyen de cassation ».

activité exécutive, obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures (bourses et prêts) qui lui ont été refusées pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013 par les décisions administratives individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013. Le dommage moral invoqué par L), tiré des inquiétudes pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union Européenne, se rapporte également à la prise par l’ETAT de décisions individuelles à son égard et il ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010. La demande en indemnisation de L) trouve donc sa cause dans les décisions administratives prises les 3 février 2012 et 13 mars 2013 qui lui portent préjudice. »58, alors que en retenant que le dommage moral « ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 », elle a admis que ce dommage résulte à tout le moins partiellement de cette loi, mais a omis d’en tirer les conséquences, c’est-à-dire de condamner l’Etat à indemniser la demanderesse en cassation, ce qui constitue une contradiction de motifs.

Le sixième moyen est tiré d’un défaut de base légale au regard de l’article 1er, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques et des articles 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande de la demanderesse en cassation aux fins de réparation du préjudice matériel et moral qu’elle affirme avoir subi du fait de la non-conformité de la loi du 26 juillet 2010 ayant modifié la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures aux motifs propres, tirés de ce que c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour d’appel adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse en cassation, par le biais de sa demande indemnitaire dirigée contre l’Etat du fait de son activité législative, sinon exécutive, entend en réalité obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures qui lui ont été refusées par des décisions administratives individuelles et que le dommage moral invoqué, tiré des inquiétudes de la demanderesse en cassation pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat des décisions individuelles à son égard et ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010, partant, trouve sa cause dans ces décisions administratives, et aux motifs adoptés, tirés de ce que faire droit à la demande en indemnisation en relation avec les décisions de refus présuppose le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentre pas dans le champ de compétence du juge judiciaire, alors que, première branche, elle a manqué d’examiner en quoi l’arrêt Giersch e.a. ne constituait pas un constat d’illégalité suffisant pour examiner la responsabilité de l’Etat-législateur, sans qu’il ne soit nécessaire d’exiger des étudiants concernés par ce contentieux de masse de former des recours contre les décisions de refus de l’allocation devant les juridictions administratives et que, seconde branche, en s’abstenant de rechercher si par les décisions individuelles l’administration avait exercé un quelconque autre pouvoir que celui d’appliquer mécaniquement la loi illégale, elle n’a pas justifié sa décision au regard des textes visés.

Le septième moyen est tiré de la violation des articles 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques et 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande de la demanderesse en cassation aux fins de réparation du préjudice matériel et moral qu’elle affirme avoir subi du fait de la non-conformité de la loi du 26 juillet 2010 ayant modifié la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures aux motifs propres, tirés de ce que c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour 58 Arrêt attaqué, page 10, deuxième et troisième alinéas.

d’appel adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse en cassation, par le biais de sa demande indemnitaire dirigée contre l’Etat du fait de son activité législative, sinon exécutive, entend en réalité obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures qui lui ont été refusées par des décisions administratives individuelles et que le dommage moral invoqué, tiré des inquiétudes de la demanderesse en cassation pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat des décisions individuelles à son égard et ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010, partant, trouve sa cause dans ces décisions administratives, et aux motifs adoptés, tirés de ce que faire droit à la demande en indemnisation en relation avec les décisions de refus présuppose le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentre pas dans le champ de compétence du juge judiciaire, alors que le préjudice subi du fait d’une décision administrative individuelle qui se limite à appliquer une loi ne réservant aucune autonomie à l’autorité administrative résulte en réalité de la loi, de sorte que la Cour d’appel, en refusant de retenir que la loi du 26 juillet 2010 est à l’origine du préjudice, à l’exclusion des décisions administratives qui l’ont appliquée, et en opposant la force de chose décidée de ces décisions, a violé les textes visés.

Le huitième moyen est tiré de la violation des articles 84 de la Constitution, 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, ainsi que 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande de la demanderesse en cassation aux fins de réparation du préjudice matériel et moral qu’elle affirme avoir subi du fait de la non-conformité de la loi du 26 juillet 2010 ayant modifié la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures aux motifs propres, tirés de ce que c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour d’appel adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse en cassation, par le biais de sa demande indemnitaire dirigée contre l’Etat du fait de son activité législative, sinon exécutive, entend en réalité obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures qui lui ont été refusées par des décisions administratives individuelles et que le dommage moral invoqué, tiré des inquiétudes de la demanderesse en cassation pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat des décisions individuelles à son égard et ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010, partant, trouve sa cause dans ces décisions administratives, et aux motifs adoptés, tirés de ce que faire droit à la demande en indemnisation en relation avec les décisions de refus présuppose le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentre pas dans le champ de compétence du juge judiciaire, alors que, lorsqu’il est saisi d’une demande aux fins de réparer le préjudice découlant d’un acte administratif individuel, le juge judiciaire est, même en l’absence de recours formé contre cet acte devant les juridictions de l’ordre administratif, tenu d’en apprécier la légalité et, en cas de constat d’une illégalité, de réparer le préjudice causé, de sorte que la Cour d’appel a méconnu l’article 84 de la Constitution.

Le neuvième moyen est tiré de la violation des articles 84 de la Constitution, 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, ainsi que 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande de la demanderesse en cassation aux fins de réparation du préjudice matériel et moral qu’elle affirme avoir subi du fait de la non-conformité de la loi du 26 juillet 2010 ayant modifié la loi du 22 juin 2000 concernant l’aide financière de l’Etat pour études supérieures aux motifs propres, tirés de ce que c’est par une saine appréciation des éléments de la cause que la Cour d’appel adopte que les juges de première instance ont retenu que la demanderesse en cassation, par le biais de sa demande indemnitaire dirigée contre l’Etat du fait de son activité législative, sinon exécutive, entend en réalité obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures qui lui ont été refusées par des décisions administratives individuelles et que le dommage moral invoqué, tiré des inquiétudes de la demanderesse en cassation pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union européenne, se rapporte également à la prise par l’Etat des décisions individuelles à son égard et ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010, partant, trouve sa cause dans ces décisions administratives, et aux motifs adoptés, tirés de ce que faire droit à la demande en indemnisation en relation avec les décisions de refus présuppose le constat de l’illégalité de ces décisions, constat qui ne rentre pas dans le champ de compétence du juge judiciaire, alors que, lorsqu’il est saisi d’une demande aux fins de réparer le préjudice découlant d’un acte administratif individuel contre lequel aucun recours n’a été formé devant les juridictions de l’ordre administratif, le juge judiciaire reste, en tout état de cause, compétent pour réparer le préjudice distinct de celui équivalent au bénéfice des sommes refusées par l’acte administratif individuel, notamment moral, le non-exercice de cette compétence constituant une violation de l’article 84 de la Constitution.

Sur le cinquième moyen Le cinquième moyen, qui, comme exposé ci-avant, n’a pas été invoqué dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, critique une contradiction de motifs.

Le grief tiré de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de motifs, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement, aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision59. En tant que cas de figure du défaut de motifs, il est un vice de forme. Or, une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré60.

Etant un vice de forme, le cas d’ouverture du défaut de motifs, dont la contradiction de motifs constitue une variante, n’est pas pertinent pour critiquer des motifs erronés en droit61, donc pour mettre en cause le bien-fondé de la motivation. La contradiction de motifs sanctionne enfin exclusivement la contradiction entre des motifs de fait62.

En l’espèce, la demanderesse en cassation critique la Cour d’appel d’avoir retenu que le dommage moral invoqué par elle « ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 »63 « sans en tirer les conséquences qui s’imposaient au niveau de son indemnisation »64, à savoir « l’octroi d’un préjudice d’ordre moral destiné à compenser le préjudice subi résultant des inquiétudes pour son avenir professionnel et de l’atteinte à sa confiance légitime dans l’application non discriminatoire du droit de l’Union Européenne »65.

Elle ne reproche donc pas une contradiction entre deux motifs de fait, mais que la Cour d’appel aurait, au regard d’un motif de fait, tiré de ce que le préjudice moral ne résulte pas « de la seule 59 Cour de cassation, 8 juillet 2021, n° 114/2021, numéro CAS-2020-00113 du registre (réponse à la première branche du troisième moyen).

60 Idem (réponse à la deuxième branche du troisième moyen).

61 Jacques et Louis BORÉ, La cassation en matière civile, France, Paris, Dalloz, 5e édition, 2015, n° 77.31, page 404.

62 Idem, n° 77.111 à 77.114, pages 412-413.

63 Arrêt attaqué, page 10, deuxième alinéa.

64 Mémoire en cassation, page 35, dernier alinéa (Enoncé du moyen).

65 Idem, page 36, deuxième alinéa (Discussion du moyen).

adoption de la loi du 26 juillet 2010 »66, dû déduire d’autres conséquences de droit, à savoir octroyer une indemnisation du préjudice moral, au lieu de refuser une telle indemnisation. Ce reproche, qui est relatif au bien-fondé en droit des conséquences juridiques déduites d’un fait matériel, est étranger au grief de la contradiction de motifs.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Dans un ordre subsidiaire il est relevé que le moyen se fonde sur la prémisse que, en retenant que le préjudice moral ne résulte pas « de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 »67, ce qui implique qu’il en résulte néanmoins en partie, la Cour d’appel aurait dû conclure que la loi est à considérer comme cause de ce préjudice. Or, celle-ci constate que ce préjudice « se rapporte également [donc au même titre que le préjudice matériel] à la prise par l’ETAT de décisions individuelles à son égard [donc à l’égard de la demanderesse en cassation] »68 et en déduit que « [l]a demande en indemnisation de [la demanderesse en cassation] trouve donc sa cause dans les décisions administratives prises le 3 février 2012 et 13 mars 2013 qui lui portent préjudice [donc qui portent préjudice à la demanderesse en cassation] »69.

Elle considère donc que le fait que le préjudice moral « résulte »70 en partie de la loi du 26 juillet 2010 n’est pas suffisant pour conclure que cette loi ait été la cause du préjudice. Ce raisonnement s’inscrit dans le cadre de l’appréciation, en matière de responsabilité civile, de la causalité entre la faute et le préjudice. Il est couramment admis dans cette matière qu’un événement qui a contribué à la naissance du préjudice n’est pas pour autant nécessairement la cause de ce préjudice. Il existe, en effet, en matière de responsabilité civile plusieurs théories de la causalité. Le caractère causal de tout événement qui a concouru à la réalisation du dommage et sans lequel le dommage ne se serait pas produit est défendu dans le cadre de l’une de ces théories, à savoir de celle dite de l’équivalence des conditions71. Le droit luxembourgeois de la responsabilité civile se réfère toutefois en général à une autre théorie, dite de la causalité adéquate, qui « s’efforce de rattacher le dommage à celui de ses antécédents qui, normalement était de nature à le produire »72. Il n’existe donc aucune contradiction entre l’affirmation qu’un événement, en l’occurrence la loi du 26 juillet 2010, a contribué à provoquer le préjudice et celle que cet événement n’est pas pour autant à considérer comme étant la cause de ce préjudice.

La première affirmation est relative à un fait matériel, à savoir le fait qu’un événement a contribué à provoquer le préjudice, et la seconde est relative à la qualification de ce fait par rapport à la notion juridique de lien de causalité, qui n’implique pas nécessairement que tout événement qui a contribué à provoquer le préjudice est à considérer comme étant la cause du préjudice.

Il en suit, à titre subsidiaire, que le moyen n’est pas fondé.

66 Arrêt attaqué, page 10, deuxième alinéa.

67 Idem et loc.cit.

68 Idem et loc.cit.

69 Idem, même page, troisième alinéa.

70 Idem, même page, deuxième alinéa.

71 RAVARANI, précité, n° 995, page 977.

72 Idem, n° 999, page 982.

Sur le sixième moyen Comme rappelé ci-avant, le sixième moyen correspond en substance au cinquième moyen qui avait été invoqué dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020. Vous avez déclaré ce moyen irrecevable au motif qu’il mettait en œuvre, en violation de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885, plusieurs cas d’ouverture. Cette sanction s’expliquait parce que ce moyen avait été tiré de façon concomitante et sans subdivision en branches de la violation des dispositions régissant la responsabilité civile, à savoir les articles 1, alinéa 1, de la loi du 1er septembre 1988, ainsi que 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, et de celle des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile, relatifs à l’obligation du juge de respecter l’objet du litige.

Le sixième moyen du présent pourvoi n’encourt pas ce reproche puisqu’il est exclusivement tiré de la violation des dispositions précitées régissant la responsabilité civile.

Il critique que les juges du fond se seraient abstenus de rechercher si, en cas de recours formé contre les décisions de refus de l’aide financière devant le tribunal administratif, ce dernier n’aurait pas nécessairement annulé ces décisions et si l’Administration, en appliquant dans ces décisions la loi de 2010, disposait d’un quelconque pouvoir d’appréciation lui ayant permis d’adopter une décision différente de celle de refuser l’aide. Dans la logique du moyen, ces recherches omises auraient permis aux juges du fond de se rendre compte de ce que le préjudice allégué trouvait en réalité sa cause dans la loi et non dans les décisions ayant appliqué celle-ci.

Le moyen étant tiré d’un défaut de base légale, donc d’une insuffisance de motivation, relatif à l’appréciation du lien de causalité, il est constant que le grief du défaut de base légale permet d’attaquer même des appréciations qui relèvent du pouvoir souverain du juge du fond73, telle que l’appréciation du lien de causalité en matière de responsabilité civile. Ce grief a, en effet, pour objet de vérifier, par un contrôle minimum des motifs, que le juge du fond a exercé son pouvoir souverain d’appréciation74.

Le moyen critique la Cour d’appel d’avoir refusé d’accueillir la demande indemnitaire au motif que la demanderesse en cassation avait négligé de former un recours contre les décisions de refus de l’aide financière devant le tribunal administratif. Il lui reproche à ce titre, d’une part, d’avoir omis d’examiner en quoi l’arrêt Giersch e.a. ne constituait pas un constat d’illégalité suffisant pour anticiper que le tribunal administratif, saisi d’un recours contre les décisions de refus de l’aide, aurait annulé celles-ci (première branche) et, d’autre part, d’avoir omis d’examiner s’il n’y avait pas lieu de faire abstraction de l’exigence de recours administratif à diriger contre les décisions de refus parce que ces refus étaient une application mécanique de la loi du 26 juillet 2010 (seconde branche). Ces deux reproches reposent sur la prémisse que « c’est la responsabilité du législateur qui est ici en cause et non pas celle de l’administration qui avait les mains liées par une loi discriminatoire »75.

La Cour d’appel constata :

- que « [l]a demande en indemnisation [de la demanderesse en cassation] trouve […] sa cause dans les décisions administratives prises le 3 février 2012 et le 13 mars 2013 qui 73 BORÉ, précité, n° 78.04, page 427.

74 Idem, n° 78.82, page 434.

75 Mémoire en cassation, page 39, deuxième alinéa (Discussion du moyen).

lui portent préjudice »76 parce que la demanderesse en cassation « entend, par le biais de sa demande en allocation de dommages et intérêts pour responsabilité civile de l’ETAT du fait de son activité législative, sinon de son activité exécutive, obtenir paiement par équivalent des aides étatiques pour études supérieures (bourses et prêts) qui lui ont été refusées pour les années académiques 2011-2012 et 2012-2013 par les décisions administratives individuelles des 3 février 2012 et 13 mars 2013 »77 et que « [l]e dommage moral invoqué […] se rapporte également à la prise par l’ETAT de décisions individuelles à son égard et il ne résulte pas de la seule adoption de la loi du 26 juillet 2010 »78, - que la demanderesse en cassation « n’a pas introduit de recours contentieux contre les décisions de refus »79 et - qu’elle ne saurait « trancher de manière incidente la question de l’illégalité d’actes administratifs à titre individuel pris sur base de la loi du 26 juillet 2010, alors que le délai pour introduire un recours administratif contre ces décisions est écoulé »80 notamment parce que « dans un souci d’assurer la stabilité des situations produites par les décisions administratives individuelles, les actes à caractère individuel, passé le délai de recours de trois mois devant le tribunal administratif, ne peuvent plus être remis en cause par voie d’exception d’illégalité, ni par le juge administratif, ni par le juge judiciaire dans le cadre d’une instance ultérieure »81 et « qu’une demande tendant à faire sanctionner l’illégalité d’une décision administrative définitive en empruntant la voie civile est irrecevable, au motif qu’une telle démarche contournerait les règles du droit administratif sur les recours, visant à assurer la stabilité des situations produites par les décisions administratives individuelles »82.

La Cour d’appel constata donc que le préjudice invoqué trouve sa cause dans les décisions administratives individuelles de refus de l’aide financière, que ces décisions n’ont pas été attaquées par la demanderesse en cassation devant le tribunal administratif et que le juge judiciaire est, par principe, sans compétence pour statuer par voie d’exception sur la légalité de telles décisions.

Au regard de ces constatations il n’était pas pertinent de s’interroger sur la façon dont le tribunal administratif aurait tranché un recours hypothétique formé par la demanderesse en cassation contre les décisions de refus d’octroi de l’aide financière. En effet, au regard du défaut de compétence du juge judiciaire de statuer par voie d’exception sur la légalité d’actes administratifs individuels non attaqués devant le tribunal administratif, le caractère même éventuellement prévisible de la décision rendue par ce tribunal sur un recours formé devant lui contre de tels actes n’est pas de nature à conférer compétence au juge judiciaire pour statuer lui-même, par voie d’exception, sur la légalité de ces actes. Il ne saurait donc être reproché à la Cour d’appel d’avoir omis d’anticiper l’issue d’un tel recours hypothétique au regard de l’arrêt Giersch e.a.

76 Arrêt attaqué, page 10, troisième alinéa.

77 Idem, même page, deuxième alinéa.

78 Idem et loc.cit.

79 Idem, même page, antépénultième alinéa.

80 Idem, même page, avant-dernier alinéa.

81 Idem, même page, dernier alinéa.

82 Idem, page 12, premier alinéa.

Il en suit que la première branche du moyen n’est pas fondée.

Au regard de la constatation précitée que le préjudice invoqué trouve sa cause dans les décisions administratives individuelles de refus de l’aide financière, cette conclusion ayant été déduite du fait que la demande de condamnation à réparer le préjudice matériel invoqué, qui équivaut au montant des aides financières refusées, est à considérer comme une demande de paiement par équivalent des aides et que le préjudice moral se rapporte également au refus des aides, il n’était pas pertinent de s’interroger sur la marge d’appréciation réservée à l’Administration par la loi du 26 juillet 2010.

Il en suit que la seconde branche du moyen n’est pas non plus fondée.

Le sixième moyen n’est, partant, pas fondé.

Sur le septième moyen Comme rappelé ci-avant, le septième moyen correspond en substance au quatrième moyen qui avait été invoqué dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020. Vous avez déclaré ce moyen irrecevable au motif qu’il mettait en œuvre, en violant de l’article 10, alinéa 2, de la loi de 1885, plusieurs cas d’ouverture. Cette sanction s’expliquait parce que ce moyen avait été tiré de façon concomitante et sans subdivision en branches de la violation des dispositions régissant la responsabilité civile, à savoir les articles 1, alinéa 1, de la loi du 1er septembre 1988, ainsi que 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, et de celle des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile, relatifs à l’obligation du juge de respecter l’objet du litige.

Le septième moyen du présent pourvoi n’encourt pas ce reproche puisqu’il est exclusivement tiré de la violation des dispositions précitées, régissant la responsabilité civile.

Il critique l’appréciation faite par la Cour d’appel du lien de causalité entre le préjudice invoqué et les décisions de refus de l’aide financière. Selon la demanderesse en cassation le préjudice a, en réalité, été causé par la loi du 26 juillet 2010.

Ainsi, sous le couvert du grief de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation par les juges du fond, faite dans les motifs cités ci-

avant dans le cadre de la discussion du sixième moyen, du lien de causalité entre les fautes invoquées, à savoir l’adoption par le législateur de la loi de 2010 et la prise des décisions de rejet de l’attribution de l’aide financière à la demanderesse en cassation par l’Administration, et le préjudice allégué, appréciation qui, selon votre jurisprudence, relève de leur pouvoir souverain et échappe à votre contrôle83.

Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le huitième moyen 83 Voir, à titre d’illustration : Cour de cassation, 2 juillet 2015, n° 61/15, numéro 3500 du registre (réponse au troisième moyen) ; idem, 14 décembre 2017, n° 93/2017, numéro 3883 du registre (réponse au treizième jusqu’au dix-septième moyens) ; idem, 7 juin 2018, n° 58/2018, numéro 3965 du registre (réponse au cinquième moyen) ;

idem, 10 juin 2021, n° 94/2021, numéro CAS-2020-00102 du registre (réponse au second moyen).

Comme rappelé ci-avant, le huitième moyen correspond au sixième moyen qui avait été invoqué dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, sous réserve, en substance, qu’il n’est plus tiré d’une violation des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile.

Il reproche à la Cour d’appel d’avoir violé les articles 84 de la Constitution, 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, ainsi que 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil en ayant rejeté la demande indemnitaire au motif que la demanderesse en cassation avait omis d’attaquer les décisions de refus de l’aide financière devant le tribunal administratif. Selon le moyen, le juge judiciaire est, même en l’absence de recours formé devant les juridictions administratives contre un acte administratif individuel ayant causé le préjudice, tenu d’en apprécier par voie d’exception la légalité et, en cas de constat d’une illégalité, de réparer le préjudice causé.

Cette prétention a été refusée en l’espèce par la Cour d’appel par les motifs cités ci-avant dans le cadre de la discussion du sixième moyen.

Vous avez, par votre arrêt du 4 juin 2020, rendu sur pourvoi formé contre un arrêt ayant comporté sur ce point une motivation similaire, rejeté ce moyen aux motifs que :

« En retenant par les motifs critiqués que l’exception d’illégalité des décisions administratives individuelles ne pouvait être accueillie au motif qu’elle aurait pour effet de contourner les règles régissant les recours de droit administratif et en rejetant la demande de la demanderesse en cassation de faire constater, par les juridictions judiciaires, l’illégalité des décisions qu’elle avait omis d’attaquer devant les juridictions de l’ordre administratif et de voir réparer le préjudice en résultant, la Cour d’appel n’a pas refusé de juger, mais elle a statué dans les limites de la compétence attribuée aux juridictions de l’ordre judiciaire »84.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen Comme rappelé ci-avant, le neuvième moyen correspond à la deuxième branche du septième moyen qui avait été invoqué dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020.

Il reproche encore une fois, comme le huitième moyen, à la Cour d’appel d’avoir violé les articles 84 de la Constitution, 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, ainsi que 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil en ayant rejeté la demande indemnitaire au motif que la demanderesse en cassation avait omis d’attaquer les décisions de refus de l’aide financière devant le tribunal administratif.

Selon le moyen, le juge judiciaire, même à supposer qu’il ne soit pas compétent pour statuer par voie d’exception sur la légalité d’un acte administratif individuel ayant indument refusé 84 Arrêt du 4 juin 2020, réponse au sixième moyen. Il est à préciser encore une fois que ce moyen avait été tiré en outre, dans le cadre d’une branche séparée, de la violation des articles 53 et 54 du Nouveau Code de procédure civile, de sorte que le motif tiré de ce que « la Cour d’appel n’a pas refusé de juger » se réfère à ce grief, qui n’a pas été soulevé en l’espèce.

l’octroi d’une somme déterminée, reste compétent pour statuer sur cette exception en ce qui concerne la réparation de tout préjudice distinct du bénéfice de la somme refusée, tel qu’en l’espèce le préjudice moral invoqué.

Dans l’arrêt du 4 juin 2020, vous avez rejeté ce grief, présenté dans le cadre de la deuxième branche du septième moyen, en renvoyant à votre réponse donnée au sixième moyen, qui a été citée ci-avant dans le cadre de la discussion du huitième moyen du présent pourvoi.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les troisième et quatrième moyens de cassation Le troisième moyen est tiré d’un manque de base légale au regard des articles 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, et 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ainsi que du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer l’efficacité de ce droit par une protection juridictionnelle directe et immédiate, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande indemnitaire de la demanderesse en cassation dirigée contre l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne aux motifs que la demande tend à l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’illégalité alléguée d’un acte administratif individuel, que cette demande suppose un recours préalable auprès des juridictions de l’ordre administratif aux fins de constater l’illégalité de l’acte, cette constatation échappant aux pouvoirs du juge judiciaire, mais qu’un tel recours n’a pas été introduit en l’espèce et que cette exigence est conforme au droit de l’Union européenne, partant, n’est, dans les circonstances de l’espèce au regard des constatations de fait opérées, pas de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile la réparation du préjudice, donc respecte le principe d’effectivité, alors que, première branche, eu égard au nombre et aux coûts des recours que la demanderesse en cassation aurait, à suivre la thèse de la Cour d’appel, dû introduire devant les juridictions de l’ordre administratif contre les décisions de refus, semestriels, de l’aide financière, l’exigence rend excessivement difficile la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne et que la Cour d’appel, en statuant sur cette question par des motifs abstraits, sans égard au cas concret, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions visées; que, deuxième branche, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale en omettant d’examiner les conséquences du coût imposé à la demanderesse en cassation, qui a été une étudiante sans ressources propres, par l’attitude de l’Etat multipliant les décisions de rejet sans attendre la solution du contentieux d’affaires pilotes similaires renvoyées devant la Cour de justice de l’Union européenne ; que, troisième branche, il vous appartient de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles aux fins de déterminer, d’une part, si la réparation par l’Etat d’une violation du droit de l’Union européenne peut être subordonnée à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de ce droit, lorsque le droit national n’exige qu’une faute simple pour engager cette responsabilité et, d’autre part, si cette réparation peut être subordonnée à l’introduction par la victime d’un recours préalable devant le juge administratif aux fins de constater l’illégalité de l’acte administratif dans lequel le préjudice trouve sa source, surtout si ce recours est à exercer dans un délai de forclusion de trois mois contre des décisions n’ayant qu’une portée semestrielle, que plusieurs affaires de principe étaient pendantes devant les juridictions administratives ayant donné lieu à l’arrêt Giersch e.a. de la Cour de justice de l’Union européenne, dont l’issue valait décision de principe pour toutes les autres affaires, que l’administration a délibérément notifié des décisions faisant courir ce délai, alors même qu’elle aurait pu adopter des décisions implicites de refus, qui n’ont pas pour effet de faire courir un tel délai de forclusion, que le recours à introduire impose le ministère d’avocat et ne permet pas de suspendre les délais et que l’Etat peut se faire représenter par des délégués du gouvernement, recevant un traitement fixe tandis que les justiciables sont obligés de recourir à un avocat à la Cour dont les frais varient en fonction du nombre des actes posés.

Le quatrième moyen est tiré de la violation des articles 1, alinéa 1, de la loi modifiée du 1er septembre 1988 relative à la responsabilité de l’Etat et des collectivités publiques, 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil, ainsi que 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté et du principe de la primauté du droit de l’Union européenne afin d’assurer l’efficacité de ce droit par une protection juridictionnelle directe et immédiate, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande indemnitaire de la demanderesse en cassation dirigée contre l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne aux motifs que la demande tend à l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’illégalité alléguée d’un acte administratif individuel, que cette demande suppose un recours préalable auprès des juridictions de l’ordre administratif aux fins de constater l’illégalité de l’acte, cette constatation échappant aux pouvoirs du juge judiciaire, ce nonobstant la circonstance que la loi sur base de laquelle l’acte a été adopté a été déclarée contraire au droit de l’Union européenne par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Giersch e.a., alors que, première branche, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union a, conformément à ce qui a été décidé par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Simmenthal85, l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de par sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel, de sorte qu’il aurait appartenu à la Cour d’appel de passer outre cette condition purement interne, d’autant plus que la Cour de justice avait en l’espèce constaté l’illégalité de la loi sur base de laquelle les actes administratifs individuels ayant généré le préjudice allégué avaient été adoptés ; que, seconde branche, il vous appartient de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles aux fins de déterminer, en premier lieu, si la réparation par l’Etat d’une violation du droit de l’Union européenne peut être subordonnée à l’introduction par la victime d’un recours préalable devant le juge administratif aux fins de constater l’illégalité de l’acte administratif dans lequel le préjudice trouve sa source, surtout si ce recours est à exercer dans un délai de forclusion de trois mois contre des décisions n’ayant qu’une portée semestrielle, que plusieurs affaires de principe étaient pendantes devant les juridictions administratives ayant donné lieu à l’arrêt Giersch e.a.

de la Cour de justice de l’Union européenne, dont l’issue valait décision de principe pour toutes les autres affaires, que l’administration a délibérément notifié des décisions faisant courir ce délai, alors même qu’elle aurait pu adopter des décisions implicites de refus, qui n’ont pas pour effet de faire courir un tel délai de forclusion, que le recours à introduire impose le ministère d’avocat et ne permet pas de suspendre les délais et que l’Etat peut se faire représenter par des délégués du gouvernement, recevant un traitement fixe tandis que les justiciables sont obligés de recourir à un avocat à la Cour dont les frais varient en fonction du nombre des actes posés, en deuxième lieu, si l’arrêt Köbler de la Cour de justice de l’Union européenne86, qui impose la réparation des dommages causés par suite de la violation du droit de l’Union européenne commise par une juridiction suprême dont les décisions sont irrévocables, est transposable à la 85 Cour de justice de l’Union européenne, 5 mars 1980, 243/78, Simmenthal, ECLI:EU:C:1980 :65, points 16 et 24.

86 Cour de justice de l’Union européenne, 30 septembre 2003, C-224/01, Köbler, ECLI:EU:C:2003:513.

situation, de l’espèce, d’un Etat membre dont une loi a été déclarée non-conforme au droit de l’Union, mais dont les décisions administratives individuelles basées sur cette loi n’ont pas été attaquées en temps utile, partant, sont définitives et irrévocables en droit national et, en troisième lieu, si l’arrêt Simmenthal est transposable à la situation, de l’espèce, de dispositions internes d’un Etat membre empêchant une juridiction civile de réparer le préjudice causé par une violation du droit de l’Union européenne en l’absence du constat préalable de l’illégalité de cet acte par une juridiction administrative.

Sur le troisième moyen Comme rappelé ci-avant, le troisième moyen correspond au premier moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020.

Il critique que l’exigence faite à la demanderesse en cassation d’attaquer les décisions de refus de l’aide financière par des recours devant les juridictions administratives est à ce point onéreuse qu’elle rend en pratique la réparation du préjudice, subie par suite d’une violation du droit de l’Union européenne, impossible ou excessivement difficile et que la Cour d’appel s’est limitée à statuer sur cette question par des motifs abstraits, sans égard au cas concret (première branche), que celle-ci a omis d’examiner les conséquences du coût imposé à la demanderesse en cassation, qui a été une étudiante sans ressources propres (deuxième branche) et que la Cour de justice de l’Union européenne est à saisir de questions préjudicielles aux fins de se prononcer sur le point de savoir si une telle exigence n’a pas pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile la réparation du préjudice subi par suite d’une violation du droit de l’Union européenne (troisième branche).

Sur les première et deuxième branches du moyen réunies Par référence aux première et deuxième branches du premier moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, il est proposé de répondre comme suit :

« En retenant :

« L’ETAT fait répliquer à bon escient que du fait que de nombreux étudiants étaient concernés par les recours administratifs auxquels se réfère l’appelante, le mandataire de celle-ci se trouvait également dans une situation lui permettant de préparer des recours-types et un mémoire en réplique-type et qu’il était donc en mesure de diminuer le travail et les coûts relatifs auxdits recours.

Il s’ajoute que l’ETAT devait, de son côté, rémunérer tant son avocat, que ses délégués du gouvernement.

Le tribunal a donc retenu à bon droit que L) n’établit pas qu’elle se soit trouvée dans un état de « faiblesse économique » par rapport à l’intimé.

En ce qui concerne le reproche de l’absence de suspension du processus décisionnel qui aurait rendu plus difficile l’exercice d’un recours en obligeant les concernés à introduire des recours multiples, aucun texte de loi n’oblige l’ETAT à surseoir à son activité de prise de décisions individuelles en raison du fait que d’autres décisions du même genre se trouvent attaquées devant les juridictions administratives. »87, la Cour d’appel ne s’est pas prononcée par des considérations abstraites, d’ordre général, mais a, à suffisance, constaté les faits qui l’ont amenée à retenir que l’exigence imposée à la demanderesse en cassation d’introduire des recours devant le tribunal administratif contre les décisions de refus critiquées ne rendait pas impossible ou excessivement difficile la mise en œuvre de la responsabilité de l’Etat pour la violation du droit de l’Union européenne.

Il en suit que le moyen, pris en ses première et deuxième branches, n’est pas fondé. » Sur la troisième branche du moyen Par référence aux première et deuxième branches du premier moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, il est proposé de répondre comme suit :

« Les deux premières branches du moyen tiré du manque de base légale ayant été rejetées, il n’y a pas lieu à renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles proposées ».

Sur le quatrième moyen Comme rappelé ci-avant, le quatrième moyen correspond en substance au deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020.

Il critique que la Cour d’appel aurait dû passer outre la condition de droit interne tirée de ce que le juge judiciaire ne peut constater l’illégalité d’un acte administratif individuel non attaqué devant les juridictions administratives, partant, ne peut statuer sur la demande en réparation du préjudice découlant de cette illégalité, lorsque, comme en l’espèce, l’illégalité constitue une violation du droit de l’Union européenne constatée par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (première branche) et vous demande de saisir cette Cour de questions préjudicielles aux fins de déterminer si une telle condition n’est pas contraire au droit de l’Union européenne (seconde branche).

Sur la première branche du moyen Par référence à la première branche du deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, il est proposé de répondre comme suit :

« Il appartient aux juridictions nationales d’appliquer, dans le respect de leurs compétences, les dispositions du droit de l’Union européenne, d’assurer le plein effet de ces normes, de protéger les droits qu’elles confèrent aux particuliers et d’assurer, conformément au droit national, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’efficacité, l’indemnisation des préjudices causés par l’Etat du chef de la violation du 87 Arrêt attaqué, page 15, dernier alinéa, à page 16, troisième alinéa.

droit de l’Union européenne. Cette obligation ne dispense cependant pas la personne lésée de l’exigence, lui imposée le cas échéant par le droit national, de se montrer raisonnablement diligente pour éviter le préjudice ou en limiter la portée. Le respect de cette exigence fait partie du régime de la responsabilité de l’Etat défini par la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle l’existence d’un recours en manquement pendant devant elle ou la probabilité qu’elle soit saisie d’une demande de décision préjudicielle par le juge national ne peuvent, en tant que telles, constituer une raison suffisante pour conclure qu’il n’est pas raisonnable de devoir exercer une voie de droit.

Il en suit que le moyen, pris en sa première branche, n’est pas fondé. ».

Sur la seconde branche du moyen Par référence à la seconde branche du deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, il est proposé de répondre comme suit :

« Lorsqu’il n’existe aucun recours juridictionnel de droit interne contre la décision d’une juridiction nationale, cette dernière est, en principe, tenue de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, conformément à l’article 267, alinéa 3, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dès lors qu’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union est soulevée devant elle, à moins qu’elle n’ait constaté que la question soulevée n’est pas pertinente ou que la disposition du droit de l’Union concernée a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour de justice de l’Union européenne ou que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable ».

Ces principes, qui ont été exposés pour la première fois par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt Cilfit de 198288, viennent d’être rappelés par un récent arrêt de Grande Chambre du 6 octobre 202189.

Dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, la demanderesse en cassation avait proposé, dans le cadre de son deuxième moyen, similaire au quatrième moyen présenté dans le cadre du présent pourvoi, de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de quatre questions :

- une première question, tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de ce que l’indemnisation du préjudice causé par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois une faute simple tandis que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne commise par 88 Cour de justice de l’Union européenne, 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, EU:C:1982:335, point 21.

89 Idem, Grande Chambre, 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management e.a., C-561/19, ECLI:EU:C:2021:799.

La Cour ajoute aux principes de l’arrêt Cilfit, cités par votre arrêt du 4 juin 2020, qui impliquent aussi que « L’existence d’une telle éventualité [donc de l’existence d’une cause de dispense de saisine de la Cour de justice] doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union » (dispositif de l’arrêt), que « Une telle juridiction [donc une juridiction, comme la vôtre, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne] ne saurait être libérée de ladite obligation au seul motif qu’elle a déjà saisi la Cour à titre préjudiciel dans le cadre de la même affaire nationale. Cependant, elle peut s’abstenir de soumettre une question préjudicielle à la Cour pour des motifs d’irrecevabilité propres à la procédure devant cette juridiction, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité. » (dispositif de l’arrêt).

une personne morale de droit public supposerait une violation suffisamment caractérisée de ce droit, - une deuxième question, tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de ce que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne commise par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois que la victime forme au préalable, devant la juridiction administrative, un recours contre l’acte administratif dont la violation est déduite et que le droit luxembourgeois maintient cette exigence même dans un cas, comme celui de l’espèce, dans lequel cette exigence est difficile en pratique et coûteuse et que la violation du droit de l’Union européenne a déjà été constatée par un arrêt de la Cour de justice, - une troisième question, tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne, tel qu’il a été interprété par la Cour de justice dans son arrêt Köbler, de ce que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne commise par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois que la victime forme au préalable, devant la juridiction administrative, un recours contre l’acte administratif dont la violation est déduite et que le droit luxembourgeois maintient cette exigence même dans un cas, comme celui de l’espèce, dans lequel la violation du droit de l’Union européenne a déjà été constatée par un arrêt de la Cour de justice, et - une quatrième question, tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne, tel qu’il a été interprété par la Cour de justice dans son arrêt Simmenthal, de ce que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne commise par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois que la victime forme au préalable, devant la juridiction administrative, un recours contre l’acte administratif dont la violation est déduite et que le juge judiciaire maintient en l’espèce cette exigence nonobstant le pouvoir lui conféré par l’arrêt Simmenthal de laisser au besoin inappliquée, de par sa propre autorité, toute disposition contraire au droit de l’Union européenne.

En l’espèce, la demanderesse en cassation vous invite, dans le cadre du quatrième moyen, correspondant en substance au deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, de saisir la Cour de justice de la deuxième, troisième et quatrième question résumée ci-avant90, qui sont donc respectivement la première, deuxième et troisième question soulevée en l’espèce. Elle ne fait, en revanche, pas état de la première question résumée ci-avant. Elle complète par ailleurs la deuxième question résumée ci-avant, qui correspond à la première question soulevée en l’espèce, de façon à insister encore davantage sur les difficultés pratiques au préjudice des demandeurs que soulèverait en l’espèce l’exigence d’un recours administratif préalable à diriger contre les décisions de refus de l’aide financière91.

90 Mémoire en cassation, pages 31 et 32.

91 Dans le cadre de la deuxième question préjudicielle proposée dans le deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juin 2020, la demanderesse en cassation de cette espèce avait fait valoir, d’une part, le caractère semestriel des décisions de refus et l’exigence d’attaquer ces décisions dans un délai de forclusion de trois mois (point a de la question 2) et, d’autre part, la circonstance que la violation du droit de l’Union européenne avait été constatée par la Cour de justice dans l’arrêt Giersch e.a. (point b de la question 2). Dans le cadre de la première question préjudicielle proposée dans le quatrième moyen du présent pourvoi (correspondant à la deuxième question préjudicielle proposée dans le deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juin 2020), la demanderesse en cassation fait valoir trois circonstances supplémentaires : le fait que l’Administration aurait délibérément notifié les décisions de refus, de façon à faire courir le délai de recours, au lieu de les notifier sans Sur la première question préjudicielle La première question préjudicielle soulevée est tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne de ce que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne commise par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois que la victime forme au préalable, devant la juridiction administrative, un recours contre l’acte administratif dont la violation est déduite et que le droit luxembourgeois maintient cette exigence même dans un cas, comme celui de l’espèce, dans lequel cette exigence est difficile en pratique et coûteuse et que la violation du droit de l’Union européenne a déjà été constatée par un arrêt de la Cour de justice.

Par référence à la réponse donnée à la deuxième question préjudicielle soulevée dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, il est proposé de répondre comme suit :

« La question repose sur la prémisse erronée que l’exigence d’un recours administratif préalable au recours civil en indemnité rend l’obtention de la réparation des dommages causés par la violation du droit de l’Union européenne excessivement difficile, dès lors que le recours administratif ne constitue pas une étape préalable à la réparation du préjudice, mais en aurait évité la naissance et dispensé la demanderesse en cassation d’introduire un recours civil.

Il en suit que la première question préjudicielle n’est pas pertinente. ».

La Cour d’appel a, en effet, constaté que la demanderesse ne saurait soutenir que l’exigence d’attaquer les décisions de refus de l’aide financière devant les juridictions administratives n’a pas eu pour effet, dans sa situation concrète, de rendre, en pratique, le recours en responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne impossible ou excessivement difficile parce que « la mise en œuvre du recours administratif aurait eu pour effet l’annulation des décisions administratives de refus des 3 février 2012 et 13 mars 2013 et partant l’allocation par l’ETAT des aides financières dont le paiement est actuellement réclamé à titre de dommages et intérêts – ce qui a été le cas pour les enfants de travailleurs frontaliers qui avaient introduit un recours contre les décisions rendues sur base de la loi du 26 juillet 2010 – et [que] ledit recours aurait également évité le dommage moral dont fait actuellement état l’appelante »92.

Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles réunies La deuxième question préjudicielle soulevée est tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne, tel qu’il a été interprété par la Cour de justice dans son arrêt Köbler, de ce que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne faire courir le délai (point c de la question 1 du quatrième moyen du présent pourvoi) ; l’obligation d’introduire les recours administratifs par ministère d’avocat à la Cour, donc au moyen d’une procédure onéreuse (point d de la question 1 du quatrième moyen du présent pourvoi) et les coûts de procédure comparativement plus importants à supporter par les étudiants souhaitant former des recours administratifs contre les décisions de refus des aides financières, les étudiants devant se faire assister par des avocats à la Cour tandis que l’Etat est représenté auprès des juridictions administratives par des délégués de gouvernement, payés de façon fixe et forfaitaire (point e de la question 1 du quatrième moyen du présent pourvoi).

92 Arrêt attaqué, page 14, deuxième alinéa.

commise par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois que la victime forme au préalable, devant la juridiction administrative, un recours contre l’acte administratif dont la violation est déduite et que le droit luxembourgeois maintient cette exigence même dans un cas, comme celui de l’espèce, dans lequel la violation du droit de l’Union européenne a déjà été constatée par un arrêt de la Cour de justice.

La troisième question soulevée est tirée de la compatibilité avec le droit de l’Union européenne, tel qu’il a été interprété par la Cour de justice dans son arrêt Simmenthal, de ce que l’indemnisation du préjudice causé par suite d’une violation du droit de l’Union européenne commise par une personne morale de droit public suppose en droit luxembourgeois que la victime forme au préalable, devant la juridiction administrative, un recours contre l’acte administratif dont la violation est déduite et que le juge judiciaire maintient en l’espèce cette exigence nonobstant le pouvoir lui conféré par l’arrêt Simmenthal de laisser au besoin inappliquée, de par sa propre autorité, toute disposition contraire au droit de l’Union européenne.

Par référence à la réponse donnée aux troisième et quatrième questions préjudicielles soulevées dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020, il est proposé de répondre comme suit :

« L’application du principe général tiré de ce que la personne lésée doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice en rapport avec le recours en responsabilité de l’Etat pour violation du droit de l’Union a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour de justice de l’Union européenne.

Il en suit qu’il n’y a lieu à renvoi devant la Cour de justice de l’Union européenne d’aucune des questions préjudicielles proposées. ».

Il est, en effet, admis dans le cadre d’une jurisprudence constante de la Cour de justice en matière de responsabilité des Etats membres pour violation du droit de l’Union européenne que « selon un principe général commun aux systèmes juridiques des Etats membres, la personne lésée, au risque de devoir supporter elle-même le dommage, doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice »93.

Or, la Cour d’appel a constaté en l’espèce, par les motifs cités ci-avant dans le cadre de la discussion de la première question préjudicielle soulevée, que la mise en œuvre du recours administratif aurait eu pour effet l’allocation des aides financières après annulation des décisions de refus, donc aurait évité la naissance du préjudice matériel invoqué, et aurait également évité le dommage moral dont la demanderesse en cassation fait actuellement état94.

En omettant de former devant les juridictions de l’ordre administratif un recours contre les décisions de refus de l’aide financière, la demanderesse en cassation a donc fait naître le préjudice dont elle demande actuellement la réparation.

93 Cour de justice de l’Union européenne, arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, point 85 ; principe énoncé pour la première fois par : idem, 19 mai 1992, C-104/89 et C-37/90, Mulder e.a./Conseil et Commission, ECLI:EU:C:1992:217, point 33 ; principe constant depuis lors : voir, à titre d’illustration : idem, arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, point 102 ; idem, 24 mars 2009, C-445/06, Danske Slagterier, ECLI:EU:C:2009:178, point 61; idem, arrêt Fuß, précité, point 76 ; idem, 4 octobre 2018, C-571/16, Kantarev, 2018, ECLI:EU:C:2018:807, point 140.

94 Arrêt attaqué, page 14, deuxième alinéa.

Sur les premier et deuxième moyens de cassation Le premier moyen est tiré de la violation, par défaut de base légale, des articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1 du Protocole n° 12 à cette Convention, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande indemnitaire de la demanderesse en cassation dirigée contre l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne aux motifs que la demande tend à l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’illégalité alléguée d’un acte administratif individuel, que cette demande suppose un recours préalable auprès des juridictions de l’ordre administratif aux fins de constater l’illégalité de l’acte, cette constatation échappant aux pouvoirs du juge judiciaire, mais qu’un tel recours n’a pas été introduit en l’espèce et que cette exigence est conforme au droit de l’Union européenne, partant, n’est, dans les circonstances de l’espèce au regard des constatations de fait opérées, pas de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile la réparation du préjudice, alors que, première branche, en refusant de conclure au caractère excessif de l’exigence de la subordination de la demande indemnitaire à l’introduction préalable d’un recours administratif, elle a statué par des motifs abstraits, sans égard au cas concret de la demanderesse en cassation, qui était une étudiante démunie de ressources propres, et que la violation du droit de l’Union européenne ayant causé le préjudice résultait d’une discrimination indirecte des enfants de travailleurs frontaliers par rapport aux enfants de résidants et que, seconde branche, elle a omis d’examiner les conséquences du coût imposé à la demanderesse en cassation par l’exigence de subordonner la demande indemnitaire à l’introduction préalable d’un recours administratif, privant sa décision de base légale.

Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 6 § 1, 13 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1 du Protocole n° 12 à cette Convention, en ce que la Cour d’appel a confirmé le rejet de la demande indemnitaire de la demanderesse en cassation dirigée contre l’Etat pour violation du droit de l’Union européenne aux motifs que la demande tend à l’indemnisation d’un préjudice résultant de l’illégalité alléguée d’un acte administratif individuel, que cette demande suppose un recours préalable auprès des juridictions de l’ordre administratif aux fins de constater l’illégalité de l’acte, cette constatation échappant aux pouvoirs du juge judiciaire, mais qu’un tel recours n’a pas été introduit en l’espèce et que cette exigence est conforme au droit de l’Union européenne, partant, n’est, dans les circonstances de l’espèce au regard des constatations de fait opérées, pas de nature à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile la réparation du préjudice, alors que, première branche, en refusant de conclure au caractère excessif de l’exigence de la subordination de la demande indemnitaire à l’introduction préalable d’un recours administratif, elle a statué par des motifs abstraits, sans égard au cas concret de la demanderesse en cassation, qui était une étudiante démunie de ressources propres, de sorte qu’elle n’a pas légalement justifié sa décision et que la violation du droit de l’Union européenne ayant causé le préjudice résultait d’une discrimination indirecte des enfants de travailleurs frontaliers par rapport aux enfants de résidants et que, seconde branche, elle aurait dû constater le caractère excessif du coût imposé à la demanderesse en cassation par l’exigence de subordonner la demande indemnitaire à l’introduction préalable d’un recours administratif.

Dans ses premier et deuxième moyens, la demanderesse en cassation reprend, en substance, ses troisième et quatrième moyens, sauf à les tirer de la violation de dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le premier moyen est, de façon similaire, au troisième, tiré d’un défaut de base légale, tandis que le deuxième, de façon similaire au quatrième, reprend les mêmes critiques, sauf à les présenter sous forme d’un grief tiré de la violation (pure et simple, donc non par défaut de base légale) des dispositions visées.

Ces moyens n’avaient pas été soulevés dans le cadre du pourvoi ayant donné lieu à votre arrêt du 4 juin 2020.

Sur le premier moyen Le premier moyen est tiré de la violation, par défaut de base légale, de deux catégories de dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est tiré, d’une part, de la violation des articles 6 § 1 et 13 de celle-ci, en ce que ces articles garantissant le droit à procès équitable et à un recours effectif95, et, d’autre part, de celle des articles 14 de la Convention et 1 du Protocole n° 12 à celle-ci, interdisant la discrimination.

Il invoque donc ensemble des dispositions dont l’objet est différent.

Le moyen est subdivisé en deux branches.

La première branche a pour objet de critiquer, de façon cumulative, une violation, par défaut de base légale, d’une part, du droit à un procès équitable et à un recours effectif, garantis par les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, et, d’autre part, de l’interdiction de la discrimination, garantie par les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole n° 12 à celle-ci.

La seconde branche présente une critique similaire, fondée sur d’autres motifs de fait96, sans faire état dans l’énoncé ou la discussion de celle-ci de la question de la violation de l’interdiction de la discrimination, de sorte que cette branche se limite, à bien comprendre, à critiquer exclusivement une violation du droit à un procès équitable et à un recours effectif.

L’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi de 1885 dispose que « [s]ous peine d’irrecevabilité, un moyen ou un élément de moyen ne doit mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ». Le « cas d’ouverture » au sens de cette disposition s’entend du grief opposé à la décision attaquée97. Il est admis qu’une pluralité de textes peut être invoquée à l’appui d’un seul « cas d’ouverture », donc d’un seul grief98. En revanche, ainsi que la loi précitée le dispose, chaque moyen ou, s’il est divisé en branches, chaque branche de moyen, ne doit mettre en œuvre qu’un seul « cas d’ouverture », donc qu’un seul grief.

Si la seconde branche respecte cette exigence, puisqu’elle se limite à mettre en œuvre le grief de la violation, par défaut de base légale, du droit à un procès équitable et à un recours effectif, garantis par les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, la première branche cumule deux griefs, à savoir, d’une part, la violation, par défaut de base légale, du droit à un procès équitable et à 95 Ce sont ces aspects de ces dispositions qui sont envisagés par la demanderesse en cassation (l’article 6 § 1 conférant encore, en tant que sous-catégories du droit à un procès équitable, d’autres droits plus spécifiques) (voir :

Mémoire en cassation, page 7, premier alinéa (discussion du premier moyen)).

96 La demanderesse en cassation critique dans la première branche le caractère abstrait de l’examen par la Cour d’appel du point de savoir si l’exigence d’un recours n’était pas excessif, tandis qu’elle critique dans la seconde branche que la Cour d’appel a omis de tenir compte de ce que l’Etat aurait pu s’abstenir de notifier les décisions de refus des aides ou se limiter à les notifier sans indiquer les voies de recours, auxquels cas les délais de recours n’auraient pas commencé à courir et la demanderesse en cassation n’aurait pas été forcée de les attaquer (Mémoire en cassation, page 14, antépénultième au dernier alinéas).

97 BORÉ, précité, n° 81.84, page 472.

98 Idem, n° 81.87, page 473.

un recours effectif, garantis par les articles 6 § 1 et 13 de la Convention et, d’autre part, la violation, par défaut de base légale, de l’interdiction de la discrimination, prévue par les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole n° 12 à celle-ci.

Il en suit que la première branche du moyen est irrecevable.

Le moyen est par ailleurs, au regard des éléments auxquels vous pouvez avoir égard, nouveau.

Il ne résulte, en effet, pas de l’arrêt, ni des actes de procédure que la demanderesse en cassation ait invoqué devant les juges du fond une violation de la Convention. Le défendeur en cassation expose à juste titre que l’examen du respect des droits invoqués, garantis par la Convention, à savoir le droit à un procès équitable et à un recours effectif et l’interdiction de la discrimination, suppose l’examen des conditions auxquelles la Convention et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme subordonnent le respect de ces droits99. Ces conditions sont complexes et supposent un examen des circonstances de l’espèce. Elles diffèrent par ailleurs de celles auxquelles la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne subordonne la responsabilité des Etats membres du fait de la violation du droit de l’Union européenne, qui ont été invoquées par la demanderesse en cassation devant les juges du fond et auxquelles elle se réfère à nouveau dans la discussion du moyen100.

Il en suit, à titre subsidiaire en ce qui concerne la première branche du moyen et à titre principal en ce qui concerne la seconde branche, que le moyen, qui est nouveau, est mélangé de fait et de droit, partant, irrecevable.

Ce n’est donc que de façon subsidiaire, en ce qui concerne la deuxième branche du moyen, et très subsidiaire, en ce qui concerne la première branche, qu’il est pris position sur le fond du moyen.

Comme vous l’avez retenu dans votre arrêt du 4 juin 2020, dans le cadre de votre réponse relative à la deuxième question préjudicielle soulevée dans la seconde branche du deuxième moyen, cette deuxième question correspondant dans le cadre du présent pourvoi à la première question soulevée dans la seconde branche du quatrième moyen, la demanderesse en cassation réclame actuellement l’indemnisation d’un préjudice qui est né parce qu’elle a omis d’exercer les voies de recours que la loi lui réserve. En effet, comme la Cour d’appel l’a retenu, si la demanderesse en cassation avait exercé un recours administratif contre les deux décisions de refus de l’aide judiciaire qu’elle critique actuellement, la juridiction administrative aurait annulé celles-ci et l’Etat lui aurait alloué l’aide financière101. Elle disposa donc d’un recours effectif de nature à éviter la naissance du préjudice qu’elle s’abstint cependant d’exercer.

Par ailleurs, comme vous l’avez retenu dans votre arrêt du 4 juin 2020, dans le cadre de votre réponse aux première et deuxième branches réunies du premier moyen, correspondant dans le cadre du présent pourvoi aux première et deuxième branches du troisième moyen, l’exigence d’exercer ce recours effectif devant les juridictions administratives n’était pas excessive parce que, ainsi que la Cour d’appel l’a retenu :

99 Mémoire en réponse, page 6, dernier alinéa.

100 Voir notamment : Mémoire en cassation, page 12, dernier alinéa, et page 13, avant-dernier et dernier alinéas (discussion de la deuxième branche du moyen), se référant à l’arrêt Fuß, précité, de la Cour de justice de l’Union européenne.

101 Arrêt attaqué, page 14, deuxième alinéa.

- « du fait que de nombreux étudiants étaient concernés par les recours administratifs auxquels se réfère [la demanderesse en cassation], le mandataire de celle-ci se trouvait [comme l’Etat] dans une situation lui permettant de préparer des recours-types et un mémoire en réplique-type et qu’il était donc en mesure de diminuer le travail et les coûts relatifs auxdits recours »102, En réponse aux arguments de la demanderesse en cassation tirés de ce que l’exigence imputée à celle-ci d’attaquer devant les juridictions de l’ordre administratif les décisions de refus de l’aide financière aurait été excessive et que l’Etat aurait pu éviter, par l’omission de rendre des décisions formelles de refus ou de notifier de telles décisions avec indication des voies de recours103, d’obliger la demanderesse en cassation à introduire de tels recours, la Cour d’appel a, par ailleurs, constaté :

- « que le coût de représentation devant les juridictions civiles qui requiert également le ministère d’avocat, doit être considéré comme étant plus, sinon du moins aussi coûteux que celui d’un recours administratif »104, - que « [c]e coût n’a pas découragé [la demanderesse en cassation] d’agir devant le tribunal administratif contre la décision du 12 janvier 2011 et devant les juridictions civiles contre les décisions du 3 février 2012 et 13 mars 2013 »105, - que la demanderesse en cassation « ne soutient pas non plus avoir été contrainte, par sa faible situation financière, de solliciter l’aide juridictionnelle de l’ETAT »106, - que « le mandataire de [la demanderesse en cassation] a défendu plusieurs affaires analogues devant les juridictions administratives, qu’il disposait d’un mémoire et d’un recours-type et que l’une des affaires défendues par celui-ci a été parmi celles ayant donné lieu à l’arrêt Giersch et autres du 30 juin 2013 de la CJUE »107, - « qu’il s’agissait d’un contentieux de masse, concernant de nombreux enfants de travailleurs frontaliers à Luxembourg et dans lequel sont intervenus des syndicats pour la prise en charge des frais d’avocat de leurs membres, [de sorte que] les arguments développés par [la demanderesse en cassation] au sujet de l’impossibilité, voire de la difficulté excessive d’un recours administratif en raison du coût de la procédure ne sont pas fondés »108, - que « [e]n ce qui concerne le reproche de l’absence de suspension du processus décisionnel qui aurait rendu plus difficile l’exercice d’un recours en obligeant les concernés à introduire des recours multiples, aucun texte de loi n’oblige l’ETAT à surseoir à son activité de prise de décisions administratives individuelles en raison du fait que d’autres décisions du même genre se trouvent attaquées devant les juridictions administratives »109, 102 Idem, page 15, dernier alinéa.

103 Voir sur cet argument : Mémoire en cassation, page 14, antépénultième au dernier alinéas (Discussion du premier moyen).

104 Arrêt attaqué, page 14, dernier alinéa.

105 Idem, page 15, premier alinéa.

106 Idem et loc.cit.

107 Idem, même page, deuxième alinéa.

108 Idem, même page, troisième alinéa.

109 Idem, page 16, troisième alinéa.

- que « [u]ne absence de réponse de l’administration aux demandes des étudiants n’aurait pas empêché des décisions de refus d’intervenir […] »110, - « que le refus de suspendre le processus décisionnel relève du principe de bonne administration et plus spécialement du respect d’un délai raisonnable dans la prise des décisions administratives, ce d’autant plus que le nombre important des décisions à prendre avait, en l’espèce, une grande influence sur les finances publiques et que tant l’ETAT que les particuliers avaient donc un intérêt à être fixés (Cour, 22 novembre 2017, n° 4357 du rôle) »111 et - que « [l]e fait que dans d’autres situations, moins importantes en termes financiers pour l’ETAT, celui-ci ait adopté une autre position n’est pas de nature à démontrer ipso facto que l’ETAT ait commis une faute en ne suspendant pas le processus décisionnel »112.

La Cour d’appel a donc analysé en détail et de façon concrète, partant, par des motifs suffisants, l’incidence sur la demanderesse en cassation de l’exigence lui imputée d’attaquer les refus de l’aide financière par des recours devant les juridictions de l’ordre administratif et l’allégation d’une faute de l’Etat d’avoir, par l’adoption de décisions formelles de refus de l’aide financière et la notification de ces décisions avec indication des voies de recours, mis la demanderesse en cassation dans une situation qui l’obligeait à introduire de tels recours.

Il en suit, à titre plus subsidiaire en ce qui concerne la première branche et à titre subsidiaire en ce qui concerne la seconde branche, que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen Le deuxième moyen est identique au premier, sauf qu’il n’est plus tiré d’une violation par défaut de base légale des dispositions invoquées, mais d’une violation pure et simple de ces dispositions.

Tout comme la première branche du premier moyen, la première branche du deuxième moyen met en œuvre deux cas d’ouverture, à savoir, d’une part, la violation du droit à un procès équitable et à un recours effectif, garantis par les articles 6 § 1 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et, d’autre part, une violation de l’interdiction de la discrimination, prévue par les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole n° 12 à celle-ci.

Il en suit que la première branche du moyen est irrecevable au regard de l’article 10, alinéa 2, première phrase, de la loi de 1885.

Tout comme le premier moyen, le deuxième est nouveau. Exigeant un examen des conditions de mise en œuvre des dispositions invoquées, il est mélangé de fait et de droit.

Il en suit, à titre subsidiaire en ce qui concerne la première branche du moyen et à titre principal en ce qui concerne la seconde branche, que le moyen est, pour ce motif, irrecevable.

110 Idem, même page, quatrième alinéa.

111 Idem, même page, cinquième alinéa.

112 Idem, même page, sixième alinéa.

Il a été vu ci-avant, dans le cadre de la discussion du premier moyen, que la Cour d’appel a analysé en détail et de façon concrète l’incidence sur la demanderesse en cassation de l’exigence d’un recours administratif contre les décisions de refus de l’aide financière notifiées à celle-ci et l’allégation d’une faute de l’Etat d’avoir, par l’adoption de décisions formelles de refus de l’aide financière et la notification de ces décisions avec indication des voies de recours, mis la demanderesse en cassation dans une situation qui l’obligeait à introduire de tels recours.

A cet égard, sous le couvert du grief tiré de la violation des dispositions visées au moyen, ce dernier ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de l’incidence sur la demanderesse en cassation de l’exigence d’un tel recours et de l’allégation du caractère fautif par l’Etat d’avoir adopté des décisions formelles de refus et d’avoir notifiées ces décisions avec indication des voies de recours, questions qui relèvent de leur pouvoir souverain et échappent au contrôle de votre Cour.

Il en suit, à titre plus subsidiaire en ce qui concerne la première branche du moyen et à titre subsidiaire en ce qui concerne la seconde branche, que le moyen ne saurait être accueilli.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État Le Procureur général d’État adjoint John PETRY 54


Synthèse
Numéro d'arrêt : 53/22
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-04-21;53.22 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award