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31/03/2022 | LUXEMBOURG | N°46925C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 31 mars 2022, 46925C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46925C ECLI:LU:CADM:2022:46925 Inscrit le 24 janvier 2022 Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2021 (n° 44191 du rôle) ayant statué sur le recours de Monsieur (A), …, contre un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et un bulletin de l’impôt commercial communal en matière d’impôts Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46925C du rôle et déposé

e au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2022 par Monsieur le délégué...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46925C ECLI:LU:CADM:2022:46925 Inscrit le 24 janvier 2022 Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2021 (n° 44191 du rôle) ayant statué sur le recours de Monsieur (A), …, contre un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et un bulletin de l’impôt commercial communal en matière d’impôts Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46925C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2022 par Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER, en application d’un mandat à ces fins lui conféré le 21 janvier 2022 par le ministre des Finances, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 17 décembre 2021 (n° 44191 du rôle) ayant déclaré en substance le recours en réformation de Monsieur (A), demeurant à L-…, recevable et fondé, en tant que dirigé contre le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017, de sorte à réformer ce bulletin en disant que les recettes provenant de la location de la maison unifamiliale sise à (1), n’étaient pas à considérer comme relevant d’une activité commerciale, mais d’une gestion du patrimoine privé, tout en rejetant ce recours pour le surplus et en faisant masse des frais et dépens de l’instance de manière à les imposer pour moitié à la partie étatique et pour moitié à Monsieur (A) ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Vu le courriel au greffe de Monsieur (A) du 20 mars 2022 et la réponse afférente du greffe du 22 mars 2022 ;

Vu l’accord du délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER du 22 mars 2022 de prendre l’affaire en délibéré sans autres formalités ;

1Sur le rapport du rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 24 mars 2022.

Le 3 janvier 2019, le bureau d’imposition Grevenmacher, section des personnes physiques, ci-après « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la « COPROPRIETE (BC) ET (A) LOYER », ci-après « la copropriété », propriétaire d’une maison unifamiliale située à (1), le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés relatif à l’année 2017, ainsi que le bulletin de l’impôt commercial communal relatif à l’année 2017.

Par courrier adressé en date du 6 mars 2019 au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », Monsieur (A), en sa qualité d’associé de la copropriété, introduisit une réclamation contre le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés relatif à l’année 2017, ainsi que le bulletin de l’impôt commercial communal relatif à l’année 2017.

A part un accusé de réception adressé le 11 avril 2019 par l’administration des Contributions directes à Monsieur (A), le courrier susmentionné du 6 mars 2019 ne connut jamais de suites.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 février 2020, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés relatif à l’année 2017, ainsi que du bulletin de l’impôt commercial communal relatif à l’année 2017.

Par jugement du 17 décembre 2021, le tribunal déclara tout d’abord le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il visait le bulletin de l’impôt commercial communal de l’année 2017 émis le 3 janvier 2019. Il déclara le recours en réformation recevable pour le surplus, le dit partiellement justifié et, par réformation du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017, dit que les recettes provenant de la location de la maison unifamiliale sise à (1), n’étaient pas à considérer comme relevant d’une activité commerciale, mais d’une gestion de patrimoine privé, tout en rejetant le recours pour le surplus, en faisant masse des frais et dépens de l’instance et en les imposant pour moitié à chacune des deux parties.

Pour arriver à cette solution, le tribunal retint en substance que l’activité litigieuse à la base du bulletin d’établissement critiqué se résumerait en la perception de loyers provenant de la location par la copropriété d’une maison unifamiliale sise à Wasserbillig. Il considéra que la seule activité de location de biens immobiliers ne saurait être considérée comme dépassant les limites de la gestion normale d’un patrimoine privé. Selon le tribunal, une telle activité de location n’aurait pas pour objet une exploitation de la substance du patrimoine privé par transfert d’éléments substantiels de la fortune, mais se limiterait à la conservation de la substance d’un patrimoine immobilier.

2Le tribunal en conclut qu’aucune activité commerciale ne pouvait être retenue dans le chef de Monsieur (A) concernant l’année d’imposition 2017 en relation avec l’activité de location d’immeuble à la base du bulletin d’établissement critiqué.

Le tribunal fit remarquer encore que cette conclusion ne se heurtait pas aux arrêts de la Cour du 13 mai 2014 (n°s 33835C, 33836C et 33837C) ayant qualifié les activités du même Monsieur (A) pour l’année 2005 comme ayant été commerciales, dans la mesure où face au principe de l’annualité de l’impôt, consacré notamment par l’article 1er de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après « LIR », ainsi que l’article 100 de la Constitution, il importait que la situation du contribuable soit considérée pour chaque année d’imposition suivant des données caractéristiques propres, établies du moment.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2022, l’Etat a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 17 décembre 2021 dont il sollicite la réformation partielle dans le sens de voir confirmer dans son intégralité le bulletin d’établissement litigieux des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017 en disant que les revenus locatifs tirés de la maison unifamiliale sise à (1), étaient à considérer comme des revenus provenant d’une activité commerciale, tout en confirmant le jugement pour le surplus, en rejetant l’ensemble des arguments invoqués et les demandes formées par l’intimé, tout en condamnant celui-ci aux frais et dépens des deux instances.

La partie intimée n’ayant pas fourni de mémoire, la Cour est néanmoins amenée à statuer à l’égard de toutes les parties en application des dispositions de l’article 47 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Dans l’absence de conclusions de la partie intimée, la seule question litigieuse déférée par l’appel partiel de l’Etat est celle du caractère commercial ou privé de l’activité de mise en location de la maison unifamiliale sise à (1), compte tenu du contexte global impliquant celle de savoir si les revenus de location en découlant étaient à considérer comme provenant d’une activité commerciale ou d’une activité de gestion du patrimoine privé.

Il résulte de l’ensemble des éléments fournis à la Cour que la maison unifamiliale litigieuse sise à (1), inscrite au cadastre de la commune de …, section … de …, sous le numéro …, a été acquise par Monsieur (A) et son épouse suivant procès-verbal d’adjudication publique du 7 juillet 2009, ensemble avec les époux (D) et (E), chacun pour un quart.

Les époux (D-E) cédèrent leur moitié indivise du susdit immeuble à la société anonyme (BC), dont ils sont les bénéficiaires effectifs, par acte notarié passé en date du 3 juin 2015, de sorte que durant l’année d’imposition 2017 litigieuse, les époux (A) et la société anonyme (BC) se trouvaient être copropriétaires de cet immeuble à hauteur de chaque fois 50%.

En raison de la commercialité par essence de la société anonyme (BC), celle-ci a poursuivi nécessairement une activité commerciale locative. Ici comme dans de nombreux autres exemples, les époux (A), dont plus particulièrement l’intimé, se sont associés à des sociétés commerciales dans le cadre de la gestion de leur patrimoine. Ce patrimoine est consistant en ce que l’intimé est propriétaire, sinon copropriétaire de plus d’une centaine d’immeubles bâtis ou non-bâtis, ainsi 3qu’il résulte des données fournies par le service des évaluations immobilières de l’administration des Contributions directes et des cases hypothécaires figurant au dossier fiscal, sans que ces données n’aient été autrement énervées par la partie intimée, ne fût-ce qu’en première instance ou elle fut représentée.

Il est également constant en cause que durant les années 2014 à 2018, Monsieur (A) a procédé à au moins neuf transactions immobilières ayant porté pour l’essentiel sur la vente de places à bâtir ou d’autres immeubles non bâtis, ainsi que d’immeubles bâtis.

Par les trois arrêts précités du 13 mai 2014, la Cour avait été amenée à analyser la situation des époux (A) pour l’année d’imposition 2005.

A l’époque, la Cour avait été amenée à considérer, suivant une analyse de l’évaluation globale de la situation des époux (A) concernant les revenus par eux dégagés à partir de leur activité de mise en valeur d’immeubles à une assez large échelle, que les éléments dénotés globalement considéré faisaient pencher la balance, vers l’activité commerciale prévue par l’article 14 LIR, en ce que, pour le surplus, les quatre critères constitutifs du bénéfice commercial, à savoir 1) l’indépendance, 2) le but de lucre, 3) le caractère de permanence et 4) la participation à la vie économique générale, se trouvaient vérifiés en cause.

D’après les données fournies au dossier, les époux (A), et plus particulièrement l’intimé, ont continué leur activité de mise en valeur de leurs nombreux immeubles, sans qu’ils ne soit établi à suffisance en cause, qu’ils aient profité d’une des voies ouvertes par le législateur, notamment à travers les dispositions des articles 15, 36 à 39 et 58 à 59bis LIR, en vue de rompre leur lien avec l’entreprise commerciale qui leur était fiscalement imputable d’après les arrêts précités.

C’est dès lors le critère de la continuité dans l’analyse globale de la situation du contribuable concerné qui doit l’emporter, ce d’autant plus que pour l’immeuble proprement litigieux à la base du bulletin d’établissement critiqué, la commercialité vérifiée dans le chef du partenaire commercial des époux (A) depuis 2015, tend à lui seul à faire pencher de manière encore plus consistante la balance vers le qualificatif de commercialité concernant les revenus de location dégagés par les intéressés époux (A), dont plus particulièrement l’intimé.

Cette conclusion ne se trouve pas infirmée par le principe d’annualité invoqué par Monsieur (A) en première instance et appliqué par les premiers juges.

S’il est non contesté en cause qu’en vertu de ce principe, notamment par l’article 1er LIR et, à un niveau supérieur, par l’article 100 de la Constitution, la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, indépendamment de celles retenues par l’autorité compétente pour une année d’imposition antérieure, il n’en reste pas moins que ce principe général ne saurait tenir en échec l’appréciation des dispositions particulières susvisées de la LIR qui régissent pour les entreprises a priori commerciales, les conditions dans lesquelles le lien entre un contribuable et l’entreprise qui lui est fiscalement imputable peuvent être considérées comme rompues( cf. Cour adm. 28 février 2019, n° 41485C, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 185).

4Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel est fondé et que par réformation du jugement dont appel, il convient de conclure que le bureau d’imposition était en droit de retenir la qualification du bénéfice commercial, au sens de l’article 14 LIR, pour l’année d’imposition litigieuse 2017 dans le chef de la communauté du contribuables ayant fait l’objet du bulletin d’établissement litigieux, dont l’intimé.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit justifié ;

réformant, déclare non fondé dans son intégralité le recours en réformation de Monsieur (A) inscrit sous le numéro 44191 du rôle, dirigé contre le bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2017 émis notamment à son égard et l’en déboute ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose à l’intimé (A).

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mars 2022 Le greffier de la Cour administrative 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46925C
Date de la décision : 31/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-31;46925c ?

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