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31/03/2022 | LUXEMBOURG | N°46131C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 31 mars 2022, 46131C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46131C ECLI:LU:CADM:2022:46131 Inscrit le 16 juin 2021

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Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par la société anonyme (BA), …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 mai 2021 (n° 43640 du rôle) en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous

le numéro 46131C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 16 juin 2021 par...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46131C ECLI:LU:CADM:2022:46131 Inscrit le 16 juin 2021

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Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par la société anonyme (BA), …, contre un jugement du tribunal administratif du 10 mai 2021 (n° 43640 du rôle) en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 46131C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 16 juin 2021 par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J.F. Kennedy, inscrite à la liste V du barreau de Luxembourg, représentée par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (BA), établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, agissant pour la société anonyme (CD), absorbée le 29 décembre 2016 par la société (BA), dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 10 mai 2021 (n° 43640 du rôle), par lequel le tribunal déclara irrecevable le recours principal en réformation pour autant qu’il était dirigé contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, reçut en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2015, ainsi que du bulletin de l’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande de la demanderesse tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros et condamna la demanderesse aux frais et dépens de l’instance ;

Vu le mémoire en réponse de Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG déposé au greffe de la Cour administrative le 15 septembre 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 12 octobre 2021 par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, représentée par Maître Jean SCHAFFNER, pour compte de la société (BA) ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean SCHAFFNER et Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 novembre 2021.

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A la suite du dépôt de la déclaration de l’impôt pour l’année 2015 par la société anonyme (CD), ci-après « la société (CD) », le bureau d'imposition Luxembourg 6, ci-après le « bureau d’imposition », s’adressa le 16 mai 2018 à cette dernière sur le fondement du § 205 alinéa (3), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », en les termes suivants:

« Conformément au § 205 alinéa 3 de la loi générale des impôts (AO), je vous informe que l’imposition par voie d’assiette de l’année 2015 projetée par le bureau d’imposition Sociétés 6 s’écartera de votre déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2015 sur les points suivants :

L’instrument qualifié en tant que MRPS est à considérer comme capital. Par conséquent les intérêts déduits dans votre déclaration sont à considérer comme dividendes et le MRPS n’est pas déductible au niveau de la valeur unitaire au 1.1.2016.

- Concernant le bénéfice commercial de l’année 2015 :

Bénéfice déclaré Bénéfice retenu -(1) € (2) € - Concernant la valeur unitaire au 1.1.2018 [sic] :

valeur unitaire déclarée valeur unitaire retenue (3) € (4) € Au cas où vous le jugez nécessaire, je vous prie de nous faire connaître vos observations par écrit avant le 18 juin 2018 au plus tard. Ce délai passé, l’imposition de l’exercice en question sera établie compte tenu des redressements envisagés ».

Par un courriel de son conseil fiscal du 18 juin 2018, la société (CD) prit position par rapport à ce courrier, en insistant en substance sur la considération que, d’après elle, les actions privilégiées obligatoirement rachetables (mandator[ily] redeemable preferred shares, ci-après « MRPS ») y mentionnées seraient, sur base de leurs caractéristiques, à considérer comme de la dette d'un point de vue fiscal luxembourgeois et que, par conséquent, les paiements effectués sous les MRPS seraient à qualifier d'intérêts déductibles. Dans le même courriel, le conseil fiscal de la société (CD) fit état d’une erreur au niveau de la déclaration de l’impôt déposée pour l’année 2015 en affirmant que la participation détenue dans la société de placement à prépondérance immobilière à capital variable sous forme d'une société par actions simplifiée de droit français (société à associé unique) (SPPICAV), ci-après « la SPPICAV », et le revenu dégagé par celle-ci devraient être exempts d’impôts. De même, outre la participation détenue dans une société civile immobilière de droit français, à savoir la société civile immobilière (SCI), ci-après « la (SCI) », le prêt accordé à celle-ci et les intérêts courus devraient être exonérés au Luxembourg.

En date du 21 juin 2018, la société (CD) introduisit une déclaration de l’impôt rectificative pour l’année 2015.

Le 4 juillet 2018, le bureau d'imposition émit les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal de l’année 2015, de l'établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016 et de l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, lesdits bulletins renvoyant au courrier du bureau d’imposition du 16 mai 2018, précité, quant aux points par rapport auxquels ils déviaient des déclarations.

Par un courrier de son conseil fiscal du 3 octobre 2018, la société anonyme (BA), ci-après la « société (BA) », agissant pour le compte de la société (CD), absorbée par la société (BA) le 29 décembre 2016, introduisit auprès du directeur de l'administration des Contributions directes, ci-après le « directeur », une réclamation contre lesdits bulletins.

A défaut de réponse du directeur, la société (BA), agissant pour le compte de la société (CD), fit introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 octobre 2019, un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des bulletins précités.

Dans son jugement du 10 mai 2021 (n° 43640 du rôle), le tribunal administratif déclara irrecevable le recours principal en réformation pour autant qu’il était dirigé contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, reçut en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2015 ainsi que du bulletin de l’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016, au fond, le déclara non justifié et en débouta la demanderesse, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande de la demanderesse tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros et condamna la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 16 juin 2021, la société (BA) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Quant à la portée de l’appel L’appelante indique dans le dispositif de sa requête d’appel qu’elle sollicite la réformation du jugement entrepris et partant la rectification des bulletins visés par son recours.

Dans le cadre des développements à l’appui de son appel, elle déclare encore entreprendre le jugement en son intégralité. Cependant, elle a aussi précisé que « l’appel est fondé en ce que le jugement entrepris a déclaré à tort le recours en réformation introduit à titre principal non justifié, partant a débouté à tort l’Appelante, outre qu’il a rejeté sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et l’a condamné[e] aux frais et dépens de l’instance » et que « le présent recours vise à demander la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités pour l’année financière 2015, de l’impôt commercial communal pour l’année financière 2015, de l’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2016 de (BA) ».

Par conséquent, en l’absence de tout moyen y relatif formulé par l’appelante, il y a lieu de considérer que l’appel ne porte pas sur le volet du jugement ayant déclaré irrecevable le recours en réformation en ce qu’il était dirigé contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2016, ni sur le volet du jugement selon lequel il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Quant au fond L’appelante explique que la société (CD), qu’elle aurait absorbée le 29 décembre 2016, aurait été constituée sous la forme d’une société à responsabilité limitée et aurait, en date du 30 juillet 2015, été convertie en société anonyme. Le même jour, les 1.810 actions ordinaires existantes auraient été reclassées en nouvelles classes d'actions, à savoir 310 actions ordinaires, 1.350 actions réparties en neuf classes alphabétiques allant d’A à I (à raison de 150 actions par classe alphabétique) et 150 MRPS. Le montant de la prime d'émission relative aux MRPS se serait élevé à (11) euros au 31 décembre 2015.

La décision de financer la société (CD) par voie de MRPS se serait fondée, entre autres, sur des obligations prévues par les lois d'investissement en Allemagne de l'époque concernant des restrictions sur l'octroi de prêts à des sociétés de participations.

Par ailleurs, la société (CD) aurait créé en 2015 cinq sociétés civiles immobilières de droit français, à savoir (i) la (SCI), (ii) la société (FG), (iii) la société (HI), (iv) la société (JK) et (v) la société (LM), ces sociétés étant ensemble désignées ci-après « les SCI ». La société (CD) aurait disposé d'une créance sur la (SCI).

Le 18 décembre 2015, la société (CD) aurait créé la SPPICAV. A la même date, elle aurait apporté à la SPPICAV ses participations dans quatre des cinq SCI, à savoir les sociétés (FG), (HI), (JK) et (LM), réalisant une perte de (5) euros sur cette opération. Ainsi, à partir du 18 décembre 2015, la société (CD) aurait détenu une participation dans la SPPICAV pour un montant de (16) euros et une participation dans la (SCI).

L’appelante reproche au tribunal d’avoir suivi la partie étatique en qualifiant les MRPS de capital, ainsi qu’en refusant d’exonérer la participation dans la SPPICAV et d’ignorer la créance détenue par la société (CD) sur la (SCI) pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire de la société (CD) au 1er janvier 2016. Au contraire, la partie étatique demande la confirmation intégrale du jugement entrepris. La Cour va successivement examiner ces trois points sur lesquels porte le désaccord des parties.

Quant à la qualification des MRPS Moyens des parties Selon l’appelante, les MRPS seraient à qualifier d’instruments de dette pour les besoins fiscaux luxembourgeois. La valeur des MRPS serait donc à déduire lors de l’établissement de la valeur unitaire de la société (CD) au 1er janvier 2016 et, en application de l’article 45 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après la « LIR », les paiements opérés en relation avec les MRPS seraient à porter en déduction pour les besoins de la détermination du bénéfice commercial au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal de l’année 2015.

A défaut de dispositions légales spécifiques relatives à la qualification des instruments financiers en tant que dette ou capitaux propres, cette qualification reposerait principalement sur les principes généraux régissant le droit fiscal luxembourgeois, en l’occurrence sur le principe dit de « la prééminence de la substance sur la forme », se traduisant par l'adoption d'une « approche économique » (« wirtschaftliche Betrachtungsweise »). Dès lors, la qualification d'instruments financiers en tant que dette ou capitaux propres devrait découler de la nature économique de l'instrument en question plutôt que de sa qualification juridique.

Dans un arrêt du 26 juillet 2017, n° 38357C du rôle, se fondant sur les travaux parlementaires relatifs à la LIR, la Cour administrative aurait précisé les critères à prendre en considération en vue de requalifier un prêt en apport caché de capital. En appliquant un raisonnement a contrario, il conviendrait de conclure en l’espèce qu’au vu des circonstances dans lesquelles les MRPS ont été émises et de leurs caractéristiques, ces titres seraient à traiter à des fins fiscales comme un instrument de dette et donc à traiter les paiements effectués sous les MRPS comme des paiements déductibles. A cette fin, l’appelante se prévaut des caractéristiques suivantes des MRPS :

- il se serait agi d’actions rachetables émises en vertu de l'ancien article 49-8 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après la « loi du 10 août 1915 ». Ainsi, la société (CD) aurait pu optionnellement racheter ces MRPS avant le dixième anniversaire de leur date d'émission respective et aurait dû les racheter au plus tard à la date d'échéance, la maturité des MRPS étant ainsi fixée au dixième anniversaire de la date de leur émission. Les MRPS auraient par conséquent présenté une maturité fixe, ce qui serait un attribut d'un instrument de dette. De même, la possibilité d'un rachat anticipé aurait facilement permis leur aliénation, ce qui serait encore une spécificité d'un instrument de dette ;

- les MRPS auraient été des actions sans droit de vote conformément aux anciens articles 44 et 47 de la loi du 10 août 1915. Certes, conformément à l'ancien article 46 de la même loi, chaque MRPS aurait disposé d'une voix dans chaque assemblée générale appelée à traiter certains cas spécifiques tels qu'une réduction du capital social ou une dissolution anticipée de la société, mais en conclusion, les porteurs de MRPS se seraient vu accorder des droits politiques extrêmement réduits, leur droit de vote se limitant à des « cas extrêmes » telle la dissolution anticipée de la société ;

- chaque MRPS aurait donné droit à un dividende cumulatif et privilégié fixe égal à 6,8 % de toutes les MRPS émises et en circulation par année, qui se serait accumulé quotidiennement sur la somme de (i) la valeur nominale globale de la MRPS détenue par le porteur de MRPS en question et (ii) la prime d'émission versée par le porteur de MRPS à la souscription ou l’apport en capital effectué par l'actionnaire en question relativement à cette MRPS, le cas échéant. L’appelante conclut que le porteur d'une MRPS n’aurait ainsi pas participé aux profits et risques de la société (CD), mais aurait bénéficié d'une rémunération fixe, de sorte que le rendement des MRPS se serait apparenté à celui d'un instrument de dette ;

- au rachat des MRPS, chaque porteur de MRPS aurait eu droit à un paiement en espèces ou en nature par MRPS rachetée qui serait égal à la valeur nominale de sa MRPS, augmentée de la partie de la prime d'émission qui y était rattachée le cas échéant, et à un paiement correspondant au dividende lié à la MRPS accumulé mais non payé à la date du rachat. Là encore, au moment du rachat des MRPS, le porteur de MRPS n’aurait pas participé aux profits et risques de la société (CD), le prix de rachat étant fixe, ce qui serait pareillement un attribut d'un instrument de dette ;

- en cas de liquidation, après paiement de toutes les dettes et charges, y compris les frais de liquidation, chaque détenteur de MRPS aurait bénéficié d'un droit préférentiel de remboursement de l'apport en contrepartie duquel les MRPS ont été émises. Comme le porteur de MRPS aurait disposé de ce seul droit préférentiel à l'exclusion d'un quelconque autre droit sur le produit de la liquidation, il s'agirait aussi d'une caractéristique qui se distinguerait des attributs d'un instrument de capital.

L’identité du détenteur des MRPS ne figurerait en revanche pas dans les critères cités par la jurisprudence. Par conséquent, que l’actionnaire unique ait été en même temps le détenteur unique des MRPS serait sans pertinence, tout comme le fait que le prêt ait été formalisé dans les statuts de la société (CD), l’instrumentum du contrat n’ayant pas d’incidence sur le negotium et un écrit n’étant de toute façon pas nécessaire en vertu de la liberté de preuve entre commerçants.

L’appelante estime que la position qu’elle défend serait confortée par un jugement du 28 janvier 2020, n° 41800 du rôle, dans lequel le tribunal administratif aurait admis la qualification comme instruments de dette de MRPS émises par une société à son actionnaire unique et aurait confirmé la déductibilité à des fins fiscales des paiements effectués sous les MRPS. Dans cette affaire, le contribuable aurait obtenu de l’administration fiscale luxembourgeoise une décision fiscale anticipée concernant la qualification des MRPS comme dette. Le tribunal administratif aurait ordonné la réformation des bulletins litigieux émis en contradiction avec cette décision anticipée et aurait rejeté l’abus de droit invoqué par la partie étatique. Il ressortirait de ce jugement que par le passé, l’administration des Contributions directes aurait accepté le traitement fiscal sollicité par l’appelante. Il conviendrait de suivre cette pratique administrative car toute solution contraire violerait le principe d’égalité de traitement des contribuables, principe ancré à l’article 101 de la Constitution et devant être mis en œuvre par l’administration fiscale sur le fondement du § 29, alinéa (2), AO.

L’appelante souligne par ailleurs que le recours à des MRPS aurait été motivé par des considérations prudentielles et non des considérations fiscales. En effet, la société (CD) aurait été l’une des sociétés holding à travers lesquelles le fonds d’investissement allemand (NO) aurait été présent au Luxembourg. A son tour, la société (CD) aurait détenu des participations dans des sociétés immobilières. Or, le fonds d’investissement (NO) aurait été structuré comme un fonds alternatif à capital variable avec des conditions d’investissement fixes, conformément à l’article 284 du Kapitalanlagegesetzbuch allemand et, en ce qui concerne les « structures d’investissement impliquant des chaînes de sociétés », la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht aurait refusé d’autoriser l’octroi de prêts aux sociétés holding, sur le fondement de travaux parlementaires dans lesquels le législateur allemand aurait affirmé que des prêts ne peuvent être accordés qu’aux sociétés immobilières qui détiennent elles-mêmes directement des biens immobiliers. Les obligations prudentielles allemandes prouveraient qu’il existait « des raisons juridiques sérieuses pour arguer que l’octroi d’un prêt constitue la voie normale de financement en l’espèce ». En raison de ces obligations prudentielles, il aurait été décidé de financer la société (CD) par voie de MRPS, qui seraient juridiquement du capital, tout en restant économiquement et fiscalement de la dette au Luxembourg.

D’après l’appelante, la partie étatique se prévaudrait à tort d’un jugement du tribunal administratif du 13 décembre 2018, n° 40705 du rôle, puisqu’elle ne démontrerait pas en quoi l’objectif du détenteur des MRPS aurait été davantage de doter la société (CD) de fonds que d’agir en tant que prêteur soucieux d’obtenir une rémunération pour le prêt consenti. A cet égard, l’appelante rappelle que le porteur des MRPS n’aurait pas participé aux profits et pertes de la société (CD) au titre des MRPS, mais aurait eu droit à une rémunération fixe ainsi qu'à un droit préférentiel de remboursement en cas de liquidation, et le droit de récupérer les fonds prêtés dans un délai raisonnable, en l’occurrence endéans 10 ans.

Enfin, comme la société (CD) aurait été en situation de « back-to-back », il n’y aurait pas eu d’imposition au Luxembourg, de sorte qu’il ne pourrait y avoir eu d’abus de droit.

La partie étatique estime que le seul argument qui pourrait plaider en faveur d'une qualification des MRPS en tant que dette serait la date de remboursement obligatoire. Par ailleurs, les MRPS seraient des « actions privilégiées obligatoirement convertibles [sic :

rachetables] » donnant droit à un dividende cumulatif et privilégié fixe. Or, une action, en tant que titre conférant à son détenteur la propriété d'une partie du capital d'une société avec les droits qui y sont associés, serait à qualifier, en principe, comme capital. En l'espèce, l'actionnaire unique aurait été propriétaire, en plus des actions ordinaires, de toutes les MRPS, de sorte que toutes les actions de la société (CD) se seraient trouvées réunies dans les mêmes mains.

La partie étatique déduit des travaux parlementaires relatifs à la LIR qu’un prêt serait à considérer comme capital lorsque la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, aurait été l'augmentation de capital. Or, dans la présente affaire, la société (CD) aurait justement procédé à une telle augmentation de capital le 30 juillet 2015 pour un montant de (9) euros, avec versement de primes d'émission, et le même jour, elle aurait requalifié une grande partie du capital apporté par l'actionnaire unique en MRPS, qui constitueraient alors « soudainement » des prêts grevés d'un taux d'intérêt de 6,8 %.

Par rapport à l’argumentation de l’appelante sur l’absence de droit de vote, le délégué du gouvernement se réfère à l'ancien article 46 de la loi du 10 août 1915, dont les termes auraient d’ailleurs été repris par l’article 6 des statuts de la société (CD), pour en conclure que le propriétaire d'une MRPS aurait disposé d’un droit de vote dans au moins huit situations.

Dès lors, il ne saurait être question de « droits politiques extrêmement réduits ».

En se référant à l’alinéa (2) de l'ancien article 46 de la loi du 10 août 1915, suivant lequel les porteurs d'actions émises par application de l'ancien article 44 exercent le même droit de vote que les porteurs d'actions ordinaires au cas où les dividendes privilégiés n'auraient pas été payés pendant deux exercices successifs, le délégué du gouvernement souligne qu’en l'espèce, les dividendes en question n'auraient pas été payés au détenteur des MRPS, de sorte que celui-ci se serait vu conférer les mêmes droits de vote que les porteurs d'actions ordinaires.

Partant, l'argument suivant lequel le détenteur des MRPS n'aurait pas eu de droit de vote serait à rejeter.

Pour ce qui est de la question de l'absence de participation du détenteur des MRPS aux bénéfices courants et de liquidation de la société (CD), la partie étatique relève que si en principe le détenteur des MRPS n'avait effectivement droit ni aux dividendes afférents aux actions ordinaires, ni à un éventuel bénéfice de liquidation, hormis le cas prévus en application de l’article 46, alinéa (2), de la loi du 10 août 1915, en l'espèce, l'actionnaire unique aurait été en même temps le détenteur des MRPS, de sorte que le détenteur des MRPS aurait de toute façon participé aux bénéfices de la société (CD) en sa qualité d'actionnaire unique.

Dans ce contexte, la partie étatique souligne que puisque l'actionnaire unique et le détenteur des MRPS se seraient confondus, il aurait été plus qu'opportun de présenter une étude de prix de transfert démontrant que le taux d'intérêt de 6,8 % correspondait aux taux contractés usuellement entre des entreprises indépendantes suivant le principe de pleine concurrence.

Si une clause de « stapling », correspondant à une mesure empêchant le transfert des MRPS à une personne tierce à l'actionnariat de la société (CD), aurait fait défaut dans les statuts de cette dernière, il pourrait cependant être valablement supposé que, de toute façon, les MRPS n'avaient pas été mises en place pour ensuite les transférer à une personne tierce, étrangère au groupe de sociétés dont faisait partie la société (CD). Dans ce contexte, la partie étatique soulève la question de savoir sous quel poste d'actif – participation ou créance – les MRPS figuraient au bilan du détenteur des MRPS.

Face aux explications de l’appelante fondées sur les exigences tenant aux lois d'investissement en Allemagne concernant les restrictions de l'octroi de prêts à des sociétés de participations, la partie étatique estime qu’il y aurait lieu de comprendre que l'Allemagne n'accepte pas la qualification des MRPS en tant que dette et que la société (CD) aurait précisément choisi le Luxembourg afin que celui-ci accepte la requalification des MRPS en tant que dettes pour porter les dividendes privilégiés en déduction de son bénéfice, ainsi que verser lesdits dividendes sans procéder à une retenue à la source sur les revenus de capitaux.

A cet égard, le délégué du gouvernement fait valoir que l'opération telle qu'effectuée par la société (CD), non réalisable en Allemagne, pourrait également être qualifiée d'abus de droit, tout en soulignant que la Commission européenne aurait depuis plusieurs années entrepris des efforts considérables afin de lutter contre les pratiques d'évasion fiscale, précisément l’emploi de titres hybrides, donc des « titres à double face », telles les MRPS.

La partie étatique maintient ensuite que la solution retenue par le tribunal administratif dans le jugement susmentionné du 13 décembre 2018 – à savoir que des prêts accordés par une société à ses filiales sous la dénomination d’« Equity-tainted loans » seraient à considérer comme capital informel – serait transposable en l’espèce, l’actionnaire unique ayant doté sa filiale de fonds supplémentaires lors de l’augmentation de capital du 30 juillet 2015.

En se prévalant du principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial suivant l'article 40 LIR, le délégué du gouvernement estime qu’en l’espèce, les valeurs à retenir au bilan fiscal seraient identiques à celles du bilan commercial, de sorte que les postes « MRPS », « MRPS primes d'émission » et « MRPS fixed return 2015 », tels que déclarés par la société (CD), seraient « à écarter du bilan fiscal rectifié au 31 décembre 2015 ».

A titre accessoire, la partie étatique argue qu’il conviendrait d'analyser dans quelles circonstances un prêt peut être accordé à une personne. Alors qu’en général, il serait indispensable que le prêteur dispose de garanties, en l'espèce, le détenteur des MRPS aurait prêté un montant à la société (CD) sans demander des garanties en cas de défaut de remboursement. Or, un gestionnaire même moyennement diligent et consciencieux n'aurait jamais prêté une pareille somme d'argent sans exiger des garanties de la part de l'emprunteur.

La seule explication à la réalisation de cette opération serait, d’après le délégué du gouvernement, le fait que les fonds injectés ne constituaient pas un prêt mais bel et bien du capital que l'actionnaire pouvait perdre à tout moment. De plus, en général, en cas de mauvaise exécution d'un contrat de prêt, des dommages et intérêts de retard seraient prévus, alors que tel n’aurait pas été le cas en l'espèce. S’y ajouterait encore que le prétendu prêt aurait été formalisé dans les statuts mêmes de la société (CD), alors qu'usuellement les prêts seraient dressés séparément sous forme de contrats ou de conventions de prêt.

De l’ensemble de ces considérations, la partie étatique conclut que les MRPS ne seraient pas à qualifier de dette, cette conclusion s'imposant particulièrement au regard du fait que la société (CD) aurait comptabilisé les postes « MRPS » et « MRPS prime d’émission » dans les capitaux propres de son bilan commercial au 31 décembre 2015, tel que déposé au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg le 4 janvier 2017, sans tenir compte d'une quelconque requalification des MRPS en dette. Partant, les dividendes privilégiés comptabilisés pour un montant de (14) euros ne seraient pas à considérer comme dépenses d'exploitation en vertu de l'article 45 LIR.

En outre, la partie étatique estime que l’appelante ne pourrait valablement se prévaloir du jugement précité du 28 janvier 2020, ni des principes d’égalité de traitement et de confiance légitime. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après la « CJUE », aurait décidé que l’application du principe d’égalité de traitement « doit se concilier avec le respect du principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui » (aff. C-155/14 du 16 juin 2016, Evonik Degussa e.a.) et en droit interne, selon une jurisprudence constante, le droit pour l’administré de se fier à un comportement habituellement adopté par l’administration ou à des engagements pris par elle, ne saurait jouer au cas où la pratique antérieure suivie par l’administration n’était pas conforme à la loi.

L’appelante ne pourrait donc ni imposer à l’administration de maintenir son attitude antérieure, ni revendiquer l’application d’un comportement de l’administration concernant un autre contribuable puisqu’elle n’aurait pas établi que la situation de la société (CD) aurait été assimilable à celle de cet autre contribuable.

Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour se voit amenée à retracer les éléments pertinents de la situation factuelle à la base du litige, telle qu’elle se dégage du dossier fiscal et des pièces soumises par l’appelante.

Les premiers juges ont constaté à juste titre qu’il se dégage des explications non contestées du délégué du gouvernement et des pièces du dossier, et plus particulièrement du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2015 de l’actionnaire unique de la société (CD), à savoir le fonds d’investissement allemand (PQ) , représenté par la société à responsabilité limitée de droit allemand (RS), que le 30 juillet 2015, la société (CD) a procédé à une augmentation du capital social d’un montant de (6) euros, afin de passer d’un capital de (7) euros à un capital de (8) euros. Cette augmentation de capital a été effectuée par l’émission de … nouvelles actions d’une valeur nominale de (x) euros. Le capital social de la société (CD) a ainsi été représenté par … actions ayant chacune une valeur nominale de (x) euros.

Les nouvelles actions ont toutes été souscrites par l’actionnaire unique et libérées le jour même en prélevant la somme de (9) euros du compte 115 « apport en capitaux propres non rémunéré par des titres ». Cette somme a été allouée comme suit : (6) euros au capital souscrit de la société (CD) et (10) euros à son compte de prime d’émission.

Le même jour, l’actionnaire unique a décidé de modifier la forme sociale de la société (CD), afin de passer d’une société à responsabilité limitée à une société anonyme au capital de (8) euros représenté par … actions ayant chacune une valeur nominale de (x) euros.

Toujours le même jour, l’actionnaire unique a décidé de reclasser les actions existantes en différentes catégories, en l’occurrence … actions ordinaires (« ordinary shares »), … actions alphabétiques (« alphabet shares »), celles-ci étant subdivisées en différentes classes d’A à I, et … MRPS. Les différentes actions ont conservé chacune une valeur nominale de (x) euros et les droits attachés aux différentes catégories d’actions ont été déterminés à travers une modification des statuts du même jour, sur le fondement des anciens articles 44 à 47 et 49-8 de la loi du 10 août 1915, actuellement les articles 430-9 à 430-11 et 430-22 de la même loi.

L’actionnaire unique a ensuite décidé de reclasser, au sein de la catégorie « primes d’émission et primes similaires » (« share premium and similar premiums ») une partie du compte de prime d’émission en un compte de prime MRPS (« MRPS premium account ») et de réallouer un montant de (11) euros du compte de prime d’émission à ce nouveau compte de prime MRPS, de sorte à laisser un montant de (12) euros au compte de prime d’émission.

Par ailleurs, comme relevé à juste titre par le délégué du gouvernement, dans ses comptes annuels de l’année 2015, la société (CD) a comptabilisé les MRPS et la prime afférente dans ses capitaux propres, les MRPS figurant sous le capital souscrit et la prime MRPS sous la catégorie « primes d’émission et primes similaires ».

Ce n’est qu’au niveau du bilan fiscal au 31 décembre 2015, joint à la déclaration fiscale initiale de la société (CD) pour l’année 2015 puis à sa déclaration fiscale rectificative, que les MRPS et la prime afférente ont été inscrites respectivement pour un montant de (13) euros et de (11) euros sous un poste de dette (le poste « Other debts » dans la déclaration fiscale initiale, avec la mention « it is assumed that the MRPS and MRPS premium qualifiy as debt for Luxembourg income tax and net wealth tax purposes at the level of (CD) », et le poste « Non subordinated debts » dans la déclaration fiscale rectificative). En outre, le dividende afférent aux MRPS pour l’année 2015, d’un montant de (14) euros, a été requalifié dans l’annexe 3 de la déclaration fiscale rectificative en « intérêt accumulé » et a été déduit par la société (CD) de son résultat imposable de l’exercice 2015.

Le tribunal a ensuite bien résumé le noyau du litige relatif aux MRPS en exposant que selon l’appelante, malgré la forme juridique employée, à savoir l’émission d’actions dans le cadre d’une augmentation de capital, et malgré les indications figurant dans le bilan commercial de la société (CD), les instruments litigieux seraient, d’après une approche économique, à qualifier d’instruments de dette, impliquant la déductibilité des paiements effectués sous les MRPS en tant qu’intérêts conformément à l’article 45 LIR, respectivement la déduction des MRPS pour la détermination de la valeur unitaire, tandis que selon l’Etat, il s’agirait d’un élément de capital, avec comme conséquence que les paiements effectués au profit du porteur des MRPS seraient à traiter comme des dividendes non déductibles.

La Cour rappelle que la juridiction saisie ne saurait s’arrêter aux seules formes juridiques choisies par les parties pour réaliser une opération déterminée, mais qu’elle est appelée, au-delà de l’apparence juridique, à rechercher et analyser la réalité économique recouverte par lesdites formes juridiques. En effet, il est de principe en droit fiscal que les faits et les actes juridiques doivent être interprétés et appréciés d’après des critères économiques et que les qualifications juridiques avancées par les parties ne sont retenues par le juge de l’impôt que dans la mesure où elles correspondent à l’intention réelle des parties (Cour adm., 26 juin 2008, n° 24061C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 78). C’est donc à juste titre que l’appelante a affirmé qu’il existe, en droit fiscal luxembourgeois, un principe de la prééminence du fond sur la forme.

Il convient cependant de définir plus précisément les contours de ce principe, dont la ratio legis réside dans la recherche d’une concordance entre la qualification retenue par le porteur du titre et celle retenue par la société ayant émis le titre. Le commentaire de l’article 114 du projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, devenu l’article 97 LIR, a en effet souligné que « [l]a raison pour laquelle la conception juridique du droit social doit s’effacer devant la notion économique de la participation est à rechercher dans la nécessité logique de faire concorder, auprès du porteur du titre, la qualification du produit du titre avec la nature de dépense corrélative auprès de la société. Auprès de la société l’on distingue en effet, en vue de la détermination du bénéfice imposable à l’impôt sur le revenu des collectivités entre distributions de bénéfices non déductibles et prestations déductibles, telles que les intérêts passifs et autres paiements analogues » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 571/04, p. 294).

Dans cette entreprise de délimitation des contours du principe de la prééminence du fond sur la forme, la Cour fait sienne le raisonnement des premiers juges, lesquels ont retenu qu’afin de qualifier les MRPS du point de vue du droit fiscal, il est utile de se référer à un autre extrait du commentaire de l’article 114 du projet de loi concernant l’impôt sur le revenu (doc. parl. 571/04, p. 295), à propos de la requalification d’un prêt en capital déguisé, qui énonce que :

« Il se peut que les sociétaires qui participent au capital dans les formes prévues par la loi accordent en plus un prêt à la société. En l’occurrence le prêt peut constituer une façon déguisée de doter la société du capital nécessaire à la poursuite de son but. Dans certaines conditions un prêt pareil est considéré, dans le chef de la société et à l’égard de l’impôt sur le revenu des collectivités, comme capital social occulte de la société. Les intérêts accordés en raison du prêt ne sont, en l’occurrence, pas déductibles comme charges de la société. En conséquence il faut considérer le prêt, dans le chef du sociétaire, comme participation supplémentaire et les intérêts comme dividendes de cette participation. Il est difficile de prévoir des règles générales et précises qui permettraient de déterminer, dans un cas particulier, si le prêt constitue une participation au sens de l’article 114. En général, le prêt est à considérer comme participation, lorsque la voie normale de financement, dictée par des considérations économiques ou juridiques sérieuses, eût été l’augmentation de capital et qu’il résulte clairement des circonstances que la forme du prêt ne peut avoir été choisie que dans un but d’évasion fiscale. Le défaut des formes juridiques usuelles du prêt, à savoir la fixation du taux des intérêts et des modalités de remboursement, l’affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties, la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés fournissent autant de présomptions de l’existence d’une participation déguisée sous la forme du prêt. Il importe aussi de tenir compte des circonstances dans lesquelles le prêt est accordé. Lorsque le prêt est p. ex. immédiatement consécutif à un remboursement de capital, il ne peut y avoir aucun doute sur la nature économique du prêt ».

Il se dégage de cet extrait des travaux parlementaires que la requalification en capital déguisé d’un prêt octroyé par un associé à sa société s’impose lorsque l’analyse des caractéristiques de ce prêt et des circonstances dans lesquelles il a été octroyé révèle qu’il est économiquement à assimiler à une participation et qu’il résulte clairement du contexte que la forme du prêt ne peut avoir été choisie que pour des raisons fiscales.

L’analyse des caractéristiques du prêt consiste, d’une part, à examiner les stipulations de la convention de prêt afin de vérifier si elles fixent un taux d’intérêt et définissent les modalités de remboursement des fonds mis à disposition, ces deux éléments étant considérés dans l’extrait précité comme les « formes juridiques usuelles du prêt ». D’autre part, cette analyse implique d’étudier des éléments relevant de l’économie de l’opération, tels l’utilisation des fonds prêtés, l’existence de garanties et la proportion entre le capital social et les fonds prêtés. A cet égard, l’affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée, le défaut de garanties et la disproportion entre le capital social et les fonds prêtés constituent des éléments permettant de présumer l’existence d’une participation déguisée sous la forme du prêt (Cour adm., 26 juillet 2017, n° 38357C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Impôts, n° 674).

D’autres indices retenus par la jurisprudence des juridictions administratives sont la fixation de droits de vote au profit du prêteur, sa participation aux profits et aux risques de la société, son droit à un éventuel boni de liquidation, un degré élevé de subordination de l’instrument par rapport à d’autres titres, une échéance à long terme, l’option de convertir l’instrument en capital par décision unilatérale de la société, le remboursement en actions de la société et la présence d’une clause de « stapling », correspondant à une disposition empêchant le transfert de l’instrument indépendamment de celui des actions de la société emprunteuse.

Quant aux circonstances dans lesquelles le soi-disant prêt a été accordé, les travaux parlementaires donnent l’exemple d’une mise à disposition de fonds, qualifiée de prêt, immédiatement consécutive à un remboursement de capital. Il s’agit donc d’apprécier d’une manière plus globale comment le prêt s’insère dans la « vie » de la société, en veillant à ce que cette mise à disposition des fonds ne soit pas artificiellement isolée d’autres opérations certes distinctes, mais néanmoins pertinentes pour comprendre s’il y a en l’espèce une volonté de dissimuler la véritable nature de la mise à disposition des fonds. Comme retenu à juste titre par les premiers juges, le fait que le prêteur de fonds soit en même temps actionnaire de la société emprunteuse est également un élément à prendre en compte dans cette analyse des circonstances.

Comme indiqué par les premiers juges, l’appelante entend se référer aux critères énoncés par les travaux parlementaires et la jurisprudence précités pour conclure, par une analyse a contrario, à une requalification d’un instrument ayant a priori la forme juridique d’une action – les MRPS ayant, tel que relevé ci-avant, été émises sous forme d’actions dans le cadre d’une augmentation de capital – en un instrument de dette.

La Cour ne partage cependant pas les conclusions de l’appelante.

D’emblée, la Cour relève deux différences fondamentales entre la situation de l’espèce et celle visée par les travaux parlementaires précités.

Premièrement, il est question, dans ces travaux parlementaires, de la requalification d’un instrument financier à l’initiative de l’administration fiscale, le contribuable ayant volontairement dissimulé la réalité économique sous une forme juridique ne lui correspondant pas, à des fins d’évasion fiscale. Il n’est donc nullement question d’un droit du contribuable à une requalification sur base d’une appréciation économique. Or, en l’espèce, le contribuable entend justement, de lui-même, invoquer le principe de la prééminence du fond sur la forme pour obtenir une requalification des MRPS. Force est de constater que dans la présente affaire, il n’y a point d’inadéquation flagrante entre la forme juridique retenue – celle d’une augmentation de capital assortie de l’émission de nouvelles actions suivie d’un changement de catégorisation de certaines des actions emportant des conséquences sur la dénomination de ces actions et des droits afférents – et la réalité économique sous-jacente – une mise à disposition de fonds d’un actionnaire unique à sa filiale –, puisque l’administration des Contributions directes n’a pas procédé d’elle-même à une requalification des MRPS et que la partie étatique conteste au contraire le caractère adéquat d’une telle requalification. Autrement dit, la forme juridique choisie reflète a priori de manière appropriée la réalité économique telle que celle-ci ressort des éléments soumis à l’administration des Contributions directes.

Il incombe donc à l’appelante de renverser cette apparence en démontrant que l’auteur de l’opération à requalifier entendait réaliser une certaine opération d’un point de vue économique, qu’il l’a effectivement réalisée et que la qualification juridique retenue ne reflète finalement pas la volonté de l’auteur de cette opération. Eu égard à la ratio legis susmentionnée du principe de la prééminence du fond sur la forme, l’appelante pourrait par ailleurs justifier l’application dudit principe si la finalité qu’elle poursuit est que la qualification des MRPS et de leurs revenus afférents, au niveau de la société (CD) et au niveau de l’actionnaire unique de cette dernière, devienne cohérente d’un point de vue fiscal.

Ces observations conduisent à la deuxième différence fondamentale entre la présente affaire et la situation décrite dans les travaux parlementaires, à savoir que ces derniers visent la requalification d’un prêt en participation – donc la situation inverse de la présente affaire.

C’est donc à bon droit que le tribunal a indiqué que se pose en substance la question de savoir si en l’espèce, la mise à disposition des fonds par le porteur des MRPS a été motivée par l’intention d’un bailleur de fonds qui a mis des fonds à disposition de la société (CD) pour une certaine durée, afin de générer un certain rendement à travers cette mise à disposition en termes d’intérêts et d’obtenir la restitution du capital à l’échéance, ou par celle d’un actionnaire qui entendait s’associer en participant aux profits et pertes de cette société et qui lui a ainsi apporté des fonds.

La partie étatique a indiqué fort pertinemment qu’il serait intéressant de savoir sous quel poste d’actif – participation ou créance – les MRPS étaient inscrites au bilan de leur détenteur. Or, l’appelante n’a pas répondu explicitement à cette interrogation légitime.

Pour le surplus, la Cour déduit des propres explications de l’appelante et de l’avis juridique du 13 janvier 2019 versé par cette dernière que le recours au financement par la voie d’un prêt n’était pas possible au regard des règles prudentielles allemandes s’imposant à l’actionnaire unique de la société (CD). Si l’appelante s’empare de ces mêmes obligations prudentielles allemandes pour en déduire qu’il existait « des raisons juridiques sérieuses pour arguer que l’octroi d’un prêt constitu[ait] la voie normale de financement en l’espèce », elle met en réalité en avant que l’actionnaire unique de la société (CD) aurait été contraint à déguiser un prêt sous la forme d’actions dans le but de contourner une obligation légale. A travers sa prétention à voir traiter les MRPS comme de la dette, du moins pour les besoins fiscaux luxembourgeois, elle entend en fait profiter au niveau de son imposition au Luxembourg du traitement fiscal favorable applicable à une opération de financement que son actionnaire unique était empêché d’effectuer dans le respect de ses obligations prudentielles.

Cet argument laisse partant de convaincre la Cour.

De surcroît, il ressort des explications incohérentes de l’appelante et de la manière dont la société (CD) a tenu ses comptes que cette dernière a elle-même cherché à orchestrer une soi-disant divergence entre la forme juridique de la mise à disposition des fonds et la réalité économique de cette opération. En effet, comme constaté par le tribunal et souligné par le délégué du gouvernement, la mise à disposition des fonds juridiquement qualifiée d’augmentation de capital accompagnée de la création de diverses catégories d’actions, dont les MRPS, a été reflétée comme telle dans le bilan commercial de la société (CD). Or, le droit comptable luxembourgeois applicable à la tenue des comptes de l’année 2015 offrait précisément la possibilité d’appliquer le principe de la prééminence du fond sur la forme.

Selon l’article 29, alinéa (3), de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises, tel qu’il était alors en vigueur, « [l]a présentation des montants repris sous les postes du compte de profits et pertes et du bilan peut se référer à la substance de l’opération ou du contrat enregistrés ». A l’instar de la Commission des normes comptables dans son avis « Q&A CNC 20/021 » de septembre 2020, la Cour note que la CJUE a récemment eu l’occasion d’avaliser le recours à une analyse des opérations et des contrats, fondée sur la substance au-delà de la forme, comme vecteur de l’image fidèle, objectif supérieur du droit comptable européen (CJUE, 23 avril 2020, aff. C-640/18, Wagram Invest SA contre État belge). Puisque l’appelante estime que la forme juridique retenue ne donne pas une image fidèle de la réalité économique sous-jacente, elle aurait dû, pour faire preuve de cohérence, se référer « à la substance de l’opération » non seulement d’un point de vue fiscal, mais également d’un point de vue comptable.

Il ressort des développements qui précèdent que l’appelante n’a pas avancé de preuve établissant que l’auteur de la mise à disposition des fonds, à savoir l’actionnaire unique de la société (CD), aurait eu recours, à travers les MRPS, à un instrument dont la forme juridique ne correspondait pas à la réalité économique poursuivie et concrétisée par cet actionnaire, tout comme elle n’a pas démontré que l’application dudit principe serait nécessaire pour que la qualification des MRPS et de leurs revenus afférents, au niveau de la société (CD) et au niveau de l’actionnaire unique de cette dernière, devienne cohérente d’un point de vue fiscal.

Pour le surplus, la Cour fait sienne l’analyse économique des MRPS effectuée par les premiers juges.

Ainsi, le tribunal a relevé qu’en vertu de l’article 6 des statuts de la société (CD), tels que modifiés lors de l’assemblée générale extraordinaire du 30 juillet 2015, ci-après les « statuts modifiés de la société (CD) », les MRPS étaient des actions préférentielles sans droit de vote, émises conformément aux anciens articles 44 à 47 de la loi du 10 août 1915, sous réserve du droit de vote prévu à l’ancien article 46 de la même loi et de l’attribution du même droit de vote que celui dont bénéficiaient les porteurs des autres actions au cas où le dividende préférentiel attaché aux MRPS n’aurait pas été payé durant une période de deux ans.

Les premiers juges ont ensuite constaté qu’en l’espèce, les droits de vote liés aux MRPS n’étaient finalement pas plus restreints que ceux liés aux autres catégories d’actions.

En effet, le délégué du gouvernement a affirmé, sans être contredit, que le dividende préférentiel lié aux MRPS n’avait pas été payé durant les années 2015 et 2016, de sorte que de jure, le porteur des MRPS disposait des mêmes droits de vote que les porteurs des autres actions, peu importe qu’il les ait utilisés ou non en pratique. En outre, le tribunal a souligné à bon droit que l’émission d’actions sans droit de vote étant expressément prévue par la loi du 10 août 1915, l’on ne peut déduire ipso facto que toute action sans droit de vote serait à assimiler à un instrument de dette. De surcroît, les travaux parlementaires précités précisent, après avoir mentionné différentes catégories de titres, que si ces titres « ne confèrent qu’un droit de participation aux bénéfices, à l’exclusion de tout droit de participer au produit de liquidation, il n’en reste pas moins vrai qu’il s’agit, d’un point de vue économique, de participations. Le défaut éventuel du droit de vote ne change rien à cette situation » (doc. parl. 571/04, p. 294). La différence théorique entre le droit de vote attaché aux MRPS et celui attaché aux actions ordinaires et alphabétiques n’est donc pas pertinente en l’espèce.

Le tribunal a ensuite correctement noté qu’en vertu de l’article 25 des statuts modifiés de la société (CD), les porteurs des MRPS avaient droit à un dividende préférentiel fixe.

Cependant, les premiers juges ont bien relevé que si la fixité du retour sur investissement peut être un attribut d’un instrument de dette, en l’espèce, ce droit à un paiement fixe et préférentiel n’était pas propre aux MRPS, mais était aussi attaché – certes dans une moindre mesure – aux actions alphabétiques, qui représentaient plus de la moitié du capital social souscrit.

A cet égard, la Cour tient à ajouter deux remarques. Premièrement, il ressort de l’article 25, point b), (iii), des statuts modifiés de la société (CD) que même le porteur des actions ordinaires avait droit à un dividende fixe – égal en l’espèce à 10 % de la valeur nominale des actions ordinaires. Deuxièmement, l’ancien article 44, alinéa 1er, de la loi du 10 août 1915 prévoyait que l’émission d’actions représentatives du capital sans droit de vote ne pouvait avoir lieu qu’à la condition, notamment, que ces actions confèrent, « en cas de répartition des bénéfices, le droit à un dividende privilégié et récupérable correspondant à un pourcentage de leur valeur nominale ou de leur pair comptable à fixer par les statuts, sans préjudice du droit qui peut leur être accordé dans la répartition du surplus des bénéfices ».

C’est donc la loi elle-même qui, en définissant les droits rattachés à une catégorie d’actions, imposait que le droit à un dividende privilégié afférent aux MRPS soit exprimé en un pourcentage fixe de leur valeur nominale, de sorte que l’appelante ne peut prétendre que cette modalité démontrerait la volonté de la société (CD) et de son actionnaire unique de recourir en réalité à un prêt.

En outre, le tribunal a relevé à juste titre qu’en vertu de l’article 25 des statuts modifiés de la société (CD), la distribution des profits se faisait sur base du solde, après l’allocation à la réserve légale, des bénéfices annuels nets, de sorte que la distribution d’un dividende était tributaire de l’existence d’un bénéfice net, après paiement des créanciers de la société. La Cour partage ainsi la conclusion des premiers juges qu’un porteur de MRPS ne se trouvait de toute façon pas sur un pied d’égalité avec un créancier ayant accordé un prêt. De plus, il apparaît que la fixité du revenu afférent aux MRPS est à relativiser, du fait de l’exigence de l’existence d’un bénéfice net distribuable. Ce revenu est donc fixe uniquement en ce qu’il est exprimé en un pourcentage déterminé mais il demeure aléatoire dans sa nature et s’apparente, de ce fait, à la rémunération d’un associé.

Eu égard à ces observations, l’argument de l’appelante visant à ériger le critère de la fixité du revenu en preuve que les MRPS seraient économiquement un prêt ne saurait être admis.

Les premiers juges ont encore constaté, sur base de l’article 26 des statuts modifiés de la société (CD), qu’en cas de liquidation de cette dernière, les porteurs des MRPS auraient un droit préférentiel au remboursement de leur participation et qu’au-delà, les MRPS ne leur conféraient aucun droit au paiement d’un boni de liquidation. Le tribunal a néanmoins correctement relevé que le droit préférentiel au remboursement était subordonné à l’existence d’un résultat positif des opérations de liquidation, en ce sens que les paiements ne devaient être opérés qu’après règlement de toutes les dettes et charges de la société (CD), de sorte que là encore, un porteur de MRPS ne se trouvait pas sur un pied d’égalité avec un créancier ayant accordé un prêt. De plus, l’ancien article 44, alinéa 1er, point 2), de la loi du 10 août 1915, prévoyait que l’émission d’actions représentatives du capital sans droit de vote ne pouvait avoir lieu qu’à la condition notamment que ces actions confèrent « un droit privilégié au remboursement de l’apport, sans préjudice du droit qui peut leur être accordé dans la distribution du bénéfice de liquidation ». A nouveau, la Cour note qu’un critère que l’appelante estime être déterminant pour la qualification des MRPS comme instrument de dette – en l’espèce, l’absence de droit à la distribution d’un éventuel bénéfice de liquidation – ne représente nullement une dérogation au régime qui serait applicable en principe à une participation. Au contraire, c’est la loi elle-même qui prévoit que le droit à la distribution d’un éventuel bénéfice de liquidation n’est qu’optionnel et n’est donc pas un attribut d’actions sans droit de vote. La Cour rappelle par ailleurs l’extrait précité du document parlementaire 571/04, faisant référence à des titres ne conférant « qu’un droit de participation aux bénéfices, à l’exclusion de tout droit de participer au produit de liquidation » mais qui demeurent des participations d’un point de vue économique.

Le tribunal s’est ensuite penché sur le caractère rachetable des MRPS. Il a ainsi noté que suivant l’article 6 des statuts modifiés de la société (CD), les MRPS, tout comme d’ailleurs les actions alphabétiques, étaient des actions rachetables émises conformément à l’article 49-8 de la loi du 10 août 1915. L’article 10 des statuts modifiés, déterminant les périodes endéans lesquelles les différentes classes des actions alphabétiques pouvaient être rachetées, prévoyait que la société (CD) pouvait racheter les MRPS jusqu’au 10ème anniversaire de leur émission et qu’elle devait les racheter au plus tard à la date du 10ème anniversaire de leur émission, suivant les modalités décrites dans les statuts. En l’occurrence, le rachat devait être fait sur base d’une résolution respectivement de l’actionnaire unique ou de l’assemblée des actionnaires et suivant les conditions ainsi fixées. En principe, le rachat ne pouvait être opéré qu’à la condition qu’il y ait suffisamment de réserves distribuables ou à l’issue d’une diminution du capital social. Pour ce qui est des MRPS, des conditions additionnelles étaient applicables :

« upon redemption of MRPS, each MRPS Holder is entitled to receive a payment in cash or in kind per redeemed MRPS equal to the nominal value of its redeemed MRPS plus the portion of the Share Premium Account attached thereto, if any, plus a payment corresponding to the right to any Fixed Preferred MRPS Dividend accrued and not paid at the date of redemption (the Redemption Price).

However, on the Maturity Date, if the sums available for redemption are insufficient for the Company to redeem all the relevant MRPS, the redemption of all the relevant MRPS will not be hindered; such insufficiency only entails the deferment of the payment of the Redemption Price due upon redemption of the MRPS. In the latter case, the Company shall pay to the holders of the redeemed MRPS whatever amount up to the sums available for redemption on the Maturity Date, the remaining part of the Redemption Price plus a 3 % (three per cent) interest per annum over said remaining part of the Redemption price to be paid as and when the Company will have sufficient sums available for this purpose.

As long as the Redemption Price of the redeemed MRPS has not been paid in full, no dividend or any other distributions whatsoever shall be paid on the Ordinary Shares. » Le tribunal a correctement indiqué qu’en cas de rachat, le porteur des MRPS était en droit d’obtenir un paiement en espèces ou en nature égal à la valeur nominale de chaque MRPS, plus la proportion de la prime d’émission y attachée, plus un paiement des dividendes fixes accumulés et non encore payés à la date du rachat. Dans ce contexte, il a relevé à bon escient que la maturité fixe et les conditions de paiement prévues en cas de rachat apparentaient les MRPS à un instrument de dette, mais a aussi décidé à juste titre que ce seul constat ne permet pas d’en déduire ipso facto une requalification en l’espèce.

Le tribunal a ensuite exposé que ce sont les circonstances dans lesquelles les MRPS ont été émises et les formes employées qui l’ont amené à ne pas requalifier les MRPS en instrument de dette. Si l’expression « formes employées » peut porter à confusion, il n’empêche que le tribunal a bien cherché à dégager la substance de la mise à disposition des fonds sans s’arrêter à la forme juridique de cette opération et que ce faisant, il a appliqué la méthodologie préconisée par l’appelante, provenant des travaux parlementaires précités relatifs à la requalification potentielle d’un prêt en participation. L’appelante n’est donc pas fondée à critiquer le tribunal pour avoir utilisé cette méthodologie.

Les premiers juges ont ainsi relevé à bon droit que les MRPS ont été émises dans le contexte d’une augmentation de capital, suivant les conditions définies dans les statuts de la société (CD), sans qu’il n’y ait eu recours aux formalités usuelles entourant l’octroi d’un prêt, telles que la signature d’une convention de prêt fixant les conditions de remboursement et le fait de prévoir des garanties pour parer à un défaut de remboursement.

Le tribunal s’est ensuite à nouveau penché sur le caractère soi-disant fixe de la rémunération afférente aux MRPS. Comme retenu ci-avant, cette modalité ne peut en l’espèce être valablement invoquée au soutien de la requalification des MRPS en instrument de dette.

La Cour fait sienne pour le surplus la position du tribunal, lequel a rejoint la partie étatique dans son constat qu’il n’est pas établi que le taux fixe de 6,8 % propre aux dividendes afférents aux MRPS aurait été conclu suivant les conditions de marché de l’époque. Comme indiqué par les premiers juges, le fait que le bureau d’imposition n’ait pas demandé une étude de prix de transfert n’est pas pertinent à cet égard. En effet, il appartient à l’appelante d’établir que l’instrument qu’elle entend voir requalifier en instrument de dette a bien les caractéristiques d’un prêt. A cet égard, il ne suffit pas de se prévaloir de la fixité – toute relative ici – des paiements opérés en vertu de cet instrument, mais il convient encore d’examiner si le taux prévu correspond à un taux conclu suivant les conditions de marché pour un prêt. La Cour ajoute que l’appelante aurait dû démontrer en quoi la rémunération accordée au détenteur des MRPS reflèterait le profil de risque d’un prêteur plutôt que d’un investisseur.

C’est encore à juste titre que le tribunal a reconnu que le fait que le prêteur de fonds soit en même temps actionnaire de la société emprunteuse n’est pas de nature à exclure ipso facto la qualification de prêt et qu’il a néanmoins rejoint la partie étatique dans son constat qu’il convient en l’espèce de tenir compte du fait que le porteur de tous les MRPS était de manière non contestée l’actionnaire unique de la société (CD). Il s’agit en effet d’un élément pertinent du contexte, relevant des « circonstances dans lesquelles [la mise à disposition des fonds] est accordé[e] », pour reprendre les termes des travaux parlementaires précités. En l’espèce, puisqu’une seule personne détenait l’intégralité des actions émises par la société (CD), toutes catégories confondues, force est de constater que de facto, les subtilités affichées dans les statuts quant aux droits attachés aux différentes catégories d’actions n’avaient pas d’impact en pratique, l’actionnaire unique demeurant la seule personne pouvant directement percevoir la rémunération et exercer le droit de vote afférent aux différents titres.

Les premiers juges ont ensuite indiqué que suivant les explications de l’appelante, la société (CD) avait souhaité mettre les fonds obtenus de son actionnaire unique à disposition de ses filiales pour permettre à celles-ci d’acquérir des immeubles. Or, « l’affectation des fonds prêtés aux immobilisations à longue durée » figure justement parmi les critères fournissant, selon les travaux parlementaires, des « présomptions de l’existence d’une participation ».

C’est donc à bon droit que le tribunal a maintenu qu’en l’espèce, la situation apparente, à savoir celle d’un financement par apport de capital, était cohérente d’un point de vue économique en ce qu’il n’y a a priori rien d’anormal ou d’inapproprié qu’un actionnaire ait procédé à une augmentation de capital pour doter sa filiale de liquidités. Les premiers juges ont correctement retenu que suivant les propres explications de l’appelante, cette opération était conforme à la réglementation allemande s’imposant à l’actionnaire unique de la société (CD), et que par conséquent, l’appelante n’était pas fondée à se prévaloir d’une requalification fondée sur le principe de l’appréciation suivant des critères économiques. A l’instar du tribunal, la Cour conclut qu’il ne se dégage pas des éléments à sa disposition que cette requalification se fonderait sur des considérations autres que fiscales, l’appelante entendant en effet, à travers la qualification des MRPS comme instrument de dette, porter en déduction les MRPS et les dividendes afférents pour les besoins de la détermination, dans le chef de la société (CD), de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune.

Les premiers juges ont encore retenu à bon escient que l’appelante n’est pas fondée à se prévaloir d’une pratique de marché de l’époque qui aurait eu recours à ce type d’instrument, dans la mesure où une telle pratique ne lie pas l’administration, ni a fortiori le juge compétent.

Les premiers juges ont aussi pertinemment indiqué que l’appelante ne fait pas état d’une décision anticipée qui, le cas échéant, lierait l’administration par rapport à la qualification à donner en l’espèce aux MRPS, contrairement à la situation ayant conduit le tribunal à rendre le jugement non entrepris du 28 janvier 2020 invoqué par l’appelante. Celle-ci ne prouve d’ailleurs nullement que la société (CD) se serait trouvée dans la même situation que la demanderesse dans ce jugement du 28 janvier 2020, ni que les titres dénommés MRPS dans les deux affaires auraient été identiques ou suffisamment similaires pour être traités de la même manière, une simple identité de dénomination étant insuffisante pour établir une telle similitude. Enfin, la Cour rappelle que le principe de l'égalité de traitement ne saurait être utilement invoqué pour aboutir à une interprétation non conforme à la loi (Cour adm., 8 octobre 2019, n° 42552C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Lois et règlements, n° 14) et que le traitement par le passé d’autres administrés d’une certaine manière ne confère aucun droit si la pratique suivie par l’administration est contraire à la loi (Cour adm., 24 janvier 2017, n° 38145C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Lois et règlements, n° 14).

A l’instar du tribunal, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour retient que l’appelante n’est pas fondée à conclure à une requalification des MRPS en instrument de dette et que c’est à juste titre que le bureau d’imposition, d’une part, n’a pas accepté la déduction des MRPS pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire au 1er janvier 2016 de la société (CD), et d’autre part, n’a pas porté en déduction les paiements opérés en relation avec les MRPS pour les besoins de la détermination de l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt commercial communal dû par la société (CD) au titre de l’année 2015.

Le jugement entrepris est partant à confirmer quant à ce volet du litige.

Quant à l’exonération de la participation détenue dans la SPPICAV Moyens des parties L’appelante est d’avis que la participation dans la SPPICAV, que le bureau d’imposition aurait considéré comme étant pleinement imposable pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire au 1er janvier 2016, serait à exonérer à cette fin en application du § 60 de la loi du 16 octobre 1934 concernant l'évaluation des biens et valeurs (Bewertungsgesetz), ci-après « BewG ». Ce serait à tort que le tribunal administratif aurait suivi la partie étatique en retenant qu’il ne serait pas établi que la SPPICAV remplit les conditions de l’article 2 de la directive modifiée 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filles d’Etats membres différents, ci-après « la directive 90/435 », et par voie de conséquence, les conditions de l’alinéa (2), point 1, du § 60 BewG. Dans son mémoire en réplique, l’appelante réitère ce grief, mais en se référant à l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, ci-après « la directive 2011/96 ».

L’appelante rappelle les dispositions du § 60 BewG et fait valoir qu’en tant que société anonyme, la société (CD) aurait revêtu une forme juridique couverte par le § 60, alinéa (4), BewG. De même, la société (CD) aurait détenu 100 % de la SPPICAV, de sorte que la condition quant au taux de participation serait remplie. Quant à la condition tenant à la forme de la société dans laquelle la participation est tenue, elle expose qu’une SPPICAV pourrait prendre la forme soit d'une société anonyme, soit d'une société par actions simplifiée, de sorte qu'elle tomberait dans le champ d'application de l'article 2 de la directive 90/435, qui exigerait que la filiale soit considérée comme ayant son domicile fiscal dans un Etat donné, selon la législation de cet Etat, et soit assujettie à l'un des impôts énumérés à l'Annexe I, partie B – en l’occurrence l'impôt sur les sociétés en France – sans possibilité d'option et sans en être exonérée. A cet égard, l’appelante affirme qu’en application de la législation fiscale française, la SPPICAV serait en principe soumise à l'impôt sur les sociétés.

La législation française prévoirait certes une possibilité d’exonération, mais cette possibilité serait soumise à une série de conditions objectives. La SPPICAV ne serait ainsi exonérée d’impôt sur les sociétés qu’en remplissant notamment les conditions suivantes :

(i) obtenir l’approbation de l’Autorité des marchés financiers, (ii) respecter certains ratios immobiliers et (iii) respecter des obligations de distribution. Les articles 208 et 208A du Code général des impôts français, ci-après le « CGI », disposeraient que seules les SPPICAV qui (i) sont qualifiées de sociétés d'investissement régies par les articles L. 214-127 et suivants du Code monétaire et financier français et (ii) procèdent au titre de chaque exercice à la répartition de la totalité de leurs bénéfices distribuables pourraient bénéficier d'une exonération. Il s’agirait donc d’une « exonération objective » qui, selon la doctrine, n’affecterait pas la qualification en tant que contribuable résident pleinement imposable. L’appelante avance encore qu’en pratique, la SPPICAV ne serait exonérée que sur certains types de revenus, de sorte qu’elle revêtirait bien une forme couverte par le § 60 BewG, indépendamment de la question de son imposition effective.

Quant à ce dernier point, l’appelante donne à considérer que suivant un jugement du tribunal administratif du 15 février 2012, n° 27587 du rôle, visant une SICAV de droit belge, une imposition effective de la filiale en question ne serait pas requise afin de bénéficier de l'exonération du § 60 BewG. Dans cette affaire, le tribunal administratif se serait limité à constater qu'une filiale prenant la forme d'une SICAV de droit belge était considérée comme assujettie à l'impôt des sociétés belge et ne figurait pas sur la liste des sociétés non assujetties à l'impôt sur les sociétés prévue par la législation belge pour décider qu'elle remplissait la condition afférente du § 60 BewG, alors même que la base imposable de la SICAV de droit belge serait très restreinte. Ainsi, le tribunal aurait admis que la BewG n'exige pas qu'une société couverte par l'article 2 de la directive 90/435 soit effectivement assujettie à un impôt comparable à l'impôt sur le revenu des collectivités et aurait accordé à la SICAV de droit belge le bénéfice de l'exonération sur base du § 60 BewG sans contrôler son imposition effective.

L’Etat n’ayant pas interjeté appel contre ce jugement, il faudrait suivre cette jurisprudence et « la pratique administrative ayant accepté ce jugement » et appliquer le même raisonnement à la participation détenue en l’espèce dans la SPPICAV, sous peine de pratiquer une discrimination inacceptable. En effet, argumenter que ce jugement n’est pas applicable en l’espèce et qu’il faut contrôler l’imposition effective de la filiale reviendrait à « discriminer des fonds suivant les subtilités de leurs régimes fiscaux ». En conclusion, la participation dans la société (CD) serait couverte par le § 60 BewG et devrait être exonérée de l’impôt sur la fortune luxembourgeois.

Le délégué du gouvernement explique que le CGI traiterait des exonérations en son Livre premier (Assiette et liquidation de l'impôt), Première partie (Impôts d'État), Titre premier (Impôts directs et taxes assimilées), Chapitre II (Impôts sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales), Section II (Champ d'application de l'impôt), n° II (Exonérations et régimes particuliers). En ce qui concerne précisément les SPPICAV, l'article 208, n° 3 nonies du CGI disposerait que sont exonérées de l'impôt sous réserve des dispositions de l'article 208 A « [l]es sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable régies par les articles L. 214-33 et suivants du code monétaire et financier », de sorte que les SPPICAV seraient en principe exonérées d'impôts.

Contrairement à la situation des SICAV de droit belge, en France, l'article 208, n° 3 nonies du CGI renverrait expressément aux sociétés exonérées de l'impôt sur les sociétés.

Par conséquent, in fine, les SPPICAV ne seraient pas assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Au vu de l'exonération des SPPICAV au niveau de l'impôt sur les sociétés en France, en contrepartie d'une obligation de distribution d'un montant minimum pleinement imposable au niveau des actionnaires, la condition de l'article 2, lettre a), n° iii) de la directive 2011/96 ne serait pas remplie. Il s'ensuivrait que la SPPICAV ne tomberait pas non plus dans le champ d'application du § 60, alinéa (2), point 1, BewG, de sorte qu’une participation dans une telle forme de société ne pourrait pas bénéficier de l'exonération y contenue.

Si la participation dans la SPPICAV était tout de même exonérée en vertu du § 60 BewG et que les MRPS étaient à considérer comme des dettes, l'exonération ne serait applicable qu'à concurrence du financement de la SPPICAV par fonds propres, étant donné que les dettes en relation avec des éléments exonérés ne seraient pas déductibles en vertu du § 74, alinéa (2), BewG. De plus, le droit d'imposition de la fortune constituée par des actions dans la SPPICAV serait à attribuer au Grand-Duché de Luxembourg, conformément à l'article 20, paragraphe (3), de la Convention contre les doubles impositions, le § 60 BewG n'étant pas applicable à l'égard de titres dans une SPPICAV et ce à partir du 1er juillet 2014.

Analyse de la Cour Aux termes du § 60 BewG : « (1) La participation détenue par:

1. un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtant une des formes énumérées à l'annexe de l'alinéa 4, 2. une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l'annexe de l'alinéa 4, 3. un établissement stable indigène d'un organisme à caractère collectif visé par l'article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, 4. un établissement stable indigène d'une société de capitaux qui est un résident d'un Etat avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, 5. un établissement stable indigène d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne est exonérée lorsque le détenteur, à la fin de l'exercice d'exploitation qui précède la date clé de fixation (alinéa 2 des §§21 à 23), a soit une participation d'au moins 10 pour cent, soit une participation dont le prix d'acquisition est d'au moins 1.200.000 euros.

(2) L'exonération s'applique uniquement à une participation détenue directement dans le capital social:

1. d'un organisme à caractère collectif visé par l'article 2 de la directive modifiée du Conseil des CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (90/435/CEE), 2. d'une société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l'annexe de l'alinéa 4, 3. d'une société de capitaux non résidente pleinement imposable à un impôt correspondant à l'impôt sur le revenu des collectivités. » Comme indiqué par les premiers juges, la directive 90/435 a été abrogée à partir du 18 janvier 2012 par la directive 2011/96, de sorte que la référence à l’article 2 de la directive 90/435, dans le § 60, alinéa (2), point 1, BewG, est à lire comme référence à l’article 2 de la directive 2011/96, lequel reproduit en substance l’article 2 de la directive 90/435.

Il résulte des dispositions du § 60, alinéa (2), BewG que la participation détenue par une personne morale ou un établissement stable visés à l’alinéa 1er, points 1 à 5, du § 60 BewG est exonérée de l’impôt sur la fortune lorsque ce même détenteur a, à la fin de l’exercice d’exploitation qui précède la date clé de la fixation, soit une participation directe d’au moins 10 %, soit une participation directe dont le prix d’acquisition est d’au moins 1,2 million d’euros, dans le capital social d’une personne morale visée au § 60, alinéa (2), points 1 à 3, BewG.

Comme relevé par les premiers juges, en l’espèce, il n’est pas contesté que la société (CD), en tant que société anonyme, était une société mère revêtant une forme juridique couverte par le § 60, alinéa 1er, point 1, BewG. Pareillement, le taux de participation n’est pas sujet à discussion, la société (CD) ayant détenu une participation de 100 % dans la SPPICAV.

Les parties s’accordent encore pour retenir que la SPPICAV ne correspond pas à l’une des sociétés visées au § 60, alinéa (2), points 2 et 3, BewG. Elles sont cependant en désaccord sur la question de savoir si la SPPICAV est un organisme visé au § 60, alinéa (2), point 1, BewG.

Ceci requiert de vérifier si la SPPICAV est un organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96.

Aux termes de l’article 2 de la directive 2011/96 :

« Aux fins de l’application de la présente directive, on entend par:

a) « société d’un État membre » :

toute société:

i) qui revêt une des formes énumérées à l’annexe I, partie A;

ii) qui, selon la législation fiscale d’un État membre, est considérée comme ayant dans cet État membre son domicile fiscal et qui, aux termes d’une convention en matière de double imposition conclue avec un État tiers, n’est pas considérée comme ayant son domicile fiscal hors de l’Union;

iii) qui, en outre, est assujettie, sans possibilité d’option et sans en être exonérée, à l’un des impôts énumérés à l’annexe I, partie B, ou à tout autre impôt qui viendrait se substituer à l’un de ces impôts. » En vertu de l’annexe I, partie A, lettre k), de la directive 2011/96, parmi les sociétés visées à l’article 2, point a) i) figurent :

« les sociétés de droit français dénommées « société anonyme », « société en commandite par actions », « société à responsabilité limitée », « société par actions simplifiée », « société d’assurance mutuelle », « caisses d’épargne et de prévoyance », « sociétés civiles » assujetties de plein droit à l’impôt sur les sociétés, « coopératives » et « unions de coopératives », les établissements et entreprises publics à caractère industriel et commercial, ainsi que les autres sociétés constituées conformément au droit français et assujetties à l’impôt sur les sociétés en France ».

Selon les explications non contestées de l’appelante, la SPPICAV revêt la forme d’une société par actions simplifiée, de sorte qu’elle est bien couverte par l’article 2, point a) i), de la directive 2011/96.

Quant au respect des conditions énumérées à l’article 2, point a) ii), de la directive 2011/96, ni l’appelante, ni le délégué du gouvernement n’ont présenté au cours de la procédure contentieuse des argumentations et conclusions y relativement, les parties ayant respectivement conclu au caractère fondé ou non de ce volet du recours sur base de leurs argumentations concernant le respect des conditions énoncées à l’article 2, point a) iii), de la directive 2011/96.

Dans ces conditions, l’affaire n’a pas été instruite par les parties dans toute la mesure nécessaire pour permettre à la Cour de statuer utilement sur le respect de l’article 2, point a) ii), de la directive 2011/96. Ceci n’empêche néanmoins pas la Cour de vider le fond du volet du litige portant sur le droit à bénéficier de l’exonération prévue au § 60 BewG, étant donné que la Cour parvient à la conclusion que l’appelante n’a pas prouvé que la SPPICAV respecterait les conditions énoncées à l’article 2, point a) iii), de la directive 2011/96.

En effet, en vertu de l’article 2 de la directive 2011/96, la filiale doit être elle-même soumise à l’impôt pertinent, en l’espèce l’impôt sur les sociétés prévu par la législation française. Par conséquent, si elle bénéficiait d’une exonération subjective, c’est-à-dire liée à sa personne – par opposition à une exonération objective, qui ne s’attacherait qu’à certains types de revenus perçus par la société –, elle ne serait pas couverte par l’article 2 de cette directive. En l’espèce, l’appelante explique tantôt que seules certaines catégories de revenus de la SPPICAV seraient exonérées – ce qui n’est pas pertinent, comme la Cour vient de l’indiquer –, tantôt que la SPPICAV elle-même pourrait être exonérée, mais uniquement si elle venait à remplir des « conditions objectives ». Or, premièrement, comme la Cour vient de le retenir, une exonération de la SPPICAV même est une exonération subjective ne donnant pas droit à l’application de l’article 2, point a) iii), de la directive 2011/96, et deuxièmement, l’appelante se contente de développements généraux sur les SPPICAV et ne démontre nullement qu’en l’espèce, la SPPICAV ne bénéficierait pas d’une exonération fondée sur les « conditions objectives » qu’elle énumère.

C’est encore à tort que l’appelante cherche à se prévaloir du jugement prévisé du tribunal administratif du 15 février 2012 visant une filiale ayant revêtu la forme d’une SICAV de droit belge. En effet, dans ce jugement, le tribunal a retenu que les dispositions pertinentes du § 60 BewG et de la directive 90/435 ne requéraient pas que la filiale soit assujettie à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités luxembourgeois. Or, d’une part, la partie étatique ne cherche pas en l’espèce à appliquer une telle condition, et d’autre part, la conclusion du tribunal dans le jugement précité ne signifie pas qu’un assujettissement effectif à l’impôt pertinent ne serait pas requis. Au contraire, dans le cadre de l’interprétation de l’article 2, point c), de la directive 90/435 – qui correspond en substance à l’article 2, point a) iii), de la directive 2011/96 ici pertinent –, la CJUE a insisté sur la nécessité de vérifier si la filiale est effectivement assujettie. En effet, dans un arrêt du 8 mars 2017 (aff. C-448/15, Wereldhave Belgium e.a.), la CJUE a retenu que :

« 31 Il y a lieu de relever à cet égard que l’article 2, sous c), de la directive 90/435 énonce un critère de qualification positif, à savoir être assujetti à l’impôt en question, et un critère négatif, à savoir ne pas être exonéré de cet impôt et ne pas avoir de possibilité d’option.

32 L’énonciation de ces deux critères, l’un positif, l’autre négatif, conduit à considérer que la condition prévue à l’article 2, sous c), de ladite directive ne requiert pas uniquement qu’une société relève du champ d’application de l’impôt en question, mais vise également à exclure les situations comportant l’éventualité que, malgré un assujettissement à cet impôt, la société ne soit pas effectivement redevable du paiement dudit impôt.

33 Or, bien que formellement une société assujettie à un impôt à un taux nul, à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires, ne soit pas exonérée d’un tel impôt, elle se trouve en pratique dans la même situation que celle que l’article 2, sous c), de la directive 90/435 vise à exclure, à savoir une situation où elle n’est pas redevable du paiement de cet impôt ».

Au vu de cet arrêt de la CJUE du 8 mars 2017, la Cour est appelée à interpréter le droit national, suivant l’application du principe de l’interprétation conforme d’une législation nationale ayant transposé une directive de l’Union européenne, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la directive transposée pour atteindre le résultat visé par celle-ci (CJUE, 10 avril 1984, aff. C-14/83, Sabine von Colson et Elisabeth Kamann contre Land Nordrhein-Westfalen). Dans le cas présent, il s’agit donc de vérifier si la SPPICAV est bien assujettie en principe à l’impôt sur les sociétés, puis, si tel est le cas, si elle est en pratique redevable du paiement de cet impôt.

Or force est de constater que par principe, ainsi que l’affirme la partie étatique, une SPPICAV n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés. En effet, l’article 207 du CGI prévoit que certains organismes y énumérés « [s]ont exonérés de l'impôt sur les sociétés ».

L’article 208 du CGI succède à cet article 207 et indique que : « Sont également exonérés de l'impôt sous réserve des dispositions de l'article 208 A : (…) 3° nonies - Les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable régies par les articles L. 214-33 et suivants du code monétaire et financier ».

Contrairement à ce qu’allègue l’appelante, il s’agit donc bien d’une exonération fondée sur la personne et non pas limitée à certaines catégories de revenus d’une SPPICAV. En outre, c’est à tort que l’appelante prétend qu’une exception au principe de l’exonération de la SPPICAV serait issue de l’article 208 A du CGI et qu’elle cherche à s’en prévaloir, puisque l’article 208 A du CGI ne vise que les sociétés d’investissement à capital fixe et non les SPPICAV. Cet article précise en effet que : « Le bénéfice des dispositions des 1° bis et 2° de l'article 208 est réservé aux sociétés d'investissement régies par les articles L. 214-127 et suivants du code monétaire et financier qui procèdent au titre de chaque exercice à la répartition de la totalité de leurs bénéfices distribuables ». Comme les SPPICAV ne sont pas des « sociétés d'investissement régies par les articles L. 214-127 et suivants du code monétaire et financier » – c’est-à-dire des sociétés d’investissement à capital fixe –, les nuances apportées par l’article 208 A du CGI à l’exonération des sociétés d’investissement à capital fixe ne sont pas pertinentes en l’espèce.

La Cour note encore que contrairement à la situation ayant donné lieu à l’arrêt précité de la CJUE du 8 mars 2017, l’ambiguïté découlant de l’assujettissement formel à l’impôt pertinent, mais à un taux nul, n’est pas présente ici, puisque l’article 208, n° 3 nonies du CGI exonère explicitement les SPPICAV de l’impôt sur les sociétés. Or, au point 41 de son arrêt du 8 mars 2017, la CJUE a conclu que « (…) il y a lieu de considérer qu’une société qui, à l’instar des OPCF en cause au principal, est soumise à l’impôt sur les sociétés, à un taux nul à condition que l’intégralité de ses bénéfices soit distribuée à ses actionnaires, ne remplit pas la condition prévue à l’article 2, sous c), de la directive 90/435 et ne relève donc pas de la notion de « société d’un État membre », au sens de ladite directive ». Au vu de cette conclusion, à plus forte raison, une société qui, comme la SPPICAV, est expressément exonérée de l’impôt pertinent par la loi, et non seulement en pratique à travers un assujettissement à un taux nul, ne remplit pas non plus la condition de l’article 2, point c), de la directive 90/435, ni donc celle de l’article 2, point a) iii), de la directive 2011/96.

Enfin, contrairement à la situation ayant conduit au jugement précité du 15 février 2012 concernant une SICAV belge, l’appelante n’a pas versé de bulletins d’impôt qui auraient été émis par l’administration fiscale française à l’encontre de la SPPICAV et qui établiraient l’assujettissement de cette dernière à l’impôt sur les sociétés français.

En conclusion, à l’instar du tribunal, la Cour retient qu’à défaut pour l’appelante de justifier que la SPPICAV n’a pas bénéficié de l’exonération prévue par le droit français, elle ne saurait se retrancher derrière une imposition potentielle et théorique en France pour permettre à la société (CD) de jouir de l’exonération prévue au § 60 BewG de ce chef. C’est donc à juste titre que le bureau d’imposition n’a pas fait application de cette disposition pour les besoins de l’établissement de la valeur unitaire de la société (CD) au 1er janvier 2016.

Le jugement entrepris est partant à confirmer sur ce volet du litige.

Quant au traitement fiscal de la créance sur la (SCI) Moyens des parties Selon l’appelante, il n’y aurait pas lieu de prendre en compte la créance de la société (CD) sur la (SCI) pour les besoins de la détermination de la valeur unitaire de la société (CD) au 1er janvier 2016. Le § 14 BewG mentionné par la partie étatique s’appliquerait aux créances qui tombent dans le champ d’application de l’impôt sur la fortune luxembourgeois et prescrirait la méthode d’évaluation de telles créances. Or, en l’espèce, la créance sur la (SCI) n’entrerait justement pas dans le champ d’application de l’impôt sur la fortune au Luxembourg. En effet, la (SCI) serait fiscalement transparente, de sorte que les transactions conclues entre cette dernière et la société (CD) (y compris la créance sur la (SCI) et les intérêts afférents) seraient inexistantes d’un point de vue fiscal.

Même si l’on considérait que cette créance existe à des fins fiscales, il serait illogique d’inclure la créance et les intérêts afférents dans le calcul de la valeur unitaire de la société (CD). Cette créance étant relative à des biens immobiliers détenus par la (SCI) situés en France, donc des actifs exonérés de l’impôt sur la fortune au Luxembourg, le droit d’imposition de la créance reviendrait exclusivement à la France en application des articles 3 et 20 de la Convention tendant à éviter les doubles impositions du 1er avril 1958, signée entre la France et le Luxembourg, ci-après « la Convention contre les doubles impositions ».

La partie étatique admet que la (SCI), en tant que SCI française, pourrait être comparée aux sociétés civiles de droit luxembourgeois et donc être considérée comme une entité transparente au regard de l’impôt sur la fortune. En vertu du § 11bis de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après « StAnpG », et de l’article 175, alinéa 1er, LIR, l’appelante serait ainsi réputée détenir directement l’ensemble des actifs et passifs de la (SCI), c’est-à-dire les biens immobiliers sis en France. En vertu des articles 3 et 20 de la Convention contre les doubles impositions, ces biens immobiliers et les revenus y relatifs ne seraient pas à prendre en considération au Luxembourg pour les besoins de l’impôt sur le revenu des collectivités et l’impôt sur la fortune. En revanche, pour ce qui est de la créance sur la (SCI) avec les intérêts afférents, ces actifs seraient à inclure dans le calcul de la valeur unitaire conformément au § 14 BewG.

Le bureau d'imposition aurait donc fait une juste appréciation des faits et ce serait à juste titre qu'il aurait, d'un côté, déduit le montant de (15) euros, correspondant aux parts détenues dans la (SCI) et, d'un autre côté, pris en compte la créance sur cette société avec les intérêts s'y rapportant lors de la détermination de la valeur unitaire de la fortune d'exploitation de la société (CD) au 1er janvier de l'année 2016.

Analyse de la Cour Avant d’examiner le bien-fondé de la prétention de l’appelante, il y a encore lieu de préciser que par « créance détenue par la société (CD) envers la (SCI) », l’appelante vise tant le principal de cette créance que les intérêts y afférents, étant donné qu’elle se réfère à plusieurs reprises dans ses écrits à « la créance envers (SCI) et les intérêts y afférents » et affirme qu’« il serait illogique d’inclure cette créance et les intérêts y afférents dans le calcul de la valeur unitaire d’(CD) ».

A l’instar du tribunal, la Cour constate que les parties à l’instance s’accordent sur la transparence fiscale, d’un point de vue luxembourgeois, de la (SCI). Cette transparence fiscale aurait dû entraîner la préparation d’un bilan fiscal et d’un compte de profits et pertes fiscal de la société (CD) reflétant le fait que pour les besoins fiscaux luxembourgeois, l’actif, le passif, les charges et les produits de la (SCI) étaient à allouer à la société (CD) à proportion de son pourcentage de détention dans sa filiale transparente (en l’espèce, d’après les pièces versées au dossier, un taux de 99,99%), sous réserve de retraitements fiscaux additionnels causés par l’octroi du prêt par la société (CD) à la (SCI) et qui seront évoqués ci-après.

Force est cependant de constater qu’aucun compte de profits et pertes fiscal et aucun bilan fiscal reflétant cette allocation et les retraitements additionnels requis n’ont été préparés (le soi-disant bilan fiscal joint à la déclaration fiscale initiale puis à la déclaration fiscale rectificative de l’année 2015 traitant à tort la participation dans la (SCI) comme si cette société était opaque et la réclamation du 3 octobre 2018 cherchant à justifier cette omission en avançant une volonté de « simplifier les aspects déclaratifs »), et que les comptes de la (SCI) n’ont pas été versés. Dans ces conditions, l’affaire n’a pas été instruite par les parties dans toute la mesure nécessaire pour permettre à la Cour de statuer utilement sur le bien-fondé de l’inclusion, dans le calcul de la valeur unitaire au 1er janvier 2016 de la société (CD), du montant que l’appelante affirme correspondre au principal du prêt qu’elle a octroyé à la (SCI) et aux intérêts y afférents, étant donné que ce montant pourrait y avoir été inclus à juste titre en raison de la nécessité d’allouer l’actif et le passif de la (SCI) à la société (CD). La Cour ne se prononcera donc ci-après que sur le plan des principes, quitte à renvoyer si nécessaire l’affaire devant le directeur en prosécution de cause.

Les premiers juges ont d’abord correctement retenu que le § 14 BewG invoqué par la partie étatique se borne à prescrire la méthode d'évaluation d'une créance tombant dans le champ d'application de l'impôt sur la fortune, de sorte que dans le cadre de la détermination de la fortune d’exploitation de la société (CD), cette disposition ne permet pas de résoudre la question du sort à réserver à la créance détenue par la société (CD) sur sa filiale fiscalement transparente.

C’est à bon droit que le tribunal a ensuite rappelé que l’associé d’une société transparente est fiscalement censé avoir exploité lui-même directement l’activité exercée par la société transparente, entraînant que les opérations intervenues entre l’associé et la société transparente sont à négliger du point de vue fiscal car censées être conclues avec soi-même.

Ainsi, un prêt accordé par un associé à sa société transparente doit être éliminé extra-comptablement et requalifié en apport supplémentaire de l’associé à sa propre entreprise, apport dont l’évaluation se fait au moment de l’octroi du prêt (Cour. adm., 15 mars 2007, n° 22233C du rôle). Autrement dit, une créance d’un associé d’une société transparente sur celle-ci ne constitue pas, du point de vue fiscal, un élément de l’actif investi propre à l’entreprise de l’associé que celui-ci est admis à faire figurer dans son propre bilan fiscal, mais le montant de cette créance rentre dans la détermination du revenu en provenance de la société transparente qui lui est imputable (Cour. adm., 15 mars 2007, n° 22233C du rôle, Pas. adm.

2021, V° Impôts, n° 175). En outre, lorsque l’opération se traduit par une charge comptable pour la filiale transparente – en l’espèce, les intérêts courant sous le prêt octroyé par la société (CD) –, il s’agit sur le plan fiscal d’un prélèvement privé à imputer sur le compte courant de l’associé qui en est le bénéficiaire (Alain STEICHEN, Précis de droit fiscal de l’entreprise, Legitech, 5ème éd., 2020, p. 410), de sorte à potentiellement entraîner des répercussions sur le montant d’impôt dû par la société (CD) au titre de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’impôt commercial communal des exercices au cours desquels des intérêts sont échus.

Au vu des principes énoncés ci-avant, c’est à juste titre que les premiers juges ont décidé qu’il convient « de faire abstraction du prêt accordé par la société (CD) à la société (SCI) au niveau de la détermination de la fortune d’exploitation de la société (CD) en ce sens que la créance afférente ne constitue, en tant que telle, pas un élément de la fortune d’exploitation de la société (CD) ». Ce faisant, ils rejoignent donc l’appelante sur le plan du principe de la non-inclusion d’une créance détenue par une société luxembourgeoise opaque sur sa filiale transparente, dans le cadre de la détermination de la valeur unitaire de la société mère et donc de l’impôt sur la fortune dont cette société est redevable.

Les premiers juges ont ensuite décidé à bon escient que « ce constat [de la nécessité de ne pas inclure la créance litigieuse parmi les éléments de la fortune d’exploitation de la société (CD)] n’implique toutefois pas pour autant que les sommes correspondantes soient complètement à ignorer, dans la mesure où la contrepartie de la créance est une valeur faisant partie de la fortune d’exploitation de la société (CD) ». En effet, le tribunal n’a fait que rappeler le fait qu’en vertu de la transparence fiscale de la (SCI), le montant transféré à la (SCI) en vertu du prêt litigieux et inscrit à l’actif du bilan de cette dernière sous la forme d’espèces ou d’un autre actif, était par principe à allouer (à proportion de 99,99%) à l’actif du bilan fiscal de la société (CD), à charge pour l’appelante de démontrer ensuite pourquoi ce montant aurait finalement dû être exonéré, ce qu’elle est restée en défaut de faire.

C’est donc à bon droit que le tribunal a conclu qu’« à défaut par la demanderesse d’expliquer autrement sur quel fondement cet élément de l’actif de sa filiale ne serait pas à prendre en compte au Luxembourg, la demanderesse se bornant à affirmer que la créance serait à négliger (…), le fait que le bureau d’imposition n’a pas tenu compte de la déclaration rectificative sur ce point n’est pas sujet à critique ».

Certes, tant les parties que les premiers juges semblent avoir omis le fait que dans le cadre de l’allocation de l’actif, du passif et du résultat de l’exercice de la société transparente, il convient de prendre en compte le pourcentage de détention de la société mère dans sa filiale transparente (en l’espèce, d’après les pièces versées au dossier, un taux de 99,99%). En effet, « il n’y a, du point de vue fiscal, ni dettes ni créances du coexploitant ou de l’associé à l’endroit de l’exploitation collective ou de la société de personnes assimilée ; il y a uniquement des dettes et des créances à l’endroit des coexploitants ou coassociés » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 62, p. 95).

Par conséquent, à l’actif de son bilan fiscal, la société (CD) aurait dû inscrire, pour 0,01% du montant de sa créance sur la (SCI), une créance sur l’autre associé (ou les autres associés) de la (SCI). Ce retraitement fiscal aurait dû être appliqué tant à la créance portant sur le principal du prêt, qu’à celle portant sur les intérêts afférents au prêt.

Cependant, dans la mesure où le tribunal a rejeté la prétention relative à la créance litigieuse sur base d’un défaut de la preuve afférente par la demanderesse, la Cour ne voit pas dans l’omission de la prise en considération du pourcentage de détention un motif de réformation du jugement entrepris.

En outre, au stade de l’appel, la Cour constate que l’appelante n’a pas remédié à sa carence dans l’administration de la preuve. En effet, comme relevé ci-avant, elle n’a fourni ni le compte de profits et pertes fiscal, ni le bilan fiscal de la société (CD), ni les comptes de la (SCI). La Cour n’est donc pas plus que le tribunal à même de déterminer quels étaient l’actif, le passif, les charges et les produits de la (SCI) lors de l’exercice litigieux, de vérifier si ces éléments ont été correctement alloués à la société (CD), ni de se prononcer sur la répartition du droit d’imposition des éléments de fortune et de revenus alloués à la société (CD) et de leur éventuelle exonération au Luxembourg. Il y a donc lieu de conclure que l’appelante n’a pas démontré en quoi le tribunal se serait trompé en rejetant sa prétention relative à la créance litigieuse sur le fondement d’un défaut dans l’administration de la preuve.

Le jugement entrepris n’encourt donc pas non plus la réformation sur ce volet du litige.

Eu égard à l’issue du litige, c’est encore à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de la demanderesse tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 1.500 euros et qu’il l’a condamnée aux dépens de la première instance.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel n’est fondé en aucun de ses moyens et qu’il y a dès lors lieu de le rejeter dans sa globalité. Le jugement dont appel est partant à confirmer.

Quant à l’indemnité de procédure L’appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de 3.500 euros pour l’instance d’appel. Cette demande est cependant à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 16 juin 2021 en la forme, au fond, le dit non justifié et en déboute l’appelante, partant, confirme le jugement entrepris du 10 mai 2021, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante, condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 31 mars 2022 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mars 2022 Le greffier de la Cour administrative 27


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46131C
Date de la décision : 31/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-31;46131c ?

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