La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2022 | LUXEMBOURG | N°46067C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 31 mars 2022, 46067C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46067C ECLI:LU:CADM:2022:46067 Inscrit le 27 mai 2021

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par la société à responsabilité limitée (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 11 mai 2021 (n° 42417 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

------------------------------

----------------------------------------------------------------------------------

Vu ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46067C ECLI:LU:CADM:2022:46067 Inscrit le 27 mai 2021

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par la société à responsabilité limitée (AB), …, contre un jugement du tribunal administratif du 11 mai 2021 (n° 42417 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 46067C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 27 mai 2021 par Maître Joakim-Antoine CHARVET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois (AB), anciennement (DC), immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro … et ayant établi son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 11 mai 2021 (n°42417 du rôle), par lequel ledit tribunal reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 3 décembre 2018, référencée sous le numéro … du rôle, portant rejet de sa réclamation introduite le 16 février 2018 à l’encontre du bulletin portant refus de remboursement d’une retenue à la source sur dividendes, émis le 5 janvier 2018, au fond, déclara ce recours non justifié, dit qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse et condamna cette dernière aux frais et dépens de l’instance ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 25 juin 2021 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 septembre 2021 par Maître Joakim-Antoine CHARVET pour compte de la société à responsabilité limitée (AB);

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Olivier VAN ERMENGEM, en remplacement de Maître Joakim-Antoine CHARVET, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 novembre 2021.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

En date du 14 janvier 2016, la société anonyme (FE), ci-après désignée par la « société (FE) », déclara une distribution d’un dividende brut de (1) euros en faveur de la société à responsabilité limitée (DC), ci-après désignée par « la société (DC) » et préleva la retenue à la source de 15% y relative conformément aux articles 146 et suivants de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR ».

Par courrier daté du 6 octobre 2017, la société (DC) soumit au bureau d’imposition Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après le « bureau d’imposition », une demande de remboursement de la retenue d’impôt sur le dividende déclarée le 14 janvier 2016 et payée le 15 janvier 2016 en application de l’article 149, paragraphe (4a), LIR.

Par courrier du 30 octobre 2017, le bureau d’imposition sollicita des pièces supplémentaires, pièces que la société (DC) lui fit parvenir par courrier daté du 2 janvier 2018.

En date du 5 janvier 2018, le bureau d’imposition refusa ledit remboursement aux motifs suivants : « (…) Après analyse du dossier fiscal de votre société, ainsi que des documents renvoyés au bureau d’imposition Sociétés 6 concernant l’acquisition des parts sociales détenues dans la société anonyme de droit luxembourgeois (FE), je vous informe que je me vois obligé de refuser votre demande de remboursement de la retenue à la source opérée sur le dividende versé, suivant votre déclaration, le 15 janvier 2016.

Vu les articles 147 et 149 L.I.R. qui définissent les conditions nécessaires pour qu’une retenue ne soit pas opérée, respectivement sous quelles conditions la retenue peut être restituée, la société bénéficiaire doit détenir pendant 12 mois ininterrompus soit au moins 10 pour cent de la société débitrice, soit que le prix d’acquisition de la participation soit au moins égal à 1 200 000 €.

Considérant que la contribution en espèce dans la prime d’émission (« Share Premium Agreement ») ne constitue pas une prise de participation et n’est pas éligible pour les dispositions des articles qui précèdent, le bureau doit constater que le prix d’acquisition de la participation ne s’élève qu’à (2) €, et que le taux de détention est inférieur à 10 %, la demande en remboursement est à refuser. (…) ».

Par courrier de son litismandataire daté du 15 février 2018 et réceptionné le lendemain, la société (DC) introduisit un « recours hiérarchique formel » contre ladite décision auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

Par décision du 3 décembre 2018, portant le numéro … du rôle, le directeur rejeta ledit recours qu’il requalifia comme réclamation au sens du § 235, n° 5, de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », dans les termes suivants :

« (…) Vu la requête introduite le 16 février 2018 par le sieur …, au nom de la société à responsabilité limitée (DC), L-…, pour introduire un recours hiérarchique formel contre la décision du bureau Sociétés VI portant rejet de la demande en restitution d’une retenue à la source, émise en date du 5 janvier 2018 ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Vu l’article 4 de la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues ;

Considérant, néanmoins, que la réclamation pèche par l’emploi d’une langue non officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Quant à la recevabilité Vu le § 252 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant qu’il échet tout d’abord d’analyser la qualification à conférer à l’acte introduit par la réclamante en date du 16 février 2018 ;

Considérant que la réclamante, débiteur de l’impôt, fait grief au bureau d’imposition de ne pas lui avoir accordé une restitution d’un montant de (3) euros ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’alinéa 1 de l’article 149 L.I.R., le débiteur des revenus doit opérer la retenue d’impôt pour compte du bénéficiaire et est personnellement responsable de l’impôt qu’il a retenu ou qu’il aurait dû retenir ;

que suivant l’alinéa 2 du même article, le bénéficiaire des revenus est le débiteur de l’impôt ;

que le bénéficiaire des revenus ne peut pas introduire une réclamation contre le bulletin non écrit (« nicht förmlicher Steuerbescheid » suivant § 212 AO) portant fixation d’une retenue à la source sur revenus de capitaux qui seul est destiné au débiteur des revenus ;

Considérant que l’alinéa 1 du § 150 AO vise les cas où le remboursement d’impôts peut être exigé, partant où le droit au remboursement est établi et n’a qu’à être invoqué par le contribuable ;

qu’en vertu de l’alinéa 2 du même paragraphe, le bureau d’imposition compétent est obligé à matérialiser son refus de remboursement de l’impôt par un bulletin ;

qu’il s’ensuit que « l’existence du droit à restitution ne doit pas être établie à suffisance de droit au moment de la soumission de la demande de restitution par le contribuable, mais qu’il incombe au bureau d’imposition de statuer sur la réalité de ce même droit » (jugement tribunal administratif du 23 juillet 2003, no rôle 15907) ;

Considérant que les droits des créanciers de revenus de capitaux sont réglés par le § 152 (2) n° 1 AO (études fiscales, Jean Olinger, nos 81/82/83/84/85, page 73) ;

qu’en l’occurrence la réclamante qui est le bénéficiaire des revenus de capitaux, peut contester la retenue opérée en soumettant une demande de restitution ;

Considérant qu’en l’espèce, la réclamante a soumis une telle demande de restitution partielle en date du 6 octobre 2017 au bureau d’imposition ;

Considérant qu’il s’ensuit que le bulletin daté du 5 janvier 2018 et communiquant la décision du refus de remboursement de la part du bureau d’imposition ouvre donc le droit à une réclamation devant le directeur des contributions sur base du § 235 n° 5 AO et non pas à un recours hiérarchique formel ;

Quant au fond Considérant qu’en vertu du § 243 de la loi générale des impôts (AO), une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du requérant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal de la réclamante qu’elle a demandé le remboursement d’une retenue de 15% opérée sur des dividendes luxembourgeois qui lui ont été alloués le 15 janvier 2016 ;

Considérant que dans sa requête introductive, la réclamante fait valoir que « In the case at hand, (DC) has acquired 1,356 shares issued by (FE) and has simultaneously contributed a certain amount (in cash and in kind) into Account 115. The effective acquisition price of the participation at such point in time (i.e., on 10 April 2014) is therefore the price paid for the shares (i.e. EUR (4)) plus the Account 115 contribution (of EUR (5)). Add to this the EUR (2) paid to (GH) on 8 September 2015 in consideration for 40 additional shares (issued by (FE)), and the acquisition value of the participation exeeds (sic) EUR 1.2 million.

As such participation has been held uninterruptedly for a period of at least 12 months, (DC) is entitled to a refund of the tax withheld by (FE) upon the dividend distribution which took place on 16 January 2016. All other conditions of the participation exemption are equally met as both the shareholder and the distributing entity are fully taxable companies resident in Luxembourg » ;

Considérant que l’instruction au contentieux a révélé qu’une société anonyme de droit luxembourgeois dénommée « (FE) » a été créée en date du 1er février 2013 par les représentants de la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois « (JI) » avec un capital social de (6) euros (31.000 actions d’une valeur nominale de … euro) ;

Considérant qu’il résulte de la copie d’un registre des actions que la société (JI) a cédé l’intégralité des 31.000 actions à la société anonyme de droit luxembourgeois « (KL) » ;

Considérant qu’en guise de motivation, la réclamante a produit, d’une part, un « share purchase agreement regarding the shares in (FE) » du 10 avril 2014 et, d’autre part, un « share premium contribution agreement » du même jour ;

Considérant qu’il ressort du contrat d’acquisition du 10 avril 2014 (« share purchase agreement regarding the shares in (FE) ») que la réclamante a acquis en date du 10 avril 2014 1.356 actions dans le capital de la société anonyme « (FE) » pour un prix de (4) euros de la part de la société anonyme « (KL) », soit 4,37% ;

Considérant qu’il ressort du deuxième contrat dénommé « share premium contribution agreement » que la société anonyme (FE), désignée comme « the Company », a conclu ce contrat avec les sociétés à responsabilité limitée de droit luxembourgeois dénommées « (GH) », « (MN) », « (OP) », « (QR) », la réclamante, ainsi qu’avec une société étrangère dénommée « (TS) », désignées comme « Finance Investors » ;

qu’il ressort d’abord du préambule, partie B, que les « Finance Investors » sont les seuls actionnaires de la société « (FE) » et que « The Finance Investors purchased the Shares in the Company from (KL) » ;

que la partie D du préambule retient ensuite que « As a part of these arrangements, the Finance Investors wish to contribute a certain equity amount to the Company’s share premium account (compte 115 - Apport en capitaux propres non-rémunéré par des titres « Capital contribution ») and the Company wishes to receive such contribution subject to the terms and conditions of this contribution agreement » ;

Considérant qu’en ce qui concerne la réclamante, il ressort du paragraphe 1 dudit contrat que « Conditional upon the completion of the (UV) on the Closing Date (the Condition), the Finance Investors hereby agree to contribute to the Company’s share premium account (compte 115 - Apport en capitaux propres non-rémunéré par des titres « Capital contribution ») the following amounts :

(a) (DC) shall contribute an amount of one million twenty six thousand one hundred and forty-six Euro and thirty-four cents of a Euro (EUR (5)) » ;

Considérant que d’un point de vue comptable, les réserves, les résultats reportés et la prime d’émission ne font pas partie du capital social même ;

Considérant que selon le plan comptable normalisé, le compte de capital 11 « Primes d’émission et primes assimilées » se décompose comme suit :

 111 Primes d’émission  112 Primes de fusion  113 Primes d’apport  114 Primes de conversion d’obligations en actions  115 Apport en capitaux propres non rémunéré par des titres (« Capital contributions ») ;

Considérant que même si le compte 115 « Apport en capitaux propres non rémunéré par des titres » fait partie du même compte de capital (11 « Primes d’émission et primes assimilées ») à partir de 2009, il ne saurait être assimilé à une prime d’émission classique ;

Considérant que la prime d’émission constitue le prix payé par un ou plusieurs actionnaires nouveaux pour acquérir un droit sur les réserves antérieures et qui a pour objet d’égaliser les droits des actionnaires anciens par rapport aux actionnaires nouveaux ;

Considérant par contre que le compte 115 « Apport en capitaux propres non rémunéré par des titres » est souvent utilisé par des entreprises en alternative d’une augmentation de capital classique qui nécessite beaucoup plus de formalisme, notamment un acte authentique, un rapport d’un réviseur en cas d’un apport en nature, ainsi que l’émission de titres ;

Considérant qu’en ayant recours à de tels « apports informels », les associés ou actionnaires font des apports à une société dans laquelle ils détiennent une participation sans recevoir en contrepartie des titres représentatifs du capital ou une rémunération ;

Considérant qu’il n’est pas litigieux que la réclamante a acquis 40 actions supplémentaires dans le capital social de la société (FE) au cours de l’année 2015 ;

Considérant qu’au cours de l’année 2015, d’autres actionnaires ont acquis ou cédé leurs participations dans la société (FE) ;

qu’il n’est pas clair si les cessions en question ont eu une influence sur ledit compte 115 « Capital contribution » ;

Considérant qu’il y a lieu de relever que même si le plan comptable normalisé reprend ledit compte de capital depuis l’année 2009, il n’en reste pas moins que l’augmentation de capital des sociétés anonymes est réglée par les dispositions des articles 32 à 32-4 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales ; que le droit des sociétés ne prévoit pas d’augmentations de capital par des apports informels, tels que comptabilisés par la société (FE) Finance au compte 115 « Capital contribution » ;

Considérant qu’en l’occurrence, des associés ont mis des fonds à la disposition de leur filiale pour des transactions déterminées ; que cette mise à disposition de fonds ne saurait être considérée comme une participation directe dans le capital social de cette filiale ;

Considérant qu’il n’est pas litigieux que selon le registre des actions faisant partie intégrante de la requête introductive, la réclamante ne détient que 1.396 actions, soit 4,50% du capital social de la réclamante au moment de l’allocation des dividendes ;

Considérant que les dispositions de l’article 147 numéro 2 L.I.R. visent notamment les revenus alloués à :

 un autre organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mère et filiales d’Etats membres différents,  une autre société de capitaux résidente pleinement imposable non énumérée à l’annexe de l’article 166, alinéa 10,  l’Etat, aux communes, aux syndicats de communes ou aux exploitations de collectivités de droit public indigènes,  un établissement stable d’un organisme à caractère collectif visé aux lettres a, b ou c,  un organisme à caractère collectif pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités qui est un résident d’un Etat avec lequel le Grand-Duché de Luxembourg a conclu une convention tendant à éviter les doubles impositions, ainsi qu’à son établissement stable indigène,  une société de capitaux qui est un résident de la Confédération suisse assujettie à l’impôt sur les sociétés en Suisse sans bénéficier d’une exonération,  une société de capitaux ou une société coopérative qui est un résident d’un Etat, partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union Européenne et qui est pleinement imposable à un impôt correspondant à l’impôt sur le revenu des collectivités,  un établissement stable d’une société de capitaux ou d’une société coopérative qui est un résident d’un Etat, partie à l’Accord sur l’Espace économique européen (EEE) autre qu’un Etat membre de l’Union européenne et que, à la date de la mise à disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir, sous les conditions prévues à l’article 149, alinéa 4, directement pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois, une participation d’au moins 10 pour cent ou d’un prix d’acquisition d’au moins 1.200.000 euros dans le capital social du débiteur des revenus ;

Considérant d’abord que l’alinéa 149 L.I.R. retient clairement dans son alinéa 4a que : « En l’absence d’un engagement par le bénéficiaire des revenus, le débiteur est tenu de déclarer et de verser l’impôt retenu à la source dans le délai de huit jours à partir de la mise à la disposition des revenus. Le remboursement peut être demandé par le bénéficiaire des revenus dès qu’il prouve que la durée de détention est remplie et que pendant toute la durée de détention le taux de participation n’est pas descendu au-dessous du seuil de 10 pour cent ou le prix d’acquisition au-dessous de 1.200.000 euros » ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le prix d’acquisition s’élève dès lors à (7) euros ((4) + (2)) et qu’il est inférieur à 10% respectivement à 1.200.000 euros ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 février 2019, inscrite sous le numéro 42417 du rôle, la société à responsabilité limitée (AB), anciennement la société (DC), ci-après désignée par la « société (AB) », fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du directeur du 3 décembre 2018 portant rejet de sa réclamation introduite contre le bulletin du 5 janvier 2018 portant refus de remboursement de la retenue à la source sur dividende.

Par jugement du 11 mai 2021, le tribunal administratif reçut en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du directeur du 3 décembre 2018, au fond, déclara ce recours non justifié, dit qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse et condamna cette dernière aux frais et dépens de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 27 mai 2021, la société (AB) a fait régulièrement relever appel du jugement précité du 11 mai 2021.

Quant au fond Arguments des parties A l’appui de son appel, la société (AB) explique qu’en date du 10 avril 2014, elle aurait fait l’acquisition de 1.356 actions émises par la société (FE) pour un montant de (4) euros. Ces actions lui auraient été vendues par la société anonyme (KL) en vertu d’une convention d’achat d’actions intitulée « Share purchase agreement ». Le même jour, elle-même et la société (FE) ainsi que d’autres parties auraient signé une « convention d’apport de prime d’émission » intitulée « Share premium contribution agreement », par laquelle l’appelante se serait engagée à apporter (5) euros aux fonds propres de la société (FE) en tant qu’« apport en capitaux propres non-rémunéré par des titres », dit « apport en compte 115 ». Les deux conventions susmentionnées prévoiraient que les paiements respectifs devaient être effectués au plus tard le 28 avril 2014, tandis que le transfert de la propriété des actions ainsi que l’apport en compte 115 seraient effectifs au 10 avril 2014. En vertu de la convention d’apport en compte 115, l’appelante aurait effectué ledit apport en compte partiellement sous la forme d’un apport en espèces, pour un montant de (8) euros, et partiellement sous la forme d’un apport en nature, à savoir une compensation d’une dette de la société (FE) envers elle-même, pour un montant de (9) euros.

Par une convention d’achat d’actions datée du 8 septembre 2015, elle aurait encore racheté à la société à responsabilité limitée (GH) 40 actions additionnelles dans le capital social de la société (FE) pour un montant de (2) euros payé en espèces.

A la suite de ces différentes opérations, le « prix d’acquisition » de la participation détenue par elle-même dans la société (FE) se serait élevé à (10) euros.

Le 14 janvier 2016, la société (FE) aurait déclaré une distribution de dividendes à ses actionnaires, dont un dividende brut de (1) euros en faveur de l’appelante. Ce dividende aurait été payé en espèces le 15 janvier 2016 et aurait fait l’objet d’une retenue à la source s’élevant à (11) euros.

Le 9 octobre 2017, conformément à l’article 149, paragraphe (4a), LIR, l’appelante aurait introduit une demande de remboursement de la retenue à la source prélevée par la société (FE), demande qui aurait cependant été refusée par l’administration des Contributions directes.

En droit, la société (AB) estime que ce serait à tort que, pour déterminer le prix d’acquisition d’une participation, le directeur et les premiers juges auraient retenu « uniquement les montants investis dans le capital social et la prime d’émission représentée par la participation détenue » et qu’un apport en compte 115 ne pourrait pas être considéré comme un apport au capital social.

Après avoir rappelé les dispositions légales en la matière, l’appelante souligne que pour remplir les conditions de détention minimale prévues par l’article 147, paragraphe (2), LIR, le contribuable devrait détenir pendant une période ininterrompue de douze mois (i) une participation directe dans le capital social de la filiale ayant (ii) une valeur d’acquisition, dans les comptes du contribuable, d’un montant minimal de 1,2 million d’euros.

En l’espèce, seule cette seconde condition serait litigieuse. A cet égard, l’appelante estime qu’afin d’évaluer le prix d’acquisition d’une participation, tous les apports faits par l’actionnaire seraient à prendre en compte, tels que les apports formels, comme le capital social et la prime d’émission, mais également le capital informel, soit essentiellement les apports cachés et le capital déguisé. Elle précise que le plan comptable normalisé prévoirait, dans la classe 1 (« Comptes de capitaux, de provisions et de dettes financières »), le compte 115 des « apports en capitaux propres non rémunérés par des titres » et que l’on retrouverait sous ce même point les primes d’émission au compte 111, les primes de fusion au compte 112, les primes d’apport au compte 113 et les primes de conversion d’obligations en actions au compte 114. Par conséquent, le législateur, en adoptant ce plan comptable, aurait reconnu l’existence d’apports en capitaux – sans émission de nouvelles actions – qui ne seraient pas considérés comme du capital social ou comme une prime. A défaut de dispositions contraires explicites, il faudrait ainsi également reconnaître le compte 115 comme un élément des fonds propres pour les besoins fiscaux et dans le cadre de l’article 147 LIR, de sorte qu’une contribution au compte 115 devrait également être prise en compte pour évaluer le prix d’acquisition d’une participation.

L’appelante explique également qu’en droit des sociétés, la différence entre un apport en compte 115 et la prime d’émission serait que cette dernière s’accompagnerait en principe d’une augmentation formelle de capital et viserait à placer les nouveaux associés sur un pied d’égalité avec les anciens alors qu’une contribution au compte 115 serait généralement une contribution faite en dehors de toute augmentation formelle de capital et, tout comme une prime d’émission, elle ne serait pas rémunérée par de nouvelles actions mais augmenterait la valeur des actions existantes. Cette méthode d’apport « informelle » serait utilisée en pratique lorsque la société ne possède qu’un seul actionnaire ou si chaque actionnaire « contribue proportionnellement », tout en évitant les formalités requises par l’émission de nouvelles actions ou par l’augmentation de la valeur nominale des actions existantes. Cependant, cette différence en droit des sociétés ne constituerait pas un argument permettant de traiter différemment, sur le plan fiscal, l’apport en compte 115 et un autre apport, que ce soit en capital ou en prime. Dès lors, pour les besoins d’évaluation du seuil de détention visé par l’article 147 LIR, il faudrait se référer au « prix d’acquisition effectif » de la participation au sens de l’article 25 LIR, lequel s’obtiendrait « en ajoutant les frais accessoires au prix d’achat ». Le prix d’acquisition devrait donc être composé du prix initial d’acquisition des actions, à savoir (4) euros et (2) euros, ainsi que du montant apporté en compte 115, soit (5) euros, puisque cet apport aurait eu lieu le même jour que l’achat initial des actions et s’inscrirait dans ce cadre. A titre subsidiaire, il serait constant que le « capital caché » devrait être assimilé au capital visé par l’article 147 LIR et devrait par conséquent être pris en compte pour évaluer le prix d’acquisition d’une participation.

Quant à l’appréciation du niveau de la participation au sens de l’article 147 LIR, la société (AB) donne encore à considérer qu’il faudrait distinguer entre la prise de participation d’au moins 10% dans le capital social de la filiale, qui s’analyserait à partir du capital de la filiale, et le critère alternatif du prix d’acquisition de la participation d’au moins 1,2 million d’euros, qui viserait uniquement les comptes de la société mère et s’apprécierait donc par rapport « à la valeur d’acquisition de la participation à l’actif du bilan de la société mère et non pas à la valeur des capitaux propres de la filiale ». La loi n’exigerait pas que ce seuil de 1,2 million d’euros soit atteint par des apports au capital social au sens strict et il serait constant que cette « valeur d’acquisition » trouverait sa source dans d’autres éléments que simplement le capital social de la filiale. Ce ne serait donc pas la valeur nominale des actions telle qu’elle ressort du capital social qui devrait être prise en compte pour apprécier le prix d’acquisition, ni même la valeur de marché, mais bien le prix d’acquisition au sens de l’article 25 LIR composé de la somme de tous les coûts encourus par la société mère en relation avec l’acquisition de la participation.

L’appelante précise encore que ce critère basé sur une valeur absolue de la participation aurait été ajouté en 1988 en tant qu’alternative à la condition basée sur le pourcentage du capital, ajout qui aurait notamment eu pour objet de faire disparaître les différences de traitement entre les investissements d’un montant comparable, selon que ces investissements étaient effectués dans une société dotée d’un capital social important ou non. Il apparaîtrait dès lors « logique » que ce prix d’acquisition ne se conçoive qu’en tenant compte du montant de la prise de participation dans le chef de l’actionnaire, « indépendamment de ce que ce prix d’acquisition représente dans le capital social ou autres éléments de l’actif net de la société ».

D’un point de vue comptable, les apports en compte 115 seraient comptabilisés par la société mère dans le prix d’acquisition de la participation. Or, l’article 40 LIR consacrerait le principe de l’accrochement du bilan fiscal au bilan commercial et l’article 23 LIR retiendrait que pour les besoins fiscaux, une participation doit être évaluée au prix d’acquisition, conformément à la méthode d’évaluation comptable. Il serait donc contraire à l’article 40 LIR de ne pas prendre en considération le compte 115 dans l’application de l’article 147 LIR.

En outre, les commentaires du projet de loi n° 571 relatif à la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu démontreraient que le prix d’acquisition d’une participation peut varier au cours du temps et qu’aucun lien « temporel, contractuel ou autre » ne serait requis entre l’acquisition initiale des actions et un apport subséquent. Les premiers juges auraient donc ajouté une condition non requise par l’article 147 LIR.

Enfin, puisque les apports cachés seraient à prendre en compte dans le prix d’acquisition d’une participation, il ne serait pas concevable de ne pas prendre en compte un apport en compte 115.

D’après l’appelante, ce serait donc à tort que les premiers juges auraient décidé que pour les besoins de l’article 147 LIR, le prix d’acquisition des actions dans la société (FE) ne devrait pas inclure les apports en compte 115 effectués par elle.

La partie étatique conclut au rejet de l’appel pour ne pas être fondé. L’augmentation de capital des sociétés anonymes serait en effet réglée par les dispositions des articles 32 à 32-4 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales et le droit des sociétés ne prévoirait pas d’augmentation de capital par des apports informels tels que les apports en compte 115 comptabilisés par l’appelante. Une mise à disposition de fonds par le biais du compte 115 ne saurait être considérée comme une participation directe dans le capital social de la société (FE).

En outre, il ne résulterait d’aucun élément que l’apport en compte 115 du 10 avril 2014 aurait servi à l’acquisition des 1.356 actions dans la société (FE) le même jour et qu’il devrait être pris en considération pour déterminer le prix de ces actions au moment de leur acquisition.

Au contraire, le prix d’acquisition de ces actions figurant dans le contrat du 10 avril 2014 intitulé « Share purchase agreement » serait de (4) euros. Il ne se dégagerait pas non plus du contrat du même jour intitulé « Contribution agreement » que l’apport en compte 115 litigieux aurait constitué une condition relative à l’acquisition des 1.356 actions permettant de s’ajouter au prix d’acquisition de ces actions. Au contraire, ledit contrat mentionnerait explicitement que, premièrement, l’apport en compte 115 se serait opéré de manière purement gratuite en indiquant « The Company hereby accepts such Contribution without any obligation to pay a consideration or to issue any shares in its capital in return » et que, deuxièmement, l’appelante était déjà titulaire des 1.356 actions litigieuses de la société (FE) au moment de l’apport en compte 115 de (5) euros, en indiquant que « The Finance Investors purchased the Shares in the Company from (KL) (…) pursuant to a share and purchase agreement dated on or about the date hereof », de sorte à exclure tout lien entre l’acquisition des actions de la société (FE) à travers le « Share purchase agreement » et l’apport en compte 115 à la société (FE) à travers le « Contribution agreement ».

Le directeur aurait donc valablement rejeté comme étant non fondée la réclamation de la société (AB), de sorte que la partie étatique demande la confirmation du jugement entrepris.

Analyse de la Cour Comme relevé par les premiers juges, il n’est pas litigieux qu’en date du 14 janvier 2016, la société (FE) a déclaré une distribution d’un dividende brut de (1) euros en faveur de la société (AB) et a prélevé la retenue à la source de 15% y relative. Il n’est pas non plus contesté que l’appelante a acquis des actions dans la société (FE) et lui a transféré des actifs par le biais d’opérations qualifiées par elle d’apport en compte 115 aux dates et pour les montants mentionnés dans le tableau ci-dessous :

Date Opération Montant 10 avril 2014 acquisition initiale des actions (4) euros 10 avril 2014 apport en espèces en compte 115 (8) euros 10 avril 2014 apport en nature en compte 115 (9) euros 8 septembre 2015 acquisition additionnelle d’actions (2) euros Total (10) euros C’est à juste titre et de manière incontestée que les premiers juges ont inclus dans le prix d’acquisition de la participation dans la société (FE) le montant de (4) euros payé en vertu du « Share purchase agreement » du 10 avril 2014 pour l’acquisition de 1.356 actions dans cette société, ainsi que le montant de (2) euros payé en vertu d’un contrat du 8 septembre 2015 pour l’acquisition de 40 actions supplémentaires dans ladite société, soit un montant total de (7) euros.

En revanche, les parties sont en désaccord sur la question de savoir s’il faut inclure l’apport en compte 115 susvisé dans le cadre de la vérification si l’appelante a détenu une participation directe ayant un prix d’acquisition d’au moins 1,2 million d’euros dans le capital social de la société (FE). L’appelante estime qu’il résulte des opérations susmentionnées que tel est bien le cas et sollicite dès lors, sur le fondement des articles 147 et 149, paragraphe (4a), LIR, le remboursement de la retenue à la source prélevée sur le dividende déclaré en sa faveur le 14 janvier 2016.

L’article 146, paragraphe (1), LIR dispose que : « Sont passibles de la retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu, les revenus indigènes ci-après: 1. les dividendes (…) ».

L’article 148, paragraphe (1), LIR précise que : « Le taux de la retenue est fixé à 15%.

(…) ».

Par ailleurs, l’article 147 LIR prévoit que : « La retenue d’impôt faisant l’objet de l’article 146 n’est pas à opérer (…) 2. lorsque les revenus visés par l’article 97, alinéa 1er, numéro 1 sont alloués par un organisme à caractère collectif résident pleinement imposable et revêtent une des formes énumérées à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, ou par une société de capitaux résidentes pleinement imposable non énumérées à l’annexe de l’article 166, alinéa 10, à :

a) un autre organisme à caractère collectif visé par l’article 2 de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents (…) et que, à la date de la mise à la disposition des revenus, le bénéficiaire détient ou s’engage à détenir, sous les conditions prévues à l’article 149, alinéa 4, directement pendant une période ininterrompue d’au moins douze mois, une participation d’au moins 10 pour cent ou d’un prix d’acquisition d’au moins 1.200.000 euros dans le capital social du débiteur des revenus ».

Enfin, aux termes de l’article 149, paragraphe (4a), LIR, « [e]n l’absence d’un engagement par le bénéficiaire des revenus, le débiteur des revenus est tenu de déclarer et de verser l’impôt retenu à la source dans le délai de huit jours à partir de la date de la mise à la disposition des revenus. Le remboursement peut être demandé par le bénéficiaire des revenus dès qu’il prouve que la durée de détention est remplie et que pendant toute la durée de détention le taux de participation n’est pas descendu en dessous du seuil de 10 % ou le prix d’acquisition au-dessous de 1.200.000 euros ».

C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’il se dégage des dispositions légales précitées que le remboursement de l’impôt retenu à la source sur des distributions de dividendes peut être demandé par le bénéficiaire qui détient une participation directe dans le capital social du débiteur des revenus, soit de 10%, soit d’un prix d’acquisition d’au moins 1,2 million d’euros.

Le tribunal administratif a correctement déduit qu’il lui incombait dès lors de vérifier si la société (AB) détenait une participation directe dans le capital social de la société (FE) et, dans l’affirmative, si le prix d’acquisition de cette participation directe dans le capital social était d’au moins 1,2 million d’euros.

La Cour tient à préciser d’abord qu’étant donné que les articles 147 et 149, alinéa (4a), LIR utilisent le même critère de la participation directe dans le capital social de la société filiale que l’article 166 LIR et s’inscrivent dans la même logique (projet de loi portant modification de l'article 147, numéro 2, de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, tel qu'il a été modifié et complété par l'article 14, numéro 19 de la loi du 27 décembre 1973 et par l'article 1er, numéro 1 de la loi du 14 juin 1983, doc. parl. 2988/00, p. 2), il y a lieu de faire application des mêmes principes d’interprétation dans ce contexte.

En outre, les articles 147, 149, alinéa (4a) et 166 LIR portent transposition en droit luxembourgeois de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents, ci-après la « directive 90/435 », ainsi que de la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents, ci-après la « directive 2011/96 », en ayant opéré la refonte.

Or, à la fois l’article 3, paragraphe 1, de la directive 90/435 et l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/96 utilisent les termes de la détention d’une participation dans le capital d’une autre société.

La Cour de justice de l’Union européenne, ci-après la « CJUE », en interprétant l’article 3 de la directive 90/435, a retenu que « la notion de « participation dans le capital » au sens dudit article 3 renvoie au rapport de droit existant entre la société mère et la société filiale » (CJUE, 22 décembre 2008, aff. C-48/07, Etat belge c/ Les Vergers du Vieux Tauves SA, ECLI:EU:C:2008:758, point 38).

En droit luxembourgeois, la création du « rapport de droit existant entre la société mère et la société filiale » et les éléments influant sur l’existence d’un tel rapport ont été prévus par la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après la « loi du 10 août 1915 ». Le capital social d’une société de capitaux – telle la société anonyme concernée en l’espèce et régie par l’article 430-1, alinéa 1er, de la loi du 10 août 1915, au vœu duquel « [l]e capital des sociétés anonymes se divise en actions, avec ou sans mention de valeur » – est donc constitué par les apports au capital effectués par les associés et les réserves capitalisées conformément à la loi du 10 août 1915.

Dans la mesure où les articles 147, 149, alinéa (4a) et 166 LIR transposent, entre autres, en droit luxembourgeois d’abord la directive 90/435 et ensuite la directive 2011/96 ayant pris sa relève et au vu des enseignements de l’arrêt prévisé de la CJUE du 22 décembre 2008, la Cour est appelée à interpréter le droit national, suivant l’application du principe de l’interprétation conforme d’une législation nationale ayant transposé une directive de l’Union européenne, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité de la directive transposée pour atteindre le résultat visé par celle-ci (CJUE, 10 avril 1984, aff.

C-14/83, Sabine von Colson et Elisabeth Kamann contre Land Nordrhein-Westfalen, ECLI:EU:C:1984:153).

S’il est vrai qu’en l’espèce, la demande de restitution de la retenue d’impôt sur les dividendes émane d’une société résidente au Luxembourg par rapport à des dividendes distribués par une autre société résidente au Luxembourg, de sorte qu’elle correspond à une situation purement interne ne relevant pas directement du champ d’application de la directive 2011/96, il n’en reste pas moins que, dans la mesure où le champ d’application des articles 147, 149, alinéa (4a) et 166 LIR englobe non seulement les situations intra-communautaires rentrant dans le champ de la directive 2011/96, mais également des situations purement internes et des situations impliquant des sociétés résidentes d’Etats tiers, la Cour considère que lesdites dispositions ne sauraient faire l’objet d’une interprétation différente selon qu’elles s’appliquent à une situation intra-communautaire ou à une situation autre.

A partir de ces développements, il y a partant lieu de conclure que dans le cadre particulier du régime des sociétés mère et filiales, la notion de la participation dans le capital social au sens des articles 147 et 149, paragraphe (4a), LIR vise la détention d’actions ou de parts dans le capital social de la collectivité distribuante au sens de la loi du 10 août 1915, puisque seule la détention de ces titres la place dans un rapport juridique direct avec la société filiale qui lui confère les droits inhérents à la qualité d’actionnaire ou d’associé de cette société.

Les premiers juges ont justement conclu de l’examen des pièces versées en cause que la condition relative à l’existence d’une participation directe dans le capital social de la société (FE) est bien remplie. En effet, il ressort de ces pièces que le 10 avril 2014, la société (AB) a acquis 1.356 actions dans la société (FE) et en a encore acquis 40 supplémentaires en date du 8 septembre 2015.

Il est cependant constant en cause que cette participation acquise en deux étapes par l’appelante ne représente pas au moins 10% du capital social de la société (FE) composé de 31.000 actions.

La question du droit de l’appelante à la restitution de la retenue à la source, refusée par la décision du bureau d'imposition du 5 janvier 2018, doit partant être examinée sur base du deuxième seuil alternatif du prix d’acquisition de la participation dans le capital social qui doit être d’au moins 1,2 million d’euros.

Dans le cadre de l’appréciation de la condition relative au prix d’acquisition d’au moins 1,2 million d’euros, prévue par les articles 147, paragraphe (2), et 149, paragraphe (4a), LIR, la notion de « prix d’acquisition » doit être interprétée conformément à l’article 25, paragraphe (1), LIR, en vertu duquel « [l]e prix d’acquisition d’un bien est l’ensemble des dépenses assumées par l’exploitant pour le mettre dans son état au moment de l’évaluation », entraînant que les frais accessoires aux opérations d’acquisition de la participation font partie du prix d’acquisition.

Une dépense ne peut néanmoins être considérée comme rentrant dans le prix d’acquisition de la participation dans le capital social de la société filiale que si elle emporte une augmentation du nombre ou de la valeur nominale des actions ou parts détenues ou est un accessoire direct à une telle augmentation.

Le compte 115 a été introduit avec le plan comptable normalisé, ci-après le « PCN », instauré par un règlement grand-ducal du 10 juin 2009. Son intitulé dans le PCN est « apport en capitaux propres non rémunéré par des titres » et il relève de la classe 11 « Primes d’émission et primes assimilées ». Comme son nom l’indique, un apport en compte 115 peut certes être analysé comme un transfert de fonds effectué par l’actionnaire ou associé en faveur de la société visée et qui fait rentrer ces fonds dans le patrimoine de cette dernière, de sorte à constituer un apport informel aux capitaux propres de la société visée. Cependant, le fait qu’un apport en compte 115 rentre dans les capitaux propres de la société visée mais reste étranger à son capital social et ne confère à l’actionnaire ou associé aucun droit à une contrepartie directe consistant en l’octroi d’actions ou de parts dans le capital social ou en une augmentation de leur valeur nominale entraîne qu’un tel apport ne présente pas un lien suffisant avec la participation même dans le capital social de la société visée pour faire partie du prix d’acquisition de la participation dans le capital social.

Il s’ensuit qu’un apport en compte 115 ne peut pas être pris en compte en vue de déterminer le prix d’acquisition d’une participation dans le capital social d’une société de capitaux résidente afin de vérifier le respect du seuil d’au moins 1,2 million d’euros pour ce prix d’acquisition.

En l’espèce, au vu du fait reconnu par l’appelante même qu’elle a acquis sa participation d’un total de 1.396 actions de la société (FE) pour un montant total de (7) euros et qu’elle invoque pour le surplus exclusivement des apports en compte 115 pour justifier du prix d’acquisition de 1,2 million de cette participation, il y a lieu de conclure que le prix d’acquisition de sa participation ne répond pas au seuil minimal prévu par les articles 147, paragraphe (2), et 149, paragraphe (4a), LIR.

A titre superfétatoire, il y a lieu d’ajouter que quand bien même l’appelante aurait effectué un tel « apport » dans l’intention d’augmenter la valeur de sa participation, les statuts de la société (FE) n’ont pas prévu que le montant versé par l’appelante sous la forme d’ « apport en compte 115 » serait à allouer exclusivement à l’appelante, notamment en cas de remboursement dudit « apport », de sorte que la proportion dans laquelle cet « apport » aurait augmenté la valeur de la participation détenue par l’appelante ne peut être déterminée.

Finalement, ni l’appelante, ni l’Etat, ne font état de circonstances qui justifieraient d’assimiler des « apports en compte 115 » à des apports « cachés » qui seraient à leur tour à assimiler, pour les besoins du régime des sociétés mère et filiales, à un apport formel dont le montant augmenterait le prix d’acquisition de la participation dans la filiale.

C’est partant à juste titre qu’à travers sa décision du 5 janvier 2018, le bureau d'imposition a rejeté la demande de restitution de la retenue d’impôt formulée par l’appelante le 6 octobre 2017 et que le directeur a confirmé ce rejet dans sa décision déférée du 3 décembre 2018.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appelante critique à tort le rejet de son recours par le tribunal, de sorte que l’appel sous examen laisse d’être fondé et que le jugement entrepris est à confirmer, l’examen du moyen de l’appelante relatif à une injonction à l’administration de rembourser les impôts trop perçus devenant surabondant.

Quant à l’indemnité de procédure La société (AB) sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500 euros pour la première instance et de 1.500 euros pour l’instance d’appel.

Ces demandes sont cependant à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 27 mai 2021 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute la société (AB), partant, confirme le jugement entrepris du 11 mai 2021, rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et pour l’instance d’appel formulées par la société (AB), condamne la société (AB) aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 31 mars 2022 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 31 mars 2022 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46067C
Date de la décision : 31/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-31;46067c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award