La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2022 | LUXEMBOURG | N°42143C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 31 mars 2022, 42143C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 42143Ca ECLI:LU:CADM:2022:42143 Inscrit le 21 décembre 2018

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2018 (n° 41673 du rôle) dans un litige l’opposant à la société anonyme (L), …, en matière d’échange de renseignements

--------------------------------------------------------

--------------------------------------------------------

Revu l’acte d’appel, inscrit...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 42143Ca ECLI:LU:CADM:2022:42143 Inscrit le 21 décembre 2018

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 31 mars 2022 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 18 décembre 2018 (n° 41673 du rôle) dans un litige l’opposant à la société anonyme (L), …, en matière d’échange de renseignements

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Revu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 42143C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 21 décembre 2018 par Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat afférent lui délivré par le ministre des Finances le 20 décembre 2018, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 18 décembre 2018 (n° 41673 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré justifié le recours en réformation introduit au nom de la société anonyme (L), ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration en fonctions, inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 août 2018 portant fixation à son encontre d’une amende administrative fiscale de … euros au sens de l’article 5 de la loi modifiée du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, de manière à avoir, dans le cadre du recours en réformation introduit, annulé ladite décision du 6 août 2018 et dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, tout en rejetant la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par la partie demanderesse et en condamnant l’Etat aux frais ;

Vu l’arrêt de la Cour administrative du 23 mai 2019 ayant reçu cet appel en la forme, au fond, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits et moyens des parties restant réservés, demandé à la Cour de Justice de l’Union Européenne de statuer à titre préjudiciel sur trois questions, sursis à statuer et mis l’affaire au rôle général en attendant l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne concernant les questions préjudicielles formulées, tout en réservant les dépens ;

Vu l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 25 novembre 2021 (aff.

C-437/19, État luxembourgeois contre L) ;

Vu l’avis de la Cour administrative du 2 décembre 2021 par lequel elle a invité les parties à indiquer si elles entendaient soumettre un mémoire complémentaire suite à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne État luxembourgeois contre L ;

Vu l’avis de la Cour administrative du 17 décembre 2021 par lequel elle a invité les parties à déposer leurs observations par rapport à l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne État luxembourgeois contre L jusqu’au 24 janvier 2022 ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 21 janvier 2022 par Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA pour compte de l’Etat ;

Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe de la Cour administrative le 24 janvier 2022 par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, représentée par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, pour compte de la société anonyme (L), ayant désormais établi son siège social à L-1836 Luxembourg, 23, rue Jean Jaurès ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 3 février 2022.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1.

Par courrier du 28 février 2018, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », enjoignit à la société anonyme (L), ci-après désignée par la « société (L) », de lui fournir certains renseignements pour le 5 avril 2018 au plus tard, ladite injonction étant libellée comme suit :

« (…) En date du 27 avril 2017, l’autorité compétente de l’administration fiscale française nous a transmis une demande de renseignements en vertu de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, transposée en droit interne par la loi du 29 mars 2013 ainsi que de la convention fiscale entre le Luxembourg et la France du 1er avril 1958, modifiée par la loi du 31 mars 2010 portant approbation de l’Avenant et de l’échange de lettres relatif à ladite convention.

L’autorité compétente luxembourgeoise a vérifié la régularité formelle de ladite demande de renseignements et a exclu l’absence manifeste de pertinence vraisemblable.

La personne morale concernée par la demande est la société (AB), établie et ayant son siège social au … à F-….

Je vous prie de bien vouloir nous fournir, pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2016, les renseignements et documents suivants pour le 5 avril 2018 au plus tard.

- Veuillez communiquer les noms et adresses des actionnaires de la société (L) ainsi que les noms et adresses des bénéficiaires effectifs, directs et indirects, quelles que soient les structures interposées, de la société et la répartition du capital ;

- Veuillez fournir une copie des registres des titres de la société (L).

Je tiens à vous rendre attentif que conformément à l’article 2 (2) de la loi du 25 novembre 2014 précitée, le détenteur des renseignements est obligé de fournir les renseignements demandés ainsi que les pièces sur lesquelles ces renseignements sont fondés en totalité, de manière précise et sans altération.

Conformément à l’article 6 de la loi du 25 novembre 2014 précitée, aucun recours ne peut être introduit à l’encontre de la présente décision d’injonction. (…) ».

2.

Par courrier recommandé du 5 avril 2018, la société (L) introduisit un recours hiérarchique formel, ainsi qualifié par elle, au sens du § 237 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », contre ladite décision.

3.

Par décision du 4 juin 2018 (n° C 24660 du rôle), le directeur déclara ce recours hiérarchique formel irrecevable. Un recours contentieux formé par la société (L) contre cette décision directoriale est actuellement fixé au rôle général du tribunal administratif (n° 41672 du rôle).

4.

En date du 6 août 2018, le directeur prit à l’encontre de la société (L) une décision dans laquelle il constata qu’elle n’avait pas donné suite à sa décision d’injonction du 28 février 2018, de sorte qu’il lui infligea une amende administrative fiscale de … euros conformément à l’article 5 de la loi du 25 novembre 2014 prévoyant la procédure applicable à l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale, ci-après la « loi du 25 novembre 2014 », ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous n’avez pas donné suite à notre rappel du 13 juin 2018, vous enjoignant de nous fournir les renseignements manquants dans le cadre d’une demande d’assistance émanant des autorités fiscales françaises.

Par conséquent, je suis au regret de vous informer que conformément à l’article 5 de la loi du 25 novembre 2014 précitée, je me vois dans l’obligation de vous infliger une amende administrative fiscale de … EUR.

Je vous prie de bien vouloir payer endéans 1 mois, à partir de la réception de la présente, cette somme sur le compte chèque postal du bureau de recette de Luxembourg (…).

Je tiens à vous informer que contre la présente décision un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif au détenteur des renseignements.

Ce recours doit être introduit dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision au détenteur des renseignements. (…) ».

5.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2018, inscrite sous le numéro 41673 du rôle, la société (L) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 6 août 2018 lui infligeant une amende administrative fiscale de … euros.

6.

Dans son jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif écarta d’abord des débats à la fois une note de plaidoiries déposée par le mandataire de la société (L) le 9 octobre 2018 et les développements contenus dans le mémoire supplémentaire déposé pour le compte de la société (L). Il reçut ensuite le recours principal en réformation en la forme. Quant au fond, il déclara ce recours justifié et dans le cadre du recours en réformation, annula la décision du directeur du 6 août 2018. Le tribunal dit encore qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par la partie demanderesse et condamna l’Etat aux frais.

7.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 21 décembre 2018, l’Etat a fait régulièrement relever appel du jugement du 18 décembre 2018.

8.

Dans son arrêt du 23 mai 2019, la Cour reçut l’appel en la forme, au fond, avant tout autre progrès en cause, tous autres droits et moyens des parties restant réservés, demanda à la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après la « CJUE », de statuer à titre préjudiciel sur trois questions relatives à l’interprétation de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « Charte », et de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/99/CEE, ci-après désignée par la « directive 2011/16 ».

9.

Dans son arrêt du 25 novembre 2021 (CJUE 25 novembre 2021, État luxembourgeois contre L », aff. C- 437/19, EU:C:2021:953), ci-après « l’arrêt Etat luxembourgeois contre L », la CJUE statua à titre préjudiciel sur les trois questions lui soumises.

10.

La Cour relève que les parties sont essentiellement en désaccord quant à la pertinence vraisemblable des renseignements demandés par les autorités fiscales françaises.

Quant à la pertinence vraisemblable des renseignements requis 11.

L’Etat critique le jugement entrepris pour avoir annulé la décision directoriale du 6 août 2018 dans la mesure où elle constate le non-respect, par la société intimée, de l’injonction de fournir :

-

les noms et adresses des actionnaires de la société (L) ainsi que les noms et adresses des bénéficiaires effectifs, directs et indirects, quelles que soient les structures interposées et la répartition du capital ; et -

une copie des registres des titres de la société (L).

12.

L’Etat conteste le fait que les informations demandées seraient à considérer comme étant manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard au contribuable concerné, aux tiers éventuellement renseignés et à la finalité fiscale poursuivie par les autorités françaises. Selon lui, ce serait à tort que les premiers juges ont estimé qu’un doute persisterait quant à l'identité des contribuables visés par la demande. Il soutient qu’il se dégagerait à suffisance des explications contenues dans la demande d’échange que les personnes visées pourraient être clairement identifiées en ce que la demande viserait à permettre de connaitre les bénéficiaires économiques (personnes physiques) de la société (L) qui, en application de la législation française, sont soumis à une obligation déclarative pour les biens immobiliers détenus et situés en France.

13.

Se fondant sur le commentaire de l’article 26 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune, ci-après désigné par le « Modèle de convention », l’Etat souligne qu’une demande de renseignements ne constituerait pas une pêche aux renseignements du simple fait qu'elle ne précise pas le nom et/ou l'adresse du contribuable faisant l'objet d'un contrôle ou d'une enquête. D’après lui, ce commentaire témoignerait du fait qu’une demande portant sur un groupe de contribuables serait conforme aux exigences de l’article 26 du Modèle de convention et qu’il appartiendrait à l'État requérant, pour satisfaire à la norme de pertinence vraisemblable, de fournir divers éléments complémentaires, dont une description détaillée dudit groupe, les faits et circonstances qui l’ont mené à cette demande groupée, une explication de la loi applicable et les raisons de penser que les contribuables faisant l'objet de la demande groupée ne se sont pas conformés à cette obligation légale.

14.

L’Etat indique que bien que les contribuables ne soient pas identifiés de manière nominative et individuelle dans le cas d’espèce, ils seraient suffisamment identifiables du fait de leur qualité d’actionnaire et de bénéficiaire effectif de la société (L). En outre, le manque de coopération de la société française (AB), ci-après la « (AB) », à l’enquête menée en France renforcerait les doutes des autorités françaises quant au fait que les contribuables visés par la demande groupée ne se seraient pas conformés à leurs obligations déclaratives en France.

Enfin, en mettant en évidence que la société (L) détient un immeuble en France et eu égard à ses liens sociétaires avec la (AB), les autorités françaises auraient clairement démontré l’existence d’un lien avec l’enquête qu’elles mènent en France. Partant, ce serait à tort que les premiers juges ont retenu que les informations requises sont manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable.

15.

La société (L) soutient, quant à elle, que les autorités françaises se limiteraient à faire état d’une simple suspicion générale, vague et non autrement étayée de non-déclaration de l’immeuble détenu et sis en France. Du fait du caractère spéculatif et aléatoire de la demande introduite par les autorités françaises, la société intimée fait valoir que la décision d’injonction du 28 février 2018, à la base de la décision du 6 août 2018 à travers laquelle le directeur a fixé à son encontre une amende administrative fiscale de … euros, ne satisferait pas à la norme de la pertinence vraisemblable, de sorte que la décision portant fixation d’une amende pour non-

respect de l’injonction devrait encourir l’annulation.

16.

Dans son arrêt avant dire droit du 23 mai 2019, la Cour a retenu que c’était à tort que les premiers juges avaient relevé une contradiction entre les personnes réellement visées par l’enquête en cours en France et le but fiscal avancé par les autorités fiscales françaises. Elle a déduit du contenu global de la demande du 27 avril 2017 que les sociétés (AB) et (L) sont les personnes morales concernées par l’enquête en cours des autorités françaises, laquelle présente la particularité de tendre également à la vérification à l’égard de personnes physiques de leurs obligations déclaratives quant à la détention directe ou indirecte de biens immobiliers en France, de sorte qu’une telle enquête doit être admise comme pouvant valablement s’étendre à l’établissement de l’identité des personnes physiques qui sont actionnaires et bénéficiaires économiques de sociétés détenant des biens immobiliers situés en France, voire une participation dans une société détenant de tels biens immobiliers. Partant, la Cour n’a pu souscrire à la conclusion du tribunal selon laquelle les informations demandées étaient, sous cet aspect, dépourvues de toute pertinence vraisemblable eu égard au contribuable concerné, aux tiers éventuellement renseignés et à la finalité fiscale poursuivie. Par conséquent, la Cour a écarté l’invalidité de la décision d’injonction du 28 février 2018 sur base des motifs retenus par les premiers juges.

17.

Dans le même arrêt, la Cour a également relevé que bien que la demande d’échange en cause porte sur des personnes physiques, qui seraient actionnaires ou bénéficiaires économiques des sociétés (AB) et (L), les autorités fiscales françaises se sont néanmoins abstenues de cocher, dans la section B1 du formulaire employé pour introduire leur demande d’échange, la case relative à l’identification et aux informations concernant la personne physique concernée. La Cour a de même noté qu’elles sont également restées en défaut de fournir d’autres précisions quant à l’identité des personnes physiques visées par l’enquête en France en dehors de l’indication que « l’administration fiscale française souhaiterait connaître les actionnaires et bénéficiaires économiques de la société (L) ».

18.

Dans ce contexte, la Cour a rappelé que selon l’arrêt Berlioz de la CJUE (CJUE, 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund S.A. c. Directeur de l’Administration des Contributions Directes, C-682/15, EU:C:2017:373), la pertinence vraisemblable des informations requises constitue une condition de légalité de la demande d’échange. S’appuyant sur cet arrêt de la CJUE, elle a souligné que le contrôle de la pertinence vraisemblable des informations demandées implique, pour l’autorité requise, l’appréciation des éléments repris à l’article 20, paragraphe (2), de la directive 2011/16 et qui incluent « d’une part, des renseignements qui doivent être fournis par l’autorité requérante, à savoir l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête et la finalité fiscale des informations demandées et, d’autre part, le cas échéant, les coordonnées de toute personne dont il y a lieu de penser qu’elle est en possession des informations demandées ainsi que tout renseignement susceptible de faciliter la collecte des informations par l’autorité requise ». A l’appui de ces éléments, la Cour a cité l’article 20, paragraphe (2), de la directive 2011/16, qui définit comme l’une des informations minimales « que doit fournir l’autorité requérante » sous son point a) « l’identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ».

19.

Au vu de l’exigence d’identifier la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête posée par la directive 2011/16 et confirmée par la CJUE dans son arrêt Berlioz, la Cour en a conclu que l’autorité requérante doit obligatoirement fournir cette information à l’autorité compétente de l’Etat requis afin de justifier la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités. Or, dans la mesure où cet aspect n’a pas été analysé par les premiers juges, la Cour a soulevé d’office la conformité de la demande d’échange des autorités fiscales françaises par rapport aux exigences d’identification de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête telles qu’elles résultent du considérant 9 de l’article 1, paragraphe (1), de l’article 5 et de l’article 20, paragraphe (2), point a), de la directive 2011/16 et a invité les parties, par un avis du 29 mars 2019, à soumettre leurs observations quant à la question de cette conformité.

20.

A partir des observations des parties et de ses propres analyses, notamment en référence au commentaire de l’article 26 du Modèle de convention et de ses modifications subséquentes, la Cour a estimé qu’une réponse à la question de la conformité de la demande d’échange à l’exigence d’identification de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête posée par la directive 2011/16 était nécessaire à la solution du litige portée devant elle au regard des conséquences de cette exigence sur la validité de la décision d’injonction du 28 février 2018 et de l’amende infligée à la société (L) par décision directoriale du 6 août 2018 pour non-respect de ladite injonction. La Cour a partant fait droit à la proposition de la société intimée de soumettre une première question préjudicielle qui a été formulée comme suit :

« 1. Est-ce que l’article 20, paragraphe 2, point a), de la directive 2011/16 doit être interprété en ce sens qu’une demande d’échange de renseignements formulée par une autorité d’un Etat membre requérant qui définit les contribuables visés par la demande d’échange à partir de leur simple qualité d’actionnaire et de bénéficiaire économique d’une personne morale, sans que ces contribuables n’aient préalablement fait l’objet d’une identification nominative et individuelle de la part de l’autorité requérante, est conforme aux exigences d’identification posées par cette disposition ? » 21.

La Cour a relevé que la première question préjudicielle additionnelle proposée par la société intimée se situait en réalité dans le prolongement d’une des questions préjudicielles que la Cour avait initialement formulée à destination des parties dans son avis du 29 mars 2019. Elle a estimé que si la CJUE reconnaissait la validité d’une demande d’échange de renseignements portant sur un groupe de contribuables qui n’ont pas fait l’objet d’une identification individuelle, un doute subsistait quant aux informations à fournir par l’autorité requérante qui mène une enquête ciblée portant sur un groupe limité de personnes pour non-respect d’une obligation légale précise. La Cour a partant fait droit à la demande de la société intimée de poser une seconde question préjudicielle à la CJUE, question dont la Cour a légèrement modifié le contenu afin d’en assurer la suite logique par rapport à la première question préjudicielle précitée :

« 2. En cas de réponse affirmative à la première question, est-ce que l’article 1, paragraphe 1, et l’article 5 de la même directive doivent être interprétés en ce sens que le respect de la norme de la pertinence vraisemblable implique que l’autorité de l’Etat membre requérant, afin d’établir l’absence d’une pêche aux renseignements malgré le défaut d’une identification individuelle des contribuables visés, puisse étayer sur base d’explications claires et suffisantes qu’elle mène une enquête ciblée concernant un groupe limité de personnes et non pas une simple enquête de surveillance fiscale générale et que cette enquête est justifiée par des soupçons fondés d’un non-respect d’une obligation légale précise ? » 22.

Dans son arrêt du 25 novembre 2021, la CJUE a jugé que la première et la deuxième question préjudicielle devaient être examinées ensemble, de sorte que c’est dans le même ordre que la Cour analysera ces deux questions s’intéressant, dans un premier temps, à la question de l’identification de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête dans le cadre d’une demande portant sur un groupe de contribuables et, dans un second temps, aux éléments complémentaires à soumettre par l’autorité requérante dans un tel cas de figure.

Quant à l’exigence d’identification du contribuable visé 23.

Dans son arrêt précité du 25 novembre 2021, la CJUE a rappelé sa jurisprudence bien établie selon laquelle l’identification de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête constitue un élément essentiel que la demande d’échange doit nécessairement contenir afin que les autorités de l’Etat requis puissent déterminer que les renseignements recherchés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable. En effet, la CJUE a retenu qu’« il résulte d’une lecture combinée de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 5 et de l’article 20, paragraphe 2, sous a), de la directive 2011/16, tels qu’interprétés par la jurisprudence de la Cour rappelée aux points 41 à 47 du présent arrêt, que l’indication de l’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête », au sens de cette dernière disposition, constitue l’un des éléments que la motivation de la demande d’informations doit nécessairement contenir afin de permettre à l’autorité requise d’établir que les informations demandées n’apparaissent pas dépourvues de toute pertinence vraisemblable et, ainsi, de déclencher l’obligation de l’État membre requis de donner suite à cette demande » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 48).

24.

Dans son interprétation de l’article 20, paragraphe (2), de la directive 2011/16, la CJUE a relevé que cette disposition n’opérait aucun renvoi aux droits nationaux en ce qui concerne le sens de la notion « identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête ».

Partant, elle en a déduit que cette notion devait être considérée comme une notion autonome du droit de l’Union et qu’elle devait être définie à partir des termes de cette disposition, du contexte dans lequel elle s’inscrit et des objectifs poursuivis par la réglementation en cause.

25.

Conformément à son analyse globale, la CJUE a dit pour droit qu’en recourant à une « interprétation littérale, contextuelle et téléologique de la notion d’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête », cette notion doit être interprétée comme comprenant « non seulement le nom et les autres données personnelles, mais aussi un ensemble de qualités ou de caractéristiques distinctives permettant d’identifier la ou les personnes faisant l’objet de ce contrôle ou de cette enquête. » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 61).

26.

En application de l’interprétation précitée, la CJUE en a déduit que la notion d’« identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête », en tant qu’élément de motivation de la demande d’échange, est ainsi susceptible de viser non seulement « des personnes nominativement et individuellement identifiées par l’autorité requérante, mais aussi un groupe limité de personnes identifiables à partir d’un ensemble commun de qualités ou de caractéristiques qui les distinguent. » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 62).

27.

Il résulte dès lors de l’interprétation extensive de la notion de l’identité d’une personne telle qu’admise dans l’arrêt État luxembourgeois contre L de la CJUE qu’a priori une demande d’échange de renseignements peut porter sur des personnes qui n’ont pas fait l’objet d’une identification nominative et individuelle dès lors qu’il s’agit d’un groupe limité de personnes qui sont identifiables à partir d’un « ensemble commun de qualités ou de caractéristiques qui les distinguent ».

28.

En l’espèce, la demande d’échange de renseignements soumise par les autorités fiscales françaises vise à identifier les actionnaires et les bénéficiaires économiques de la société intimée. A travers la demande ainsi délimitée, les autorités fiscales françaises enquêtent sur un groupe de contribuables qu’elles considèrent comme identifiables du fait de leur lien sociétaire et patrimonial avec la société intimée. Alors même que ces liens ne constituent pas nécessairement à proprement parler un « ensemble commun de qualités », mais plutôt une qualité particulière commune, il peut néanmoins être considéré, au vu de l’enseignement de la CJUE que les règles de l’article 20 de la directive 2011/16 doivent « être interprétées assez souplement pour ne pas faire obstacle à un échange d’informations effectif » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 54), que ces liens distinguent les personnes visées de toute autre personne ne pouvant être désignée par les qualités d’actionnaires et de bénéficiaires économiques de la société intimée de manière suffisante pour être considérés comme un ensemble commun de qualités ou de caractéristiques propres.

29.

Par voie de conséquence, il y a lieu de conclure, au vu des enseignements contenus dans l’arrêt de la CJUE du 25 novembre 2021, que la demande d’échange de renseignements litigieuse vise un groupe limité de personnes identifiables à partir d’un ensemble commun de qualités ou de caractéristiques les distinguant, de sorte à satisfaire à la condition d’identification préalable requise en tant qu’élément de motivation requis par l’article 20 de la directive 2011/16.

Quant aux informations complémentaires à fournir en cas de demande groupée 30.

Dans son arrêt du 25 novembre 2021, la CJUE a précisé qu’afin de pouvoir écarter l’existence d’une « recherche tous azimuts » et de s’assurer que les renseignements recherchés ne sont pas dépourvus de toute pertinence vraisemblable, l’autorité requérante doit fournir à l’autorité requise des éléments complémentaires lorsqu’elle introduit une demande d’informations portant sur des personnes qui ne sont pas désignées de manière nominative et individuelle. Ces éléments complémentaires se justifient, selon la CJUE, sur base du fait que le risque d’une « recherche tous azimuts » est « particulièrement élevé » lorsque la demande d’informations vise un groupe de contribuables qui n’ont pas fait l’objet d’une identification nominative et individuelle préalable.

31.

Plus particulièrement, quant aux informations complémentaires à fournir en cas de demande portant sur un groupe de contribuables, la CJUE a rappelé dans son arrêt du 25 novembre 2021 que les éléments de motivation relatifs à l’ « identité de la personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête » s’ajoutent à ceux « tenant à la finalité fiscale de cette demande », au sens de l’article 20, paragraphe (2), point b), de la directive 2011/16.

32.

En outre, s’appuyant sur une lecture combinée du considérant 9 et de l’article 20 de la directive 2011/16, en sus de sa propre jurisprudence, citée aux points 42 à 45 de son arrêt du 25 novembre 2021, la CJUE a souligné qu’il n’appartenait pas à une autorité requérante de demander i) « des informations qui dépassent de manière manifeste le cadre de l’enquête fiscale menée par celle-ci » ni ii) « [d’] imposer une charge excessive à l’autorité requise », (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 66).

33.

A partir de l’ensemble de ses observations et de la prise en compte des considérations soulevées par l’avocate générale (C) dans ses conclusions, la CJUE a retenu que l’autorité requérante est tenue : « premièrement, de fournir une description aussi détaillée et complète que possible du groupe de contribuables faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête, en précisant l’ensemble commun de qualités ou de caractéristiques distinctives des personnes qui en font partie de manière à permettre à l’autorité requise de procéder à leur identification, deuxièmement, d’expliquer les obligations fiscales spécifiques pesant sur ces personnes et, troisièmement, d’exposer les raisons pour lesquelles lesdites personnes sont soupçonnées d’avoir commis les omissions ou violations faisant l’objet du contrôle ou de l’enquête. » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 67).

34.

La CJUE a en outre précisé que cette interprétation reflète celle utilisée par l’article 26, paragraphe (1), du Modèle de convention à partir des commentaires y afférents adoptés par le Conseil de l’OCDE le 17 juillet 2012. Selon les points 5.1 et 5.2 de ces commentaires, une demande de renseignements ne saurait constituer une pêche aux renseignements du « simple fait qu’elle ne précise pas le nom ou l’adresse (ou les deux) du contribuable faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête », pour autant que l’État requérant inclut dans cette demande « d’autres informations suffisantes pour permettre l’identification du contribuable ». La CJUE rajoute à cet égard que « ces points précisent que la condition de pertinence vraisemblable des informations demandées peut être satisfaite également dans des « cas concernant plusieurs contribuables (qu’ils soient identifiés par leur nom ou par un autre moyen) » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 71).

35.

Enfin, la CJUE rejoint l’avocate générale, qui a indiqué dans ses conclusions que la motivation de la demande d’échange en cause « semble satisfaire aux exigences exposées », au point 67 précité de l’arrêt du 25 novembre 2021 en ce qu’elle contiendrait i) une description détaillée et complète du groupe de contribuables faisant l’objet d’un contrôle ou d’une enquête, ii) une explication des obligations fiscales spécifiques pesant sur les membres de ce groupe et iii) un exposé des raisons selon lesquelles les contribuables de ce groupe sont soupçonnés d’avoir commis les omissions ou violations faisant l’objet du contrôle ou de l’enquête menée par l’autorité requérante. Toutefois, au-delà de cette analyse a priori, la CJUE reconnaît cependant qu’il appartient à la juridiction nationale de renvoi de vérifier cette conformité « dans le cadre d’une appréciation globale du contenu de cette demande ».

36.

Selon l’Etat, la demande d’échange satisferait aux trois conditions dégagées par la CJUE. Il demande partant à la Cour de retenir que les autorités fiscales françaises auraient établi qu’elles mènent une enquête ciblée justifiée par des soupçons fondés sur le non-respect d’une obligation légale précise par un groupe limité de personnes.

37.

Dans son mémoire supplémentaire, la société intimée affirme que sur la base des informations à sa disposition, la demande d’échange ne satisferait à aucune des trois conditions de l’obligation de motivation complémentaire précisée par la CJUE. D’après elle, le cas d’espèce serait, en outre, sensiblement proche d’un exemple-type de pêche aux renseignements repris par les commentaires OCDE (Modèle 2017). Elle en déduit que la demande française serait spéculative et aléatoire et que le critère de la pertinence vraisemblable entendrait précisément prohiber ce type de requête de groupe.

38.

La Cour se doit liminairement de constater que la CJUE n’a point pris position face aux questions soulevées dans l’arrêt de renvoi du 23 mai 2019 en ce qui concerne, en premier lieu, la nature de simple précision ou de modification dans le chef de la mise à jour de l’article 26 du Modèle de convention et du commentaire s’y rapportant en ce qui concerne des groupes de contribuables, en deuxième lieu, la question spécifique si une directive proposée en l’année 2009 et adoptée en l’année 2011 peut être interprétée par la suite par renvoi à une version ultérieure du Modèle de convention ayant consacré de telles évolutions nouvelles en matière d’échange de renseignements sur demande et, en troisième lieu, la question plus générale de savoir si le législateur de l’Union peut être considéré dans ce contexte comme ayant valablement délégué à une organisation internationale tierce l’interprétation concrète de dispositions contraignantes de droit de l’Union imposant des obligations aux Etats membres et affectant les droits fondamentaux de personnes concernées. Or, en se référant simplement au commentaire de l’article 26 du Modèle de convention adopté par le Conseil de l’OCDE le 17 juillet 2012 pour interpréter la directive 2011/16, proposée en l’année 2009 et adoptée en l’année 2011, la CJUE a implicitement mais nécessairement consacré du moins dans une certaine mesure une interprétation dynamique de la directive 2011/16 en parallèle avec l’évolution de l’interprétation de l’article 26 du Modèle de convention.

39.

Ceci étant dit, il incombe à la Cour de s’assurer, au vu de l’ensemble des éléments en cause, que la demande de renseignements satisfait aux trois critères retenus par la CJUE comme indications complémentaires qu’il appartient à l’autorité requérante de fournir en présence d’une demande portant sur un groupe de contribuables qui n’ont pas fait l’objet d’une identification nominative et individuelle.

- Quant à l’existence d’une description détaillée et complète du groupe visé 40.

D’après la partie étatique, les éléments factuels à la base de la demande d’échange permettraient de cerner l’identité des personnes sans que ces éléments ne dépassent de manière manifeste ou excessive le cadre de l’enquête menée par les autorités fiscales françaises.

41.

Selon la société (L), la première condition prévoyant une description détaillée et complète du groupe visé ne serait pas respectée en ce que les autorités fiscales françaises n’expliqueraient aucunement la nécessité de s’intéresser à ses actionnaires et à ses bénéficiaires économiques pour les besoins de son enquête. D’après elle, les actionnaires pourraient aussi bien être des personnes physiques que des personnes morales eu égard à l’absence de restriction dans la composition de l’actionnariat des sociétés anonymes en droit interne. A contrario, la notion de bénéficiaire économique, à supposer qu’elle soit synonyme de bénéficiaire effectif selon le sens retenu par les autorités fiscales françaises, concernerait exclusivement des personnes physiques. De ces imprécisions terminologiques, la société intimée soutient qu’une incertitude persisterait quant aux personnes réellement visées par la demande d’échange. En outre, cette confusion serait de nature à laisser penser que le but fiscal indiqué par l’autorité requérante française serait trop large dans l’hypothèse où l’enquête porterait également sur des personnes morales alors que l’obligation fiscale soupçonnée comme inaccomplie en France ne s’appliquerait qu’aux actionnaires personnes physiques.

42.

Tel que retenu ci-avant par la Cour, la demande d’échange de renseignements des autorités fiscales françaises porte sur un groupe limité de personnes identifiables à partir d’un ensemble commun de qualités qui les distinguent, à savoir les liens sociétaires et patrimoniaux qui les unissent à la société intimée. Les qualités communes à ce groupe de contribuables ont été déduites par les autorités fiscales françaises à partir du soupçon selon lequel les membres de ce groupe seraient restés en défaut d’accomplir une obligation légale relevant du droit français. Or, eu égard au fait que l’autorité requérante ignore l’identité précise des détenteurs du bien immobilier appartenant à la société intimée et de celui appartenant à sa filiale indirecte française, le seul exposé qu’elle a pu fournir en l’espèce est celui de la qualité de ces contribuables du fait de leur détention directe ou indirecte dudit bien immeuble. Partant, malgré le peu de renseignements à leur disposition, les autorités fiscales françaises ont, dans les circonstances données, suffisamment détaillé le groupe visé en indiquant toutes les caractéristiques distinctives à leur disposition permettant d’utilement identifier les membres de ce groupe de contribuables.

43.

Contrairement à l’affirmation de la société intimée, il importe peu que la demande d’échange puisse également porter sur des personnes morales dès lors qu’il s’avère que ces dernières revêtent également la qualité d’actionnaire ou de bénéficiaire économique de la société intimée. En effet, à supposer que la composition de l’actionnariat de la société (L) révélerait l’existence de personnes morales dans la chaîne de détention de la société intimée, ces personnes morales ne sauraient de facto être exclues des informations à communiquer à l’autorité requérante alors qu’elles pourraient permettre à cette dernière de poursuivre ses investigations dans la recherche de personnes physiques dissimulées derrière lesdites entités morales et ayant la qualité de bénéficiaires économiques.

44.

Dans ces conditions, la condition d’un exposé complet et détaillé du groupe visé est suffisamment respectée par la demande d’échange de renseignements en cause.

- Quant à l’exposé des obligations fiscales pesant sur le groupe 45.

Pour la partie étatique, la demande d’échange décrirait avec exactitude l’interaction et l’imbrication du groupe de contribuables faisant l’objet de l’enquête tout en précisant l’ensemble des qualités communes, voire des caractéristiques distinctives des personnes faisant partie de ce groupe.

46.

La société intimée indique, quant à elle, que l’obligation déclarative décrite par les autorités fiscales françaises ne serait pas cohérente avec le groupe de contribuables visé par l’usage du terme « actionnaires » et que ces autorités auraient omis d’indiquer la disposition légale pertinente de cette obligation fiscale, le type d’impôt concerné et les exceptions possibles à cette prétendue obligation déclarative.

47.

L’examen du contenu de la demande d’échange en cause amène la Cour à conclure que les autorités fiscales françaises ont fourni une description du contexte ayant mené à leur demande d’échange. Plus particulièrement, elles ont exposé qu’en procédant à la vérification de la comptabilité de la (AB), elles ont recueilli des informations supplémentaires sur l’actionnariat de ladite société les menant à s’intéresser au cas de la société intimée. En effet, en tant que société mère indirecte de la (AB), il est apparu aux autorités requérantes que la société intimée détenait un bien immobilier situé à …, France. Or, les autorités requérantes ont indiqué qu’« en application de la législation française, les personnes physiques détenant directement ou indirectement des biens immobiliers situés en France doivent les déclarer ». Il résulte partant de la législation française pertinente que les personnes physiques détenant directement ou indirectement un bien immobilier en France sont tenues de souscrire une déclaration faisant état de leur détention immobilière. Eu égard à l’indication de la règle de droit soupçonnée enfreinte en France, il convient de retenir que les autorités fiscales françaises ont soumis un exposé suffisant des obligations fiscales pesant sur le groupe de contribuables visé, tel que requis par la CJUE.

48.

Quant au fait que les autorités fiscales françaises n’auraient pas indiqué la base légale prévoyant l’obligation fiscale litigieuse ni les causes d’exemption y afférentes, la Cour relève, d’une part, que ces informations ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère complet de l’exposé des obligations fiscales pesant sur le groupe de contribuables visé par les autorités fiscales françaises. D’autre part, l’indication de ces éléments ne saurait être requise alors que l’autorité requérante est souveraine et responsable chez elle de l’interprétation et de l’application de son droit interne, de sorte qu’il n’appartient pas aux juridictions administratives de contrôler que l’autorité étrangère respecte les fondements légaux sur base desquels elle indique déployer son enquête interne.

49.

Enfin, quant à l’absence d’indication de l’impôt visé dans les informations minimales communiquées à la société intimée, il échet de relever que les autorités fiscales françaises ont suffisamment indiqué le champ personnel et matériel de leur enquête fiscale en déclarant s’intéresser aux personnes physiques détentrices, de manière directe ou indirecte, de biens immobiliers en France. En outre, il n’est pas certain que l’obligation fiscale décrite par l’autorité requérante mène nécessairement à l’établissement d’un impôt particulier, étant donné que le manquement soupçonné pourrait, tout au plus, faire l’objet d’une procédure administrative menant, le cas échéant, à la fixation d’une amende administrative.

50.

Au vu de ce qui précède, l’exposé de l’obligation fiscale pesant sur le groupe de contribuables visé est suffisamment décrit par les autorités fiscales françaises, de sorte à satisfaire à la seconde condition dégagée par la CJUE.

- Quant à l’indication de soupçons du non-respect des obligations fiscales 51.

L’obligation fiscale spécifique pesant sur ces contribuables serait, selon l’Etat, clairement indiquée et porterait sur l’obligation de remise d’une déclaration concernant la détention directe ou indirecte d’un immeuble en France.

52.

Pour la société intimée, la troisième condition ne serait pas remplie en ce que les autorités fiscales françaises resteraient en défaut d’indiquer les raisons pour lesquelles elles soupçonneraient le groupe de contribuables faisant l’objet de l’enquête d’avoir manqué à ses obligations légales.

53.

Il découle de la demande d’échange en cause que les autorités fiscales françaises soupçonnent les personnes physiques détenant la société intimée d’avoir failli à leurs obligations déclaratives du fait de l’absence de remise des déclarations légalement requises pour un tel bien immobilier. Ce serait en raison du fait que la ou les personnes physiques concernées n’auraient pas remis de déclaration fiscale que l’autorité requérante justifie s’intéresser aux actionnaires et aux bénéficiaires économiques de la société intimée. C’est partant à tort que la société (L) soutient que les autorités fiscales françaises n’auraient pas indiqué les raisons de leur soupçon de non-conformité alors qu’une telle administration semble être en mesure de relier le bien immobilier détenu par la société intimée à d’éventuelles déclarations de détention soumises par ses propriétaires.

54.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, force est de constater que les autorités fiscales françaises ont indiqué à suffisance les soupçons de non-respect des obligations fiscales précédemment décrites.

55.

Dans la mesure où il n’a pas été mis en évidence que l’autorité requérante aurait dépassé de manière indue le cadre de son enquête fiscale ou qu’elle imposerait une charge excessive à l’autorité requise, il convient de retenir que la demande d’échange de renseignements porte sur des informations qui ne sont pas manifestement dépourvues de toute pertinence vraisemblable, l’autorité requérante ayant i) satisfait à la condition d’identification d’un groupe de personnes qui ne sont pas nominativement et individuellement identifiées et ii) indiqué, sur la base d’explications suffisamment claires et suffisantes, qu’elle enquête sur un groupe limité de contribuables en raison de soupçons fondés sur le possible non-respect d’une obligation légale précise en France.

56.

La Cour tient finalement à préciser que la demande d’échange française date du 27 avril 2017 et que la CJUE a précisé seulement dans son arrêt du 25 novembre 2021 les exigences renforcées de justification liées à la finalité fiscale en cas de demande d’échange visant un groupe de contribuables non identifiés individuellement. En outre, au-delà de la réserve liée au pouvoir de contrôle du juge national, la CJUE a indiqué que la motivation de la demande d’échange en cause « semble satisfaire aux exigences exposées ». Au vu de ces éléments, la Cour n’entend pas se départir en l’espèce de cette analyse de la CJUE alors même que l’explication relative aux obligations fiscales en cause et l’exposé des raisons justifiant le soupçon du non-respect de ces obligations par le groupe de contribuables visé se résume à quelques phrases éparses dans la demande d’échange du 27 avril 2017, étant donné que les indications fournies permettent cependant les déductions suffisantes quant à ces volets de la finalité fiscale. La Cour estime néanmoins que suite aux clarifications apportées par l’arrêt de la CJUE du 25 novembre 2021, il incombera dorénavant à l’autorité compétente d’un Etat membre requérant de fournir dans le cadre d’une demande d’échange portant sur un groupe défini de contribuables non individuellement identifiés des indications suffisamment explicites quant aux obligations d’ordre fiscal spécifiquement visées et aux raisons pour lesquelles les membres du groupe sont soupçonnés d’avoir commis des omissions ou violations par rapport à ces obligations.

Quant à l’épuisement des voies de renseignements internes 57.

Dans son mémoire supplémentaire, la société intimée fait valoir que la décision d’injonction devrait encourir l’illégalité étant donné que les autorités fiscales françaises n’auraient pas épuisé les voies de renseignement internes. Elle argue que le Luxembourg ne serait pas tenu de fournir des renseignements s’il s’avère que les autorités requérantes n’ont pas épuisé les voies habituelles de renseignements en droit interne. Cette obligation résulterait aussi bien de l’article 17, de la directive 2011/16 que de l’article 22, paragraphe (3), de la Convention entre le Grand-Duché de Luxembourg et la France tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative réciproques en matière d’impôts sur le revenu et la fortune, signée à Paris le 1er avril 1958, modifiée par un avenant signé à Paris le 8 septembre 1960, ainsi que par un avenant signé à Luxembourg le 24 novembre 2006, par un avenant signé à Paris le 3 juin 2009 et les échanges de lettres y relatifs, et un quatrième avenant du 5 septembre 2014. La société intimée met en évidence le fait qu’aucune information n’aurait été communiquée quant à l’effort déployé par les autorités fiscales françaises afin d’obtenir les informations recherchées directement auprès de la (AB), de sorte qu’il ne serait pas clair si les autorités fiscales françaises n’avaient pas été en mesure d’identifier les bénéficiaires économiques de ladite société et de s’adresser à eux ou si elles avaient jugé inopportun de poursuivre ces sources d’informations habituelles.

58.

La partie étatique n’a pas pris position quant au respect de ce critère.

59.

C’est à bon droit que la société intimée argue que la condition d’épuisement des voies internes est prévue par la directive 2011/16 et plus particulièrement par l’article 18, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, ci-après « la loi du 29 mars 2013 », portant transposition, en droit interne, de la directive précitée.

60.

En effet, l’article 18, paragraphe (1), de la loi du 29 mars 2013 dispose que « l’autorité requise luxembourgeoise fournit à l'autorité requérante les informations [vraisemblablement pertinentes], à condition que l'autorité requérante ait déjà exploité les sources habituelles d'information auxquelles elle peut avoir recours pour obtenir les informations demandées sans risquer de nuire à la réalisation de ses objectifs ».

61.

Il se dégage clairement de l’article 18 précité que la communication des informations vraisemblablement pertinentes à l’autorité requérante est subordonnée au fait que cette dernière ait déjà exploité les sources usuelles de renseignements à sa disposition conformément à son droit interne. Néanmoins, cette obligation d’épuiser les voies internes n’est pas absolue. En effet, un tempérament à ce principe est prévu par l’article 18, paragraphe (1), de la loi du 29 mars 2013 à travers l’expression « sans risquer de nuire à la réalisation de ses objectifs ». Cette exception vise ainsi à préserver les chances de succès des vérifications menées par l’autorité requérante lorsqu’en enquêtant sur son propre territoire, elle risquerait, par exemple, de nuire à l’efficacité de sa propre enquête en s’adressant aux contribuables visés ou à des tiers.

62.

Dans le cas d’espèce, la Cour note que les autorités fiscales françaises ont indiqué, dans le formulaire utilisé pour introduire leur demande d’échange de renseignements, avoir épuisé les sources habituelles de renseignements qu’elles auraient pu déployer pour obtenir les informations recherchées sans courir le risque de compromettre le résultat de leur enquête.

Cette information est appuyée par le fait que les autorités fiscales françaises ont précisé au sein du formulaire précité que le contribuable sollicité, à savoir la (AB), « n’a pas coopéré avec les autorités chargées de l’enquête ».

63.

Au vu de ces éléments et en l’absence de toute autre information venant contredire les indications des autorités fiscales françaises, il convient d’admettre en l’état que ces dernières ont bien respecté à suffisance la condition de l’épuisement des voies habituelles avant d’introduire leur demande d’échange de renseignements.

64.

Ce moyen est partant à rejeter.

Quant à l’octroi d’un délai suspensif pour se conformer à la décision d’injonction 65.

Enfin, la société intimée a soulevé la question de savoir si le droit à un recours effectif, consacré par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « la Charte », ne devait pas impliquer que dans le cas où une décision d’injonction et la décision portant fixation d’une amende pour non-respect de l’injonction étaient définitivement reconnues comme valides par une décision de justice ayant acquis autorité de chose jugée, le détenteur des renseignements ne devrait pas se voir accorder un certain délai en vue de pouvoir donner suite à la décision d’injonction et que l’amende ne puisse devenir exigible que si le détenteur ne s’est pas exécuté dans ce délai.

66.

Dans la mesure où cette question n’a pas été examinée par la CJUE dans l’arrêt Berlioz et qu’une réponse afférente a été jugée nécessaire par la Cour afin de pouvoir prendre position par rapport à l’argumentation de l’intimée dans l’hypothèse où, sur base des réponses aux autres questions préjudicielles fournies par la CJUE, la Cour serait amenée à confirmer la validité de la décision d’injonction du 28 février 2018, la Cour avait jugé qu’il y avait lieu de demander à la CJUE de statuer, également par voie préjudicielle, sur cette dernière question qu’elle a libellée comme suit :

« 3. Est-ce que l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doit être interprété en ce sens que, lorsque - un administré qui s’est vu infliger par l’autorité compétente de l’Etat membre requis une sanction administrative pécuniaire pour non-respect d’une décision administrative lui enjoignant de fournir des informations dans le cadre d’un échange entre administrations fiscales nationales au titre de la directive 2011/16, elle-même non susceptible d’un recours contentieux d’après le droit interne de l’Etat membre requis, a contesté la légalité de cette décision par la voie incidente dans le cadre d’un recours contentieux dirigé contre la sanction pécuniaire et - qu’il a obtenu connaissance des informations minimales énoncées par l’article 20, paragraphe 2, de la directive 2011/16 seulement au cours de la procédure judiciaire engagée suite à son recours contentieux contre ladite sanction, il doit se voir accorder, suite à la reconnaissance définitive, par la voie incidente, de la validité de la décision d’injonction et de celle de fixation d’une amende émises à son égard, un délai suspensif pour le paiement de l’amende en vue de pouvoir donner suite, après avoir ainsi obtenu connaissance des éléments relatifs à la pertinence vraisemblable définitivement confirmée par le juge compétent, à la décision d’injonction ? ».

67.

Dans son arrêt État luxembourgeois contre L du 25 novembre 2021, la CJUE a retenu qu’en vue de garantir le contenu du droit à un recours effectif consacré par l’article 47 de la Charte et réitérée par la CJUE dans sa jurisprudence antérieure, le destinataire de la décision d’injonction doit pouvoir être mis en mesure de s’y conformer, après que cette dernière a été confirmée par la juridiction administrative saisie, sans pour autant encourir la sanction qu’il risquait de subir ou qu’il a subie en ne respectant pas l’injonction lui notifiée.

68.

En effet, la CJUE a dit pour droit que « le destinataire de la décision d’injonction de communiquer des informations doit, une fois la légalité de cette décision éventuellement confirmée par le juge compétent, se voir accorder la possibilité de se conformer à ladite décision dans le délai initialement prévu à cet effet par le droit national, sans que cela entraîne le maintien de la sanction qu’il a dû encourir pour exercer son droit à un recours effectif. Ce n’est que si ce destinataire ne donne pas suite à la même décision dans ce délai que la sanction infligée deviendrait légitimement exigible. » (CJUE, État luxembourgeois contre L, point 98).

69.

Après avoir mis en évidence les difficultés soulevées par le contrôle par voie d’exception, à savoir le risque que le tribunal administratif ait à connaître, à nouveau, de la légalité de la décision d’injonction – suivant l’intervention d’une décision par laquelle le directeur a statué sur le recours hiérarchique formel introduit par la société intimée à l’encontre de la décision d’injonction – alors que la Cour est déjà saisie de cette même décision d’injonction, le délégué du gouvernement s’en rapporte à prudence de justice quant à la troisième question préjudicielle.

70.

De son côté, la société intimée estime que d’après l’arrêt prévisé de la CJUE et dans l’hypothèse où la Cour reconnaissait la légalité de la décision d’injonction litigieuse, elle devrait pouvoir bénéficier d’un délai suspensif d’un mois à compter de la notification du présent arrêt pour fournir les renseignements recherchés sans toutefois devoir acquitter l’amende de … euros qui lui a été infligée par la décision directoriale du 6 août 2018.

71.

Dans la mesure où la Cour vient de confirmer la légalité de la décision directoriale litigieuse, c’est à bon droit que la société intimée invoque la nécessité découlant de l’article 47 de la Charte pour lui voir reconnaître un délai suspensif pour se conformer à la décision par laquelle elle a été enjointe par le directeur à fournir les renseignements sollicités par les autorités fiscales françaises.

72.

Tel qu’il résulte des précisions de la CJUE, ce délai doit être aménagé sur base du délai initialement prévu par le droit national pour fournir les renseignements recherchés et figurant dans la décision d’injonction notifiée au détenteur de renseignements. En effet, en application de l’article 5 de la loi modifiée du 25 novembre 2014, « si les renseignements demandés ne sont pas fournis endéans le délai d'un mois à partir de la notification de la décision portant injonction de fournir les renseignements demandés, une amende administrative fiscale d'un maximum de 250.000 euros peut être infligée au détenteur des renseignements. Le montant en est fixé par le directeur de l'administration fiscale compétente ou son délégué ». Cette disposition autorise partant le directeur à sanctionner le détenteur de renseignements s’il ne fournit par les renseignements demandés dans un délai d’un mois à partir de la notification de la décision d’injonction.

73.

Or, la loi du 25 novembre 2014 ne prévoyait pas dans sa teneur initiale, ni ne prévoit dans celle actuellement applicable un tel délai dans l’hypothèse sous examen, mais rend dans son article 5 l’amende directement exigible dès lors que le directeur a constaté à travers la décision de fixation de cette amende le défaut d’exécution de la décision d’injonction par le détenteur de renseignements.

74.

Il y a lieu de rappeler à cet égard que conformément au principe de la primauté du droit de l’Union, les dispositions des traités de l’Union européenne et des actes des institutions de l’Union directement applicables ont pour effet, dans leurs rapports avec le droit interne des États membres, de rendre inapplicable de plein droit toute disposition contraire de la législation nationale existante (CJUE 15 juillet 1964, Flaminio Costa, aff. C-6/64). Par voie de conséquence, le juge administratif luxembourgeois, en sa qualité de « juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure » (CJUE 9 mars 1978, Simmenthal, aff. C-106/77). Il lui incombe également « d’assurer la protection juridique découlant pour les justiciables de l’effet direct des dispositions du droit communautaire » (CJUE 19 juin 1990, Factortame, aff. C-231/89).

75.

Il s’ensuit que pour des exigences tenant à la consistance d’un recours effectif, la Cour doit combler cette lacune dans la loi du 25 novembre 2014 qui n’est pas conforme à l’article 47 de la Charte en accordant à la société intimée un délai suspensif afin de pouvoir soumettre les renseignements requis de sa part à travers la décision d’injonction du 28 février 2018. C’est encore à bon droit que la société intimée défend que la computation de ce délai suspensif commence à courir à compter de la notification du présent arrêt aux parties.

76.

En outre, tel que dégagé par l’arrêt État luxembourgeois contre L de la CJUE, l’octroi de ce délai supplémentaire a pour effet de suspendre l’exigibilité de l’amende que le directeur lui a infligée pour non-respect de l’injonction lui notifiée en ce que la société intimée a dû encourir cette sanction en vue de pouvoir exercer son droit à un recours effectif tel que garanti par le droit de l’Union.

77.

Par suite, ce n’est que dans l’hypothèse où la société intimée ne se conforme pas au respect de la décision d’injonction dans le délai précité que l’amende initialement infligée par le directeur deviendra, à nouveau, exigible.

78.

Il découle de l’ensemble de ces développements que c’est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du directeur du 6 août 2018 portant fixation d’une amende administrative fiscale de … euros à l’encontre de la société intimée eu égard au fait que ladite décision est conforme aux exigences des articles 1er, paragraphe (1), et 5 de la directive 2011/16, telles qu’interprétées par la CJUE, de manière que l’appel étatique est justifié et que le jugement entrepris encourt la réformation.

Quant à l’indemnité de procédure 79.

La société intimée indique introduire appel incident sur le volet relatif au rejet de sa demande, par les premiers juges, en allocation d’une indemnité de procédure. Elle indique avoir été contrainte à encourir des honoraires d’avocat importants, non compris dans les dépens, en vue de contester la décision du 6 août 2018 portant fixation d’une amende administrative fiscale de … euros. L’iniquité subie par elle serait caractérisée par de nombreux éléments, dont initialement par l’absence d’indication du but fiscal de la demande d’échange ou encore par le fait d’avoir dû recourir en justice pour connaître les réelles motivations des autorités fiscales françaises. Sur base des mêmes motifs, la société intimée sollicite également l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.000 euros pour l’instance d’appel.

80.

La Cour estime que la société intimée à légitimement contesté la validité de la décision d’injonction du 28 février 2018 dont la teneur a soulevé des questions de légalité ayant amené la Cour à soumettre plusieurs questions préjudicielles à la CJUE. En outre, la société intimée s’est vue empêchée par la loi du 25 novembre 2014, dans sa teneur initiale lui applicable, de recourir directement contre cette même décision et a dû attendre l’émission de la décision de fixation d’amende du 6 août 2018 afin de pouvoir faire procéder à un contrôle incident de la décision d’injonction. Alors même que la validité de la décision d’injonction est à confirmer et que le recours de la société intimée est dès lors à être déclaré non justifié, les éléments ci-avant énumérés emportent néanmoins la conviction de la Cour qu’il serait inéquitable de laisser entièrement à charge de la société intimée les frais exposés par elle et non compris dans les dépens. La Cour évalue partant l’indemnité de procédure à allouer à la société intimée pour les deux instances ex aequo et bono à 2.000 euros.

Quant aux dépens 81.

Au vu des éléments d’interprétation liés aux questions relatives au fond du litige, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à raison de deux tiers à la société intimée et d’un tiers à l’Etat.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, vidant l’arrêt du 23 mai 2019 et statuant sur renvoi préjudiciel devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, au fond, déclare l’appel de l’Etat partiellement justifié, partant, réforme le jugement entrepris du 18 décembre 2018 en ce sens que le recours en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 6 août 2018 portant fixation à son encontre d’une amende administrative fiscale de … euros est à rejeter comme étant non justifié et que la société intimée en est à débouter, sauf en ce qu’il lui est accordé un délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt afin de soumettre les renseignements visés dans la décision d’injonction du 28 février 2018 audit directeur et que l’amende administrative fiscale n’est pas due si la société intimée soumet tous ces renseignements dans ce délai, condamne l’Etat à payer à la société intimée une indemnité de procédure de 2.000 euros pour les deux instances, fait masse des dépens des deux instances et les impose pour une moitié à l’Etat et pour l’autre moitié à la société intimée.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu à l’audience publique du 31 mars 2022 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2022 Le greffier de la Cour administrative 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42143C
Date de la décision : 31/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-31;42143c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award