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24/03/2022 | LUXEMBOURG | N°45/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 mars 2022, 45/22


N° 45 / 2022 du 24.03.2022 Numéro CAS-2021-00043 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-quatre mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

F), demandeur en cassation, comp

arant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1...

N° 45 / 2022 du 24.03.2022 Numéro CAS-2021-00043 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-quatre mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, premier conseiller à la Cour d’appel, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

F), demandeur en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) A), et son épouse 2) B), défendeurs en cassation, comparant par Maître Monique WIRION, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, 3) Z), défendeur en cassation.

Vu le jugement attaqué, numéro 2021TALCH03/00007, rendu le 19 janvier 2021 sous les numéros TAL-2018-02173 et TAL-2019-03019 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel.

Vu le mémoire en cassation signifié le 16 avril 2021 par F) à A), à B) (ci-

après « les époux A)-B) ») et à Z), déposé le 19 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 15 juin 2021 par les époux A)-B) à F) et à Z), déposé le 16 juin 2021 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon le jugement attaqué, Z), propriétaire d’un terrain sur lequel il avait fait ériger une construction en violation d’une servitude de passage existant au profit du fonds appartenant aux époux A)-B), s’était vu condamner par le juge de paix de Luxembourg à exécuter les travaux nécessaires à la remise en état de ladite servitude.

Z), qui avait interjeté appel contre ce jugement, avait, en cours de l’instance d’appel, fait donation du fonds construit à F), qui a été assigné par les défendeurs en cassation en intervention forcée aux fins de lui voir déclarer commun le jugement à intervenir.

Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile et en instance d’appel, a dit l’appel de Z) partiellement fondé, dit que l’obligation de remettre en état la servitude de passage lui imposée par un jugement antérieur du juge de paix de Luxembourg, confirmé en appel, a été transmise à F) par l’effet de la donation du 11 février 2019 et a déchargé Z) de l’obligation d’exécuter lesdits travaux. Il a déclaré la mise en intervention forcée contre F) recevable et fondée et lui a déclaré commun le jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation des articles 594 du Nouveau code de procédure civile ensemble avec l'article 612 du Nouveau Code de procédure civile.

Ces articles disposent successivement que :

auraient droit de former tierce opposition. » et ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu'elle représente, n'ont été appelés. » en ce que le Tribunal d'arrondissement a dit recevable et fondée la mise en intervention forcée, en instance d'appel, de F) en ces termes :

ouverte à la partie mise en intervention, le présent jugement risque de préjudicier aux droits de F) en ce que la condamnation à la réalisation de travaux d'envergure sur le terrain, qui désormais lui appartient, est demandée.

Si en tant que donataire, F), est l'ayant-cause à titre particulier de Z), il n'était "représenté" par son auteur que jusqu'à la date de la donation. A partir du 11 février 2019, il n'est plus considéré comme "représenté" et est à considérer comme pouvant faire tierce opposition.

Par conséquent, le tribunal rejette les moyens d'irrecevabilité soulevés par F) et dit sa mise en intervention forcée et recevable. » alors que F) n'est manifestement pas un tiers à l'instance, ce dernier ayant été représenté à l'instance par son père, Z). ».

Réponse de la Cour Le demandeur en cassation, faisant valoir qu’il était représenté durant l’instance d’appel par son donateur, fait grief aux juges d’appel de l’avoir considéré comme un tiers.

F) est devenu, par l’effet de la donation intervenue en instance d’appel, propriétaire du fonds grevé de la servitude de passage de sorte qu’il a cessé d’être représenté par le donateur à partir de cette date et était recevable depuis lors à former tierce opposition au jugement à intervenir.

Les juges d’appel n’ont partant pas violé les dispositions visées au moyen.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l'article 594 du Nouveau Code de procédure civile qui dispose que:

auraient droit de former tierce opposition. » en ce que le Tribunal d'arrondissement a, dans son dispositif, dit que l'obligation de remettre en état la servitude, imposée à Z) avait été transmise à F) par l'effet de la donation du 11 février 2019, alors que l'article 594 du Nouveau Code de procédure civile prévoit qu'aucune intervention ne sera reçue en instance d'appel, si ce n'est de la part de ceux qui auraient le droit de former tierce opposition. Il est admis que sur base de ce texte, l'intervention forcée dirigée contre une personne qui n'était pas partie en première instance ne peut excéder une simple mesure conservatoire. En faisant peser, sur les épaules de F) l'obligation de remettre en état la servitude, le Tribunal d'arrondissement a manifestement violé la prédite disposition. ».

Réponse de la Cour Il ressort de la discussion du moyen que le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir condamné à remettre en état la servitude de passage.

Le moyen procède d’une lecture erronée du jugement en ce que les juges d’appel se sont limités à déclarer le jugement commun à F) sans prononcer à son égard une condamnation à exécuter des travaux de remise en état de la servitude.

Il s’ensuit que le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 249 du Nouveau Code de procédure civile ensemble l'article 587 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que le Tribunal d'arrondissement a omis de répondre aux conclusions de F), alors que F) a indiqué, dans ses conclusions, que pour le cas où l'assignation en déclaration de jugement commun ne serait pas déclarée irrecevable, qu'il se ralliait entièrement à l'acte d'appel signifié au nom de Z) et des conclusions subséquentes émanant de Maître Tom FELGEN. ».

Réponse de la Cour Il ressort de la discussion du moyen que le demandeur en cassation fait grief aux juges d’appel de l’avoir condamné à remettre en état la servitude de passage sans avoir examiné ses arguments concernant le fond du litige.

Dès lors qu’aucune condamnation n’était demandée à l’encontre de F), assigné à la seule fin de se voir déclarer commun le jugement à intervenir, ses développements subsidiaires par lesquels il déclarait se rallier aux conclusions de Z) sur le fond de l’affaire portant sur la condamnation prononcée par le jugement dont appel ne requéraient pas réponse.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d'une indemnité de procédure est à rejeter.

Il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur en cassation à payer aux défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Monique WIRION, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation F) contre A) et B) en présence de Z) Le pourvoi en cassation, introduit par F) par un mémoire en cassation signifié le 16 avril 2021 aux défendeurs en cassation et à Z) et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 19 avril 2021, est dirigé contre un jugement n° 2021TALCH03/00007 rendu par le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, troisième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel, statuant contradictoirement, en date du 19 janvier 2021 (n° TAL-2018-02173 et TAL-

2019-03019 du rôle). Ce jugement a été signifié au demandeur en cassation en date du 18 février 2021.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Les défendeurs en cassation A) et B) ont signifié un mémoire en réponse le 15 juin 2021 et ils l’ont déposé au greffe de la Cour le 16 juin 2021.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Z) n’a pas déposé de mémoire.

Sur les faits et antécédents :

Par acte notarié de vente en l’état futur d’achèvement signé en date du 7 décembre 2010, Z) a acquis une place à bâtir. Bien que cet acte notarié indique que l’immeuble n’est grevé d’aucune servitude, A) et B) disposaient, en vertu d’un acte notarié du 9 juillet 1990, d’une servitude de passage d’une largeur de 4 mètres sur le terrain acquis.

Suite à la construction d’une maison unifamiliale et d’un muret sur ledit terrain, A) et B) ont fait donner citation à Z) le 21 mai 2013 pour exercer les actions possessoires de réintégrande, sinon de complainte. Par jugement rendu en date du 3 octobre 2013, le tribunal de paix de Luxembourg a déclaré ces demandes irrecevables.

Par citation signifiée à en date du 9 décembre 2013, A) et B) ont demandé à ce que Z) soit condamné à enlever le muret et à remettre le niveau du terrain sur une largeur de 4 mètres dans son pristin état afin de leur permettre d’accéder à leur terrain soit à pied soit avec des machines agricoles, sous peine d’astreinte.

Par jugement rendu en date du 20 juin 2014, le tribunal de paix de Luxembourg a dit que la servitude de passage figurant dans l’acte notarié du 9 juillet 1990 était opposable à Z) et a fixé une visite des lieux.

Suite à la visite des lieux, un jugement rendu en date du 27 octobre 2014 a déclaré fondée la demande en rétablissement de la servitude de passage des défendeurs en cassation. Un expert a été nommé « avec la mission de concilier les parties si faire se peut, sinon dans un rapport écrit et motivé à déposer au greffe de la Justice de paix de Luxembourg de déterminer et de chiffrer les moyens aptes pour remettre en état la servitude de passage des consorts A) - B) afin que ces derniers puissent à nouveau rejoindre à partir de la voie publique leur terrain situé en aval de celui de Z) et de préciser quelle partie du coût de rétablissement doit rester à charge des consorts A) - B) au titre des frais de conservation de la prédite servitude de passage».

Z) a interjeté appel contre ce jugement. Cet appel a été déclaré non fondé par un jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, qui a confirmé la décision entreprise.

Suite au dépôt du rapport d’expertise, le tribunal de paix de Luxembourg a rendu un jugement en date du 10 janvier 2018 qui « condamne Z) à exécuter dans un délai de six mois à partir de la signification du présent jugement sous peine d’une astreinte de 1000 euros par jour de retard sur son terrain […]conformément aux conclusions contenues dans le rapport d’expertise K) EJ 2755 du 28 avril 2017 les travaux nécessaires afin que sur une largeur de 4 mètres il présente à nouveau la même pente que celle qui figure dans les plans annexés à l’avenant de l’autorisation de construction enregistrée auprès de l’Administration communale de Luxembourg en date du 12 juin 2009 pour que A) et B) puissent, après l’exécution des travaux qui leur incombent, retrouver au profit de leur terrain […]une servitude de passage d’une largeur de 4 mètres avec une pente identique à celle qui existait préalablement à la construction de son immeuble (….)».1 Par exploit d’huissier du 19 mars 2018, Z) a interjeté appel contre ce jugement.

Au cours de l’instance d’appel, Z) a transmis à son fils F) par acte de donation signé devant notaire en date du 11 février 2019 la maison d’habitation construite sur le terrain en question avec toutes ses appartenances et dépendances.

En date du 8 avril 2019, A) et B) ont mis en intervention F), l’actuel demandeur en cassation, afin de voir déclarer commun le jugement à intervenir.

En date 19 janvier 2021, le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a rendu un jugement dont le dispositif se lit comme suit :

« vu l’ordonnance de jonction du 24 avril 2019 des procédures connexes inscrites sous les numéros de rôle TAL-2018-02173 et TAL-2019-03019, dit la mise en intervention de F) du 8 avril 2019 recevable et fondée, partant déclare le présent jugement commun à F), 1 La soussignée a omis de citer la désignation exacte des terrains rejette le moyen tiré du principe fraus omnia corrumpit, reçoit les appels principal et incident en la forme, dit l’appel principal partiellement fondé, dit que l’obligation de remettre en état la servitude, imposée à Z) par jugement du tribunal de paix de et à Luxembourg du 27 octobre 2014, confirmé par le jugement du tribunal de céans du 27 novembre 2015, a été transmise à F) par l’effet de la donation du 11 février 2019, partant, par réformation du jugement entrepris, décharge Z) de la condamnation à exécuter dans un délai de six mois à partir de la signification du jugement entrepris sous peine d’une astreinte de 1.000.- euros par jour de retard, cantonnée à 30.000.- euros, sur son terrain […] conformément aux conclusions contenues dans le rapport d’expertise K) EJ 2755 du 28 avril 2017 les travaux nécessaires afin que sur une largeur de 4 mètres il présente à nouveau la même pente que celle qui figure dans les plans annexés à l’avenant de l’autorisation de construction enregistrée auprès de l’Administration communale de Luxembourg en date du 12 juin 2009 pour que A) et B) puissent, après l’exécution des travaux qui leur incombent, retrouver au profit de leur terrain […], une servitude de passage d’une largeur de 4 mètres avec une pente identique à celle qui existait préalablement à la construction de son immeuble, 2 pour le surplus, confirme le jugement entrepris, dit l’appel incident non fondé, dit non fondées les demandes respectives des parties en obtention d’une indemnité de procédure tant pour la première instance que pour l’instance d’appel, dit non fondées les demandes respectives de Z) et des époux A) et B) tendant à voir condamner l’autre aux frais engendrés par les honoraires d’avocat, laisse les frais de l’assignation en intervention du 8 avril 2019 à charge des époux A) et B), condamne Z) au restant des frais et dépens de l’instance d’appel avec distraction au profit de Maître Monique WIRION, avocat concluant, affirmant en avoir fait l’avance. » Ce jugement fait l’objet du présent pourvoi.

2 La soussignée a omis de citer la désignation exacte des terrains Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen de cassation est tiré de violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation des articles 594 du Nouveau code de procédure civile3 ensemble avec l’article 612 du Nouveau code de procédure civile.4 Le moyen fait grief au jugement entrepris d’avoir déclaré recevable et fondée la mise en intervention forcée de F) dans les termes suivants :

« En ce qui concerne la condition que la voie de la tierce opposition ait été ouverte à la partie mise en intervention, le présent jugement risque de préjudicier aux droits de F) en ce que la condamnation à la réalisation de travaux d’envergure sur le terrain, qui désormais lui appartient, est demandée.

Si en tant que donataire, F), est l’ayant-cause à titre particulier de Z), il n’était « représenté » par son auteur que jusqu’à la date de la donation. A partir du 11 février 2019, il n’est plus considéré comme « représenté » et est à considérer comme pouvant faire tierce opposition.

Par conséquent, le tribunal rejette les moyens d’irrecevabilité soulevés par F) et dit sa mise en intervention forcée recevable.» Le demandeur en cassation fait valoir qu’il n’était manifestement pas un tiers à l’instance d’appel, étant donné qu’il aurait été représenté à l’instance par son père Z).

La mise en intervention forcée en instance d’appel étant strictement limitée aux personnes qui pourraient user de la voie de la tierce opposition conformément à l’article 594 du Nouveau code de procédure civile, et la tierce opposition n’étant ouverte qu’à ceux qui n’étaient ni partie ni représenté dans l’instance, la mise en intervention forcée dirigée contre lui aurait dû être déclarée irrecevable.

Le demandeur en cassation revendique ainsi la qualité de représenté, et donc de partie à l’instance d’appel.

« Par la représentation dans l'exercice de l'action en justice, un tiers a reçu la charge, de façon légale, judiciaire ou conventionnelle, d'agir en demande ou en défense aux lieu et place du titulaire 3 Article 594 NCPC : « Aucune intervention ne sera reçue, si ce n’est de la part de ceux qui auraient droit de former tierce-opposition.» 4 Article 612 NCPC : «Une partie peut former tierce-opposition à un jugement qui préjudicie à ses droits, et lors duquel, ni elle ni ceux qu’elle représente, n’ont été appelés.

cf. article 583, alinéa 1er, du Code de procédure civile français : « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a un intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque ».

cf. En vertu de l’article 1122 du Code judiciaire belge, est seule admissible à former tierce opposition, la «personne qui n’a point été dûment appelée ou n’est pas intervenue à la cause en la même qualité ».

de l'action. Comme la technique même de la représentation implique que les effets du jugement à intervenir se produiront en la personne du représenté, il est logique que ce représenté soit considéré comme une partie à laquelle on peut opposer l'autorité de la chose jugée.5 Le jugement à intervenir aurait partant été opposable au demandeur en cassation en l’absence même de toute mise en intervention.

La soussignée soulève l’irrecevabilité du moyen invoqué pour défaut d’intérêt du demandeur en cassation à invoquer l’erreur dont il se prévaut, faute d’incidence sur la décision rendue.6 Subsidiairement A l’appui de ses prétentions, le demandeur en cassation invoque des jurisprudences datant de 1852 et de 1909, respectivement un article de doctrine basé sur des arrêts remontant aux années ’70, qui ne sont plus d’actualité.

En ce qui concerne, tout d’abord, l’arrêt de la Cour de cassation française du 15 mai 19747 cité dans l’article de Nathalie FRICERO à la page 6 du mémoire en cassation, l’auteur omet d’indiquer dans son article que la tierce opposition de l’ancien gérant de la société assignée en paiement avait été déclarée irrecevable parce qu’il avait été «appelé à l’instance » et non pas au motif qu’il y aurait eu une communauté d’intérêts pouvant même jouer lorsque la représentation classique a cessé en cours d’instance.

Ensuite, il est vrai que la jurisprudence s’est longtemps placée à la date de l’introduction de l’instance pour apprécier s’il y avait représentation de l’ayant cause à titre particulier :

Les ayants cause à titre particulier « qui sont censés fictivement être représentés par leur auteur pour les actes accomplis sur le bien avant la naissance de leur droit : en conséquence, la chose jugée à l'égard de l'auteur profite ou nuit à l'ayant cause à titre particulier, si l'instance a été introduite avant la mutation ou avant la publicité de la mutation si celle-ci est requise (…) Après le transfert et sa publicité, le jugement n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'ayant cause, devenu un tiers (…). »8 Les jurisprudences françaises plus récentes retiennent toutefois le principe selon lequel « l’ayant cause à titre particulier est représenté par son auteur pour les actes accomplis avant la naissance de ses droits »9. Il en découle que « le vendeur ne représente son acquéreur que jusqu’à la vente », de sorte qu’en cas de vente pendant le déroulement de la procédure, l’acquéreur n’était plus représenté par le vendeur lors de l’arrêt.10 De même, « la cour d’appel retient à bon droit que si les ayants cause à titre particulier sont considérés comme représentés par leur auteur pour les actes accomplis par celui-ci avant la naissance de leurs droits, lorsqu’un acte est soumis à 5 Jurisclasseur Procédure civile, Fasc. 900-30 : AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE. – Autorité de la chose jugée au civil sur le civil, n°137 et doctrine et jurisprudences y citées 6 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, éd. 2015/2016, n° 43.71 et 43.72, p. 192 7 Cass., 1e civ., 15 mai 1974, 72-13.071, publié au bulletin 8 Jurisclasseur Procédure civile, Fasc. 900-30 : AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE. – Autorité de la chose jugée au civil sur le civil, n°146 et jurisprudences y citées (datant de 1855 à 1977 pour l’hypothèse de l’introduction de l’instance avant la mutation ou la publicité de la mutation) 9 Cass. 2e civ., 9 janvier 2020, 17-27.125, inédit 10 Cass., 2e civ., 20 juin 1979, 77-15.380, publié au bulletin publicité foncière, la représentation prend fin à compter de l’accomplissement des formalités de publicité foncière ».11 La doctrine a ainsi pu écrire que «l'appréciation de la notion de représentation est encore stricte pour les ayants cause particuliers.

L'ayant cause particulier (acquéreur, adjudicataire, donataire, légataire particulier) n'est le continuateur de son auteur que par rapport au bien transmis et pour les actes accomplis par l'auteur sur ce bien avant la naissance de ses droits. C'est-à-dire qu'il ne peut faire tierce opposition à un jugement rendu contre son auteur avant ce moment. En revanche, à partir de ce moment, il n'est plus représenté par son auteur ; il devient un tiers à son égard, et pourra donc former une tierce opposition.

Cette dichotomie pose un principe simple, où l'incertitude se loge uniquement dans l'exacte fixation de la naissance des droits de l'ayant cause particulier quand la transmission du bien est soumise à publicité (immeuble, créance). On considère alors que la transmission ne s'effectue qu'à l'époque de la publicité qui la porte à la connaissance des tiers, et ce dans un souci de sécurité des relations juridiques (…) En somme, l'ayant cause à titre particulier est représenté par son auteur pour tous les actes accomplis sur le bien avant la naissance de son droit, et devient un tiers lorsque sont envisagés les actes postérieurs à la publicité. (…) La Cour de cassation a jugé que devait être considéré comme tiers l'acquéreur d'un immeuble dont le titre avait été publié après l'assignation, mais avant que le jugement soit prononcé. Elle a approuvé le juge du fond de s'être placé au jour du jugement et non au jour de l'introduction de l'instance (Cass. 3e civ., 2 févr. 1994 : Bull. civ. III, n° 18).

La solution s'applique alors même que la vente d'un immeuble intervient en cours d'instance :

l'acquéreur peut former tierce opposition au jugement rendu après la publication de la vente, même si l'assignation était antérieure à la vente (Cass. 2e civ., 20 juin 1979 : Bull. civ. II, n° 151 ;

D. 1980, inf. rap. p. 51, obs. P. Julien. – Rappr. Cass. 3e civ., 2 févr. 1994 : JurisData n° 1994-000113 ; Bull. civ. III, n° 18).»12 De même, en droit belge, en vertu de l’article 1122, alinéa 2, 2°, du Code judiciaire, la tierce opposition n’est ouverte «aux ayants cause à titre particulier, qu’en cas de fraude de leur auteur ou s’ils ont acquis leur droit avant la date de la décision.» 13 «Succédant à une partie quant à un bien déterminé, ils prennent ce bien tel qu’il était dans le patrimoine de cette partie, grevé dès lors éventuellement de ce qu’un jugement avait décidé à son sujet, sauf les deux exceptions mentionnées. En ce qui concerne la seconde hypothèse, il a été décidé que si on achète un bien immobilier par acte notarié postérieur à l’ordre de remise en état 11 Cass., 3e civ., 12 janvier 2011, 10.10.667, publié au bulletin 12 Jurisclasseur Procédure civile Fasc. 1000-45 : TIERCE OPPOSITION. – Nature. – Conditions de recevabilité, n°80 et jurisprudences y citées (pour une meilleure lisibilité la soussignée n’a maintenu que les références de jurisprudence les plus pertinentes) La même solution a été retenue par la Cour de cassation française dans le cas d’une vente intervenue avant une transaction : Cass., 1e civ., 3 mars 1976, 74-13.266, publié au bulletin 13 Application : Trib. corr. Audenarde, 11 mars 2004, R.A.B.G., 2004, p.

1095, note D. DE BACKER des lieux, on est un ayant cause à titre particulier et le droit n’est acquis qu’après la date de la décision. »14 « Si le tiers opposant a acquis un droit de son auteur avant qu’une décision de justice ne porte atteinte à celui-ci, il est normal que le tiers opposant ne soit pas lié par cette décision à laquelle son auteur était partie. À l’inverse, la cour d’appel de Gand a rappelé que lorsqu’une personne a acheté un immeuble à une partie qui, antérieurement à l’acquisition, a été condamnée sur la base d’une action de remise en état, elle doit être considérée comme ayant acquis son droit sur le bien postérieurement à la décision attaquée, en sorte que sa tierce opposition n’est pas recevable.»15 C’est partant à bon droit que les juges d’appel se sont placés au jour où ils ont statué et non au jour de l’assignation pour constater que l’ayant cause à titre particulier ayant acquis des droits pendant le temps de l’instance cesse d’être représenté à partir de la date de la donation et pourrait partant faire tierce opposition.

C’est partant à juste titre que les juges d’appel ont décidé que la mise en intervention forcée devient alors également recevable.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation :

Le deuxième moyen de cassation est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 594 du Nouveau code de procédure civile, qui dispose qu’« aucune intervention ne sera reçue, si ce n’est de la part de ceux qui auraient droit de former tierce opposition ».

Le moyen fait grief au jugement attaqué d’avoir dit dans le dispositif que l’obligation de remettre en état la servitude, imposée à Z), avait été transmise à F) par l’effet de la donation du 11 février 2019. Or, sur base de l’article 594 du Nouveau code de procédure civile il est admis qu’en appel l’intervention forcée dirigée contre une personne qui n’était pas partie en première instance ne peut excéder une simple mesure conservatoire16. En faisant peser sur les épaules de F) l’obligation de remettre en état la servitude, les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen.

F) s’est vu signifier une assignation en intervention forcée par A) et B) en date du 8 avril 2019.

Dans cette assignation, les demandeurs ont demandé la jonction à l’affaire pendante entre eux-

mêmes et Z), ils ont demandé à ce que le jugement à intervenir soit déclaré commun à l’égard de l’assigné et ils ont demandé à ce que celui-ci soit condamné aux frais et dépens de l’assignation. Aucune autre demande en condamnation n’a été formulée contre F).

14 Droit judiciaire 19/05/2021- Tome 2 : Procédure civile- Volume 2 : voies de recours- Section 2 : la tierce opposition – C) Qualité – 3) Tierce opposition des ayants cause à titre particulier, p.483 15 Tierce opposition, H. Boularbah et Ch. Marquet, Bruylant, collection Répertoire pratique du doit belge, 1e éd.

2012, n° 94, page 70 et jurisprudences y citées :

Cour d’appel Gand, 14 février 2003, T.R.O.S., 2004, p. 278 ; voir aussi Cour d’appel Bruxelles, 18 novembre 2002, T.M.R., 2005, p. 221, et Civ. Termonde, 8 octobre 2002, C.D.P.K., 2003, p. 507, note 16 Cass. 17 octobre 1985, P.26, p.303 Le jugement dont pourvoi déclare la mise en intervention de F) du 8 avril 2019 recevable et fondée, il déclare le jugement commun à F), et « dit que l’obligation de remettre en état la servitude, imposée à Z) par jugement du tribunal de paix de et à Luxembourg du 27 octobre 2014, confirmé par le jugement du tribunal de céans du 27 novembre 2015, a été transmise à F) par l’effet de la donation du 11 février 2019, partant, par réformation du jugement entrepris, décharge Z) de la condamnation à exécuter dans un délai de six mois à partir de la signification du jugement entrepris sous peine d’une astreinte de 1.000.- euros par jour de retard, cantonnée à 30.000.- euros, sur son terrain […] conformément aux conclusions contenues dans le rapport d’expertise K) EJ 2755 du 28 avril 2017 les travaux nécessaires afin que sur une largeur de 4 mètres il présente à nouveau la même pente que celle qui figure dans les plans annexés à l’avenant de l’autorisation de construction enregistrée auprès de l’Administration communale de Luxembourg en date du 12 juin 2009 pour que A) et B) puissent, après l’exécution des travaux qui leur incombent, retrouver au profit de leur terrain […] une servitude de passage d’une largeur de 4 mètres avec une pente identique à celle qui existait préalablement à la construction de son immeuble. » Les juges d’appel se sont donc limités à constater que par l’effet de la donation, F), en tant qu’ayant cause à titre particulier, est le continuateur de son auteur par rapport au bien transmis et pour les actes accomplis par l'auteur sur ce bien avant la naissance de ses droits. La seule conséquence qu’ils en ont tiré est celle que le donateur Z) devait être déchargé de la condamnation de remise en état prononcée contre lui. Par contre, aucune condamnation à exécuter des travaux de remise en état n’a été prononcée contre F).

Le moyen procède partant d’une lecture erronée du jugement entrepris.

Il manque en fait.

Subsidiairement :

Une mise en intervention « agressive » tendant à une condamnation est irrecevable en appel lorsqu’elle est dirigée contre une personne qui n’était pas partie en première instance, c’est-à-

dire un tiers qui est resté complètement étranger à la procédure de première instance.

Toutefois F) n’était pas un tiers resté complètement étranger à la procédure de première instance puisqu’en première instance il était représenté à l’instance par son auteur Z). Cette représentation n’a cessé qu’à partir de l’acte notarié de donation signé le 11 février 2019, lorsque l’instance d’appel était en cours.

Rien n’obligeait partant les défendeurs en cassation à se limiter à une mise en intervention purement conservatoire.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation :

Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249 du Nouveau code de procédure civile ensemble l’article 587 du Nouveau code de procédure civil par défaut de réponse à conclusions.

Le moyen fait grief au jugement attaqué de ne pas avoir tenu compte de ce que F) avait indiqué dans ses conclusions que, pour le cas où l’assignation en déclaration de jugement commun ne serait pas déclarée irrecevable, il se ralliait entièrement à l’acte d’appel et aux conclusions subséquentes de la partie appelante Z), en ce qui concerne le fond du dossier.

Tel qu’exposé dans le cadre du deuxième moyen, aucune condamnation d’exécuter des travaux n’a été prononcée à l’encontre de F). Aux termes de l’assignation en intervention, les juges d’appel n’étaient pas saisis d’une demande tendant à cette fin.

Etant donné que les juges d’appel ne se ont pas prononcés sur le fond de l’affaire, ils ne devaient pas examiner les conclusions auxquelles le demandeur en cassation s’est rallié concernant le fond de l’affaire.

Le moyen manque en fait, sinon n’est pas fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45/22
Date de la décision : 24/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-24;45.22 ?

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