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17/03/2022 | LUXEMBOURG | N°43/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 mars 2022, 43/22


N° 43 / 2022 du 17.03.2022 Numéro CAS-2021-00028 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Isabelle JUNG, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAI

NES ET DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE, représentée par le directeur, ayant ses bureaux à ...

N° 43 / 2022 du 17.03.2022 Numéro CAS-2021-00028 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Michèle HORNICK, conseiller à la Cour d’appel, Isabelle JUNG, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE, représentée par le directeur, ayant ses bureaux à L-1651 Luxembourg, 1-3, avenue Guillaume, demanderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Jean SCHAFFNER, avocat à la Cour, et:

la société à responsabilité limitée X), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Elisabeth ADAM, avocat à la Cour.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 9/21 - VII - CIV, rendu le 13 janvier 2021, sous le numéro CAL-2019-01038 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 6 avril 2021 par l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT, DES DOMAINES ET DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE (ci-après « l’AEDT ») à la société à responsabilité limitée X) (ci-après « la société X) »), déposé le 7 avril 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 20 mai 2021 par la société X) à l’AEDT, déposé le 25 mai 2021 au greffe de la Cour ;

Ecartant, en application de l’article 17, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la note de plaidoirie de la société X), déposée le 21 janvier 2022 au greffe de Cour.

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER.

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, la société X) avait saisi le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, d’une demande en redressement des bulletins de taxation d’office portant sur les années 2004 et 2005, émis par l’AEDT suite à un contrôle fiscal. Le tribunal avait nommé un expert avec la mission de vérifier si et dans quelle mesure les services facturés par la société A) SAS à la société X) se rapportaient directement à l’activité économique de la société X), voire aux frais généraux exposés pour les besoins de son activité économique et de dire dans quelle mesure la société A) SAS facturait des prestations non affectées à l’activité économique de la société X). Le tribunal avait, au vu des conclusions de l’expert judiciaire, annulé la décision de l’AEDT et dit que la société X) était en droit de déduire la TVA acquittée sur les prestations acquises sur la société A) SAS à concurrence d’un certain prorata pour les deux années en cause. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « pris de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, des dispositions de l’article 48 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, lesquelles fixent le principe et les conditions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en transposant ainsi l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, en ce que, dans l’arrêt attaqué du 13 janvier 2021, la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ayant reconnu le droit à déduction par la société X) S.à r.l. de la taxe sur la valeur ajoutée supportée en amont sur les acquisitions faites auprès de la société A) SAS, au motif que ces prestations acquises par X) S.à r.l. sont en lien direct et immédiat avec les services prestés en aval et ouvrent ainsi un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont (sous réserve du calcul du prorata) :

qu’en effet, aux termes de l’arrêt attaqué : La Cour fait siens les développements juridiques des juges de première instance dans leur décision du 1er juin 2016 relatifs au droit à déduction du coût de la TVA d’un assujetti partiel exerçant à la fois une activité relevant du champ d’application de la TVA et une activité non économique exclue de ce champ » en approuvant la solution adoptée par le Tribunal, dont elle rappelle la teneur en ces termes :

Pour les opérations économiques soumises à la TVA, le tribunal a retenu que X) peut faire valoir la déduction de la TVA décaissée en amont à proportion des frais inhérents à l’activité déployée en aval, après avoir spécifié qu’un lien précis entre une prestation acquise individualisée et une prestation facturée individualisée n’était pas nécessaire pour admettre le droit à déduction, mais que seule la preuve que les prestations en amont étaient intégrées dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relevaient d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la TVA étaient requises. » alors que, selon les dispositions visées, telles qu’interprétées à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la reconnaissance d’un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont est conditionnée, que cette condition consiste en la nécessité pour l’assujetti de démontrer cumulativement (i) l’existence d’un lien direct et immédiat et (ii) la preuve que le coût des prestations en amont est intégré dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relèvent d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que la Cour d’appel, en retenant l’existence d’un lien direct et immédiat entre les services reçus en amont par X) S.à r.l. et les services prestés en aval en omettant de constater une quelconque preuve démontrant que le coût des prestations en amont est intégralement intégré dans le prix des prestations fournies en aval, pourtant une des conditions nécessaires pour octroyer un droit à déduction et que les prestations en aval relèvent d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, a fait une fausse application, sinon une fausse interprétation des dispositions visées au moyen. ».

Réponse de la Cour La demanderesse en cassation reproche aux juges d’appel d’avoir violé les dispositions de l’article 48 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, lesquelles fixent le principe et les conditions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en transposant l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, en ayant retenu l’existence d’un lien direct et immédiat entre les services reçus en amont par la société X) et les services prestés en aval et en ayant omis d’établir que le coût des prestations en amont est intégralement intégré dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relèvent d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée.

Le moyen en ce qu’il fait grief aux juges d’appel de ne pas avoir constaté et vérifié si les conditions nécessaires pour l’octroi d’un droit à déduction de la TVA étaient remplies et que les prestations en aval relevaient d’une activité économique soumise au champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée vise l’insuffisance des motifs et partant le cas d’ouverture du défaut de base légale et non celui de la violation de la loi.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen de cassation, subsidiaire au premier Enoncé du moyen « pris du défaut de base légale au regard du droit à déduction des dispositions de l’article 48 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, lesquelles fixent le principe et les conditions de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en transposant ainsi l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu’interprétées à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, en ce que, dans l’arrêt attaqué du 13 janvier 2021, la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ayant reconnu le droit à déduction par la société X) S.à r.l. de la taxe sur la valeur ajoutée supportée en amont sur les acquisitions faites auprès de la société A) SAS, au motif que ces prestations acquises par la société X) S.à r.l. sont en lien direct et immédiat avec les services prestés en aval et ouvrent ainsi un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont (sous réserve du calcul du prorata);

qu’en effet l’arrêt attaqué conclut que :

les jugements des 1er juin 2016 et 13 juin 2018 sont partant à confirmer en ce que le Tribunal a retenu que la société X) est en droit de porter en déduction l’intégralité de la TVA acquittée sur les prestations acquises de la société A) SAS (sous réserve du calcul du prorata) », que pour arriver à cette conclusion, l’arrêt attaqué s’est borné à considérer que :

Quant à la critique de l’appelante suivant laquelle l’expert se serait limité à examiner en amont les relations entre la société A) SAS et la société X) mais aurait omis d’examiner en aval les relations entre X) et ses clients, pour vérifier si les prestations acquises en amont par X) sur la société A) SAS ont servi à prester des services soumis à TVA en aval, les juges de première instance ont relevé que bien que cet aspect ne figure pas expressément dans sa mission, l’expert a néanmoins traité cette question dans un chapitre de son rapport pour mettre en évidence le différentiel important entre les frais encourus par X) et les revenus perçus en aval.

Cette constatation ne l’a pas empêché de conclure à la réalité de la correspondance entre les prestations acquises et les prestations fournies par X). » que se faisant, l’arrêt attaqué n’a pas vérifié ou constaté - alors qu’il s’agit pourtant d’une des conditions préalables et indispensables pour l’application du régime du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée - que le coût des prestations en amont était intégralement intégré dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relevaient d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, de sorte que, en retenant le droit à déduction totale par la société X) S.à r.l.

de la taxe sur la valeur ajoutée supportée en amont sur les acquisitions faites auprès de la société A) SAS, sans avoir vérifié ni exigé la preuve que le coût des prestations en amont était intégralement intégré dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relevaient d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour d’appel a privé l’arrêt attaqué de base légale au regard des dispositions visées au moyen. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

En confirmant, par adoption, la motivation du tribunal qui, après avoir écarté les contestations de la demanderesse en cassation et entériné les conclusions de l’expert judiciaire qui avait constaté, sur base des pièces lui versées, l’existence d’un lien direct et immédiat entre les coûts supportés en amont par la société X) et les revenus générés en aval par celle-ci dans le cadre de sa propre activité économique tombant dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée, les juges d’appel ont, par une motivation exempte d’insuffisance, pu retenir que la société X) était en droit, nonobstant le différentiel important entre les frais encourus en amont et les revenus perçus en aval, de porter en déduction l’intégralité de la TVA acquittée sur les prestations acquises de la société A) SAS, sous réserve du calcul d’un prorata de déduction sur les revenus perçus en aval.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur la demande subsidiaire de renvoi préjudiciel devant la CJUE « Dans l’hypothèse où la Cour de cassation constaterait que la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne invoquée dans les moyens présentés dans le cadre du présent mémoire en cassation soulève des difficultés d’interprétation, la demanderesse à cassation expose la nécessité pour la Cour de cassation de surseoir à statuer en application des dispositions de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle.

En effet, la signification qui doit être donnée au terme « présuppose », tel qu’utilisé dans la condition contenue dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, aux termes de laquelle « l’existence d’un tel lien direct et immédiat présuppose que le coût des biens ou des prestations en amont soit incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques », est sujette à plusieurs interprétations alors que le sens donné à cette condition est pourtant nécessaire à la solution du présent litige.

En conséquence, la question préjudicielle à poser à la Cour de justice de l’Union européenne devra être libellée comme suit :

- Les dispositions de l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doivent-elles être interprétées en ce sens que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en cas de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval, nécessite également que l’assujetti rapporte la preuve que le coût des biens ou des prestations en amont est effectivement incorporé dans le prix des opérations particulières en aval réalisées par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques ? - Les dispositions de l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doivent-elles être interprétées en ce sens que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont pouvant être reconnu à l’assujetti lorsque le coût des biens ou des services en cause font partie des frais généraux nécessite que ces derniers entretiennent, à ce titre, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti ? - Dans l’affirmative, les dispositions de l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée doivent-elles être interprétées en ce sens que l’incorporation du coût des biens ou des prestations en amont faisant partie des frais généraux dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques est une condition nécessaire à rapporter par l’assujetti pour prouver ledit lien direct et immédiat ou au contraire un moyen de preuve dudit lien direct et immédiat ? - S’il s’agit d’une condition dont la charge de la preuve repose sur l’assujetti, quels modes de preuve ce dernier peut-il valablement utiliser ? ».

Réponse de la Cour Eu égard aux réponses de la Cour données aux deux moyens, il n’y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne des deux questions préjudicielles formulées par la demanderesse en cassation sur l’interprétation de l’article 168 de la Directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Isabelle JUNG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA contre la société à responsabilité limitée X) Le pourvoi en cassation, introduit par l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA (ci-après l’AEDT) par un mémoire en cassation signifié le 6 avril 2021 à la partie défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 7 avril 2021, est dirigé contre un arrêt n°9/21 rendu par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 13 janvier 2021 (n° CAL-2019-01038 du rôle). Cet arrêt a été signifié à la demanderesse en cassation en date du 11 février 2021.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La partie défenderesse a signifié un mémoire en réponse le 20 mai 2021 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 25 mai 2021.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer comme recevable.

Les faits et antécédents Le groupe X)est actif dans le domaine de l’immobilier. Suite à un contrôle de taxe sur la valeur ajoutée (ci-après TVA) sur les années 2004 à 2009 pour 16 sociétés luxembourgeoises du groupe X), dont fait partie la société X) sàrl (ci-après X)), X) a déposé des déclarations rectificatives pour les années 2004 à 2008.

L’AEDT a ensuite émis un procès-verbal en date du 30 septembre 2011 ainsi que des bulletins de taxation d’office pour les années 2004 et 2005. Elle a limité la déduction de la TVA payée en amont sans pour autant la rejeter intégralement.

La réclamation introduite par le conseiller de X) contre les bulletins de taxation pour 2004 et 2005 a été rejetée par l’AEDT en date du 22 octobre 2012.

Par exploit d’huissier du 1er février 2013, X) a assigné l’AEDT devant le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg en lui reprochant :

-Pour l’année 2004 d’avoir rejeté au titre de taxe en amont non déductible un montant de 604.894,01 euros correspondant à 12 % de 5.074.116,77 euros, soit la différence entre les services achetés par X) au cours de l’année 2004 (soit le montant de 6.014.964,02 euros) et le chiffre d’affaire par elle réalisé au cours de la même année (soit le montant de 940.847,25 euros).

-Pour l’année 2005, d’avoir rejeté au titre de taxe en amont non déductible un montant de 54.074,99 euros correspondant à 12 % de 450.624,92 euros, soit la différence entre les services achetés par X) au cours de l’année 2005 (soit un montant de 4.274.587,60 euros) et le chiffre d’affaire réalisé pour la même année par X) (soit le montant de 3.823.962,68 euros.) Le tribunal a rendu un premier jugement en date du 1er juin 2016 et a retenu que X) effectue à la fois des opérations économiques soumises à la TVA et des activités non économiques non soumises à la TVA.

Pour les opérations économiques soumises à la TVA, le tribunal a retenu que X) peut déduire la TVA payée en amont à proportion des frais inhérents à l’activité déployée en aval, après avoir spécifié qu’un lien précis entre une prestation acquise individualisée et une prestation facturée individualisée n’était pas nécessaire pour admettre le droit à déduction, mais que seule la preuve que les prestations en amont étaient intégrées dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relevaient d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la TVA étaient requises.

Les juges de première instance ont précisé à ce titre que l’absence d’incorporation du coût des prestations acquises dans le coût des prestations fournies, que l’AEDT déduisait de la différence entre ces deux montants, n’était pas de nature à écarter l’existence d’un lien entre les unes et les autres eu égard aux explications fournies par la société X) sur les modes de facturation en amont et en aval.

Estimant que X) n’avait pas d’ores et déjà rapporté la preuve qu’elle bénéficiait du droit à déduction au vu des deux seules conditions requises telles que précisées dans le jugement, le tribunal a fait droit à l’offre de preuve par expertise formulée par X) et a nommé expert K) aux fins de décrire les services prestés en qualité de sous-traitant par la société A) SAS et vérifier dans quelle mesure ils se rapportaient directement à l’activité économique déployée par X) en précisant dans quelle mesure A) SAS facturait des prestations non affectées à l’activité économique de X).

Le rapport de l’expert K) a été déposé le 30 mars 2017.

Sur base de ce rapport, le tribunal a rendu un second jugement en date du 13 juin 2018 dans lequel, après avoir constaté que la structure mise en place par X) n’était pas constitutive d’un abus de droit dont l’objectif serait de tirer indument profit de la législation sur la TVA comme le faisait valoir l’AEDT, il a dit que sous réserve du calcul du prorata, la société X) pouvait en principe déduire l’intégralité de la TVA acquittée sur les prestations acquises sur la société A) SAS et a révoqué l’ordonnance de clôture pour permettre aux parties de conclure sur le prorata de déduction.

Par un troisième jugement rendu en date du 15 mai 2019, le tribunal a annulé la décision du directeur de l’AEDT du 22 octobre 2012 et a décidé que X) était en droit de déduire la TVA supportée en amont sur les acquisitions faites sur la société A) SAS à concurrence de 94 % pour l’année 2004 et à concurrence de 91 % pour l’année 2005.

Le tribunal a renvoyé le dossier devant l’AEDT aux fins d’émission de nouveaux bulletins d’imposition pour les années 2004 et 2005 et a débouté les parties de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure.

Par exploit d’huissier du 23 juillet 2019, l’AEDT a régulièrement relevé appel contre les trois jugements rendus en première instance. X) a relevé appel incident en ce qui concerne l’indemnité de procédure qui lui a été refusée en première instance et a demandé 50.000.- euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Par arrêt n°9/21 rendu en date du 13 janvier 2021, la Cour d’appel « reçoit les appel principal et incident en la forme, les déclare non fondés, confirme le jugement entrepris dans toute sa teneur, dit la demande en dommages et intérêts formulée par la sàrl X) non fondée, déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure de la sàrl X) fondée et justifiée pour l’instance d’appel à hauteur de 2.500.- euros, condamne l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA à payer à la sàrl X) une indemnité de procédure de 2.500,00 euros, condamne l’Administration de l’Enregistrement, des Domaines et de la TVA aux frais et dépens de l’instance d’appel».

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur les deux premiers moyens de cassation pris ensemble:

Le premier moyen est « tiré de la violation, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation, des dispositions de l’article 48 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, lesquelles fixent le principe et les conditions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en transposant ainsi l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu’interprétées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne », tandis que le deuxième moyen de cassation est tiré du défaut de base légale au regard de cette même disposition.

La demanderesse en cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement de première instance du 1er juin 2016 ayant reconnu un droit à déduction par X) de la TVA supportée en amont sur les acquisitions faites auprès de la société A) SAS, au motif que ces prestations acquises par X) sont en lien direct et immédiat avec les services prestés en aval et ouvrant ainsi un droit à déduction de la taxe sur la TVA acquittée en amont (sous réserve du calcul du prorata) par les motifs suivants :

« La Cour fait siens les développements juridiques des juges de première instance dans leur décision du 1er juin 2016 relatifs au droit à déduction du coût de la TVA d’un assujetti partiel exerçant à la fois une activité relevant du champ d’application de la TVA et une activité non économique exclue de ce champ ».1 Dans le résumé des antécédents, la Cour d’appel a rappelé la solution adoptée par les juges de première instance dans les termes suivants :

« Pour les opérations économiques soumises à la TVA, le tribunal a retenu que X) peut faire valoir la déduction de la TVA décaissée en amont à proportion des frais inhérents à l’activité déployée en aval, après avoir spécifié qu’un lien précis entre une prestation acquise individualisée et une prestation facturée individualisée n’était pas nécessaire pour admettre le droit à déduction, mais que seule la preuve que les prestations en amont étaient intégrées dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relevaient d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la TVA étaient requises. »2 La demanderesse en cassation fait valoir que le droit à déduction de la TVA acquittée en amont est conditionné et que l’assujetti doit démontrer que deux conditions sont remplies cumulativement:

1) l’existence d’un lien direct et immédiat entre les prestations facturées en amont et les prestations facturées en aval 2) la preuve que le coût des prestations en amont est intégré dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations facturées en aval relèvent d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la TVA.

La demanderesse en cassation reproche précisément à la l’arrêt dont pourvoi de n’avoir retenu que l’existence d’un lien direct et immédiat entre les services reçus en amont par X) et les services prestés en aval en omettant de constater une quelconque preuve démontrant que le coût des prestations en amont est intégralement intégré dans le prix des prestations fournies en aval et que les prestations en aval relèvent d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la TVA. La Cour d’appel aurait partant omis de vérifier si la deuxième condition est remplie.

1 Page 8 de l’arrêt du 13 janvier 2021 2 Page 3 de l’arrêt du 13 janvier 2021 La défenderesse en cassation soulève que la demanderesse en cassation aurait contesté pour la 1ère fois dans l’énoncé des deux moyens de cassation que les prestations de X) en aval auraient constitué une activité économique. Or, dans la mesure où l’arrêt entrepris a confirmé les premiers juges en ce qu’ils ont considéré X) comme « un assujetti partiel exerçant à la fois une activité relevant du champ d’application de la TVA et une activité non économique exclue de ce champ » et que la question du prorata à appliquer était controversée, cette question était dans le débat en instance d’appel. S’y ajoute que l’arrêt indique qu’en instance d’appel l’AEDT « soutient qu’il serait dans les deux cas indispensable que le coût des prestations en amont soit incorporé dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des services fournis par l’assujetti dans le cadre de son activité économique.3 » Le moyen n’est dès lors pas nouveau.

En vertu du principe de primauté du droit de l’Union, il appartient à la juridiction nationale de donner à une disposition de droit interne, dans toute la mesure où une marge d'appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire et, pour autant qu'une telle interprétation conforme ne soit pas possible, de laisser inappliquée toute disposition du droit interne qui serait contraire à ces exigences.4 Il faut partant interpréter les dispositions de l’article 48 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, qui fixent le principe et les conditions du droit à déduction de la TVA acquittée en amont, et qui ont transposé l’article 168 de la directive 2006/112/CE modifiée du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en se référant à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne.

C’est partant à juste titre que la Cour d’appel a repris les arrêts de la Cour de Justice de l’Union européenne (ci-après CJUE) cités par les juges de première instance :

«Dans ce contexte, les juges de première instance ont à juste titre cité les arrêts relevants de la CJUE dont l’arrêt C.118/11, (Eon Aset Menidjmunt OOD) dont il résulte « qu’un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels des éléments constitutifs du prix des biens ou des 3 Page 8 de l’arrêt du 13 janvier 2021 4 CJUE, arrêt du 18 décembre 2007, Frigerio Luigi & C. (C-357/06, Rec._p._I-12311) (cf.

points 28, 29 et disp.) services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent en effet un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti ».

Dans l’arrêt « Ryanair » cité en première instance, la CJUE a admis que les dépenses relatives à des prestations de services de conseil exposées en vue de l’acquisition d’actions d’une société cible devaient être analysées comme étant imputables à l’accomplissement de l’activité économique qui consistait à réaliser des opérations ouvrant droit à déduction et ce alors même que l’activité économique qui devait donner lieu à des opérations taxées n’a pas été réalisée, pour autant que ces dépenses avaient leur cause exclusive dans l’activité économique envisagée.

Les coûts exposés en amont par l’assujetti ne doivent dès lors pas forcément se retrouver dans le prix de vente mis en compte pour les services, comme le soutient l’AEDT, mais il suffit que ces coûts fassent partie du prix de revient desdits services en ce que les dépenses exposées font partie du prix des éléments constitutifs du prix des opérations en aval ouvrant droit à déduction (arrêt Cibo participations du 27 septembre 2001 (C-16/00, considérant 31).

Dans un arrêt du 5 juillet 2018 dans l’affaire C-320-17, la CJUE a réaffirmé clairement qu’il convenait de garantir le droit à déduction de la TVA, sans le subordonner à un critère portant, notamment sur le résultat économique de l’assujetti, conformément aux dispositions de l’article 9, §1, de la directive sur la TVA en vertu desquelles est un assujetti « quiconque exerce d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quelques soient les buts et les résultats de cette activité ».5 L’arrêt entrepris n’a pas correctement analysé la jurisprudence de la CJUE, respectivement l’a analysé de manière incomplète.

Tout d’abord, elle cite l’arrêt C-118/11 Eon Aset Menidjmunt OOD contre Direktor na Direktsia "Obzhalvane I upravlenie na izpalnenieto de manière incomplète. Or, les points pertinents par rapport aux conditions ouvrant le droit à la déduction de la TVA payée en amont, sont les suivants :

« 46 S’agissant d’une opération consistant en l’acquisition d’un service, telle que la location d’un véhicule automobile, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit (arrêt du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, Rec. p. I-10413, point 57 et jurisprudence citée).

47 Un droit à déduction est également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs 5 Page 9 de l’arrêt du 13 janvier 2021 opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services concernés font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt SKF, précité, point 58 et jurisprudence citée).

48 Dans l’un et l’autre cas mentionnés aux points 46 et 47 du présent arrêt, l’existence d’un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de ses activités économiques (arrêt SKF, précité, point 60)6. » De même, dans l’arrêt Ryanair Ltd contre `The Revenue Commissioners7, la CJUE a retenu ce qui suit par rapport au droit à déduction de la TVA en amont:

« 26 Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit.

Le droit à déduction de la TVA grevant l’acquisition de biens ou de services en amont présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 28 et jurisprudence citée).

27 Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 29 et jurisprudence citée). » L’arrêt Cibo Participations SA et Directeur régional des impôts du Nord-Pas-de-

Calais8 cité par la Cour d’appel reprend les mêmes conditions ouvrant droit à déduction de la TVA en amont :

6 Dans le même sens : CJUE arrêt du 30 mai 2013 Staatssecretaris van Financiën contre X BV, C-651/11 7 CJUE arrêt du 17 octobre 2018, C-249/17 8 CJUE arrêt du 27 septembre 2001, C-16/00 « 29 Selon une jurisprudence constante, les articles 2 de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO 1967, 71, p. 1301, ci-après la «première directive»), et 17, paragraphes 2, 3 et 5, de la sixième directive doivent être interprétés en ce sens que, en principe, l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est nécessaire pour qu'un droit à déduction de la TVA en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit (arrêts précités Midland Bank, point 24, et Abbey National, point 26).

30 Il convient en outre de rappeler que, selon le principe fondamental inhérent au système de TVA et résultant des articles 2 des première et sixième directives, la TVA s'applique à chaque transaction de production ou de distribution, déduction faite de la TVA qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix (arrêts précités Midland Bank, point 29, et Abbey National, point 27).

31 Il découle de ce principe ainsi que de la règle selon laquelle, pour ouvrir droit à déduction, les biens ou services acquis doivent présenter un lien direct et immédiat avec les opérations en aval ouvrant droit à déduction que le droit à déduction de la TVA qui a grevé ces biens ou services présuppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci doivent avoir fait partie des éléments constitutifs du prix des opérations en aval ouvrant droit à déduction. Lesdites dépenses doivent donc faire partie des coûts de ces opérations en aval ouvrant droit à déduction qui utilisent les biens et services acquis (voir arrêts précités Midland Bank, point 30, et Abbey National, point 28).

32 Force est de constater qu'il n'existe pas de lien direct et immédiat entre les différents services acquis par un holding dans le cadre d'une prise de participation dans une filiale et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction. En effet, le montant de la TVA payée par le holding sur les dépenses exposées pour lesdits services ne grève pas directement les divers éléments constitutifs du prix de ses opérations en aval ouvrant droit à déduction. Ces dépenses ne font pas partie des coûts des opérations en aval qui utilisent lesdits services.

33 En revanche, les coûts desdits services font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits d'une entreprise. De tels services entretiennent donc en principe un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti (voir arrêts précités BLP Group, point 25; Midland Bank, point 31, et Abbey National, points 35 et 36). » Les mêmes conditions ouvrant droit à déduction de la TVA en amont se retrouvent dans l’affaire C-320/17 Marle Participations SARL contre Ministre de l’Économie et des Finances pour les dépenses faisant partie des frais généraux:

« 43 Or, en premier lieu, il est de jurisprudence constante que les dépenses exposées par une société holding s’immisçant dans la gestion d’une filiale pour les différents services qu’elle a acquis dans le cadre d’une prise de participations dans cette filiale font partie des frais généraux de l’assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix de ses produits, entretenant donc en principe un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de la société holding (arrêts du 27 septembre 2001, Cibo Participations, C-16/00, EU:C:2001:495, point 35, et du 29 octobre 2009, SKF, C-29/08, EU:C:2009:665, point 58). » Cet arrêt cite la définition de l’«assujetti » contenue dans l’article 9 de la directive, mais sans aucune relation avec les conditions requises pour pouvoir déduire la TVA en amont.:

« 20 Aux termes de l’article 9, paragraphe 1, premier alinéa, de ladite directive, est considéré comme un assujetti quiconque exerce, d’une façon indépendante, une activité économique, quels que soient les buts et les résultats de cette activité. » Il existe toutefois des arrêts de la CJUE qui ont retenu que le régime des déductions vise à soulager entièrement l'entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques et que le système commun de TVA garantit, par conséquent, la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, à condition que lesdites activités soient, en principe, elles-mêmes soumises à la TVA.9 Toutes ces affaires avaient trait à des activités préparatoires (acquisition de biens d’équipement ou de terrains, études de rentabilité, etc.) en vue d’opérations économiques projetées qui n’ont jamais été réalisées (problèmes de rentabilité, retrait d’investisseurs, « circonstances étrangères à la volonté de l’assujetti »,..). La CJUE a retenu que, étant donné que les activités économiques au sens de la directive peuvent consister en plusieurs actes consécutifs, les activités préparatoires doivent déjà être imputées aux activités économiques.10 La CJUE a retenu que le principe de la neutralité de la TVA quant à la charge fiscale de l'entreprise exige que les premières dépenses d'investissement effectuées pour les besoins et en vue d'une entreprise soient considérées comme des activités économiques et qu’il serait contraire à ce principe que lesdites activités ne débutent qu'au moment où le revenu taxable prend naissance. Toute autre interprétation de la directive chargerait l'opérateur économique du coût de la TVA dans le cadre de son activité économique sans lui donner la possibilité de la déduire, et distinguerait arbitrairement entre des dépenses d'investissement effectuées avant et pendant l'exploitation effective d'un bien.

9 CJUE arrêts du 14 février 1985, Rompelman, 268/83, point 19; du 15 janvier 1998, Ghent Coal Terminal, C-

37/95, point 15; du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a., C-110/98 à C-147/98, point 44, du 8 juin 2000, Midland Bank, C-98/98, point 19 ; du 8 juin 2000,; du 22 février 2001, Abbey National plc, C-408/98, point 24 10 Dans le même sens: CJUE arrêts Rompelman précité ; du 29 février 1996, INZO, C-110/94 ; du 8 juin 2000, Breitsohl, C-400/98 La CJUE a encore retenu que, dans ce contexte, l'administration fiscale doit prendre en considération l'intention déclarée de l'entreprise.

Il convient d'ajouter, comme la CJUE ľa constaté dans l'arrêt Rompelman précité11, qu'il incombe à celui qui demande la déduction de la TVA d'établir que les conditions pour en bénéficier sont remplies et que l'article 4 ne s'oppose pas à ce que l'administration fiscale exige que l'intention déclarée de commencer des activités économiques donnant lieu à des opérations imposables soit confirmée par des éléments objectifs.

La CJUE a adopté une position similaire en cas de cessation de l’activité économique et elle permet à un assujetti de continuer à faire valoir son droit à déduction de la TVA payée en amont par lui sur les dépenses découlant directement de l’exercice de l’activité économique, pendant le laps de temps strictement nécessaire à l’achèvement des opérations de liquidation.

Cette jurisprudence reflète la volonté d’éviter une distinction arbitraire entre, d’une part, les dépenses effectuées pour les besoins d’une entreprise avant l’exploitation effective de celle-ci et celles effectuées au cours de ladite exploitation et, d’autre part, les dépenses effectuées pour mettre fin à cette exploitation.12 Il y a lieu de souligner que, même dans ces situations très spécifiques liées aux activités préparatoires, voire à la cessation de l’activité, la CJUE a insisté que, pour ouvrir un droit à déduction, les coûts facturés (soumis à la TVA en amont) doivent être des éléments constitutifs du prix des produits de l’entreprise :

- notamment en cas de transmission d’une universalité totale ou partielle de biens :

« Toutefois, les coûts de ces services font partie des frais généraux de l'assujetti et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits d'une entreprise. En effet, même dans le cas d'une transmission d'une universalité totale de biens, lorsque l'assujetti ne réalise plus d'opérations après l'utilisation desdits services, les coûts de ces derniers doivent être considérés comme inhérents à l'ensemble de l'activité économique de l'entreprise avant la transmission.»13 -en cas d’offre publique d’achat portant sur la totalité des actions d’une société, qui n’a été réalisée que partiellement :

11 Point 24 12 CJUE arrêts Abbey National plc précité ; du 3 mars 2005, FINI H, C-32/03 ; du 29 avril 2004, Faxworld, C-

137/02 13 CJUE arrêt Abbey National plc précité, point 35 « Un droit à déduction est cependant également admis en faveur de l’assujetti, même en l’absence de lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de ce dernier et sont, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des biens ou des services qu’il fournit. De tels coûts entretiennent, en effet, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti (arrêt du 14 septembre 2017, Iberdrola Inmobiliaria Real Estate Investments, C-132/16, EU:C:2017:683, point 29 et jurisprudence citée). »14 Dans ses conclusions dans l’affaire Ryanair, l’avocat général Juliane KOKOTT a exposé qu’il découle de la jurisprudence de la CJUE qu’il existe deux sortes de dépenses qui peuvent donner droit à la déduction de la TVA payée en amont : tout d’abord les dépenses présentant un lien direct et immédiat avec certaines opérations en aval lorsqu’elles font partie des éléments constitutifs de leur prix15. D’autre part, la déduction de la taxe payée en amont peut être demandée par une entreprise pour ses frais généraux, qui sont les éléments constitutifs du prix de ses produits.16 Etant donné que l’affaire Ryanair concernait le droit à déduction de la TVA payée en amont pour des activités préparatoires précédant l’acquisition projetée de la totalité des actions d’une autre société, il est intéressant de lire aussi dans les conclusions de l’avocat général : « L’excédent d’impôt préalable décrit ci-dessus ne se produit en outre que pendant la période d’imposition au cours de laquelle a lieu l’acquisition des actions. La situation est différente si les services de gestion sont fournis contre rémunération pendant plusieurs années. »17 Il est partant clair que l’excédent d’impôt préalable ne constitue pas la norme, mais l’exception.

Dans l’arrêt Skatteverket contre AB SKF18, la CJUE a répondu à une question préjudicielle :

« Le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont sur les prestations effectuées pour les besoins d’une cession d’actions est ouvert, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 et 2, de la sixième directive 77/388, telle que modifiée par la directive 95/7, ainsi que de l’article 168 de la directive 2006/112, si un lien direct et immédiat existe entre les dépenses liées aux prestations en amont et l’ensemble des activités économiques de l’assujetti. Il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles se déroulent les opérations en cause 14 CJUE arrêt Ryanair précité 15 CJUE arrêts du 27 septembre 2001, Cibo Participations (C-16/00, EU:C:2001:495, point 31), du 26 mai 2005, Kretztechnik (C-465/03, EU:C:2005:320, point 35), du 29 octobre 2009, AB SKF (C-29/08, EU:C:2009:665, point 57), et du 17 octobre 2013, Iberdrola e.a. (C-566/11, C-567/11, C-580/11, C-591/11, C-620/11 et C-640/11, EU:C:2013:660, point 28) 16 CJUE arrêts du 27 septembre 2001, Cibo Participations (C-16/00, EU:C:2001:495, point 33), du 26 mai 2005, Kretztechnik (C-465/03, EU:C:2005:320, point 37), du 6 septembre 2012, Portugal Telecom (C-496/11, EU:C:2012:557, point 37), et du 17 octobre 2013, Iberdrola e.a. (C-566/11, C-567/11, C-580/11, C-591/11, C-620/11 et C-640/11, EU:C:2013:660, point 29).

17 Point 30 des conlusions de l’avocat général J.Kokott 18 CJUE arrêt du 29 octobre 2009, C-29/08 au principal, si les dépenses encourues sont susceptibles d’être incorporées dans le prix des actions vendues ou si elles font partie des seuls éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques de l’assujetti. » Il découle de cet arrêt qu’il appartient à la juridiction de renvoi (c’est-à-dire au juge national) de vérifier si les dépenses (pour lesquelles la TVA a été payée en amont) sont susceptibles d’être incorporées dans le prix des biens ou des services vendus, ou si elles font partie des éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques de l’assujetti.

Dans la mesure où, dans l’arrêt dont pourvoi, aucune des parties n’a contesté que X) effectue à la fois des opérations économiques soumises à la TVA et des activités non économiques non soumises à la TVA19, un autre arrêt rendu par la CJUE dans l’affaire University of Cambridge20 a son importance en ce qui concerne les frais généraux ouvrant éventuellement un droit à déduction :

« 31 Certes, le fait que des coûts soient encourus pour l’acquisition d’une prestation dans le cadre d’une activité non économique n’exclut pas, à lui seul, que ces derniers ouvrent droit à déduction dans le cadre de l’activité économique de l’assujetti, dans la mesure où ils sont incorporés dans le prix des opérations particulières effectuées en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l’assujetti dans le cadre de cette activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 26 mai 2005, Kretztechnik, C-465/03, EU:C:2005:320, point 36).

32 Toutefois, en l’occurrence, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, d’une part, les frais afférents à la gestion des dons et des dotations placés dans le fonds concerné ne sont pas incorporés dans le prix d’une opération particulière effectuée en aval. D’autre part, dans la mesure où il ressort de ce dossier que l’université de Cambridge est un établissement d’enseignement à but non lucratif et que les frais en question sont exposés afin de générer des ressources qui sont utilisées pour couvrir des coûts de l’ensemble des opérations effectuées en aval par cette université, lesquelles ressources permettent, ainsi, de diminuer les prix des biens et des services fournis par cette dernière, ces frais ne sauraient être considérés comme étant des éléments constitutifs de ces prix et, partant, ne font pas partie des frais généraux de ladite université. Dès lors qu’il n’existe, en l’occurrence, de lien direct et immédiat ni entre lesdits frais et une opération particulière effectuée en aval ni entre ceux-ci et l’ensemble des activités de l’université de Cambridge, la TVA afférente aux mêmes frais n’est, en tout état de cause, pas déductible.

33 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l’article 168, sous a), de la directive TVA doit être 19 Cf. jugement de première instance rendu par le tribunal d’arrondissement en date du 1er juin 2016, confirmé en appel 20 CJUE arrêt du 3 juillet 2019, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs contre The Chancellor, Masters and Scholars of the University of Cambridge, C-316/18 interprété en ce sens qu’un assujetti exerçant tant des activités soumises à la TVA que des activités exonérées de cette taxe, qui investit les dons et les dotations qu’il reçoit en les plaçant dans un fonds, et qui utilise les revenus générés par ce fonds pour couvrir des coûts de l’ensemble de ces activités, n’est pas autorisé à déduire, au titre des frais généraux, la TVA acquittée en amont et afférente aux frais liés à ce placement. » Il appartient dès lors aux juridictions (nationales) de vérifier si les frais invoqués par l’assujetti comme ouvrant un droit à la déduction de la TVA payée en amont peuvent être considérés comme étant des éléments constitutifs des prix des biens et services fournis en aval. Seulement si tel est le cas, ils peuvent être considérés comme frais généraux présentant un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti.

Dans l’arrêt dont pourvoi, la Cour d’appel a rappelé l’objet du litige avant de résumer la position des parties :

« Au cours des années 2004 et 2005, la société X) s’est vu facturer par la société A) des prestations en amont pour des montants supérieurs à ce que X) a facturé en aval aux sociétés d’investissement et immobilières. Le montant de la TVA auto-liquidée en amont étant supérieur à la TVA collectée en aval il en résulte pour la société X) un excédent de TVA dont elle demande le remboursement.

L’AEDT conteste le droit à déduction de la TVA facturée sur les prestations de la société A) SAS, filiale française du groupe, en soulevant l’absence d’un lien direct et immédiat entre les services reçus et les services prestés.

Invoquant l’article 48 de la loi sur la TVA et la jurisprudence de la CJUE, elle fait valoir que s’agissant d’une opération consistant dans l’acquisition d’un service, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est en principe nécessaire pour qu’un droit à déduction soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit.

Même si en l’absence d’un tel lien, le droit à déduction serait tout de même admis dans le cas où les coûts des services concernés font partie des frais généraux de l’assujetti, elle soutient qu’il serait dans les deux cas indispensable que le coût des prestations en amont soit incorporé dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des services fournis par l’assujetti dans le cadre de son activité économique.

L’AEDT admet qu’il y a eu affectation des biens et services acquis en amont à une activité en aval soumise à TVA mais uniquement à concurrence de la valeur des biens et services refacturés aux sociétés d’investissement immobilier.

L’intimée objecte qu’il n’est, aux termes de la jurisprudence de la CJUE, pas requis que les frais encourus pour les services en amont se retrouvent dans le prix de vente des services en aval, mais qu’il suffit qu’ils soient en relation avec l’activité économique en aval et fassent de ce fait partie des coûts facturés en aval. La notion d’activité serait plus large que la seule inclusion des coûts en amont dans les factures en aval.

Elle invoque encore la jurisprudence de la CJUE pour soutenir que le droit au remboursement de la TVA serait par ailleurs indépendant du résultat de l’entreprise et ne serait pas lié à l’existence d’une exploitation bénéficiaire. » La Cour d’appel a pris position comme suit:

« La Cour fait siens les développements juridiques des juges de première instance dans leur décision du 1er juin 2016 relatifs au droit à déduction du coût de la TVA d’un assujetti partiel exerçant à la fois une activité relevant du champ d’application de la TVA et une activité non économique exclue de ce champ.

Elle approuve encore les juges du tribunal d’avoir relevé qu’il n’y avait en l’espèce pas de différend entre parties sur la question de savoir si les frais facturés par la société A) SAS étaient à considérer comme étant liés à l’activité de gestion relevant du champ d’application de la TVA, puisque l’AEDT a admis en ouvrant le droit à déduction à concurrence de la valeur des refacturations que les prestations en question ont bien servi aux besoins des sociétés d’investissement immobilières, mais que le différend portait uniquement sur la valeur des prestations acquises au-delà de la valeur refacturée. » Suivent les citations des arrêts de la CJUE repris par la Cour d’appel, qui sont cités ci-

dessus. La Cour d’appel en conclut :

«L’argument tiré de la disproportion entre la TVA payée en amont et la TVA facturée en aval n’est dès lors pas pertinent.

Le rapport K) ayant conclu que les prestations acquises par la société X) auprès de la société A) SAS en amont sont, dans leur intégralité, en lien direct et immédiat avec sa propre activité en aval, le tribunal a à juste titre considéré que X) était en droit de porter la TVA payée en amont en déduction de la TVA facturée en aval, sous réserve que soit analysé si le chiffre d’affaire généré par X) en aval se trouve intégralement en lien avec son activité économique taxable ou s’il se trouve en partie en lien avec une activité soustraite au champ d’application de la TVA auquel cas il y avait lieu à application d’un prorata de déduction.

Quant à la critique de l’appelante suivant laquelle l’expert se serait limité à examiner en amont les relations entre la société A) SAS et la société X) mais aurait omis d’examiner en aval les relations entre X) et ses clients, pour vérifier si les prestations acquises en amont par X) sur la société A) SAS ont servi à prester des services soumis à TVA en aval, les juges de première instance ont relevé que bien que cet aspect ne figure pas expressément dans sa mission, l’expert a néanmoins traité cette question dans un chapitre de son rapport pour mettre en évidence le différentiel important entre les frais encourus par X) et les revenus perçus en aval.

Cette constatation ne l’a pas empêché de conclure à la réalité de la correspondance entre les prestations acquises et les prestations fournies par X).

Les jugements des 1er juin 2016 et 13 juin 2018 sont partant à confirmer en ce que le tribunal a retenu que la société X) est en droit de porter en déduction l’intégralité de la TVA acquittée sur les prestations acquises de la société A) SAS (sous réserve du calcul du prorata).» Il ressort de cette motivation que l’arrêt entrepris a relevé que l’expert a « mis en évidence le différentiel important entre les frais encourus par X) et les revenus perçus en aval » et que « cette constatation ne l’a pas empêché de conclure à la réalité de la correspondance entre les prestations acquises et les prestations fournies par X) ».

En se limitant à ces constatations, la Cour d’appel a omis de vérifier si les frais encourus par X) et soumis à la TVA en amont ont servi à fournir des prestations relevant d’une activité économique tombant dans le champ d’application de la TVA en aval. Elle a également omis de vérifier si ces frais étaient des éléments constitutifs des prix des prestations fournies en aval.

L’arrêt attaqué contient partant des constatations de fait incomplètes et ne permet pas à votre Cour d’exercer son contrôle sur l’application du droit. Ce contrôle fait l’objet du premier moyen.

Au vu de l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit21, le deuxième moyen tiré du défaut de base légale au regard de l’article 48 de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée, est fondé.

Sur la demande subsidiaire :

Etant donné que le deuxième moyen de cassation est fondé, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de renvoi préjudiciel devant la CJUE.

Conclusion Le pourvoi est recevable et fondé.

21 Jacques et Louis Boré, La cassation en matière civile, Dalloz, 5e éd. 2015/2016, n° 78.21, page 429 Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 23


Synthèse
Numéro d'arrêt : 43/22
Date de la décision : 17/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-17;43.22 ?

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