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17/03/2022 | LUXEMBOURG | N°40/22

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 mars 2022, 40/22


N° 40 / 2022 du 17.03.2022 Numéro CAS-2021-00011 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Isabelle JUNG, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

R), demandeur en cassation, comparant par Maître

Radu DUTA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la société de droi...

N° 40 / 2022 du 17.03.2022 Numéro CAS-2021-00011 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-sept mars deux mille vingt-deux.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Joëlle DIEDERICH, conseiller à la Cour d’appel, Isabelle JUNG, avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

R), demandeur en cassation, comparant par Maître Radu DUTA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

la société de droit suédois X) AB, défenderesse en cassation, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée par le gérant, la société à responsabilité limitée KLEYR GRASSO GP, représentée aux fins de la présente instance par Maître Christian JUNGERS, avocat à la Cour.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 116/20 - VIII - Travail, rendu le 22 octobre 2020 sous le numéro CAL-2019-00262 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 28 décembre 2020 par R) à la société de droit suédois X) AB, (ci-après « la société X) ») déposé le 17 février 2021 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 24 février 2021 par la société X) à R), déposé le 26 février 2021 au greffe de la Cour ;

Vu la rupture du délibéré du 14 janvier 2022 ;

Sur les conclusions de l’avocat général Isabelle JUNG.

Sur la recevabilité du pourvoi Aux termes de l’article 10, alinéa 1, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la partie demanderesse en cassation, pour introduire son pourvoi, devra, sous peine d’irrecevabilité, dans les délais prescrits à l’article 7 de la même loi, déposer au greffe de la Cour supérieure de justice un mémoire signé par un avocat à la Cour et signifié à la partie adverse.

Aux termes de l’article 7 de la même loi, le délai pour l’introduction du recours en cassation, qui courra pour les arrêts et jugements contradictoires du jour de la signification ou de la notification à personne ou à domicile, et pour ceux par défaut, du jour de l’expiration du délai pour y former opposition, est fixé à deux mois pour la partie demanderesse en cassation qui demeure dans le Grand-Duché.

Il ressort des pièces de procédure que l’arrêt du 22 octobre 2020 a été signifié le 5 novembre 2020 au demandeur en cassation en personne qui demeure au Grand-

Duché de Luxembourg.

Le délai pour déposer au greffe de la Cour supérieure de justice le mémoire en cassation a partant expiré le 5 janvier 2021.

Le dépôt du mémoire en cassation au greffe de la Cour supérieure de justice date du 17 février 2021.

Il s’ensuit que le pourvoi est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à la charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi irrecevable ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple KLEYR GRASSO, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence de l’avocat général Isabelle JUNG et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation R) c/ la société de droit suédois X) AB (Affaire n° CAS 2021-00011 du registre) Par mémoire signifié le 28 décembre 2020 à la société de droit suédois X) AB et déposé le 17 février 2021 au greffe de votre Cour, R) a formé un pourvoi en cassation contre un arrêt numéro n° 116/20 du 22 octobre 2020 rendu contradictoirement par la Cour d’appel, huitième chambre, siégeant en matière de droit du travail et en instance d’appel, sous le numéro CAL-2019-00262 du rôle.

L’arrêt attaqué a été signifié le 30 octobre 2020 tel que cela ressort de la pièce n°1 versée par la partie demanderesse en cassation.

Le pourvoi en cassation a été interjeté dans les délais prévus par la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation. Le pourvoi répond encore aux conditions de forme prévues par cette loi.

Faits et rétroactes Par une première requête du 12 mars 2018, R), considérant qu’il aurait effectué son travail en qualité de « Chief Marketing Officer » sur le territoire luxembourgeois et que son employeur aurait volontairement omis de se conformer aux règles de droit du travail applicables, a fait convoquer la société de droit suédois X) AB devant le Tribunal du travail de Luxembourg pour la voir condamner à déclarer tous les mois auprès des organismes sociaux compétents les informations relatives à l’assiette cotisable et verser les cotisations afférentes, à lui payer le montant de 5.000 + p.m. euros au titre du dommage matériel et moral subi du chef du refus abusif de ce faire, le montant de 30.000 + p.m. euros au titre du dommage subi du chef de harcèlement moral sur le lieu de travail, le montant de 10.000 euros + p.m. au titre du remboursement de frais de déplacement professionnel et une indemnité de procédure de 2.000 euros.

Suite à cette première requête, R) a encore fait convoquer la société de droit suédois X) AB par requête du 10 aout 2018 devant le Tribunal du travail de Luxembourg pour voir dire qu’il a fait l’objet d’un licenciement abusif sinon irrégulier et la voir condamner à lui payer une indemnité pour préjudice moral subi, une indemnité pour préjudice matériel subi, une indemnité pour préavis non respecté, une indemnité pour irrégularité formelle du licenciement intervenu et une indemnité de procédure. Il a encore demandé la condamnation de la société de droit suédois X) AB à lui fournir sous peine d’astreinte les fiches de salaire de mai à septembre 2016, le certificat de travail et l’attestation patronale U1 pour l’année 2016.

Par décision du 28 janvier 2019, le Tribunal du travail a, après avoir déclaré les demandes de R) recevables en la forme, ordonné la jonction des affaires introduites par requête du 12 mars 2018 et par requête du 10 août 2018 et donné acte aux parties au litige qu’elles limitaient les débats à la question de la compétence territoriale du Tribunal du travail de Luxembourg pour connaître des demandes du requérant, s’est déclaré territorialement incompétent pour connaître des demandes au motif que R) est lié à la société de droit suédois X) AB qui a son siège en Suède par un contrat de travail prévoyant un lieu de travail en Suède et qu’il est resté en défaut de prouver le moindre travail effectif presté au Luxembourg.

R) a régulièrement relevé appel du prédit jugement par acte d’huissier du 22 février 2019, demandant à la Cour, par réformation du jugement entrepris, de dire que le Tribunal du travail de Luxembourg est territorialement compétent pour juger le litige introduit suivant requêtes des 12 mars 2018 et 10 août 2018 et de renvoyer les affaires devant les juges de première instance afin de statuer sur le fond du litige.

Par un arrêt contradictoirement rendu et portant la date du 22 octobre 2020, la Cour d’appel, huitième chambre siégeant en matière de droit du travail a déclaré les appels principal et incident recevables en la forme, dit qu’il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne, dit les appels non fondés, dit non fondées les demandes respectives des parties en obtention d’une indemnité de procédure et a condamné R) aux frais et dépens de l’instance d’appel.

Le pourvoi en cassation est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation Le premier moyen de cassation est tiré « de la violation de l’article 1315, alinéa 2 du Code civil soit des principes « actori incubit probatio » et « reus in excipiendo fit actor » découlant de cette disposition, en ce que dans son arrêt du 22 octobre 2020, la Cour d’appel a systématiquement rejeté les preuves versées par la partie requérante visant à rapporter la preuve de l’exercice de son activité professionnelle au Luxembourg, alors qu’il suffit à la partie défenderesse de les contester : « Face aux contestations de l’employeur, il appartient au salarié d’établir que le lieu de travail habituel se situait au Luxembourg » et a retenu que « force est de constater que le salarié ne verse pas la preuve qu’il a effectué de manière effective et habituelle son travail à partir du Luxembourg » au motif que « les quelques courriels datant de décembre 2017 et de mi- à fin février 2018 ne font certainement pas l’objet d’une traduction assermentée, mais il m’en résulte de toute façon pas qu’ils aient été rédigés au Luxembourg et, même si tel avait été le cas, il ne sauraient suffire à établir que le salarié a travaillé la majeure partie du temps au Luxembourg » et que « de même les tickets d’avion datant d’avant novembre 2017 manquent de pertinence alors qu’il n’est même pas allégué que l’employeur ait donné son accord à un changement de lieu de travail avant cette date. Si les tickets d’avion postérieurs et les factures d’hôtel démontrent l’existence de quelques déplacements des salariés entre le Luxembourg et la Suède, il n’en résulte pas pour autant que le salarié a effectivement travaillé la plupart du temps au Luxembourg. » alors qu’en statuant ainsi, le Cour d’appel a méconnu l’article susvisé et a entaché sa décision par fausse interprétation de la loi ».

Dans son premier moyen, la demanderesse en cassation critique une violation des règles de la charge de la preuve définies par l’article 1315 du Code civil. Ces règles auraient été méconnues en ce que la Cour d’appel aurait imposé à l’appelant « la preuve absolue et impossible de la localisation physique de son activité en dépit de toutes les preuves importantes et concordantes en ce sens, qu’en présence d’autant d’éléments concordants dans l’exercice de la majorité de l’activité professionnelle au Luxembourg, il fut insensé de requérir la preuve de prestations intellectuelles par définition non localisables sans imposer à la partie défenderesse de rapporter la preuve en sens contraire aux termes de l’article 1315 al.

2 du Code civil, à qui il suffit de se borner à contester ».

Le demandeur en cassation reproche donc aux juges d’appel d’avoir procédé à tort à un renversement de la charge de la preuve au détriment du salarié.

En réalité, la huitième chambre de la Cour d’appel, appréciant les éléments de preuve versés à l’appui des moyens de l’une et l’autre partie au litige, a constaté qu’à la base des relations entre le demandeur et le défendeur en cassation, il existait un contrat de travail signé le 9 mai 2017 prévoyant comme lieu de travail habituel la ville de Stockholm. Cette clause instaure une présomption simple permettant d’admettre que le lieu de travail du salarié est bien celui indiqué dans le contrat de travail signé par lui.

A partir du moment où le salarié met en doute la réalité du lieu de travail habituel, il lui appartient de rapporter la preuve que son lieu de travail est ailleurs, avec toutes les conséquences éventuelles qui en découlent, comme en l’espèce, l’application du droit du travail luxembourgeois à l’exécution d’un contrat de travail signé et, a priori, exécuté en vertu du droit du travail suédois.

La Cour d’appel a dans sa décision du 22 octobre 2020, examiné les pièces et les autres éléments invoqués par l’employeur et le salarié au regard du Règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, que ce soit, entre autres, le contrat de travail signé le 9 mai 2017, le certificat de travail permettant au salarié d’effectuer partiellement ses tâches par télétravail, le certificat de résidence établi par la ville de Luxembourg, les courriels envoyés par l’employeur au demandeur en cassation, l’affiliation du salarié au Centre Commun de la Sécurité Sociale (ci-après « CCSS »), les réclamations adressées par l’employeur au CCSS, les billets d’avion datant de novembre 2017 et les attestations testimoniales, pour arriver à la conclusion « que, sur l’ensemble de la période d’activité du salarié employé du 9 mai 2017 au 31 juillet 2018, le salarié a accompli la majeure partie de son travail en Suède. Il accomplissait dès lors habituellement son travail en Suède, au sens de l’article 21 du Règlement (UE) no 1215/2012 précité. ».

Sur base de ces constatations souveraines qui impliquent une appréciation des faits et éléments de preuve, constatations qui échappent au contrôle de votre Cour, les juges d’appel ont confirmé la décision du juge de première instance tendant à se déclarer territorialement incompétent pour connaître du litige puisque le demandeur en cassation n’a pas réussi à rapporter la preuve que son lieu de travail habituel était situé au Grand-

Duché de Luxembourg. Pour arriver à cette conclusion, la Cour d’appel a correctement appliqué les règles de l’administration de la preuve sans inverser la charge de celle-ci ou d’exiger la preuve d’un fait négatif.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Quant au second moyen de cassation pris en ses deux branches Le second moyen de cassation, subdivisé en deux branches, est tiré « de la violation des articles 6, alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 89 de la Constitution et 249 du NCPC prévoient notamment que chacun a droit à un procès équitable et que toute décision doit être motivée, en ce que dans son arrêt du 22 octobre 2020, la Cour d’appel n’a pas pris en compte l’ensemble des pièces versées en se bornant à relativiser les courriels pourtant très éloquents versés en cause (pièces n°13 et 14) aux motifs qu’ils n’auraient pas été traduits par un traducteur assermenté (alors qu’elles ont toutes été effectuées pas un traducteur professionnel, à savoir l’agence de traduction assermentée

___, ayant son siège social à

___ MOSCOU (RU),

___) : « les pièces contestées ne faisant pas l’objet d’une traduction par un traducteur assermenté ne sauraient dès lors être prises en considération qu’avec la plus grande circonspection », aux motifs que « il y a lieu de relever que, non seulement, il m’ont pas fait l’objet d’une traduction assermentée mais que de toute façon il n’en résulte pas une volonté non équivoque de l’employeur d’accepter un changement du lieu de travail du salarié vers le Luxembourg dans la mesure où par courriel du 23 novembre 2017, il s’oppose à prendre en charge toute augmentation des coûts en raison d’une éventuelle résidence du salarié au Luxembourg », alors qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a méconnu les articles susvisés et a entaché sa décision par violation sinon fausse interprétation de la loi.

première branche, de défaut de motif, deuxième branche, de défaut de prise en considération de pièces produites au débat ».

Dans son moyen de cassation, la partie demanderesse, reproche aux juges de ne pas avoir donné de motivation par rapport aux pièces 13 et 14 invoquées par le demandeur en cassation dans le cadre du litige (première branche) et de ne pas avoir pris en considération lesdites pièces « mis à part des considérations d’ordre général » (deuxième branche).

Même s’il est constant que les juges doivent répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis1, ils ne sont tenus de répondre qu’aux véritables moyens, non aux simples arguments ou allégations ou même aux pièces versées. Aucun doute ne doit subsister sur l’intention de la partie de tirer un moyen du fait qu’elle allègue 2.

En outre, il y a lieu de rappeler que la motivation d’une décision et sa réponse à un chef de conclusions peuvent être implicites et se dégager, par le raisonnement, de l’ensemble de la décision ou des motifs explicites donnés à l’appui d’autres chefs 3. Il est même admis que la motivation d’une décision et la réponse aux conclusions du demandeur au pourvoi peuvent résulter d’une référence à une précédente décision rendue entre les mêmes parties à l’occasion du même litige4 et que le défaut de motifs étant un vice de forme, une réponse, même incomplète, suffit à l’écarter 5. Dans le même ordre d’idées, votre Cour rappelle régulièrement dans le cadre du défaut de motifs, que les juges d’appel ne sont pas tenus d’examiner dans tous les détails l’argumentation développée et les pièces versées6.

Dans le cas d’espèce, force est de constater que la partie demanderesse propose une lecture très sélective de l’arrêt d’appel et qu’en réalité, les juges d’appel ont analysé l’ensemble des éléments fournis par les parties au litige afin d’assoir leur décision, y compris les courriels7 versés en cause :

« En l’occurrence, l’employeur a son siège en Suède et le contrat de travail prévoyait comme lieu de travail Stockholm, en Suède, tout en précisant que le salarié serait amené à voyager en Suède et à l’étranger. Les parties n’ont signé aucun avenant au contrat de travail prévoyant un changement du lieu de travail vers le Grand-Duché de Luxembourg.

Il n’est pas contesté qu’au courant de l’été 2017, l’employeur a transféré son siège social à Köping en Suède.

Dans un document intitulé « Certificate of Employment » du 23 novembre 2017 l’employeur a certifié, à la demande du salarié, que celui-ci effectuait ses tâches au 1 1 J. et L. BORE, La cassation en matière civile, édit. 2015/2016, n° 77.160 2 J. et L. BORE, ouvrage précité n°77.171, n° 77.200 4 Cass. 3 mai 2001, n° 33/01 4 J. et L. BORE, ouvrage précité, édit. 2015/2016, n° 77.243 5 J. et L. BORE, ouvrage précité n° 77.221 6 Cass. 7 mai 2020, n°67/2020; Cass. 17 novembre 2016, n°88/16 7 Pièces n°13 et 14 de la farde versée par le demandeur en cassation à l’appui de ses moyens d’appel.

moins deux jours par semaine à Köping et que pour les trois jours restants, « he has the option of working out of another place ».

Il découle de ce certificat que le travail du salarié était compatible avec des prestations effectuées à distance et que le salarié était autorisé à effectuer partiellement ses tâches par télétravail. Le fait que le salarié était autorisé à travailler trois jours par semaine depuis son domicile n’est par ailleurs pas contesté par l’employeur.

Contrairement à ce que fait plaider le salarié, il ne résulte cependant pas des éléments du dossier que l’employeur a donné son accord à un transfert au Luxembourg du lieu de travail de son salarié. En effet, le certificat n’indique pas l’endroit à partir duquel le salarié était autorisé à effectuer son travail pendant trois jours par semaine.

Suivant un certificat de résidence établi par la Ville de Luxembourg, le salarié est inscrit depuis le 6 juillet 2017 à Luxembourg. Or, il résulte d’un extrait du registre de la population suédois que le salarié n’a émigré de Stockholm à Luxembourg que le 19 décembre 2017, soit quelques semaines après l’émission du prédit certificat par l’employeur.

L’affirmation de l’employeur que le certificat a été établi en considération du fait que le salarié habitait à Stockholm est corroborée par les déclarations faites par L), « Head of HR », dans son attestation testimoniale versée en cause.

En ce qui concerne les différents courriels auxquels le salarié se réfère, il y a lieu de relever que non seulement ils n’ont pas fait l’objet d’une traduction assermentée, mais que de toute façon, il n’en résulte pas une volonté non équivoque de l’employeur d’accepter un changement du lieu du travail du salarié vers le Luxembourg dans la mesure où, par courriel du 23 novembre 2017, il s’oppose à prendre en charge toute augmentation des coûts en raison d’une éventuelle résidence du salarié au Luxembourg.

Ces éléments ne suffisent dès lors pas à établir l’accord de l’employeur de voir transférer le lieu de travail du salarié au Luxembourg.

En ce qui concerne l’affiliation du salarié auprès du CCSS, à laquelle l’employeur a procédé en date du 12 janvier 2018 pour la période du 19 décembre 2017 au 31 juillet 2018, elle ne saurait en aucun cas constituer une preuve suffisante du lieu de travail habituel du salarié qui doit s’apprécier selon les critères factuels dégagés ci-avant.

L’affiliation ne saurait pas non plus constituer un aveu extrajudiciaire par l’employeur en ce qui concerne le lieu de travail du salarié étant donné qu’il n’est pas établi qu’elle a été effectuée en toute connaissance de cause par une personne habilitée à engager l’employeur, ce d’autant moins au vu des attestations testimoniales de C) et L).

Il s’y ajoute que, suite aux multiples réclamations du mandataire de l’employeur, le CCSS a finalement pris la décision d’annuler l’affiliation du salarié aux régimes de sécurité sociale luxembourgeois pour la période du 19 décembre 2017 au 31 juillet 2018.

Par ailleurs, il résulte de l’attestation testimoniale de C) que pendant toute cette période l’employeur a payé les cotisations sociales du salarié en Suède.

Les éléments du dossier ne permettent dès lors pas de retenir l’accord clair et non équivoque des parties que le salarié exercerait de façon stable et durable ses activités à son domicile au Luxembourg.

Face aux contestations de l’employeur, il appartient au salarié d’établir que son lieu de travail habituel se situait au Luxembourg. La jurisprudence invoquée par le salarié, concernant un renversement de la charge de la preuve en cas de contrat de travail prétendument fictif, ne saurait être transposée au présent cas.

Le fait que l’ADEM ait fini par reconnaître le droit du salarié à des prestations de chômage au Luxembourg n’est pas de nature à établir que le lieu de travail habituel au sens de l’article 21 du Règlement (UE) no 1215/2012 précité se situait au Luxembourg.

Force est de constater que le salarié ne verse pas de preuve qu’il a effectué de manière effective et habituelle son travail à partir du Luxembourg.

En effet, les quelques courriels datant de décembre 2017 et de mi- à fin février 2018 ne font non seulement pas l’objet d’une traduction assermentée, mais il n’en résulte de toute façon pas qu’ils aient été rédigés au Luxembourg et, même si tel avait été le cas, ils ne sauraient suffire à établir que le salarié a travaillé la majeure partie du temps au Luxembourg.

De même, les tickets d’avion datant d’avant novembre 2017 manquent de pertinence alors qu’il n’est même pas allégué que l’employeur ait donné son accord à un changement du lieu de travail avant cette date. Si les tickets d’avion postérieurs et les factures d’hôtel démontrent l’existence de quelques déplacements du salarié entre le Luxembourg et la Suède, il n’en résulte pas pour autant que le salarié a effectivement travaillé la plupart du temps au Luxembourg.

Il résulte de l’attestation testimoniale de L) que le salarié était en congé de maladie de décembre 2017 à fin janvier 2018. Suivant un courrier du mandataire de l’employeur à celui du salarié en date du 15 février 2018, l’employeur a annulé son autorisation donnée en novembre 2017 au salarié d’exécuter pour partie sa prestation de travail depuis son domicile et indiqué que le salarié devait, à partir du 19 février 2018, effectuer tout son travail à Köping. Suivant courrier du 2 mars 2018, le salarié a été dispensé de travailler à partir de cette date pendant le reste de son préavis courant, d’après l’employeur, jusqu’au 31 juillet 2018.

Il en découle que, sur l’ensemble de la période d’activité du salarié employé du 9 mai 2017 au 31 juillet 2018, le salarié a accompli la majeure partie de son travail en Suède.

Il accomplissait dès lors habituellement son travail en Suède, au sens de l’article 21 du Règlement (UE) no 1215/2012 précité.

Le jugement est partant à confirmer en ce qu’il a retenu que les juridictions du travail luxembourgeoises sont incompétentes pour connaître du litige. ».

Ainsi, la soussignée considère que la motivation des juges d’appel reproduite dans le cadre de l’unique moyen de cassation invoqué par les parties demanderesses répond de manière suffisante aux moyens exposés par la partie demanderesse en cassation.

A titre principal, le second moyen de cassation, pris en ses deux branches, en ce qu’il est tiré de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 89 de la Constitution et 249 du Nouveau code de procédure civile, manque en fait en raison de la lecture très sélective de la décision attaquée.

Subsidiairement, le second moyen n’est pas fondé alors qu’il ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond qui apprécient l’ensemble des éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties et qui leur permet, dans le cas d’espèce, de déterminer le lieu de travail habituel d’un salarié comme cela a été développé dans le cadre du premier moyen de cassation.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable mais il est à rejeter.

Pour le Procureur général d’État L’avocat général Isabelle JUNG 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40/22
Date de la décision : 17/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-17;40.22 ?

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