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08/03/2022 | LUXEMBOURG | N°46895C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 mars 2022, 46895C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46895C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46895 Inscrit le 13 janvier 2022

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Audience publique du 8 mars 2022 Appel formé par Madame (U)et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 décembre 2021 (n° 44638 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 46895C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 13 janvier 2022 par Maître Patrice MBONYUMUTWA, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Madam...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46895C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46895 Inscrit le 13 janvier 2022

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Audience publique du 8 mars 2022 Appel formé par Madame (U)et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 décembre 2021 (n° 44638 du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 46895C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 13 janvier 2022 par Maître Patrice MBONYUMUTWA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Madame (U), née le … à … (Burundi), agissant en son nom propre ainsi qu’en sa qualité de représentante légale de son fils mineur (B), né le … à … (Rwanda), 2) Monsieur (C), fils majeur de Madame (U), né le … à …, et 3) Monsieur (D), fils majeur de Madame (U), né le …à …, tous de nationalité rwandaise, demeurant ensemble à L-… …, … …, dirigée contre le jugement rendu le 15 décembre 2021 (n° 44638 du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 5 juin 2020 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 février 2022;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marie MALDAGUE, en remplacement de Maître Patrice MBONYUMUTWA, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 mars 2022.

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Le 11 janvier 2019, Madame (U), accompagnée de ses enfants mineurs (D) et (B), ainsi que de son fils majeur, Monsieur (C), ci-après dénommés les « consorts (U) », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », des demandes de protection internationale 1au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Madame (U) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police judiciaire, section criminalité organisée -

police des étrangers, dans un rapport du même jour. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans le système VIS, que les intéressés étaient titulaires de visas touristiques pour le Luxembourg, délivrés par les autorités belges et valables du 23 décembre 2018 au 22 janvier 2019.

En date des 12 et 18 mars 2019, Madame (U) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Les 12 mars et 15 mai 2019, Monsieur (C) fut, à son tour, entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 5 juin 2020, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 10 juin 2020, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », informa les consorts (U) que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme étant non fondées sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Ladite décision est libellée comme suit : « (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 11 janvier 2019 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Madame, vous êtes accompagnée de vos deux enfants mineurs (D), né le …à …/Rwanda et (B), né le … à …/Rwanda, tous les deux de nationalité rwandaise.

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 11 janvier 2019, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 12 et 18 mars 2019 Madame et votre rapport d'entretien du 12 mars et du 15 mai 2019 Monsieur sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Madame, il résulte de vos déclarations que vous seriez de nationalité rwandaise et d'ethnie « Tutsi ». Vous seriez née au Burundi où vous auriez fréquenté l'école et où vous vous seriez mariée avant de retourner à … au Rwanda « après la guerre » en 1994 (p.2/21 du rapport d'entretien). Vous seriez propriétaire de la société « (N) » depuis 2013, située à …. La société « donne des services de décoration ou de matériel, comme des chaises, des tables, des lumières, des tentes. Je livre aussi des boissons, et quelques fois des gâteaux pour le déjeuner » (p.2/21 du rapport d'entretien). Parmi vos clients auraient figuré divers ministères, l'administration de l'aéroport et des particuliers.

2Madame, vous déclarez que vous auriez fourni du matériel pour des événements à la famille de (F) en 2015 et en 2017. Des agents du « Rwanda Investigation Board [Rem.: Bureau] » (ci-après dénommé « RIB ») (p.19/21 de votre rapport d'entretien Madame) vous auraient contactée à de maintes reprises pour savoir « pourquoi je donne service à cette famille » (p.10/21 de votre rapport d'entretien Madame). En novembre 2017, un des agents vous aurait aussi demandée un service, en effet « j'ai décoré pour la dote de sa sœur » (p.10/21 de votre rapport d'entretien Madame). En décembre 2018, la famille (F) aurait voulu organiser un événement pour fêter la libération de prison de certains membres de la famille, raison pour laquelle elle aurait sollicité vos services afin de mettre à disposition le matériel et les boissons.

Les agents du RIB auraient contacté votre fils en date du 17 décembre 2018 et exigé que vous et votre fils mettiez du poison dans les boissons de (F) et de sa mère afin de les tuer. Vous auriez eu une entrevue avec les agents du RIB dans le restaurant « (M) » où ces derniers vous auraient remis « un petit sachet de poudre blanche et une petite bouteille avec du liquide. On nous a montré qu'il fallait injecter avec une seringue le poison dans la bouteille d'eau ou de Fanta » (p.14/21 de votre rapport d'entretien Madame). Vous auriez prétendu accepter de les aider pour votre propre sécurité, mais vous n'auriez pas eu l'intention de mettre en œuvre les plans. Vous auriez à ce moment déjà su que vous alliez partir au Luxembourg en vacances.

Madame, vous êtes venue au Luxembourg le 23 décembre 2018 munie d'un visa touristique, avec trois de vos cinq enfants « pour visiter les marchés de noël […] faire du shopping pour les habits ». Vous auriez aussi voulu « visiter des sociétés qui font des événements […] on voulait voir ce qu'il y a de nouveau ici » (p.7/21 du rapport d'entretien).

En date du 27 décembre 2018, votre époux vous aurait téléphonée pour vous dire que le RIB serait à votre recherche « pour me demander des explications » (p.17/21 de votre rapport d'entretien Madame). Une de vos connaissances qui travaille pour le RIB aurait montré un mandat d'amener à votre époux et cette personne vous aurait conseillée de ne plus retourner au Rwanda. De peur d'être tuée et pour protéger vos enfants, vous auriez décidé de rester au Luxembourg et d'y introduire une demande de protection internationale.

Madame, vous ajoutez que votre oncle aurait été arrêté parce qu'il se serait bagarré dans son quartier en état d'ivresse. Il aurait par la suite été tué en prison pour avoir agressé un policier.

Vous mentionnez en outre que votre frère aurait été frappé par des personnes non autrement identifiées dans son magasin.

Monsieur, vous confirmez les dires de votre mère.

Vous présentez les documents suivants pour étayer vos dires :

- Quatre passeports rwandais en cours de validité, - un permis de conduire, - la copie d'un document en langue kinyarwanda, sans traduction, - des copies de contrats d'engagements pour « (N) » et le « (Y) » (en anglais), pour « (N) » et le « (Z) » (en anglais) et pour « (N) » et l'« Eglise (S) au Rwanda », sans traduction, - une copie d'inscription au registre de commerce, - une copie d'un état des lieux du magasin, en langue kinyarwanda.

32. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Notons que les documents qui sont remis au Ministre sans être accompagnés d'une traduction en allemand, français ou anglais ne sont pas pris en compte dans le cadre de l'évaluation de vos demandes de protection internationale suivant les dispositions de l'article 10(5) de la Loi de 2015.

 Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit.

Madame, Monsieur, il convient de rappeler que la détermination de l'éligibilité à la protection internationale est menée en appliquant une approche en deux étapes. La première étape consiste à collecter les informations pertinentes, identifier les faits pertinents de la demande, et déterminer, le cas échéant, quelles déclarations du demandeur et quels autres éléments peuvent être acceptés. L'évaluation de la crédibilité fait donc partie intégrante de cette première étape. Les faits pertinents acceptés viennent appuyer l'examen qui sera effectué à la deuxième étape, qui consiste à déterminer le caractère fondé de la crainte de persécution de la part du demandeur, ou du risque de subir des atteintes graves.

Madame, Monsieur, il s'agit de constater qu'aucune crédibilité ne saurait être accordée à vos dires concernant votre prétendu vécu. En effet, il n'est pas crédible que le RIB serait à votre recherche pour avoir refusé d'empoisonner (F)1 en 2018.

Avant toute chose notons que vos affirmations sont essentiellement vagues, peu étayées et confuses de sorte qu'il n'est pas possible de réellement comprendre les tenants et aboutissants de votre récit et dès que l'agent creuse un peu vos déclarations deviennent encore plus confuses et vous tentez d'expliquer l'inexplicable.

Premièrement, vous indiquez avoir quitté le Rwanda dans le seul but de « visiter les marchés de noël » et pour faire du shopping au Luxembourg (p.7/21 du rapport d'entretien) munis de visas « Schengen » et que vous auriez tout simplement embarqué à bord d'un avion pour gagner l'Europe. Or, il convient de noter que si vous aviez réellement été recherchés par le RIB, un service d'investigation, il vous aurait été tout simplement impossible de quitter votre pays d'origine en prenant l'avion en direction du Luxembourg. En effet, vous déclarez que « Quand on est entrés à l'aéroport il y a des agents qui contrôlent les tickets. Ce sont des agents de Bruxelles Airlines. On est montés à l'immigration et on a montré nos passeports. Ils nous ont demandé où on allait et on a dit qu'on allait en vacances au Luxembourg. Ils nous ont fait des cachets et on est passés » (p.10/15 de votre rapport d'entretien Monsieur). Interrogé quant à cela vous vous bornez à dire que « Je ne leur avais pas dit que j'allais partir en vacances et ils ne savaient pas que je devais partir » (p.15/21 de votre rapport d'entretien Madame). Or, notons que si le RIB serait vraiment à votre recherche pour les raisons que vous avez mises en avant c'est-à-dire pour vous faire taire car vous n'auriez pas voulu tuer quelqu'un à leur demande, il ne vous aurait pas été possible de quitter votre pays légalement par voie aérienne 1 (F) est une femme d'affaires et militante féministe rwandaise qui s'est présentée en tant que candidate indépendante à l'élection présidentielle rwandaise de 2017.

4et il est évident que les services de renseignement n'ont pas besoin que vous les informiez de votre départ pour être au courant surtout s'ils vous avaient réellement demandés de tuer pour eux l'une des principales figures politiques du pays.

Deuxièmement notons que ni vous Madame ni vous Monsieur ne connaissez le nom exact du service gouvernemental avec lequel vous prétendez être en contact depuis des années.

Monsieur, interrogé par l'agent ministériel de quoi il s'agit quand vous parlez du « RIB », vous répondez que ce serait le « Rwanda Investigation Board » (p.8/15 de votre rapport d'entretien Monsieur). Vous Madame donnez la même réponse. Or, relevons que le nom entier est « Rwanda Investigation Bureau »2. Vous indiquez craindre pour votre vie car vous auriez après avoir rencontré des personnes du RIB finalement refusé d'empoisonner quelqu'un à leur demande et ignorez qui se cache réellement dernière l'acronyme RIB. Madame, Monsieur il est tout bonnement impossible que vous ne vous soyez pas renseignés sur le prétendu donneur d'ordre si ce donneur d'ordre existait réellement et s'il ne s'agissait pas uniquement d'une information que vous auriez trouvée sur Internet pour construire cette histoire. Il faut de plus souligner qu'il est tout bonnement impensable et impossible qu'un service de renseignement avec lequel vous n'avez antérieurement entretenu aucune relation vous choisisse vous pour effectuer une telle mission.

Troisièmement vous n'êtes pas en mesure de fournir un quelconque élément permettant de confirmer vos dires. Si vous aviez réellement travaillé pour la famille (F) comme vous le mentionnez, vous seriez en tant que chef d'entreprise à même de fournir un document en ce sens que cela soit une facture, un bon de commande, un mail ou autre. Ceci est d'autant plus vrai que si vous aviez réellement fui votre pays d'origine pour les raisons que vous indiquez et pas uniquement pour faire du tourisme, vous auriez pris soin de ramener les preuves permettant d'établir votre récit, preuve qui ne seraient dans ce contexte pas compliquée à rassembler. Ceci est d'autant plus vrai qu'il vous a été possible de ramener d'autres documents ayant trait à votre activité professionnelle. Votre manque d'investissement permet d'asseoir l'avis du Ministre selon lequel vous avez tout bonnement tenté après avoir séjournés en Europe en tant que touristes de trouver un moyen de vous y installer durablement en introduisant des demandes de protection internationale. Notons en outre que le seul document qui aurait éventuellement trait à cette histoire est un document que vous n'avez pas pris la peine de faire traduire et qui n'est ainsi pas pris en compte dans l'évaluation de vos demandes.

Quatrièmement il convient de noter que si vraiment des agents du service d'investigation rwandais auraient prémédité d'exécuter un assassinat secret de l'opposante politique (F) et de sa mère, ils ne l'auraient certainement ni fait dans un espace public ni se seraient-ils servis de vous, deux amateurs sans aucunes connaissances en la matière et de surcroît pas en contact étroit avec cette famille. Vous ne seriez en effet qu'un fournisseur occasionnel de cette famille.

De plus lorsque des services secrets veulent atteindre à la vie d'une personne il est évident qu'ils n'auraient pas recours à des personnes choisies au hasard sans avoir aucunement travaillé ensemble avant. On ne demande en effet pas à une personne d'aller tuer quelqu'un comme on lui demanderait un banal renseignement. Vos dires selon lesquels les agents vous auraient retrouvé dans un restaurant bondé pour vous remettre « un petit sachet de poudre blanche et une petite bouteille avec du liquide. On nous a montré qu'il fallait injecter avec une seringue le poison dans la bouteille d'eau ou de Fanta » (p.14/21 de votre rapport d'entretien Madame) est ridicule. Interrogé à expliquer pourquoi les agents du RIB « vous ont montré tout cela dans un restaurant avant tout le monde », vous répondez que vous vous seriez assis « Dans 2 Site Web du Rwanda Investigation Bureau, https://www.rib.gov.rw/index.php?id=371 , consulté en juin 2020.

5un coin, mais oui, on était dans un restaurant » (p.8/15 de votre rapport d'entretien Monsieur).

Cette tentative de rendre crédible ce grossier mensonge est vaine. Madame, Monsieur vos allégations selon lesquelles vous auriez été mandatés pour aller assassiner cette femme sont tout bonnement inventées et tout droit sorties de votre imagination.

Notons que selon nos recherches approfondies, Madame (F) a été poursuivie pour « incitation à l'insurrection » et « faux et usages de faux » en octobre 2017 et emprisonnée pendant une année. La Haute Cour de … l'a acquittée le 6 décembre 2018 et le parquet a retiré son appel le 8 janvier 2019 mettant ainsi un terme aux poursuites judiciaires3. Six mois plus tard, elle a ouvertement critiqué le président du Rwanda, Paul Kagame, dans une lettre et dénoncé un climat de violence envers ceux qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement4.

Ces éléments démontrent clairement et indubitablement que les autorités rwandaises n'en ont manifestement pas après (F) alors qu'elle a été acquittée et vit paisiblement au Rwanda. Alors qu'elle se trouvait pendant plus d'un an dans une prison étatique il convient de constater qu'aucun incident n'a été relaté suivant lequel sa vie aurait été menacée d'une quelconque manière. Il est dès lors tout bonnement impensable que les autorités aient attendu la sortie de prison de (F) pour vous engager vous, une parfaite inconnue aux yeux des autorités, pour mener à bien la mission visant à éliminer (F). De plus nos recherches ont montré qu'à ce jour il n'y a eu aucune tentative d'assassinat sur la personne de (F).

A tout cela s'ajoute que votre comportement n'est manifestement pas celui de personnes persécutées respectivement à risque de subir des atteintes alors que vous indiquez en effet avoir quitté le Rwanda dans le seul but de « visiter les marchés de noël » et pour faire du shopping au Luxembourg (p.7/21 du rapport d'entretien). Une fois au Luxembourg, vous avez pris la décision de ne plus retourner au Rwanda et d'introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg pour vous y installer définitivement. Afin d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale, vous avez clairement inventé une histoire de toutes pièces.

Votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Quand bien même votre récit serait crédible, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa 3Jeune Afrique Rwanda : fin de la procédure judiciaire contre l'opposante (F) et sa mère, 9 janvier 2019, https://www.jeuneafrique.com/701.497/sOcieteirwanda-fin-de-la-procedurequdicialre-contre-lopposante-…..-(F)-et-sa-mere, consulté en juin 2020; et Jeune Afrique : Rwanda : l'opposante (F) et sa mère acquittées par la Haute Cour de …, 6 décembre 2018, https://jeuneafrique.com/677.532/societeireranda-lopposante-…..(F)-et-sa-mere-acquittees-par la Haute Cour de … , consulté en juin 2020.

4Re; Rwanda : l'opposante (F) écrit au président Kagame, 19 juillet 2019, http://www.rfi.friflafrique/20190719-rwanda-

opposante…..-(F)-denonce-clImat-violence-lettre-president-paul-kagame , consulté en juin 2020.

6religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, vous indiquez que le RIB vous aurait ordonnés d'empoisonner l'opposante politique (F), ce que vous auriez d'abord accepté et plus tard refusé en raison de « ce n'était pas bien de tuer des gens, qu'en plus qu'on avait donné service à ces gens » (p.16/21 de votre rapport d'entretien Madame). Vous craindriez des représailles de la part du RIB pour ne pas avoir exécuté leurs ordres.

Or, force est de constater que ce fait est dépourvu de lien avec les critères de fond définis par la Convention de Genève. En effet le fait de craindre des représailles pour ne pas avoir exécuté un ordre contraire à la loi est dépourvu de lien avec votre race, votre religion, votre nationalité, votre appartenance à un groupe social ou à vos convictions politiques.

Quand bien même ce fait serait lié aux critères de la Convention de Genève, notons que votre situation n'est manifestement pas aussi grave que vous tentez de décrire car selon vos propres dires, vous auriez quitté votre pays d'origine de manière légale avec votre passeport à bord d'un avion. Or, si vraiment vous auriez craint d'être tuée par les autorités rwandaises, vous n'auriez pas pris la décision de quitter le Rwanda publiquement et sous les yeux de ces mêmes autorités.

Notons que votre crainte d'être emprisonnée ou tuée après un retour dans votre pays d'origine est totalement hypothétique alors que si les autorités avaient voulu vous arrêter elles auraient eu l'occasion de le faire. Or, de simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient cependant constituer une persécution au sens de la Convention de Genève.

Ceci est d'autant plus vrai si on considère que (F) poursuit sa politique d'opposition publiquement depuis sa libération de prison fin 2018 sans que rien ne lui est arrivée.

Madame, en ce qui concerne le prétendu décès de votre oncle suite à une bagarre qu'il aurait eu avec un policier en prison et le fait que votre frère aurait été frappé par des personnes non autrement identifiées dans son magasin, il convient de noter qu'il s'agit là de faits non personnels. Or des faits non personnels ne sont pas susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez en défaut d'étayer un lien entre le prétendu décès de votre oncle et la bagarre de votre frère et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires.

7Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutés, que vous auriez pu craindre d'être persécutés respectivement que vous risquez d'être persécutés en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que vous auriez quitté le Rwanda parce que vous auriez refusé d'empoisonner (F), raison pour laquelle vous craindriez des représailles de la part du RIB.

Notons dans ce contexte que vous ne faites pas état dans votre entretien d'un acte qui vous aurait exposé à une atteinte grave telle que définie ci-dessus. En effet, vous évoquez avoir quitté votre pays légalement par voie aérienne, ce qui montre clairement que la situation n'est manifestement pas aussi grave que vous tentez de nous faire croire. Il vous aurait tout simplement été impossible de quitter votre pays d'origine en prenant l'avion en direction du Luxembourg si vraiment vous risqueriez des représailles de la part des autorités rwandaises.

Votre crainte est dès lors à considérer comme purement hypothétique. Ainsi, il convient de conclure qu'il n'existe dans votre chef aucun risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé. (…) ».

8Suite à un recours gracieux introduit par les consorts (U) le 15 juin 2020, le ministre confirma le 29 juin 2020 sa décision précitée du 5 juin 2020 à défaut d’éléments pertinents nouveaux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juillet 2020, les consorts (U) firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 5 juin 2020 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Par jugement du 15 décembre 2021, le tribunal administratif reçut le recours en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta les demandeurs, tout en condamnant ces derniers aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 13 janvier 2022, les consorts (U) ont régulièrement fait entreprendre le jugement du 15 décembre 2021.

Au titre des faits à la base de leur demande de protection internationale, les appelants réitèrent en substance l’exposé de leur vécu tel qu’il se dégage de leurs procès-verbaux dressés à l’occasion de leurs auditions et de leur requête introductive de première instance et ils soutiennent remplir les conditions exigées par les dispositions de la loi du 18 décembre 2015 pour se voir reconnaître une mesure de protection internationale.

Ainsi, ils réexposent essentiellement qu’en raison de leur refus d’assistance à des agents du « Rwanda Investigation Bureau » (« RIB ») en vue de l’empoisonnement, en décembre 2018, de différents membres de la famille (F) et, plus spécialement, de l’opposante politique (F), ils seraient actuellement recherchés par ledit service, un mandat d’arrêt ayant été émis à l’encontre de Madame (U), et risqueraient, en cas de retour au Rwanda, d’être victimes de persécutions. Ils relèvent le fait qu’un autre fils de Madame (U), (O), resté au Rwanda, aurait été poursuivi et condamné pour trafic de drogues, alors qu’il était parfaitement innocent, toute l’affaire ayant été orchestrée pour sanctionner le refus d’assistance de Madame (U) et de son fils, (C).

Ils reprochent aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise analyse des faits avancés et de ne pas avoir tenu compte de tous les éléments importants, notamment dépeints dans leur mémoire supplémentaire produit en première instance le 5 mars 2021. En effet, les nouveaux faits auraient dû être placés dans le contexte pertinent, de sorte qu’il aurait été nécessaire « de dresser les faits complets relatifs à la demande des appelants et d'en tirer les constatations juridiques y liées ». Le refus de prendre en considération l’intégralité de leur argumentaire additionnel relèverait d’un formalisme excessif.

Sur ce, les appelants estiment que leur crédibilité aurait été injustement mise en doute tant par le ministre que par les premiers juges.

Le fait que le mandat d’amener contiendrait des erreurs de forme serait monnaie courante au Rwanda et ne saurait être analysé en leur défaveur.

Au-delà, les faits par eux relatés seraient parfaitement crédibles, de sorte qu’ils devraient, à défaut de preuves matérielles, pour le moins bénéficier du doute.

9En effet, les arguments mis en avant par le ministre pour mettre en doute leurs déclarations seraient subjectifs et insuffisants, eux même ayant fait des récits précis et détaillés et répondu de manière cohérente à toute question ou demande de précision. Selon les appelants, aucun desdits arguments ministériels ne permettrait de remettre en cause la véracité et la crédibilité des faits relatés par eux.

Ce ne serait pas parce que le ministre imaginerait différemment l’organisation de l’assassinat d’un opposant politique que le récit des appelants devrait être qualifié de non crédible.

Trois attestations testimoniales nouvellement produites confirmeraient en outre leurs dires.

Sur ce, leurs craintes d'être persécutés auraient pour fondement leurs opinions politiques et ils risqueraient d’être considérés comme des opposants politiques en raison de leur refus d'empoisonner (F) et d’être poursuivis pour des infractions inventées. Ce serait déjà le cas dans le chef de leur fils, respectivement frère qui aurait été arrêté et condamné pour des raisons arbitraires et à une peine d’une gravité certaine et disproportionnée. Il serait par ailleurs clair que les auteurs des diverses persécutions subies et à subir seraient des représentants de l'Etat, en l’occurrence le RIB, organe étatique, sinon la police et des organes judiciaires visant à réprimer les opposants politiques.

En substance, leur vécu, considéré ensemble celui de leurs proches parents et les incidents survenus dans le passé analysés dans le contexte global ne permettraient d’autre conclusion que l’existence d’une crainte raisonnable de persécution dans leur chef.

Ils insistent sur le fait qu’aucune raison économique ne les aurait poussés à partir de leur pays d’origine et qu’ils auraient agi sous la menace de sanctions imminentes.

Les appelants en concluent que leur récit devrait être considéré comme étant avéré, ne serait-ce qu’au regard du bénéfice du doute, comme suffisamment détaillé et ayant trait à des actes d’une gravité indéniable justifiant l’octroi d’une mesure de protection internationale.

Le jugement a quo serait partant à réformer et le statut de réfugié, sinon une protection subsidiaire, devrait leur être accordée et l'ordre de quitter le territoire luxembourgeois devrait à son tour être rapporté.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel.

Liminairement, c’est à tort que les appelants entendent critiquer les premiers juges de n’avoir tenu compte que des éléments nouveaux développés dans un mémoire supplémentaire par eux produit en première instance.

En effet, ayant sollicité et obtenu l’autorisation de produire un mémoire supplémentaire au sujet d’éléments nouveaux survenus postérieurement à l’introduction de leur recours contentieux, en rapport avec la fuite du mari de Madame (U) au Congo suite à l’arrestation de leur fils (O) à cause de la susdite affaire de stupéfiants, c’est à juste titre que les premiers juges ont constaté que les actuels appelants ont dépassé cette autorisation pour revenir sur leurs déclarations antérieures et développer leur argumentation au fond, de sorte que leur prise de position additionnelle s’analyse en réalité en un mémoire en réplique par rapport au mémoire 10en réponse du délégué du gouvernement et ce au mépris des dispositions de l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015.

Il s’ensuit que les premiers juges ne sont pas reprochables de ne pas avoir tenu compte de ceux des développements contenus dans le mémoire additionnel des actuels appelants qui dépassaient le cadre strictement circonscrit par l’autorisation leur délivrée.

Ceci dit, il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Enfin, l’évaluation de la situation personnelle d’un demandeur d’asile ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais elle implique un examen et une appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur d’asile. La crédibilité du récit de ce dernier constitue en effet un élément d’appréciation fondamental dans 11l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale, spécialement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Aux yeux de la Cour, c’est à bon droit que le ministre a considéré que les appelants n’étaient pas crédibles en leurs affirmations, leur fiabilité étant fondamentalement ébranlée par le fait que l'histoire qu'ils racontent est pour le moins douteuse.

En effet, leur exposé des craintes souffre de l’incohérence et du caractère rocambolesque de leur récit tant en ce qui concerne les circonstances de leur « recrutement », en 2018, par des agents du RIB en vue de l’empoisonnement de Madame (F) que de leurs réaction et comportement, à savoir l’acceptation de ladite mission, d’un côté, et leur départ en vacances, d’un autre côté, vacances d’ailleurs fixées curieusement justement au moment de la fête de la famille (F) qu’ils étaient appelés à organiser, cette incohérence marquant tant la situation décrite que les personnages. Les éléments douteux pointés par le ministre apparaissent aux yeux de la Cour comme essentiellement pertinents.

Les appelants ne sont pas guère plus crédibles en leurs déclarations relatives à un risque de poursuite actuel, quatre ans après le prétendu incident, par le RIB en raison dudit refus d’empoisonner Madame (F).

Sous ce rapport, la Cour rejoint les premiers juges en ce qu’ils ont conclu à propos du mandat d’amener qui aurait été émis, le 27 décembre 2018, à l’encontre de Madame (U), alors qu’elle séjournait au Luxembourg, c’est-à-dire l’élément-déclencheur qui l’a amené à décider de ne plus retourner au Rwanda, que ce seul mandat d’amener, dont l’authenticité et la valeur probante restent contestées par la partie étatique, ne permet pas de conclure à l’existence d’un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le chef des appelants en cas de retour dans leur pays d’origine.

La Cour partage encore plus particulièrement l’analyse des premiers juges en ce qu’ils ont retenu que face à l’erreur dans le papier en-tête dudit document, - en ce qu’il y est marqué « Organe nationa de poursuite judiciaire » - et un prénom erroné de Madame (U) (« … ») et du fait d’un libellé en des termes tout à fait généraux sans autre précision quant aux infractions concrètement reprochées (« Provocation du soulèvement ou des troubles de la population »), ladite pièce n’est pas de nature à corroborer utilement l’affirmation d’un risque de recherche et de poursuite par le RIB du fait de leur manquement à leur engagement de tuer une opposante politique.

Ni encore les déclarations testimoniales additionnelles, ni un quelconque autre élément de preuve concret ne sous-tendent à suffisance la crainte déclarée des appelants de faire l’objet de représailles de la part du RIB en cas de retour dans leur pays d’origine.

C’est encore à bon droit que les premiers juges ont considéré que la mise en balance du fait que de l’arrestation du fils de Madame (U), (O), et de sa condamnation pour une affaire de stupéfiants et celui de la fuite subséquente de son mari vers le Congo ne sauraient pas non plus sous-tendre la crainte des appelants de faire l’objet de représailles de la part du RIB. En effet, le prétendu lien entre ces faits et l’intention de poursuite des appelants par le RIB ne sont que simplement hypothétiques. Ce constat s’impose spécialement au vu de ce que les poursuites de (O) étaient dirigées contre lui seul et ne visaient point les autres membres de sa famille, la Cour se faisant sienne l’analyse circonstanciée et exhaustive des premiers juges sous ce rapport.

12Au vu de l’ensemble de ces considérations, c’est à juste titre que le ministre d’abord, les premiers juges par la suite, ont retenu que les appelants qui, lorsqu’ils vivaient encore au Rwanda, n’ont à aucun moment fait l’objet du moindre fait personnel de persécution, ne justifient pas à suffisance de droit l’octroi dans leur chef d’une protection internationale dans la mesure où il ne ressort point des éléments d’appréciation fournis en cause qu’ils risqueraient effectivement de subir, en cas de retour dans leur pays d’origine, des actes de persécution, voire des atteintes graves de la part du RIB ou d’autres autorités rwandaises.

Il s’ensuit que le rejet ministériel de la demande de protection internationale des appelants se trouve justifié, les intéressés restant en défaut de présenter de façon convaincante des faits suffisants pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé aux appelants le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter les appelants et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;

reçoit l’appel du 13 janvier 2022 en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants;

partant, confirme le jugement entrepris du 15 décembre 2021;

condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, 13 et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

S. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 mars 2022 Le greffier de la Cour administrative 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46895C
Date de la décision : 08/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-08;46895c ?

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