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08/03/2022 | LUXEMBOURG | N°46772C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 mars 2022, 46772C


Le 19 décembre 2018, Monsieur (N) introduisit auprès du service compétent du De ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné tout par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du ce qui 1 pré cèd e, les 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

En date du même jour, Monsieur (N) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, service criminalité organisée -

police des étrangers, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire s...

Le 19 décembre 2018, Monsieur (N) introduisit auprès du service compétent du De ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné tout par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du ce qui 1 pré cèd e, les 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

En date du même jour, Monsieur (N) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.

Toujours le 19 décembre 2018, Monsieur (N) fut auditionné par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dit « règlement Dublin III ».

En dates des 13 mars et 1er avril 2019, Monsieur (N) fut auditionné par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 mai 2020, notifiée à l’intéressé par un courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après le « ministre », informa Monsieur (N) que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 19 décembre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire et le rapport d'entretien Dublin III du 19 décembre 2018, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 3 mars et 1er avril 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande et le rapport du « LNS » du 29 avril 2020.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous êtes fiché en Allemagne pour trafic illicite de migrants en Slovénie, que vous avez utilisé l'alias de (X), né le … en Palestine, lors de votre séjour en Europe et que vous avez été fiché pour des attouchements dans votre foyer d'accueil au Luxembourg.

Vous avez en outre introduit une demande de protection internationale en Grèce le 31 juillet 2018 et une interdiction d'entrée et de séjour a été émise par les autorités grecques à votre nom, qui expire le 21 juin 2021.

En 2014, votre demande d'un visa touristique pour les Pays-Bas a été refusée alors que des doutes ont été retenus quant à votre intention de quitter l'espace Schengen à la fin de votre séjour.

Vous signalez avoir quitté l'Egypte le 13 août 2017 en direction de l'Arabie-Saoudite, où vous seriez resté pendant cinq mois avant de partir à Dubaï. Après avoir obtenu un visa pour la Géorgie, où vous seriez resté une vingtaine de jours, vous auriez obtenu un visa pour la Turquie, où vous seriez resté de nouveau une vingtaine de jours, avant de gagner la Grèce.

Après avoir été placé en rétention en vue de votre rapatriement, vous auriez été « obligé » d'introduire une demande de protection internationale en Grèce mais vous n'auriez pas voulu y rester alors qu'on ne vous aurait pas donné de maison. Ainsi, vous auriez quitté la Grèce pour traverser pendant quatre mois à pied l'Albanie, le Monténégro, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie et l'Italie. En Italie, vous auriez pris le bus pour voyager à travers l'Autriche et l'Allemagne et finalement atteindre les Pays-Bas dans le but d'y rendre visite à votre famille. Vous auriez ensuite pris un train pour venir au Luxembourg, alors que votre but serait d'y commencer une « nouvelle vie ».

Vous confirmez ne pas avoir de problèmes en Egypte, mais uniquement en Arabie-

Saoudite.

Il ressort ensuite de vos déclarations auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes que vous seriez originaire de …, où vous auriez vécu dans une maison dans le quartier de … avec votre épouse, vos enfants et votre belle-famille et travaillé comme ….

De 2012 à 2017, vous auriez vécu et travaillé aux Emirats arabes unis en faisant des retours sporadiques en Egypte pour y passer des vacances. Après votre dernier retour aux Emirats, vous y seriez resté encore deux mois, avant de retourner vivre en Egypte en février 2017, parce que votre patron n'aurait pas voulu prolonger votre contrat et que vous auriez par conséquent plus possédé de titre de séjour.

Vous auriez alors ouvert un salon de … à … et le 8 juillet 2017, vous auriez eu une discussion avec un client « et finalement c'était un agent de sécurité », à qui vous auriez expliqué que vous n'iriez pas voter et « Pas de Sissi, pas de Morsi, pas de Moubarak, ce sont tous des fils de chien ». « Deux jours plus tard », respectivement le « 11 ou 12 juillet 2017 », deux personnes de la « sureté » seraient descendues de leur voiture devant votre salon de … en criant « (X1) (mon nickname), venez », avant de vous emmener avec eux. Vous auriez par la suite été placé pendant sept ou huit jours dans une cellule au cours desquels vous auriez été frappé et « torturé » les cinq premiers jours.

Le 19 ou le 20 juillet 2017, vous seriez sorti de « prison » et vous auriez immédiatement appelé une copine nommée (O), que vous auriez connue à Dubai, pour vous aider à quitter le pays. Vous seriez resté les deux prochains jours endormi dans un studio que vous auriez loué à …, avant de reprendre votre vie « normalement ».

Une semaine plus tard, vous seriez rentré chez vous à la maison et vous auriez été convoqué de suite « une deuxième fois » chez le « Sacha », respectivement auprès d'un bureau de police, où vous auriez été frappé et dû rester « toute la nuit » et nettoyer les toilettes, « c'était une sorte d'humiliation ». Vous précisez toutefois par la suite que vous seriez encore sorti du bureau de police le soir même de votre convocation. Vous précisez aussi que vous auriez été censé de faire cela toutes les semaines si vous n'aviez pas quitté l'Egypte. Vous auriez ensuite « ramené » votre passeport et « changé de profession » pour avoir droit à un visa en précisant avoir payé 1.200.- pounds égyptiens pour changer de passeport. Vous auriez ensuite de nouveau continué à vivre votre vie « normalement ».

Le 12 août 2017, vous auriez quitté l'Egypte en réservant une place à bord d'un bateau, alors que « bien sûr je ne pouvais pas prendre l'avion », pour aller vivre en Arabie-Saoudite, où vous auriez travaillé dans un salon de … que vous auriez ouvert avec (O). Or, après un an, l'époux de (O) aurait appris que vous auriez entretenu une relation amoureuse avec elle et vous auriez alors été obligé de quitter l'Arabie-Saoudite. Vous vous seriez par la suite caché pendant un temps à Dubaï, grâce à un visa qu'(A), une copine de (O), vous aurait organisé.

Après un temps, (O) vous aurait fait comprendre que vous devriez quitter tous les pays du Golfe et un policier, un copain du frère d'(A), vous aurait alors aidé à avoir un visa pour la Géorgie et vous aurait acheté un billet d'avion pour la Turquie.

Après votre arrivée en Géorgie, il y aurait eu des manifestations « contre les Arabes » et vous vous seriez rendu en Turquie, où vous auriez appelé (O) pour vous envoyer de l'argent.

L'époux de (O) aurait alors appris que vous vous trouveriez en Turquie et conséquemment, (O), vous aurait « dit » de quitter la Turquie. Vous n'auriez alors plus vu d'autre choix que de vous rendre en Grèce.

Vous avez finalement introduit une demande de protection internationale au Luxembourg parce que « premièrement », vous ne pourriez plus retourner en Egypte et « deuxièmement », ça serait la première fois que vous vous sentiriez comme un être humain, « J'ai vécu la pire enfance. La torture, j'étais frappé ». Vous ajoutez qu'« ils » auraient « tout cassé » dans la maison de votre père dans laquelle vous auriez possédé un appartement; vous ne sauriez toutefois pas qui aurait fait cela, ni quand cela se serait produit, ni pourquoi.

Vous présentez une carte d'identité égyptienne et vous versez plusieurs documents à l'appui de vos dires:

 les copies d'un prétendu jugement qui aurait été prononcé contre vous suite à votre détention, tout en précisant en détenir d'autres, « cette histoire n'est pas finie ». Concernant le jugement versé, vous précisez qu'une « personne d'Égypte » que vous ne connaîtriez pas vous l'aurait envoyé et que ce serait un ami d'Italie qui vous aurait fait connaître cette personne à travers son avocat que vous ne connaîtriez pas non plus. Vous précisez qu'il s'agirait d'un jugement « Frères musulmans » vous accusant de faire partie de ce groupe; jugement que vous auriez obtenu en février 2019, après que votre avocat au Luxembourg vous aurait fait comprendre qu'il serait opportun « d’apporter n'importe quelle preuve comme quoi j'ai des problèmes en Egypte ».

 La photo d'un deuxième jugement qui concernerait un « bout de terre acheté » et sur lequel votre nom est marqué en manuscrit. Vous ignoreriez de quoi parlerait ce jugement en détail alors que vous ne l'auriez pas lu.

A noter que vous ne sauriez pas non plus de quand daterait ce jugement et que les dates indiquées sont illisibles.

 La photo de votre passeport établi le 4 juillet 2017, de votre permis de séjour pour les Emirats arabes unis qui a expiré le 15 novembre 2017, un acte de mariage et des actes de naissance de vos enfants.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

Monsieur, soulevons avant tout autre développement que la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doivent être mises en doute.

En effet, ce constat doit en premier lieu être dressé au vu de votre comportement, de votre vécu et de vos déclarations incohérentes et superficielles.

Ainsi, on peut attendre d'une personne réellement persécutée ou à risque de subir des atteintes graves, qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais ce qui n'a manifestement pas été votre cas lorsqu'on regarde le périple que vous avez choisi d'effectuer avant d'introduire une demande de protection internationale au Luxembourg. En effet selon vos dires, vous auriez quitté l'Egypte en août 2017, pour résider consécutivement en Arabie-Saoudite, à Dubaï, en Géorgie, en Turquie, en Grèce, puis pour traverser l'Albanie, le Monténégro, la Bosnie-

Herzégovine, la Croatie, la Slovénie, l'Italie, l'Autriche, l'Allemagne et les Pays-Bas, où vous vous seriez rendu pour rendre visite à votre famille, avant de finalement avoir le réflexe d'introduire une demande de protection internationale après votre arrivée au Luxembourg.

De plus, rappelons que vous précisez avoir été « obligé » d'introduire une demande de protection internationale en Grèce et que vous n'auriez pas voulu y rester parce qu'on ne vous aurait pas donné de « maison ».

Or, un tel comportement est évidemment manifestement pas celui d'une personne réellement à la recherche d'une protection car vous avez traversé par moins d'une demie douzaine de pays où vous auriez facilement pu introduire une demande de protection internationale. Le simple fait d'avoir quitté la Grèce où vous auriez été forcé d'introduire une demande parce qu'on ne vous aurait pas donné de maison démontre clairement vos intentions qui sont de vous installer en Europe après avoir échoué dans les pays du Golfe.

En effet une personne réellement à la recherche d'une protection serait heureuse de se savoir en sécurité et ne s'arrêterait pas à des questions matérielles. Il est évident que vous faites partie des personnes qui se sont vues refuser la prolongation de leur visa respectivement autorisation de séjour dans les Emirats et en Arabie Saoudite raison pour laquelle vous avez opté comme beaucoup d'autres pour l'Europe nouvelle terre promise.

Il paraît de même évident que vous cachez votre véritable destination, respectivement raison de votre voyage jusqu'en Europe de l'Ouest à partir de Dubaï, en inventant des justifications manifestement pas convaincantes censées expliquer votre arrivée au Luxembourg.

Ainsi, en 2017, vous auriez été obligé de quitter « tous les pays du Golfe » parce que vous auriez entretenu une relation avec une femme mariée en Arabie-Saoudite, vous auriez ensuite été obligé de quitter la Géorgie à cause de manifestations « anti-arabes » et la Turquie parce que l'époux de (O) aurait appris qu'elle vous y aurait envoyé de l'argent. Vous n'avancez ensuite pas de motifs vous ayant poussé à traverser les pays des Balkans, mais vous dites que vous auriez été obligé de quitter la Grèce parce qu'on ne vous y aurait pas donné de « maison ». Vous n'avancez de nouveau pas d'explications pourquoi vous auriez voyagé en Italie, en Autriche et en Allemagne, mais vous confirmez avoir par la suite décidé de gagner les Pays-Bas pour rendre visite à votre famille. Pour une raison non mentionnée, vous auriez finalement décidé de quitter les Pays-Bas pour venir au Luxembourg. Précisons dans ce contexte que vous prétendez certes avoir rencontré des filles en Bosnie-Herzégovine s'occupant des réfugiés qui vous auraient recommandé de venir au Luxembourg, mais comme susmentionné, vous auriez donc encore d'abord préféré voyager à travers l'Europe et visiter votre famille aux Pays-Bas, plutôt que de rechercher une protection.

Concernant votre arrivée en Europe, vous ajoutez encore pour tenter d'enlever toute dimension économique, que vous auriez déjà pu facilement venir en Europe par le passé, si tel avait vraiment été votre choix, alors que vous auriez notamment refusé en 2014, une invitation de votre cousine habitant aux Pays-Bas et que « J'avais une maison, un appartement, un bout de terrain, trois enfants, ma femme, … Je vivais bien ».

Or, force est justement de constater que vous avez déjà tenté de gagner l'Europe en 2014, mais que, comme susmentionné, votre demande de visa a été refusée par les autorités néerlandaises.

Monsieur, au vu de ce qui précède, il est évident que vous tentez d'inventer des motifs expliquant votre arrivée au Luxembourg afin de cacher le fait que celle-ci s'explique par des seules considérations économiques et matérielles, voire, de pure convenance personnelle. En effet, il n'est pas logique qu'une personne vraiment persécutée traverse tous ces pays sans y rechercher une protection quelconque, mais que cette idée survienne soudainement au Luxembourg, un pays qui pourrait vous garantir un style de vie plus élevé, respectivement qui propose des avantages sociaux ou des prestations sociales plus intéressantes, en apparence, par rapports aux autres pays visités.

Un tel comportement ne manifestement pas à celui d'une personne qui auraient été forcée à quitter son pays à la recherche d'une protection internationale, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, vous pensez, satisfera au mieux vos attentes.

A cela s'ajoutent d'autres incohérences et contradictions concernant vos motifs de fuite et vos motifs de voyage, qui ne font que renforcer le constat susmentionné.

Ainsi, il faut soulever que vous avez encore expliqué à la Police Judiciaire que vous n'auriez aucun problème en Egypte mais que vous seriez uniquement venu au Luxembourg parce que vous auriez eu un problème en Arabie-Saoudite.

Ensuite, après que, comme vous le précisez vous-même, vous auriez été informé par votre avocat au Luxembourg que vous auriez besoin de documents stipulant que vous ne pourriez plus retourner en Egypte, vous avancez une toute nouvelle histoire concernant vos motifs de fuite auprès de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en faisant état d'actes de torture dont vous auriez été victime de la part des autorités égyptiennes, tout en ajoutant un jugement « Frères musulmans » que vous vous seriez procuré auprès d'un avocat italien en février 2019, avocat que vous ne connaitriez pas et qui vous aurait été recommandé par une connaissance en Italie.

Concernant justement ce jugement versé, notons qu'au vu de vos explications à ce sujet, aucune crédibilité ne lui saurait être accordé. En effet, rappelons que vous auriez voyagé depuis deux ans à travers le Moyen-Orient et l'Europe sans apparemment vous être informé d'une quelconque façon de votre situation en Egypte, mais qu'une fois votre demande de protection internationale introduite au Luxembourg et après avoir été informé par votre mandataire que vous auriez besoin de documents stipulant que vous ne pourriez plus retourner en Egypte, vous auriez réussi à vous procurer un « jugement frères musulmans » auprès d'un avocat italien en début 2019.

Il est dès lors évident que ce document doit être défini comme étant manifestement de complaisance et qu'il ne saura nullement être retenu comme étant authentique.

Ce constat vaut d'autant plus que vous avez uniquement versé des copies dudit jugement qui ne possèdent donc aucune force probante et dont l'authenticité ne peut être vérifiée par nos soins. Or il échet de rappeler qu'il vous aurait été parfaitement possible de vous faire envoyer ce document depuis l'Egypte alors que toute votre famille y vivrait encore et pourrait aisément y avoir accès.

De plus, vous confirmez vous-même ne même pas avoir lu le deuxième jugement versé sous forme de photo d'une copie; un jugement dont vous ne seriez donc pas vraiment au courant du contenu. A cela s'ajoute que votre nom y est étonnement apposé de manière manuscrite et que les dates indiquées sont illisibles.

Il s'ensuit au vu de ce ces constats que les copies de jugement versées ne sauraient aucunement permettre de donner plus de poids à vos dires. Bien au contraire, ces documents sont dans le premier cas à définir comme un faux, voire un document de pure complaisance produit et versé dans le but d'étoffer votre demande de protection internationale avec un élément « frères musulmans » et dans le deuxième cas, à supposer le jugement réel ce qui n'est pas établi, comme un document totalement impertinent concernant votre demande de protection internationale et vos prétendus problèmes.

Comme vous l'a déjà fait comprendre l'agent chargé de votre entretien, ce constat vaut d'autant plus que les tampons représentés sur les copies ne sont manifestement pas originaux, sont pratiquement illisibles et paraissent avoir été pré-imprimés sur le document par rapport au texte. Vous expliquez l'allure non-originale de ces tampons par le fait que « C'est votre opinion, vous êtes libre » (p. 15 du rapport d'entretien).

Soulevons ensuite que vous vous contredisez encore de manière flagrante concernant votre prétendue « deuxième convocation » à un bureau de police [tout en n'ayant jamais mentionné une quelconque première convocation], alors que vous prétendez d'abord que vous auriez dû passer tout « un jour. Toute la nuit » dans ce bureau de police où vous auriez de nouveau été frappé et obligé de nettoyer les toilettes. Or, vous changez ensuite de version en expliquant que « J'avais fini pour 21H30 ou 22H00 » le jour même de votre prétendue convocation en parlant du nettoyage des toilettes.

A cela s'ajoute qu'il faudrait se demander pourquoi le prétendu policier qui vous aurait convoqué au bureau de police vous aurait appelé par votre « nickname » et non pas votre véritable identité. Il faudrait en même temps se demander pourquoi vous auriez préféré vous faire appeler en Egypte par votre « nickname » d'Abou Yousef, un nom complètement différent de votre véritable identité et qui n'a rien d'un surnom, au sens strict du terme, mais qui constitue tout simplement un alias ou une deuxième identité.

Rappelons dans ce contexte qu'il s'agit là du même alias que vous avez utilisé lors de votre séjour en Europe, lorsque vous avez voulu vous faire passer pour un Palestinien. Il est dans ce contexte évidemment plus que probable qu'il s'agit en l'occurrence d'une identité que vous avez inventée pour augmenter vos chances de vous faire octroyer une protection internationale, alors qu'une personne réellement persécutée n'a évidemment pas besoin d'inventer une fausse histoire et une fausse identité.

Il est évident au vu de ces incohérences que votre prétendue deuxième convocation à un bureau de police, suivie de coups et de l'obligation de nettoyer les toilettes, obligation qui vous serait revenue hebdomadairement selon vous, ne saurait pas non plus être retenue. Elle doit être perçue comme un élément de plus que vous ajoutez à vos motifs de fuite dans le but de rendre votre vécu plus « dramatique » pour ainsi augmenter les probabilités de vous faire reconnaître une protection internationale.

Ajoutons dans ce contexte que les recherches ministérielles n'ont pas non plus permis de trouver le moindre indice comme quoi les autorités égyptiennes auraient recours à des traitements humiliants envers des civils en les convoquant de manière répétée dans des bureaux de police où ils seraient alors forcés à notamment nettoyer les toilettes pendant toute une journée ou toute une nuit.

Enfin, rappelons que vous confirmez vous-même avoir continué à vivre et à travailler « normalement » en Egypte après vos prétendus problèmes avec les autorités égyptiennes et avant votre départ en août 2017.

Concernant ce départ d'Egypte en août 2017, soulevons justement que vous précisez vous-même avoir « réservé » une place sur un bateau reliant l'Egypte à l'Arabie-Saoudite et que vous faites donc de toute évidence part d'un voyage officiel, respectivement d'un départ officiel. En effet, notons qu'il ressort des informations en nos mains que les sorties du pays, dont font évidemment état les sorties par bateau en direction de l'Arabie-saoudite, sont strictement contrôlées et surveillées par les autorités:

« The Passport Contral Department of the Interior Ministry is responsible for conducting exit checks, which DFAT assesses as strictly enforced. When leaving Egypt, Egyptians must present a valid passport and a valid visa for their destination country, if required. Egyptian males are required to show evidence of their military service status (including proof of exemption, if relevant). (…) Egyptian law prevents persons from leaving the country if they have criminal charges against their names. These names are recorded on a 'warning list`, amended by judges and the Prosecutor-General, against which all travellers are checked prior to departing from the country. Credible human rights organisations have reported that the Interior Ministry and the Egyptian General intelligence Service can amend this 'warning list' to include persons of interest to the security apparatus, including for political reasons. (…) »1.

De même: « Exit checks are conducted by the Ministry of Interior's Passport Control Department, according to Australia's DFAT, which states that they are "strictly enforced".

(…) Egyptians travelling abroad must present a valid passport and, as required by their country of destination, a valid visa. (…) »2.

Ajoutons dans ce contexte que si une personne est réellement recherchée en Egypte, elle ne pourrait pas se faire octroyer un visa par l'Arabie-Saoudite, un pays « fermé » qui 1 UK Home Office, Country Policy and Information Note - Egypt: Background information, including actors of protection, and internal relocation, Juillet 2017, https://www.refworld.org/pdfid/5979e7d14.pdf, p. 10-11, consulté en mai 2020.

2 Immigration and Refugee Board of Canada, Egypt: Exit and entry procedures at airports and land borders (2017-

September 2019), Septembre 2019, https://www.ecoi.net/en/document/2017551.html, consulté en mai 2020.

contrôle méticuleusement les entrées sur son territoire ; un constat de plus que votre récit doit être perçu comme étant totalement inventé.

Soulevons encore dans ce contexte que les constats susmentionnés sont en totale concordance avec votre vécu et votre situation personnelle alors que vous confirmez justement avoir demandé un nouveau passeport qui vous aurait été émis par les autorités égyptiennes en juillet 2017 [au moment même de vos prétendus problèmes avec les autorités] et que vous confirmez également avoir eu un visa pour l'Arabie-Saoudite grâce auquel vous auriez pu quitter l'Egypte un mois plus tard en août 2017.

Au vu des constats, il paraît donc évident que votre départ sans problème d'Egypte doit être défini comme étant officiel et comme étant motivé par des considérations économiques;

preuve de plus que vous ne risquez rien en Egypte et que vous ne vous trouvez pas dans le collimateur des autorités.

Soulevons encore dans ce contexte que le rapport du « LNS » du 29 avril 2020, rédigé après que vous avez été soumis à un examen médical, ne permet pas non plus de contrebalancer tous les constats susmentionnés, respectivement de prouver que vous auriez effectivement été « torturé » par les autorités égyptiennes, « en prison », dans les circonstances telles que vous les avez décrites.

En effet, rappelons tout d'abord dans ce contexte que vous avez refusé de vous faire examiner les parties génitales alors que vous prétendez avoir subi des « tortures » à cet endroit. Notons ensuite que le rapport exclut la possibilité que vous ayez été accroché à une jambe, la tête en bas, et ceci pendant neuf heures et cinq jours de suite, tel que vous le prétendez, alors qu'une telle torture aurait très probablement conduit à votre mort ou des dégâts irréparables.

Notons encore que le rapport du « LNS » fait surtout état de « unspezifische Verletzungen » qui se trouveraient sur vos extrémités, tandis qu'aucun signe d'un acte de torture à l'aide d'une « pince », tel que vous le mentionnez également, n'a pu être retrouvé sur votre corps.

Enfin, ce rapport conclut, notamment au vu du fait que certaines de vos cicatrices seraient plus ou moins compatibles avec certaines de vos déclarations, « dass die nachgewiesenen Verletzungen, oblgleich sie überwiegend als unspezifisch zu bewerten und somit einer konkreten Gewaltform nicht zuzuordnen sind, doch im Wesentlichen mit den Angaben des Untersuchten in Einklang bringen lassen. Ingesamt ergibt sich bei Herrn Mohamed Raemadan Ahmas (N) daher eine wenigstens adäquate Übereinstimmung der beschriebenen Foltererfahrung (…). ».

A cela s'ajoute que vous signalez vous-même au cours de votre entretien avoir vécu la « pire enfance », remplie de coups et d'actes de « torture » (p. 8 du rapport d'entretien), de sorte qu'il ne saurait donc manifestement plus être établi que les différentes blessures dont vous auriez été victime, respectivement les cicatrices sur votre corps, seraient le résultat d'actes de « torture » dont vous auriez été victime en juillet 2017 dans une « prison », respectivement, en détention policière. Un constat qui vaut d'autant plus au vu du manque de crédibilité général retenu et susmentionné, de votre comportement adopté depuis votre départ en août 2017, ainsi que de la délivrance de votre passeport en juillet 2017, suivi d'un départ par bateau vers l'Arabie-Saoudite après avoir obtenu un visa.

Monsieur, au vu de tout ce qui précède, votre version des faits est formellement rejetée et il est retenu que des motifs économiques ou de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale que vous étoffez avec des éléments susceptibles d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

 Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Comme retenu plus haut, il est évident que des motifs économiques et matériels, voire, de pure convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale.

En effet, déjà en 2017 et au vu de la copie du passeport versée tout comme de votre visa obtenu, votre départ vers l'Arabie-Saoudite s'est inscrit dans un cadre clairement économique et après que votre patron n'y aurait plus voulu prolonger votre contrat de travail et que vous n'auriez conséquemment plus eu droit à un titre de séjour, vous auriez décidé de vous organiser un visa pour la Géorgie, à partir d'où vous avez pu rejoindre l'Europe de l'Ouest pour y tenter votre chance de « débuter une nouvelle vie ». Vous avez finalement décidé d'introduire votre demande de protection internationale dans le dernier d'une multitude de pays européens visités, après avoir notamment rendu visite à votre famille aux Pays-Bas et n'avoir apparemment pas non plus jugé la Grèce, l'Italie, l'Autriche ou l'Allemagne comme des pays intéressants pour y rechercher une protection internationale.

Un tel comportement n'a évidemment rien d'une personne persécutée à la recherche d'une protection, mais correspond manifestement à celui d'une personne qui voudrait tout simplement « débuter une nouvelle vie » dans le pays, en apparence, le plus « riche » qu'elle a trouvé ou lui offrant des garanties et prestations sociales plus intéressantes.

Des motifs économiques et de pure convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi du statut du réfugié, alors qu'ils ne sont nullement au champ d'application prévue par la Convention de Genève et la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée dans son pays d'origine à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément pertinent de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécuté, que vous auriez pu craindre d'être persécuté respectivement que vous risquez d'être persécuté en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

 Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Eu égard à tout ce qui précède, du manque de crédibilité général retenu et des motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-tendent votre demande de protection internationale, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément pertinent de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination de l'Egypte, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2020, Monsieur (N) fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et de la décision du même jour portant à son égard ordre de quitter le territoire.

Dans son jugement du 8 novembre 2021, le tribunal administratif reçut en la forme le recours en réformation introduit par Monsieur (N) contre la décision du ministre du 28 mai 2020 rejetant sa demande de protection internationale et lui ordonnant de quitter le territoire et, au fond, le déclara non justifié pour en débouter le demandeur, tout en condamnant celui-ci aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 9 décembre 2021, Monsieur (N) a régulièrement fait relever appel du jugement précité.

L’appelant estime que ce serait à tort que la protection internationale, aussi bien le statut de réfugié que le statut conféré par la protection subsidiaire, lui a été refusée eu égard à son récit et aux preuves qu’il a apportées à son appui.

Monsieur (N) réitère les faits tels qu’ils ont été exposés lors de ses auditions devant la direction de l’Immigration et en première instance. Il indique que « sa mauvaise aventure » aurait débuté au cours d’une conversation anodine dans son salon de … alors qu’il était surveillé, sans le savoir, par un agent de la sûreté égyptienne. Il dit qu’à la suite de cette conversation, il aurait été condamné par contumace à une peine de réclusion de douze années pour son appartenance alléguée au mouvement des Frères musulmans. Il précise avoir fait l’objet de nombreux sévices corporels durant le mois de juillet 2017 et que le rapport d’expertise ordonné par le ministre pourrait renforcer la crédibilité de son récit. Il indique notamment avoir été pendu par intermittence par une seule jambe pendant plusieurs jours et avoir été frappé avec des barres de fer, des poings et des décharges électriques au niveau du tronc, des genoux et des testicules. L’appelant souligne que la synthèse de ce rapport d’expertise indique dix-huit blessures révélées par son examen corporel, de sorte que ledit rapport n’exclurait pas la version des faits de l’appelant qui serait tout à fait plausible et que ce serait partant à tort que les premiers juges n’auraient pas tenu compte de cette expertise.

L’appelant cite ensuite de nombreuses sources commentant le fonctionnement du système judiciaire sous le régime du président égyptien actuel et faisant état du nombre important d’exécutions et de procès en masse à l’encontre de manifestants, de dirigeants des membres des Frères musulmans et, plus loin, de simples citoyens. Il fait valoir que de nombreuses sources officielles, dont les Nations unies, auraient conclu au fait que la torture serait régulièrement utilisée en Egypte et que les droits de l’homme y seraient régulièrement bafoués. En outre, les conditions de détention y seraient cruelles et inhumaines et les détenus seraient privés de soins de santé.

L’appelant conteste la remise en cause, par les premiers juges, de l’authenticité de la décision de justice égyptienne qu’il a produite pour démontrer sa condamnation en Egypte. Il indique que cette décision serait authentique et qu’il serait dans l’incapacité absolue d’en obtenir une copie auprès du greffe égyptien compétent sans compromettre sa sécurité. En outre, il explique que les avocats égyptiens ne seraient pas en mesure d’effectuer leur travail de façon indépendante, de sorte que ce serait à tort qu’il lui serait reproché de ne pas s’être procuré des informations supplémentaires à propos de sa condamnation pénale. L’appelant soutient que la décision en cause proviendrait de la Cour pénale de …, qui existerait bel et bien dans l’organisation judiciaire égyptienne, et qu’elle serait datée du 16 mars 2018 et toiserait des faits lui reprochés intervenus au cours de l’année 2017 jusqu’à janvier 2018. L’appelant indique qu’il ne saurait être tenu pour responsable des contenus fantaisistes des décisions de justice égyptiennes alors qu’il serait de notoriété publique que des centaines de procès de masse auraient été diligentés contre de simples citoyens. Il conteste que la direction de l’Immigration aurait une quelconque compétence pour juger de l’authenticité de ladite décision et précise qu’elle se méprendrait quant au sens de cette décision. Il argue ensuite que l’allusion faite à de faux tampons sur cette décision de justice serait malvenue et n’aurait eu d’autre objectif que de déstabiliser l’appelant. Eu égard à ces éléments, l’appelant demande à la Cour de prendre « inspection de la cohérence du document présenté ».

Enfin, l’appelant fait valoir qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à nouveau à des traitements inhumains et dégradants et qu’il serait appréhendé dès son retour en Egypte. Il reproche au jugement entrepris de ne pas avoir analysé convenablement les preuves directes de sa situation individuelle et de la situation générale en Egypte. Pourtant, l’appelant serait éligible au statut conféré par la protection subsidiaire et il conviendrait partant d’annuler l’ordre de quitter le territoire, notamment conformément au principe de précaution eu égard au risque de voir l’appelant subir des atteintes graves à sa vie.

De son côté, la partie étatique demande la confirmation pure et simple du jugement entrepris et relève qu’aucun élément nouveau susceptible d’infirmer la décision ministérielle n’aurait été apporté par l’appelant. Bien au contraire, elle souligne que l’appelant se serait limité à ajouter des considérations d’ordre général sur le régime égyptien sans pour autant expliquer en quoi son récit serait crédible.

Enfin, elle souligne que l’appelant n’apporterait aucun élément concret permettant de confirmer l’authenticité de la décision de justice à travers laquelle l’appelant affirme avoir été condamné en Egypte et qu’il resterait toujours en défaut de clarifier les incohérences et contradictions soulevées dans le cadre de son récit par le ministre.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub f), 2 sub h), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l'octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu'au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l'article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d'origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, ils sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Il s’y ajoute encore que dans le cadre du recours en réformation dans lequel elle est amenée à statuer sur l’ensemble des faits lui dévolus, la Cour administrative doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur de protection internationale en ne se limitant pas à la pertinence des faits allégués, mais elle se doit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d’appréciation fondamental dans l’appréciation du bien-fondé d’une demande de protection subsidiaire, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

La Cour note à l’instar des premiers juges que le récit de l’appelant est ébranlé par de nombreuses imprécisions et contradictions, de sorte à en affecter la crédibilité globale.

En premier lieu, la Cour doute sérieusement en ce qui concerne les véritables motifs du départ de l’appelant de son pays d’origine, l’Egypte. En effet, un faisceau d’indices concourt à fragiliser la vraisemblance des propos que l’appelant a tenus depuis l’introduction de sa demande de protection internationale au Luxembourg.

La Cour note ainsi que lors de son audition par un agent du service de police judiciaire, l’appelant a indiqué ne pas avoir rencontré de difficultés dans son pays d’origine, l’Egypte, mais plutôt en Arabie Saoudite. En outre, lors de son départ d’Egypte, l’appelant s’est présenté en Grèce sous une identité distincte se faisant passer pour un individu d’origine palestinienne.

A cela s’ajoute qu’en 2014, l’appelant s’est vu refuser un visa de touriste pour rendre visite à sa famille aux Pays-Bas, les autorités de ce dernier Etat craignant qu’il y séjourne au-delà de la durée de son visa.

L’appelant s’est par la suite contredit en indiquant avoir été torturé en Egypte et y être actuellement recherché du fait de sa condamnation pénale alléguée à une peine de réclusion criminelle de douze années pour avoir, en tant que membre des Frères musulmans égyptiens, menacé la sécurité intérieure du pays. En outre, il n’explique aucunement à la Cour pourquoi il a pu, lors de cette première déclaration, indiquer ne pas avoir de difficultés dans son pays d’origine et être par la suite revenu sur cette affirmation.

En second lieu, quant au récit des exactions qu’il aurait subies en Egypte, la Cour émet des doutes eu égard à certaines indications centrales fournies par l’appelant et contredites par l’expertise médicale diligentée par le ministère. Plus particulièrement, la Cour note que le récit de certaines des formes de tortures relatées sont contredites par l’expertise médicale réalisée par le Laboratoire National de Santé le 29 avril 2020. Plus particulièrement, quant au récit des brûlures dont il aurait fait l’objet, notamment au niveau des mamelons et des cuisses, l’expertise indique que les marques présentées par l’appelant seraient atypiques des brûlures qu’il dit avoir subies. De la même manière, la déclaration de l’appelant selon laquelle il aurait été pendu au plafond par une seule jambe, tête retournée, pendant près de cinq jours, est jugée suspecte par l’expertise qui indique qu’un tel épisode, s’il s’était réellement produit, aurait soit entrainé la mort de l’appelant, soit généré des conséquences graves sur sa santé non vérifiées par la suite. Quant au reste de l’expertise, si elle n’exclut pas que les cicatrices présentes sur le corps de l’appelant puissent corroborer les violences qu’il décrit avoir subies, elle doit tout de même être prise avec précaution, état donné, d’une part, que l’expert indique que les cicatrices présentes ne peuvent précisément attester des actes de torture décrits par l’appelant et que, d’autre part, l’appelant a indiqué avoir fait l’objet de maltraitances durant son enfance.

En dernier lieu, la Cour relève que l’appelant n’a su la convaincre par un récit circonstancié des difficultés qu’il a éprouvées en Egypte en indiquant tantôt y avoir été détenu puis condamné à une lourde peine de prison tout en affirmant qu’il a pu sans difficulté faire modifier son passeport afin de candidater pour l’obtention d’un visa de travail lui ayant permis de travailler aux Emirats arabes unis et en Arabie Saoudite et quitter le pays par voie maritime.

A cela s’ajoute que le récit de sa condamnation par contumace est particulièrement affecté par le fait que l’appelant n’est pas en mesure d’expliquer de manière plausible les conditions d’obtention de la décision de justice égyptienne et de répondre aux accusations de faux soulevées par le ministre et les premiers juges. En effet, le fait de se limiter à indiquer qu’il serait dangereux d’obtenir une copie dudit jugement et de renvoyer au fonctionnement global du système judiciaire égyptien n’est pas de nature à valablement dissiper les doutes partagés par la Cour.

Il y a lieu, dans ces conditions, d’écarter l’allégation plausible et retraçable par l’appelant de motifs de persécution repris par la loi du 18 décembre 2015, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de reconnaissance du statut de réfugié de l’appelant.

La Cour relève, en outre, que les déclarations de l’appelant n’ont pas permis de tenir pour établie l’existence de motifs sérieux et avérés de croire qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves en cas de retour en Egypte.

En effet, dans la mesure où l’ensemble des craintes invoquées par l’appelant découle directement de son récit global, récit que la Cour ne tient pas pour établi eu égard aux nombreuses incohérences constatées, il échet de relever que l’appelant n’a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu’il courrait un risque de subir des atteintes graves en cas de retour en Egypte.

Il s’ensuit que les conditions pour admettre l’appelant au statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouvent pas non plus remplies en l’espèce.

Partant, il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre d’abord, puis les premiers juges ont rejeté la demande de Monsieur (N) en vue de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut de la protection internationale - statut de réfugié et protection subsidiaire - et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 9 décembre 2021 en la forme, au fond, le déclare non fondé et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 8 novembre 2021, condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 8 mars 2022 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s.… s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 mars 2022 Le greffier de la Cour administrative 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46772C
Date de la décision : 08/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-08;46772c ?

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