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03/03/2022 | LUXEMBOURG | N°46346C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 03 mars 2022, 46346C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46346C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46346 Inscrit le 10 août 2021

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Audience publique du 3 mars 2022 Appel formé par Madame (R), …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 juillet 2021 (n° 44275 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence de la société (G), …, et de la société (H)S.à r.l., …, en matière de permis de construire Vu la requête d’appel

inscrite sous le numéro 46346C du rôle et déposée le 10 août 2021 au greffe de la Co...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46346C du rôle ECLI:LU:CADM:2022:46346 Inscrit le 10 août 2021

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Audience publique du 3 mars 2022 Appel formé par Madame (R), …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 juillet 2021 (n° 44275 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg en présence de la société (G), …, et de la société (H)S.à r.l., …, en matière de permis de construire Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46346C du rôle et déposée le 10 août 2021 au greffe de la Cour administrative par Maître Marc BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (R), veuve de Monsieur (C), demeurant à L-… …, …, …, dirigée contre le jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 21 juillet 2021 (n° 44275 du rôle) l’ayant déboutée de son recours en annulation formé contre une décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 7 janvier 2020, référencée sous le n° …, autorisant la société anonyme (G), établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, à construire un deuxième immeuble sur la parcelle inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg sous le n°… et sise à L-1833 Luxembourg, …, boulevard Gustave Jacquemart;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Martine LISE, demeurant à Luxembourg, du 13 août 2021 portant signification de la prédite requête à 1) la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonction, établie à L-1648 Luxembourg, 42, Place Guillaume II, Hôtel de Ville, 2) la société anonyme (G), préqualifiée, et 3) la société à responsabilité limitée (H) S.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B …, représentée par son (ses) gérant(s) actuellement en fonction;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 octobre 2021 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 186371, représentée aux fins de la présente instance par Maître Gilles DAUPHIN, 1avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 octobre 2021 par Maître Cédric SCHIRRER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre de avocats à Luxembourg, pour compte de la société anonyme (G);

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 5 novembre 2021 par Maître Marc BADEN pour compte de Madame (R);

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 6 décembre 2021 par Maître Gilles DAUPHIN pour la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A.

pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 6 décembre 2021 par Maître Cédric SCHIRRER pour compte de la société anonyme (G);

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marc BADEN, Maître Gilles DAUPHIN et Maître Catherine HUBER, en remplacement de Maître Cédric SCHIRRER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 janvier 2022.

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Par courrier du 10 janvier 2019, Madame (R), veuve de Monsieur (C), fut informée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, ci-après désigné par « le bourgmestre », que la société (G), ci-après désignée par « la société (G) », avait fait introduire une demande d’autorisation de construire ayant pour objet la construction d’un immeuble résidentiel sur la parcelle, inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg sous le numéro … de la section HoB de Bonnevoie et sise …, boulevard Gustave Jacquemart à Luxembourg, ci-après désignée par « la parcelle litigieuse », et invitée par le bourgmestre à consulter le dossier et à présenter ses observations éventuelles.

Par courrier du 6 février 2019, Madame (R) soumit ses observations tout en déclarant s’opposer à ce projet de construction.

Le dossier de demande ayant été complété à la demande de la Ville de Luxembourg par les architectes de la société (G), Madame (R) fut invitée, par courrier du 9 octobre 2019, à consulter le dossier ainsi complété et à présenter ses observations.

Par courrier du 24 octobre 2019, l’intéressée soumit ses observations.

Par courrier du 7 janvier 2020, le bourgmestre prit position par rapport à ces observations et annonça son intention d’octroyer l’autorisation de construire sollicitée. Ledit courrier est libellé comme suit :

« (…) Je me réfère à votre réclamation du 24 octobre 2019, réceptionnée le 24 octobre 2019, concernant un projet de construction d’un immeuble résidentiel avec garages sur la parcelle inscrite au cadastre sous le numéro … sise, …, bd Jacquemart à Luxembourg.

2Concernant les objections que vous avez fait valoir dans votre réclamation précitée, nos observations sont les suivantes :

1.

Le projet présenté est conforme aux dispositions du PAG actuellement en vigueur. L’arrêt de la Cour administrative du 23 janvier 2014 et le jugement du Tribunal administratif du 26 juin 2013 se réfèrent à un projet présenté dans un autre contexte réglementaire, à savoir le PAG dit « Joly », abrogé depuis le 6 octobre 2017.

2. Concernant le classement de la parcelle en question, vous aviez demandé par courrier du 3 mars 2017 que celle-ci soit maintenue « ensemble sensible » et de changer la classification de HAB-2 SPR-es en HAB-1 SPR-es. Le PAG actuel prévoit en effet que la parcelle se situe en « zone d’habitation 1 [HAB-1] », recouverte de la zone superposée secteur protégé d’intérêt communal ‘environnement construit’. Cette zone est couverte et précisée par le plan d’aménagement particulier quartier existant PAP QE « secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es] ».

L’article 1er du PAG prévoit que « la zone d’habitation 1 est destinée aux maisons d’habitation unifamiliales, bi familiales ou plurifamiliales ». Le projet en question prévoyant la construction d’une maison d’habitation bi familiale, il cadre parfaitement avec la réglementation en vigueur.

3. Concernant votre courrier de recours adressé au Ministre de l’Aménagement du territoire, je ne suis pas en possession d’une copie de celui-ci de sorte que je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l’argumentation qui y serait développée.

4. Concernant votre courrier du 6 février 2019 au Ministère de la Culture, Service Sites et Monuments, celui-ci n’est pas compétent en la matière, alors que le site n’est pas doté d’une protection nationale.

5. Suite aux observations que vous avez formulées par courrier du 6 février 2019, la Police des bâtisses a demandé des informations supplémentaires concernant les gabarits actuels et théoriques de l’ensemble des constructions voisines. Ces informations ont été fournies en date du 21 août 2019, ce qui a permis de vérifier une nouvelle fois la conformité du projet au cadre réglementaire.

6. Concernant vos observations au sujet de l’habitat existant (notamment « maisons unifamiliales de type « villa », qui répondent aux critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement avec jardin privatif, exemplarité du type de bâtiment »), je tiens à vous informer que le PAG actuel prévoit que les parcelles en question sont classées dans une zone urbanisée « zone d’habitation 1 [HAB-1] ». Cette zone est couverte et précisée par le plan d’aménagement particulier quartier existant PAP QE [HAB-1•c]. Ces immeubles ne sont pas dotés d’une servitude de conservation et peuvent, selon la réglementation actuellement en vigueur, être démolis. L’article 3.4 du PAP QE, relatif. à la hauteur de la corniche ou à l’acrotère, dispose que « dans les secteurs [HAB-1•c], la hauteur de la corniche de la façade ne peut être supérieure à 8,50 mètres.

La hauteur à l’acrotère de la façade peut dépasser cette hauteur de 0,30 mètre. » Comme la série de maisons à laquelle appartient votre immeuble fait partie d’un autre PAP QE et vu son cadre non immuable, l’authenticité alléguée de cette série de maisons n’est pas une constante. Il s’agit en réalité d’un ensemble hétérogène pour ce qui est des alignements, des gabarits, ainsi que des modénatures et les implantations pourront changer dans le cas d’une nouvelle construction. Comme dans cette rue, l’alignement de référence est celui des numéros 13-27, boulevard Gustave Jacquemart, ceux-ci sont les seuls bâtiments qui ne changeront pas leur implantation et ceci conformément à l’article B.3.2.1 relatif à 3l’implantation du secteur [HAB-1•k]. Le projet de la nouvelle construction s’aligne, pour des raisons urbanistiques, sur ces bâtiments et ceci conformément à l’article D.10.2.1.2.

7. Au sujet de vos observations concernant les parties de quartier qu’il s’agit de préserver pour conserver l’identité et l’histoire urbanistique de la Ville, ou du fait que les secteurs protégés des ensembles sensibles auraient pour but la préservation et la protection du patrimoine existant ainsi que la sauvegarde du site, je tiens à vous informer que l’article D.10.2 relatif aux dispositions spécifiques pour le PAP QE « secteur protégé des ensembles sensibles » dispose que ces derniers « comprennent certaines parties ou tronçons de rue du territoire de la Ville qui constituent, de par leur caractère harmonieux et de par leur composition urbaine des ensembles cohérents, dignes d’être conservés dans leur ensemble ». L’article D.10.2.1.2 de la même partie écrite dispose que « les places à bâtir existantes non construites peuvent être couvertes par une ou plusieurs nouvelles constructions », en respectant les conditions énumérées dans ce même article. Or, le projet sous examen s’intègre harmonieusement dans l’environnement et respecte « les proportions, les matériaux, le caractère et la qualité architecturale des immeubles voisins, ainsi que les alignements, les profondeurs et les hauteurs des constructions principales voisines ».

8. Concernant votre remarque que le n° …, bd Jacquemart n’existerait pas, je tiens à vous informer que l’Administration des Services du Géomètre de la Ville de Luxembourg est chargée de définir les adresses sur le territoire de la Ville et a confirmé en date du 30 septembre dernier l’adresse …, bd Jacquemart.

L’autorisation de bâtir sera dès lors délivrée telle que proposée, alors que la demande est conforme au PAG, au PAP QE et au règlement sur les bâtisses. Les objections qui m’ont été soumises sont basées sur une appréciation purement subjective. Or, refuser une autorisation de bâtir sur base d’appréciations subjectives reviendrait à un abus de pouvoir. (…) ».

Le même 7 janvier 2020, le bourgmestre délivra à la société (G) l’autorisation, référencée sous le n° …, pour la construction d’un deuxième immeuble sur la parcelle inscrite au cadastre sous le n° … et sise … boulevard Gustave Jacquemart à Luxembourg, ce dont Madame (R) fut informée par courrier du 10 janvier 2020.

Contre cette autorisation de construire, Madame (R) fit introduire le 16 mars 2020 un recours en annulation devant le tribunal administratif (n° 44275 du rôle). Le 28 mai 2020, elle sollicita encore l’institution d’un sursis à exécution de l’autorisation de construire en attendant la solution du recours au fond (n° 44481 du rôle). Cette demande fut rejetée par une ordonnance du président du tribunal administratif du 8 juin 2020.

Par jugement du 21 juillet 2021, le tribunal administratif déclara le recours en annulation recevable mais non fondé et en débouta la demanderesse, tout en rejetant les demandes respectives de la demanderesse et de la société (G) en allocation d’une indemnité de procédure formulées et en condamnant la demanderesse aux frais de l’instance.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 10 août 2021, Madame (R) a régulièrement relevé appel de ce jugement.

A l’appui de son appel, Madame (R) réitère en premier lieu le moyen tiré de la violation de l’article B.3.2.1 du plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de 4 Luxembourg, ci-après désigné par « PAP QE », en ce que le projet de construction ne respecterait pas la marge de reculement antérieure requise.

Elle soutient que le boulevard Gustave Jacquemart comporterait un « alignement existant croissant des façades sur rue » en ce sens qu’au fur et à mesure de l’augmentation des numéros des parcelles donnant sur ledit boulevard à partir de la parcelle sise au n° 11, l’alignement existant des façades sur rue augmenterait de façon constante jusqu’à la rue Aloyse Meyer, de telle manière que pour les nos 25 et 27 la marge de reculement antérieure serait de 7,5 mètres, tandis que pour les parcelles sises aux nos 29 et 31 elle serait de 10 mètres et que de l’autre côté de la rue Aloyse Meyer, elle serait de 15 mètres pour ce qui est de sa propre maison située au n° … et celle située au n° 35. Ce ne serait qu’au niveau de l’immeuble sis au n° 23 du boulevard Gustave Jacquemart que l’on trouverait une marge de reculement antérieure de 5 mètres, qui aurait été imposée à l’époque de la construction des immeubles en question et qui s’expliquerait par le fait que les parcelles du n° 13 jusqu’au n° 23 inclus seraient des parcelles de moindre profondeur que les parcelles suivantes.

Elle en conclut qu’avec une marge de reculement antérieure de seulement 6 mètres, la construction autorisée détruirait l’harmonie voulue lors de l’établissement du lotissement ayant donné lieu aux constructions le long du boulevard Gustave Jacquemart, consistant dans une marge de reculement antérieure augmentant régulièrement au fur et à mesure de l’augmentation de la profondeur des parcelles le long dudit boulevard, et qu’elle ferait figure de cavalier seul par rapport aux constructions voisines situées de part et d’autre.

Elle conteste encore l’affirmation du bourgmestre selon laquelle les maisons situées le long du boulevard Gustave Jacquemart constitueraient un ensemble hétérogène pour ce qui est des alignements, des gabarits et des modénatures.

Elle se prévaut d’une copie d’une vue aérienne imprimée du map.geoportail.lu, qui lui aurait été remise lors d’une visite dans les bureaux de l’architecte de la Ville de Luxembourg, pour illustrer à quel point la construction autorisée dérogerait au recul des façades des constructions existant le long du boulevard Gustave Jacquemart.

L’appelante souligne ensuite que les propriétés donnant sur le boulevard Gustave Jacquemart depuis la rue Charles Calmette jusqu’à la rue Aloyse Meyer relèveraient du secteur [HAB-1•k], tandis que les propriétés situées après l’intersection avec la rue Aloyse Meyer relèveraient du secteur [HAB-1•c], tout en précisant que les règles sur l’alignement des façades ne seraient pas les mêmes pour les deux secteurs.

Elle fait ainsi valoir que si en vertu de l’article B.3.2.1 du PAP QE, dans le secteur [HAB-1•c] dans lequel se trouvent sa propriété et la parcelle litigieuse, comme dans le secteur [HAB-1•k] situé de l’autre côté de la rue Aloyse Meyer, l’implantation des constructions devrait en principe respecter l’alignement existant des façades sur rue, en l’absence cependant d’un tel alignement, le recul sur la limite cadastrale antérieure serait fixé à 6 mètres pour les secteurs [HAB-1•a] et à 5 mètres pour les secteurs [HAB-1•b] et [HAB-1•c], tandis que pour le secteur [HAB-1•k], le PAP QE et, plus particulièrement, l’article B 3.2.1 ne prévoiraient pas de recul sur la limite cadastrale antérieure autre que l’alignement des façades sur rue. Si elle admet que l’article B.3.2.1 du PAP QE prévoirait la possibilité d’une augmentation ou d’une diminution du recul, notamment pour des raisons urbanistiques, elle estime cependant que celles-ci font défaut en l’espèce, le recul de seulement 6 mètres autorisé par le bourgmestre détruisant au contraire le caractère urbanistique harmonieux du site. Elle en déduit que la fixation de la marge 5de reculement antérieure pour la construction autorisée à 6 mètres serait dépourvue de base légale.

Elle souligne encore, en s’appuyant sur un extrait du plan cadastral constituant la pièce n° 1 de l’autorisation de construire et sur la photo aérienne versée par la Ville de Luxembourg, que si le recul des façades des parcelles nos 13-15, 17-19 et 21-33 serait presque identique, il augmenterait à partir des parcelles nos 21-23 progressivement de façon linéaire. Ensuite, après la rue Aloyse Meyer, le recul antérieur augmenterait à 15 mètres pour les parcelles nos 33 et 35 pour passer de nouveau à 10 mètres pour les parcelles nos 37 et 39 du boulevard Gustave Jacquemart. Il serait dès lors évident que la logique urbanistique de ces alignements serait celle d’un alignement croissant linéaire jusqu’à la rue Aloyse Meyer et celle d’un alignement décroissant linéaire à partir de la parcelle n° 33, ceci en fonction de la profondeur des parcelles.

Elle ajoute qu’aucun texte, ni aucune considération urbanistique ne s’opposerait à ce qu’une rue ne puisse avoir, selon les parties de la rue concernée, plusieurs alignements différents des façades. Elle est d’avis que le terme aligner signifierait ranger sur une même ligne droite et non pas ranger sur une ligne droite parallèle au bord de la rue, alors que cette ligne droite pourrait aussi être oblique par rapport au bord de la rue.

L’appelante critique les premiers juges pour ne pas avoir répondu à son argument de l’alignement progressif linéaire, en jugeant que l’article B.3.2.1 du PAP QE ne serait pas applicable, dès lors que la parcelle litigieuse ne serait pas classée en secteur [HAB-1•c]. Elle leur reproche également d’avoir retenu qu’un alignement progressif ne serait pas décelable en l’espèce. Elle réitère son argument que pour le secteur [HAB-1•k], le PAP QE ne prévoirait aucun recul sur bord de rue autre que celui résultant de l’alignement des façades.

Elle reproche également aux premiers juges d’avoir retenu que le titre B du PAP QE ne trouverait pas application, dès lors que la parcelle litigieuse serait située dans le secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es]. D’après l’appelante, le secteur protégé des ensembles sensibles ne remplacerait pas la zone d’habitation, mais se superposerait à elle, avec comme conséquence que les prescriptions de la zone [HAB-1] et du secteur protégé d’intérêt communal devraient s’appliquer cumulativement.

L’appelante soutient ensuite que pour le secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es], le PAP QE exigerait le respect des alignements des constructions principales voisines. Sa parcelle située au n° … du boulevard Gustave Jacquemart constituerait la seule construction principale voisine au sens strict du terme, puisque de l’autre côté de la parcelle litigieuse, il y aurait la rue Aloyse Meyer et ce seraient les constructions voisines situées aux nos 29-31 et 33-35 du boulevard Gustave Jacquemart qui constitueraient des constructions principales voisines au sens large du terme.

Elle en conclut, en se fondant sur l’article D.10.2.1.2 du PAP QE, que pour la parcelle litigieuse, la construction autorisée devrait respecter un recul antérieur de 15 mètres, correspondant à celui de sa propre propriété, sinon un recul antérieur de 10 mètres, correspondant au recul des constructions situées respectivement aux nos 29-31 et 37-39 du boulevard Gustave Jacquemart.

En deuxième lieu, l’appelante réitère le moyen tiré d’une violation de l’article D.10.2.1.2 du PAP QE, ainsi que des articles D.1.1, D.2.1.1, D.2.1.2, D.2.1.5, D.10.2, D.10.2.1., D.10.2.1.2, D.10.2.6.1, B.1.3 et B.2.4 du PAP QE, en ce que le projet de construction 6ne respecterait pas l’obligation d’intégration harmonieuse à l’ensemble des constructions voisines.

Elle estime, à la différence des premiers juges, qu’elle n’aurait pas simplement paraphrasé les dispositions invoquées, mais qu’elle aurait été parfaitement claire quant au non-respect des dispositions de l’article D.10.2.1.2 du PAP QE concernant le caractère, la qualité architecturale et les proportions des constructions principales voisines à respecter ainsi que l’intégration harmonieuse dans l’ensemble, tout en soulignant que le maintien du caractère harmonieux des sites d’habitation constituerait le Leitmotiv dans le PAG de la Ville de Luxembourg, ci-après « PAG », et les PAP QE. Elle se plaint ainsi notamment de ce que la construction autorisée serait la seule à présenter une toiture en zinc quasiment plate sur un étage en retrait, que celle-ci pourrait aisément être transformée d’un immeuble bi-familial en immeuble à trois appartements et qu’elle dépasserait de 62 cm la hauteur maximale autorisée.

La Ville de Luxembourg et la société (G) concluent en substance au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Bien que la société (H)S.à r.l. n’ait pas fait déposer de mémoire, la Cour est néanmoins amenée à statuer à l’égard de toutes les parties en cause en vertu des dispositions de l’article 47 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

La Cour tient tout d’abord à préciser que si l’appelante fait plaider qu’elle aurait droit à voir la règlementation urbanistique respectée, au motif que la violation des dispositions du PAG et du PAP QE diminuerait la valeur de sa propriété et sa qualité de vie, de telles considérations sont plutôt de nature à illustrer l’intérêt à agir de l’appelante lequel, au demeurant, n’est pas remis en cause en l’espèce, mais ne sont pas pertinentes pour l’appréciation de la légalité de l’autorisation de construire litigieuse.

Il convient ensuite de rappeler que lorsque le juge administratif est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et même l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée, mais il ne saurait, sous peine de méconnaître le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée en ce qu’il dispose d’une marge d’appréciation, se placer tout simplement en lieu et place de l’administration et substituer son appréciation à celle de l’administration, même si, dans le cadre du contrôle de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation est appelé à vérifier s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision attaquée.

En ce qui concerne le premier moyen d’annulation tiré de la violation de l’article B.3.2.1 du PAP QE en raison d’un prétendu non-respect de l’alignement existant des façades donnant sur le boulevard Gustave Jacquemart, il convient d’abord d’examiner si cette disposition est applicable en l’espèce, l’appelante soutenant que les dispositions du titre B des PAP QE des zones d’habitation [HAB] devraient s’appliquer, puisque la parcelle litigieuse serait classée en zone d’habitation 1 [HAB-1].

Il est exact, ainsi que les premiers juges l’ont relevé, que suivant la partie graphique du PAG, la partie de la parcelle litigieuse sur laquelle porte l’autorisation attaquée est classée en zone [HAB-1], tandis que la partie de la parcelle donnant sur le square Aloyse Meyer est classée 7en zone [HAB-2]. Il en est de même de la parcelle n° 541/7271, située de l’autre côté de la rue Aloyse Meyer, dont la partie donnant sur le boulevard Gustave Jacquemart est classée en zone [HAB-1], tandis que la partie donnant sur le square Aloyse Meyer est classée en zone [HAB-2].

Il ressort pareillement de la partie graphique du PAG que l’ensemble de la parcelle litigieuse, de même que l’ensemble de la parcelle située du côté opposé de la rue Aloyse Meyer sont soumis à la zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » » au sens de l’article 29 de la partie écrite du PAG qui vise des « parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection ».

En outre, il ressort du plan de repérage des PAP QE que la parcelle litigieuse, tout comme la parcelle située de l’autre côté de la rue Aloyse Meyer, sont également soumises au PAP QE « secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es] », renseigné à travers des lignes pointillées de couleur turquoise, indiquées dans la légende comme valant délimitation des limites des parcelles faisant partie du PAP QE [SPR-es].

En ce qui concerne les autres parcelles longeant le boulevard Gustave Jacquemart, celles situées aux nos 33 à 39 sont classées en secteur [HAB-1•c], tandis que les parcelles situées aux numéros 11 à 31 sont classées en secteur [HAB-1•k], ainsi que cela se dégage du plan de repérage des PAP QE à travers des lignes pointillées de couleur jaune.

C’est dès lors à tort que l’appelante fait plaider que la parcelle litigieuse serait classée en secteur [HAB-1•c] du PAP QE, puisque suivant les indications figurant sur le plan de repérage, ladite parcelle est entourée d’un pointillé de couleur turquoise et comporte la mention de l’encadré [SPR-es].

Il s’ensuit, ainsi que les premiers juges l’ont retenu à bon droit, que ce ne sont pas les dispositions du titre B des PAP QE des zones d’habitation qui sont appelées à régir la parcelle litigieuse classée en secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es], mais les dispositions des articles D des PAP QE des secteurs protégés [SPR].

Contrairement à ce qui est soutenu par l’appelante, les dispositions du titre B des PAP QE des zones d’habitation invoquées par elle et les dispositions du titre D des PAP QE des secteurs protégés ne s’appliquent pas de manière cumulative, bien que la parcelle litigieuse soit classée par le PAG en zone [HAB-1].

En effet, la Cour est amenée à rappeler (cf. notamment Cour adm. 6 mai 2021, n° 44713C du rôle, publié sur www.justice.public.lu) qu’en application de l’article 25 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », le PAP précise et exécute les dispositions réglementaires du PAG concernant une zone ou une partie de zone. Ainsi, le PAG est à regarder comme étant le cadre contenant, d’après l’article 5 de la même loi, un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol. Outre les zones proprement dites, le PAG prévoit des zones superposées, dont celles prévues à l’article 29 de sa partie écrite concernant les secteurs protégés d’intérêt communal de type « environnement construit-C », eux-mêmes constitués par des parties du territoire communal comprenant des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères énumérés à l’alinéa 1er dudit article 29.

8 D’après l’alinéa 2 du même article 29, ces secteurs couvrent des quartiers ou parties de quartier et conservent l’identité et l’histoire urbanistique de la Ville.

Le même alinéa 2 de l’article 29 de la partie écrite du PAG prévoit que ces secteurs « sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection définies dans la présente partie écrite et précisées dans les parties écrite et graphique des PAP QE ».

Ainsi, l’article 29 de la partie écrite du PAG énonce clairement que les servitudes spéciales de sauvegarde et de protection destinées à réaliser l’objectif de préservation et de conservation des secteurs visés sont définies, d’une part, dans la partie écrite du PAG elle-même et, d’autre part, au niveau des PAP QE.

En d’autres termes, c’est au PAG de déterminer les secteurs protégés d’intérêt communal « environnement construit - C », tandis que, toujours suivant l’économie de la loi du 19 juillet 2004, il appartient, conformément à son article 25, alinéa 1er, au PAP QE de préciser et exécuter les dispositions réglementaires afférentes, notamment à travers l’inclusion dans un secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es].

Les ensembles sensibles ne se trouvent dès lors plus définis au niveau du PAG, mais au niveau de la partie écrite du PAP QE et ce, plus particulièrement, en tant que sous-titre D.10 intitulé « Dispositions et conditions esthétiques pour les PAP QE « secteur protégé des Ensembles Sensibles - [SPR-es] » ». S’il n’existe pas de partie graphique propre aux secteurs protégés des ensembles sensibles, les secteurs correspondant à ces [SPR-es] peuvent être dégagés à partir des plans de repérage des PAP QE.

L’article D.10.1, intitulé « La destination », vise le seul PAP QE « secteur protégé des ensembles sensibles » en énonçant que celui-ci couvre des parties de zones urbanisées prévues dans le PAG au nombre de six, à savoir les zones [HAB-1], [HAB-2], [MIX-u], [MIX-c], [BEP] et [GARE].

L’alinéa 2 de l’article D.10.1 de la partie écrite du PAP QE précise que le mode d’utilisation de ces six différentes zones prévues dans le PAG est précisé aux articles D.10.1.1 et suivants pour le PAP QE [SPR-es].

C’est l’article D.10.1.1, intitulé « la zone d’habitation 1 - [HAB-1] » qui prévoit les précisions afférentes à cette zone pour les parties soumises au PAP QE [SPR-es].

De plus, l’article D.10.2, intitulé « Dispositions spécifiques et conditions esthétiques », ensemble ses 10 subdivisions D.10.2.1 à D.10.2.10 prévoit un dispositif de règles générales applicables aux différents secteurs soumis au PAP QE [SPR-es].

Il s’ensuit, et contrairement à ce que soutient l’appelante, que seules les dispositions du titre D du PAP QE sont applicables à la parcelle litigieuse.

Ce constat est encore confirmé par le fait que d’après le titre A du PAP QE intitulé « Division du territoire de la Ville en plans d’aménagement particulier « quartier existant » -

PAP QE », « le tissu bâti existant (…) est subdivisé en plans d’aménagement particulier « quartier existant », sur la base du plan d’aménagement général » et que les PAP QE sont subdivisés par type de zone, parmi lesquelles figurent, notamment, les PAP QE des zones 9d’habitation 1 [HAB-1], des zones d’habitation 2 [HAB-2] et des secteurs protégés des ensembles sensibles [SPR-es].

La partie écrite du PAP QE distingue entre, d’une part, les PAP QE des zones d’habitation [HAB], réglementées sous le titre B, distinguant entre les zones d’habitation 1 [HAB-1] - subdivisées suivant l’article B.3 en secteurs [HAB-1•a], [HAB-1•b], [HAB-1•c], [HAB-1•k], [HAB-1•k+], [HAB-1•m] - et zones d’habitation 2 [HAB-2], - subdivisées suivant l’article B.4 en secteurs [HAB-2•b], [HAB-2•c], [HAB-2•d], [HAB-2•e], [HAB-2•f], [HAB-2•g], [HAB-2•h], [HAB-2•k], [HAB-2•k+], [HAB-2•l] et [HAB-2•m] - et, d’autre part, notamment les PAP QE des « secteurs protégés » - [SPR], réglementés sous le titre D., parmi lesquels figurent, en l’occurrence, le PAP QE « secteur protégé des ensembles sensibles » -

[SPR-es] », pertinent en l’espèce, réglementé par le sous-titre D.10 du PAP QE.

Si l’article D.10.1, intitulé « la destination » et inscrit sous le sous-titre D.10 intitulé « Dispositions et conditions esthétiques pour les PAP QE « secteur protégé des Ensembles Sensibles » - [SPR-es] », invoqué par l’appelante, rappelle certes le mode d’utilisation de ces secteurs protégés des ensembles sensibles et précise que les PAP QE de ces secteurs couvrent, entre autres, les zones d’habitation 1 et 2 suivant le PAG, l’appelante n’est pas fondée à en déduire que les dispositions des titres B et D du PAP QE s’appliqueraient cumulativement à la parcelle litigieuse du seul fait que celle-ci se trouve classée suivant le PAG en zone d’habitation 1, étant donné ainsi que cela a été dit ci-dessus, il ne convient pas de confondre les classements en zones telles qu’existant au niveau du PAG, définissant les modes d’utilisation admissibles, avec ceux des secteurs du PAP QE précisant le mode d’utilisation du sol de la zone d’habitation 1 [HAB-1] en définissant en l’occurrence les règles de constructibilité.

Il suit de ce qui précède que dans la mesure où, tel que retenu ci-avant, le plan de repérage renseigne la parcelle litigieuse clairement comme faisant partie du secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es] du PAP QE, réglementé expressément par le sous-titre D.10 du PAP QE, l’article B.3.2.1 du PAP QE invoqué par l’appelante, figurant sous le titre B visant les PAP QE des zones d’habitation [HAB], ne trouvant pas application.

Par voie de conséquence, le moyen fondé sur une violation des marges de reculement antérieures prévues par l’article B.3.2.1. est à rejeter comme inopérant.

C’est dès lors à bon droit que les premiers juges se sont référés aux dispositions du titre D., intitulé « Les PAP QE des « secteurs protégés » -[SPR] », pour examiner la question du non-respect de la marge de reculement antérieure.

En ce qui concerne le deuxième moyen tiré d’une violation de l’article D.10.2.1.2 du PAP QE fondé sur le reproche d’un défaut d’intégration harmonieuse, l’appelante reproche dans ce contexte aux premiers juges de ne pas avoir examiné ce moyen également à la lumière des articles D.1.1 (il faut lire article D.1, étant donné que l’article D.1.1 n’existe pas), D.2.1.1, D.2.1.2, D.2.1.5, D.10.2, D.10.2.1., D.10.2.1.2, D.10.2.6.1, ainsi que des articles B.2.1.3 et B.2.4 du PAP QE, au motif qu’elle ne ferait que paraphraser leur contenu.

Or, indépendamment de la question de l’applicabilité des dispositions ainsi invoquées en l’espèce, l’appelante ne précise pas plus en appel qu’en première instance dans quelle mesure ces dispositions auraient été violées par le bourgmestre en l’espèce, si ce n’est qu’elle en déduit l’importance qu’il faudrait attacher au critère de l’intégration harmonieuse au sens 10de l’article D.10.2.1.2 du PAP QE, dont l’applicabilité n’est toutefois pas contestée en l’espèce.

La Cour procédera donc à l’examen de cette question à la lumière de cette seule disposition.

Aux termes de l’article D.10.2.1.2 du PAP QE, intitulé « Les nouvelles constructions :

« (…) Les places à bâtir existantes non construites et les parties de terrain non construites peuvent être couvertes par une ou plusieurs nouvelles constructions principales.

Ces nouvelles constructions principales doivent s’intégrer harmonieusement dans l’ensemble des constructions voisines existantes. Elles doivent respecter les proportions, les matériaux, le caractère et la qualité architecturale des immeubles voisins, ainsi que les alignements, les profondeurs et les hauteurs des constructions principales voisines. Leur recul latéral doit être soit au moins égal au recul latéral existant de l’immeuble adjacent, soit au moins 4 mètres, sauf dans le cas où il y a, sur la parcelle attenante, un pignon nu d’une construction en attente ».

Il résulte de cette disposition que les nouvelles constructions principales dans le secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es] doivent s’intégrer harmonieusement dans l’ensemble des constructions voisines existantes et doivent, à cet égard, respecter les proportions, les matériaux, le caractère et la qualité architecturale des immeubles voisins, ainsi que les alignements, les profondeurs et les hauteurs des constructions principales voisines.

Les premiers juges ont pointé à juste titre que cette disposition ne prévoit aucune indication spécifique en ce qui concerne l’alignement à respecter, mais que la question de l’alignement doit être appréciée par rapport à la question de l’intégration harmonieuse « dans l’ensemble des constructions voisines existantes », l’alignement à respecter étant celui des « constructions principales voisines ».

Au-delà de la question de savoir ce qu’il faut entendre par le terme « constructions principales voisines », la Cour constate que si les parties sont en désaccord quant aux marges de reculement antérieures exactes présentées par les différentes constructions longeant le boulevard Gustave Jacquemart, il n’est pas contesté que la construction autorisée accuse un recul de 6 mètres, tandis que la maison de l’appelante implantée sur la parcelle contiguë affiche un recul de quelques 15 mètres selon les propres affirmations de l’appelante.

Il est ainsi patent que la construction autorisée par son implantation à 6 mètres du boulevard Gustave Jacquemart ne respecte pas l’alignement des maisons situées à droite de la rue Aloyse Meyer qui affichent toutes des marges de reculement antérieures plus importantes.

Il se dégage toutefois des explications de la Ville de Luxembourg, telles que reprises notamment dans le courrier du bourgmestre du 7 janvier 2020, que la Ville de Luxembourg a retenu pour la construction litigieuse un alignement de référence de 6 mètres correspondant à celui des constructions situées aux nos 13 à 27 du boulevard Gustave Jacquemart, dès lors que celles-ci sont classées dans le secteur [HAB-1•k] et qu’en cas de démolition et reconstruction, elles ne changeront pas leur implantation conformément à l’article B.3.2.1 du PAP QE. Quant aux maisons jumelées situées aux nos 29 et 31, également classées en secteur [HAB-1•k], elles devront, en cas de démolition et reconstruction, s’aligner sur le même recul de référence que les constructions sises aux nos 13 à 27 conformément à l’article B.3.2.1, alinéa 1er, du PAP QE.

Par contre, en ce qui concerne les maisons situées aux nos 33 à 39 du boulevard Gustave Jacquemart, elles sont classées en secteur [HAB-1•c] et ne présentent pas de marges de 11reculement antérieures homogènes, de sorte qu’en application de l’article B.3.2.1, alinéa 2, du PAP QE, le recul sera de 5 mètres en cas de démolition et reconstruction, de sorte qu’à l’avenir, les différences de recul antérieur des constructions donnant sur le boulevard Gustave Jacquemart pourront être harmonisées.

Il s’ensuit que si l’implantation de la construction autorisée coupe certes avec le concept urbanistique ayant initialement présidé à l’urbanisation du boulevard Gustave Jacquemart, ce changement de concept urbanistique est le résultat d’un changement de la règlementation urbanistique. Or, il convient de rappeler que l’essence même des règles urbanistiques n’est pas de refléter une réalité existante figée dans le temps, mais consiste à prévoir et à programmer l’aménagement urbain. Aussi, il ne saurait être tiré prétexte d’une situation existante, créée sous l’empire d’une règlementation urbanistique antérieure, pour faire obstacle au développement, tel que voulu à cet endroit par les autorités communales. Par suite, l’intégration de la construction autorisée n’est pas uniquement à apprécier par rapport au tissu bâti existant, mais aussi par rapport aux caractéristiques telles que prévues par le PAG.

La Cour, à l’instar des premiers juges, arrive partant à la conclusion que l’approche retenue par la Ville de Luxembourg afin de donner à des alignements existants hétérogènes à long terme une certaine harmonie sur base des dispositions spécifiques applicables aux parcelles situées à gauche et à droite de la parcelle litigieuse, en retenant une marge de reculement antérieure de référence de 6 mètres, correspondant à celle des maisons sises aux nos 13 à 27 du boulevard Gustave Jacquemart, n’est pas sujette à critique, le bourgmestre n’ayant pas dépassé sa marge d’appréciation à cet égard.

Il suit de ce qui précède que le reproche tiré d’un non-respect des alignements est à rejeter.

En ce qui concerne les autres éléments du reproche du défaut d’intégration harmonieuse, l’appelante fait valoir que la construction autorisée, de par son architecture, sa toiture et ses matériaux ne respecterait pas le caractère harmonieux du site, composé de maisons unifamiliales, avec des toitures à quatre versants à 45° recouvertes d’ardoises naturelles, construites dans un style architectural des années d’après-guerre. Elle reproche ainsi à la construction autorisée de présenter une toiture quasi-plate en zinc et de pouvoir être aisément transformée d’une maison bi-familiale en maison à trois appartements.

Comme il a été dit ci-dessus, l’article D.10.2.1.2 du PAP QE dispose que les nouvelles constructions principales doivent s’intégrer harmonieusement dans l’ensemble des constructions voisines existantes et qu’elles doivent respecter les proportions, les matériaux, le caractère et la qualité architecturale des immeubles voisins, ainsi que les alignements, les profondeurs et les hauteurs des constructions principales voisines, étant rappelé que les dispositions du titre B du PAP QE ne sont pas applicables à la parcelle litigieuse.

En ce qui concerne tout d’abord le caractère bifamilial de la construction autorisée, il est constant que la parcelle litigieuse se trouve classée par la partie graphique du PAG en zone d’habitation 1 [HAB-1], dans laquelle, d’après la partie écrite du PAG, sont autorisées les maisons d’habitation unifamiliales, bi-familiales ou pluri-familiales. Il s’ensuit que même à admettre que l’immeuble bi-familial autorisé pourrait être transformé en immeuble à trois appartements, ce fait ne porte pas à conséquence.

12Quant à l’affirmation de l’appelante selon laquelle la hauteur de la construction autorisée dépasserait, de l’aveu même de la Ville de Luxembourg, la limite autorisée, elle laisse d’être fondée pour manquer en fait.

En effet, il ne ressort nullement des explications fournies par la Ville de Luxembourg en première instance qu’elle aurait admis que la construction autorisée dépasserait la hauteur maximale autorisée. Il résulte uniquement des explications fournies en première instance par la partie défenderesse que les différences de hauteur entre la construction autorisée, celles situées aux nos 2 et 4 du square Aloyse Meyer et la maison de l’appelante sont minimes, de sorte qu’un reproche d’un défaut d’intégration harmonieuse laisse d’être vérifié.

En ce qui concerne le style architectural et la toiture de la construction autorisée, la Ville de Luxembourg a expliqué que ceux-ci ont été choisis pour permettre de garantir le respect de l’harmonie essentiellement avec les deux immeubles sis aux nos 2 et 4 du square Aloyse Meyer, à savoir les deux seuls immeubles du voisinage qui, d’après leur classement en secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es] à l’instar de la partie de la parcelle devant accueillir la construction autorisée, sont soumis à des conditions esthétiques propres à cette zone, tandis que les autres constructions longeant le boulevard Gustave Jacquemart pourront être transformées, voire être démolies et reconstruites dans un style architectural différent de celui qu’elles présentent actuellement.

La Cour rejoint ainsi les premiers juges en ce qu’ils ont retenu, à partir des photographies et perspectives produites en cause, que le bourgmestre, en concluant que le projet litigieux s’intègre harmonieusement par rapport à ces deux constructions existantes protégées en ce qui concerne le style architectural, en l’occurrence en ce qui concerne l’esthétique, la présence d’un étage en retrait et la forme de la toiture en zinc, n’est pas sorti de sa marge d’appréciation, la circonstance que ces deux constructions donnent sur le square Aloyse Meyer ne remettant pas en question le bien-fondé de l’appréciation du bourgmestre, étant donné que ces deux constructions longent, tout comme la construction litigieuse, la rue Aloyse Meyer et qu’elles sont également visibles depuis le boulevard Gustave Jacquemart, de sorte que du point de vue de l’intégration harmonieuse, il ne saurait être fait abstraction de ces deux constructions, cela d’autant plus que celles-ci sont classées en secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es], tout comme la parcelle litigieuse.

Quant aux autres constructions avoisinantes du boulevard Gustave Jacquemart, s’il n’est pas contesté que la construction autorisée ne s’intègre pas esthétiquement par rapport à la maison de l’appelante et aux autres constructions voisines, le bourgmestre a valablement pu faire abstraction de ces immeubles pour apprécier le critère de l’intégration harmonieuse, dès lors que ces constructions ne sont pas protégées par une servitude de conservation et qu’elles pourront dès lors être transformées, démolies et reconstruites dans un style architectural différent.

Il suit de ce qui précède que le moyen tiré d’une violation de l’article D.10.2.1.2 du PAP QE laisse d’être fondé.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et que le jugement entrepris est à confirmer.

13L’appelante demande à voir condamner la Ville de Luxembourg au paiement d’une indemnité de procédure de … euros pour la première instance et d’une indemnité de procédure de … euros pour l’instance d’appel.

Au vu de l’issue du litige, cette demande est à rejeter.

La société (G) demande à son tour la condamnation de l’appelante au paiement en sa faveur d’une indemnité de procédure de … euros pour l’instance d’appel.

Il n’y a pas lieu non plus d’accéder à cette demande, le caractère inéquitable requis à la base d’une condamnation à l’allocation d’une indemnité de procédure n’étant pas vérifié à suffisance en l’espèce.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le dit non justifié ;

partant, en déboute l’appelante ;

confirme le jugement entrepris du 21 juillet 2021 ;

déboute Madame (R) et la société (G) de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour … s. … s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 mars 2022 Le greffier de la Cour administrative 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46346C
Date de la décision : 03/03/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-03-03;46346c ?

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