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08/02/2022 | LUXEMBOURG | N°46336C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 08 février 2022, 46336C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46336C ECLI:LU:CADM:2022:46336 Inscrit le 6 août 2021 Audience publique du 8 février 2022 Recours formé par l’administration communale de Walferdange, contre une décision de refus d’approbation du ministre de l’Intérieur en présence de la partie intervenante, la société anonyme (T) S.A., …, en matière de tutelle administrative Vu la requête inscrite sous le numéro 46336C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 août 2021 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX, i

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46336C ECLI:LU:CADM:2022:46336 Inscrit le 6 août 2021 Audience publique du 8 février 2022 Recours formé par l’administration communale de Walferdange, contre une décision de refus d’approbation du ministre de l’Intérieur en présence de la partie intervenante, la société anonyme (T) S.A., …, en matière de tutelle administrative Vu la requête inscrite sous le numéro 46336C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 6 août 2021 par la société à responsabilité limitée ELVINGER DESSOY MARX, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1461 Luxembourg, 31, rue d’Eich, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 251584, représentée par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Walferdange, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-7201 Walferdange, Place de la Mairie, portant recours en annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2021 refusant d’approuver une délibération du conseil communal de Walferdange du 29 avril 2021 par laquelle celui-ci a décidé de frapper les parcelles inscrites au cadastre de la commune de Walferdange, section C de Bereldange, sous les numéros (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7) et (8), sises au lieu-dit « Op den Olen », d’une servitude non aedificandi au sens de l’article 20 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;

Vu la requête en permission d’intervenir volontairement déposée le 1er octobre 2021 au greffe de la Cour administrative par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 240929, représentée par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (T), inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro …, établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, sollicitant l’autorisation d’intervenir dans l’instance introduite par le recours en annulation portant 1le numéro 46336C du rôle, prédécrit, la demanderesse en intervention volontaire déclarant être propriétaire des parcelles précitées portant les numéros cadastraux (5), (6) et (8) ;

Vu l’ordonnance du vice-président de la Cour, statuant en remplacement du président dûment empêché, du 7 octobre 2021 autorisant la partie requérante en intervention volontaire d’intervenir volontairement dans l’affaire inscrite sous le numéro 46336C du rôle et instituant un calendrier pour l’instruction plus en avant de l’affaire ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 15 octobre 2021 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Rachel JAZBINSEK, avocat à la Cour, inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 15 novembre 2021 par Maître Serge MARX au nom de l’administration communale de Walferdange ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2021 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en intervention déposé au greffe de la Cour administrative le 15 décembre 2021 par Maître Georges KRIEGER au nom de la société anonyme (T) ;

Vu le mémoire en réponse à la requête en intervention volontaire et au mémoire en intervention déposé au greffe de la Cour administrative le 17 janvier 2022 par Maître Serge MARX au nom de l’administration communale de Walferdange ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle critiquée ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Serge MARX, Rachel JAZBINSEK et Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er février 2022.

A l’appui de sa requête, l’administration communale de Walferdange, ci-après « la commune », expose qu’elle dispose actuellement d’un plan d’aménagement général, ci-après « PAG », dit « mouture 2004 », refondu sur base de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », dans sa version antérieure à la modification intervenue par la loi du 28 juillet 2011. Ce PAG refondu a été adopté par délibération du conseil communal du 15 juin 2009 et approuvé par décision du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », du 30 juillet 2010.

Cette décision ministérielle d’approbation a fait l’objet d’une annulation par arrêt de la Cour administrative du 18 décembre 2014 (n° 34916C du rôle) concernant ponctuellement plusieurs terrains sis au lieu-dit « Op den Olen », « An de Walfer Wisen » et « Am Brill ».

Les délibération communale et décision ministérielle prises sur renvoi concernant plus particulièrement les terrains sis au lieu-dit « Op den Olen », ont encore fait l’objet de recours 2devant les juridictions administratives, avec, en bout de procédure, un jugement non appelé du tribunal administratif du 19 septembre 2018 (n° 38999 du rôle).

Dans le cadre des travaux de remise à jour du PAG « mouture 2004 » pour le transformer en PAG « mouture 2011 », le conseil communal, par délibération du 29 avril 2021, vota une servitude non aedificandi au sens de l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004 frappant les parcelles composant le site au lieu-dit « Op den Olen », c’est-à-dire plus particulièrement celles inscrites au cadastre de la commune de Walferdange, section C de Bereldange, sous les numéros (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7) et (8) au motif qu’une urbanisation de ce site sur base des règles urbanistiques en vigueur à l’époque risquerait de se trouver en contradiction avec les défis urbanistiques tels que découlant des travaux et études effectués jusque lors.

Par décision du 12 mai 2021, le ministre a refusé d’approuver la délibération du 29 avril 2021 portant mise en place de la servitude non aedificandi précitée. Cette décision ministérielle est libellée comme suit :

« Je reviens vers vous suite à la délibération du 29 avril 2021 que vous m’avez adressé[e] à des fins d’approbation en vertu de l’article 20 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.

Je suis au regret de devoir vous informer que je ne suis pas en mesure d’approuver les servitudes non aedificandi telles que projetées et frappant des parcelles pendant la période d’élaboration de la mise à jour du plan d’aménagement général (« PAG ») qui sont inscrites au cadastre de la commune de Walferdange, section C de Bereldange sous les numéros (1), (2), (3), (4), (5), (6), (7) et (8) au lieu-dit « Auf den Olen ».

En effet, la constructibilité des parcelles telle qu’exprimée par les coefficients d’urbanisation ancrés dans le plan d’aménagement général en vigueur est la résultante d’un contentieux administratif abondant s’étirant sur une décennie. Les jugements et arrêts qui ont été rendus à cette occasion par les juridictions administratives jouissent partant de l’autorité de la chose jugée.

Or, en frappant les parcelles précité[e]s d’un moratoire en vertu de l’article 20 précité visant à revoir notamment lesdits coefficients d’urbanisation à la baisse aurait pour conséquence d’ôter au principe de l’autorité de la chose jugée son [l]’immutabilité, ce qui a pour effet de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé par les juridictions administratives et ce notamment en dernier ressort.

Vous donnez encore à considérer que l’exécution d’un PAG « mouture 2004 » sur le site en question risque de générer un « nombre incontrôlable d’unités de logements et autant d’emplacements de stationnement » alors que ledit PAG ne fixe aucune densité précise de logements.

Je tiens à préciser à cet égard que lo[r]s de l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » en ces lieux celui-ci devra contenir pour chaque lot ou parcelle le nombre d’unités de logement et ce en vertu de l’article 2 (2) du règlement grand-ducal du 38 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ».

En application combinée des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et de l’article 107 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 un recours est ouvert aux autorités communales devant la Cour administrative par le biais d’un avocat à la Cour.

Le recours devra être introduit sous peine de déchéance dans les 3 mois de la publication de la présente décision. (…) ».

Quant à la recevabilité du recours Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 6 août 2021, la commune a fait introduire un recours en annulation sur base des articles combinés 107, paragraphe 2, de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et 107 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après « la loi communale », contre la décision ministérielle de refus d’approbation précitée du 12 mai 2021, dont elle sollicite l’annulation avec condamnation de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à tous les frais et dépens de l’instance.

L’Etat se rapporte à prudence de justice concernant la recevabilité de ce recours quant aux formes et quant aux dépens.

Le recours ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Quant à la recevabilité de l’intervention volontaire Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 1er octobre 2021, la société anonyme (T), propriétaire des parcelles précitées portant les numéros cadastraux (5), (6) et (8), a déclaré son intention d’intervenir volontairement dans le litige entre la commune et l’Etat inscrit sous le numéro 46336C du rôle.

Par ordonnance présidentielle du 7 octobre 2021, la société anonyme (T) a été autorisée à intervenir volontairement dans ladite affaire.

La commune conclut à l’irrecevabilité, sinon au caractère prématuré de l’intervention volontaire au motif que l’intervenante serait étrangère au litige de refus d’approbation tutélaire sous analyse, qui se situerait uniquement entre la commune et l’autorité de tutelle. Ce ne serait qu’une fois la servitude non aedificandi litigieuse approuvée par le ministre que l’intervenante volontaire, en tant que propriétaire de certains terrains visés, pourrait faire valoir ses droits en faisant notamment vérifier de la part des juridictions administratives compétentes la légalité des délibération communale et décision ministérielle portant, dans cette hypothèse, respectivement adoption et approbation de la servitude en question.

4La qualité et l’intérêt de l’intervenant volontaire se mesurent aux qualité et intérêt pour former tierce opposition, lesquels sont conditionnés par le préjudice pouvant résulter pour lui du dispositif de la décision au principal, lequel peut seul faire l’objet d’une tierce opposition.

Si une simple atteinte à des intérêts lésés, susceptible de trouver une satisfaction par d’autres voies ne suffit pas pour fournir un intérêt à agir au biais d’une tierce opposition, il n’en reste pas moins qu’au-delà d’un intérêt direct et immédiat, un intérêt indirect, sinon une crainte raisonnable d’un préjudice pouvant résulter du jugement rendu sur la demande principale, peuvent constituer des motifs suffisants pour justifier la tierce opposition et par conséquent le droit d’intervenir volontairement.

Il est patent que la servitude mise en place à travers la décision du conseil communal du 29 avril 2021 faisant l’objet du refus d’approbation tutélaire querellé devant la Cour porte directement, plus particulièrement, sur les trois terrains prévisés appartenant à l’intervenante volontaire. Les effets de pareille servitude sont dirimants en ce qu’ils correspondent, pendant la durée de validité de celle-ci, à rendre inconstructibles les terrains visés, sauf quelques menues exceptions.

Il est vrai que le recours ouvert à une commune pour voir vérifier directement par la Cour la légalité d’un refus ministériel d’approbation revêt de ce chef une spécificité certaine, mais n’implique cependant pas qu’en toute hypothèse l’instance devrait rester strictement limitée aux deux parties publiques en différend concernées par le rapport fondamental de tutelle sous-tendant la décision querellée par le recours.

Tout dépend des circonstances précises de l’espèce visée.

Or, en l’occurrence, il est également patent que le refus tutélaire querellé s’articule sur toile de fond de l’urbanisation des fonds sis au lieu-dit « Op den Olen », dont plus particulièrement ceux faisant partie de l’assiette de la servitude litigieuse et plus particulièrement encore ceux de l’intervenante volontaire qui, après avoir acquis ces terrains de propriétaires précédents ayant mené de longues batailles judiciaires, se trouvent actuellement en quête d’admission de leur projet de plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », ci-après « PAP NQ » devant le collège échevinal depuis près d’une année.

Même si le mandataire de la commune a formellement insisté à l’audience publique des plaidoiries que la servitude instaurée par délibération communale du 29 avril 2021 n’était pas en relation directe avec le projet de PAP NQ pendant devant le collège échevinal, il ne saurait être valablement soutenu que ce PAP NQ soit étranger à la question finalement litigieuse des conditions et modalités d’urbanisation du site en question. En ce que de manière réaliste le projet de PAP NQ participe directement à la problématique des conditions et modalités d’une urbanisation future du site en question, l’intervenante volontaire, à la fois en tant que propriétaire et initiatrice dudit PAP NQ, revêt un intérêt manifeste à intervenir volontairement dans le présent litige qui concerne in fine directement ses terrains faisant partie dudit site litigieux.

Tel que l’intervenante volontaire le fait exposer à bon escient, il s’agit ici de prévenir de manière proactive un préjudice prévisible – du fait des conséquences dirimantes de la servitude 5une fois approuvée – encore qu’ex post un recours en réformation lui soit ouvert devant le tribunal administratif. Toujours de manière réaliste, la durée initiale prévue pour la servitude qui est d’une année et les délais usuels de fixation devant le tribunal qui dépassent largement, de manière générale, l’année, feraient en plus en sorte qu’un recours intenté par rapport à la servitude approuvée ne serait guère effectif si l’on ajoute qu’une instance d’appel éventuelle mettrait nécessairement plusieurs mois également à être définitivement bouclée.

De toutes ces considérations découle la conclusion que l’intervention volontaire est recevable pour avoir été, pour le surplus, présentée suivant les formes et délai prévus par la loi.

Il est vrai, et l’intervenante volontaire l’a reconnu elle-même, que celle-ci ne peut pas produire de moyens propres à l’appui de son argumentaire mais uniquement soutenir des moyens déjà produits par l’une des parties au litige.

Quant au fond La commune expose d’abord la ratio legis de la servitude non aedificandi prévue par l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004 consistant à éviter la mise en place d’une situation urbanistique qui se révélerait, sur la base d’études ou travaux précis et circonstanciés tendant à l’établissement d’un projet voire d’une modification d’un PAG, être contradictoire par rapport au nouveau contenu projeté de la règlementation communale d’urbanisme.

La mise en place d’une servitude au sens dudit article 20 devrait être généralement motivée par des études et travaux suffisamment précis et circonstanciés.

La commune constate que le ministre n’argumente pas qu’il y aurait absence d’études et travaux précis et circonstanciés, ni que les études et travaux se trouvant à la base de la future mise à jour du PAG seraient trop imprécis, ni encore qu’il y aurait absence de contradiction de la situation urbanistique par rapport au contenu projeté de la réglementation communale d’urbanisme.

Le conseil communal, dans sa décision du 29 avril 2021 soumise à l’approbation tutélaire ministérielle, aurait exposé sur sept pages le détail des motifs et plus particulièrement les études et travaux précis et circonstanciés devant justifier la servitude non aedificandi mise en place.

Pourtant, suivant la commune, le ministre se serait contenté de refuser l’approbation sollicitée en se prévalant laconiquement « de l’autorité de la chose jugée attachée aux jugements et arrêts, qui ont été rendus (…) par les juridictions administratives » sans même préciser quelles décisions de justice du passé s’opposeraient précisément et prétendument à la servitude querellée.

La commune estime d’abord que l’autorité de chose juge ne s’appliquerait qu’aux seuls motifs qui ont été toisés par des décisions antérieures.

Ce constat l’amène à recadrer les décisions visées. A travers cette opération de recadrage, la commune estime d’abord que le ministre a violé l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt de la Cour du 10 mai 2012 (n°29619C du rôle) en maintenant le site litigieux « Op den Olen » en 6zone inondable sur base du règlement grand-ducal du 18 décembre 1998 déclarant obligatoire la partie du plan d’aménagement partiel « zone inondable et zone de rétention » pour les territoires des communes de Steinsel et de Walferdange qui a été déclaré illégal par ledit arrêt.

Ensuite, concernant les densités, le ministre n’aurait pas indiqué les motifs juridiques et factuels à la base de sa décision, de sorte que concernant plus particulièrement les densités, aucun motif n’aurait été toisé par le tribunal dans la mesure où le ministre aurait refusé de communiquer des motifs se trouvant à la base de sa décision de 2016.

Concernant la portée de l’autorité de la chose jugée, la commune estime que d’après les dispositions de l’article 1351 du Code civil, la triple identité des parties, de l’objet et de la cause serait requise. Selon elle, l’objet de sa demande de mise en place d’une servitude au titre de l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004 ne serait pas identique à celui ayant conduit au dernier jugement rendu en date du 19 septembre 2018 (n° 38999 du rôle), lequel aurait eu trait à un recours en annulation d’une décision du ministre du 5 octobre 2016 approuvant finalement la délibération du conseil communal du 15 juin 2009 portant adoption définitive du PAG de Walferdange.

D’évidence, la présente affaire tendrait à l’annulation d’une décision de refus d’approbation du ministre d’une délibération du conseil communal de Walferdange visant la mise en place d’une servitude au sens de l’article 20 de la loi du 19 juillet 2004.

L’autorité de chose jugée supposerait encore l’identité de cause. Celle-ci ne serait pas non plus vérifiée pour le moins pour les deux aspects du statut de zone inondable des terrains litigieux et de densité des constructions envisagées.

La commune en conclut que la servitude querellée aurait été clairement prise sur base de motifs qui n’ont pas été tranchés par les juridictions administratives dans le passé. Cette même servitude serait motivée par un ensemble d’études et de travaux précis et circonstanciés qui établissent une incompatibilité prévisible entre un développement du site sur base des prescriptions urbanistiques actuellement en vigueur face au défi urbanistique identifié par ses études et travaux.

Pour le surplus, l’ensemble d’études et de travaux précis et circonstanciés n’auraient pas été pris en considération par les décisions de justice antérieures. D’un autre côté, ces études et travaux révéleraient qu’un développement du site « Op den Olen » serait de nature à créer une situation urbanistique irrémédiablement contradictoire par rapport au nouveau contenu projeté de la réglementation communale d’urbanisme.

Quant au nombre incontrôlable d’unités de logements et d’emplacements de stationnement, la commune estime que ce deuxième point ne constituerait en réalité pas un motif de refus de l’approbation ministérielle, mais plutôt une information d’ordre général qui ne saurait justifier le refus critiqué.

La décision ministérielle querellée serait dès lors encore à annuler pour cette raison.

Dans l’hypothèse toutefois où cette indication devrait être analysée en tant que motif de refus, la commune fait valoir qu’il serait certes vrai qu’un PAP NQ mettant en œuvre les 7prescriptions urbanistiques s’appliquant sur le site « Op den Olen » devra indiquer le nombre d’unités de logements, mais il n’en demeurerait pas moins que le PAG « mouture 2004 » ne comprend pas de valeur minimale, ni de valeur maximale d’unités de logements à créer, étant donné que les notions de coefficient et zone de densité de logements seraient inconnues audit PAG.

La surface construite brute réalisable se laisserait dès lors subdiviser en un nombre incontrôlable d’unités.

Pour la commune, l’argument du ministre suivant lequel le PAP NQ devrait indiquer le nombre d’unités de logements, ne serait pas de nature à contrecarrer cette insuffisance du PAG actuellement en vigueur, ni les risques qui y sont liés. Plus il y aurait d’unités de logements, plus il y aurait d’emplacements de stationnement. Plus il y aurait d’emplacements de stationnement, plus il y aurait de trafic incontrôlable et plus il faudrait creuser en sous-sol pour créer la place nécessaire à l’aménagement de pareils emplacements.

Or, compte tenu des risques avérés d’inondation du site – confirmés par la récente catastrophe du 14 juillet 2021 – des règles précises d’urbanisation du site devraient être fixées, de nature à prendre en compte l’ensemble des paramètres ci-avant évoqués par la commune.

L’Etat demande la confirmation de la décision ministérielle critiquée avec rejet du recours en annulation en ce que le refus en question serait dûment motivé à la fois par l’autorité de la chose jugée des jugements et arrêts ayant balisé le caractère constructible des terrains relevant du site « Op den Olen », puis au regard des objectifs de la servitude non vérifiés et de son caractère prématuré compte tenu de l’absence à ce jour de PAP NQ opérationnel.

L’intervenante volontaire appuie cet argumentaire étatique et insiste plus particulièrement sur le caractère peu étoffé des études et travaux invoqués par la commune, le caractère lointain et peu précisé de la nouvelle réglementation communale d’urbanisme envisagé et du caractère non opérationnel en l’état du PAG en vigueur, tant qu’un PAP NQ n’aurait pas été valablement mis en place. L’intervenante volontaire relate toutes les étapes déjà parcourues par elle pour se retrouver encore et toujours à la case de départ devant le collège échevinal affirmant que le projet de PAP NQ ne serait manifestement pas conforme, en de maints endroits, au PAG en vigueur.

La Cour rappelle que foncièrement les servitudes d’urbanisation prévues par les articles 20 et suivants de la loi du 19 juillet 2004 sont destinées à éviter des incompatibilités vérifiées entre un PAG en vigueur et un nouveau PAG, voire une modification du PAG antérieur en projet, suffisamment avancé et documenté par les études et travaux en cours.

Le côté dirimant des effets de pareille servitude comportant pour l’essentiel la non-constructibilité des terrains visés, emporte que l’incompatibilité en question soit suffisamment caractérisée et effective au moment de l’institution de la servitude.

En l’occurrence, il convient de souligner d’abord quelques particularités au niveau de la mise en place du PAG refondu de la commune de Walferdange en application de la loi du 19 juillet 2004.

8Il s’agissait à la base d’un des premiers PAG refondus lancés en procédure, adopté définitivement par délibération communale en l’année 2009 et approuvé par le ministre de l’Intérieur seulement en 2016.

Une raison essentielle en était que différents propriétaires avaient saisi les juridictions administratives, que la Cour constitutionnelle fut-elle-même saisie et que finalement un délai de 7 ans avait été engendré en raison d’un déroulement aussi complexe que varié des différentes procédures menées tant devant les juridictions que devant les administrations.

Un résultat global de ce passage devant les juridictions a été que les terrains du site « Op den Olen » formant actuellement l’assiette de la servitude à la base du refus d’approbation ministériel litigieux qui, sous l’ancien PAG établi en application de la législation de 1937 étaient constructibles dans un secteur de moyenne densité et avaient été classés comme non constructibles par le projet de PAG refondu, ont été, de nouveau, reclassés comme constructibles par arrêt de la Cour administrative du 18 décembre 2014, rendu sur visite des lieux et après prise en considération de problèmes potentiels d’inondation qui, cependant, n’étaient pas de nature à justifier le simple refus de constructibilité, mais plutôt un classement en zone constructible à assortir le moment venu des conditions et modalités adéquates compte tenu de la situation vérifiée du moment.

La raison d’être la plus normale et la plus basique de la mise en place d’un PAG refondu consiste à ce qu’il serve de base effective au développement urbain de la commune visée.

Il était dès lors parfaitement prévisible que pour les terrains non encore construits au lieu-

dit « Op den Olen », un projet d’aménagement spécifique pour ce nouveau quartier voie le jour.

Le contraire eut été anormal.

Contrairement à la position défendue par la commune, non seulement le ministre a-t-il pris en considération dans ses motifs de refus la nécessité d’un PAP NQ devant « contenir pour chaque lot ou parcelle le nombre d’unités de logements et ce en vertu de l’article 2 (2) du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » », ci-après le « règlement grand-ducal du 8 mars 2017 (compte tenu PAP) », à côté de la question parallèle des objectifs de la mise en place d’une servitude d’urbanisation au sens des articles 20 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, mais encore, la question de la mise en place de pareil PAP qui est déterminante et même décisoire pour la solution du présent litige.

En effet, il est patent qu’en l’état actuel de l’existence uniquement d’un PAG refondu pour les parcelles visées, aucune autorisation de construire ne saurait être valablement délivrée par le bourgmestre de la commune de Walferdange y relativement tant qu’un PAP NQ afférent ne soit pas devenu opérationnel.

Tant que pareil PAP NQ ne soit pas devenu opérationnel, il n’est pas possible de savoir quelle sera la densité des constructions pour les parcelles visées ni quels seront les aménagements tenant compte du caractère potentiellement inondable de parties d’entre elles ni encore quels seront les nécessaires aménagements à faire le long de l’Alzette, tant en ce qui concerne une éventuelle 9renaturation qu’un aménagement stabilisateur en vue d’endiguer de futurs crues et partant de potentielles inondations de parties des terrains visés.

Autrement dit, tant qu’un PAP NQ ne sera pas opérationnel, aucun risque d’incompatibilité effective ne se pose, car aucune autorisation de construire ne saurait être valablement délivrée pour les terrains visés et aucune connaissance précise de la situation existante en termes d’urbanisation future effective ne pourrait être valablement dégagée pour mesurer une éventuelle incompatibilité avec une réglementation future, ce d’autant plus qu’il n’existe aucune obligation légale pour la commune en vue d’opérer une itérative refonte ou modification de son PAG refondu et que les contours de celui-ci ne sont actuellement pas encore suffisamment précis, une mise sur orbite afférente ne pouvant être raisonnablement attendue avant l’année 2024, d’après les indications afférentes du mandataire de la commune sur question spéciale de la Cour.

Il s’y ajoute que c’est précisément le conseil communal qui, notamment en application des objectifs de la loi du 19 juillet 2004, tels que contenus en son article 2 plus particulièrement ses points sub a) concernant l’exigence d’utilisation rationnelle du sol et sub b) concernant un développement harmonieux du territoire communal visé, dispose d’un pouvoir d’appréciation certain et ne se trouve point obligé de céder à des poussées retraçables d’investisseurs tendant à voir épouser au futur projet de PAP NQ un épuisement maximal des potentialités offertes a priori et en théorie par le PAG refondu ensemble l’ordonnancement juridique en place concernant la réglementation communale d’urbanisme du moment.

Par contre, tant les instances communales que l’initiateur d’un PAP NQ ont l’obligation, dans l’intérêt public, de collaborer effectivement en vue de rencontrer les objectifs de la réglementation communale d’urbanisme dans l’intérêt de toute la population touchée.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la mesure particulièrement dirimante, compte tenu de ses effets de non-constructibilité, de la servitude d’urbanisation découlant des articles 20 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, se trouve être en l’espèce particulièrement prématurée et non conforme aux objectifs de la loi, de sorte que c’est à bon escient que le ministre a, dans les limites des prévisions de la loi, refusé l’approbation tutélaire de la délibération communale litigieuse du 29 avril 2021.

Cette conclusion s’impose sans qu’il ne faille pousser plus loin l’analyse des autres moyens et arguments invoqués, dont notamment la portée effective et concrète de l’autorité de la chose jugée revêtue par les différents arrêts et jugements rendus dans le cadre de la procédure de mise en place du PAG refondu actuellement en vigueur.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare le recours en annulation recevable ;

dit également l’intervention volontaire recevable ;

10déclare le recours non fondé et en déboute la commune de Walferdange ;

confirme la décision de refus d’approbation tutélaire querellée du ministre de l’Intérieur du 12 mai 2021 ;

condamne la commune de Walferdange aux dépens de l’instance.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s.… s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 février 2022 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46336C
Date de la décision : 08/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-02-08;46336c ?

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