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01/02/2022 | LUXEMBOURG | N°46520C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 01 février 2022, 46520C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46520C ECLI:LU:CADM:2022:46520 Inscrit le 4 octobre 2021

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Audience publique du 1er février 2022 Appel formé par Monsieur (S), …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 septembre 2021 (n° 43769 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46520C du rôle...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46520C ECLI:LU:CADM:2022:46520 Inscrit le 4 octobre 2021

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Audience publique du 1er février 2022 Appel formé par Monsieur (S), …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 septembre 2021 (n° 43769 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière d’employé de l’Etat

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Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 46520C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 octobre 2021 par Maître Claude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (S), demeurant à L-… …, …, …, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 8 septembre 2021 (n° 43769 du rôle), ayant déclaré non fondé son recours en réformation formé contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 août 2019 portant résiliation de son contrat de travail en tant qu’employé de l’Etat avec effet au 16 août 2019, et partiellement justifié ledit recours concernant la réduction de son traitement à raison d’un trentième par journée d’absence entière pour les mois de juin et juillet 2019 en proportion de ses jours d’absence sans autorisation, tout en disant qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et en rejetant sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et en le condamnant aux frais de l’instance ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 4 novembre 2021 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 3 décembre 2021 par Maître Claude BLESER au nom de Monsieur (S) ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 28 décembre 2021 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

1Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 11 janvier 2022.

Par contrat à durée déterminée du 30 juin 2010, Monsieur (S) fut engagé en qualité d’employé de l’Etat auprès du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ledit contrat ayant été remplacé par un contrat de travail à durée indéterminée du 27 mai 2011.

Par arrêté du 24 janvier 2017 du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après « le ministre », Monsieur (S) fut transféré à titre définitif à la Police grand-ducale avec effet à partir du 1er février 2017.

Suite à une demande de congé sans traitement pour des raisons professionnelles pour deux ans, il fut engagé en qualité d’employé de l’Etat auprès de l’Office luxembourgeois d’Accueil et de l’Intégration moyennant contrat de travail à durée déterminée du 1er juin 2017 jusqu’au 31 mai 2019.

En date du 18 juin 2019, le médecin de contrôle de la division de la médecine de contrôle du secteur public, ci-après « le médecin de contrôle », constata dans le chef de Monsieur (S) une incapacité de travail justifiée jusqu'au 23 juin 2019 inclus et le déclara apte à reprendre son travail à partir du 24 juin 2019.

En date du 17 juillet 2019, le ministre fit parvenir à Monsieur (S) un courrier de la teneur suivante :

« (…) Je viens d'être informé par Monsieur le Ministre de la Sécurité intérieure des faits énoncés ci-dessous qui sont contraires à vos devoirs d'employé de l'Etat.

Avant d'aborder ces faits, il y a lieu d'énoncer brièvement l'historique du dossier.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 27 mai 2011, vous avez été engagé en tant qu'employé de l'Etat auprès du Ministère de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse.

Par arrêté du 24 janvier 2017, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative a décidé votre transfert à titre définitif à la Police Grand-ducale, avec effet à partir du 1er février 2017.

Le 5 avril 2017, vous avez fait une demande de congé sans traitement pour des raisons professionnelles de deux ans, alors que votre candidature auprès de l'Office Luxembourgeois de l'Accueil et de l'Intégration (OLAI) a été retenue.

Suite à l'arrivée à terme de votre contrat de travail à durée déterminée auprès de l'OLAI et à l'expiration de votre congé sans traitement pour raisons professionnelles auprès de la Police 2Grand-ducale, vous auriez dû reprendre votre travail auprès de la Police Grand-ducale le 1er juin 2019 (qui dispose de la vacance de poste nécessaire).

Or, jusqu'à ce jour, vous n'avez pas repris votre travail et vous avez adressé plusieurs certificats médicaux à la Police Grand-ducale.

Le premier certificat médical, établi par Madame (H), médecin généraliste, le 30 mai 2019, couvre la période du 30 mai 2019 au 14 juin 2019.

En date du 3 juin 2019, le médecin de contrôle a constaté une incapacité de travail justifiée jusqu'au 11 juin 2019 inclus.

Le 7 juin 2019, vous avez consulté un autre médecin, le docteur (G), médecin spécialiste en …, qui a établi un certificat médical allant du 1er juin 2019 au 30 juin 2019.

Le 18 juin 2019, le médecin de contrôle a constaté une incapacité de travail justifiée jusqu'au 23 juin 2019 inclus et vous a déclaré apte à reprendre votre travail à partir du 24 juin 2019.

Suite à ce constat, vous êtes retourné chez le même médecin, à savoir le docteur (G), qui vous a établi un nouveau certificat d'incapacité de travail du 19 juin au 31 juillet 2019.

Or, l'article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat (ci-après, le « Statut ») prévoit que « 1. Le fonctionnaire ne peut s'absenter de son service sans autorisation.

2. Celle-ci fait défaut notamment lorsque le fonctionnaire absent refuse de se faire examiner par le médecin de contrôle ou que ce dernier le reconnaît apte au service 1 (…)2».

Dans la mesure où le médecin de contrôle vous a reconnu apte à travailler à partir du 24 juin 2019 et que vous avez consulté le même médecin que celui ayant établi le certificat médical sur base duquel le médecin de contrôle a été saisi, vous êtes absent de votre service sans justification depuis le 24 juin 2019.

En effet, une absence non excusée est contraire à l'article 12, paragraphe 1er, du Statut.

Ainsi, je dois vous informer que les faits qui vous sont reprochés rendent impossible le maintien des relations de travail et que, par conséquent, j'ai l'intention de résilier votre contrat de travail sur base de l'article 7, paragraphe 1er, de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat.

Par ailleurs, je vous fais savoir que suivant l'article 12, paragraphe 3 du Statut, « Le fonctionnaire qui s'absente sans autorisation ni excuse valable perd de plein droit la partie de son 1 Soulignement ajouté 2 Cet article est également applicable aux employés de l’Etat en vertu de l’article 1er du Statut.

3traitement à raison d'un trentième par journée d'absence entière ou entamée, sans préjudice de l'application éventuelle de sanctions disciplinaires »3.

Partant, je vous signale que j'ai l'intention de réduire votre traitement pour les mois de juin et juillet 2019 en proportion de vos jours d'absence sans autorisation.

Finalement, je tiens à vous informer qu'en vertu de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relavant de l'Etat et des communes, vous disposez d'un délai de huit jours à partir de ce jour pour présenter vos observations ou pour demander d'être entendu en personne par un agent de l'Etat au sujet des deux décisions envisagées. (…) ».

Par un courrier du 26 juillet 2019 de son mandataire, Monsieur (S) fit parvenir ses observations au ministre.

En date du 9 août 2019, le ministre procéda à la résiliation du contrat d’employé de l’Etat de Monsieur (S) aux motifs suivants :

« (…) J'ai l'honneur d'accuser bonne réception de votre courrier du 26 juillet 2019 ayant pour objet de présenter vos observations relatives à l'intention de résiliation du contrat de travail de votre mandant, Monsieur (S).

Dans votre courrier, vous contestez l'applicabilité de l'article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat (ci-après, le « Statut ») et l'absence injustifiée reprochée à Monsieur (S).

1. Quant à l'applicabilité de l'article 12 du Statut Tout d'abord, vous argumentez que dans la mesure où le contrat de travail de votre mandant est soumis à la loi du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'Etat (ci-après, la « loi du 25 mars 2015 ») et que la loi précitée ne renvoie pas expressément aux dispositions de l'article 12 du Statut, celui-ci ne serait pas applicable en l'espèce.

Or, tel que relevé dans la lettre d'intention de résiliation du contrat de travail du 17 juillet 2019, l'article 12 du Statut est applicable aux employés de l'Etat en vertu de l'article 1er du même Statut. Concrètement, aux termes du paragraphe 5 de l'article 1er précité, « Sans préjudice de l'application des dispositions légales et réglementaires existantes concernant le régime des employés de l'Etat, sont applicables à ces employés, compte tenu du caractère contractuel de l'engagement, les dispositions suivantes : (…), les articles 8 à 20, (…) ».

Ensuite, vous soutenez qu'« A supposer même que la loi modifiée du 16 avril 1979 s'appliquerait au contrat de travail de mon mandant en ce qui concerne l'article 12, les dispositions du Code du travail s'appliquent aussi à son contrat en qualité d'employé de l'Etat (…).

Il en résulte que les dispositions du Statut sont moins favorables à mon client que celles du Code du travail de sorte qu'elles sont à déclarer nulles et non applicables ».

3 Ibidem 4 Dans ce cadre, je tiens à préciser que le Code du travail ne trouve pas à s'appliquer aux employés de l'Etat, exception faite des dispositions relatives à leur engagement qui sont limitativement énumérées par l'article 4, alinéa 3 de la loi du 25 mars 2015 :

« L'engagement est effectué dans les formes et suivant les modalités prévues par les articles L. 121-1 à 121-4, les articles L. 122-1 à L.122-10 et les articles L. 122-12 et 122-13 du Code du travail. » 2. Quant à l'absence non justifiée de Monsieur (S) Vous prétendez que votre mandant aurait été absent de façon justifiée pendant la période visée.

Dans ce cadre, vous soulevez que « Je tiens à vous rappeler que le salarié en incapacité de travail bénéficie de la protection spéciale contre le licenciement lorsqu'il respecte les formalités d'information à l'égard de son employeur ».

Or, en l'espèce, Monsieur (S), employé de l'Etat, ne tombe pas sous les dispositions prévues par le Code du travail dans le cadre d'un licenciement d'un salarié.

En effet, ni le Statut, ni la loi du 25 mars 2015 ne contiennent une disposition de nature à interdire la résiliation du contrat de travail d'un employé de l'Etat pendant son congé de maladie, même dûment autorisé.

En ce qui concerne le médecin de contrôle, vous affirmez ce qui suit :

« Alors même que le médecin de contrôle aurait constaté une capacité de travail, il s'avère que le médecin traitant de mon mandant a confirmé une prolongation de l'incapacité de travail.

L'avis du médecin de contrôle ne saurait primer sur celui du médecin traitant. » Tout d'abord, il y a lieu de constater que l'article 12 du Statut est très clair :

« 1. Le fonctionnaire ne peut s'absenter de son service sans autorisation.

2. Celle-ci fait défaut notamment lorsque le fonctionnaire absent refuse de se faire examiner par le médecin de contrôle ou que ce dernier le reconnaît apte au service ».

En l'espèce, le médecin de contrôle a reconnu Monsieur (S) apte à travailler à partir du 24 juin 2019.

Finalement, il convient d'attirer l'attention sur le fait qu'avec votre assertion, vous mettez en question le rôle et la raison d'être du médecin de contrôle.

53. Quant à la décision Au vu de ce qui précède, je constate que les arguments qui ont motivé la lettre d'intention du 17 juillet 2019 n'ont pas été invalidés par vos observations.

Par conséquent, et compte tenu des faits qui sont reprochés à votre mandant dans mon courrier précité et qui rendent impossible le maintien des relations de travail, j'ai le regret de vous informer que le contrat de travail de Monsieur (S) est résilié avec effet au 16 août 2019.

Dans mon courrier du 17 juillet 2019, j'ai aussi fait part de mon intention, conformément à l'article 12, paragraphe 3 du Statut, de réduire le traitement de Monsieur (S) à raison d'un trentième par journée d'absence entière pour les mois de juin et juillet 2019 en proportion de ses jours d'absence sans autorisation.

Le présent courrier sera adressé en copie au Centre de gestion du personnel et de l'organisation de l'Etat pour recouvrer ce montant indûment payé. (…) ».

Par courrier recommandé de son mandataire du 8 novembre 2019, Monsieur (S) réclama formellement contre ladite décision de résiliation de son contrat de travail.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le même jour, il fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 9 août 2019.

Par jugement du 8 septembre 2021, le tribunal déclara le recours principal en réformation partiellement justifié en ce qu’il n’y a pas lieu à un recouvrement d’une partie du traitement pour la période du 8 au 12 juillet 2019 et non fondé pour le surplus, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure de Monsieur (S), tout en le condamnant aux frais de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 4 octobre 2021, Monsieur (S) a fait régulièrement entreprendre le jugement du 8 septembre 2021 dont il sollicite la réformation dans le sens de voir annuler la décision du ministre du 9 août 2019 et de voir dire que le ministre n’était pas autorisé à procéder à la résiliation de son contrat de travail.

A l’appui de son appel, l’appelant, après avoir relevé que la décision ministérielle se base sur l’article 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, ci-après « la loi du 25 mars 2015 », et sur l’article 12 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après « le statut général », soutient que son état de santé ne lui permettait pas de se présenter à son poste de travail et que son absence pour cause de maladie avait été dûment attestée par plusieurs certificats médicaux établis par un médecin spécialiste, ce dont son chef d’administration avait été informé dans les formes et délais légaux. Or, la résiliation de son contrat de travail serait intervenue sur décision du ministre, basée sur le seul avis du médecin de contrôle le déclarant apte au travail à partir du 24 juin 2019, tandis que son médecin traitant l’avait déclaré inapte au travail pour la période du 19 juin au 31 juillet 2019 inclus.

6En droit, Monsieur (S) invoque l’applicabilité de l’article L.121-6 du Code du travail et soutient qu’il aurait été protégé contre une décision de licenciement, de sorte que le ministre aurait procédé à une résiliation abusive du contrat.

Il relève encore que dans la mesure où un employé de l’Etat tombe sous le champ d’application de la loi du 25 mars 2015, en combinaison avec certaines dispositions du statut général, et que lesdites lois seraient muettes en matière de protection de l’employé de l’Etat ne bénéficiant pas d’une ancienneté de services de 10 ans et se trouvant en incapacité de travail dûment justifiée, l’article L.121-6 du Code du travail jouerait un rôle supplétif, ce d’autant plus que l’article 3 de son contrat de travail du 27 mai 2011 ferait référence au Code du travail. Partant, le ministre n’aurait pas été en droit de résilier son contrat de travail et il aurait eu droit au maintien intégral de son salaire.

L’appelant expose que le médecin de contrôle n’aurait effectué en date du 18 juin 2019 qu’un examen sommaire et n’aurait pas pris connaissance des pathologies spécifiques dont il aurait souffert et ledit médecin n’aurait pas non plus recueilli des renseignements auprès de ses médecins traitants. Ainsi, au vu de son dossier médical, il ne saurait être retenu que ses médecins traitants auraient émis des certificats de complaisance et il serait dès lors critiquable que la résiliation de son contrat de travail soit motivée par une absence injustifiée sur base du seul constat émis par le médecin de contrôle. En effet, l’avis du médecin de contrôle ne saurait primer les certificats de maladie de son médecin traitant qui serait le seul à connaître de façon complète le dossier médical du patient pour l’avoir suivi pendant des années, tandis que le médecin de contrôle n’aurait procédé qu’à un examen sommaire sans se mettre en relation avec ses médecins traitants.

Monsieur (S) se prévaut ensuite de l’article 28-3 du statut général pour soutenir que le congé pour raison de maladie serait accordé au fonctionnaire dès que celui-ci respecte l’obligation d’information vis-à-vis de son chef d’administration.

Il estime, contrairement aux premiers juges, que la loi du 25 mars 2015 serait muette en ce qui concerne les conditions dans lesquelles un contrat de travail d’un employé de l’Etat peut ou non être résilié, notamment lorsqu’il est déclaré inapte au travail par son médecin traitant, et le tribunal aurait omis de prendre en considération le fait que son contrat de travail rendrait aussi applicable les dispositions du Code du travail auxquelles il renvoie expressément.

L’appelant souligne encore que l’article 4 de la loi du 25 mars 2015 renverrait notamment aux dispositions des articles L.121-1 à L.121-4 du Code du travail, dont l’article L.121-3 disposant que « les parties sont autorisées à déroger aux dispositions du présent titre dans un sens plus favorable au salarié ».

Dans le contexte du contrôle médical, Monsieur (S) argumente que ledit instrument aurait été institué au profit de l’Etat employeur afin de pouvoir mieux contrôler l’absentéisme dans le secteur public et de combattre l’abus de substances toxiques au travail, dont surtout l’éthylisme. Or, dans le cas d’espèce, il serait placé dans la même catégorie qu’un employé absent sans autorisation et cette façon de procéder le priverait de toute protection dans une situation où il serait dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicalement constatées et certifiées. L’appelant affirme dans ce contexte que, contrairement à un employé du secteur privé, il n’aurait aucun moyen de recours pour contester l’avis du médecin de contrôle.

7Finalement, l’appelant conteste avec véhémence les conclusions de l’avis non motivé du médecin de contrôle lui certifiant une aptitude au travail à partir du 24 juin 2019, au vu de la gravité des pathologies qui l’affectent, ce d’autant plus que ledit médecin ne serait qu’un médecin généraliste ne disposant d’aucune formation spécifique ni en matière … ni dans le domaine …. Ce serait encore à tort que les premiers juges lui reprocheraient de ne pas avoir demandé à l’époque l’institution d’une expertise médicale. Partant, le tribunal aurait accordé une valeur supérieure au supposé avis du médecin de contrôle par rapport au certificat d’incapacité de travail de son médecin traitant.

La partie étatique sollicite la confirmation pure et simple du jugement entrepris.

La Cour constate en premier lieu, à l’instar du tribunal, que l’engagement de Monsieur (S) en tant qu’employé de l’Etat résulte d’un contrat de travail du 30 juin 2010, remplacé par un contrat de travail à durée indéterminée du 27 mai 2011, et que l’appelant, au moment de la décision ministérielle du 9 août 2019, ne disposait dès lors pas d’une ancienneté de dix ans au moins.

Aux termes de l’article 4, alinéa 3, de la loi du 25 mars 2015 :

« L’engagement est effectué dans les formes et suivant les modalités prévues par les articles L.121-1 à 121-4, les articles L.122-1 à L.122-10 et les articles L.122-12 et L.122-13 du Code du travail ».

D’après l’article 7, paragraphe (1), de la même loi :

« (1) Le contrat de travail à durée indéterminée de l’employé ne peut plus être résilié, lorsqu’il est en vigueur depuis dix ans au moins, sauf à titre de mesure disciplinaire ainsi que pour l’application de la procédure d’amélioration des prestations professionnelles et de la procédure d’insuffisance professionnelle. Pendant la période précédant cette échéance, il peut être résilié par le ministre ou par le ministre du ressort soit pour des raisons dûment motivées (…) ».

Suivant l’article 1er, paragraphe (5), du statut général :

« Sans préjudice de l’application des dispositions légales et réglementaires existantes concernant le régime des employés de l’Etat, sont applicables à ces employés, compte tenu du caractère contractuel de l’engagement, les dispositions suivantes: les articles 1bis, 1ter et 1quater, l’article 2, paragraphe 1er, alinéa 4 et paragraphe 2, alinéa 1er, 1re phrase, l’article 4, l’article 4bis, l’article 4ter, l’article 6, les articles 8 à 20, les articles 22 à 26, les articles 28 à 30, les articles 31-2 à 37, l’article 38, à l’exception du paragraphe 2, les articles 39 à 42 ainsi que les articles 44 à 79 pour autant que l’employé tombe sous le régime disciplinaire des fonctionnaires de l’Etat (…) ».

Concernant l’applicabilité des règles du droit du travail et plus précisément l’application de l’article L.121-6 du Code du travail, l’appelant renvoyant dans ce contexte à l’article 3 de son contrat de travail du 27 mai 2011 d’après lequel « le contrat de travail est régi notamment par la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat [abrogée par la loi du 25 mars 2015], le Code du travail - Titre II du Livre Premier et par la loi modifiée du 16 avril 1979 8fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat », la Cour tient en premier lieu à confirmer le tribunal en sa conclusion que les dispositions du Code du travail ne sont pas applicables à la résiliation du contrat de travail d’un employé de l’Etat.

Ainsi, concernant le cadre légal applicable à une décision de résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat, les articles 5, 6 et 7 de la loi du 25 mars 2015 traitent de la résiliation du contrat d’engagement, mais ne comportent aucun renvoi aux dispositions du Code du travail, de sorte que la décision de licenciement d’un employé de l’Etat est d’abord soumise au régime spécifique de la loi du 25 mars 2015 et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat. Partant, le Code du travail n’a pas vocation à s’appliquer en tant que réglementation de la résiliation du contrat d’un employé de l’Etat, mais il est de nature à suppléer, le cas échéant, dans les limites de sa compatibilité avec les dispositions de ladite loi du 25 mars 2015, aux lacunes des dispositions contenues dans cette loi, ainsi que dans la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, voire du statut général des fonctionnaires de l’Etat.

En effet, la relation existant entre un employé de l’Etat et son employeur est fondée sur un contrat et le Code du travail régit, sur base du renvoi opéré par l’article 4 de la loi du 25 mars 2015, uniquement les formes et les modalités de l’engagement des employés de l’Etat. Par contre, en ce qui concerne la résiliation d’un contrat de travail d’un employé de l’Etat à l’initiative du ministre du ressort, les articles 5 et 7, paragraphe (3), de la loi du 25 mars 2015 ne comportent pas de renvoi aux dispositions du Code du travail, de sorte que la décision de licenciement d’un employé de l’Etat est d’abord soumise au régime spécifique de la loi du 25 mars 2015 et ensuite aux prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse, applicable aux employés de l’Etat, de sorte que le Code du travail n’a pas vocation à s’appliquer en tant que réglementation de la résiliation d’un contrat d’un employé de l’Etat (cf. Cour adm.

28 juin 2007, n° 22638C du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 707 et autres références y citées).

Partant, la Cour est amenée à retenir que les dispositions du Code du travail ne sont pas applicables dans le contexte de la résiliation du contrat d’engagement de Monsieur (S) et le moyen afférent de l’appelant est à rejeter.

Quant à la prétendue applicabilité de l’article 28-3 du statut général, l’appelant argumentant qu’un congé pour raison de maladie aurait dû lui être accordé, étant donné qu’il avait respecté son obligation d’information vis-à-vis de son chef d’administration et qu’il bénéficierait dès lors d’une présomption quant à la véracité du certificat médical et quant à la réalité de son état de maladie, il convient de relever que si Monsieur (S) a effectivement rempli son obligation d’information en produisant un certificat d’incapacité de travail du Dr (X) du 7 juin 2019 lui attestant une incapacité de travail du 1er au 30 juin 2019 inclus, l’article 28-3, alinéa 6, du statut général prévoit expressément que « le chef d’administration peut faire procéder à un examen par le médecin de contrôle, toutes les fois qu’il le juge indiqué, même si le congé sollicité ne dépasse pas trois jours ».

Or, force est de constater que le ministre a précisément fait usage de la faculté lui permise par ledit article et que le médecin de contrôle a certifié en date du 18 juin 2019, après avoir rencontré l’intéressé le même jour, respectivement une incapacité de travail justifiée jusqu’au 23 juin 2019 inclus et une capacité de travailler à partir du 24 juin 2019.

9 A l’instar des premiers juges, la Cour constate ensuite que d’après l’article 7, paragraphe (1), de la loi du 25 mars 2015, le contrat de travail à durée indéterminée d’un employé de l’Etat ayant une ancienneté de moins de 10 ans peut être résilié pour des motifs dûment motivés, contrairement à un employé de l’Etat ayant une ancienneté de plus de 10 ans dont le contrat ne peut plus être résilié, sauf à titre de mesure disciplinaire ainsi que pour l’application de la procédure d’amélioration des prestations professionnelles et de la procédure d’insuffisance professionnelle.

Au vu du libellé de l’article 1er, paragraphe (5), du statut général, précité, la Cour partage encore la conclusion des premiers juges concernant l’applicabilité vis-à-vis des employés de l’Etat de l’article 12 du statut général aux termes duquel :

« 1. Le fonctionnaire ne peut s’absenter de son service sans autorisation.

2. Celle-ci fait défaut notamment lorsque le fonctionnaire absent refuse de se faire examiner par le médecin de contrôle ou que ce dernier le reconnaît apte au service.

3. Le fonctionnaire qui s’absente sans autorisation ni excuse valable perd de plein droit la partie de son traitement à raison d’un trentième par journée d’absence entière ou entamée, sans préjudice de l’application éventuelle de sanctions disciplinaires ».

Il est constant en cause que Monsieur (S) a été examiné en date du 18 juin 2019 par le médecin de contrôle et que ce dernier l’a reconnu apte au service à partir du 24 juin 2019 et que le lendemain l’appelant a de nouveau consulté le Dr (X), qui lui a certifié une incapacité de travail, cette fois-ci du 19 juin au 31 juillet 2019.

Tel que cela se dégage tant de la lettre du ministre du 17 juillet 2019 par laquelle celui-ci a notifié à l’appelant son intention de résilier le contrat de travail que de la lettre ministérielle de résiliation du 9 août 2019, le ministre a jugé que l’absence de Monsieur (S) à partir du 24 juin 2019 était à considérer comme absence non excusée et contraire à l’article 12, paragraphe 1er, du statut général rendant impossible le maintien de la relation de travail.

Dans ce contexte, c’est à bon droit que le ministre a également relevé dans sa décision du 9 août 2019, que ni le statut général, ni la loi du 25 mars 2015 ne contiennent une disposition de nature à interdire la résiliation du contrat de travail d’un employé de l’Etat pendant son congé de maladie.

Comme l’article 12 du statut général interdit au fonctionnaire de s’absenter de son service sans autorisation si le médecin de contrôle le reconnaît apte au service, le ministre pouvait a priori résilier le contrat de travail de l’appelant par application combinée des articles 7 de la loi du 25 mars 2015 et 12 du statut général, étant rappelé que le caractère spécifique du motif de résiliation pour absence prolongée de l’employé table sur une désorganisation du service public, inhérente à l’absence prolongée, sinon aux absences répétées d’un employé en congé de maladie (cf. Cour adm. 21 février 2012, n° 29466Ac du rôle, Pas. adm. 2021, V° Fonction publique, n° 667).

10En l’espèce, il y a lieu de constater, tel que cela se dégage du courrier ministériel du 17 juillet 2019, que l’appelant aurait dû reprendre son travail auprès de la Police grand-ducale à partir du 1er juin 2019.

Suivant un premier certificat médical établi le 30 mai 2019 par le Dr E.C.-N., médecin généraliste, Monsieur (S) s’est vu certifier une incapacité de travail du 30 mai au 11 juin 2019 inclus. Après avoir été convoqué le 3 juin 2019 à se présenter pour le même jour devant le médecin de contrôle, ce dernier a constaté, à l’instar du Dr E.C.-N., une incapacité de travail justifiée jusqu’au 11 juin 2019 inclus.

Suivant un deuxième certificat médical établi le 7 juin 2019 par le Dr (X), médecin spécialiste en …, Monsieur (S) s’est vu certifier une incapacité de travail, cette fois-ci du 1er juin au 30 juin 2019 inclus. Sur ce l’appelant a été convoqué le 13 juin 2019 à se présenter pour le même jour devant le médecin de contrôle, examen à la suite duquel ce dernier a relevé une incapacité de travail justifiée jusqu’au 23 juin 2019 inclus et l’a déclaré capable de travailler à partir du 24 juin 2019.

Par la suite, l’appelant s’est encore rendu à deux reprises, en dates des 19 juin et 8 juillet 2019, auprès du Dr (X) pour se voir certifier des périodes d’incapacité de travail respectives allant du 19 juin au 31 juillet 2019 et du 8 juillet au 31 août 2019.

Or, la Cour se doit de constater que les trois certificats médicaux d’incapacité de travail préindiqués produits par l’appelant, seuls pertinents pour la solution du litige, et surtout les deux derniers certificats du Dr (X), ne décrivent nullement la pathologie dont aurait souffert l’intéressé à l’époque. De même, le certificat d’hospitalisation du … du 12 juillet 2019 couvrant la période du 8 au 12 juillet 2019 ne renseigne pas sur les raisons médicales à la base de ce séjour en hôpital.

Il s’ensuit que c’est à bon escient que la partie étatique fait plaider que Monsieur (S) a uniquement produit des certificats d’incapacité de travail non autrement circonstanciés et non pas un rapport médical renseignant son employeur étatique de manière détaillée sur son état de santé et sur les prétendues raisons l’empêchant de reprendre son travail à partir du 24 juin 2019.

Finalement, il convient encore de constater que même après avoir reçu la lettre ministérielle du 17 juillet 2019 portant information de l’intention du ministre de procéder à la résiliation de son contrat de travail, l’appelant n’a pas fourni plus de détails en relation avec sa pathologie, mais s’est contenté, par l’intermédiaire de son mandataire dans un courrier du 26 juillet 2019 à l’adresse du ministre, à argumenter que l’avis du médecin de contrôle ne saurait primer sur celui du médecin traitant et que l’article 12 du statut général ne lui serait pas applicable mais les dispositions plus favorables du Code du travail.

L’objection de Monsieur (S) qu’il n’aurait aucun moyen de recours pour contester l’avis du médecin de contrôle est à abjuger, étant donné que celui-ci a pu bénéficier des prescriptions générales de la réglementation de la procédure administrative non contentieuse et aurait pu, suite au courrier ministériel du 17 juillet 2019, présenter des observations plus détaillées en relation avec sa pathologie en produisant un rapport médical circonstancié, sinon solliciter l’institution d’une expertise médicale contradictoire afin de contredire les conclusions du médecin de contrôle.

11Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que le ministre a pu résilier le contrat de travail de Monsieur (S) par application des articles 7 de la loi du 25 mars 2015 et 12 du statut général avec effet au 16 août 2019 pour absence injustifiée à partir du 24 juin 2019.

Quant au volet de la décision ministérielle concernant le recouvrement d’un trentième par journée d’absence entière pour les mois de juin et juillet 2019 en vertu de l’article 12, paragraphe (3), du statut général, précité, la Cour constate que ledit volet n’a plus autrement été remis en discussion, de sorte que le jugement entrepris est à confirmer sur ce point.

Il se dégage de l’ensemble des éléments qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé sous tous ses aspects et que le jugement dont appel est à confirmer, y compris en ce qui concerne la demande en allocation d’une indemnité de procédure réitérée en instance d’appel.

Au vu de l’issue du litige, Monsieur (S) est encore à débouter de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 4 octobre 2021 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant ;

confirme le jugement entrepris du 8 septembre 2021 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelant pour l’instance d’appel ;

condamne Monsieur (S) aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour … s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er février 2022 Le greffier de la Cour administrative 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46520C
Date de la décision : 01/02/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2022-02-01;46520c ?

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