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23/12/2021 | LUXEMBOURG | N°46302C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 décembre 2021, 46302C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46302C du rôle ECLI:LU:CADM:2021:46302 Inscrit le 29 juillet 2021

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Audience publique du 23 décembre 2021 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2021 (n° 40733a du rôle) en matière de fonction publique (stage)

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Vu la requête d’appel, inscri

te sous le numéro 46302C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 46302C du rôle ECLI:LU:CADM:2021:46302 Inscrit le 29 juillet 2021

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Audience publique du 23 décembre 2021 Appel formé par Monsieur (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2021 (n° 40733a du rôle) en matière de fonction publique (stage)

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 46302C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2021 par Maître Anne-Marie SCHMIT, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 18 juin 2021 (n° 40733a du rôle) par lequel ledit tribunal a rejeté son recours en réformation, sinon en annulation de la décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 19 décembre 2017 par laquelle il a été mis fin à son stage pédagogique pour motifs graves avec effet au 1er janvier 2018;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 septembre 2021 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 28 octobre 2021 au nom de la partie appelante;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 novembre 2021 en nom et pour compte de l’Etat;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 2 décembre 2021.

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Après avoir été admis au stage pédagogique pour les fonctions de maître d’enseignement technique au Lycée … ainsi qu’au Lycée … à partir du 1er septembre 2015, Monsieur (A) fut affecté, par un arrêté ministériel du 22 juillet 2016, comme stagiaire-maître d’enseignement au Lycée … à partir du 15 septembre 2016.

Suite à de nombreuses absences pour des raisons de santé, le médecin de contrôle de l’administration des services médicaux du secteur public, division de la médecine de contrôle du secteur public, fit parvenir, par un courrier du 14 juin 2017, au ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, dénommé ci-après le « ministre », un rapport médical sur base de l’article 37bis de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après le « statut général », concluant que Monsieur (A) « souffre d’une maladie de longue durée nécessitant sa comparution devant la Commission des Pensions » et qu’une « reprise des fonctions actuelles ne saura avoir lieu dans les prochains mois », tout en proposant un réexamen dans les six semaines.

Par un courrier du 26 juin 2017 et sur base du rapport précité du 14 juin 2017, le ministre saisit la Commission des pensions instituée par la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, dénommée ci-après la « Commission des pensions », qui chargea le docteur (G), médecin-chef de division de l’administration des Services médicaux du secteur public, d’une expertise relative au dossier médical de Monsieur (A).

Suivant les conclusions de ce rapport du 5 juillet 2017, « au vu d’une situation sociofamiliale difficile, mal compatible avec les fonctions actuelles de stagiaire maître d’enseignement, l’agent n’est pas capable de travailler à son poste actuel » et « un changement d’emploi est indispensable ». Il y est encore précisé que « [l]’agent affirme vouloir chercher un nouvel emploi dans son métier à une plus grande proximité de son domicile. Aussi, il veut être débarrassé de ses contraintes professionnelles après 18 heures pour pouvoir s’occuper de sa famille » et « [l]’agent affirme vouloir quitter l’Education nationale et se réorienter sur le marché général du travail ».

Par une décision du 20 septembre 2017, notifiée à l’intéressé par un courrier du 25 septembre 2017, la Commission des pensions déclara que « Monsieur (A) n'est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service, ceci sur base de son poste actuel ». - Le recours contentieux, inscrit sous le numéro 40509 du rôle, introduit le 21 décembre 2017 par Monsieur (A) et tendant à voir réformer cette décision de la Commission des pensions a été rejeté par jugement du tribunal administratif du 18 juin 2021, confirmé sur appel de Monsieur (A) par un arrêt, inscrit sous le numéro 46303C du rôle, de ce jour.

Le 21 novembre 2017, le ministre saisit le médecin de contrôle afin de procéder à un contrôle médical du demandeur, conformément à l'article 12.1 du règlement grand-ducal modifié du 5 mars 2004 concernant la santé et la sécurité du travail et le contrôle médical dans la fonction publique, dénommé ci-après « règlement grand-ducal du 5 mars 2004 », afin de vérifier si les congés de maladie sollicités par ce dernier depuis la décision de la Commission des pensions étaient en rapport avec l'état de santé ayant entraîné sa comparution devant cette dernière.

Dans son rapport du 28 novembre 2017, le médecin de contrôle constata, d'une part, que le demandeur ne se serait pas présenté au contrôle médical et, d'autre part, que « suite à l’entretien téléphonique avec le concerné », il n'existerait « pas de fait médical significativement nouveau, mais bien un état pathologique déjà existant en septembre 2017 et ayant fait l'objet des débats devant la Commission des pensions ».

Par un courrier daté du « 1er décembre 2015 », mais envoyé par lettre recommandée en date du 6 décembre 2017, le ministre informa Monsieur (A) de son intention de résilier le stage sur base des motifs suivants :

« (…) Je me permets de vous adresser la présente, afin de vous informer que j'ai l'intention de procéder à la résiliation de votre stage pour motifs graves, conformément aux dispositions de l'article 2, paragraphe 3, alinéa 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.

En effet, étant donné que vous vous trouvez en arrêt de travail continu jusqu'à ce jour pour raison de maladie, la Commission des Pensions a été saisie, afin de se prononcer sur votre état de santé. En date du 9 août 2017, ladite commission a statué et décidé que « Monsieur (A) n'est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service, ceci sur base de son poste de travail actuel ».

Il ressort du même rapport que vous auriez déclaré vouloir quitter l'Éducation nationale et vous réorienter sur le marché général du travail et que vous auriez effectué un mauvais choix professionnel.

Lors de cette réunion, vous avez été informé par les membres de la Commission des pensions que, au cas où vous seriez déclaré apte à reprendre votre service, décision qui a été prise à votre encontre, vous êtes tenu de reprendre aussitôt votre service.

Or, depuis le 9 août 2017, vous vous trouvez toujours en arrêt de maladie continue.

Pour cette raison, le médecin de contrôle a été saisi en date du 21 novembre 2017, afin de déterminer si vos congés de maladie actuels sont en rapport avec l'état de santé ayant entraîné votre comparution devant la Commission des pensions.

Le médecin de contrôle précise dans son courrier du 28 novembre 2017, d'une part, que vous ne vous êtes pas présenté au rendez-vous, sans pour autant avoir excusé votre absence à l'avance et, d'autre part, que suite à l'entretien téléphonique qu'il a eu avec vous en date de ce même jour, il peut affirmer qu'il n'existe pas de fait médical significativement nouveau, mais bien un état pathologique déjà existant en septembre 2017 et ayant fait l'objet des débats devant la Commission des pensions.

Il en résulte que, contrairement à l'article 74 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes, ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, vous accumulez depuis la notification de la décision de la Commission des pensions des absences de service non autorisés.

Finalement, je tiens à vous informer qu'en vertu de l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, vous disposez d'un délai de huit jours à partir de la date de notification de la présente pour présenter vos observations par écrit ou être entendu en personne. Dans ce dernier cas, je vous prie de bien vouloir contacter Monsieur (B), Professeur attaché et chef du Service du personnel au sein de mon ministère (Tél. …), en vue de la fixation d'une date pour cet entretien.

Lors de cet entretien, vous avez le droit de vous faire assister par un avocat, conformément à l'article 10 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité. (…) ».

Par décision du 19 décembre 2017, le ministre décida de procéder à la résiliation du stage de Monsieur (A) pour motifs graves à partir du 1er janvier 2018 aux termes du courrier qui suit :

« (…) Par courrier recommandé du 1er décembre 2017, je vous ai informé de mon intention de procéder à la résiliation de votre stage pour motifs graves en indiquant les motifs à la base de cette intention. Je vous ai, de même, informé que conformément à l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'État et des communes, vous disposiez d'un délai de huit jours pour présenter vos observations ou être entendu en personne.

Néanmoins, vous n'avez ni présenté vos observations par écrit, ni demandé à être entendu en personne dans un délai de huit jours à partir de la notification du courrier précité.

Je suis donc au regret de vous informer que j'ai décidé de procéder à la résiliation de votre stage pour motifs graves à partir du 1er janvier 2018, conformément à l'article 2, paragraphe 3, alinéa 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État.

La présente décision est susceptible d'un recours en annulation à introduire par ministère d'avocat à la Cour dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg. (…) ».

Le même jour, le ministre prit l’arrêté suivant :

« (…) Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État, notamment l'article 2, paragraphe 3, alinéa 5;

Vu le règlement grand-ducal du 3 août 2010 concernant la formation théorique et pratique ainsi que la période probatoire des enseignants de l’enseignement postprimaire, notamment l'article 3;

Vu l'arrêté ministériel du 2 juillet 2015 portant admission au stage de Monsieur (A), NN: …, pour les fonctions de maître d'enseignement technique au Lycée … et au Lycée … à partir du 15 septembre 2015;

Vu l'arrêté ministériel du 22 juillet 2016 affectant Monsieur (A) [sic] au Lycée … à partir du 15 septembre 2016 ;

Vu le courriel daté du 2 octobre 2017 de Madame (H), directrice du … informant le service du personnel de mon ministère que Monsieur (A) [sic] est toujours absent, alors que la Commission des Pensions, dans sa décision du 20 septembre 2017, a déclaré qu'il n'est pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service, ceci sur base de son poste de travail actuel ;

Vu l'avis de Monsieur le Dr. (C), médecin de contrôle, du 28 novembre 2017 constatant, d'une part, que Monsieur (A) ne s'est pas présenté au contrôle médical, et, d'autre part, qu'il n'existe pas de fait médical significativement nouveau, mais bien un état pathologique déjà existant en septembre 2017 et ayant fait l'objet des débats devant la Commission des Pensions ;

Vu le courrier daté du 1er décembre 2017 adressée à Monsieur (A) l'informant de l'intention de procéder à la résiliation de son stage pour motifs graves et qu'il dispose d'un délai de huit jours pour prendre position ;

Considérant que Monsieur (A) n'a ni présenté ses observations par écrit, ni demandé à être entendu en personne dans un délai de huit jours à partir de la notification du courrier précité;

Vu le courrier daté du 20 décembre 2017 adressé à Monsieur (A) l'informant du licenciement sans préavis à partir du 1er janvier 2018 ;

Arrête:

Art. 1er - Le stage de Monsieur (A), NN: …, stagiaire - maître d'enseignement au Lycée …, est résilié avec effet à partir du 1er janvier 2018. (…) ».

Par un courrier de son mandataire du 20 décembre 2017, Monsieur (A) prit position par rapport au courrier ministériel précité du 6 décembre 2017 comme suit :

« (…) Je suis le conseil de Monsieur (A) qui me remet la lettre recommandée de Monsieur le Ministre Claude MEISCH, erronément datée au 1er décembre 2015 que mon client a reçue en date du 11 décembre 2017. Mon client conteste les raisons qui ont admis la Commission des Pensions à prendre la décision du 20 septembre 2017. Il se réserve le droit de verser en temps et lieu utile un certificat attestant qu'il ne peut pas continuer son service, ceci sur base de son poste de travail actuel.

Il est contesté aussi que Monsieur (A) ne s'est pas excusé pour ne pas s'être présenté au rendez-vous qui lui avait été fixé par le médecin de contrôle Dr (C) pour le 28 novembre 2017. En effet, ce dernier reconnaît qu'il a eu un entretien téléphonique ce même jour avec Monsieur (A).

Mon client ne pouvait pas se présenter à ce rendez-vous et il a dû consulter un médecin. Il a envoyé le certificat médical à la CMFEP, pensant que cet organisme aviserait le Ministère. Comme cela ne semble pas avoir été fait, je vous prie de trouver en annexe le volet 3 dudit certificat médical.

Conformément à l'article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, je vous prie de bien vouloir fixer une date pour un entretien, sans préjudice quant au recours contre la décision de la Commission des Pensions du 2 septembre 2017. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 février 2018, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 19 décembre 2017.

Par jugement du 15 mars 2019, inscrit sous le numéro 40733 du rôle, le tribunal administratif, après s’être déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation, déclara justifié le recours subsidiaire en annulation, de sorte à annuler la décision déférée du 19 décembre 2017, ensemble l’arrêté ministériel du même jour, le tout en renvoyant l’affaire en prosécution de cause au ministre. - Les annulations en question reposèrent sur le constat d’un non-respect des garanties procédurales posées par l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.

Suite à une requête d’appel déposée par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, la Cour administrative réforma ledit jugement par arrêt du 1er octobre 2019, inscrit sous le numéro 42663C du rôle, et renvoya le dossier devant les premiers juges en prosécution de cause.

Par jugement du 18 juin 2021, inscrit sous le numéro 40733a du rôle, le tribunal administratif débouta Monsieur (A) de son recours en annulation dirigé contre les décision et arrêté ministériels du 19 décembre 2017, rejeta les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure et condamna le demandeur aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2021, Monsieur (A) a relevé appel dudit jugement.

L’appelant soutient que la décision de résiliation de son stage ne serait pas légalement justifiée.

Il soutient qu’il serait faux de dire qu’il ne se serait pas excusé pour son absence au rendez-vous fixé par le médecin de contrôle en date du 28 novembre 2017 à 14.15 heures.

En effet, il aurait téléphoné le matin même au médecin de contrôle afin de l'informer qu'il ne serait pas en mesure de se présenter. Il relève que le médecin de contrôle aurait bien fait référence à cet entretien téléphonique.

Il serait encore erroné de lui reprocher de ne pas avoir fait usage de son droit de présenter des observations écrites ou d'être entendu en personne, dès lors qu’il aurait présenté ses observations par courrier du 20 décembre 2017 à Monsieur (B), certificat médical à l'appui, et par courrier du 12 janvier 2018 à Monsieur le Ministre Claude MEISCH.

Il serait partant déplorable que malgré ses explications, il n'a plus été par la suite entendu en ses explications.

L’appelant, sans cependant formuler de moyen plus spécifique, juge encore curieux le fait que son licenciement sans préavis du 19 décembre 2017 n’a pris effet qu'en date du 1er janvier 2018.

Il explique que le fait qu’il n'a pas présenté ses observations au ministre, suite au courrier lui faisant part de son intention de résilier le contrat de stage, serait en rapport avec le peu de temps dont il aurait disposé pour se procurer un certificat médical détaillé auprès de son médecin traitant.

Par ailleurs, le fait de ne pas présenter ses observations ou de ne pas demander de rendez-vous dans le délai de huit jours ne serait pas un fait de nature à entraîner automatiquement la non-justification de son recours contentieux.

Pour le surplus, il se réfère à des rapports médicaux du docteur (D) des 8 et 11 décembre 2017, desquels ressortirait qu’il « semble avoir été la victime d'un mobbing caractérisé sur son lieu de travail, ce qui aurait entraîné son incapacité de travailler », d’une part, et au rapport d'expertise psychiatrique du docteur (E) du 30 mars 2020 estimant qu'au jour de la décision de la Commission des pensions du 20 septembre 2017, il n'était pas apte à reprendre son travail pour raisons médicales, d’autre part. Il déplore qu’il n’aurait jamais été tenu compte du fait qu’il aurait fait l'objet d'harcèlement sur son lieu de travail.

Le fait qu’il serait atteint d’infirmités le rendant inapte au travail serait encore confirmé par un certificat médical du docteur (F) du 27 janvier 2020.

Ainsi, ayant été sujet à des infirmités qui le mettaient hors d’état de continuer son service, ses absences de service auraient été parfaitement justifiées et les décisions ministérielles seraient à réformer ou à annuler.

Il demande encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 1.500.- € pour chaque instance et la condamnation de la partie étatique aux frais et dépens, dont les frais d'expertise des docteurs (F) et (E).

En termes de réplique, l’appelant pointe le fait que la décision de la Commission des pensions ne baserait que sur les conclusions d'un médecin généraliste et non pas sur l'avis d'un médecin spécialiste, lequel aurait dû être chargé d’un réexamen de sa situation.

La sanction de la résiliation de son stage pour motif grave serait ainsi constitutive d’une violation de la loi sinon d’un excès de pouvoir, respectivement par l’impact financier manifestement disproportionnée.

La partie étatique demande en substance la confirmation du jugement a quo.

De concert avec les premiers juges, la Cour relève liminairement qu’en l’absence de recours au fond prévu en la matière, elle est appelée à statuer non pas en tant que juge de la réformation, mais en tant que juge de l’annulation. Or, dans les limites de sa compétence d’annulation, le juge de la légalité d’une décision administrative doit apprécier la situation de droit et de fait telle qu’elle s’est cristallisée au jour où la décision attaquée a été prise. En effet, le juge de la légalité doit se placer au même moment que l’autorité décisionnelle et il ne peut tenir compte des circonstances de droit ou de fait postérieures à l’acte attaqué, puisque dans le contentieux de l’annulation, il ne peut pas substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative.

Concernant la situation de fait et la vérification de la matérialité des faits, elle s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, c’est-à-dire en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance, respectivement encore de ceux dont elle aurait dû avoir connaissance au moment où elle a statué. En revanche, il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile.

Le cadre juridique de l’affaire sous examen est légalement tracé par l’article 2, paragraphe (3), alinéa 5, du statut général et l’article 74 de la loi modifiée du 3 août 1998 instituant des régimes de pension spéciaux pour les fonctionnaires de l’Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois.

Aux termes de l’article 2, paragraphe (3), alinéa 5, du statut général :

« Le stage est résiliable. La résiliation du stage est prononcée soit pour motifs graves, soit lorsque le stagiaire s’est vu attribuer une appréciation professionnelle insuffisante par application des dispositions de l’article 4bis. Sauf dans le cas d’une résiliation pour motifs graves, le stagiaire a droit à un préavis d’un mois à compter du premier jour du mois qui suit celui de la constatation de l’insuffisance professionnelle. ».

En vertu de l’article 74 de la loi du 3 août 1998, lorsqu’un fonctionnaire qui a comparu devant la Commission des pensions, soit à sa demande, soit à la demande de l’administration, n’a pas été reconnu sujet à des infirmités qui le mettraient hors d’état de continuer son service, il est aussitôt tenu de reprendre son service. Il s’y ajoute que postérieurement à sa reprise de service, si l’intéressé sollicite des congés de maladie en rapport avec l’état de santé ayant entraîné sa comparution devant ladite commission, ces congés de maladie sont assimilés à des absences de service non autorisées et poursuivies comme telles sur la base des dispositions relatives à la discipline prévues suivant le statut qui lui est applicable.

En l’espèce, il est un fait constant et incontestable que le 20 septembre 2017, la Commission des pensions a retenu que Monsieur (A) n’était « pas sujet à des infirmités qui le mettraient hors d'état de continuer son service, ceci sur base de son poste actuel », le recours véhiculé à l’encontre de cette décision ayant été rejeté par le jugement du tribunal administratif prévisé du 18 juin 2021, confirmé par l’arrêt séparé prévisé de ce jour.

Il est encore un fait incontestable que malgré cette décision et en dépit de l’obligation légale lui faite par l’article 74 de la loi du 3 août 1998, Monsieur (A) n’a pas repris son service suite à cette décision du 20 septembre 2017, mais il a continué de se déclarer incapable d’une remise au travail.

Or, comme les certificats médicaux déposés par l’intéressé pour justifier son absence prolongée au-delà de et malgré la décision de la Commission des pensions restent invariablement liés à l’état de santé, qui avait antérieurement entraîné sa convocation devant ladite commission, fait que l’appelant ne conteste d’ailleurs point, comme de fait il l’a encore formellement admis, lors de son entretien téléphonique avec le médecin de contrôle en date du 28 novembre 2017, les absences de son poste, depuis la décision de la Commission des pensions, sont à considérer comme des absences de service non autorisées, partant constitutives d’un comportement fautif.

Ses absences étant en outre conséquentes, atteignant au jour de la prise de décision pratiquement trois mois, elles sont à elles seules de nature à disqualifier le comportement de l’appelant, lequel comportement ayant valablement pu être qualifié de motif grave justifiant la résiliation du stage de l’appelant en application de l’article 2, paragraphe (3), alinéa 5, du statut général.

Il n’importe partant point d’examiner si l’intéressé s’est ou ne s’est pas utilement excusé pour ne pas s’être présenté en personne devant le médecin de contrôle en vue d’un examen médical additionnel, l’état des choses vérifié ou non restant une donnée en définitive indifférente au niveau de la légalité intrinsèque des décisions attaquées. Il en est de même en ce qui concerne le non-exercice de la possibilité de solliciter un rendez-

vous ou de formuler par écrit ses observations au ministre dans le délai utile.

En ce qui concerne la mise en balance actuelle des rapports médicaux des 8 et 11 décembre 2017, voire celui du 27 janvier 2020 et le reproche sous-jacent d’une non-prise en considération d’un prétendu harcèlement moral dans le premier établissement où l’appelant avait été affecté, ces arguments constituent des considérations et éléments qui ne sont pas non plus de nature à remettre en question la légalité des décisions litigieuses, étant donné qu’il s’agit d’éléments de fait qui n’étaient pas à la connaissance du ministre au moment de la prise des décisions déférées du 19 décembre 2017 et qui ne sauraient dès lors être pris en compte par le juge de la légalité.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Au vu de l’issue du litige, les demandes en allocation d'une indemnité de procédure, pour la première instance et pour l’instance d’appel, formulées par l’appelant sont à rejeter.

Enfin, la demande formulée par la partie étatique tendant à la condamnation de l’appelant au paiement d’une indemnité de procédure de 1.500.- € est à son tour à rejeter, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 18 juin 2021;

déboute les parties tant appelante qu’intimée de leurs demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure;

condamne l'appelant aux dépens de l'instance d'appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 décembre 2021 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 46302C
Date de la décision : 23/12/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-12-23;46302c ?

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