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16/12/2021 | LUXEMBOURG | N°153/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 16 décembre 2021, 153/21


N° 153 / 2021 du 16.12.2021 Numéro CAS-2020-00126 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize décembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

H), demanderesse en cassation, comparan

t par Maître Trixi LANNERS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu...

N° 153 / 2021 du 16.12.2021 Numéro CAS-2020-00126 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, seize décembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Simone FLAMMANG, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

H), demanderesse en cassation, comparant par Maître Trixi LANNERS, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

R), assisté par Y), nommé gérant de tutelle par arrêt de la Cour d’appel du 15 septembre 2020 en remplacement de Maître Christian STEINMETZ, défendeur en cassation.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 73/20-II-CIV, rendu le 3 juin 2020 sous le numéro CAL-2019-00499 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié les 28 et 31 août 2020 par H) à R) et à Maître Christian STEINMETZ en sa qualité de gérant de la tutelle de R), déposé le 15 septembre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Sur les conclusions de l’avocat général Monique SCHMITZ ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière civile, avait dit fondée la demande en condamnation dirigée par H) contre R) à lui payer plusieurs montants à titre de solde de divers prêts. La Cour d’appel a, par réformation, dit la demande non fondée.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi première branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 89 de la Constitution, violation constituée par une non-réponse à conclusions, constituant une insuffisance de motifs et valant absence de motifs ;

deuxième branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure civile (ci-après NCPC), violation constituée par une non-réponse à conclusions, constituant une insuffisance de motifs et valant absence de motifs ;

troisième branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme constituée par une non-réponse à conclusions, constituant une insuffisance de motifs, valant absence de motifs, le devoir de motiver les jugements constituant l’une des conditions du procès équitable réglementée au prédit article 6.

Les trois branches du premier moyen se basent sur exactement les mêmes considérations et les mêmes motifs qui sont les suivants :

en ce que, sur l’argumentation que :

- le montant de 12.323,50.- € serait établi par des actes sous seing privé valant reconnaissance de dettes, alors que remplissant l’intégralité des conditions posées par les articles 1322 et 1326 du Code civil ;

- que le montant de 38.020.65.- € serait établi par des commencements de preuve par écrit sous forme de documents datés, signés et écrits à la main du débiteur. La seule condition faisant défaut pour valoir reconnaissance de dette au sens de l’article 1326 du Code civil serait l’expression du montant en toutes lettres ;

- que le montant de 1.260,45.- € serait établi par des commencements de preuve par écrit sous forme de tickets de caisse, datés et signés ou au moins paraphés par Monsieur R) ;

l’arrêt attaqué s’est contenté de retenir que en tirant de cet énoncé la conséquence que les nombreux documents de toute nature grief de l’insuffisance de motifs valant absence de motifs :

alors que l’obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse des garanties ; elle le protège contre l’arbitraire, lui fournit une preuve que sa demande et ses moyens ont été sérieusement examinés ; et, en même temps, met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa décision au contrôle de la Cour de cassation ;

alors qu’au-delà du droit national, la Cour européenne des droits de l’homme juge que l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et le droit d’être entendu par un tribunal ne peut passer pour effectif que si ces observations sont vraiment , c’est-à-dire dûment examinées par le tribunal saisi ;

alors qu’il est imposé aux juges du fond de produire une motivation suffisante et cohérente afin de permettre à la Cour de cassation le contrôle de l’application de la loi, le juge de la cassation ne pouvant vérifier si les faits, souverainement constatés par les juges du fond, ont reçu une exacte qualification juridique, que si ces faits lui sont suffisamment connus par l’arrêt attaqué, c’est-à-dire si celui-ci est suffisamment et clairement motivé ;

alors qu’une décision de justice doit donc se suffire à elle-même et il ne peut être suppléé au défaut ou à l‘insuffisance de motifs par le seul visa des documents de la cause et la seule référence aux débats, n’ayant pas fait l’objet d’aucune analyse ;

alors qu’il y a lieu de citer un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation française du 4 février 1987, qui a cassé le jugement attaqué du tribunal d’instance, statuant en dernier ressort, qui se bornait à énoncer que les pièces versées aux débats ne permettent pas de trouver fondées les demandes de la partie requérante ;

alors qu’en se déterminant ainsi, par le seul visa de documents n’ayant pas fait l’objet d’aucune analyse, et sans préciser en quoi la demande n’était pas fondée, le Tribunal n’a pas satisfait aux exigences des textes susvisées ;

alors que les de fait de l’arrêt devant justifier le rejet de la demande en condamnation sont, au regard de ces principes fondamentaux, manifestement insuffisants, dans la mesure où la lapidaire d’une phrase comme quoi constitue un simple visa des documents de la cause, sans la moindre analyse ;

alors que le fait de se contenter d’affirmer que les pièces versées aux débats ne permettraient pas de faire droit à une demande n’est pas un motif. Le juge doit analyser les documents et dire en quoi la demande n’est pas fondée, notamment en considération de la diversité des pièces versées en cause dont les libellées divergent largement ;

alors qu’il aurait appartenu à l’arrêt attaqué de motiver plus amplement en fait pourquoi, selon lui, ces documents ne valent pas reconnaissance de dette ou commencement de preuve par écrit ;

alors qu’en ne procédant pas à une plus ample motivation, l’arrêt attaqué est vicié par l’insuffisance de motifs équivalents à l’absence de motifs violant l’article 89 de la Constitution, l’article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

grief du défaut de réponse à conclusions :

alors qu’en l’espèce le juge du fond se contente de parler de l’écrit du 24 avril 2006 et de , alors que parmi les multiples documents versés à l’appui de la demande, il figure aussi des reconnaissances de dettes, remplissant l’intégralité des conditions prévues par les articles 1322-1 et 1326 du Code civil ;

alors que face au poids des documents suivants - tous postérieurs au dernier remboursement effectué par Monsieur R) :

Date :

Montant *:

Écrit à la main du débiteur :

Signature :

Pièce n° :

05.01.2014 300,00 € Oui Oui 8 23.01.2014 300,00 € 03.02.2014 100,00 € 31.07.2014 100,00 € 14.02.2015 100,00 € 18.03.2014 200,00 € Oui Oui 25 28.09.2014 200,00 € 05.09.2014 200,00 € Oui Oui 31 a+b 11.03.2014 1.000,00 € 15.08.2014 433,50 € Oui Oui 33 09.06.2014 100,00 € Oui Oui 34 a+b 13.06.2014 180,00 € 18.03.2014 60,00 € Oui Oui 35 a+d 06.11.2014 300,00 € 13.08.2014 300,00 € Oui Oui 36 a 07.07.2014 500,00 € Oui Oui 37 11.03.2015 300,00 € Oui Oui 40 a +b 17.08.2015 1.000,00 € 06.10.2015 1.200,00 € Oui Oui 41 16.09.2015 100,00 € Oui Oui 43 a+c 15.07.2015 200,00 € 13.10.2015 500,00 € Oui Oui 44 17.07.2015 200,00 € Oui Oui 45 a 19.10.2015 500,00 € Oui Oui 47 31.10.2015 2.750,00 € Oui Oui 48 15.02.2016 1.000,00 € Oui Oui 49 06.09.2016 200,00 € Oui Oui 50 * Les montants sont indiqués sur les différentes pièces en toutes lettres.

(Conclusions I du 28 juin 2019) constituant selon la partie demanderesse des actes sous seing privé, ayant ainsi la même foi que l’acte authentique entre ceux qui l’ont souscrit et valant acte juridique par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent, rendant ainsi la demande de la partie demanderesse pour le montant de 12.323,50.- € fondée, il aurait appartenu à l’arrêt attaqué de motiver en fait pourquoi, selon lui, ces documents ne valent pas reconnaissance de dette ;

alors qu’en se contentant de retenir que , l’arrêt attaqué a statué par un motif d’ordre général, en justifiant sa décision par une formule générale dépourvue de toute référence à l’espèce ;

alors que l’arrêt attaqué contient un défaut de motifs en ce qu’il n’a pas répondu aux arguments réitérés dans les conclusions qui ont été régulièrement déposées devant le juge du fond et qui auraient été de nature à fonder la déduction juridique ;

alors que ces arguments pertinents de droit (et de poids) constituent des moyens exigeant réponse et qu’en ne répondant pas du tout à ces moyens réitérés tout au long de l’instance d’appel, l’appel encourt le vice de non-réponse à conclusions assimilé à l’insuffisance de motifs ;

** le défaut de motifs constituant à la fois une violation de l’article 89 de la Constitution, une violation de l’article 249 alinéa 1er du NCPC et une violation de l’article 6 de la CEDH ;

l’arrêt attaqué a violé la loi, à savoir les textes susmentionnés et doit subir la cassation. ».

Réponse de la Cour Sur les trois branches réunies du moyen En tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs, qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

En retenant « Il est constant en cause que les parties en litige n’ont pas conclu de contrat de prêt.

Conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil, il incombe à H) de rapporter la preuve tant de l’obligation de R) de rembourser les fonds reçus que du quantum de cette obligation.

La preuve d’une remise de fonds ne suffit en effet pas à justifier l’obligation de celui qui les a reçus de les restituer.

Il convient de rappeler que la reconnaissance de dette fait présumer le prêt, c’est-à-dire qu’elle fait présumer à la fois la remise des fonds et l’engagement de celui qui les a reçus de les restituer.

A cet effet, l’article 1326 du code civil prévoit que l’acte juridique par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de l’emprunteur, ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.

L’article 1341 du code civil, exigeant une preuve littérale pour tout contrat dépassant la valeur de 2.500 euros, reçoit exception en cas d’existence d’un commencement de preuve par écrit, l’article 1347 du même code disposant que .

(…).

L’absence des formalités prescrites par l’article 1326 du code civil est sans influence sur l’existence et la validité de l’obligation, mais elle affecte sa force probante. Cet acte peut alors être retenu comme commencement de preuve par écrit s’il satisfait aux conditions posées par l’article 1347 du code civil, c’est-à-dire s’il émane du prétendu débiteur et s’il rend vraisemblable le fait allégué.

(…).

En ce qui concerne les reçus et tickets de caisse, R) ne désavoue pas l’apposition de sa signature, ni l’adjonction des annotations manuscrites , , voire des explications relatives à la destination de l’argent reçu, de sorte que la remise des divers montants à R) est établie. La condition d’origine de l’article 1347 du code civil se trouve partant remplie.

Il se dégage encore de l’article 1347 que la vraisemblance du fait allégué, qui autorise le recours à des présomptions et à l’audition de témoins, doit résulter de l’écrit lui-même, sans qu’il soit permis, en cas d’équivoque, d’éclairer la portée de l’écrit par des circonstances prises en dehors de celui-ci.

La Cour se doit de relever que le libellé sommaire des écrits en question ne suffit pas à rendre vraisemblable l’intention de R) de rembourser l’argent reçu, de sorte qu’ils ne valent pas comme commencements de preuve par écrit d’une obligation de remboursement dans le chef de R) concernant les montants y figurant. », les juges d’appel ont motivé leur décision sur les points considérés.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois branches, n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi première branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 89 de la Constitution, violation constituée par une non-réponse à conclusions, constituant une insuffisance de motifs et valant absence de motifs ;

deuxième branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 249 alinéa 1er du NCPC, violation constituée par une non-réponse à conclusions, constituant une insuffisance de motifs et valant absence de motifs ;

troisième branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme constituée par une non-réponse à conclusions, constituant une insuffisance de motifs, valant absence de motifs, le devoir de motiver les jugements constituant l’une des conditions du procès équitable réglementée au prédit article 6.

Les trois branches du deuxième moyen se basent sur exactement les mêmes considérations et les mêmes motifs qui sont les suivants :

en ce que, sur l’argumentation que :

- le montant de 12.323,50.- € serait établi par des actes sous seing privé valant reconnaissance de dettes, alors que remplissant l’intégralité des conditions posées par les articles 1322 et 1326 du Code civil ;

- que le montant de 38.020.65.- € serait établi par des commencements de preuve par écrit sous forme de documents datés, signés et écrits à la main du débiteur. La seule condition faisant défaut pour valant reconnaissance de dette au sens de l’article 1326 du Code civil serait l’expression du montant en toutes lettres ;

- que le montant de 1.260,45.- € serait établi par des commencements de preuve par écrit sous forme de tickets de caisse, datés et signés ou au moins paraphés par Monsieur R) ;

l’arrêt attaqué s’est contenté de retenir que grief du manque de base légale :

alors que la décision attaquée a employé les formules légales, mais, la recherche des éléments qui justifient l’application du texte est largement insuffisante et ne permet aucunement à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la qualification ;

alors qu’il est en raison des motifs imprécis et incomplets impossible de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;

alors que les juges du fond auraient dû procéder à un supplément d’instruction, puisque s’ils avaient fait telle ou telle recherche, ils auraient conduit à une décision différente ;

alors qu’il y a en l’espèce une insuffisance manifeste de recherche de tous les éléments de fait qui justifient l’application de la loi ;

alors que le juge a l’obligation d’indiquer l’origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision et de préciser les éléments qui lui ont permis de constater le fait considéré ;

alors que la souveraineté du juge du fond pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis et pour constater les faits ne dispense pas celui-ci de procéder à une appréciation d’ensemble de ces faits et de ces preuves ;

alors qu’à titre d’exemple, un jugement qui se borne, pour affirmer un fait, à se référer à des attestations testimoniales sans apporter la moindre précision sur l’identité des auteurs de ces attestations ni les faits qu’elles relatent est entaché d’un défaut de base légale ;

alors qu’en l’espèce, en arguant « que le libellé sommaire des écrits en question ne suffit pas à rendre vraisemblable l’intention de Monsieur R) », les juges du fond se sont bornés à une considération abstraite, d’ordre général, sans rechercher et apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du problème de droit. Ils ont donc répondu partiellement aux conclusions, mais par voie de pure affirmation, en n’apportant la moindre précision sur les faits rapportés ;

alors que si les motifs de la décision ne permettent pas de vérifier si les éléments nécessaires pour justifier l’application qui a été faite de la loi se trouvent bien dans la cause, il y a ;

** le grief de dénaturation de la base légale constituant à la fois une violation de l’article 89 de la Constitution, une violation de l’article 249 alinéa 1er du NCPC et une violation de l’article 6 de la CEDH ;

l’arrêt attaqué a violé la loi, à savoir les textes susmentionnés et doit subir la cassation. ».

Réponse de la Cour Sur les trois branches réunies du moyen Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

En tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution, de l’article 249, alinéa 1, du Nouveau Code de procédure civile et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise, d’une part, le défaut de motifs qui est un vice de forme et, en ce qu’il articule le grief d’une motivation imprécise et incomplète qui ne permettrait pas à la Cour de cassation de vérifier les éléments de fait dont dépend l’application de la règle de droit, il vise, d’autre part, le défaut de base légale, qui est un vice de fond, partant deux cas d’ouverture distincts.

Il s’ensuit que le moyen, pris en ses trois branches, est irrecevable.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi première branche Tiré de la violation de la loi, à savoir de la violation des articles 1326 et 1347 du Code civil ;

en ce que sur l’argumentation que :

- le montant de 12.323,50.- € serait établi par des actes sous seing privé valant reconnaissance de dettes, alors que remplissant l’intégralité des conditions posées par les articles 1322 et 1326 du Code civil ;

et en donnant la précision que ledit montant se compose comme suit :

Date :

Montant *: Écrit à la main du Signature :

Pièce n° :

débiteur :

05.01.2014 300,00 € Oui Oui 8 23.01.2014 300,00 € 03.02.2014 100,00 € 31.07.2014 100,00 € 14.02.2015 100,00 € 18.03.2014 200,00 € Oui Oui 25 28.09.2014 200,00 € 05.09.2014 200,00 € Oui Oui 31 a+b 11.03.2014 1.000,00 € 15.08.2014 433,50 € Oui Oui 33 09.06.2014 100,00 € Oui Oui 34 a+b 13.06.2014 180,00 € 18.03.2014 60,00 € Oui Oui 35 a+d 06.11.2014 300,00 € 13.08.2014 300,00 € Oui Oui 36 a 07.07.2014 500,00 € Oui Oui 37 11.03.2015 300,00 € Oui Oui 40 a +b 17.08.2015 1.000,00 € 06.10.2015 1.200,00 € Oui Oui 41 16.09.2015 100,00 € Oui Oui 43 a+c 15.07.2015 200,00 € 13.10.2015 500,00 € Oui Oui 44 17.07.2015 200,00 € Oui Oui 45 a 19.10.2015 500,00 € Oui Oui 47 31.10.2015 2.750,00 € Oui Oui 48 15.02.2016 1.000,00 € Oui Oui 49 06.09.2016 200,00 € Oui Oui 50 * Les montants sont indiqués sur les différentes pièces en toutes lettres.

l’arrêt attaqué s’est contenté de retenir que grief de dénaturation par omission de l’article 1326 et grief par dénaturation de l’article 1374 du Code civil :

alors que l’article 1326 du Code civil se lit comme suit :

alors que les pièces 44 et 48, clairement énumérés dans les conclusions et versées à l’appui de la demande remplissent toutes les conditions prescrites par l’article 1326 du Code civil ;

alors qu’en effet ces pièces se lisent comme suit :

Pièce 44 :

(mises en exergue ajouté) Pièce 48 :

(mises en exergue ajouté) que ces documents comportent donc la signature de Monsieur R), donc de la personne qui s’est engagée envers Madame H), ainsi que la mention écrite à la main de Monsieur R) de la somme en chiffre et en toutes lettres ;

alors que le juge du fond, qui est saisi d’un acte par les parties, a le devoir de le lire en entier et doit d’office tenir compte de toutes les clauses, même s’il n’est pas saisi en ce sens de conclusions précises ;

alors que l’arrêt attaqué n’analyse et ne mentionne aucunement lesdites pièces qui sont toutes postérieures au dernier remboursement de Monsieur R) effectué en date du 14 août 2013 ;

alors qu’il y a dénaturation des documents par omission lorsque les juges du fond omettent de prendre en compte ou dénient l’existence d’un document spécialement invoqué par les parties à l’appui de leurs prétentions, régulièrement produit aux débats et de nature à avoir une influence sur la solution du litige ;

alors que constitue une dénaturation par omission le fait de tenir pour inexistante une pièce versée aux débats ;

alors que la Cour de cassation veille au respect par les juges du fond des règles relatives à l’admissibilité des modes de preuves et à la charge de preuve ;

alors que suivant une jurisprudence constante en la matière, alors que l’arrêt attaqué aurait alors dû analyser si les autres pièces énumérées dans les conclusions et régulièrement versées au débat ne remplissant pas toutes les formalités de l’article 1326 du Code civil constitueraient néanmoins un commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 ;

alors que l’article 1347 du Code civil qualifie le commencement de preuve par écrit comme un alors que par exemple la pièce 8 émane de Monsieur R) et que les termes et sont clairs et précis ;

alors que cet écrit est susceptible pour un esprit éclairé d’un seul sens ;

alors que la Cour de cassation doit sanctionner les décisions qui n’ont pu donner une analyse de faits qu’aux prix d’une méconnaissance ouverte des termes clairs d’un document écrit invoqué comme élément de preuve ;

alors que l’interdiction de dénaturer des documents clairs et précis ne vaut pas seulement pour les actes ayant force obligatoires, mais aussi aux écrits soumis à la libre appréciation des juges du fond ;

alors que les termes ne laissent pas de place à l’interprétation. Les juges du fond ne peuvent dès lors faire une lecture contraire à ce qui y est exprimé avec clarté et précision ;

alors que la clarté de cette pièce relative à un montant total de 1.779,73.- € ne s’apprécie pas en soi, mais par rapport aux données du litige ;

** alors que cette dénaturation constitue une violation de la loi, à savoir des articles 1326 et 1347 du Code civil et que l’arrêt doit alors subir la cassation. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la dénaturation des écrits clairs visés au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur probante des documents produits par la demanderesse en cassation afin d’établir l’existence des prêts et l’obligation de remboursement dans le chef du défendeur en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de la loi première branche Tiré de la violation de la loi et de la mauvaise application de la loi, à savoir de la violation des articles 1341 et 1347 du Code civil ;

en ce que sur l’argumentation que :

- le montant de 12.323,50.- € serait établi par des actes sous seing privé valant reconnaissance de dettes, alors que remplissant l’intégralité des conditions posées par les articles 1322 et 1326 du Code civil ;

- et que la réalité du montant de 38.020,65.- € serait incontestablement établie par des pièces datées, signées et écrit à la main du débiteur, valant commencement de preuve par écrit et le montant de 1.260,45 € par des tickets de caisse datés, signés ou au moins paraphés par Monsieur R) ;

l’arrêt attaqué s’est contenté de retenir que ;

alors qu’après avoir écarté l’application de l’article 1341 du Code civil, la Cour d’appel aurait dû vérifier pour chaque pièce isolément et pour chaque dette inférieure à 2.500.- € prise isolément, si la preuve de la dette et la preuve de l’obligation de remboursement - preuve à fournir par tous moyens - ont été rapportés ;

grief de dénaturation et de la mauvaise application des articles 1341 et 1347 :

alors que tout d’abord les pièces 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 50, 51, 52 ne concernent chacune prise isolément pas des montants supérieurs à 2.500.- €, alors que par conséquent l’article 1341 du Code civil ne leur est pas applicable, contrairement à ce qu’a retenu la Cour d’appel et l’obligation de Monsieur R) de rembourser l’argent lui remis peut être établie par tous moyens, alors que, les juges du fond ne peuvent en outre altérer le sens clair et précis d’un acte, ni modifier les obligations que les parties avaient librement acceptées. Les juges qui transgressent cette interdiction ne commettent pas une simple erreur de fait, ils violent l’article 1134 du Code civil et font une fausse application de l’article 1156, s’accompagnant souvent d’une méconnaissance de l’article 1347 du même code ;

alors que l’interdiction de dénaturer des actes clairs et précis entre dans l’office du juge comme nécessité évidente ;

alors que les termes :

- - pièce 8 - - pièce 26 - - pièce 44 - - pièce 48 émanant de Monsieur R) et postérieurs au dernier remboursement de ce dernier en date du 14.08.2013 sont clairs et précis ;

alors que ces écrits sont susceptibles pour un esprit éclairé d’un seul sens ;

alors que la Cour de cassation doit sanctionner les décisions qui n’ont pu donner une analyse de faits qu’aux prix d’une méconnaissance ouverte des termes clairs d’un document écrit invoqué comme élément de preuve ;

alors que l’interdiction de dénaturer des documents clairs et précis ne vaut pas seulement pour les actes ayant force obligatoires, mais aussi aux écrits soumis à la libre appréciation des juges du fond ;

alors que les termes ne laissent pas de place à l’interprétation. Les juges du fond ne peuvent dès lors faire une lecture contraire à ce qui y est exprimé avec clarté et précision ;

alors qu’il y a dès lors erreur manifeste en l’espèce dans la lecture et l’appréciation desdites pièces ;

alors que pour la clarté des autres pièces postérieures au dernier remboursement de Monsieur R), à savoir les pièces 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 49, 50, 51, 52 s’apprécient pas en soi, mais par rapport aux données du litige ;

** le grief de la dénaturation de la base légale constitue une violation de la loi, à savoir des articles 1341 et 1347 du Code civil ;

l’arrêt attaqué à violé la loi, à savoir les textes susmentionnés et doit alors subir la cassation. ».

Réponse de la Cour Sous le couvert du grief tiré de la dénaturation et de la mauvaise application des articles 1341 et 1347 du Code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la valeur probante des documents produits par la demanderesse en cassation afin d’établir l’existence des prêts et l’obligation de remboursement dans le chef du défendeur en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du premier avocat général Simone FLAMMANG et du greffier Daniel SCHROEDER.

PARQUET GENERAL Luxembourg, le 23 septembre 2021 DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

________

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation H) contre R), assisté de son tuteur Maître Christian STEIMMETZ (affaire inscrite sous le n° CAS-2020-00126) Le pourvoi en cassation introduit par H) par mémoire en cassation signifié le 28 août 2020 à R) et le 31 août 2020 à son tuteur Maître Christian STEINMETZ, et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 16 septembre 2021, est dirigé contre l’arrêt n° 73/20 rendu contradictoirement le 3 juin 2020 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile, inscrit sous le n° CAL-2019-00499 du rôle.

Il n’appert pas des documents versés aux débats que l’arrêt dont pourvoi ait fait l’objet d’une signification.

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885.

Faits et rétroactes :

L’arrêt dont pourvoi a déclaré recevable et fondé l’appel dirigé par R) contre le jugement no 2019TADCH01/22 rendu le 12 février 2019 par le Tribunal d'arrondissement de Diekirch, ayant déclarée fondée la demande de H), tendant à la condamnation de R) à lui payer la somme de 20.954,60 euros avec les intérêts de retard aux taux légal depuis la demande en justice jusqu'à solde, les intérêts conventionnels de 5 % l'an sur le montant de 14.103,50 euros, depuis le 24 avril 2006 jusqu'au 14 août 2013, ainsi qu’une indemnité de procédure à hauteur de 1.000 euros, et a déchargé l’appelant de toutes condamnations prononcées à son encontre par les premiers juges.

Pour une meilleur compréhension, il y a lieu de relever que H) a précisé dans son assignation et dans ses conclusions que la somme de l'argent prêtée à R) depuis 2006, à savoir 51.604,60 € (dont il avait déjà remboursé le montant de 30.650 €) se constituait pour le montant de 12.323,50 € par des écrits remplissant l'intégralité des conditions requises par les articles 1322-1 et 1326 du Code civil et, pour le reste, par des écrits valant commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1347 du même code. Ainsi, pour le montant de 38.020,65 € seul l'expression du montant en toutes lettres ferait défaut pour constituer une reconnaissance de dette au sens des articles 1322-1 et 1326 du Code civil et le montant de 1.260,45 € figurerait sur différents tickets de caisse datés et signés ou au moins paraphés par les soins de R). La partie H) a versé à l’appui de ses prétentions une ribambelle de pièces, constituée notamment par des tickets de caisse annotés, des écrits et décomptes manuscrits.

R) a contesté l'existence de reconnaissances de dette valables et le respect des conditions requises pour valoir commencement de preuve par écrit. Subsidiairement, il a estimé que les engagements n'auraient pas de cause et seraient par conséquent à déclarer nuls.

L’arrêt d'appel n°73120 - II - CIV a, par réformation, débouté H) de sa demande en paiement.

Quant au 1er moyen de cassation :

Le 1er moyen de cassation, subdivisé en branches, est tiré de la violation de la loi, soit de la violation de l’article 89 de la Constitution, de la violation de l'article 249 alinéa 1 er du NCPC et de la violation de l'article 6 de la CEDH, en ce que, sur l'argumentation de la demanderesse en cassation que :

« le montant de 12.323,50.- € serait établi par des actes sous seing privé valant reconnaissance de dettes, alors que remplissant l'intégralité des conditions posées par les articles 1322 et 1326 du Code civil ;

que le montant de 38.020.65.- € serait établi par des commencements de preuve par écrit sous forme de documents datés, signés et écrits à la main du débiteur. La seule condition faisant défaut pour valoir reconnaissance de dette au sens de l'article 1326 du Code civil serait l'expression du montant en toutes lettres ;

que le montant de 1.260,45.- € serait établi par des commencements de preuve par écrit sous forme de tickets de caisse, datés et signés ou au moins paraphés par Monsieur R) ; », les magistrats d’appel se sont contentés de retenir que « le libellé sommaire des écrits en question ne suffit pas à rendre vraisemblable l'intention de R) de rembourser l'argent reçu » et d’en tirer la conséquence que les nombreux documents de toute nature « ne valent pas commencement de preuve par écrit d'une obligation de remboursement dans le chef de R) concernant les montants y figurant ».

Aux termes du moyen il est reproché aux magistrats d’appel que, par le seul visa de documents, sans faire une analyse circonstanciée des pièces libellées de façon divergente, et sans préciser en quoi la demande n'était pas fondée, ils ont statué par un motif d'ordre général, en justifiant leur décision par une formule générale dépourvue de toute référence à l'espèce, et qu’ils n’ont dès lors pas satisfait aux exigences des textes susvisées.

Pour le surplus, il leur est reproché d’avoir omis de motiver plus amplement en fait pourquoi les documents qualifiés de reconnaissance de dette ou de commencement de preuve par écrit, n’en constituent pas.

La motivation des magistrats d’appel est la suivante :

« Appréciation de la Cour Il est constant en cause que les parties en litige n’ont pas conclu de contrat de prêt.

Conformément aux dispositions de l’article 1315 du code civil, il incombe à H) de rapporter la preuve tant de l’obligation de R) de rembourser les fonds reçus que du quantum de cette obligation.

La preuve d’une remise de fonds ne suffit en effet pas à justifier l’obligation de celui qui les a reçus de les restituer.

Il convient de rappeler que la reconnaissance de dette fait présumer le prêt, c’est-à-dire qu’elle fait présumer à la fois la remise des fonds et l’engagement de celui qui les a reçus de les restituer.

A cet effet, l’article 1326 du code civil prévoit que l’acte juridique par lequel une partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de l’emprunteur, ainsi que la mention, écrite de sa main, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres.

L’article 1341 du code civil, exigeant une preuve littérale pour tout contrat dépassant la valeur de 2.500 euros, reçoit exception en cas d’existence d’un commencement de preuve par écrit, l’article 1347 du même code disposant que « les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit. On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

R) ne conteste pas avoir rédigé et signé l’écrit du 24 avril 2006 qui ne comporte toutefois pas la mention en toutes lettres des sommes qu’il s’est engagé à rembourser.

L’absence des formalités prescrites par l’article 1326 du code civil est sans influence sur l’existence et la validité de l’obligation, mais elle affecte sa force probante. Cet acte peut alors être retenu comme commencement de preuve par écrit s’il satisfait aux conditions posées par l’article 1347 du code civil, c’est-

à-dire s’il émane du prétendu débiteur et s’il rend vraisemblable le fait allégué.

Force est de constater que l’écrit du 24 avril 2006, irrégulier au regard de l’article 1326 du code civil, vaut commencement de preuve par écrit au sens de l’article 1347 du code civil dans la mesure où ce document énonce clairement que les sommes y spécifiées reçues par R) de H) constituent un prêt et que R) doit les rembourser.

En ce qui concerne les reçus et tickets de caisse, R) ne désavoue pas l’apposition de sa signature, ni l’adjonction des annotations manuscrites « reçu », « bon pour décompte », voire des explications relatives à la destination de l’argent reçu, de sorte que la remise des divers montants à R) est établie. La condition d’origine de l’article 1347 du code civil se trouve partant remplie.

Il se dégage encore de l’article 1347 que la vraisemblance du fait allégué, qui autorise le recours à des présomptions et à l’audition de témoins, doit résulter de l’écrit lui-même, sans qu’il soit permis, en cas d’équivoque, d’éclairer la portée de l’écrit par des circonstances prises en dehors de celui-ci.

La Cour se doit de relever que le libellé sommaire des écrits en question ne suffit pas à rendre vraisemblable l’intention de R) de rembourser l’argent reçu, de sorte qu’ils ne valent pas comme commencements de preuve par écrit d’une obligation de remboursement dans le chef de R) concernant les montants y figurant. 1 La demande de H) n’est partant pas fondée, le prêt du 24 avril 2006 ayant été intégralement remboursé et la preuve de prêts supplémentaires n’étant pas rapportée.

Concernant la demande de H) en condamnation de R) à des intérêts de retard conventionnels de 5% l’an sur le montant de 14.103,50 euros, l’écrit du 24 avril 2006 dispose que : « Ich, R), erkläre hiermit bei Rückforderung das geliehene Geld binnen 14 Tage nebst Zinsen von 5 ½ Procent jährlich auszuhändigen ».

En l’absence de preuve d’une mise en demeure de payer antérieure à l’assignation introductive d’instance, les intérêts conventionnels de retard ne sont pas dus.

Il s’ensuit que le jugement déféré est à réformer en ce qu’il a condamné R) à payer à H) les intérêts conventionnels de 5% l’an sur le montant de 14.103,50 euros, depuis le 24 avril 2006 jusqu’au 14 août 2013.

L’appel de R) est, partant, fondé. (…) ».

En ce qui concerne ce moyen qui est tiré du défaut de motifs, il y a lieu de constater que les dispositions légales visées au moyen sanctionnent l’absence de motifs qui est un vice de forme pouvant revêtir la forme d’un défaut total de motifs, d’une contradiction de motifs, d’un motif dubitatif ou hypothétique ou d’un défaut de réponse à conclusion.2 Il est communément admis et Votre Cour est constante pour retenir qu’une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte un motif, exprès ou implicite, si incomplet ou si vicieux soit-

il, sur le point considéré.3 Le grief tel que formulé repose partiellement sur une lecture lacunaire de l’arrêt dont pourvoi, les magistrats d’appel n’ayant pas lapidairement retenu que les documents versés en cause ne justifient pas le bien-fondé de la demande. Au contraire, aux termes de la motivation ci-avant reproduite, ils ont in fine débouté H) de sa demande en paiement faute par elle d’avoir prouvé une obligation de remboursement dans le chef de R), preuve lui incombant et n’ayant pas été rapportée, selon l’appréciation souveraine des magistrats d’appel, par les pièces versées au 1 passages mis en exergue par la soussignée ;

2 BORE, La cassation en matière civile, 5ème édition, 2015, n° 77.60 3 cf. également BORE, ouvrage cité, n° 77.31 dossier. C’est l’absence d’obligation de remboursement, non établie par les pièces au dossier, qui a justifié le débouté de la demande.

En se déterminant par la motivation ci-avant reproduite, les magistrats d’appel ont implicitement dit qu’aucune des pièces versées au dossier n’a permis de déceler un telle obligation, tout comme ils ont implicitement dit que les pièces alléguées par la partie H) comme constituant des reconnaissances de dettes au sens de l’article 1326 du Code civil ne remplissent pas les formalités y prescrites, le raisonnement implicite étant que lesdits documents ne comprennent pas non plus un engagement dans ce sens.

La motivation employée n’encourant pas les vices allégués, le moyen ne saurait être accueilli, voire n’est pas fondé.

Quant au 2ème moyen de cassation :

Le 2ème moyen est tiré de la violation de la loi, soit de la violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 249 alinéa 1 er du NCPC, la violation de l'article 6 de la CEDH, en ce que, sur l'argumentation de la partie demanderesse en cassation, reproduite au 1ier moyen, les magistrats d’appel se sont contentés de retenir que « le libellé sommaire des écrits en question ne suffit pas à rendre vraisemblable l'intention de R) de rembourser l'argent reçu », et ont tiré de cet énoncé la conséquence que les nombreux documents de toute nature « ne valent pas commencement de preuve par écrit d'une obligation de remboursement dans le chef de R) concernant les montants y figurant ».

Les griefs formulés sous le moyen sont les suivants :

« (…) la décision attaqué a employé les formules légales, mais, sans la recherche des éléments qui justifient l'application du texte est largement insuffisante et ne permet aucunement à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la qualification (…) il est en raison des motifs imprécis et incomplets impossible de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit4 ; alors que les juges du fond auraient dû procéder à un supplément d'instruction, puisque s'ils avaient fait telle ou telle recherche, ils auraient conduit à une décision différente ;

(…) il y a en l'espèce une insuffisance manifeste de recherche de tous les éléments de fait qui justifient l'application de la loi ;

(…) le juge a l'obligation d'indiquer l'origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision et de préciser les éléments qui lui ont permis de constater le fait considéré. » (…) la souveraineté du juge du fond pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis et pour constater les faits ne dispense pas celui-ci de procéder à une appréciation d'ensemble de ces faits et de ces preuves ;

4 BORE, op. cit., n° 2016, p.485 (…) à titre d'exemple, un jugement qui se borne, pour affirmer un fait, à se référer à des attestations testimoniales sans apporter la moindre précision sur l'identité des auteurs de ces attestations ni les faits qu'elles relatent est entaché d'un défaut de base légale ; (…) » Le moyen sous examen est à déclarer irrecevable en ce qu’en méconnaissance de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, exigeant qu’un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture, il mélange deux cas d’ouverture distincts.

En effet, le moyen est libellé de sorte que, d’une part, il articule la violation des articles 89 de la Constitution, 249 alinéa 1er du NCPC et 6 de la CEDH, visant l’absence de motifs, voire un défaut de réponse à conclusions, soit des vices constituant une forme du défaut de motifs qui donne ouverture à cassation et, d’autre part, le défaut de base légale constitutif d’un vice de fond, cas d’ouverture autonome et distinct.

Le moyen ne passant pas le cap de la recevabilité en considération de ce qui précède, il n’exige pas d’examens subsidiaires.

Quant au 3ème moyen de cassation :

Le troisième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 1326 et 1347 du Code civil en ce que les magistrats d’appel ont, par réformation, débouté la demanderesse en cassation, H), de sa demande en paiement dirigée contre R), ce en se basant sur la motivation reproduite sous les moyens précédents.

Aux termes de ce moyen, visant la violation des règles de preuve, la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel d’avoir dénaturé par omission des écrits pourtant clairs. Sous ce rapport elle vise les pièces renseignées sous les numéros 44 et 48 valant selon elle reconnaissance de dette au sens de l’article 1326 du Code civil pour remplir de façon non-

équivoque les formalités y prescrites. Elle vise encore la pièce renseignée sous le numéro 8, dont la clarté s’apprécie par rapport aux données du litige.

La dénaturation des écrits clairs est un cas d’ouverture prétorien consacré par la Cour de cassation française en 1872. Si la Cour de cassation française n’accepte d’appliquer ce cas d’ouverture qu’avec réserve et parcimonie5, Votre Cour a jusqu’à présent été constant de refuser d’accueillir cette théorie6. Ce n’est que dans un arrêt isolé que le grief de dénaturation, tiré de la violation de l’article 1134 du Code civil, a été accueilli et sanctionné7, espèce se distinguant de l’affaire soumise actuellement au contrôle de Votre Cour qui vise la violation des règles de preuve, soit les articles 1326, 1347 et 1341 du Code civil.

Il est donc difficile de soutenir que Votre Cour accepte le principe de ce cas d’ouverture. Le cas échéant il doit s’en suivre que dans le cas d’espèce le moyen sous examen ne saurait être accueilli puisque, sous le couvert de la violation des dispositions y visées, il ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des écrits versées aux débats par la 5 BORE, La cassation en matière civile, n° 79.09 et n° 79.10, p. 441 ;

6 la soussignée renvoie expressément aux conclusions exhaustives y relativement par Monsieur le Procureur général d’Etat adjoint John PETRY dans l’affaire de cassation ayant abouti à l’arrêt n° 79/2021 du 06.05.2021, n° CAS-2020-00080 du registre, p. 16, sous les 2e au 5e moyens de cassation ;

7 cf. op. cit ;

partie H) pour servir de preuve à l’appui de ses prétentions, tout comme leur valeur probante.

Cette appréciation est souveraine et échappe au contrôle de Votre Cour8.

La complexité de l’appréciation à laquelle Votre Cour est invitée, découlant de la prise en considération et de l’interprétation concomitante des données du litige, d’autres pièces et de leur confrontation avec les constatations de la Cour d’appel, est manifestement incompatible avec votre rôle, même au titre du contrôle de la dénaturation.

Dès lors le moyen sous examen ne saurait être accueilli.

Quant au 4ème moyen de cassation :

Le 4ème moyen de cassation est tiré de la violation des articles 1341 et 1347 du Code civil en ce que les magistrats d’appel ont, par réformation, débouté la demanderesse en cassation, H), de sa demande en paiement dirigée contre R), ce en ce qu’en réponse de l’argumentaire de la partie demanderesse en cassation comme quoi :

« - le montant de 12.323,50.- € serait établi par des actes sous seing privé valant reconnaissance de dettes, alors que remplissant l'intégralité des conditions posées par les articles 1322 et 1326 du Code civil ;

- et que la réalité du montant de 38.020,65.- € serait incontestablement établie par des pièces datées, signées et écrit à la main du débiteur, valant commencement de preuve par écrit et le montant de 1.260,45 € par des tickets de caisse datés, signés ou au moins paraphés par Monsieur R) », les magistrats d’appel se sont contentés de retenir que « le libellé sommaire des écrits en question ne suffit pas à rendre vraisemblable l'intention de R) de rembourser l'argent reçu » et de tirer de cet énoncé la conséquence que les nombreux documents de toute nature « ne valent pas commencement de preuve par écrit d'une obligation de remboursement dans le chef de R) concernant les montants y figurant ».

L’architecture du moyen sous examen ne permet pas de déceler une subdivision en branches, ce nonobstant l’annonce dans ce sens.

Il ressort des termes subséquents du libellé du moyen que la demanderesse en cassation fait grief à la Cour d’appel à la fois d’avoir, d’une part, fait une application erronée de l’article 1341 du Code civil, ce en ce que la majorité des pièces9 ne concerneraient chacune prise isolément pas des montants supérieurs à 2.500 euros, excluant ainsi l’application de l’article 1341 du Code civil et permettant la preuve de la prétention par tous moyens, et, d’autre part, d’avoir dénaturé par omission des écrits pourtant clairs, soit les pièces renseignés sous les n° 8, 26, 44 et 48, affirmant sous ce rapport que « les juges qui transgressent cette interdiction10 ne commettent pas une simple erreur de fait, ils violent l'article 1134 du Code civil et font une fausse 8 voir à tire d’il ustration : Cour de cassation, 8 mai 2014, n° 50/14, numéro 3339 du registre (réponse au premier moyen) ; idem, 29 octobre 2020, n° 136/2020, numéro CAS-2019-00133 du registre (réponse au cinquième moyen) ;

9 soit les pièces 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 50, 51 , 52 ;

10 d’altérer le sens clair et précis d’un acte ;

application de l'article 1156, s'accompagnant souvent d'une méconnaissance de l'article 1347 du même code » Au vœu de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture.

Comme il ressort de l’articulation du moyen sous examen qu’il mélange la violation de plusieurs articles du Code civil constituant des cas d’ouverture distincts (l’article 1134 traitant de l’effet des conventions entre parties, l’article 1341 portant sur les règles de preuves, (l’article 1156 relative à l’interprétation des contrats)11, tout comme des cas d’ouverture distincts, tel la violation de la loi par mauvaise application de la loi et la dénaturation des écrits clairs, il est irrecevable pour se heurter aux prescriptions de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 précité.

Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais doit être rejeté.

Pour le Procureur Général d’Etat, l’avocat général, Monique SCHMITZ 11cf. Cour de cassation, 26 mai 2017, n° 74/2017, n° 3850 du registre ;


Synthèse
Numéro d'arrêt : 153/21
Date de la décision : 16/12/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-12-16;153.21 ?

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