GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 46095C ECLI:LU:CADM:2021:46095 Inscrit le 7 juin 2021
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Audience publique du 11 novembre 2021 Appel formé par Monsieur (A), … (Belgique), contre un jugement du tribunal administratif du 29 avril 2021 (n° 43364 du rôle) en matière d’impôts - appel en garantie
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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 46095C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 7 juin 2021 par la société TIBERGHIEN Luxembourg, société à responsabilité limitée, établie et ayant son siège social à L-1840 Luxembourg, 23, Boulevard Joseph II, immatriculée auprès du registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 153.074, représentée par son collège de gérance en fonctions, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Thomas ROBERDEAU, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à B-…, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 29 avril 2021 (n° 43364 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré irrecevable son recours en réformation dirigé contre la décision prise par le directeur de l’administration des Contributions directes le 11 juin 2019 portant confirmation d’un bulletin d’appel en garantie émis à son encontre le 25 janvier 2019;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 5 juillet 2021 par le délégué du gouvernement;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 juillet 2021 en nom et pour le compte de l’appelant;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 21 octobre 2021.
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Le 25 janvier 2019, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition RTS », émit à l’égard de Monsieur (A) un bulletin d’appel en garantie sur le fondement du paragraphe 118 de la loi générale des impôts modifiée du 22 mai 1931 (« Abgabenordnung », en abrégé « AO »), en raison de sa qualité d’administrateur de la société anonyme (AB), ci-après désignée par la « société (AB) », en faillite, ledit bulletin déclarant Monsieur (A) codébiteur solidaire d’un montant de … €, en principal et intérêts, au titre des retenues d’impôt qui auraient dû être effectuées par la société (AB) sur les traitements et salaires de son personnel au cours des années d’imposition 1994 et 1995.
Par courrier du 19 avril 2019, Monsieur (A) introduisit une réclamation contre ledit bulletin auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».
Par une décision du 11 juin 2019, inscrite sous le numéro C … du rôle, le directeur rejeta ladite réclamation pour manquer de fondement.
Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 1er août 2019, inscrite sous le numéro 43364 du rôle, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale prévisée du 11 juin 2019.
Par jugement du 29 avril 2021, le tribunal administratif déclara le recours principal en réformation irrecevable, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation, le tout en rejetant la demande de Monsieur (A) en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 10.000.- € et en le condamnant aux frais.
Après s’être déclarés compétents pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre une décision directoriale portant rejet d’une réclamation dirigée contre un bulletin d’appel en garantie, les premiers juges déclarèrent irrecevable le recours leur soumis pour avoir été signé par un avocat inscrit à la liste II du tableau de l'Ordre des avocats de Luxembourg.
Pour arriver à cette conclusion, les premiers juges retinrent qu’en principe et sauf disposition dérogatoire, le ministère d’avocat à la Cour était requis pour l’introduction et la signature de toute requête introductive d’instance devant le tribunal administratif, c’est-à-dire que tout recours, en matière contentieuse, devant ledit tribunal devait émaner d’un avocat inscrit à une des listes I et V des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats de Luxembourg et de Diekirch.
Après avoir admis qu’en matière fiscale, des dérogations audit principe étaient prévues en ce qu’en application des articles 57 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée la « loi du 21 juin 1999 », et 2, paragraphe 1er, 2e alinéa, de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, les recours en matière de contributions directes peuvent également être introduits en première instance devant le juge administratif par les parties elles-mêmes, un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, les premiers juges estimèrent que faute d’y être visés, depuis une modification législative du 16 décembre 2011, les avocats inscrits à la liste II des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats n’avaient pas le droit d’introduire sous leur seule signature un recours devant le tribunal administratif en matière de contributions directes.
Le 7 juin 2021, Monsieur (A) a régulièrement interjeté appel contre le jugement du 29 avril 2021.
L’appelant reproche aux premiers juges d’avoir fait une fausse application des dispositions légales régissant la matière et « occulté la volonté non équivoque du législateur résultant notamment de l'évolution législative et des travaux parlementaires ayant conduit à la modification de la loi du 10 août 1991 résultant d'une loi du 16 décembre 2011 », d’une part, et d’avoir ignoré la jurisprudence de la Cour administrative, ayant admis, même postérieurement au changement législatif de 2011, que les recours en matière de contributions directes peuvent être introduits devant le tribunal administratif par les avocats inscrits à la liste II des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats.
Concernant la volonté non équivoque du législateur, il est fait état de ce que la possibilité offerte aux avocats inscrits à la liste II de représenter ou d'assister les justiciables devant le tribunal administratif en matière de contributions directes se dégagerait clairement des modifications législatives en la matière et de la volonté du législateur exprimée et confirmée à l'occasion de ces évolutions.
En effet, selon l’appelant, l'article 109 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », aurait été modifié en 1999 afin d’étendre l’exception au monopole de représentation en justice des avocats à la Cour en matière de contributions directes, au-delà des experts-comptables et des réviseurs d'entreprises, aux avocats inscrits à la liste Il, les travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 21 juin 1999 précisant qu’il s’agissait de « redresser un oubli de la loi du 7 novembre 1996 ».
Ainsi, en admettant qu’à l'occasion du changement législatif de ladite loi de 1996, intervenu en 2011, pour introduire en droit luxembourgeois la possibilité d'exercer la profession d'avocat sous forme d'une personne morale, le législateur a, par la loi du 16 décembre 2011, supprimé la référence aux avocats inscrits à la liste II de l'article 2, paragraphe 2, alinéa 1er), de la loi du 10 août 1991, il n’en resterait pas moins que son intention n’aurait point été de supprimer le droit de représentation en matière fiscale des avocats inscrits à la liste II. En effet, le législateur aurait pris « le soin d'exprimer de manière claire et non-équivoque que son intention première n'était pas d'exclure l'avocat figurant sur la liste II mais simplement de supprimer une référence non appropriée eu égard au libellé de la première phrase du paragraphe (1) de cet article ».
L’appelant fait relever que l'article 66 de la loi du 21 juin 1999 serait, à ce jour, toujours en vigueur et que la modification opérée de la loi du 10 août 1991 par celle du 21 juin 1999 figurerait toujours dans le texte coordonné de la loi du 21 juin 1999, tel que publié le 19 septembre 2011.
L’appelant fait ajouter que la possibilité pour les avocats inscrits à la liste II de représenter ou d'assister les justiciables et d'accomplir les actes d'instruction et de procédure auprès du tribunal en matière de contributions directes aurait été reconnue par la Cour administrative à travers quatre arrêts rendus le 5 mars 2015.
La décision d’irrecevabilité du recours introductif de première instance serait partant à réformer et l’affaire, non instruite au fond, serait à renvoyer devant les juges de première instance.
En ordre subsidiaire, pour le cas où il ne devrait pas être suivi sur ses conclusions principales et la loi appliquée littéralement, l’appelant estime que l’exclusion des avocats inscrits à la liste II viole le principe d'égalité devant la loi tel que formulé par l'article 10bis (1) de la Constitution, en ce qu’ils seraient discriminés par rapport aux experts-comptables et réviseurs d'entreprises.
En effet, les avocats inscrits à la liste II des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats, d'une part, et les experts-comptables et réviseurs d'entreprises, d'autre part, se trouveraient dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée et la différenciation opérée ne serait pas objectivement justifiée, étant donné qu'il serait incontestable que l'avocat de la liste II possède autant, si ce n'est de plus grandes connaissances en matière d'actes de procédure, que l'expert-comptable ou le réviseur d'entreprises.
Sur ce, l’appelant sollicite la saisine de la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle afférente.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel et à voir confirmer le jugement entrepris.
Il estime que la loi est claire en ce sens que depuis l'intervention législative du 16 décembre 2011, les avocats de la liste II ne seraient plus admis à agir en représentation des contribuables devant le tribunal administratif.
Concernant la prétendue discrimination, le délégué fait état de ce que les qualifications des experts-comptables et réviseurs d'entreprises, voire des avocats à la Cour, ne seraient pas les mêmes que celles d'un avocat stagiaire.
En effet, les experts fiscaux seraient mieux armés en la matière qu'un avocat débutant et une fois acquis une certaine ancienneté et après avoir réussi son examen de fin de stage, on pourrait seulement raisonnablement estimer que ce dernier a acquis les capacités et connaissances nécessaires pour représenter un contribuable de manière efficace.
En termes de réplique, la partie appelante fait soutenir que le fait que les avocats de la liste II ne sont désormais plus expressément mentionnés dans la nouvelle version de la loi du 10 août 1991 ne se fonderait aucunement sur un argument lié à leur qualification professionnelle.
En réalité, la modification de la loi du 10 août 1991, issue de la loi du 16 décembre 2011, moyennant suppression des avocats inscrits à la liste II n'aurait nullement été débattue au Parlement et elle ne serait que due à une raison purement textuelle.
Il serait patent que l'expert-comptable et le réviseur d'entreprises sont moins bien armés qu'un avocat de la liste II en matière d'actes de procédure administrative. Par ailleurs, un avocat stagiaire pourrait très bien être un expert-fiscal avec une très longue expérience dans ce domaine ou même avoir été auparavant expert-comptable, voire réviseur d'entreprises, de sorte qu'il n'y aurait aucun lien objectif entre le niveau de maîtrise du droit fiscal et de la procédure administrative et le statut d'avocat de la liste II.
Par ailleurs, le postulat, développé par le délégué du gouvernement, qu’un avocat de la liste I aurait plus d'expérience ou de compétence qu'un avocat de la liste II en matière de contentieux lié aux contributions directes serait également erroné. En effet, les matières enseignées au cours du stage judiciaire et les obligations de stage porteraient sur les matières civiles, commerciales, voire pénales, mais aucunement sur la fiscalité, qui resterait une branche du droit très spécifique, faisant l'objet de formations indépendantes organisées par le barreau (spécialisation dans les universités ou écoles de commerce, diplômes de fiscalité délivrés par le ministère de l'Education nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse et la Chambre de Commerce de Luxembourg) et qui serait essentiellement pratiquée par des experts fiscaux. Ainsi, l'argument invoqué par la partie étatique que l'avocat de la liste I aurait plus d'expérience en la matière qu'un avocat de la liste II tomberait donc à faux.
Aux termes de l’article 66 de la loi du 7 novembre 1996 : « Tous les avocats admis à plaider devant les tribunaux du Grand-Duché sont également admis à plaider devant le tribunal administratif.
Néanmoins, les avocats inscrits à la liste I des tableaux dressés annuellement par les conseils des ordres des avocats ont seuls le droit d’accomplir les actes d’instruction et de procédure (…) ».
L’article 1er de la loi du 21 juin 1999 ajoute que « tout recours, en matière contentieuse, introduit devant le tribunal administratif, dénommé ci-après «tribunal», est formé par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par les conseils des Ordres des avocats ».
Selon l’article 9 de la loi du 10 août 1991 : « (1) Les avocats inscrits à la liste I et à la liste V des avocats sont seuls habilités à accomplir les actes pour lesquels les lois et règlements prescrivent le ministère d’avocat à la Cour.
(2) Les avocats inscrits aux listes II, IV et VI du tableau des avocats peuvent exercer les activités prévues aux paragraphes (1) et (2) de l’article 2; ils peuvent accomplir les actes énoncés au paragraphe (1) du présent article s’ils sont assistés d’un avocat à la Cour inscrit à la liste I ou à la liste V des avocats. Ils sont admis à conclure à l’audience sans cette assistance dans les termes des conclusions signées par un avocat inscrit à la liste I ou à la liste V des avocats. » Il se dégage de l’article 9 de la loi du 10 août 1991 précitée que les avocats inscrits aux listes I et V des tableaux des Ordres des avocats sont seuls habilités à accomplir les actes pour lesquels le ministère d’avocat à la Cour est requis, tandis que les avocats inscrits aux listes II, IV et VI peuvent uniquement accomplir les actes pour lesquels le ministère d’avocat à la Cour est prescrit, s’ils sont assistés d’un avocat à la Cour inscrit à la liste I ou à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats. L’article 1er de la loi du 21 juin 1999 pose quant à lui le principe général imposant le ministère d’avocat à la Cour pour l’introduction et la signature de toute requête introductive d’instance devant le tribunal administratif sauf dérogations prévues, tel que cela est notamment le cas en matière fiscale.
En matière de contributions directes, la loi admet des possibilités dérogatoires1 et l’exercice des recours contentieux n’est pas réservé aux avocats inscrits aux listes I et V des tableaux des Ordres des avocats2, mais également ouvert au contribuable lui-même, aux experts-comptables et aux réviseurs d’entreprises3.
1 Selon l’article 56 de la loi du 21 juin 1999 : « En matière fiscale, les dispositions prévues aux titres I et II sont applicables, sauf les exceptions qui sont prévues aux dispositions des articles suivants. ».
2 L’article 57 de la loi du 21 juin 1999 ajoute que « la requête introductive d’instance signée par le requérant ou son mandataire contient outre les indications prévues à l’article 1er une élection de domicile au Grand-Duché lorsque le requérant ou son mandataire demeurent à l’étranger. » 3 L’article 2, paragraphe 1er, 2e alinéa, de la loi du 10 août 1991 : « (1) Les avocats seuls peuvent assister ou représenter les parties, postuler et plaider pour elles devant les juridictions de quelque nature qu’elles soient, S’il est vrai qu’antérieurement à la modification législative du 16 décembre 2011, l’article 2, paragraphe 1er, 2e alinéa, de la loi du 10 août 1991 ouvrait aussi aux avocats inscrits à la liste II des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats le même droit d’introduire un recours devant le tribunal administratif en matière fiscale, tel n’est plus le cas aux termes dudit article 2 dans sa version issue de ladite modification législative.
A l’instar des premiers juges, la Cour se doit de constater que même s’il ressort des travaux parlementaires4 que l’intention première du législateur n’appert pas avoir été celle d’exclure l’avocat figurant à la liste II5, il n’en reste pas moins que le texte législatif, dans sa mouture issue de la modification de 2011, est des plus clair en ce qu’il ne vise plus les avocats inscrits à la liste II au titre des possibilités dérogatoires qu’il véhicule.
Or, une volonté législative clairement exprimée n’est pas à interpréter, mais à observer dans toute l’étendue que comporte son libellé.
Il s’y ajoute que les exceptions doivent être interprétées restrictivement (« Exceptio est strictissimae interpretationis »), de sorte que toute exception à un principe doit être contenue dans les limites du texte.
La demande de la partie appelante ne vise pas à voir interpréter la loi, mais à la réécrire pour redresser une « erreur » prétendument commise par le législateur et ainsi pour voir rétablir la volonté réelle du législateur.
Or, ce faisant, la partie appelante appelle la Cour à aller au-delà de la signification objective des termes de la loi et de créer une exception en dehors de la disposition légale textuellement précise.
La Cour ne saurait s’y aventurer sous peine de se heurter à la susdite maxime d’interprétation qui interdit catégoriquement toute création d’exceptions. Admettre le contraire serait admettre que le juge se constitue en législateur et, de la sorte, contrevienne au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’actuellement, par l’effet de la modification législative du 16 décembre 2011, les avocats inscrits à la liste II des tableaux dressés annuellement par les conseils des Ordres des avocats ne sont pas admis à introduire, sous leur seule signature, des recours devant le tribunal administratif en matière de contributions directes.
recevoir leurs pièces et titres afin de les représenter aux juges, faire et signer les actes nécessaires pour la régularité de la procédure et mettre l’affaire en état de recevoir jugement.
Les dispositions de l’alinéa précédent ne font pas obstacle à l’application de dispositions législatives spéciales et à la faculté: (…) c) des justiciables d’agir par eux-mêmes ou de se faire représenter ou assister par un expert-comptable ou un réviseur d’entreprises, dûment autorisé à exercer sa profession, devant le tribunal administratif appelé à connaître d’un recours en matière de contributions directes; (…) ».
4 Travaux parlementaires N°5660B relatifs au « Projet de loi concernant l'exercice de la profession d'avocat sous forme d'une personne morale et modifiant 1. la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat; 2. les articles 2273 et 2276 du Code civil » 5 Le commentaire de l’article en question énonçant que : « La référence à un avocat inscrit à la liste II n’étant pas appropriée eu égard au libellé de la première phrase du paragraphe (1), il est proposé de la supprimer » Concernant la mise en balance d’une discrimination injustifiée des avocats inscrits à la liste II, la Cour tient de prime abord à rappeler que la mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent au départ dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée.
Avant toute mise en comparaison avec les experts-comptables et les réviseurs d’entreprises, spécialement pointés par la partie appelante, il convient de mettre les avocats de la liste II en rapport avec leurs homologues inscrits à la liste I, avec lesquels ils s’apparentent a priori plus fondamentalement.
Or, la Cour constate que sous le rapport pertinent de leurs droits de représentation en justice, dont ceux en matière d’impôts, les avocats de la liste I et les avocats de la liste II ne se trouvent manifestement pas dans des situations comparables au regard de l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution.
En effet, étant en cours de stage judiciaire, dont le but est l’apprentissage de l’exercice de la profession d’avocat, en suivant des cours y relatifs et en exerçant la profession sous l’égide d’un patron de stage, les avocats inscrits à la liste II ne sont pas placés dans la même situation juridique que les avocats de la liste I, qui ont d’ores et déjà accompli leur cursus de formation professionnelle et passé avec succès l’examen de fin de stage.
Il ne saurait ainsi être question d’une rupture de l’égalité devant la loi du fait de la distinction entre les avocats inscrits à la liste I et ceux inscrits à la liste II au niveau de leurs droits respectifs de représentation en justice, vu qu’ils ne sont pas dans une situation comparable.
Ensuite, d’une part, concernant les experts-comptables, qui, au sens de la loi modifiée du 10 juin 1999 portant organisation de la profession d’expert-comptable, exercent la « profession habituelle d'organiser, d'apprécier et de redresser les comptabilités et les comptes de toute nature, d’établir les bilans et d’analyser, par les procédés de la technique comptable, la situation et le fonctionnement des entreprises et organismes sous leurs différents aspects économiques et financiers », il convient d’avoir égard au fait qu’ils exercent une profession réglementée requérant outre les preuves de qualification spécifique, l'accomplissement -postérieurement à l'obtention des diplômes, certificats ou autres titres requis- d'une pratique professionnelle de trois années dans la branche, dont une année au moins auprès d'un expert-comptable dûment établi et la réussite à un test d'aptitude portant au moins sur le droit fiscal luxembourgeois, le droit commercial luxembourgeois, les comptes sociaux, le droit du travail et de la sécurité sociale luxembourgeoise ainsi que sur la déontologie de l'expert-comptable au Luxembourg.
D’autre part, concernant les réviseurs d’entreprises, c’est-à-dire les personnes qui remplissent les conditions de qualification professionnelle visées par l’article 3 de la loi modifiée du 23 juillet 2016 relative à la profession de l’audit et qui sont autorisées à exercer les activités de contrôle légal des comptes et toutes missions qui sont confiées par la loi à titre exclusif aux réviseurs d’entreprises, ceux-ci exercent à leur tour une profession réglementée requérant outre les preuves de qualification spécifiques, l'accomplissement d’une formation pratique, soit un stage d’au moins trois ans dans le domaine du contrôle légal des comptes, et un examen d’aptitude professionnelle garantissant un niveau de connaissances théoriques nécessaires dans les matières pertinentes pour effectuer le contrôle légal des comptes et la capacité d’appliquer ces connaissances à la pratique.
A la différence des avocats stagiaires, ces spécialistes du droit fiscal ont eux aussi accompli leur cursus de formation professionnelle et passé avec succès les examens de formation spécifique requis.
Les experts-comptables et les réviseurs d’entreprises, d’un côté, les avocats inscrits à la liste II, de l’autre côté, ne se trouvent partant manifestement pas non plus dans des situations comparables au regard de l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution.
Ainsi, la question relative à une prétendue rupture de l’égalité devant la loi du fait de la distinction entre les avocats inscrits à la liste II et les experts-comptables et réviseurs d’entreprises, voire les avocats inscrits à la liste I, au niveau de leurs droits respectifs de représentation en matière de justice fiscale est manifestement dénuée de fondement, pour tabler sur la prémisse erronée que les différentes situations seraient comparables, ce qui n’est pas le cas.
En application de l’article 6, alinéa 2, point b), de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, la Cour n’est dès lors pas amenée à soumettre la question suggérée par l’appelant à la Cour constitutionnelle.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….
s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 11 novembre 2021 Le greffier de la Cour administrative 8