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04/11/2021 | LUXEMBOURG | N°131/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 novembre 2021, 131/21


N° 131 / 2021 du 04.11.2021 Numéro CAS-2020-00131 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

M), demanderesse en cassatio

n, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est él...

N° 131 / 2021 du 04.11.2021 Numéro CAS-2020-00131 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Roger LINDEN, président de la Cour, Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

M), demanderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

R), défendeur en cassation, comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 253/19, rendu le 11 décembre 2019 sous le numéro CAL-2019-00507 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 23 septembre 2020 par M) à R), déposé le 29 septembre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 29 octobre 2020 par R) à M), déposé le 2 novembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait dit que les époux M) et R) étaient mariés sous le régime de la communauté légale de biens de droit luxembourgeois. La Cour d’appel a, par réformation, dit que les époux avaient soumis, à partir du 2 décembre 1994, leur régime matrimonial à la loi catalane et étaient mariés sous les effets de la séparation de biens de droit catalan.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation de l’article 61 du Nouveau code de procédure civile qui dispose que :

en ce que la Cour d'appel a considéré que la Convention de La Haye était applicable au cas d'espèce, alors que la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux n'est entrée en vigueur que le 1er septembre 1992 soit postérieurement au mariage des parties. Par conséquent, la prédite Convention ne peut être applicable au présent litige. ».

Réponse de la Cour La loi du 17 mars 1984 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, signée à la Haye le 14 mars 1978, a déclaré applicables au Luxembourg les dispositions des articles 1 à 15 de la Convention à partir du premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication. Cette loi ayant été publiée le 9 avril 1984, les prédites dispositions sont applicables depuis le 1er juillet 1984.

Il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé.

Sur les deuxième et troisième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens le deuxième, « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation des articles 6 et 11 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux qui disposent que :

et en ce que la Cour d'appel a considéré que les époux avaient soumis, au cours de leur mariage, leur régime matrimonial au droit catalan suivant une stipulation expresse contenue dans deux actes notariés de vente des 2 décembre 1994 et 14 juin 1995, alors que suivant l'article 11 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, la désignation de la loi applicable doit faire l'objet d'une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions d'un contrat de mariage, que suivant l'article 6 de la même convention, les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu'alors applicable, qu'il résulte de la combinaison de ces textes que le changement de loi applicable suppose une stipulation expresse par laquelle les parties déclarent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi autre que celle jusqu'alors applicable. » et le troisième, « tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l'article 13 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux qui dispose que :

et de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l'article 1394 alinéa 1 du Code civil aux termes duquel :

en ce que la Cour d'appel a considéré que deux actes notariés de vente des 2 décembre 1994 et 14 juin 1995 pouvaient être considérés comme une stipulation expresse au sens de l'article 13 de la Convention et remplissant dès lors les conditions de l'article 1394 alinéa 1 du Code civil, alors que les deux actes notariés de vente précités ne remplissent aucunement les conditions prescrites par l'article 1394 alinéa 1 du Code civil. ».

Réponse de la Cour Vu les articles 6, 11 et 13 de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.

L’article 6 dispose : « Les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu'alors applicable.

Les époux ne peuvent désigner que l'une des lois suivantes :

1. la loi d'un État dont l'un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ;

2. la loi de l'État sur le territoire duquel l'un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation.

La loi ainsi désignée s'applique à l'ensemble de leurs biens. (…) ».

L’article 11 dispose : « La désignation de la loi applicable doit faire l'objet d'une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions d'un contrat de mariage. ».

L’article 13 dispose : « La désignation par stipulation expresse de la loi applicable doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage, soit par la loi interne désignée, soit par la loi interne du lieu où intervient cette désignation. Elle doit toujours faire l'objet d'un écrit daté et signé des deux époux. ».

En retenant, après avoir dit que les époux étaient soumis au régime de la communauté légale de droit luxembourgeois, que leur déclaration faite dans les actes notariés de vente des 2 décembre 1994 et 14 juin 1995 d’« être mariés sous le régime de la séparation de biens et vouloir acquérir chacun d’eux pour la moitié indivise», constituait une stipulation expresse portant désignation d’une loi interne autre que celle jusqu’alors applicable à leur régime matrimonial, les juges d’appel ont violé les dispositions visées aux moyens.

Il s’ensuit que l’arrêt encourt la cassation.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la demanderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

casse et annule l’arrêt n° 253/19, rendu le 11 décembre 2019 sous le numéro CAL-2019-00507 du rôle par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;

condamne le défendeur en cassation à payer à la demanderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Marc THEWES, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt soit transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt soit consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Roger LINDEN en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation M) contre R) Le pourvoi en cassation, introduit par M) par un mémoire en cassation signifié le 23 septembre 2020 à la partie défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 29 septembre 2020, est dirigé contre un arrêt n°253/19 rendu par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement, en date du 11 décembre 2019 (n° CAL-2019-00507 du rôle). Cet arrêt n’a pas été signifié à la demanderesse en cassation.

Le pourvoi en cassation a dès lors été interjeté dans les forme et délai prévus aux articles 7 et 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La partie défenderesse a signifié un mémoire en réponse le 29 octobre 2020 et elle l’a déposé au greffe de la Cour le 2 novembre 2020.

Ayant été signifié et déposé au greffe de la Cour dans le délai de deux mois à compter du jour de la signification du mémoire en cassation, conformément aux articles 15 et 16 de la loi précitée du 18 février 1885, ce mémoire est à considérer.

Sur les faits et antécédents :

M) et R) sont tous les deux de nationalité espagnole. Ils se connus au Luxembourg en 1987 et se sont installés ensemble à la même adresse au Luxembourg. Ils se sont mariés à Barcelone en Espagne le 27 avril 1989.

Suivant jugement du 24 juin 2014, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a prononcé le divorce entre les parties, il a statué sur la garde des enfants communs mineurs et sur les secours alimentaires, et il a ordonné la liquidation et le partage de l’indivision des biens existant entre parties et nommé à cette fin le notaire D). Par ordonnance du 15 avril 2015, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a nommé Maître S) pour procéder à la liquidation et au partage.

Etant donné que les parties étaient en désaccord sur le régime matrimonial applicable, le notaire S) a dressé un procès-verbal de difficultés qu’il a déposé au greffe du tribunal d’arrondissement le 7 décembre 2017. Par ordonnance du 17 octobre 2018, le juge-commissaire a renvoyé l’affaire devant le tribunal d’arrondissement afin de statuer sur le régime matrimonial applicable.

Par jugement du 25 avril 2019, le tribunal d’arrondissement a retenu que les parties étaient mariées sous le régime de la communauté légale de droit luxembourgeois en constatant qu’il se sont mariés après le 1er juillet 1984, date de l’entrée en vigueur au Luxembourg des dispositions de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux (ci-après « la Convention »)1 et, qu’étant donné que les époux n’avaient pas désigné avant le mariage de loi applicable à leur régime matrimonial, celui-ci est soumis à la loi interne de l’Etat sur le territoire duquel ils ont établi leur première résidence habituelle après le mariage (article 4 de la Convention).

R) a interjeté appel de ce jugement en date du 10 mai 2019.

En date du 11 décembre 2019, la Cour d’appel a rendu un arrêt dont le dispositif est libellé comme suit :

« dit l’appel recevable, le dit fondé, réformant, dit qu’R) et M) ont valablement soumis, au cours du mariage, à partir du 2 décembre 1994 leur régime matrimonial à la loi catalane, partant depuis cette date, R) et M) étaient mariés sous les effets de la séparation de biens de droit catalan, ordonne la liquidation et le partage de l’indivision de biens ayant existé entre les parties, confirme le jugement déféré pour le surplus, dans la mesure où il est entrepris, dit la demande d’M) en obtention d’une indemnité sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile pour l’instance d’appel non fondée, la condamne aux frais et dépens de l’instance d’appel … .» Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation:

Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 61 du Nouveau code de procédure civile.2 La demanderesse en cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir appliqué au litige la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, bien que celle-ci ne soit entrée en vigueur que le 1er septembre 1992, suite à la ratification de la convention par un 1 La loi du 17 mars 1984 portant approbation de la Convention sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, signée à La Haye, le 14 mars 1978, dispose dans son article 2 : « Les dispositions des articles 1 à 15 de la Convention sont applicables à partir du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de la présente loi. » Cette loi ayant été publiée au Mémorial A n° 29 en date du 9 avril 1984, les articles 1 à 15 de la Convention sont devenus applicables à partir du 1er juillet 1984.

2 Article 61 du Nouveau code de procédure civile :

« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. » troisième Etat. La Convention n’aurait pas encore été applicable le 27 avril 1989, date du mariage des parties.

Si la Convention n’est entrée en vigueur dans les relations entre la France, le Luxembourg et les Pays-Bas qu’à partir du 1er septembre 1992, la loi d’approbation luxembourgeoise du 17 mars 1984 disposait toutefois dans son article 2 que « les dispositions des articles 1 à 15 de la Convention sont applicables à partir du premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de la présente loi. » Au Luxembourg, les articles 1 à 15 de la Convention étaient partant applicables à partir du 1er juillet 1984.

Le moyen n’est pas fondé.

Sur les deuxième et moyens de cassation réunis:

Le deuxième moyen est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation des articles 6 et 11 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, tandis que le troisième moyen est tiré de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse application de l’article 13 de cette même Convention et de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la fausse interprétation de l’article 1394, alinéa 1er, du Code civil.

L’article 6 de la Convention dispose :

« Les époux peuvent, au cours du mariage, soumettre leur régime matrimonial à une loi interne autre que celle jusqu'alors applicable.

Les époux ne peuvent désigner que l'une des lois suivantes :

1. la loi d'un Etat dont l'un des époux a la nationalité au moment de cette désignation ;

2. la loi de l'Etat sur le territoire duquel l'un des époux a sa résidence habituelle au moment de cette désignation.

La loi ainsi désignée s'applique à l'ensemble de leurs biens.

Toutefois, que les époux aient ou non procédé à la désignation prévue par les alinéas précédents ou par l'article 3, ils peuvent désigner, en ce qui concerne les immeubles ou certains d'entre eux, la loi du lieu où ces immeubles sont situés. Ils peuvent également prévoir que les immeubles qui seront acquis par la suite seront soumis à la loi du lieu de leur situation. » L’article 11 dispose :

« La désignation de la loi applicable doit faire l'objet d'une stipulation expresse ou résulter indubitablement des dispositions d'un contrat de mariage. » Aux termes de l’article 13 de la Convention, « la désignation par stipulation expresse de la loi applicable doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage, soit par la loi interne désignée, soit par la loi interne du lieu où intervient cette désignation. Elle doit toujours faire l'objet d'un écrit daté et signé des deux époux. » La loi interne luxembourgeoise concernant la forme prescrite pour les contrats de mariage est l’article 1394, alinéa 1er, du Code civil, aux termes duquel « Toutes les conventions matrimoniales seront rédigées par acte devant notaire, en la présence et avec le consentement simultané de toutes les personnes qui y sont parties ou de leurs mandataires. » L’arrêt attaqué est motivé comme suit :

« L’article 11 de la Convention de La Haye prévoit que la désignation de la loi applicable doit résulter indubitablement des dispositions d’un contrat de mariage (article 12) ou faire l’objet d’une stipulation expresse (article 13).

R) reconnaît qu’aucun contrat de mariage n’a été établi entre les époux postérieurement à leur mariage, de sorte qu’il y a lieu de se référer aux dispositions de l’article 13 de la Convention pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial des parties au litige.

Ce texte impose que la désignation par stipulation expresse de la loi applicable doit revêtir la forme prescrite pour les contrats de mariage, soit par la loi interne désignée, soit par la loi interne du lieu où intervient cette désignation et doit faire l’objet d’un écrit daté et signé des deux époux.

Il s’ensuit que la désignation de la loi applicable doit toujours faire l’objet d’un écrit daté et signé par les deux époux. L’appelant n’établit pas le contenu de la loi catalane quant à la forme prescrite pour les contrats de mariage, il y a lieu de se référer à la loi luxembourgeoise. L’article 1394 du Code civil exige que les conventions matrimoniales soient rédigées par acte passé devant notaire, en la présence et avec le consentement simultané de toutes les personnes qui y sont parties ou de leurs mandataires. La stipulation expresse désignant la loi applicable peut, à condition qu’elle remplisse les conditions de forme prévues à l’article 13, figurer dans un autre acte juridique entre les époux (cf. rapport explicatif sur la Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux de M. Alfred E. Von Overbeck, p. 338, no 44).

C’est, par conséquent, à bon droit qu’R) renvoie à deux actes notariés de vente des 2 décembre 1994 et 14 juin 1995, auxquels sont intervenus R) et M) en tant qu’acquéreurs et dans lesquels il a été retenu qu’ils ont déclaré « être mariés sous le régime de la séparation de biens et vouloir acquérir chacun d’eux pour la moitié indivise » pour établir que les parties avaient, au plus tard à la date du 2 décembre 1992 opté pour le régime de la séparation de biens.

Cette constatation est confortée par les actes notariés de vente des 23 juillet 2002 et 4 mars 2003, dans lesquels M), bien qu’y figurant seule comme partie acquéreuse, a déclaré lors du premier acte « être mariée sous le régime de la séparation de biens à Barcelone » et lors du second « être mariée sous le régime légal de droit catalan de la séparation de biens ».

Il s’y ajoute que les juges de première instance ont constaté, aux termes de leur jugement du 24 juin 2014 ayant prononcé le divorce entre les parties, que « si initialement les parties ont demandé la liquidation de leur communauté, elles soutiennent actuellement être mariées sous l’effet du régime matrimonial de la séparation des biens en tant que régime légal catalan et demandent la liquidation de leur indivision », avant de leur en donner acte. Le tribunal en a déduit qu’il devait être procédé à la liquidation et au partage de l’indivision de biens existant entre parties et non pas de la communauté de biens ayant existé entre eux.

Bien qu’il n’ait pas été spécialement fait référence au droit catalan dans les actes notariés de 1994 et 1995, il se déduit des développements qui précèdent que le choix d’une nouvelle loi applicable au régime matrimonial, au cours du mariage, était en l’espèce limité, puisque la seule alternative à la loi luxembourgeoise était la loi catalane, qui prévoit qu’en l’absence de contrat de mariage, le régime de la séparation de biens s’applique. Le renvoi à la loi catalane comme loi applicable à la séparation de biens est encore explicite au vu des déclarations d’M) lors de la passation des actes notariés en 2002 et 2003 et des déclarations des parties durant l’instance de divorce retenues dans le jugement du 24 juin 2014.

Il y a, par conséquent, lieu de réformer le jugement entrepris et de constater que les parties ont soumis, au cours du mariage, en l’occurrence à partir du 2 décembre 1994, leur régime matrimonial à la loi catalane, soit le régime de la séparation de biens de droit catalan. » Il ressort de cette motivation que les parties avaient signé le 2 décembre 1994 et 14 juin 1995 deux actes notariés de vente, dans lesquels il a été retenu qu’ils ont déclaré « être mariés sous le régime de la séparation de biens et vouloir acquérir chacun d’eux pour la moitié indivise ».

Cette déclaration contient la désignation d’un régime matrimonial déterminé, qui existe en droit luxembourgeois et en droit catalan, mais elle ne comporte pas la moindre référence à la loi applicable.

Les juges d’appel ont déduit le choix de la loi applicable de l’indication du régime matrimonial, alors que cette indication est ambiguë du fait que le régime matrimonial indiqué existe tant en droit luxembourgeois qu’en droit catalan.

Ils se sont encore basés sur des actes notariés de vente des 23 juillet 2002 et 4 mars 2003, signés par M) seule, donc qui ne constituent pas des écrits datés et signés des deux époux, tel qu’exigé par l’article 13 de la Convention de La Haye du 4 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.

Les déclarations faites devant par les parties dans le cadre de la procédure de divorce ayant abouti au jugement de divorce du 24 juin 2014 ne répondent pas non plus aux exigences de l’article 13 de la Convention.

Les actes notariés de vente du 2 décembre 1994 et du 14 juin 1995 ne contenaient pas de « désignation par stipulation expresse de la loi applicable », mais les juges d’appel ont déduit la loi applicable du régime matrimonial indiqué dans lesdits actes, en considérant que cette déduction était confortée par d’autres actes notariés et des déclarations faites devant le tribunal, qui ne sont pas des écrits correspondant aux exigences de l’article 13 de la Convention.

La Cour de cassation française se montre assez stricte en ce qui concerne la désignation de la loi applicable. Elle a ainsi refusé de déduire le choix de la loi applicable d’un acte portant adoption du régime de la séparation de bien, mais qui n’avait pour objet de choisir une loi pour régir le régime matrimonial, des époux, et qui, de surplus, était muet sur la loi applicable :

« Mais attendu que l’arrêt retient que M. et Mme X… n’ont pas, lors de leur mariage contracté en France, fait choix de la loi applicable à leur régime matrimonial et que l’acte portant adoption du régime de la séparation de biens, établi le 5 août 2004 par un notaire turc, muet sur la loi applicable, n’a pas eu pour objet de choisir une loi pour régir leur régime matrimonial au sens de l’article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 ; qu’en l’état de ces énonciations, et sans être tenue d’effectuer une recherche que ces constatations rendaient inopérante, la cour d’appel n’a pu qu’en déduire que la loi française était applicable ; que le moyen n’est pas fondé. »3 En qualifiant de « désignation par stipulation expresse de la loi applicable » les déclarations contenues dans les actes de vente du 2 décembre 1994 et du 14 juin 1995 malgré l’absence de désignation d’une quelconque loi et malgré l’ambiguïté du régime matrimonial indiqué, les juges d’appel ont violé les articles 11 et 13 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.

Les deuxième et troisième moyens sont fondés.

Sur le quatrième moyen de cassation:

Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 1026 du Nouveau code de procédure civile, qui dispose qu’« un extrait de l’acte modificatif du régime matrimonial est transmis au parquet général à fin de conservation au répertoire civil et d’inscription au fichier. » Dans la mesure où les juges d’appel avaient à trancher la question du régime matrimonial applicable entre époux, ils n’ont pas appliqué et ne devaient pas appliquer l’article 1026 du Nouveau code de procédure civile, qui concerne la publicité du changement de régime matrimonial et son opposabilité aux tiers.

La disposition visée au moyen est partant étrangère à la décision attaquée.

Le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

Le demandeur en cassation n’indique pas quelles sont les conclusions dont l’adjudication est demandée, plus particulièrement il ne précise pas quelles conséquences le défaut de publication devrait avoir dans les relations entre les époux.

3 Cass. fr., 1e civ., 21 septembre 2016, n°15-23.383 Par contre, l’affaire ayant fait l’objet des deux arrêts de la Cour de cassation française du 13 décembre 2017 (16-

27.216) et du 3 octobre 2019 (18.22.945) concernait deux époux mariés sans contrat avant l’entrée en vigueur en France, le 1er septembre 1992, de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, et qui étaient partant soumis au principe de l’immutabilité du régime matrimonial, c’est-à-dire que le rattachement du régime matrimonial légal ou conventionnel à la loi choisie par les époux à la date de leur union est permanent. Ces arrêts sont partant sans pertinence dans le cadre du présent pourvoi.

Le moyen est irrecevable pour ne pas être conforme aux exigences de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable, et il est également fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le premier avocat général Marie-Jeanne Kappweiler 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 131/21
Date de la décision : 04/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-11-04;131.21 ?

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