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04/11/2021 | LUXEMBOURG | N°130/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 novembre 2021, 130/21


N° 130 / 2021 du 04.11.2021 Numéro CAS-2020-00130 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, président, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

JL),

demandeur en cassation, comparant par Maître Didier SCHÖNBERGER, avocat à la Cour, en l’é...

N° 130 / 2021 du 04.11.2021 Numéro CAS-2020-00130 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatre novembre deux mille vingt-et-un.

Composition:

Serge THILL, conseiller à la Cour de cassation, président, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour de cassation, Christiane JUNCK, conseiller à la Cour de cassation, Agnès ZAGO, conseiller à la Cour de cassation, Françoise SCHANEN, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

JL), demandeur en cassation, comparant par Maître Didier SCHÖNBERGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) DL), défendeur en cassation, comparant par la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, 2) la société anonyme X), défenderesse en cassation.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 86/20, rendu le 16 juin 2020 sous le numéro CAL-

2019-00813 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 24 septembre 2020 par JL) à la société anonyme X) et à DL), déposé le 29 septembre 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 19 novembre 2020 par DL) à JL) et à la société X), déposé le 24 novembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur les conclusions de l’avocat général Sandra KERSCH ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait dit non fondée la demande de JL) tendant à voir constater la dissolution et ordonner la liquidation de la société X). La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée Le défendeur en cassation DL) conclut à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que les moyens de cassation tendraient à faire rejuger les faits et ne seraient pas précis.

Une éventuelle irrecevabilité des moyens de cassation est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d'application sinon d'une fausse interprétation de la loi in specie de l'article 480-2 alinéa 1 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales (ci-après ), qui dispose que :

.

En ce que la Cour d'appel a jugé qu' et que ;

Alors que l'article 480-2 alinéa 1 de la LSC prévoit expressément qu'en présence de pertes au moins égales à la moitié du capital social, le conseil d'administration doit convoquer une assemblée générale pour délibérer sur la dissolution de la société dans un délai n'excédant pas deux mois à dater du moment où la perte a été constatée, soit en l'espèce le 16 mai 2018. ».

Réponse de la Cour Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir une inobservation du délai de deux mois prévu par l’article 480-2, alinéa 1, de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales devant les juges d’appel.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la violation de la loi, sinon du refus d'application sinon d'une fausse interprétation de la loi in specie de l'article 480-2 alinéas 2 et 4 de la LSC, qui dispose que :

.

En ce que la Cour d'appel, en jugeant qu' et que , a dénaturé l'esprit des dispositions légales applicables en prenant en considération, au moment de l'assemblée générale extraordinaire du 23 juillet 2018 l'abandon de créance intervenu sept jours plus tôt et non contenu dans le rapport prévu par l'article 480-2 de la LSC ;

Alors que l'article 480-2, dans ses alinéas 2 et 4 de la LSC prévoit expressément que la décision de dissolution ou de continuation des activités de la société se fait compte tenu des pertes et du rapport spécial devant être à la disposition des actionnaires huit jours avant l'assemblée délibérante par un quart des actions d'une société anonyme lorsque l'actif net est réduit à un montant inférieur au quart du capital social. ».

Réponse de la Cour Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir, devant les juges d’appel, que seuls les faits contenus dans le rapport spécial prévu par l’article 480-2, alinéa 2, de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales pouvaient être pris en considération dans le cadre de l’appréciation de la situation financière de la société.

Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.

Il s’ensuit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation DL) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation DL) une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple BONN STEICHEN & PARTNERS, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Serge THILL en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

Conclusions du Parquet général dans l’affaire de cassation de Monsieur JL) contre la société anonyme X) s.a. et Monsieur DL) (n° CAS-2020-00130 du registre) Par mémoire, signifié le 24 septembre 2020 au siège social de la société anonyme X), ainsi qu’au domicile de DL) et déposé le 29 septembre 2020, au greffe de la Cour supérieure de justice, Maître Didier SCHÖNBERGER, avocat à la Cour, a formé, au nom et pour le compte de JL), un pourvoi en cassation contre l’arrêt no 86/20 IV-COM, rendu le 16 juin 2020 par la Cour d’appel, IVème chambre, siégeant en matière commerciale et statuant contradictoirement.

Selon les pièces versées au dossier, l’arrêt attaqué a été signifié par voie d’huissier de justice en date du 5 août 2020 au domicile de la partie JL).

Le pourvoi est recevable pour avoir été introduit dans les formes1 et délai2 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La société en commandite simple BONN, STEICHEN & PARTNERS, représentée par son gérant en fonctions, à savoir la société à responsabilité limitée BONN, STEICHEN & PARTNERS, elle-même représentée aux fins de la procédure par son gérant Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, a, en date du 19 novembre 2020, fait signifier au nom et pour compte de DL) un mémoire en réponse et l’a déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 24 novembre 2020. Ce mémoire en réponse peut être pris en considération pour avoir été signifié dans les formes et délai de la loi précitée du 18 février 1885.

Faits et rétroactes 1 La demanderesse en cassation a déposé un mémoire signé par un avocat à la Cour, signifié à la partie adverse antérieurement au dépôt du pourvoi, de sorte que les formalités de l’article 10 de la loi du 18 février de 1885 ont été respectées.

2 Le pourvoi introduit le 29 septembre 2020 a été formé endéans le délai prévu à l’article 7 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Par exploit d’huissier de justice du 30 août 2018, JL) a assigné la société X) et DL) à comparaître devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, selon la procédure civile pour :

-

principalement voir constater que la dissolution de X) a été valablement décidée lors de l’assemblée du 23 juillet 2018 au regard de l’article 480-2 de la loi modifiée du 10 août 2015 sur les sociétés commerciales (ci-après la LSC), partant voir ordonner la nomination d’un notaire aux fins d’acter la dissolution de la société ainsi que la nomination des liquidateurs telle que décidée lors de l’assemblée du 23 juillet 2018 ;

-

subsidiairement, voir prononcer la dissolution de X) pour justes motifs (article 480-1 de la LSC), -

en ordre encore plus subsidiaire, voir ordonner la liquidation de la société, pour justes motifs et voir nommer un, voire deux liquidateurs aux fins de mener à bien la mission de liquidation.

Par jugement rendu contradictoirement en date du 11 juillet 2019, le tribunal a déclaré la demande recevable, mais l’a dit non fondée. JL) a été condamné à payer à DL) le montant de 1.500 euros sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile et a été débouté de sa propre demande sur base de l’article 240 du Nouveau Code de procédure civile. JL) a en outre été condamné aux frais et dépens de l’instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a d’abord rappelé qu’en principe la décision de dissolution d’une société anonyme doit être prise par une assemblée générale réunissant deux tiers au moins des voix exprimées.

A titre exceptionnel, et dans le seul cas où l’actif net est réduit à un montant inférieur au quart du capital social, la décision de dissolution d’une société anonyme peut être prise par son assemblée générale réunissant le quart au moins des voix émises.

Le tribunal a ensuite retenu que les actionnaires ont dû tenir compte de la situation financière de la société X), telle qu’elle se présentait au moment de leur délibération relative à la dissolution et non pas de celle qui existait au moment de la convocation à l’assemblée.

Il a dit qu’il en va de même dans le cadre d’une prorogation d’assemblée.

Si l’ordre du jour et la composition d’une assemblée générale tenue sur prorogation ne doivent pas différer de ceux de l’assemblée prorogée, l’on ne saurait raisonnablement exiger des actionnaires d’ignorer les changements financiers éventuellement intervenus entretemps.

Eu égard au fait que DL) avait abandonné partiellement sa créance à hauteur de 650.000 euros qu’il avait à l’encontre de X), le tribunal a constaté que cette renonciation a largement suffi pour couvrir les pertes de X), de sorte que les conditions de l’article 480-

2 de la LSC n’étaient plus remplies au moment de la délibération de l’assemblée générale du 23 juillet 2018.

Comme la décision relative à la dissolution de la société X) ne pouvait donc plus être prise par le quart des voix émises lors de l’assemblée, mais nécessitait un quorum des deux tiers au moins des voix exprimées, la décision de la dissolution n’a pas été valablement prise lors de l’assemblée du 23 juillet 2018.

La demande basée sur l’article 480-2 de la LSC a partant été rejetée comme non fondée.

La demande subsidiaire de JL) en dissolution pour justes motifs (article 480-1 alinéa 3 de la LSC) a été déclarée non fondée étant donné que le fonctionnement normal et l’existence de la société X) n’étaient pas définitivement compromis, les actionnaires s’accordant d’ailleurs pour dire que leur mésentente ne compromettait ni le fonctionnement des organes sociaux, ni l’existence de la société.

Suite à l’appel relevé le 30 juillet 2019 par JL), la Cour d’appel, quatrième chambre, a dans un arrêt du 16 juin 2020, confirmé la décision des premiers juges.

Le pourvoi sous examen est dirigé contre l’arrêt précité du 16 juin 2020.

Quant au premier moyen de cassation La partie demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé l’article 480-2, alinéa 1, de la LSC en retenant qu` « au vu des pièces soumises en cause, les conditions de l’article 480-2 alinéa 4 (i.e. actif net réduit à un montant inférieur au quart du capital social) de la LSC n’étaient plus remplies lors de l’assemblée du 23 juillet » et que « la décision de la dissolution ne pouvait donc plus être prise par le quart des voix émises, mais nécessitait un quorum des deux tiers des voix exprimées. » alors que l’article en question prévoirait expressément qu’en présence de pertes au moins égales à la moitié du capital social, le conseil d’administration devrait convoquer une assemblée générale pour délibérer sur la dissolution de la société dans un délai n’excédant pas deux mois à dater du moment où la perte a été constatée, soit en l’espèce le 16 mai 2018.

A titre principal :

Les juges d’appel ont résumé les moyens développés en instance d’appel par l’actuelle partie demanderesse en cassation comme suit :

« Après un rappel des faits constants en cause, JL) fait valoir que le tribunal aurait à tort décidé que la demande en dissolution n’était pas fondée. Il donne à considérer que la société n’a jamais eu pour objet de réaliser un chiffre d’affaires ou un bénéfice, mais qu’elle servait de véhicule pour la détention de la résidence secondaire des parents des parties actuellement en litige. Cette société ne survivrait que par des avances constantes de fonds de la part de son actionnariat.

Il fait grief au tribunal d’avoir décidé que les actionnaires devaient tenir compte de la situation financière de X) au moment de la délibération et non pas de celle qui se présentait au moment de la convocation à l’assemblée. L’appelant affirme que selon l’esprit de la loi, « l’assemblée prorogée doit prendre sa décision en considération de la situation au jour de la première convocation, car seuls les événements survenus jusqu’alors doivent servir à la prise de décision » et il rappelle qu’au moment de la convocation, le déclenchement de la procédure sur base de l’article 480-2 de la LSC était acquis.

L’endettement chronique de X) aurait eu pour résultat la perte de trois-quarts du capital et malgré l’abandon partiel de créance par DL), la société continuerait à s’endetter.

Le jugement entrepris constituerait une immixtion dans la vie de la société, respectivement dans le pouvoir de décision d’un actionnaire.

JL) conteste également la décision de rejet de sa demande subsidiaire sur base de la dissolution pour justes motifs et il souligne qu’il n’avait pas invoqué en première instance la mésentente entre actionnaires paralysant le fonctionnement de la société. Il explique que la mésentente entre actionnaires n’est pas le seul motif prévu par la loi pour justifier une dissolution et rappelle que le « juste motif » qu’il avait invoqué, consistait dans le « fait que l’assemblée du 23 juillet s’était valablement prononcée en faveur de la dissolution de la société ».

Dans ses conclusions du 10 février 2020, l’appelant expose que l’abandon de créance datée au 16 juillet 2018 et produit pour la première fois lors de l’assemblée générale extraordinaire du 23 juillet 2018, avec les comptes intermédiaires, non approuvés et non analysés, arrêtés au 16 juillet 2018, constituait une tentative de faire basculer la majorité requise pour se prononcer sur la dissolution de la société qui en date du 25 juin 2018 pouvait être approuvée au quart des voix émises.

L’appelant estime que cette simulation d’un état financier s’est avéré être erronée alors qu’en 2018, la société présenta des capitaux propres à hauteur de -17.746,50 euros.

Ceci confirmerait que la dissolution est justifiée. » Il ressort de l’extrait de l’arrêt cité ci-dessus que le litige entre parties se résume à la question de savoir s’il y avait lieu de prendre en considération, au moment de l’assemblée générale extraordinaire prorogée du 23 juillet 2018, l’abandon de créance intervenu après l’assemblée générale extraordinaire du 25 juin 2018, ou s’il n’y avait lieu de ne prendre en considération que l’état financier de la société tel qu’il se présentait lors de la convocation pour l’assemblée générale du 25 juin 2018.

Dans le cadre du moyen sous examen, la partie demanderesse en cassation critique les juges d’appel d’avoir fait abstraction de l’analyse du respect du délai de deux mois, prévu à l’article 480-2, alinéa 1 de la LSC.

Il ne ressort cependant ni de l’arrêt dont pourvoi, ni des pièces de la procédure, versées par les parties en cause, que cette argumentation juridique ait été présentée en première instance ou en instance d’appel par la demanderesse au pourvoi3. Le moyen sous examen est dès lors à qualifier de nouveau.

Or, le moyen est mélangé de fait et de droit, en ce qu’il comporterait pour Votre Cour l’examen de pièces, à les supposer produites, en vue de déterminer la date à partir de laquelle la réduction de l’actif net a été constatée, voire aurait dû l’être par le conseil d’administration et Vous obligerait à procéder à des constatations de fait, étrangères à l’arrêt attaqué.

Ces appréciations échappent à la compétence de la Cour de cassation, dont la mission est de déterminer, si le juge du fond a appliqué la loi aux faits qu’il a souverainement constatés.

Il s’ensuit que le premier moyen de cassation est à déclarer irrecevable.

A titre subsidiaire :

La partie demanderesse en cassation fait état d’une violation de la loi et plus particulièrement de l’absence de contrôle par la Cour du respect du délai de deux mois, prévu à l’article 480-2, alinéa 1, de la LSC. Etant donné qu’il ressort des documents versés à la procédure, que cette question de respect du délai légal était étrangère aux débats menés par les parties en cause, le reproche formulé n’est en réalité pas celui de la violation de la l’article 480-2 de la LSC, mais celui de l’omission par la Cour d’avoir contrôlé d’office la condition de délai prévue à l’article visé au moyen.

Il ressort de la lecture des développements du moyen que la partie demanderesse en cassation semble déduire cette obligation de contrôle du respect des conditions d’application de l’article 480-2 de la LSC du caractère d’ordre public de la disposition en question.

3 Jacques et Louis. BORE, La cassation en matière civile, édition 2015, n°82.20 Certes l’article 480-2 de la LSC4, qui a été inspiré de l’article 633 du Code des sociétés belge5, présente un caractère impératif. Ainsi les statuts ne peuvent donc y déroger, mais peuvent prévoir des mesures plus rigoureuses, par exemple, stipuler que la procédure de l’article 480-2 de la LSC devra être appliquée en cas de perte d’une partie du capital, moindre que la quotité prévue par la loi. Il ne découle cependant pas nécessairement du caractère d’ordre public d’une disposition que le juge doive spontanément, de son propre mouvement, contrôler les conditions d’application de la règle de droit dont il est saisi.

On se retrouve sur ce point au cœur du débat des conditions d’exercice et de l’étendue de l’office du juge6, problématique étrangère à la violation de l’article 480-2 de la LSC.

Il ressort des développements qui précèdent que la disposition visée au moyen est étrangère au grief formulé, de sorte que le moyen ne saurait être accueilli.

Quant au deuxième moyen de cassation La partie demanderesse en cassation fait grief aux juges d’appel d’avoir violé, voire dénaturé, l’article 480-2, alinéas 2 et 4, de la LSC en ce que la Cour d’appel en jugeant « au vu des pièces soumises en cause, les conditions de l’article 480-2 alinéa 4 (i.e. actif net réduit à un montant inférieur au quart du capital social) de la LSC n’étaient plus remplies lors de l’assemblée du 23 juillet » et que « la décision de la dissolution ne pouvait donc plus être prise par le quart des voix émises, mais nécessitait un quorum des deux tiers des voix exprimées. » aurait dénaturé l’esprit des dispositions légales applicables en prenant en considération, au moment de l’assemblée générale extraordinaire du 23 juillet 2018 l’abandon de créance intervenu sept jours plus tôt et non contenu dans le rapport prévu par l’article 480-20 de la LSC, alors que l’article 480-

2 de la LSC prévoit que la décision de dissolution ou de continuation des activités de la société se fait compte tenu des pertes et du rapport spécial devant être à la disposition des actionnaires huit jours avant l’assemblée délibérante par un quart des actions d’une société anonyme, sauf lorsque l’actif net est réduit à un montant inférieur au quart du capital social.

Comme le premier moyen, le deuxième moyen encourt la critique de la nouveauté. Ainsi il ne ressort ni de l’arrêt dont pourvoi, ni des pièces de la procédure versées par les parties en cause que cette argumentation juridique ait été présentée en première instance ou en instance d’appel par la demanderesse au pourvoi7. Il y a lieu de rappeler que c’est 4 Travaux parlementaires, relatifs au projet de loi no 5730, ayant abouti à la Loi du 10 août 2016 portant modernisation de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales et modification du Code civil et de la loi modifiée du 19 décembre 2002 concernant le registre de commerce et des sociétés ainsi que la comptabilité et les comptes annuels des entreprises.

5 HAINAUT-HAMENDE et RAUCQ, Les sociétés anonymes 1, constitution et fonctionnement (Larcier 2005), infra no 552.- Perte de la moitié ou des ¾ du capital 6 Jurisclasseur, Fasc. 500-35 : PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCÈS. – Office du juge. – Fondement des prétentions litigieuses 7 Jacques et Louis. BORE, La cassation en matière civile, édition 2015, n°82.20 au demandeur en cassation qu’incombe la charge de justifier la recevabilité du moyen qu’il présente et d’établir par conséquent son défaut de nouveauté. Pour établir que le moyen n’est pas nouveau le demandeur au pourvoi devra se référer, soit à la décision attaquée, soit aux pièces de la procédure. Cette preuve n’est pas rapportée.

Or, tel le premier moyen, le deuxième moyen est mélangé de fait et de droit, en ce qu’il comporterait pour Votre Cour l’examen des pièces et des preuves produites, pour pouvoir se prononcer sur la problématique développée dans ledit moyen et Vous obligerait à procéder à des constatations de fait, étrangères à l’arrêt attaqué.

On ne peut que répéter que ces appréciations échappent à la compétence de la Cour de cassation.

Il s’ensuit que le deuxième moyen de cassation est à déclarer irrecevable.

A titre subsidiaire :

La partie demanderesse en cassation fait état d’une violation de la loi, sinon d’un refus d’application de la loi en prenant en compte un abandon de créance sept jours avant l’assemblée générale pour déterminer les pertes de la société au jour des délibérations de l’assemblée générale.

Etant donné qu’il ressort des documents versés à la procédure, que cette question de respect du délai légal était étrangère aux débats menés par les parties en cause, le reproche formulé n’est en réalité pas celui de la violation de la l’article 480-2, alinéas 2 et 4 de la LSC, mais celui de l’omission par la Cour d’avoir contrôlé d’office les conditions d’application de l’article visé au moyen.

Tout comme le premier moyen la question de savoir si le juge a l’obligation de contrôler de son propre mouvement les conditions d’application de la règle de droit, dont il est saisi, relève des conditions d’exercice et de l’étendue de l’office du juge8, partant d’une problématique étrangère à la disposition légale visée au moyen.

Le moyen ne saurait dès lors être accueilli.

8 Jurisclasseur, Fasc. 500-35 : PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCÈS. – Office du juge. – Fondement des prétentions litigieuses Conclusion :

Le pourvoi est recevable, mais à rejeter.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, Sandra KERSCH 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 130/21
Date de la décision : 04/11/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-11-04;130.21 ?

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