La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2021 | LUXEMBOURG | N°45185C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 13 juillet 2021, 45185C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45185C Inscrit le 6 novembre 2020

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 13 juillet 2021 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 29 septembre 2020 (n° 41070 du rôle) dans un litige l’opposant à M. (A), M. (B), Mme (C) et M. (D), …, en présence de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg en matière d’impôts

---------------------------

-------------------------------------------------------------------------------------...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45185C Inscrit le 6 novembre 2020

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Audience publique du 13 juillet 2021 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 29 septembre 2020 (n° 41070 du rôle) dans un litige l’opposant à M. (A), M. (B), Mme (C) et M. (D), …, en présence de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg en matière d’impôts

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45185C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 6 novembre 2020 par Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat afférent lui délivré le 5 novembre 2020 par le ministre des Finances, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 29 septembre 2020 (n° 41070 du rôle) par lequel ledit tribunal a statué par rapport au recours introduit au nom de Monsieur (A), Monsieur (B), Madame (C) et Monsieur (D), avocats à la Cour, et tendant à la réformation sinon à l’annulation d'une décision du bureau d'imposition Luxembourg 2 du 22 mars 2017 portant sommation-astreinte et de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 janvier 2018 (n° … du rôle), rendue sur recours hiérarchique, le tribunal s’étant déclaré incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation, ayant déclaré le recours subsidiaire en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision du bureau d’imposition du 22 mars 2017, mais ayant reçu pour le surplus le recours subsidiaire en annulation en la forme et, quant au fond, l’ayant déclaré justifié et partant annulé la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 25 janvier 2018, tout en rejetant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.000 euros sollicitée par les parties demanderesses et en condamnant l’Etat aux frais et dépens ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 7 décembre 2020 par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Monsieur (A), de Monsieur (B), de Madame (C) et de Monsieur (D) ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 8 décembre 2020 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN S.A., établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, Place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 209.469, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par Maître Philippe HOSS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représenté par son bâtonnier en fonction, sinon son Conseil de l’ordre en fonction, établi et ayant son siège à L-1840 Luxembourg, 2a, boulevard Joseph II ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA et Maîtres André LUTGEN, assisté de Maître Marie MARTY, et Philippe HOSS en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 1er avril 2021.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par courrier daté du 12 juillet 2016, le préposé du bureau d'imposition Luxembourg 2 de l'administration des Contributions Directes, ci-après désigné par le « préposé », adressa à l'attention de l’étude d’avocats (AB), ci-après désignée par « l’Etude (AB) », une demande de renseignements rédigée en ces termes :

« Suite aux publications dans la presse locale et internationale concernant l'affaire dite « Panama Papers » relative à une base de données du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, votre nom figurait parmi ceux qui ont été cités en tant qu'intermédiaire sur le site internet du consortium international des journalistes (https://offshoreleaks.icij.org/).

Compte tenu de ce qui précède et conformément aux §§ 175 et 201 (1) AO, le bureau d'imposition Luxembourg 2 vous prie de bien vouloir fournir les renseignements suivants pour le 12.08.2016 au plus tard :

-

identification des sociétés créées après le 01.01.2006 par votre concours en ayant recours au cabinet d'avocats Mossack Fonseca ou une de ses sociétés partenaires ; respectivement des sociétés créées avant cette date et actives au 01.01.2006 ;

-

identification des bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés créées si ceux-ci sont des résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg ;

-

nature des prestations effectuées ;

-

date d'ouverture des transactions avec pièces à l’appui ;

-

en cas de clôture des transactions, la date de clôture avec pièces à l'appui ;

-

identification des personnes qui ont été (sont) habilitée(s) à effectuer ces transactions avec pièces à l'appui (…) ».

Par courrier daté du 28 juillet 2016, le bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, ci-après dénommés respectivement le « bâtonnier » et l’« Ordre », s’adressa au directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après dénommés respectivement le « directeur » et l’« ACD », en l’informant de son intervention suite à sa saisine par plusieurs de ses confrères. En substance, il lui fit part de ses observations quant à la démarche de l’ACD qu’il qualifia de « fishing expedition » et rappela les devoirs de l’avocat quant au respect du secret professionnel dont le caractère serait impératif et contraignant, de sorte à en conclure qu’un avocat ne saurait réserver de suite à la demande de l’ACD sous peine d’engager sa 2 -

page 2 -

responsabilité pénale, civile et disciplinaire, invitant partant les confrères concernés à ne pas réserver de suite à ladite demande.

Par courrier daté du 10 août 2016, Monsieur (A), Monsieur (B), Madame (C) et Monsieur (D) informèrent le préposé de leur décision d’attendre la prise de position du Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg avant de pouvoir lui adresser leur réponse.

Par courrier daté du 7 septembre 2016, le préposé faisant fonction du bureau d’imposition Luxembourg 2 adressa à l’Etude (AB) le courrier suivant :

« (…) En réponse à la lettre du bâtonnier, j’ai l’honneur de vous faire parvenir les précisions suivantes :

Sur la base des publications dans la presse locale et internationale concernant l’affaire dite « Panama Papers », l’Administration des contributions directes (ACD) se voit obligée de faire les investigations nécessaires, en vertu bien entendu des dispositions légales existantes, afin de vérifier l’exactitude des revenus déclarés des personnes qui tombent dans la souveraineté fiscale du Grand-Duché de Luxembourg.

Les paragraphes 175 et 201 (1) de la Loi générale des impôts (AO) constituent la base légale pour que les bureaux d’imposition puissent demander ces informations.

Etant donné que les tierces personnes ne sont pas connues, les avocats qui ont été cités comme intermédiaires doivent donc communiquer les informations qui pourraient avoir des implications fiscales au Luxembourg en conformité avec les paragraphes 201 (1) AO et 175 AO.

Vous qualifiez ces démarches de l’ACD comme « fishing expedition » que l’on pourrait éventuellement analyser dans le cadre de l’assistance fiscale internationale. Or, en droit interne, le paragraphe 201 (1) autorise justement ces « Erforschung unbekannter Steuerfälle ».

En ce qui concerne la problématique du secret professionnel, celui-ci n’est pas mis en cause par l’ACD, mais devrait se limiter aux informations secrètes confiées par les mandants à leurs avocats. Toutefois, le secret professionnel des avocats n’est pas étendu aux activités rentrant dans le domaine des avocats d’affaires. Ces activités ne sont pas visées par le cadre classique de la protection offerte par la loi.

L’avocat ne peut donc pas se retrancher derrière son secret professionnel pour ne pas coopérer avec l’ACD afin de détecter des cas de fraude fiscale. (…) ».

Par courrier daté du 28 septembre 2016, le bâtonnier s’adressa au directeur en réponse au courrier précité du 7 septembre 2016 en exposant la position de l'Ordre au regard de divers éléments de fond, tenant à la compétence territoriale, à la substance du secret professionnel au regard de la loi et de la jurisprudence et à l’interdiction de procéder à des opérations connues sous le nom de « fishing expedition », en concluant qu’« [a]u regard de ce qui précède, nous estimons que même si selon vous, le § 201 (1) AO autoriserait la « Erforschung unbekannter Steuerfälle », il n'en reste pas moins que la manière dont l'ACD procède à l'égard des avocats manque de toute base légale et jurisprudentielle. Aussi, je vous demande de reconsidérer la demande de l'ACD à l'égard des avocats dans le contexte de l'affaire dite « Panama Papers » ». Enfin, le bâtonnier invita le directeur à informer les avocats destinataires d’une demande d’injonction que ladite demande serait une décision qui les obligerait à répondre et qui serait susceptible d'un recours.

Par courrier daté du 22 mars 2017, le préposé constata que la demande de renseignements n'avait pas été suivie d'effet et déclara « qu'à défaut de réception des informations et documents précités jusqu'au plus tard le 24 avril 2017 », il se verrait dans l'obligation d'infliger à l’Etude (AB) une astreinte de … euros en vertu du § 202 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».

En réponse à ladite sommation-astreinte, l’Etude (AB) fit introduire, par un courrier de son mandataire daté du 21 avril 2017, une demande de sursis en exécution jusqu’à la date à laquelle le recours serait tranché.

L’Etude (AB) fit encore introduire, par un courrier de son mandataire du 31 mai 2017, un recours hiérarchique, désigné comme « réclamation », à l'encontre de cette décision.

Le directeur statua sur ce recours par une décision du 25 janvier 2018 (n° …) libellée comme suit :

« Le directeur des contributions, Vu la requête introduite le 24 avril 2017 par Me Pierre Hurt, au nom de l’étude d’avocats (AB), avec siège social à L-…, tendant à l'annulation d'une décision du bureau d'imposition du 22 mars 2017 portant sommation de fournir divers renseignements, informations et documents pour au plus tard le 24 avril 2017, sous peine d'une astreinte de … euros ;

Vu le dossier fiscal ;

Considérant que par écrit du 12 juillet 2016, la recourante a été invitée par le bureau d'imposition à fournir « (…) les renseignements suivants pour le 12.08.2016 au plus tard :

- identification des sociétés créées après le 01.01.2006 par votre concours en ayant recours au cabinet d'avocats Mossack Fonseca ou une de ses sociétés partenaires ;

respectivement des sociétés créées avant cette date et actives au 01.01.2006 ;

- identification des bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés créées si ceux-ci sont des résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg ;

- nature des prestations effectuées;

- date d'ouverture des transactions avec pièces à l'appui ;

- en cas de clôture des transactions, la date de clôture avec pièces à l'appui ;

- identification des personnes qui ont été (sont) habilitée(s) à effectuer ces transactions avec pièces à l'appui. » ;

Considérant que ce mandement étant resté infructueux pour avoir été frondé quant à sa pertinence, le bureau d'imposition, autorisé par le § 202 de la loi générale des impôts (AO) à prononcer des astreintes pour amener les contribuables récalcitrants à s'acquitter de leurs obligations, a averti la recourante, par une sommation du 22 mars 2017 que le non-respect du nouveau délai fixé au 24 avril 2017 entraînerait la fixation d'une astreinte de … euros ;

Considérant qu'en vertu du § 237 AO la voie de recours contre de telles décisions est le recours hiérarchique formel du § 303 AO (Beschwerde), alors qu'en l'espèce le recours contre la sommation-astreinte datant du 22 mars 2017 a été introduit par qui de droit dans les forme et délai de la loi, de sorte qu'il est recevable ;

Considérant, en ce qui concerne le fond de l'affaire, qu'il n'est pas litigieux que la recourante, exerçant la profession d'avocat au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, est soumise par le biais de l'article 35, alinéa 1er de la dite loi sur la profession d'avocat à l'article 458 du Code pénal ; que l'article 458 du Code pénal instaure le secret professionnel auquel sont soumises différentes professions et consigne notamment que les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où ils sont obligés par la loi à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d'un emprisonnement de huit jours à six mois et d'une amende de 500 euros à 5.000 euros ;

que force est néanmoins de noter que l'article 35-1 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat instaure une exception à la règle générale telle que prévue par les articles 458 du Code pénal et 35, alinéa 1er de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, à savoir que « Nonobstant les dispositions de l'article précédent et sous réserve de l'article 2 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, l'avocat est soumis aux obligations professionnelles suivantes telles que définies par cette loi :

- les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle conformément aux articles 3, 3-1, 3-2, 3-3 et 7 de cette loi, - les obligations d'organisation interne adéquate conformément à l'article 4 de cette loi et - les obligations de coopération avec les autorités conformément aux articles 5 et 7 de cette loi. » ;

que l'article 35-1 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat dévie ainsi clairement du principe général du recours à des sanctions pénales en cas de non-respect du secret professionnel ; que c'est donc à tort que la recourante estime ne pas être tenue, sous cet angle, de coopérer avec l'administration ;

Considérant encore qu'en ce qui concerne le risque d'engager sa responsabilité pénale du chef des infractions de recel, sinon de blanchiment, argument couramment utilisé afin de justifier le refus de coopération avec le bureau d'imposition et avec l'administration en général, que c'est précisément l'hypothèse inverse qui s'avère le cas, étant donné que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme s'applique à la profession de l'avocat (article 2, n° 12), de sorte à l'astreindre, sous réserve bien évidemment des dispositions particulières de l'article 7, à coopérer avec les différentes autorités (article 5 (« L'obligation de coopérer avec les autorités ») et article 7 (« Dispositions particulières applicables aux avocats ») ; qu'il s'avère par ailleurs nécessaire dans ce contexte de distinguer entre les activités dites « normales » qu'entraîne la profession d'avocat et les activités rentrant dans le domaine des « avocats d'affaires » ; que le secret professionnel des avocats ne doit pas être étendu aux activités relevant du domaine des « avocats d'affaires », étant donné que ces activités ne sont pas visées par le cadre classique de la protection offerte par la loi ;

que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme distingue en effet clairement entre les activités dites « normales » et les activités rentrant dans le domaine des « avocats d'affaires », en ce qu'elle dispose à travers son article 2, n° 12, qui définit le champ d'application auquel le Titre I s'applique, que sont notamment (et uniquement) visés « les avocats au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, lorsqu'ils :

a) assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant :

I.

l'achat et la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales, II. la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs, appartenant au client, III. l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles, IV. l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés, V. la constitution, la domiciliation, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires, b) ou agissent au nom de leur client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière ou immobilière » ;

Considérant que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme fait ainsi l'impasse sur toutes les activités « normales » qui font partie intégrante de la profession d'avocat ; qu'une différence existe néanmoins entre les avocats et l'ensemble des autres acteurs visés par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, à savoir que suivant l'article 7, § 2 de ladite loi les avocats sont tenus, au lieu de s'adresser directement au procureur d'Etat auprès du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, de s'adresser en priorité au bâtonnier de l'Ordre des Avocats au tableau duquel l'avocat déclarant est inscrit afin de déclarer tous les faits visés à l'article 5, § 1, point a);

qu'il s'agit là de tout fait qui pourrait être l'indice d'un blanchiment ou d'un financement du terrorisme, notamment en raison de la personne concernée, de son évolution, de l'origine des avoirs, de la nature, de la finalité ou des modalités de l'opération ; que dans ce cas le bâtonnier de l'Ordre des Avocats procède à la vérification du respect des conditions prévues au paragraphe précédent (article 7, § 1er) et à l'article 2 point 12, alors que dans l'affirmative, il se voit contraint — la loi l'obligeant — de transmettre les informations reçues au procureur d'Etat du tribunal d'arrondissement de Luxembourg ;

Considérant qu'en l'espèce, étant donné que la recourante semble refuser de manière catégorique toute collaboration avec les autorités en se basant sur des arguments vides et non convaincants qui, face aux constatations ci-dessus, ne tiennent pas la route, il semble fort probable qu'elle n'avait, soit, tout simplement pas connaissance de la situation juridique dans laquelle elle se trouve, ce qui laisse présumer qu'elle n'a jamais déclaré quoi que ce soit au bâtonnier, même si elle aurait dû le faire, soit se trouve-t-elle en parfaite connaissance de cause, mais dans ce cas, pourquoi cherche-t-elle avec une telle fermeté à cacher ou à masquer ses affaires ; que vaille que vaille, la loi ne prévoyant pas de différence entre les omissions intentionnelles et non intentionnelles en ce qui concerne cette sorte de déclarations obligatoires, il y a tout simplement lieu de noter, à titre purement indicatif bien entendu, que la sanction du non-respect de ces dispositions est ancrée dans l'article 9 de la modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme qui consigne que « sont punis d'une amende de 1.250 euros à 125.000 euros ceux qui ont contrevenu sciemment aux dispositions des articles 3 à 8 de la présente loi » ;

qu'en ce qui concerne par ailleurs le Règlement Intérieur de l'Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg du 9 janvier 2013 introduit sur base de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, notons, étant donné que le Conseil de l'ordre (Section II. — Le Conseil de l'ordre ; articles 16 à 19 de la loi de 1991 sur la profession d'avocat), « est chargé (article 17) :

 de veiller à la sauvegarde de l'honneur de l'Ordre, de maintenir les principes de dignité, de probité et de délicatesse qui forment la base de la profession d'avocat et les usages du barreau qui les consacrent,  de veiller à l'observation des règles édictées selon l'article 19, de déférer au Conseil disciplinaire et administratif les auteurs des infractions et des manquements, sans préjudice de l'action des tribunaux et du ministère public, s'il y a lieu,  de veiller au respect par les membres de l'ordre de leurs obligations découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme », qu'il serait, le cas échéant, fort surprenant, voire même diffamatoire de prétendre que le Règlement Intérieur de l'Ordre, élaboré justement par le Conseil de l'ordre dont le Bâtonnier lui-même, aurait tendance à tolérer sinon même à occulter, s'il y a lieu, les agissements ou tripatouillages d'un éventuel mouton noir, s'il devait en exister parmi les avocats, alors que le règlement d'ordre intérieur a justement vocation à fixer les règles professionnelles relatives à, entre autres (cf. article 19 de la loi modifiée de 1991 sur la profession d'avocat) :

- « la déontologie entre avocats et à l'égard des clients et des tiers ;

- au secret professionnel ;

- aux obligations professionnelles découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ainsi qu'aux procédures de contrôle, notamment de contrôle sur place auprès des membres de l'ordre » ;

que le Conseil de l'ordre, en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, est par ailleurs investi des pouvoirs suivants (article 30-1 de la loi modifiée de 1991 sur la profession d'avocat) :

- « de procéder à des contrôles sur place auprès des membres de l'ordre ;

- de requérir toutes informations qu'il juge nécessaires auprès des membres de l'ordre en vue du contrôle du respect de leurs obligations professionnelles découlant de la législation en matière de de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme », alors qu'en cas de non-respect des obligations professionnelles découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ou en cas d'obstacle à l'exercice des pouvoirs du Conseil de l'ordre définis au 1er alinéa du présent article, les sanctions visées à l'article 27 sont applicables, à l'exception de l'amende visée à l'article 27, § 1, point 2bis), tandis que le maximum de l'amende visée à l'article 27, § 1, point 3) est porté à 250.000 euros (en lieu et place de montants allant de 500 euros à 20.000 euros) ce qui est largement plus que le décuple du montant initial maximal, tentative qu'il faut comprendre dans le sens qu'il est vraiment crucial dans ce cadre d'attaquer le mal à la racine ;

Considérant de surcroît que la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme retient avec insistance que les professionnels qu'elle vise, tels les avocats, ont non seulement l'obligation de connaître à fond leurs clients (article 3), mais également l'obligation de disposer d'une organisation interne adéquate (article 4) afin de prévenir et d'empêcher la réalisation d'opérations liées au blanchiment ou au financement du terrorisme ; qu'étant dès lors contraint par la loi de connaître particulièrement bien ses clients, la recourante devrait être aisément en mesure de faire un tri entre les clients qui sont concernés par la problématique de l'espèce, et ceux qui ne le sont justement pas ; que son refus de coopération semble donc derechef dû à bien d'autres motifs que ceux évoqués ;

Considérant encore qu'en ce qui concerne les permissions et restrictions que confère dans la problématique évoquée la loi générale des impôts à l'Administration des contributions directes et aux contribuables en général, qu'il s'agit en l'espèce, en sus du § 201, alinéa 1er AO, des §§ 175, 176, 177 et 178bis AO qui du moins en partie jouent un rôle ou ont une incidence ; qu'en effet le § 175, alinéa 1er AO retient, sauf exceptions et en tant que grand principe de base, que « auch wer nicht als Steuerpflichtiger beteiligt ist, hat mit Ausnahme der als nahe Angehörige bezeichneten Personen (§ 10 Steueranpassungsgesetz) dem Finanzamt über Tatsachen Auskunft zu erteilen, die für die Ausübung der Steueraufsicht oder einem Steuerermittlungsverfahren für die Feststellung von Steueransprüchen von Bedeutung sind. Die Auskunft ist wahrheitsgemäß nach bestem Wissen und Gewissen zu erteilen. Wer nicht aus dem Gedächtnis Auskunft geben kann, hat Schriftstücke und Geschäfts-Bücher, die ihm zur Verfügung stehen, einzusehen und, soweit nötig, Aufzeichnungen daraus zu entnehmen. Die Auskunft ist nach Form und Inhalt so zu erteilen, wie es das Finanzamt nach den Gesetzen und Ausführungsbestimmungen vorschreibt. » ; que le texte de loi s'avérant parfaitement clair et intelligible, il y a dès lors lieu de déterminer quelles sont, s'il y en a, les exceptions prévues au § 175, alinéa 1er AO ; qu'en d'autres termes, qui sont les acteurs qui de manière explicite ne sont pas tenus de coopérer avec les autorités fiscales et sous quelles conditions ;

Considérant que le § 176 AO retient que « In den Fällen des § 175 kann der Befragte die Auskunft auf Fragen verweigern, deren Beantwortung ihm selbst oder einem Angehörigen die Gefahr einer Strafverfolgung zuziehen würde » ; que le § 176 AO prévoit donc deux cas différents où le contribuable à qui s'adresse l'administration des contributions afin de recueillir des informations au sujet d'un tiers se voit permis (mais non expressément contraint = cf. « kann ») de refuser la coopération — toujours dans l'hypothèse où il y a risque de sanctions pénales, bien entendu —, à savoir d'un côté le cas où interviennent les «Angehörige» au sens du § 10 de la loi d'adaptation fiscale (« StAnpG »), cas qui ne saura tout de même se réaliser en l'espèce, étant donné qu'on se retrouve exclusivement face à un problème de création de sociétés, et de l'autre côté le cas où la recourante pourrait se rendre elle-même coupable au sens des lois et sanctions pénales, hypothèse qui est d'ailleurs également à écarter vu qu'elle doit de toute façon rendre attentives les autorités au moindre inconvénient qui pourrait se présenter à ce titre vu les contraintes lui infligées par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ;

Considérant que le dernier point restant à être analysé concerne les §§ 177 et 178bis AO ayant trait l'un comme l'autre à divers secrets professionnels, conciliant et reliant ainsi d'autres législations aux dispositions et modalités du droit fiscal ; que le § 177, alinéa 1er AO, quant à lui, dispose que « Die Auskunft können ferner verweigern 1. Verteidiger und Rechtsanwälte, soweit sie in Strafsachen tätig gewesen sind, 2. Ärzte über das, was ihnen bei Ausübung ihres Berufs anvertraut ist, 3. Rechtsanwälte über das, was ihnen bei Ausübung ihres Berufs anvertraut ist, 4. die Gehilfen der zu 1 bis 3 bezeichneten Personen hinsichtlich der Tatsachen, die sie in dieser ihrer Eigenschaft erfahren haben. » ;

que les catégories des « Ärzte » et des « Gehilfen der zu 1 bis 3 bezeichneten Personen » étant d'office à écarter, la recourante rangeant dans celle des « Rechtsanwälte », au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, il reste à analyser si le § 177 AO lui saurait être applicable ; qu'il échet dans ce contexte de bien garder en mémoire les développements ci-dessus, où il avait été question de la subdivision des activités des avocats en activités dites « normales » et celles relevant de manière immédiate du domaine d'activité des « avocats d'affaires » originaires de manière inhérente de l'article 2, n° 12 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme ;

qu'à titre de bref rappel, les avocats au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, « lorsqu'ils a) assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant : i) l'achat et la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales, ii) la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs, appartenant au client, iii) l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles, iv) l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés, v) la constitution, la domiciliation, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires, b) ou agissent au nom de leur client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière ou immobilière » (article 2, n° 12 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme) sont d'office et de par la loi contraints de révéler tout inconvénient qu'ils détectent dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions (cf. article 9 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme) ; que les dispositions contenues dans le § 177 AO qui visent les avocats et qui, autrefois et préalablement aux développements législatifs récents, étaient parfaitement légitimes, s'avèrent désormais vains pour cause d'obsolescence et dès lors d'inefficacité ;

Considérant encore que le § 178bis AO qui consigne qu'« aucun renseignement aux fins de l'imposition du contribuable ne peut être demandé 1. aux établissements de crédit ;

2. aux autres professionnels du secteur financier ;

3. aux sociétés de participations financières au sens de la loi du 31 juillet 1929 (…) ;

4. aux organismes de placement collectif ;

5. aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF). », ne vise sous sa catégorie des « autres professionnels du secteur financier » (2.) pas automatiquement tous les avocats au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, même s'ils sont d'une manière générale visés par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, dans la mesure où ils s'adonnent à des activités relevant du domaine des « avocats d'affaires » ; que la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier dispose notamment en sa Partie I (« L'accès aux activités professionnelles du secteur financier »), Chapitre 2 (« L'agrément des PSF »), Section 1 (« Dispositions générales »), article 14 (« La nécessité d'un agrément »), alinéa 1er que « Nul ne peut avoir comme occupation ou activité habituelle à titre professionnel une activité du secteur financier ni une activité connexe ou complémentaire à une activité du secteur financier visée à la sous-section 3 de la section 2 du présent chapitre sans être en possession d'un agrément écrit du Ministre ayant dans ses attributions la CSSF » ;

que l'alinéa 2 de l'article 14 de la loi précitée s'y juxtapose en spécifiant que « Nul ne peut être agréé à exercer une activité professionnelle du secteur financier soit sous le couvert d'une autre personne soit comme personne interposée pour l'exercice de cette activité », alors que l'article 13 de la même loi définit les personnes visées par les dispositions citées en retenant que « Le présent chapitre s'applique à toute personne physique établie à titre professionnel au Luxembourg ainsi qu'à toute personne morale de droit luxembourgeois dont l'occupation ou l'activité habituelle consiste à exercer à titre professionnel une activité du secteur financier ou une des activités connexes ou complémentaires visées à la sous-section 3 de la section 2 du présent chapitre » ;

qu'il s'en dégage que la recourante qui ne se trouve justement pas en possession d'un agrément au sens de l'article 14, alinéa 1er de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, tel qu'il est requis de manière impérative et explicite afin de qualifier une personne de professionnel du secteur financier, autorisé à s'adonner à toutes sortes d'activités professionnelles couvertes par le dit agrément (cf. article 15, n° 2 de la loi modifiée relative au secteur financier : «Lorsque l'agrément est accordé, le PSF peut immédiatement commencer son activité »), ne saurait être considérée comme tombant sous les dispositions du numéro 2 du § 178bis AO, celles-ci ne lui étant aucunement applicables ; que le § 178bis AO ne peut donc pas être invoqué par tout contribuable, avocat au sens de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat ou non, afin de refuser de communiquer des informations et données au bureau d'imposition que ce dernier lui a explicitement réclamées, sauf s'il se trouve en possession d'un agrément écrit du Ministre ayant dans ses attributions la CSSF ;

Considérant encore et afin d'écarter d'office toute discussion quant à une éventuelle allégation tendant à vouloir faire grief à l'Administration des contributions de procéder à une prétendue pêche aux renseignements (« fishing expedition »), qu'il ne s'agit en l'espèce aucunement d'une telle que l'administration est en train de lancer (i.e. d'une demande qui repose sur des indices largement flous et peu transparents), mais bien au contraire d'une demande tout à fait concrète qui ne vise que ceux des clients de la recourante qui sont manifestement concernés et impliqués dans la présente affaire ; que la recourante étant obligée de connaître parfaitement bien ses clients, elle devrait être à même de fournir sans le moindre souci toutes les informations sollicitées ; que les jurisprudences existant à l'heure actuelle qui visent la problématique des pêches aux renseignements se réfèrent par ailleurs toutes à des cas d'entraide administrative internationale se basant sur des demandes de renseignements de nature purement spéculative qui n'apparaissent pas avoir de liens apparents avec une enquête ou des investigations en cours, ce qui n'est décidément pas le cas en l'espèce ;

Considérant que bien au contraire, il ne s'agit en l'occurrence, primo, non pas d'un cas d'entraide administrative, mais tout au plus et le cas échéant seulement dans une seconde phase d'un échange de renseignements entre des Etats lésés qui se voient concernés par la même problématique, secundo, les informations demandées ne sont pas de nature purement spéculative mais se fondent sur des éléments et modalités tout à fait concrets car partiellement connus, tertio, les investigations et enquêtes venant tout juste de débuter avec les écrits et missives adressés de la part du bureau d'imposition à la recourante, on ne saurait en l'occurrence disjoindre les deux choses, étant donné que la demande du bureau d'imposition va de pair, pour ne pas dire est synonyme de l'enquête et des investigations menées ; que la problématique de l'espèce diverge donc sensiblement de celles des jurisprudences actuelles en matière de pêches aux renseignements ;

Considérant que s'y ajoute que la loi générale des impôts, d'une manière tout à fait générale et à travers son § 201, alinéa 1er notamment, vise à faire barrage à toutes sortes de détournements et à l'évasion fiscale en général ; que le § 201, alinéa 1er AO ayant la teneur suivante : « Die Finanzämter haben darüber zu wachen, ob durch Steuerflucht oder in sonstiger Weise zu Unrecht Steuereinnahmen verkürzt werden », il devient évident que les lois fiscales ne se heurtent aucunement à une quelconque question de territorialité ; que force est de noter qu'il ne s'agit en l'espèce même pas d'une question de territorialité, étant donné que les flux monétaires, i.e. les capitaux en provenance du Panama vers les bénéficiaires économiques ultimes résidant au Grand-Duché de Luxembourg, ont dans la majorité des cas et dans une première étape été générés par des sociétés luxembourgeoises, à la suite de quoi ils sont, dans le meilleur des cas, transférés au Panama à l'aide de factures émises par des sociétés panaméennes afférentes à des contre-prestations pour le moins discutables, douteuses ou même inexistantes, soit ils ne sont, dans le pire des cas, pas déclarés du tout au Luxembourg lors de leur réalisation — ce qui en soi constitue déjà une fraude — , pour être recueillis par après par des bénéficiaires économiques résidents ;

qu'en d'autres termes, les capitaux générés dans un premier temps au Luxembourg échappent de la sorte à l'imposition au niveau de la société luxembourgeoise qui les a réalisés, pour après être récoltés de manière non retraçable et donc à nouveau non imposable par le bénéficiaire économique ultime à partir de sa société panaméenne spécialement et uniquement créée à cette fin ; qu'il s'agit donc du Grand-Duché de Luxembourg qui, avant toutes choses et parmi un bon nombre d'autres Etats à pareil sort, se voit lésé par les tripatouillages mis en lumière dans le cadre de l'affaire Panama Papers, alors qu'aucune prétendue question de territorialité ne saura servir de justification afin d'échapper aux devoirs de coopération qu'instaure la loi générale des impôts ;

Considérant d'une manière tout à fait générale qu'une personne telle la recourante, tombant tant sous les dispositions de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat que sous celles — ce qui pèse le plus — de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, se doit impérativement et sous peine de se voir infliger des astreintes et sanctions tant administratives que pénales de coopérer avec les autorités, de sa propre initiative mais également sur initiative de l'autorité compétente, si elle se retrouve face à un éventuel cas d'évasion fiscale au sens du § 201, alinéa 1er AO ; qu'admettre le contraire équivaudrait à laisser carte blanche aux fraudeurs et à l'escroquerie fiscale en général, voire même les encourager ou leur venir en aide, ce qui ne peut tout de même être le but recherché par un législateur qui, en mettant sur pied des lois telle celle du 12 novembre 2004 contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, ou encore celle du 18 décembre 2015 concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale, pour n'en citer que deux, tend justement de mettre un terme à de tels agissements ;

Considérant précisément dans cet ordre d'idées qu'il ne s'agit non seulement de la loi générale des impôts qui tend à combattre toutes sortes de fraudes fiscales et le détournement d'impôt en général, les §§ 175 et 201 AO n'ayant jamais été abrogés et se trouvant toujours en vigueur à l'heure actuelle, mais que furent très récemment élaborées pleines de mesures visant à combattre l'évasion fiscale, de sorte qu'on ne saurait nier que l'esprit du temps tend actuellement clairement et plus que jamais à lutter vigoureusement contre la fraude et l'évasion fiscales, comme le démontrent sans équivoque les multiples initiatives politiques récentes qui sont destinées à rendre davantage transparent l'ensemble des transactions financières effectuées entre les différents acteurs concernés par la matière, initiatives qui ont abouti à l'élaboration et à la mise sur pied d'une panoplie de nouvelles lois dont le but est clairement la lutte contre toutes sortes de détournements de revenus et de fonds (p. ex. et entre autres :

1) Loi du 18 décembre 2015 concernant l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale et portant 1. transposition de la directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal 2. modification de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (Mém. A, n° 244 du 24 décembre 2015, p. 5968), 2) Loi du 18 décembre 2015 concernant le budget des recettes et des dépenses de l'Etat pour l'exercice 2016 (Mémorial A, n° 242 du 23 décembre 2015, p. 5387), portant entre autres introduction dans la loi générale des impôts du § 489 ayant trait à la régularisation fiscale temporaire, 3) Loi du 23 décembre 2016 portant transposition de la directive (UE) 2016/881 du Conseil du 25 mai 2016 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal et concernant les règles de déclaration pays par pays pour les groupes d'entreprises multinationales, page 5920 (Mém. A, n° 280 du 27 décembre 2016, p. 5920), 4) Loi du 23 juillet 2016 portant transposition de la directive (UE) 2015/2376 du Conseil du 8 décembre 2015 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal et portant modification de la loi modifiée du 29 mars 2013 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (Mém. A, n° 139 du 28 juillet 2016, p. 2365), 5) nombreuses conventions concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale et leurs Protocoles d'amendement) ;

qu'on ne saurait dès lors oser prétendre que les §§ 175 et 201 AO seraient devenus désuets ou caducs, alors qu'il n'en est rien ;

Considérant in fine qu'il résulte de l'instruction du dossier fiscal que les informations requises font toujours défaut à ce jour ; que du fait qu'il est de la nature de l'astreinte de vaincre la résistance des contribuables ou tiers récalcitrants pour les amener à exécuter la décision du bureau d'imposition, et vu que ce dernier n'a nullement outrepassé ses compétences ou agi de manière illicite en s'adressant via sa missive du 12 juillet 2016 à la recourante afin de recueillir les informations requises, il s'avère parfaitement de droit de le confirmer dans ses démarches ;

PAR CES MOTIFS reçoit le recours en la forme, le rejette comme non fondé ».

En date du 1er février 2018, le bâtonnier adressa notamment à l’Etude (AB) un courrier ayant la teneur suivante :

« Chers Confrères, Je m'adresse à vous suite à votre courriel du 30 janvier 2018, ainsi qu'à notre entrevue de ce jour, relatifs à la communication d'informations à l'Administration des contributions directes.

Je vous rappelle que la divulgation d'informations couvertes par le secret professionnel vous expose à de lourdes sanctions disciplinaires en vertu de la loi de 1991 sur la profession d'avocat et notre règlement intérieur de l'Ordre.

Qui plus est, en pareille hypothèse, l'introduction d'une procédure pénale à votre encontre est également certaine alors que la violation du secret professionnel est un délit pénal prévu à l'article 458 du Code Pénal.

Je vous rappelle le communiqué du Barreau du 14 mars 2017, suite à la parution au Luxemburger Wort du 14 mars 2017 de l'article : « Dürfen Anwälte vor der PANA-Kommission aussagen ? » : En vertu de l'article 35(1) de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, l'avocat est soumis au secret professionnel. Le secret professionnel de l'avocat est absolu et l'avocat ne peut être relevé du secret professionnel par son mandant, par quelque autorité que ce soit ou plus généralement par qui que ce soit. Le conseil de l'Ordre veille au respect par les membres de l'Ordre de leurs obligations découlant de la législation en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme et défère au Conseil Disciplinaire et Administratif les auteurs des infractions et manquements, sans préjudice de l'action des tribunaux et du ministère public s'il y a lieu.

L'avocat devra pleinement coopérer avec le Bâtonnier et devra suivre les recommandations du conseil de l'Ordre. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 avril 2018, Monsieur (A), Monsieur (B), Madame (C) et Monsieur (D) firent introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision du préposé du 22 mars 2017, ainsi que de celle du directeur du 25 janvier 2018.

Dans son jugement du 29 septembre 2020, le tribunal administratif se déclara incompétent pour statuer sur le recours principal en réformation, déclara le recours subsidiaire en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé à l’encontre de la décision du bureau d’imposition du 22 mars 2017 et reçut pour le surplus le recours subsidiaire en annulation en la forme. Quant au fond, le tribunal déclara le recours justifié dans cette mesure et, partant, annula la décision du directeur du 25 janvier 2018, tout en rejetant la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.000 euros sollicitée par les parties demanderesses et en condamnant l’Etat aux frais et dépens.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 6 novembre 2020, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a fait relever appel de ce jugement du 29 septembre 2020.

Quant à la caducité et à la recevabilité de l’appel A titre principal, les parties intimées soulèvent la caducité de l’appel étatique, au motif tiré de l’absence d’une signification ou d’une notification de la requête d’appel à leur destination personnelle. Se référant aux articles 39 et 50 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après la « loi du 21 juin 1999 », elles soulignent qu’une requête d’appel déposée par l’Etat au greffe de la Cour administrative devrait être notifiée par voie postale par les soins de ce dernier aux parties de la première instance par pli fermé et recommandé à la poste, accompagné d’un avis de réception, cette remise devant être faite en mains propres du destinataire en cas d’absence d’élection de domicile.

Les parties intimées relèvent qu’elles n’auraient jamais reçu personnellement une notification de la requête d’appel étatique, laquelle aurait été envoyée uniquement auprès de l’avocat les ayant représentées dans le litige en première instance, à l’étude où elles avaient alors élu domicile.

D’après elles, une élection de domicile ne vaudrait cependant que pour l’instance en cause et non pas pour une éventuelle procédure d’appel qui s’ensuivrait, la jurisprudence admettant que la première instance et l’instance d’appel formeraient deux instances distinctes et qu’une élection de domicile auprès d’un avocat à la Cour ne vaudrait que pour l’instance pour laquelle il se trouverait mandaté. Elles font valoir qu’elles n’auraient jamais élu domicile en l’étude de leur avocat pour une instance autre que la procédure en première instance jusqu’au dépôt de leur mémoire en réponse en appel, de sorte qu’aucune élection de domicile valable en l’étude de leur avocat n’aurait existé au moment de la notification de la requête d’appel étatique.

Elles ajoutent que la caducité de l’appel pour défaut de signification par la voie du greffe à la partie visée dans le délai d’un mois suivant le dépôt de la requête d’appel relèverait de la régularité de l’introduction d’une instance, condition de la saisine valable du juge, de sorte que l’appel devrait être caduc et cela indépendamment du fait que leur avocat leur a communiqué l’existence de la requête d’appel et en l’absence de preuve concrète d’une atteinte à leurs droits de la défense.

Les parties intimées concluent partant que le défaut de signification ou notification de la requête d’appel étatique par les soins du greffe à leur égard devrait emporter la caducité, sinon l’irrecevabilité de l’appel introduit par l’Etat.

De manière générale, l’obligation pour la partie appelante, prévue par l’article 39, alinéas (1) et (2), de la loi du 21 juin 1999, de signifier sa requête d’appel dans le mois du dépôt aux parties ayant figuré en première instance ou y ayant été dûment appelées constitue une règle d'organisation de la justice administrative qui, au même titre que le délai d'appel, n'est pas susceptible d'extension et dont le non-respect entraîne la sanction expressément prévue par l’article 39, alinéa (2), de la loi du 21 juin 1999, à savoir la caducité de l’appel. Il ne s’agit pas d’une irrecevabilité telle que visée par l’article 29 de la loi du 21 juin 1999, aux termes duquel l’irrecevabilité n’est prononcée que si l’inobservation dont s’agit a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense (Cour adm. 6 avril 2017, n° 38956C, Pas. adm. 2020, V° Procédure contentieuse, n° 1000).

L’article 50 de la loi du 21 juin 1999 dispose cependant que « par dérogation à l’article 39, en cas d’appel interjeté de la part de l’Etat, le greffier communique, selon les formalités prévues à l’article 34, aux parties en cause en première instance copies de la requête d’appel, des mémoires et pièces fournis. La partie intimée et le tiers intéressé sont tenus de répondre dans le délai prévu à l’article 46 ».

Il découle de cette disposition spéciale qu’elle déroge, en faveur de l’Etat, à l’obligation pour la partie appelante de signifier son appel aux autres parties lorsque l’Etat introduit un appel en sa qualité de partie à la première instance en ce sens que le représentant de l’Etat est dispensé de procéder lui-même à la signification de sa requête d’appel, cette formalité étant remplacée par la communication de la requête d’appel aux autres parties en cause en première instance par le greffe de la Cour administrative.

Or, l’article 39, alinéa (2), de la loi du 21 juin 1999 ne prévoit la sanction de la caducité de l’appel que pour l’hypothèse où la signification de la requête d’appel incombe à la partie appelante et que celle-ci omet d’effectuer cette formalité dans le délai imparti. En outre, d’une manière générale, une partie ne saurait encourir la sanction de l’extinction de l’instance qu’elle entend introduire que dans la mesure où elle pêche par l’inexécution d’une formalité dont l’accomplissement lui incombe au vœu de la loi.

Dans la mesure où l’Etat, en tant que partie appelante, se voit dispenser de l’obligation de procéder lui-même à la signification de sa requête d’appel et où la communication de la requête aux autres parties de la première instance incombe au greffe de la Cour administrative, l’Etat ne saurait en conséquence se voir opposer la caducité de son appel en raison de prétendus vices dans l’accomplissement de cette communication puisque cette dernière ne lui incombait pas en tant que tel.

Il y a lieu d’ajouter que la théorie de l’unicité de l’Etat ne saurait être utilement invoquée pour faire admettre qu’un éventuel vice de notification de la requête d’appel étatique par le greffe de la Cour devrait être imputé à l’Etat en tant que partie appelante. L’application de cette théorie à l’égard d’actes accomplis par les juridictions dans le cadre de procédures contentieuses engagées devant elles aurait en effet pour conséquence de consacrer l’unicité entre une partie au procès et son juge et de dénier ainsi l’existence d’une juridiction indépendante à l’égard de l’Etat.

Il s’ensuit que le moyen de caducité, sinon d’irrecevabilité de l’appel soulevé par les parties intimées est à rejeter.

L’appel étatique ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond Dans la mesure où le juge administratif n’est pas tenu de respecter la suite des moyens tels que développés par les parties, mais détient le pouvoir de les toiser suivant la logique juridique y relative et en considération d’une bonne administration de la justice, il convient de préciser l’objet du litige avant d’examiner les différents moyens mis en avant par l’Etat, les parties intimées et l’Ordre par rapport à la validité et l’interprétation des différentes dispositions dont l’application se trouve invoquée à la base de la décision directoriale déférée.

Quant à l’objet du litige Arguments des parties L’Etat critique le tribunal pour avoir jugé que le caractère illégal de la décision du préposé devrait directement entraîner l’illégalité et partant l’annulation de la décision du directeur.

Il reconnait que le préposé du bureau d’imposition compétent a effectivement émis une sommation-astreinte pour défaut de réponse aux questions posées dans son courrier et qu’il a invité les parties intimées à prendre position, mais souligne qu’une réclamation avait été introduite par les parties intimées contre la décision du préposé et que le directeur y a statué à travers une décision sur recours hiérarchique formel au sens du § 237 AO. L’Etat fait valoir qu’une telle décision directoriale se substituerait à la décision initiale du préposé en la remplaçant, entraînant que ce ne serait plus cette dernière décision mais la décision directoriale qui serait susceptible de causer grief aux parties intimées, d’autant plus que cette dernière ajouterait, par rapport à la décision initiale basée sur les seuls §§ 175 et 201 AO, d’autres bases légales qui justifieraient le maintien de l’astreinte décernée.

Néanmoins, d’après l’Etat, le tribunal aurait soulevé la question de savoir si le préposé avait commis un excès ou un détournement de pouvoir en adoptant la décision de demande de renseignements. L’Etat en déduit que ce serait une analyse circonstanciée par le tribunal de la décision du préposé qui aurait justifié l’annulation subséquente de la décision du directeur par le tribunal alors même qu’uniquement cette dernière aurait dû faire l’objet du débat.

Selon l’Etat, la formulation employée par le tribunal serait donc juridiquement erronée, au motif qu’elle reviendrait à admettre que la décision du préposé figerait, à l’avance, le cadre décisionnel du directeur appelé à statuer par voie hiérarchique. En réalité, la décision directoriale constituerait une décision autonome qui pourrait réformer, confirmer ou infirmer la décision initiale du préposé, le directeur pouvant notamment étendre les bases légales initialement invoquées par le préposé. L’Etat en déduit qu’une éventuelle nullité pour excès, voire détournement de pouvoir de la décision du préposé ne pourrait pas entraîner l’annulation subséquente de la décision directoriale qui resterait autonome et qui devrait être examinée de manière indépendante. L’Etat conclut partant à la réformation du jugement entrepris sur ce point.

Les parties intimées rétorquent qu’elles auraient contesté l’ensemble des motifs développés tant par le préposé que par le directeur et que le tribunal aurait abouti par rapport à l’ensemble de ces arguments à la conclusion de l’illégalité de la décision directoriale et procédé à son annulation.

Analyse de la Cour Tout comme une réclamation prévue par le § 228 AO, un recours hiérarchique formel se trouve régi par les dispositions procédurales générales contenues dans les §§ 243 à 258 AO (J. OLINGER, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales n° 81-85, p. 36).

Par voie de conséquence, lorsque le directeur se trouve saisi, en vertu du § 237 AO, d'un recours hiérarchique formel contre une décision discrétionnaire, le § 243, alinéa (1), AO lui attribue la mission d’instruire d’office les éléments du dossier et la situation factuelle à sa base et le § 244 AO lui confère, dans le cadre de l’instruction du recours, les mêmes pouvoirs qu’aux bureaux d'imposition pour prendre la mesure d’instruction en cause. Il s’ensuit que, saisi d’un recours hiérarchique formel, le directeur fait acte d’administrateur et dispose du pouvoir décisionnel, de manière qu’il y a « changement des organes appelés à administrer, mais non pas changement de la nature de leurs fonctions respectives » (A. STEICHEN : Manuel de droit fiscal, tome 1, 2000, p. 767), et qu’il a l’obligation de décider sur la prise d’une mesure d’instruction en lieu et place du bureau d'imposition. Ainsi, d’un côté, le directeur dispose de la plénitude des pouvoirs alloués au bureau d'imposition et ne se trouve pas lié par les conclusions des parties, le § 243, alinéa (3), AO lui conférant à cet égard le pouvoir de modifier l’acte décisionnel même en défaveur du contribuable. D’un autre côté, le directeur, qui doit instruire à charge et à décharge du contribuable, dispose encore des mêmes droits et obligations que le bureau d'imposition en ce qui concerne l'appréciation des éléments du dossier et de la situation factuelle à sa base pour s'assurer de la validité de la décision prise par le bureau d'imposition et il est tenu de prendre en compte tous les faits et circonstances susceptibles d’entraîner une modification de cette décision, de sorte qu’il doit tenir compte de toutes les demandes et de tous les moyens nouveaux susceptibles d’être produits en cours d’instance.

C’est partant à bon droit que l’Etat argue que la décision directoriale sur recours hiérarchique formel se substitue en tant que décision administrative finale à la décision initiale du bureau d'imposition et que celui-ci peut valablement y ajouter des bases légales qui sont, d’après son analyse, de nature à justifier sa décision.

Il est dès lors vrai que lorsque le tribunal a retenu dans le jugement entrepris qu’« étant donné que la décision du préposé du 12 juillet 2016 est entachée d’illégalité pour excès voire détournement de pouvoir et qu’elle gît à la base de la décision déférée qui la confirme, cette dernière encourt l’annulation pour excès voire détournement de pouvoir », cette analyse pourrait être comprise en ce sens que l’illégalité de la décision du bureau d'imposition - en raison du défaut de justification par les deux bases légales invoquées par lui - devrait entraîner, par cascade, l’illégalité de la décision directoriale subséquente.

Il n’en reste pas moins que le tribunal a établi cette analyse après avoir considéré en substance que le § 175 AO permet d’exiger de tiers la fourniture d’informations uniquement dans deux cas limitativement circonscrits, à savoir, soit pour l’exercice d’un contrôle fiscal, soit dans le cadre d’une procédure d’enquête fiscale, dans le but de l’établissement des créances fiscales, et que ni la décision du préposé du 12 juillet 2016 ni la décision directoriale déférée ne faisaient état d’un de ces deux motifs. Ce faisant, le tribunal a arrêté son analyse au niveau de la disposition qui prévoit le droit de l’administration de s’adresser à des tiers afin de pouvoir assurer sa mission d’imposition sans continuer son analyse jusqu’au stade subséquent des dispositions relatives aux exceptions au devoir de collaboration des tiers contenues aux §§ 176, 177 et 178bis AO, encore mises en avant par le directeur, qui auraient éventuellement permis aux parties intimées, en leur qualité d’avocats, de refuser la fourniture des renseignements sollicités. Le jugement entrepris précise en effet également qu’« étant donné que le paragraphe 177 (2) AO est une exception au principe général d’obligation de renseignement établi au paragraphe 175 AO, il n’y a pas lieu, au vu des conclusions qui précèdent, d’examiner les moyens et arguments développés à ce titre par les parties ».

Le défaut d’analyse, par le tribunal, des dispositions des §§ 176, 177 et 178bis AO découle partant moins d’un automatisme par lui affirmé d’une illégalité de la décision directoriale déférée, qui découlerait nécessairement de l’illégalité de la décision initiale du bureau d'imposition, mais plutôt de son analyse suivant laquelle le droit de l’administration de solliciter des renseignements de la part de tiers ne pourrait trouver, en son principe, application dans la constellation de l’espèce.

Par voie de conséquence, le moyen étatique ne saurait justifier en tant que tel la réformation du jugement entrepris et doit partant être écarté.

Quant au principe d’un droit de surveillance fiscale général de l’administration Arguments des parties L’Etat reproche au tribunal d’avoir écarté l’application du § 201 AO en y voyant un certain parallélisme avec les §§ 175 et suivants AO et en effectuant un rapprochement avec le mécanisme de l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale. L’Etat renvoie à plusieurs ouvrages de doctrine allemande, datant de l’époque où les dispositions de l’AO allemande coïncidaient avec celles en vigueur au Luxembourg, pour insister sur la distinction qui serait reconnue par les auteurs allemands entre le contrôle fiscal général (« allgemeine Steueraufsicht ») et les contrôles particuliers (« besondere Steueraufsicht ») auxquels certaines catégories de contribuables se trouvent soumises par des dispositions légales spécifiques, dont notamment le contrôle sur place prévu par le § 162, alinéa (9), AO et la procédure de la « Nachschau » instaurée par le §193 AO.

Par rapport aux pouvoirs relevant du contrôle fiscal général, l’Etat déduit des sources doctrinales citées par lui que le § 201 AO confèrerait à l’administration des bases légales suffisantes pour pouvoir requérir des renseignements susceptibles d’être utiles pour l’exacte perception de l’impôt, y compris par rapport à des cas d’imposition encore inconnus, voire des contribuables encore inconnus du bureau d’imposition. Il insiste également sur le fait que la doctrine allemande ne conditionnerait pas ce droit de surveillance fiscale à l’existence d’un soupçon précis ou d’une identification préalable des personnes concernées par les opérations de contrôle. Par voie de conséquence, toute assimilation ou analogie directe ou indirecte avec le mécanisme de l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale au niveau européen et international, dont notamment l’aspect d’une nécessité d’une finalité fiscale concrète et d’une identification préalable du contribuable visé par l’autorité étrangère requérante, ne se concilierait en toute occurrence pas avec la disposition du § 201 AO. L’Etat ajoute que cette analyse se trouverait également confirmée par le § 29, alinéa (2), AO qui obligerait même le préposé d’un bureau d’imposition à prendre en considération toute information et tout élément qui pourraient s’avérer fiscalement pertinents et non seulement des faits établis ou visant des personnes particulières dans le cadre d’une procédure d’imposition déjà engagée.

L’Etat conclut partant à la réformation du jugement appelé en ce qu’il aurait fait une application erronée du § 201 AO en ayant subordonné son application à la détermination précise et préalable des destinataires visés, alors même que cette disposition autoriserait manifestement de s’adresser aux tiers intermédiaires afin de récolter des informations sur des « unbekannte Steuerfälle ».

Les parties intimées critiquent le recours par l’Etat à la doctrine allemande qui soit la plus proche possible de la version originaire de l’AO de 1931 telle qu’elle a été maintenue en vigueur en 1944. Elles relèvent qu’un des auteurs cités par le délégué du gouvernement aurait publié son commentaire après la seconde guerre mondiale et sur base encore des conceptions du droit allemand sous le régime nazi tandis qu’un autre ouvrage de plusieurs auteurs serait cité par le délégué du gouvernement dans sa teneur des années 1960, voire de l’année 1971, alors même qu’il en existerait une version actualisée de l’année 2020. Elles estiment que ces sources doctrinales invoquées par l’Etat ne tiendraient pas compte de l’évolution générale des concepts juridiques qui serait intervenue depuis l’entrée en vigueur de l’AO, les éditions récentes de ces commentaires de l’AO à ce jour témoignant de la « montée en puissance des droits fondamentaux des individus et leur protection ». Elles notent également que l’Allemagne, « disposant d’un appareil étatique lui permettant de remanier en profondeur la Abgabenordnung en tenant compte de cette évolution des concepts juridiques », aurait procédé à plusieurs reprises à des refontes complètes de l’AO notamment afin de tenir compte de l’évolution de certains concepts juridiques et insistent sur la nécessité de tenir compte de l’interprétation actuelle des dispositions de l’AO allemande afin d’aboutir à des solutions conformes « aux exigences d’un droit post totalitaire et tenant compte des droits de l’homme et de l’évolution des concepts légaux et juridictionnels depuis 1931 ».

Les parties intimées soulignent à cet égard que sous l’égide des §§ 175 et 201 AO, la jurisprudence allemande aurait évolué vers l’application du principe de proportionnalité dans l’application de ces dispositions, cette application ayant eu pour conséquence l’exclusion de tout recours à des « fishing expeditions ». Ainsi, un arrêt du Bundesfinanzhof, ci-après le « BFH », du 13 février 1968 aurait soumis l’exercice du pouvoir du contrôle fiscal général à un contrôle judiciaire et à l’exigence de la conformité de cette surveillance aux règles de droit et au principe de proportionnalité. D’après les parties intimées, le commentaire cité par le délégué du gouvernement, encore empreint d’une idéologie et d’une conception de l’exercice du pouvoir étatique incompatible avec l’évolution des concepts du droit, ne pourrait servir de base pour l’interprétation des dispositions de l’AO sans tenir compte des évolutions ayant eu lieu en Allemagne par rapport à ces mêmes dispositions légales et à celles qui auraient pris leur relève.

Quant au droit de surveillance fiscale générale prévu par les §§ 29 et 201 AO, les parties intimées considèrent que ces dispositions imposeraient certes à l’administration de surveiller, de manière générale, l’évasion fiscale ou d’autres méthodes réduisant indûment les recettes fiscales, mais que ces dispositions ne constitueraient pas un blanc-seing pour l’administration afin de prendre n’importe quelle mesure intrusive et attentatoire aux droits fondamentaux des administrés sous le couvert de « la poursuite d’un but noble, la lutte contre l’évasion fiscale ». Plus particulièrement, ces textes ne conféreraient aucune compétence à l’administration fiscale pour exiger de tiers qu’ils délivrent des informations qu’ils détiendraient à l’égard d’hypothétiques contribuables dans le cadre de leur activité professionnelle. Tout au plus, le § 201 AO permettrait-il en son alinéa (3) d'exiger des déclarations sous serment d'un contribuable, faculté qui ne serait pas mise en avant par l'administration en l'espèce.

Les parties intimées ajoutent que le § 201 AO, au vu de son insertion dans le cadre global de l’AO, serait limité dans sa portée au territoire luxembourgeois et aux ressortissants fiscaux luxembourgeois, de sorte à ne pas pouvoir donner compétence à l’administration pour enquêter d'office au sujet de personnes qui ne seraient pas assujetties à la compétence fiscale luxembourgeoise. Or, des sociétés dites panaméennes ou off-shore ne seraient pas domiciliées au Luxembourg et aucun élément ne permettrait de les rattacher à la compétence territoriale fiscale du Luxembourg, dont notamment l'existence éventuelle d'un établissement stable luxembourgeois, de sorte qu'en fin de compte cette disposition ne saurait justifier la façon de procéder de l’administration en l’espèce. Pour le surplus, d'après les parties intimées, le § 29, alinéa (2), AO ne saurait pas non plus fournir une base légale au droit de l’administration de partir à la recherche d’informations dont elle ne sait même pas si elles existent et si elles concernent un contribuable résident, d'autant plus qu'il s'agirait d'aller rechercher de telles informations auprès d'un avocat soumis à un secret professionnel protégé.

L’Ordre affirme que s’il est vrai que la notion de « pêches aux renseignements » provient de la matière de l’échange de renseignements sur demande, il n’en resterait pas moins que ce critère devrait également être appliqué en droit interne. D’après l’Ordre, il serait contradictoire que ce critère soit utilisé par l’administration pour refuser une demande d’échange de renseignements sur demande formulée par une autorité étrangère, alors qu’en droit interne, ces pêches aux renseignements seraient exécutées par ses propres bureaux d’imposition. Ce serait partant à bon droit que les premiers juges auraient retenu que la demande de l’administration est à qualifier de pêche aux renseignements prohibée en ce qu’elle ne portait pas sur un contribuable précis et identifié.

L’Ordre précise enfin que le fait pour l’administration de se fonder exclusivement sur des renseignements publiés sur internet serait disproportionné et en contrariété avec le § 2 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », faute de démontrer que d’autres éléments en sus de cette publication auraient été considérés par l’administration. En outre, la violation du principe de proportionnalité par l’ACD résulterait encore du fait qu’elle se serait adressée à des avocats sans admettre l’existence de leur secret professionnel et sans faire état de justifications sérieuses pour fonder sa demande de renseignements.

Analyse de la Cour Aux termes du § 29, alinéa (2), AO, « die Vorsteher haben darauf zu halten, dass die Steuern in ihrem Bezirk nach dem Gesetz verwaltet und alle Steuerpflichtigen gleichmäßig behandelt werden. Sie haben alles, was für die Festsetzung der Steuern in ihrem Bezirk wichtig ist, sorgfältig zu erkunden und die Nachrichten darüber zu sammeln und fortlaufend zu ergänzen ».

Le § 201, alinéa (1), AO dispose que « die Steuerkontrollstellen haben darüber zu wachen, ob durch Steuerflucht oder in sonstiger Weise zu Unrecht Steuereinnahmen verkürzt werden ».

Le régime de la surveillance fiscale générale se trouve ancré essentiellement dans le § 201 AO introduit en droit allemand à travers un règlement d’urgence (« Notverordnung ») du 1er décembre 1930 (RGBl. 1930 I, S. 517).

Dans la mesure où le § 201, alinéa (1), AO se limite à énoncer une mission d’ordre général obligatoire à charge de l’administration sans énoncer autrement le régime de ses prérogatives et des actes qu’elle est appelée à prendre pour l’exécution de cette mission, c’est surtout le Reichsfinanzhof, ci-après le « RFH », qui a d’abord été amené à préciser le régime de la surveillance fiscale générale à travers ses avis et sa jurisprudence en confirmant une conception extensive du régime. C’est en effet à travers deux avis des 10 mars 1932 (avis 1/32, RStBl. 1932, 324) et du 20 mai 1933 (avis GrS D 4/32, RStBl. 1933, 520) que le RFH a consacré la conception générale que le § 201 AO a introduit une nouvelle forme de surveillance fiscale à l’égard de toute personne permettant à l’administration d’investiguer sur des cas d’imposition encore inconnus et qu’afin de satisfaire à cette mission de prévenir, d’une manière générale, les réductions indues d’impôts, l’administration devait se voir reconnaître le droit de procéder à des investigations et à des inspections même en dehors d’une procédure d’imposition en cours.

Il faut conclure à partir de cette analyse que la surveillance fiscale générale instaurée par le § 201, alinéa (1), AO est une surveillance étendue par rapport aux régimes particuliers de surveillance prévus respectivement par les §§ 190 à 200 AO et le § 162 AO, en ce qu’elle autorise l’administration à procéder auprès de toute personne à des investigations sur d’éventuels faits non encore révélés et potentiellement imposables dans le chef d’autres personnes encore inconnues, tandis qu’à l’opposé les mesures de surveillance particulières sont axées sur le respect de leurs obligations spécifiques par les personnes soumises à cette surveillance. A cette fin, l’administration peut faire usage de tous les moyens d’investigation mis à sa disposition par l’AO, dont ceux prévus dans le cadre de la procédure d’imposition.

Au vu du maintien en vigueur de l’AO en tant que loi de procédure relative aux impôts validés, tel que découlant de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 concernant les impôts, taxes, cotisations et droits, ci-après « l’arrêté du 26 octobre 1944 », et en l’absence de toute modification ou abrogation ultérieure du § 201, alinéa (1), AO par le législateur luxembourgeois, il faut en déduire que cette disposition revêt toujours en droit luxembourgeois le même contenu consistant à prévoir une procédure autonome de surveillance fiscale générale sur un pied d’égalité avec la procédure d’imposition relative à des cas d’imposition déterminés.

Il peut finalement être relevé que l’AO allemande actuelle prévoit dans son § 208, alinéa (1), n° 3, même suite aux différentes réformes opérées depuis l’année 1944, dans le chef de la « Steuerfahndung » le pouvoir de rechercher et d’enquêter sur des cas d’imposition inconnus, y compris des investigations tant sur des contribuables encore inconnus que sur des faits imposables non encore révélés.

Le principe même d’une telle mission de surveillance fiscale générale de l’administration n’est point de nature à se heurter à des principes élémentaires relatifs à l’encadrement des pouvoirs des autorités publiques ou aux droits fondamentaux des personnes, mais elle s’inscrit dans la lignée du principe constitutionnel de l’égalité devant l’impôt découlant des articles 10bis et 101 de la Constitution et au principe de la légalité de l’impôt impliquant que l’administration est tenue d’appliquer la loi fiscale dans toute sa portée et à l’égard de toutes les personnes soumises à l’impôt. Ce dernier principe trouve notamment son expression dans le § 204 AO qui dispose que « das Finanzamt hat die steuerpflichtigen Fälle zu erforschen und von Amts wegen die tatsächlichen und rechtlichen Verhältnisse zu ermitteln, die für die Steuerpflicht und die Bemessung der Steuer wesentlich sind ».

Les argumentations des parties doivent plutôt être examinées au niveau des conditions qui doivent être réunies afin que l’administration puisse se prévaloir du régime de la surveillance fiscale générale et des conditions sous lesquelles l’administration peut prendre des mesures d’investigation dans le cadre de ce régime à l’égard de personnes déterminées, étant donné que ce sont ces mesures qui affectent ces personnes dans leurs droits individuels.

Quant à cette question des prémisses qui devaient être vérifiées afin de permettre à l’administration de recourir à la procédure de la surveillance fiscale générale, il faut relever d’abord que le § 201, alinéa (1), AO ne précise pas formellement que certaines conditions doivent être remplies en vue de l’ouverture d’une procédure de surveillance fiscale générale, voire, au, contraire, que l’administration puisse procéder à des recherches aux mêmes fins sans motifs précis. Cette disposition doit dès lors faire l’objet d’une interprétation qui soit conforme aux exigences constitutionnelles en place.

Il y a lieu de rappeler à cet escient que la Cour constitutionnelle a déjà jugé que « les règles de primauté du Droit et de soumission de tout acte public ou privé à la règle de droit, toutes deux caractérisant le principe fondamental de l’Etat de droit, sont inhérentes à l’article 1 de la Constitution suivant lequel le Grand-Duché de Luxembourg est un Etat démocratique et à son article 51, paragraphe 1, suivant lequel le Grand-Duché de Luxembourg est placé sous le régime de la démocratie parlementaire ; Que le principe de légalité et l’article 95 de la Constitution constituent une émanation du principe fondamental de l’Etat de droit auquel ils participent » (Cour const. 28 mai 2019, n° 00146 du registre).

La Cour constitutionnelle a pareillement déjà retenu que « le principe de sécurité juridique, et ses expressions, tels les principes de confiance légitime et de non-rétroactivité des lois, font partie, par conséquent, des principes inhérents à tout système juridique basé sur le respect du droit.

Dès lors que toute règle de droit doit non seulement être suffisamment claire et accessible, mais également prévisible, la Cour constitutionnelle considère que lesdits principes sont également à rattacher au principe fondamental de l’Etat de droit, ce dernier devant agir selon les règles de droit, de sorte à renforcer la protection juridictionnelle de tout individu » (Cour const. 22 janvier 2021, n° 00152 du registre).

Ces principes d’ordre constitutionnel doivent, aux yeux de la Cour, être compris en ce sens que le principe fondamental de l’Etat de droit implique que la règle de droit doit notamment instaurer un cadre dans les limites duquel l’action de l’autorité publique doit se mouvoir afin d’assurer à tout individu la sécurité juridique nécessaire en vue de connaître à l’avance ces limites aux pouvoirs de l’autorité publique et de lui assurer une protection juridictionnelle effective.

Quant à la substance des limites à l’action de l’autorité publique que la loi doit instaurer en matière d’impôts, la Cour constitutionnelle a encore jugé que « la réponse à la question préjudicielle requiert la recherche d’un équilibre entre, d’un côté, les objectifs majeurs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales et l’évitement autant que possible de toutes les formes de blanchiment d’argent afférentes, sous-tendant notamment, en phase administrative préliminaire, les demandes d’échange de renseignements entre administrations fiscales de pays différents et, d’un autre côté, le respect des droits des contribuables visés, en tant que citoyens, plus particulièrement en ce qui concerne leur droit d’accès à un juge, l’existence d’un recours effectif et la protection de leur vie privée.

L’équilibre à trouver doit résulter d’une juste mise en balance, le principe de proportionnalité étant un principe à valeur constitutionnelle » (Cour const. 19 mars 2021, n° 00146 du registre).

La Cour constitutionnelle a retenu dans le même arrêt que « la CEDH et la Charte forment avec le principe fondamental de l’Etat de droit et les principes d’accès au juge et de recours effectif un socle commun ».

Si la Cour constitutionnelle a certes été appelée à se prononcer, dans l’affaire à la base de cet arrêt du 19 mars 2021, dans le domaine de l’échange de renseignements en matière d’impôts au niveau international, cette exigence, découlant du principe de proportionnalité, de la recherche d’un juste équilibre entre la finalité fiscale légitime de l’Etat et le nécessaire respect des droits des personnes, dont notamment la protection de leur vie privée, doit également être appliquée dans le cadre sous examen de l’exercice, par l’autorité luxembourgeoise compétente, d’une mission tendant à prévenir d’une manière générale les réductions indues d’impôts et l’évasion fiscale par rapport aux impôts luxembourgeois.

Or, une disposition de la loi qui autoriserait l’autorité compétente à procéder, dans un but de prévention générale des réductions indues d’impôts et de l’évasion fiscale, à des investigations comportant des mesures d’instruction imposant aux particuliers des obligations de collaboration, sans que le recours à ces pouvoirs soit soumis à certaines exigences de justification des mesures prises, exposerait les particuliers au risque concret d’ingérences dans leur vie privée sans aucune limite par rapport auxquelles une protection juridictionnelle effective ne pourrait pas leur être offerte. Une telle disposition légale ne pourrait pas être considérée comme respectant une juste mise en balance entre la finalité fiscale générale avancée et le respect des droits fondamentaux des particuliers.

La Cour se doit de conclure à partir de ces deux volets de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qu’afin de respecter les préceptes d’ordre constitutionnel, le § 201, alinéa (1), AO doit être interprété en ce sens que l’autorité compétente doit être en mesure de mettre en avant un motif concret lié à des manœuvres de réductions indues d’impôts ou d’évasion fiscale afin de justifier la mise en œuvre de la procédure de surveillance fiscale générale et le recours à des mesures d’instruction affectant la vie privée des contribuables.

Par ailleurs, comme les parties intimées l’ont valablement relevé, le BFH a également, en révisant sa jurisprudence antérieure, jugé à travers un arrêt du 13 février 1968 (GrS 5/67, BStBl. II 1968, 365) qu’une interprétation du § 201 AO en ce sens que la surveillance fiscale générale autoriserait l’administration à prendre toute mesure sans aucune condition irait à l’encontre d’un rapport juridique conforme à l’Etat de droit qui est de nature à impliquer précisément certains droits et une sécurité juridique en faveur des personnes soumises à des obligations fiscales à l’égard de l’Etat.

D’un autre côté, la Cour rejoint l’Etat dans sa pétition de l’exclusion de toute assimilation ou analogie directe ou indirecte avec le mécanisme de l’échange de renseignements sur demande en matière fiscale au niveau international. En effet, l’obligation pour un Etat requis dans le cadre d’une demande d’échange sur base d’un des instruments de droit de l’Union européenne ou international de procéder à un échange de renseignements se trouve en principe soumise à la condition que l’Etat requérant puisse définir précisément le cas d’imposition et la finalité fiscale visés, ainsi qu’identifier le contribuable concerné par la demande. Par contre, dans la mesure où la finalité du § 201, alinéa (1), AO consiste précisément dans la découverte de cas d’imposition encore inconnus, voire de contribuables non encore révélés, il ne saurait être exigé que l’autorité compétente doive préalablement définir le ou les cas d’imposition visés et identifier des personnes concernées avant de pouvoir recourir au § 201, alinéa (1), AO et exercer les pouvoirs lui conférés dans ce cadre.

En substance, il y a en conséquence lieu de retenir que le § 201, alinéa (1), AO doit être interprété en ce sens qu’afin de pouvoir se prévaloir de la procédure de surveillance fiscale générale y consacrée, l’autorité compétente doit être en mesure de présenter un motif justificatif consistant en des indices suffisamment concrets qui rendent probable une élusion ou une réduction indue d’impôts déjà achevée ou en cours.

La question essentielle qui doit partant être examinée en l’espèce est celle de savoir si l’Etat fait état d’un tel motif justificatif ayant légitimé le recours par le bureau d'imposition à la procédure de la surveillance fiscale et, dans ce cadre, à la mesure d’instruction litigieuse à l’égard des parties intimées.

A cet égard, l’Etat rappelle que les parties intimées auraient été priées le 12 juillet 2016 de fournir à l’administration des pièces et documents afin de vérifier l’exactitude des revenus déclarés de personnes tombant dans la souveraineté fiscale du Luxembourg suite aux révélations et publications dans la presse tant locale qu’internationale dans l’affaire dite « Panama Papers ». L’Etat souligne que les noms des parties intimées auraient en effet été cités dans ces publications sur internet librement accessibles au public pour avoir agi en tant qu’intermédiaires dans le cadre de la mise en place de structures sociétaires en relation avec le cabinet d’avocats panaméen MOSSACK-FONSECA. En raison de la désignation des parties intimées dans le cadre desdites structures, diverses informations leur auraient été demandées, dont notamment les identifications des sociétés créées à travers leur concours, leurs bénéficiaires économiques, la nature des prestations effectuées et les détails concernant les transactions effectuées.

La Cour constate qu’il se dégage effectivement des éléments en cause, dont notamment du site internet www.icij.org invoqué par l’Etat, qu’un consortium international de journalistes a analysé un nombre important de documents issus du cabinet d’avocats panaméen MOSSACK-FONSECA et mis le résultat de ses recherches à la disposition du public. Il se dégage encore des informations fournies sur ce site suite à l’analyse de ces documents, telles que relayées à l’époque par la presse internationale, que le cabinet panaméen était actif dans le domaine de la constitution de structures sociétaires établies au Panama ou dans d’autres territoires et ayant notamment servi à détenir des actifs et à percevoir des revenus sans que les identités des bénéficiaires économiques de ces structures soient connues, ce qui aurait notamment permis à ces derniers de ne pas être imposés sur les avoirs détenus par ces structures. Le site internet précité permet de faire des recherches dans une banque de données sur les structures sociétaires constituées par le cabinet panaméen en ventilant les résultats selon les pays et les personnes morales ou physiques établies dans ces pays et ayant assumé des rôles d’intermédiaires ou de mandataires dans le cadre de ces structures sociétaires.

C’est l’exécution d’une telle recherche qui a permis à l’ACD de découvrir que l’Etude (AB) figurait comme l’un des nombreux intermédiaires établis au Luxembourg et ayant été active dans la mise en place de structures sociétaires par le biais du cabinet MOSSACK-

FONSECA et de retracer des liens de cette étude avec au moins quatre sociétés off-shore. Le site permet ainsi de visualiser le résultat de la recherche dans la banque de données par le schéma suivant qui avait également été invoqué par l’Etat dans le cadre de son mémoire en réponse en première instance :

Ces informations, révélées dans le cadre de l’affaire dite des « Panama Papers » et, plus particulièrement, l’implication comme intermédiaire de l’Etude (AB), pouvait légitimement amener l’ACD à voir admettre qu’en tant qu’étude d’avocats basée au Luxembourg, elle avait possiblement contribué à mettre en place des structures sociétaires en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA potentiellement en faveur de bénéficiaires économiques finaux résidant au Luxembourg dans le but de permettre à ces derniers de soustraire des avoirs et revenus à l’impôt qui serait normalement dû au Luxembourg. L’ensemble de ces informations pouvait dès lors être considéré comme constitutif d’indices suffisamment concrets et plausibles de cas potentiels d’élusion d’impôts luxembourgeois.

Cette conclusion ne se trouve pas énervée par l’argumentation des parties intimées et de l’Ordre épinglant le fait que tous les documents à la base de ces révélations auraient été soustraits au cabinet MOSSACK-FONSECA et auraient partant une origine illégale. En effet, l’administration luxembourgeoise s’est limitée à examiner des informations accessibles publiquement sur un site internet tenu par un groupe international de journalistes spécialisé dans des investigations d’ordre international. Elle ne saurait partant encourir le reproche d’avoir directement exploité des données recueillies illégalement.

De même, l’argumentation tirée du caractère insuffisant ou peu fiable des informations retirées du site www.icij.org ne saurait être accueillie. Le § 201, alinéa (1), AO ne requiert en effet pas que l’administration puisse se prévaloir d’éléments factuels d’une consistance suffisante pour procéder directement à une imposition, mais seulement qu’elle mette en avant des indices suffisants qui rendent probables des manœuvres de réductions indues d’impôts ou d’évasion fiscale, le but étant précisément de procéder à des mesures d’instruction complémentaires tendant à établir la matière imposable et le contribuable auquel elle devra être imputée. En outre, le site www.icij.org permet de télécharger les documents à la base des recherches publiées et partant de vérifier l’exactitude des informations y contenues.

Il y a partant lieu de conclure à ce stade que le préposé s’est prévalu d’éléments factuels qui s’analysent en des indices suffisamment concrets rendant probable une élusion ou une réduction indue d’impôts déjà achevée ou en cours et qui constituent partant un motif justificatif, de manière qu’il a valablement pu recourir à la procédure de surveillance fiscale générale consacrée par le § 201, alinéa (1), AO et faire usage des moyens d’instruction ouverts dans le cadre de cette procédure.

Or, le seul moyen d’instruction mis en œuvre en l’espèce consiste en une demande de renseignements à des tierces personnes, effectuée à travers le courrier du préposé du 12 juillet 2016 et la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017 à l’adresse des parties intimées, telle que régie par le § 175 AO invoqué comme base légale par le préposé, le directeur et finalement l’Etat dans le cadre de la procédure contentieuse. C’est dans le cadre de la mise en œuvre de ce moyen d’instruction que le préposé, confirmé par le directeur qui s’est prévalu du § 177 AO, a écarté le secret professionnel des avocats comme motif justifiant le refus des parties intimées de donner suite à cette demande de renseignements.

Dans la mesure où les parties intimées et l’Ordre contestent à la fois le principe de la validité des §§ 175 et 177 AO, la légalité de leur mise en œuvre à travers la détermination des renseignements sollicités et le rejet de l’exception du secret professionnel des avocats, il y a lieu d’examiner successivement ces moyens.

Quant à la validité des §§ 175 et 177 AO Moyens des parties Premièrement, l’Ordre défend l’idée selon laquelle l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 aurait été adopté dans l’urgence et sans discussion des dispositions maintenues en droit interne. Renvoyant aux travaux parlementaires allemands ayant mené au § 177 AO actuel, l’Ordre fait valoir que l’adoption de cette disposition serait intervenue dans un contexte où les finances publiques allemandes auraient été « désastreuses ». Or, selon l’Ordre, la situation luxembourgeoise aurait été radicalement opposée à celle ayant existé en Allemagne, de sorte que l’introduction du § 177 AO en droit luxembourgeois ne devrait pas être reconnue.

Pour l’Ordre, il conviendrait de retenir ensuite que l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, en introduisant particulièrement les §§ 175 AO et suivants en droit interne, serait contraire à l’article 95 de la Constitution en ce que cet arrêté aurait été adopté en méconnaissance de la délégation résultant de la loi habilitante du 28 septembre 1938.

En outre, l’Ordre souligne qu’avant l’introduction des lois fiscales allemandes par l’occupant, le Luxembourg ne connaissait pas de disposition équivalente au § 177 AO. Il renvoie largement à l’exposé des motifs du projet de règlement grand-ducal du 24 mars 1989 précisant le secret bancaire en matière fiscale et délimitant le droit d'investigation des administrations fiscales, ci-après le « règlement grand-ducal du 24 mars 1989 », et à l’avis du Conseil d’Etat y relatif comme démonstrations permettant d’affirmer que le § 175 AO n’aurait jamais été appliqué par l’administration fiscale luxembourgeoise et qu’il n’aurait pu être valablement introduit en droit interne du fait de la contrariété de son essence aux principes d’ordre supérieur. Pour preuve de cette non-applicabilité, l’Ordre se fonde sur la décision directoriale litigieuse dans laquelle l’ACD admettrait que le § 177 AO s’appliquerait désormais du fait d’autres développements législatifs, notamment les dispositions légales contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. Pour l’Ordre, un tel raisonnement reviendrait à admettre que le § 177, alinéa (2), AO aurait été une « espèce de disposition mort-vivante se trouvant dans un état catatonique depuis 1944 (…) » et « [qu’il aurait été] sorti de cet état récemment pour dès à présent déployer tous ses effets ».

En dernier lieu, l’Ordre estime que ce serait à tort que les premiers juges ont reconnu que l’article 3 de la loi du 27 février 1946 aurait opéré une ratification législative dudit arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 en lui conférant force de loi.

Analyse de la Cour L’Ordre ne peut être suivi dans son argumentation selon laquelle l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 aurait été adopté en méconnaissance de la délégation résultant de la loi habilitante du 28 septembre 1938 et qu’il serait manifestement contraire à l’article 95 de la Constitution.

La Cour rappelle que la jurisprudence du Conseil d’Etat, dans ses attributions juridictionnelles antérieures dévolues au Comité du Contentieux, a déjà toisé ces prétentions infondées.

En effet, dans le cadre de l’arrêt Schwall du 8 décembre 1948 (n° 4582 du rôle), le Comité du Contentieux a dit pour droit que l’adoption de l’arrêté grand-ducal litigieux entrait dans les attributions exceptionnelles du pouvoir exécutif à qui il avait été reconnu des pouvoirs étendus du fait de la situation particulière traversée par le pays.

Plus particulièrement, le Comité du Contentieux s’est fondé sur les lois du 28 septembre 1938 et du 29 août 1939 portant extension de la compétence du pouvoir exécutif à partir desquelles il a retenu que le gouvernement était en droit d’adopter l’arrêté grand-ducal litigieux. En effet, le Comité du Contentieux a considéré que la légalité de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 ne saurait être remis en cause dans la mesure où « il rentr[ait] parfaitement dans les prévisions des lois des 28 septembre 1938 et 29 août 1939 portant extension de la compétence du pouvoir exécutif ».

Après avoir retenu que le gouvernement n’avait aucunement dépassé les pouvoirs lui reconnus par les lois précitées à travers l’adoption de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, le Comité du Contentieux a ajouté, à titre subsidiaire, qu’une loi postérieure avait, en tout état de cause, « légalisé » ce même arrêté. Plus précisément, le Comité du Contentieux a dit pour droit que l’arrêté grand-ducal précité « [a été] validé, pour autant que de besoin et légalisé par l’article 3 de la loi du 27 février 1946 concernant l’abrogation des lois de compétence de 1938 et 1939 et l’octroi de nouveaux pouvoirs spéciaux au Gouvernement ».

Dans son arrêt Bernard du 23 décembre 1964 (n° 5684), le Comité du Contentieux a réaffirmé cette analyse en jugeant « que le texte de l'article 3 constitue indubitablement une ratification, par le législateur, des arrêtés pris sur la base des lois habilitantes antérieures;

que cette ratification avait pour effet de conférer le caractère de véritables lois aux arrêtés pris en exécution des lois de compétence antérieures et de les mettre à l'abri de l'exception d'illégalité ».

La Cour a pareillement déjà fait sienne cette analyse dans un arrêt du 20 mars 2018 (n° 39844C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 472), confirmant de la sorte la jurisprudence du tribunal administratif découlant des jugements du 17 novembre 1997 (n° 9788 du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 3) et du 6 janvier 1999 (n° 10599 du rôle, Pas.

adm. 2020, V° Impôts, n° 3), qui avaient déjà retenu que la loi du 27 février 1946 concernant l’abrogation des lois de compétence de 1938 et 1939 et l’octroi de nouveaux pouvoirs spéciaux au Gouvernement avait opéré une ratification législative implicite dudit arrêté, de sorte à lui conférer la nature d'une véritable loi.

La Cour relève que le fait que l’Ordre a soulevé la non-accessibilité du jugement prévisé du 17 novembre 1997 ne saurait pour autant mener à nier son existence ni sa portée.

Le fait même que ce jugement, pourtant référencé dans le bulletin de jurisprudence de la Pasicrisie luxembourgeoise, a pu être difficilement accessible par l’Ordre, que ce soit en ligne ou à travers des publications spécialisées, ne saurait avoir pour effet qu’une solution de principe retenue dans ledit jugement ne saurait être reprise dans une affaire ultérieure.

Il est ainsi de jurisprudence constante que l’adoption de l’arrêté grand-ducal litigieux relevait des attributions du Grand-Duc et que cette compétence a été réaffirmée par la loi prévisée du 27 février 1946. Pareille compétence ne saurait en conséquence être utilement remise en cause à ce stade du fait de sa prétendue méconnaissance de l’article 95 de la Constitution.

Partant, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu la validité formelle de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, ensemble la loi prévisée du 27 février 1946, ce notamment en ce qu’il introduit plus particulièrement les §§ 175 AO et suivants.

Quant à la comparabilité des contextes politiques et économiques allemand et luxembourgeois au moment de l’adoption des §§ 175 AO et suivants dont se saisit l’Ordre, mais encore en ce qui concerne l’absence de dispositions comparables en droit interne avant l’introduction des lois allemandes par l’occupant, la Cour relève que ces moyens s’analysent, tout au plus, en questions d’opportunité politique qui ne sauraient invalider des dispositions légalement introduites et reconnues de manière constante comme valables depuis l’arrêt Schwall du 8 décembre 1948.

Par rapport à la question soulevée pour le surplus par l’Ordre relative à l’introduction valable des §§ 175 AO et suivants au regard de certains principes fondamentaux, le renvoi extensif à l’exposé des motifs du projet de règlement grand-ducal du 24 mars 1989 est inopérant.

Premièrement, il convient de nuancer la portée de cet exposé des motifs en ce qu’il relate essentiellement la question du droit d’investigation des administrations fiscales face aux établissements bancaires, qualité que les parties intimées devant la Cour ne revêtent nullement.

Deuxièmement, indépendamment des opinions opposées exprimées dans l’exposé des motifs du projet de règlement grand-ducal du 24 mars 1989 par le gouvernement d’antan, qui considérait en substance que les §§ 175 AO et suivants sont en principe applicables, mais avaient été implicitement rendus inapplicables aux banques au moment de l’adoption de la loi bancaire du 23 avril 1981, et par le Conseil d’Etat dans son avis y relatif, qui « opte donc principalement pour la thèse de la non-application de l'article 175 de la RAO en droit luxembourgeois et partant pour l'opposabilité du secret professionnel à l'égard de l'administration des Contributions directes » (projet de règlement grand-ducal précisant le secret bancaire en matière fiscale et délimitant le droit d’investigation des administrations fiscales, doc. parl. 3324, pp. 5 et 11), la Cour rappelle, là aussi, que ces travaux parlementaires ne sauraient porter à conséquence en ce que le législateur ne les a jamais suivis par l’adoption de dispositions législatives concrètes en vue d’en matérialiser le contenu en modifiant ou en abrogeant les §§ 175 AO et suivants afin de tenir compte des conceptions luxembourgeoises relatives au déroulement d’une enquête fiscale auprès de personnes autres que le contribuable.

En effet, alors même que l’AO a fait l’objet de plusieurs « toilettages » de ses dispositions jugées inopportunes ou inopérantes, notamment à travers la loi du 22 décembre 1993 sur l’escroquerie en matière d’impôts, la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et la loi du 23 décembre 2016 portant mise en œuvre de la réforme fiscale 2017, le législateur n’a cependant, à ce jour, pas jugé utile de remanier le régime du devoir de collaboration des tiers avec l’ACD.

Finalement, il faut ajouter qu’au vu de son libellé et de son insertion parmi les exceptions au principe de l’obligation de collaboration de tiers instaurée par le § 175 AO, le § 178bis AO doit être considéré comme confirmant implicitement l’applicabilité des §§ 175 AO et suivants (dans le même sens Alain STEICHEN, Le secret bancaire face aux autorités publiques nationales et étrangères, Bulletin Droit et Banque n° 24, p. 24).

En dernier lieu, la Cour ne saurait admettre l’argumentation de l’Ordre selon laquelle la pratique administrative démontrerait que l’ACD n’aurait, auparavant, jamais utilement mis en œuvre les §§ 175 AO et suivants.

D’une part, la Cour relève que l’Ordre a été contredit en fait sur cette affirmation par le délégué du gouvernement à l’audience des plaidoiries durant laquelle ce dernier a exposé que l’ACD faisait régulièrement usage des §§ 175 AO et suivants dans le déroulement de certaines de ses enquêtes fiscales.

D’autre part, la Cour rappelle que la pratique administrative ne saurait primer le droit positif et que l’applicabilité d’une norme de droit en vigueur ne saurait se mesurer à son degré d’application par l’administration compétente.

Ainsi, c’est à bon droit que le directeur n’a cessé de rappeler dans sa décision sous examen que « ni le § 175 AO, ni le § 201 AO n'ont été abrogés par la suite et depuis lors, de sorte qu'ils se trouvent toujours en vigueur à l'heure actuelle » ou encore « qu'on ne saurait prétendre que les §§ 175 et 201 AO, jamais abolis, seraient devenus désuets ou caducs, alors qu'il n'en est rien. ». S’il est vrai que le directeur a fait mention d’un changement de contraintes règlementaires, en citant « l’esprit du temps », il doit être relevé que ce commentaire n’a été aucunement employé pour justifier une prétendue entrée en application des §§ 175 et 201 AO après une longue période de non-applicabilité, mais plutôt pour justifier que l’applicabilité de ces dispositions depuis l’année 1944 se trouve d’autant plus confortée à l’heure actuelle alors que « l'esprit du temps tend actuellement clairement et plus que jamais à lutter vigoureusement contre la fraude et l'évasion fiscales ».

Il découle de ces développements que les moyens de l’Ordre tendant à voir dénier le principe de l’applicabilité des §§ 175 et 177 AO laissent d’être justifiés et que le préposé et le directeur ont valablement pu se fonder sur ces dispositions pour justifier la demande de renseignements litigieuse adressée aux parties intimées.

La Cour précise que les autres moyens des parties intimées et de l’Ordre ont trait au contenu même d’abord du § 175 AO et ensuite du § 177 AO et en substance à la question de savoir s’ils respectent certains principes d’ordre supérieur, de manière qu’ils seront examinés, le cas échéant, dans le cadre de l’examen de l’application de ces deux dispositions en l’espèce.

Quant à l’application du § 175 AO Moyens des parties L’Etat énonce que le § 175 AO attribuerait à l’administration, en tant que mesure d’investigation, le droit de solliciter des informations auprès de tiers qui les détiendraient et consacrerait ainsi le principe du « Auskunftsersuchen », c’est-à-dire le droit de l’administration de s’adresser à des personnes tierces afin d’obtenir la communication d’informations susceptibles de se révéler pertinentes pour un cas d’imposition ou pour un contrôle fiscal. L’Etat insiste sur le fait particulier que cette disposition permettrait à l’administration de s’adresser à tous tiers afin de solliciter des informations qui sont pertinentes (« von Bedeutung ») dans les deux cas de figure de l’exercice du contrôle fiscal général (« Ausübung der Steueraufsicht ») et d’une procédure d’imposition (« Steuerermittlungsverfahren »).

Par rapport au premier cas de figure de l’exercice du contrôle fiscal général, l’Etat se réfère à plusieurs ouvrages de doctrine allemande de l’époque d’après la seconde guerre mondiale qui confirmeraient que le pouvoir d’investigation de l’administration et celui consacré par le § 175 AO de solliciter des informations s’étendraient également à la révélation de cas d’imposition inconnus, voire de contribuables non révélés (« unbekannte Steuerfälle aufzudecken »). La doctrine allemande reconnaîtrait à cet égard l’existence d’une distinction entre la procédure du contrôle fiscal général, qui permettrait l’émission de demandes d’information dans le but de la révélation de cas d’imposition inconnus, et la procédure d’imposition dans le cadre de laquelle une demande d’information sur base du § 175 AO devrait se situer dans la finalité de l’investigation d’un cas d’imposition précis et déjà connu de l’administration.

D’après l’Etat, le jugement entrepris aurait omis de prendre en considération l’interprétation doctrinale précitée des dispositions pertinentes de l’AO, qui auraient toujours leur teneur initiale depuis leur réception en droit luxembourgeois, en retenant que l’administration aurait dû rechercher afin d’identifier la personne visée par un éventuel contrôle fiscal et qu’en l’absence d’une telle identification, l’administration aurait procédé à une pêche aux informations. Il souligne que, contrairement à cette analyse du tribunal, le reproche d’une pêche aux informations devrait être écarté puisque l’administration aurait correctement appliqué le § 175 AO et agi dans le cadre de ses attributions lui conférées par l’AO. L’Etat ajoute que le § 175 AO reconnaîtrait à l’administration un pouvoir d’investigation lui permettant de solliciter auprès de tout tiers les informations qu’elle considère comme étant potentiellement pertinentes dans le cadre de ses investigations quant à un éventuel cas d’imposition non encore connu.

L’Etat conclut partant à la réformation du jugement entrepris dans la mesure où il conditionne l’exercice des pouvoirs prévus au § 175 AO à des cas connus, précis et préalablement identifiés.

Les parties intimées soutiennent que le § 175 AO autoriserait l’administration à exiger des tiers qu’ils fournissent des informations seulement dans deux cas limitativement énumérés, à savoir en vue de l’exercice d’un contrôle fiscal ou dans le cadre d’une procédure d’enquête fiscale pour l’établissement de créances fiscales précises. En outre, cette disposition ne pourrait être invoquée qu’à l’égard de contribuables luxembourgeois résidents, ces derniers étant les seuls à être assujettis à l’impôt au Luxembourg. En outre, ce contribuable résident devrait être connu et l’administration ne saurait être admise à agir à l’aveuglette sans viser un contribuable déterminé et sans faire état d’un élément qui pourrait laisser penser qu’un contribuable résident aurait pu éluder ou tenter d’éluder l’impôt. Les parties intimées en déduisent que la demande d’informations en cause ne viserait aucunement à recueillir des informations importantes pour l’exercice d’un contrôle fiscal à l’égard d’une personne connue, tout comme elle n’aurait pas pour but de procéder à l’établissement de créances fiscales dans le cadre d’une enquête à l’égard d’un contribuable déterminé, aucune procédure d’enquête n’ayant été ouverte à l’encontre d’un contribuable luxembourgeois.

Sur base de ces arguments, les parties intimées concluent que l’administration ne serait pas fondée à exiger de tiers la communication d’informations telles celles en l’espèce sur base du § 175 AO et sollicitent partant la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

L’Ordre réitère également dans le cadre de l’application du § 175 AO son argumentation suivant laquelle le droit de communication de l’administration à l’égard de tiers ne serait pas illimité, mais resterait soumis au respect des critères d’équité et d’opportunité prévus par le § 2 StAnpG sous peine d’entacher la décision prise par l’administration de nullité. Il fait valoir que le critère découlant de la notion de « pêches aux renseignements » proviendrait certes de la matière de l’échange de renseignements sur demande, mais devrait également être appliqué en droit interne.

Analyse de la Cour Le § 175 AO dispose comme suit dans ses alinéas (1) et (2) pertinents en l’espèce :

« (1) Auch wer nicht als Steuerpflichtiger beteiligt ist, hat mit Ausnahme der als nahe Angehörige bezeichneten Personen (§ 10 Steueranpassungsgesetz) der Steuerkontrollstelle über Tatsachen Auskunft zu erteilen, die für die Ausübung der Steueraufsicht oder in einem Steuerermittlungsverfahren für die Feststellung von Steueransprüchen von Bedeutung sind.

Die Auskunft ist wahrheitsgemäß nach bestem Wissen und Gewissen zu erteilen. Wer nicht aus dem Gedächtnis Auskunft geben kann, hat Schriftstücke und Geschäftsbücher, die ihm zur Verfügung stehen, einzusehen und, soweit nötig, Aufzeichnungen daraus zu entnehmen.

Die Auskunft ist nach Form und Inhalt so zu erteilen, wie es die Steuerkontrollstelle nach den Gesetzen und Ausführungsbestimmungen vorschreibt.

(2) Die Auskunft soll, soweit dies durchführbar ist und nicht aus besonderen Gründen Abweichungen geboten sind, schriftlich erbeten und erteilt werden; die Steuerkontrollstelle kann jedoch das Erscheinen des Auskunftspflichtigen anordnen ».

A titre liminaire, la Cour relève qu’il n’est pas contesté en cause que les parties intimées sont à considérer comme des tiers au sens de cette disposition, la notion de tiers visant en effet toute personne qui n’est pas une personne concernée par une procédure d’établissement de l’impôt (« Beteiligter ») et qui est susceptible de tomber dans la souveraineté fiscale du Luxembourg en raison de sa nationalité ou de son domicile ou de son activité au Luxembourg.

Quant au champ d’application du § 175 AO, cette disposition distingue, comme le délégué du gouvernement le souligne à juste titre, deux cadres procéduraux différents, premièrement, celui de la surveillance fiscale (« Ausübung der Steueraufsicht ») et, deuxièmement, celui de la procédure d’imposition (« in einem Steuerermittlungsverfahren für die Feststellung von Steueransprüchen »).

Au vu de la mention expresse de la surveillance fiscale dans le § 175, alinéa (1), AO même, il y a lieu de conclure que le moyen d’instruction de la demande de renseignements à des tiers peut être utilisé dans le cadre tant des régimes de surveillance fiscale particulière que du régime de la surveillance fiscale générale. En effet, étant donné que le contenu du § 175 AO n’a pas subi de modifications depuis l’année 1919, l’ajout du régime de la surveillance fiscale générale en tant que nouvel instrument tendant à assurer l’exacte perception des impôts à travers l’insertion du § 201 AO par le règlement d’urgence (« Notverordnung ») prévisé du 1er décembre 1930 sans modification parallèle du § 175, alinéa (1), AO dans le sens d’une restriction de son champ d’application aux régimes de la surveillance particulière doit être compris comme l’expression de la volonté du législateur de l’époque de mettre le moyen d’instruction de la demande de renseignements à des tiers à la disposition de l’administration dans le cadre de tous les régimes de surveillance fiscale, dont le régime de la surveillance fiscale générale.

Cette applicabilité du § 175 AO dans le cadre à la fois du régime de la surveillance fiscale générale prévue par le § 201 AO et d’une procédure d’imposition doit également entraîner que les conditions de son usage doivent être celles du cadre procédural dans lequel le moyen d’instruction de la demande de renseignements aux tiers est mis en œuvre. Ainsi, alors que l’usage du pouvoir de demander des renseignements à des tiers dans le cadre d’une procédure d’imposition requiert que la demande tende à l’investigation d’un cas d’imposition précis et déjà connu de l’administration, le recours à ce même pouvoir dans le cadre d’une procédure de surveillance fiscale générale permet l’émission de demandes d’information dans le but de la révélation de cas d’imposition inconnus en ce qui concerne à la fois la matière imposable et le contribuable visé (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 175, Anm. 6 ; TIPKE-KRUSE, RAO-Kommentar, 1961, § 175, Anm. 2 ; KÜHN-KUTTER, RAO-Kommentar, 10. Aufl., § 175, Rz. 2).

Au vu de la conclusion tirée ci-avant par la Cour que le recours par le préposé à la procédure de la surveillance fiscale générale du § 201 AO était justifié, il y a lieu de conclure que l’usage du moyen d’instruction de la demande de renseignements par le préposé afin de requérir la soumission de certaines informations de la part des parties intimées est en son principe valable. Il faut partant écarter également dans le présent cadre de l’application du § 175, alinéa (1), AO en tant que mesure d’instruction sous l’égide d’une procédure de surveillance fiscale générale l’argument des parties intimées et de l’Ordre tendant à voir consacrer les exigences relatives à l’identification du cas d’imposition et du contribuable visés, telles qu’applicables en matière d’échange de renseignements sur demande dans un cadre international, et ce pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés ci-avant dans le cadre de l’analyse du § 201 AO.

Les argumentations des parties soulèvent pour le surplus en premier lieu la question de la conformité des renseignements concrètement demandés par le préposé aux parties intimées à l’ensemble des conditions délimitant les contours des éléments de fait (« Tatsachen ») quant auxquels des renseignements peuvent être demandés et la nature de ces derniers.

Quant au premier volet, le § 175 AO pose la condition que les éléments de fait par rapport auxquels l’administration peut exiger la soumission de renseignements de la part d’un tiers doivent être pertinents pour la révélation de cas d’imposition inconnus en ce qui concerne la matière imposable et/ou le contribuable visé (« für die Ausübung der Steueraufsicht … von Bedeutung sind »). Il faut donc que les renseignements demandés soient en relation avec un élément constitutif de bases d’imposition (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 175, Anm. 5).

Il en découle nécessairement qu’une demande de renseignements à un tiers dans le cadre de la surveillance fiscale générale n’est conforme à cette condition que si les éléments sollicités sont susceptibles de révéler des faits constitutifs de bases d’imposition que la loi luxembourgeoise soumet à une imposition au Luxembourg ou de permettre de déceler l’identité d’un contribuable auquel des bases d’imposition déjà précisément connues ou non, mais soumises à l’imposition par la loi luxembourgeoise sont susceptibles d’être attribuées.

En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la décision du préposé du 12 juillet 2016, confirmée par la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017, requiert des parties intimées la fourniture notamment des identités  « des sociétés créées après le 01.01.2006 par votre concours en ayant recours au cabinet d'avocats Mossack Fonseca ou une de ses sociétés partenaires ;

respectivement des sociétés créées avant cette date et actives au 01.01.2006 »,  des « bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés créées si ceux-ci sont des résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg », ainsi que  des « personnes qui ont été (sont) habilitée(s) à effectuer ces transactions avec pièces à l'appui ».

Il se dégage de la demande ainsi libellée qu’elle tend en réalité à voir révéler les identités de bénéficiaires économiques ultimes de structures sociétaires étrangères mises en place par les parties intimées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA pour autant qu’ils sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg en raison de leur qualité de résidents fiscaux ou en raison de revenus ou d’éléments de fortune rattachables au Luxembourg. Le but de la demande est dès lors celui de pouvoir faire le lien entre, d’un côté, des sociétés off-shore étrangères et les avoirs et revenus y placés et, d’un autre côté, les personnes qui en sont les bénéficiaires économiques afin de pouvoir ensuite vérifier si ces dernières ont perçu des revenus de la part de ces sociétés off-shore ou peuvent se voir imputer des éléments de fortune soumis à une imposition au Luxembourg.

Au vu de cette analyse, la demande du 12 juillet 2016 et la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017 doivent en principe être considérées comme sollicitant de la part des parties intimées en leur qualité de tiers des éléments de fait qui sont à qualifier comme pertinents dans le cadre de l’investigation effectuée par l’administration visant de possibles élusions fiscales par des personnes imposables au Luxembourg au vu des informations révélées par les « Panama-Papers ».

Par contre, dans la mesure où le premier point de la demande du 12 juillet 2016 invite les parties intimées à fournir les identités de toutes les sociétés étrangères créées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA en les délimitant seulement par le critère de leur caractère actif après le 1er janvier 2006 mais sans les limiter à celles dont les bénéficiaires économiques sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg, les identités des sociétés off-shore doivent être considérées comme renseignements non pertinents pour les besoins d’une éventuelle imposition au Luxembourg pour autant que les bénéficiaires économiques ultimes de ces sociétés ne sont pas des « résidents ou des non-résidents ayant des implications pour l'imposition au Luxembourg ».

Il s’ensuit que la demande du 12 juillet 2016 et la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017 sont certes justifiées pour l’essentiel en ce qu’elles tendent à obtenir les identités des sociétés off-shore pour autant que leurs bénéficiaires économiques ultimes sont résidents luxembourgeois, mais qu’elles ne sont pas, sur le point relatif à l’identification de toutes les sociétés créées, conformes à l’exigence imposée par le § 175, alinéa (1), AO du caractère pertinent des renseignements et que c’est à tort que le directeur a rejeté le recours hiérarchique des parties intimées contre la seconde décision comme étant non fondé sur ce point précis. Le jugement entrepris doit partant encourir la réformation partielle à cet égard.

Dans la suite du présent arrêt, l’analyse ne porte dès lors plus que sur les renseignements qui répondent à l’exigence de leur pertinence dans le cadre de l’investigation entamée par l’administration.

Quant au deuxième volet, une décision de l’autorité compétente de recourir à la mesure d’instruction de la demande de renseignements à l’adresse de tierces personnes sur base du § 175, alinéa (1), AO est qualifiée comme décision discrétionnaire, entraînant que l’administration jouit d’un pouvoir d’appréciation quant au principe du recours à une demande à un tiers et quant à la délimitation des renseignements dont la fourniture est requise (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 175, Anm. 5; TIPKE-KRUSE, RAO-Kommentar, 1961, § 175, Anm. 2).

En raison de cette nature, une telle décision se trouve soumise aux exigences découlant du § 2 StAnpG qui dispose que : « (1) Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht.

(2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmäßigkeit zu treffen ».

L’alinéa (1) impose à l’administration l’obligation de respecter les contraintes légales et les conditions auxquelles la loi soumet l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans la prise de ses décisions discrétionnaires.

L’alinéa (2) soumet à l’intérieur des limites extérieures tracées par l’alinéa (1) l’exercice du pouvoir d’appréciation au respect des principes de « Billigkeit und Zweckmäßigkeit ». Il établit le principe général, dans le cadre des procédures prévues en matière d’impôts directs, que chaque fois que l’administration se voit reconnaître un pouvoir discrétionnaire en vue de l’adoption d’une certaine décision, elle est tenue d’exercer son pouvoir de telle manière que sa décision soit conforme aux critères des « Billigkeit und Zweckmäßigkeit » qui sont communément traduits par les termes d’équité et d’opportunité.

La reconnaissance même d’un pouvoir discrétionnaire dans l’exercice de certaines prérogatives et la définition des deux critères délimitant ce pouvoir impliquent l’existence d’une certaine marge d’appréciation et d’une bande de contenu d’une décision endéans laquelle elle pourra toujours être considérée comme conforme à ces deux critères.

Le terme d’équité ou de « Billigkeit » vise d’une manière générale à vérifier le caractère approprié d’une décision par rapport à la situation concrète du destinataire de la décision et à l’incidence de cette dernière sur cette situation afin d’éviter de lui imposer une charge déraisonnable selon les circonstances concrètes. Ladite vérification doit être effectuée en fonction de la nature de la décision envisagée, notamment si elle est favorable au contribuable ou lui impose certaines obligations. Dans la mesure où l’intérêt de la collectivité publique à la prise de la décision doit également être pris en compte, le critère de la « Billigkeit » appelle dès lors en dernière analyse l’administration à respecter un certain équilibre entre les conséquences de la décision pour la situation personnelle du contribuable et l’intérêt public à la prise de la décision en question (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 2 StAnpG, Anm. 46 à 52, renvoyant notamment à BFH 29 avril 1965, IV 346/64, BStBl. III 1965, 466 ; KÜHN-KUTTER, RAO-Kommentar, StAnpG § 2, Anm. 4).

Par contre, la « Zweckmäßigkeit » comporte, en premier lieu, une limite « extérieure » à l’action de l’administration en ce que la mesure envisagée doit être conforme au but de la loi et à l’intention du législateur, dont surtout l’application des lois fiscales en conformité avec le principe d’égalité, et, en deuxième lieu, à l’intérieur de cette limite l’exigence que ladite mesure permette le mieux d’atteindre utilement le but recherché.

Une mesure adoptée par l’administration doit répondre à ces deux critères cumulatifs et le principe de proportionnalité imposant la recherche d’un juste équilibre entre la finalité fiscale légitime de l’Etat et le nécessaire respect des droits des personnes, dont notamment la protection de leur vie privée, doit être respecté, notamment au vu de la valeur constitutionnelle reconnue à ce principe (Cour const. 19 mars 2021, n° 00146 du registre).

Il y a lieu de préciser, à l’égard du cas concret de l’espèce où le destinataire d’une mesure prise sur le fondement du § 175 AO, dans le cadre de la surveillance fiscale générale, revêt la qualité professionnelle d’avocat, qu’il y a lieu de procéder à l’examen du respect des critères du § 2, alinéa (2), StAnpG en tenant compte de la qualité d’intermédiaire professionnel des parties intimées par rapport à la situation factuelle ayant donné lieu aux demandes de renseignements du préposé, mais en faisant abstraction de la qualité particulière d’avocat dans leur chef. La question relative à l’incidence de cette qualité professionnelle d’avocat sur l’obligation de fournir des renseignements en tant que tiers sur le pied du § 175 AO se trouve en effet spécifiquement régie par le § 177 AO.

Concernant le volet de la conformité de la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017 au critère de l’équité, le directeur a valablement relevé que les parties intimées avaient agi en tant qu’intermédiaires professionnels et étaient légalement tenues de collecter et de conserver l’essentiel des informations qui leur était demandées.

En effet, conformément à l’article 35-1 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ci-après la « loi du 10 août 1991 », « nonobstant les dispositions de l’article précédent et sous réserve de l’article 2 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, l’avocat est soumis aux obligations professionnelles suivantes telles que définies par cette loi:

– les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle conformément aux articles 3, 3-1, 3-2, 3-3 et 7 de cette loi, – les obligations d’organisation interne adéquate conformément à l’article 4 de cette loi et – les obligations de coopération avec les autorités conformément aux articles 5 et 7 de cette loi ».

Au vœu de la réserve contenue à l’article 2, alinéa (1), n° 12 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, ci-après la « loi du 12 novembre 2004 », dans sa teneur applicable au moment de la prise de la décision directoriale déférée, les avocats se trouvent soumis au respect des obligations énumérées par cette disposition non pas du chef de toute leur activité professionnelle mais seulement « lorsqu'ils :

a) assistent leur client dans la préparation ou la réalisation de transactions concernant :

I) l'achat et la vente de biens immeubles ou d'entreprises commerciales, II) la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs, appartenant au client, III) l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires ou d'épargne ou de portefeuilles, IV) l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés, V) la constitution, la domiciliation, la gestion ou la direction de fiducies, de sociétés ou de structures similaires, b) ou agissent au nom de leur client et pour le compte de celui-ci dans toute transaction financière ou immobilière ».

Les révélations d’ordre général contenues dans les publications sur le site www.icij.org, telles que résumées ci-avant, et la mention de l’Etude (AB) comme l’un des intermédiaires dans le cadre de la mise en place des structures sociétaires identifiées sur le site, conformément au schéma ci-avant repris, étaient de nature à faire supposer que les parties intimées avaient exécuté pour compte de clients des opérations rentrant du moins dans le champ des points a) V) et b) de l’article 2, alinéa (1), n° 12 de la loi du 12 novembre 2004.

Par voie de conséquence, l’administration pouvait valablement supposer que les parties intimées devaient détenir les informations qu’elles étaient légalement tenues de collecter dans cette hypothèse en exécution des obligations de vigilance à l’égard de leur clientèle imposées par l’article 3 de la loi du 12 novembre 2004, dont notamment celles de l’identification du client et du bénéficiaire effectif de la structure mise en place conformément aux distinctions et précisions contenues à l’article 3 de la loi du 12 novembre 2004.

Il s’ensuit qu’en sollicitant les identifications des sociétés créées avec le concours du cabinet MOSSACK-FONSECA et de leurs bénéficiaires effectifs soumis à une imposition au Luxembourg, la décision de sommation-astreinte du préposé du 22 mars 2017 ne requérait pas de la part des parties intimées la fourniture d’informations dont la collecte aurait pu être de nature à affecter le lien de confiance avec leur clientèle, mais essentiellement des renseignements que les parties intimées devaient recueillir, en tout état de cause, dans le cadre de l’établissement de leur relation d’affaires et de l’exécution des missions leur confiées et ce afin de se conformer aux obligations leur imposées par la loi du 12 novembre 2004 dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Les informations quant aux dates d’ouverture et de clôture des transactions, aux personnes autorisées à les effectuer et la nature des prestations exécutées par les parties intimées ne peuvent pas non plus être considérées comme excessives mais complètent les informations utiles quant à l’appréciation des structures sociétaires mises en place et à leurs incidences quant à un éventuelle assujettissement à l’impôt des bénéficiaires effectifs au Luxembourg.

Les renseignements sollicités par le préposé répondent partant au premier critère de l’équité (« Billigkeit »).

Quant au second critère de l’opportunité (« Zweckmäßigkeit »), il y a lieu de rappeler d’abord le constat ci-avant retenu de la pertinence des renseignements requis par le préposé.

Ensuite, il appert des éléments en cause que les parties intimées étaient, à la connaissance de l’administration, les seules personnes établies au Luxembourg et impliquées dans les structurations sociétaires révélées par les « Panama-Papers » dont l’identité était connue au moment du lancement de son enquête. Dans ces conditions, le fait par le préposé d’adresser aux parties intimées la demande de renseignements du 12 juillet 2016 et de réitérer cette demande à travers la décision en cause de sommation-astreinte du 22 mars 2017 afin de les amener à fournir les informations reconnues comme pertinentes quant aux identités de bénéficiaires économiques ultimes de structures sociétaires étrangères mises en place par les parties intimées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA pour autant qu’ils sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg en raison de leur qualité de résidents fiscaux ou en raison de revenus ou d’éléments de fortune rattachables au Luxembourg doivent être considérés comme permettant le mieux d’atteindre utilement le but de la loi d’une soumission effective de tous les contribuables à la loi d’impôt.

Le second critère de l’opportunité a partant également été rencontré à suffisance.

Il s’ensuit qu’au vu du respect des exigences posées par le § 175 AO même et des deux critères cumulés posés par le § 2, alinéa (2), StAnpG, la demande de renseignements du préposé du 12 juillet 2016 est conforme à ces dispositions et que c’est à tort que le jugement entrepris a abouti à la conclusion contraire. Les argumentations en sens opposé des parties intimées et de l’Ordre doivent dès lors être écartées.

La Cour est partant amenée à étendre son examen au dernier volet des argumentations des parties tenant à l’incidence du secret professionnel des avocats sur leur obligation de fournir des renseignements en tant que tiers et, plus particulièrement, quant à la validité et à l’application du § 177 AO qui régit en principe cette question.

Quant au § 177 AO Arguments des parties L’Etat met en exergue que le jugement entrepris n’aurait pas abordé la problématique relative à l’application du § 177, alinéa (2), AO qui déterminerait et circonscrirait le pouvoir d’investigation de l’administration par rapport aux avocats. Il argue que l’article 458 du Code pénal, consacrant d’une manière générale le secret professionnel, accepterait la levée du secret dans les hypothèses « où la loi les oblige à faire connaître ses secrets » et devrait dès lors être combiné avec les dispositions du § 177 AO. Or, tandis que l’alinéa (1) dudit § 177 admettrait une discrétion absolue pour les confidences dont les avocats sont témoins dans le cadre de leur mission de défense judiciaire d’un client, l’alinéa (2) du même § 177 exclurait l’application de l’alinéa (1) au cas où l’avocat a eu connaissance de faits lors de conseils prodigués ou de la représentation des clients en matière fiscale sauf si les faits en cause risquent d’entraîner des poursuites pénales dans le chef du client visé.

L’Etat en déduit que le secret professionnel des avocats devrait dès lors logiquement céder le pas lorsque la consultation du professionnel ne concerne aucune affaire pénale en cours ou en instance de l’être ou qu’on ne se trouve pas en présence d’un risque pour le mandant d’être exposé à des poursuites pénales en cas de divulgation des secrets en cause.

L’Etat souligne que les parties intimées n’auraient ni contesté leur intervention dans l’élaboration, le conseil et la confection des sociétés visées dans les « Panama Papers », ni fait état d’une quelconque procédure pénale, voire d’un risque concret d’une éventuelle auto-incrimination de la part d’un de leurs clients impliqués dans des structurations en cause.

Il indique finalement que la situation en cause se différencierait des dispositions de la partie III de l’AO intitulée « Strafrecht und Strafverfahren » qui aurait donné lieu à un certain moment à des questionnements quant à son interprétation au regard de sa qualification comme un droit pénal spécial, de telles discussions ayant trait à ladite partie de l’AO n’ayant pour le surplus plus aucun objet suite à une modification par la réforme fiscale 2017 qui aurait procédé « à un toilettage et abrogé bon nombre de paragraphes de cette partie ».

Sur base de ces développements, l’Etat conclut que les dispositions combinées de l’article 458 du Code pénal et du § 177, alinéa (2), AO offriraient « sans conteste » la possibilité à l’ACD d’avoir accès à des informations couvertes par le secret professionnel de l’avocat.

Quant au reproche étatique à l’égard du tribunal de ne pas avoir examiné dans quelle mesure l’administration fiscale aurait pu se prévaloir du § 177, alinéa (2), AO pour fonder sa démarche, les parties intimées relèvent que le tribunal aurait valablement estimé qu’il n’y avait pas lieu d’y procéder en raison de l’inapplicabilité du § 175 AO qui serait censé fonder en son principe l’obligation de communication des avocats.

Elles développent ensuite un certain nombre de réflexions plus fondamentales concernant la raison d’être et la portée du secret professionnel de l’avocat. Ainsi, l’article 458 du Code pénal, repris du droit belge, aurait pour but de protéger les confidences du client à un « confident nécessaire », en raison de l’exercice d’une certaine profession. La confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients répondrait à l’exigence que tout justiciable devrait avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à un avocat et le secret professionnel assurant cette confidentialité serait bien plus qu’une simple obligation contractuelle du praticien à l’égard de son client et participerait à l’ordre public. Elles insistent sur le fait que l’avocat serait constamment tenu par son secret professionnel et que la protection générale des confidences de son client constituerait l’un des engagements majeurs de l’avocat à l’égard de son client. Le secret professionnel de l’avocat constituerait dès lors un des piliers de son intégrité professionnelle et démontrerait toute sa diligence et son sérieux dans le respect de son engagement déontologique. L’article 458 du Code pénal prévoirait uniquement une possibilité que le professionnel soit amené à divulguer des informations confidentielles lorsque la loi l’y oblige et accepte pour ce cas l’application de sanctions pénales, mais ne saurait être considéré comme un blanc-seing permettant aux autorités nationales de s’emparer des informations confidentielles recueillies par les professionnels dépositaires de secrets. Dans ces conditions, l’insistance de l’administration sur la fourniture des renseignements demandés par le préposé dans son courrier du 12 juillet 2016 serait d’autant plus critiquable qu’elle reviendrait à sanctionner le strict respect de leurs obligations professionnelles par les parties intimées en leur qualité d’avocat.

Elles renvoient encore à la Recommandation sur la liberté d’exercice de la profession d’avocat, adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 25 octobre 2000 qui énoncerait que « les avocats ne devraient pas subir ou être menacés de subir des sanctions ou faire l’objet de pressions d’aucune sorte lorsqu’ils agissent en conformité avec la déontologie de leur profession » pour considérer qu’il serait regrettable de constater que la pression et la menace de sanctions exercées par l’administration sur les parties intimées alors même qu’elles se trouveraient dans le « parfait respect de leurs obligations professionnelles » contreviendrait gravement au principe que le Luxembourg se serait engagé à respecter pour préserver un système judiciaire équitable.

En ce qui concerne le § 177 AO, les parties intimées y voient la consécration du droit pour les avocats, sans distinction quant au domaine de leur activité, d’opposer le secret professionnel à l’administration fiscale lorsqu’elle exige des informations en application du § 175 AO. Elles considèrent qu’elles auraient exercé ce droit dans le plus strict respect de leurs obligations déontologiques.

Elles critiquent l’analyse du bureau d’imposition, confirmée par le directeur, suivant laquelle le secret professionnel de l’avocat ne serait pas opposable à l’administration lorsque l’avocat sollicité est un avocat d’affaires, en arguant que cette interprétation serait « particulièrement culottée » dans la mesure où la loi n’établirait aucune distinction entre les avocats en fonction de leur domaine d’activité et où le législateur aurait prohibé le droit de communication auprès des établissements financiers et bancaires. Elles rappellent à cet égard la teneur du § 178bis AO qui interdirait expressément à l’administration fiscale de demander des renseignements, aux fins de l’imposition du contribuable, à des établissements bancaires et autres établissements financiers. Elles font valoir que le but du législateur aurait ainsi été la protection des confidences faites par un client à son banquier, son gestionnaire de patrimoine familial ou tout autre professionnel du secteur financier quelle que soit l’opération réalisée par ces derniers. Alors même que les avocats n’étaient pas initialement visés par le § 178bis AO parce qu’ils n’étaient pas encore admis à exercer l’activité de domiciliataire de sociétés, cette faculté leur aurait cependant été ouverte par la loi du 31 mai 1999 régissant la domiciliation de sociétés sans que les exceptions au droit de solliciter des informations par l’administration n’aient été adaptées en conséquence. Les parties intimées estiment que cette absence d’adaptation du régime d’opposabilité du secret professionnel de l’avocat trouverait clairement son explication dans le fait que le secret professionnel de l’avocat était déjà protégé par le § 177, alinéa (1), n° 3, AO. La lecture des dispositions légales pertinentes faite par l’administration serait dès lors parfaitement incohérente en ce qu’elle aurait pour conséquence que les informations d’un client seraient mieux protégées lorsqu’il s’adresse à un professionnel du secteur financier que dans l’hypothèse où il s’adresserait à son avocat.

Elles ajoutent qu’alors même que les avocats seraient soumis à une obligation de déclaration de soupçon de blanchiment en fonction de leur activité exercée, cette soumission ne saurait justifier une opposabilité « à la carte » de leur secret professionnel qui serait une garantie ouverte à tous les justiciables souhaitant bénéficier des conseils d’un avocat sans que le législateur ait établi une distinction sur leur domaine d’activité. Elles renvoient à cet égard à l’exemple du régime applicable en France qui établirait un régime de stricte séparation entre l’activité d’avocat fiduciaire soumise aux mêmes obligations que les professionnels du secteur financier et les autres activités de l’avocat qui bénéficierait du régime du secret sans autres limites particulières. Ainsi, en l’absence d’une distinction comparable ancrée dans la loi luxembourgeoise, il faudrait en déduire que le législateur luxembourgeois aurait soumis le secret professionnel des avocats à un régime unique, de manière que le § 177, alinéa (1), n°3 AO s’imposeraient à l’égard de l’administration fiscale dans le chef de tous les avocats quelle que soit leur domaine d’activité et que les parties intimées ne sauraient être forcées à répondre aux demandes d’information litigieuses.

Les parties intimées se réfèrent en outre à l’évolution législative en Allemagne pour relever que le § 102 de l’AO allemande actuelle reconnaîtrait un droit de refus d’informations aux avocats afin de protéger leur secret professionnel sans prévoir d’exception à ce droit de refus.

Quant à l’exception à l’opposabilité du secret professionnel prévue par le § 177, alinéa (2) AO, les parties intimées font valoir que la distinction entre « avocat d’affaires » et « avocat en activité dite normale » telle qu’opérée par le directeur dans sa décision déférée, ne saurait emporter la conviction dans la mesure où tout avocat spécialisé ou non en matière de fiscalité pourrait être amené à donner des conseils fiscaux dans le cadre de son activité qu’elle soit axée sur le domaine de la fiscalité ou non. Elles soutiennent que l’existence même de cette exception poserait question en ce qu’elle ébranlerait les fondements du secret professionnel de l’avocat dont le strict respect serait le seul moyen pour les clients de pouvoir se confier librement et sans réticence afin de pouvoir bénéficier des conseils éclairés de son confident, et ce même en matière fiscale. Ainsi, le conseil et la représentation en matière fiscale ne sauraient déroger à ce principe dans la mesure où il serait inconcevable que l’on exige de l’avocat, ayant conseillé son client sur sa situation fiscale, qu’il communique les informations y relatives à l’administration fiscale, toute autre appréciation anéantissant le lien de confiance entre le client et son avocat. Les parties intimées ajoutent que l’exception ménagée par le § 177, alinéa (2) AO serait d’autant plus regrettable que dans l’immense majorité des cas où l’administration pourrait être intéressée à obtenir des informations relatives à un contribuable auprès de son avocat, ce serait précisément l’existence du conseil ou de la représentation qui rendrait la demande d’information pertinente pour le cas d’imposition. Cette exception viendrait dès lors réduire à néant la protection du secret professionnel de l’avocat face aux demandes d’informations émanant de l’administration fiscale.

Elles concluent encore à l’inapplicabilité de cette disposition en l’espèce en arguant qu’à aucun moment, l’administration n’aurait soutenu qu’elle aurait obtenu les informations en cause dans le cadre d’un conseil ou de la représentation en matière fiscale d’un contribuable et ce par rapport à un client particulier. Cette absence de justification de l’applicabilité de l’exception prévue par le § 177, alinéa (2) AO trouverait sa cause tout à fait simple dans le fait que l’administration n’aurait identifié aucun contribuable luxembourgeois que les parties intimées auraient pu conseiller ou représenter en matière fiscale. L’administration resterait selon eux en défaut de démontrer que les avocats auraient agi dans le cadre du conseil ou de la représentation en matière fiscale et que leur refus de donner la moindre information couverte par le secret professionnel serait dès lors parfaitement justifié par rapport à cette disposition.

Dans la suite logique de cette analyse, les parties intimées considèrent que même dans l’hypothèse où l’on se trouverait dans le cadre d’une exception au secret professionnel prévue par le législateur, des garanties spéciales de procédure devraient être prévues au regard de l’ingérence constituée par une obligation de communiquer des informations. Elles arguent que l’intervention du bâtonnier dans le cadre de procédures mettant en cause le respect du secret professionnel de l’avocat serait une garantie cruciale s’inscrivant dans le cadre de la nécessité de préserver la confiance entre l’avocat et son client et serait partant indispensable afin de respecter les exigences de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après « la CEDH ». Elles se réfèrent à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, ci-après la « Cour EDH », du 28 aout 2018 ayant reconnu la validité d’une visite domiciliaire chez un avocat et renvoient encore à l’article 35 de la loi organique sur la profession d’avocat qui imposerait l’assistance du bâtonnier à tous les devoirs visant à lever le secret professionnel de l’avocat. Les parties intimées renvoient encore à la situation légale en Belgique où l’administration fiscale serait tenue de passer par le filtre du bâtonnier pour toute demande d’informations relative à un client adressée à un avocat, l’article 334 du Code des Impôts sur le Revenu (CIR) belge imposant en effet l’intervention de l’autorité disciplinaire territorialement compétente chaque fois qu’un professionnel se prévaut de son secret professionnel à l’égard d’une demande de renseignements de l’administration fiscale. Les parties intimées en déduisent le rôle crucial du bâtonnier dans toute procédure visant à obtenir des informations confidentielles détenues par l’avocat et la nécessité de son intervention dans le cadre d’une telle procédure en tant que garantie indispensable à la préservation du secret professionnel, cette garantie n’ayant pas été respectée en l’espèce dans le cadre de la demande d’informations leur adressée par le préposé du bureau d’imposition.

A titre subsidiaire, les parties intimées invoquent le risque de poursuite pénale pour leurs clients au sens du § 177, alinéa (2), AO en exposant qu’au vu des propos contenus dans la décision déférée, les risques de poursuite pénale ne seraient pas à exclure, alors même que de telles poursuites seraient parfaitement infondées. Les parties intimées analysent en effet la décision directoriale en ce sens que les avocats visés auraient dû faire une déclaration de soupçon de blanchiment au bâtonnier conformément à la législation sur la lutte contre le blanchiment d’argent, ce qui véhiculerait une suspicion d’infraction primaire non appuyée par un élément tangible, entraînant que l’éventualité de poursuite pénale serait belle et bien insinuée dans ladite décision. Sur base de cette analyse, les parties intimées estiment que même en cas d’application du § 177, alinéa (2), AO, l’exception du risque de poursuite pénale à l’encontre des clients serait donnée ou serait vérifiée en l’espèce.

Les parties intimées invoquent finalement à leur profit l'article 8 de la CEDH dont l’application aux activités d'un avocat à son cabinet et à sa correspondance devrait être reconnue au vu de la jurisprudence de la Cour EDH.

Elles soutiennent en premier lieu que l'ingérence constituée par la demande d'informations litigieuse ne serait pas prévue spécifiquement par une loi valablement applicable en renvoyant à leurs développements quant à l'inapplicabilité des dispositions des §§ 29, 175, 177 et 201 AO.

En deuxième lieu, les parties intimées contestent la justification et l'étendue de la demande en cause en soulignant que sur base de la seule apparition du nom de leur cabinet d'avocats dans les « Panama Leaks », l'administration demanderait la totalité des informations relatives aux sociétés qui auraient pu être créées par le concours des avocats intimés et en ayant recours au cabinet d'avocats panaméen sur une période de temps d’au moins dix ans, sans être en mesure de nommer un quelconque contribuable, personne physique ou personne morale, envers lequel elle souhaiterait opérer des vérifications. Dès lors, tant la justification avancée que l'étendue de la demande formulée seraient hautement contestables et relèveraient d'une soi-disante « fishing expedition » laquelle ne serait pas conforme aux exigences de l'article 8 de la CEDH.

Elles ajoutent que la jurisprudence de la Cour EDH soumettrait des recherches effectuées dans un cabinet d'avocats à des exigences mêmes plus strictes en ce qui concerne la nécessité et la proportionnalité de l’ingérence constituée par une telle mesure. Selon eux, l'ingérence viserait clairement à rechercher les preuves d'une fraude imaginaire contre des contribuables inconnus qui auraient été conseillés par les parties intimées, de manière qu'elle ne saurait être considérée comme autorisée par l'article 8 de la CEDH.

Les parties intimées insistent également sur le champ disproportionné des informations visées par la demande du préposé du 12 juillet 2016, au motif qu'elle viserait l'ensemble de l'activité de conseil que les avocats visés auraient pu avoir en relation avec le cabinet panaméen MOSSACK-FONSECA.

Elles épinglent finalement le fait que cette procédure de demande d'informations aurait été effectuée en dehors de toute intervention du bâtonnier dont l'implication serait requise dès lors qu'une autorité entendrait s'immiscer dans la vie privée, le domicile et la correspondance d'un avocat. Ainsi, la Cour EDH aurait déjà jugé que les perquisitions et saisies chez un avocat porteraient atteinte à son secret professionnel et que ces ingérences devraient être assorties de garanties spéciales de procédure dont notamment la présence du bâtonnier ou d'un représentant de l'Ordre des avocats le tout sous peine de nullité de la démarche.

De son côté, l’Ordre, se fondant sur diverses jurisprudences en provenance de cours supranationales, notamment l’arrêt Michaud c. France (6 décembre 2012, n° 12323/11) de la Cour EDH, soutient que le secret professionnel de l’avocat serait d’ordre public et qu’il ferait partie des principes essentiels d’un État démocratique.

En outre, l’Ordre conteste catégoriquement la position de l’ACD selon laquelle le secret professionnel des avocats dépendrait de la nature des missions qu’ils exercent. Si la décision directoriale opérait une distinction entre les missions de défense et de conseil des avocats, le secret professionnel ne devant trouver application dans ce dernier cas selon l’administration, l’Ordre fait valoir que cette distinction ne résulterait aucunement de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat et que seule une distinction particulière existerait en application de la loi contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme.

A titre subsidiaire, l’Ordre soutient que le secret professionnel des avocats primerait les §§ 175 et suivants de l’AO. Cette interprétation serait, par ailleurs, confirmée par un commentaire au sein des Codes fiscaux, anciennement édités par l’ACD elle-même, et par la jurisprudence tant de l’ordre civil que de l’ordre administratif qui consacrerait la primauté du secret professionnel des avocats face aux investigations de l’administration et plus particulièrement par un arrêt de la Cour administrative du 1er mars 2012 (n° 28883 du rôle).

L’Ordre relève enfin que la décision directoriale ferait, à de multiples reprises, référence à la loi contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme comme base légale obligeant les avocats à coopérer avec l’ACD. L’Ordre signale qu’en application de la législation précitée, les avocats ne devraient nullement collaborer avec l’ACD, mais seulement avec la Cellule de renseignements financiers du Parquet.

A titre très subsidiaire et pour l’hypothèse où la Cour ne ferait pas droit à ses prétentions, l’Ordre demande à la Cour de saisir la Cour constitutionnelle de deux questions préjudicielles basées sur le principe d’égalité devant la loi.

Premièrement, l’Ordre demande à voir mesurer la conformité de la distinction opérée par le § 177 AO en termes de secret professionnel des avocats, selon qu’ils agissent dans le cadre d’une mission de défense ou d’une mission de conseil, à l’article 10bis de la Constitution.

Deuxièmement, l’Ordre entend voir contrôler les différents régimes de secret professionnel face à l’administration fiscale instaurés par le § 177, alinéa (2), AO, en faveur des avocats, et le § 178bis AO, à l’égard de certains professionnels du secteur financier, également à la lumière de l’article 10bis de la Constitution.

Analyse de la Cour Il est indéniable que l’avocat peut intervenir dans un large domaine d’activités. En effet, la loi du 10 août 1991 lui accorde en principe, à travers son article 2, le monopole pour l’assistance et la représentation en justice, ainsi que pour des consultations juridiques à titre habituel et contre rémunération et la rédaction d’actes sous seing privé pour autrui, mais ne délimite pas autrement les contours des activités qu’un avocat est autorisé à exercer. Il se dégage ainsi du Règlement intérieur de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, ci-après désigné par le « RIO », qu’un avocat peut notamment « être administrateur, gérant, membre du conseil d’administration ou de gérance de sociétés commerciales » (art. 2.2), « assister et/ou représenter ses mandants au cours d’une assemblée générale des associés, actionnaires ou sociétaires d’une personne morale, ainsi qu’à toute autre assemblée » (art. 2.3), « recevoir mandat de négocier, d’agir ou de signer au nom et pour le compte de son mandant » (art. 5.1), « accepter un dépôt ou une mission de séquestre conventionnel » (art. 5.2), voire exercer l’activité de domiciliataire de sociétés (art. 5.5), au vu de l’autorisation en ce sens prévue par l’article 1er de la loi modifiée du 31 mai 1999 régissant la domiciliation des sociétés.

Or, il est vrai que la Cour Supérieure de Justice a qualifié, déjà par arrêt du 26 mars 1915 (Pas. lux., t. X, p. 508), l’obligation du secret professionnel imposé à l’avocat comme étant d’ordre public. En outre, l’article 35, alinéa (1), de la loi du 10 août 1991 soumet l’avocat au secret professionnel conformément à l’article 458 du Code pénal, de manière à lui reconnaître expressément la qualité de confident nécessaire par profession au sens de cette dernière disposition. En effet, l’avocat reçoit des confidences pour les besoins de la défense des intérêts qui lui sont confiés en sa qualité professionnelle et l’obligation de respecter le secret professionnel est la prémisse nécessaire pour la confiance du client que les secrets par lui confiés à l’avocat ne sont pas divulgués par ce dernier.

Il est encore reconnu que le secret professionnel de l’avocat est justifié par la nécessité de protéger le justiciable et d’assurer l’effectivité de ses droits de la défense, étant donné que le justiciable doit avoir la garantie que les secrets qu’il confie à son avocat afin de défendre ses intérêts et droits ne pourront pas être révélés par celui-ci (en ce sens Cour const. belge, 26 septembre 2013, n° 127/2013). Ledit secret bénéficie ainsi d’une protection renforcée dans le cadre de l’application de l’article 8 de la CEDH qui couvre les activités professionnelles des avocats et notamment leurs échanges avec leurs clients (Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, n° 12323/11).

Au vu encore du rôle de l’avocat en tant que défenseur des justiciables, son secret professionnel est d’une nature particulière en ce qu’il constitue un des principes fondamentaux sur lesquels repose l’organisation de la Justice, de sorte qu’il représente un élément du principe fondamental de l’Etat de droit (Pierre Lambert, Secret professionnel, Bruylant 2005, p. 211).

D’un autre côté, la largeur des domaines dans lesquels l’avocat peut ainsi intervenir, en assumant les différents rôles en exécution des missions lui confiées par ses mandants, entraîne que ses activités peuvent en partie présenter des liens plus ou moins ténus, voire insignifiants avec sa mission d’assistance et de représentation des justiciables dans le cadre de litiges précontentieux et judiciaires ou en vue de leur prévention, laquelle mission justifie pourtant essentiellement la protection particulière accordée à son secret professionnel.

L’obligation au secret professionnel de l’avocat ne saurait dès lors être considérée comme absolue, mais « s’accommode de dérogations lorsque le devoir de divulguer le secret devient plus impérieux que celui de le respecter. L’avocat ne se trouve pas, à cet égard, dans une situation différente de celle des praticiens des autres professions tenues au secret professionnel, et les conflits de valeurs qui peuvent se présenter dans l’exercice quotidien de son activité professionnelle, ne se résolvent pas d’une manière différente » (Pierre LAMBERT, Secret professionnel, Bruylant 2005, p. 213). Le législateur peut ainsi définir des motifs d’intérêt général qui justifient l’obligation pour l’avocat de révéler, par exception à son obligation au secret professionnel, aux autorités des confidences de son client dans des limites définies.

Or, en la matière des impôts directs, le législateur luxembourgeois a maintenu en vigueur depuis l’année 1944 un régime du secret professionnel de l’avocat en tant que tiers face aux pouvoirs d’investigation de l’ACD qui est déterminé par le § 177 AO, lequel dispose comme suit :

« (1) Die Auskunft können ferner verweigern:

1. Verteidiger und Rechtsanwälte, soweit sie in Strafsachen tätig gewesen sind, 2. Ärzte über das, was ihnen bei Ausübung ihres Berufs anvertraut ist, 3. Rechtsanwälte über das, was ihnen bei Ausübung ihres Berufs anvertraut ist;

4. die Gehilfen der zu 1 bis 3 bezeichneten Personen hinsichtlich der Tatsachen, die sie in dieser ihrer Eigenschaft erfahren haben.

(2) Diese Bestimmung findet auf die zu 3 und 4 bezeichneten Personen insoweit keine Anwendung, als es sich um Tatsachen handelt, die bei Beratung oder Vertretung in Steuerangelegenheiten zu ihrer Kenntnis gekommen sind, es sei denn, dass es sich um Fragen handelt, deren Bejahung oder Verneinung ihre Auftraggeber der Gefahr einer Strafverfolgung aussetzen würde ».

Le terme « Verteidiger » vise la catégorie particulière, en droit allemand, des avocats, professeurs et personnes autorisés à représenter devant les juridictions pénales allemandes, laquelle catégorie n’a pas d’équivalent au Luxembourg. La notion des « Rechtsanwälte » doit être comprise au Luxembourg comme visant tous les avocats autorisés à exercer la profession conformément à la loi du 10 août 1991.

Le § 177 AO établit dans son alinéa (1) le principe de l’opposabilité du secret professionnel de l’avocat aux mesures d’investigation menées par l’ACD. Ce secret professionnel porte sur tous les éléments de fait concernant ses clients dont il a obtenu connaissance dans le cadre et en raison de l’exercice dans tous les domaines relevant de son activité professionnelle d’avocat soit directement de la part de ses mandataires soit d’autres sources mais en lien avec son activité. Le droit de l’avocat d’opposer le secret professionnel ne s’étend par contre pas aux éléments factuels dont il aurait eu connaissance en d’autres qualités qui sont exclues du champ du secret professionnel opposable à l’ACD, comme par exemple en sa qualité d’administrateur de société.

L’alinéa (2) du § 177 AO excepte de ce principe les éléments factuels qui ont été révélés à l’avocat par son client en lien avec une activité de conseil ou de représentation en matière d’impôts et quant auxquels il se trouve partant soumis à une obligation de renseignement par rapport à l’ACD conformément au § 175 AO.

L’exception à l’opposabilité du secret professionnel de l’avocat porte seulement sur les informations qui sont portées à sa connaissance dans le cadre exclusif d’une activité de conseil en matière d’impôts ou de représentation au sens du § 107 AO (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 177, Anm. 10). Ceci implique que les informations communiquées antérieurement à l’avocat dans le cadre de missions de représentation ou de conseil en dehors du domaine fiscal et simplement utilisées dans le cadre d’un conseil en matière fiscale restent protégées par le principe de l’opposabilité du secret professionnel de l’avocat (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 177, Anm. 10 ; TIPKE-KRUSE, RAO-Kommentar, 1961, § 177, Anm. 4). En outre, dès lors que l’avocat agit en tant que représentant ou conseil dans le cadre d’un litige précontentieux ou contentieux qui oppose son client à l’administration fiscale, le caractère d’ordre public et les fondements de son obligation au secret professionnel, ci-avant visés, impliquent que les renseignements qui lui ont été communiqués dans le cadre de cette mission rentrent dans le champ de ceux relatifs à l’exercice de sa mission de défense des intérêts des contribuables par rapport auxquels il peut opposer son droit de refus de coopérer consacré par le § 177, alinéa (1), n° 3 AO à l’ACD.

L’avocat ne saurait pas non plus être astreint à fournir des renseignements sur la nature et la consistance de ses propres prestations que dans la mesure où elles rentrent dans le champ du conseil ou de la représentation en matière d’impôts.

En quelque sorte en tant qu’exception à l’exception, le principe de l’opposabilité du secret professionnel de l’avocat aux mesures d’investigation de l’ACD par rapport à ses clients reprend son empire lorsque la réponse fournie par l’avocat aux questions lui adressées quant à son client risquerait d’exposer ce dernier à un risque de poursuites pénales.

Il y a encore lieu de préciser que l’avocat a seul le pouvoir de retracer à partir de ses dossiers le cadre dans lequel les renseignements sollicités par l’administration lui ont été fournis - en relation avec soit son autre activité professionnelle, soit une activité de conseil ou de représentation en matière d’impôts - et de décider de la réalité d’un risque de sanctions pénales pour son mandataire. En ce sens, il doit opposer son secret professionnel à une demande de l’administration seulement lorsqu’il peut valablement estimer sur base de son analyse de ses dossiers que l’un des motifs essentiels de refus de collaboration – éléments factuels lui communiqués dans le cadre de son activité professionnelle en dehors d’un conseil ou d’une représentation en matière fiscale ou risque d’exposer son client à des poursuites pénales en cas de révélation d’éléments factuels lui communiqués dans le cadre d’une activité de conseil ou de représentation en matière d’impôts – se trouve vérifié dans le cas concret (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 177, Anm. 11).

D’un autre côté, il incombe à l’avocat qui s’est vu adresser par un bureau d'imposition une demande de renseignements en tant que tiers sur pied du § 175 AO de procéder à cette analyse et de, soit communiquer au bureau d'imposition les renseignements sollicités en tant que relevant de l’exception à l’opposabilité de son secret professionnel prévue par le § 177, alinéa (2), AO, soit de l’informer de ce que, suivant son analyse, les renseignements requis sont couverts par son secret professionnel dans les limites établies par le § 177, alinéa (1), n° 3 AO.

Il s’ensuit que le législateur luxembourgeois a maintenu en place un régime qui accorde en principe au secret professionnel des avocats une protection par rapport aux mesures d’investigation de l’ACD, mais qui excepte de ce principe le domaine du conseil et de la représentation en matière d’impôts. Il faut en déduire que le législateur a estimé que par rapport à ce domaine d’activité possible d’un avocat, le motif d’intérêt général de la correcte perception des impôts légalement prévus dans le but de respecter l’égalité devant les charges publiques doit l’emporter sur la protection des confidences entre l’avocat et son client, de sorte que le premier doit révéler sur demande de l’administration les éléments factuels dont il a obtenu connaissance en raison de son activité de conseil et de représentation par rapport à la situation fiscale de son client, sauf l’hypothèse où la réponse donnée par l’avocat exposerait son client à un risque de poursuites pénales.

Au vu de la teneur du § 177 AO ainsi analysée qui apporte dans son alinéa (2) une exception au droit de l’avocat de ne pas coopérer avec l’administration quant aux éléments factuels lui communiqués par ses clients dans le cadre de son activité professionnelle, il y a lieu de rejeter pour être contraire aux dispositions formelles du § 177 AO l’argumentation des parties intimées et de l’Ordre qui tend en substance à faire rentrer l’intégralité de l’activité professionnelle de l’avocat, dont également son activité de conseil et de représentation en matière d’impôts, dans le champ de son droit de refus de collaboration instauré par le § 177, alinéa (1), n° 3 AO. Alors même que l’exception à l’opposabilité du secret professionnel des avocats ne recouvre pas tout le domaine d’activité des « avocats d’affaires » ainsi qualifiés par le directeur, il n’en reste pas moins qu’elle vise une activité qui se situe en dehors de l’assistance et de la représentation en justice.

Le § 177, alinéa (2), AO constitue dès lors clairement pour les avocats un « cas … où la loi les oblige à faire connaître ces secrets » au sens de l’article 458 du Code pénal.

Eu égard au caractère non absolu du secret professionnel de l’avocat, la demande de l’Ordre en vue de la soumission d’une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle quant à la conformité à l’article 10bis de la Constitution de la distinction entre le conseil et la représentation en matière d’impôts et les autres activités de l’avocat concernant l’opposabilité de son secret professionnel doit être rejetée sur base de l’article 6, alinéa 2, point b), de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle. Il n’appert en effet pas en quoi le § 177, alinéa 2, AO violerait le principe d’égalité devant la loi, étant donné que l’Etat doit être admis à considérer que tous ceux qui conseillent les contribuables doivent également collaborer avec l’Etat afin de lui permettre d’assurer la perception juste, exacte et effective des impôts dus conformément aux lois fiscales. La restriction prévue par le § 177, alinéa (2), AO à l’égard des avocats pratiquant le conseil et la représentation en matière d’impôts est en effet cohérente avec la disposition du § 199 AO qui accorde à l’administration un droit d’accès sur demande aux dossiers professionnels des conseillers fiscaux, dont les réviseurs d’entreprises et les experts-comptables.

Le renvoi, par les parties intimées et par l’Ordre, aux situations prévalant dans les pays voisins n’est pas non plus de nature à énerver cette conclusion.

Il est vrai qu’en Allemagne, le § 102 (1) n° 3 de l’Abgabenordnung actuelle consacre en faveur des « Verteidiger », des « Rechtsanwälte » et des « Patentanwälte » le droit de refuser des renseignements sur tout ce qui leur a été confié dans le cadre de leur profession, sans excepter le domaine d’activité du conseil fiscal, et la jurisprudence allemande étend le secret non seulement au contenu des relations entre l’avocat et son mandant mais également à l’existence même de la relation, de sorte que l’identité du mandant tombe en principe également dans le champ du droit de refus de renseigner (BFH 14 mai 2002, IX R 31/00, BStBl. II 2002, 712; 28 octobre 2009, VIII R 78/05, BStBl. II 2010, 455).

En France, l’article L86 du Livre des Procédures Fiscales (LPF) restreint le droit de communication de l’administration prévu en son principe par l’article L81 LPF par rapport aux avocats en ce sens que ledit droit ne peut porter que sur « l’identité du client, le montant, la date et la forme du versement, ainsi que les pièces annexes de ce versement ».

En Belgique, les avocats sont en principe soumis à l’obligation générale pour tous les tiers de répondre à des interrogations de l’administration afin d’être entendus et de se faire produire tous renseignements jugés nécessaires afin d’assurer l’exacte perception de l’impôt, telle que prévue par les articles 322 et 323 CIR, mais le secret professionnel entraîne que l’avocat doit veiller à s’abstenir de communiquer, même de manière indirecte, des pièces comportant l’identité de clients ou la nature des procédures diligentées pour des clients déterminés. En outre, en vertu de la disposition particulière de l’article 334 CIR, lorsque le secret professionnel est invoqué par l’avocat pour refuser de livrer certains renseignements et que l’administration n’entend pas accepter ce refus, elle doit solliciter l’intervention de l’autorité disciplinaire compétente qui tranche alors la question de l’opposabilité du secret professionnel par rapport aux renseignements demandés (Thierry AFSCHRIFT, Le secret professionnel et les obligations fiscales de l’avocat, Revue Générale du Contentieux Fiscal 2011/1).

Ce bref résumé des situations légales dans les pays voisins montre que ces derniers n’ont pas adopté un régime similaire qui s’imposerait en raison d’exigences découlant de principes ou de droits fondamentaux, mais que chacun d’eux a adopté un régime différent tenant compte à des degrés variés du caractère particulier du secret professionnel de l’avocat.

Or, la disposition du § 177 AO accorde également une protection du secret professionnel de l’avocat par rapport à la substance de son activité professionnelle en exceptant seulement le domaine du conseil et de la représentation en matière fiscale.

La comparaison du régime du secret professionnel de l’avocat prévu par le § 177 AO avec le traitement accordé au secret professionnel des établissements financiers par le § 178bis AO, tel qu’inséré dans l’AO par le règlement grand-ducal du 24 mars 1989, afin d’en tirer l’argument du non-respect de l’article 10bis de la Constitution n’est pas non plus de nature à affecter la validité du § 177 AO.

Il convient en effet de constater que le législateur a rattaché la question de l’opposabilité du secret professionnel à l’ACD au statut professionnel et non pas à l’activité précise en cause exercée par des personnes soumises à des statuts différents. Ainsi, les établissements financiers tels que définis dans les points 1. à 5. du § 178bis AO bénéficient de l’opposabilité intégrale de leur secret professionnel face à l’ACD, tandis que les avocats peuvent en principe opposer leur secret professionnel, sauf en matière de conseil et de représentation en matière d’impôts, et que les professionnels du chiffre, dont les réviseurs d’entreprises et les experts-comptables, ne peuvent aucunement opposer leur secret professionnel à l’ACD, mais doivent collaborer avec elle lorsqu’ils fournissent des conseils en matière d’impôts.

Or, au-delà du fait que tant certains établissements financiers que les avocats, les réviseurs d’entreprises et les experts-comptables peuvent être amenés à prodiguer du conseil fiscal dans le cadre de leurs activités respectives, voire même, à titre d’exemple, exercer l’activité de domiciliataire de sociétés conformément à l’article 1er, paragraphe (1), de la loi modifiée du 31 mai 1999 régissant la domiciliation de sociétés, le constat s’impose qu’ils exercent essentiellement des activités dont les noyaux respectifs diffèrent substantiellement.

Il faut en déduire que les professionnels exerçant ces activités de nature différente ne se trouvent pas dans des situations suffisamment comparables, de sorte que le législateur peut valablement les soumettre à des régimes d’exercice de leurs professions divergents même en ce qui concerne des aspects de leurs activités respectives qui pourraient se recouper avec celles d’autres professionnels visés. La demande de l’Ordre en vue de la soumission d’une question préjudicielle afférente à la Cour constitutionnelle quant à la conformité à l’article 10bis de la Constitution de cette distinction entre les établissements financiers et les avocats est partant à rejeter sur base de l’article 6, alinéa 2, point b), de la loi prévisée du 27 juillet 1997.

L’article 8 de la CEDH, dont les parties intimées et l’Ordre se prévalent en dernier lieu, dispose comme suit :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Comme la Cour l’a déjà relevé ci-avant, le secret professionnel de l’avocat bénéficie ainsi d’une protection renforcée dans le cadre de l’application de l’article 8 de la CEDH qui couvre les activités professionnelles des avocats et notamment leurs échanges avec leurs clients (Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c/ France, n° 12323/11). Il n’est en outre point contesté en cause que l’obligation faite à un avocat de révéler à l’autorité publique des renseignements concernant le contenu de ses prestations et de ses échanges avec ses clients s’analyse en une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance.

Une telle ingérence n’est conforme à l’article 8 de la CEDH que si elle satisfait aux critères cumulatifs posés par le paragraphe 2 de cette disposition, à savoir être prévue par la loi, poursuivre un but légitime et être nécessaire au but poursuivi.

Quant à la première exigence relative à la prévision de l’ingérence par la loi, il y a lieu de constater que, conformément à l’analyse opérée ci-avant par la Cour, l’obligation faite à l’avocat de révéler des éléments factuels quant à ses activités de conseil ou de représentation en matière d’impôts se trouve régie par les dispositions des §§ 175, 177 et 201 AO qui suffisent aux exigences d’accessibilité et de prévisibilité découlant de l’article 8 de la CEDH. Dans la mesure où la Cour a rejeté ci-avant l’argumentation des parties intimées tenant au défaut de validité de l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944 ayant maintenu en vigueur les dispositions de l’AO, ensemble la loi prévisée du 27 février 1946, le moyen tiré du défaut de prévision par la loi fondé sur cet argument est également à écarter.

Concernant la justification de ces ingérences et, plus particulièrement, la condition de la poursuite d’un but légitime visé à l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH, la Cour EDH a déjà itérativement admis que la finalité d’assurer le paiement effectif d’impôts rentre dans le but de la poursuite du bien-être économique du pays (Cour EDH, 14 mars 2013, Bernh Larsen Holding AS et autres c. Norvège, aff. 24117/08, § 106 ; 16 juin 2015, Othymia Investments BV c. Pays-Bas, aff. 75292/10).

Le critère de la nécessité dans une société démocratique implique plus particulièrement l’examen de la question de savoir si l’ingérence est proportionnée au but légitime poursuivi et si un juste équilibre a été ménagé entre l’intérêt général et les intérêts de l’individu.

Les parties intimées contestent le respect de cette exigence de proportionnalité en arguant en premier lieu que la demande de renseignements litigieuse s’analyserait en une « fishing expedition » en ce qu’elle solliciterait des renseignements concernant la totalité des sociétés « off-shore » créées avec le concours du cabinet MOSSACK-FONSECA sans être en mesure de désigner des contribuables particuliers envers lesquels l’administration entendrait opérer des vérifications et sans justifier une probabilité d’un droit d’imposition éventuel de l’Etat luxembourgeois.

En premier lieu, il échet de rappeler que la Cour a interprété ci-avant le § 201 AO précisément à la lumière et sous le spectre du principe de proportionnalité, impliquant la recherche d’un juste équilibre entre la finalité fiscale légitime de l’Etat et le nécessaire respect des droits des personnes, dont notamment la protection de leur vie privée, tel que reconnu par la Cour constitutionnelle dans son arrêt prévisé du 19 mars 2021, en ce sens que l’autorité compétente doit pouvoir mettre en avant un motif concret lié à des manœuvres de réductions indues d’impôts ou d’évasion fiscale afin de justifier la mise en œuvre de la procédure de surveillance fiscale générale et le recours à des mesures d’instruction affectant la vie privée des contribuables. La Cour a conclu que l’administration pouvait en l’espèce se prévaloir d’indices suffisamment concrets rendant probable une élusion d’impôts déjà achevée ou en cours et qui constituent partant un motif justificatif au sens du § 201 AO.

En outre, le § 175, alinéa (1), AO pose à cet égard la condition que les éléments de fait par rapport auxquels l’administration peut exiger la soumission de renseignements de la part d’un tiers doivent être pertinents pour la révélation de cas d’imposition inconnus en ce qui concerne la matière imposable et/ou le contribuable visé (« für die Ausübung der Steueraufsicht … von Bedeutung sind »). La Cour a examiné supra la conformité des renseignements sollicités dans la demande litigieuse du bureau d'imposition à ce critère et a jugé en substance que la demande du 12 juillet 2016 et la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017, confirmée par le directeur, doivent en principe être considérées comme sollicitant de la part des parties intimées en leur qualité de tiers des éléments de fait qui sont à qualifier comme pertinents dans le cadre de l’investigation effectuée par l’administration visant de possibles élusions fiscales par des personnes imposables au Luxembourg au vu des informations révélées par les « Panama-Papers », sauf que l’invitation aux parties intimées à fournir les identités de toutes les sociétés étrangères créées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA sans les limiter à celles dont les bénéficiaires économiques sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg, doit être considérée comme une demande de renseignements non pertinents pour les besoins d’une éventuelle imposition au Luxembourg.

Finalement, la Cour a déjà procédé à un examen du respect du principe de proportionnalité en application du § 2 StAnpG qui détermine les limites dans lesquelles l’administration peut recourir au moyen d’instruction de la demande aux tiers.

Egalement entrevus sous le prisme du critère de proportionnalité posé par l’article 8, paragraphe 2, de la CEDH, ces critères découlant des dispositions de l’AO doivent être considérés comme préservant un juste équilibre entre l’intérêt général et les intérêts du contribuable.

En effet, l’exigence tirée d’un motif justificatif suffisamment concret afin que l’administration fiscale puisse entamer une enquête et effectuer des mesures d’investigation est de nature à empêcher l’administration de procéder à des investigations qui porteraient atteinte au droit à la vie privée sans qu’un intérêt général découlant d’une perspective raisonnable de la découverte de cas d’imposition non encore révélés justifie les mesures prises.

A cet égard, il ne saurait être exigé que l’administration puisse indiquer dès l’ingrès des identités de contribuables visés sous peine d’annihiler toute possibilité pour l’Etat de rechercher sur des cas d’imposition inconnus jusque lors mais révélés seulement quant à leur existence probable dans le but de pouvoir préciser les bases d’imposition et de dévoiler les identités des contribuables auxquels ces cas d’imposition devraient être imputés en vue de leur imposition. Sous cet aspect, les considérations d’intérêt général tirées de l’exacte perception des impôts légalement dus justifient l’ingérence dans la vie privée en ce sens que les tiers peuvent être mis à contribution afin de fournir des renseignements utiles dans le but de clarifier le cas d’imposition en cause et de permettre à l’Etat de procéder à une imposition conformément à la loi d’impôt.

La seconde exigence relative au caractère pertinent des renseignements demandés aux tiers délimite le droit consacré au § 175 AO de solliciter des renseignements de la part de tiers de telle manière que l’administration peut seulement requérir des informations qui sont de nature à être utiles en vue de la détermination du cas d’investigation recherché sans pouvoir requérir la production d’éléments factuels issus de la vie privée de la personne requise qui ne seraient point susceptibles de servir à une imposition.

Enfin, l’examen de proportionnalité imposé par le § 2 StAnpG tend, entre autres, à préserver un juste équilibre entre l’intérêt public d’investiguer les cas d’imposition et le respect des droits fondamentaux des particuliers.

Ce premier volet de l’argumentation des parties intimées est partant à rejeter.

Ces dernières épinglent en deuxième lieu l’absence de garanties particulières en cas d’atteinte à leur secret professionnel par des mesures d’instruction de l’ACD et, plus particulièrement, l’absence d’intervention du bâtonnier.

Or, il convient de relever que la Cour EDH a requis la garantie procédurale particulière de l’assistance du bâtonnier essentiellement par rapport à des mesures d’investigation qui se sont déroulées soit dans l’étude ou au domicile de l’avocat (cf. Cour EDH 16 décembre 1992, Niemietz c/ Allemagne, n° 13710/88 concernant une perquisition au cabinet d’un avocat), soit ont été effectuées à l’insu de l’avocat (cf. Cour EDH 1er décembre 2015, Brito Ferrinho Bexiga Villa-Nova c/ Portugal, n° 69436/10 concernant la consultation des extraits bancaires d’un avocat) et qui présentaient la caractéristique commune d’avoir donné aux organes étatiques un accès direct aux dossiers et aux autres éléments des échanges entre l’avocat et ses clients et d’avoir prévenu toute faculté pour l’avocat d’empêcher ou de voir aménager cet accès afin de protéger son secret professionnel.

Il est vrai que la Cour EDH a également jugé que la CEDH n’interdit pas d’imposer aux avocats un certain nombre d’obligations susceptibles de concerner la relation avec leurs clients, notamment dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques, mais qu’il faut encadrer strictement de telles mesures au vu de la situation centrale des avocats dans l’administration de la justice. Elle a conclu à la proportionnalité du régime européen de la déclaration obligatoire de soupçons d’infractions de blanchiment par les avocats notamment sur base des deux constats, premièrement, que « l’obligation de déclaration de soupçon ne concerne donc que des activités éloignées de la mission de défense confiée aux avocats, similaires à celles exercées par les autres professionnels soumis à cette obligation » et, deuxièmement, que « la loi met en place un filtre protecteur du secret professionnel : les avocats ne communiquent pas les déclarations directement à Tracfin mais, selon le cas, au président de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou au bâtonnier de l’ordre auprès duquel ils sont inscrits » (Cour EDH 6 décembre 2012, Michaud c/ France, n° 12323/11).

Par rapport à la demande de renseignements adressée aux parties intimées par le bureau d'imposition, litigieuse en l’espèce, il convient de souligner en premier lieu que, conformément à l’analyse effectuée ci-avant par la Cour, l’obligation de collaboration de l’avocat ne trouve à s’appliquer que par rapport aux éléments factuels lui révélés dans le cadre exclusif d’un conseil ou d’une représentation en matière d’impôts à l’exclusion des éléments communiqués à l’avocat dans le cadre d’un litige précontentieux ou contentieux qui oppose son client à l’administration fiscale. Le devoir de collaboration ainsi délimité de l’avocat en tant que tiers à l’égard de l’ACD sur pied des §§ 175, 177 et 201 AO ne touche dès lors pas non plus à l’essence même de la mission de défense du justiciable qui constitue le fondement du secret professionnel des avocats.

En deuxième lieu, la Cour EDH s’est prononcée dans son arrêt prévisé du 6 décembre 2012 par rapport à un régime imposant aux avocats des déclarations systématiques et spontanées portant sur des opérations quant auxquelles un certain soupçon de l’existence d’une opération de blanchiment est justifié. Le devoir de collaboration prévisé et critiqué par les parties intimées et l’Ordre n’est par contre déclenché que dans des cas particuliers et uniquement suite à une décision individuelle de l’administration invitant l’avocat à fournir certains renseignements.

En outre, l’avocat reste maître de la vérification préliminaire quant à la délimitation des renseignements qui tombent dans le champ de l’obligation de collaboration conformément aux limites tracées par le § 177 AO ci-avant analysé, de manière que l’avocat peut assumer lui-même, dans le respect de ces limites, un rôle de « filtre protecteur ». Le défaut par le § 177 AO de prévoir un autre mécanisme particulier de protection du secret professionnel de l’avocat lorsqu’il est appelé à fournir des renseignements concernant ses clients en tant que tiers au sens du § 175 AO ne se heurte dès lors point aux exigences découlant de l’article 8 de la CEDH.

Il en découle que le régime d’opposabilité du secret professionnel de l’avocat à l’ACD lorsque sa collaboration est requise en tant que tiers, tel que mis en place par le § 177 AO, ne peut pas non plus être considéré comme incompatible avec les exigences de l’article 8 de la CEDH, de sorte que les argumentations en sens contraire développées par les parties intimées et l’Ordre sont à rejeter.

Par rapport à l’application du § 177 AO en l’espèce, la Cour tient à préciser que le bureau d'imposition a légitimement pu supposer, dans le cadre de la formulation de la demande de renseignements du 12 juillet 2016, qu’au vu de la désignation de l’Etude (AB) comme intermédiaire pour ses clients en vue de la mise en place de structures sociétaires par le biais du cabinet MOSSACK-FONSECA, elle a agi essentiellement dans le cadre de prestations de conseil et de représentation en matière d’impôts. Au vu de cette apparence, il a légitimement pu adresser à l’Etude (AB) la demande de renseignements en cause requérant la soumission des informations définies dans ladite demande.

Face à cette demande de renseignements, il incombait aux parties intimées de prendre position et d’invoquer, le cas échéant, son refus de collaboration sur le fondement de l’un des motifs repris au sein du § 177 AO.

Or, force est à la Cour de constater que les parties intimées ont certes réagi face à la demande de renseignements du 12 juillet 2016 à travers leur courrier du 10 août 2016 dans lequel elles informèrent le préposé de leur décision d’attendre la prise de position du Conseil de l’Ordre avant de pouvoir lui adresser leur réponse, mais qu’elles n’ont, par la suite, adressé aucune prise de position au préposé dans laquelle elles auraient justifié leur refus de communiquer les renseignements sollicités à partir d’un des motifs posés par le § 177 AO.

Dans ces conditions, le préposé a pu valablement constater, dans la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017, que la demande de renseignements n'avait pas été suivie d'effet et annoncer la fixation d’une astreinte en cas de « défaut de réception des informations et documents précités jusqu'au plus tard le 24 avril 2017 ».

Ce n’est que dans le cadre de leur recours contentieux que les parties intimées invoquent le risque de poursuite pénale pour leurs clients au sens du § 177, alinéa (2), AO. Or, elles n’avancent pas qu’elle aurait abouti à cette conclusion sur base d’un examen individuel des dossiers de mise en place de structures sociétaires par le biais du cabinet MOSSACK-FONSECA, mais avancent ce risque de manière globale « au vu des propos contenus dans la décision déférée » et, plus particulièrement, de la suspicion d’infraction primaire non appuyée par un élément tangible qui aurait dû entraîner une déclaration de soupçon de blanchiment au bâtonnier conformément à la législation sur la lutte contre le blanchiment d’argent. Or, une telle assertion d’ordre général ne peut pas être reconnue comme mettant valablement en avant un risque plausible de poursuites pénales à l’égard de certains clients visés et ne saurait partant valoir comme motif valable de refus de collaboration au sens du § 177 AO.

Les parties intimées ne se prévalent pour le surplus d’aucun autre motif de refus de collaboration.

Par voie de conséquence, à défaut de s’être vu communiquer une justification valable pour le refus apparent des parties intimées de se conformer à la demande de renseignements du 12 juillet 2016, c’est à bon droit que le préposé a pu sommer, à travers sa décision du 22 mars 2017, les parties intimées à fournir les renseignements y sollicités et leur annoncer la fixation d’une astreinte au cas où ils ne s’exécuteraient pas de leur obligation de communication. C’est aussi à bon droit que le directeur a rejeté le recours hiérarchique formel des parties intimées contre cette décision, étant donné qu’il ne s’est pas non plus vu soumettre un motif concret de refus de collaboration prévu par le § 177 AO.

Ce n’est que dans la mesure où le premier point de la demande du 12 juillet 2016 invite les parties intimées à fournir les identités de toutes les sociétés étrangères créées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA en les délimitant seulement par le critère de leur caractère actif après le 1er janvier 2006, mais sans les limiter à celles dont les bénéficiaires économiques sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg que des renseignements non pertinents pour les besoins d’une éventuelle imposition au Luxembourg ont été requis de la part des parties intimées. La demande du 12 juillet 2016 et la décision de sommation-astreinte du 22 mars 2017 ne sont, dans cette mesure, pas conformes à l’exigence imposée par le § 175, alinéa (1), AO du caractère pertinent des renseignements, de sorte que c’est à tort que le directeur a rejeté le recours hiérarchique des parties intimées contre la seconde décision sur ce seul aspect. Cependant, dans la mesure où la validité de la sommation de fournir les renseignements en cause est à confirmer pour l’essentiel, le montant de l’astreinte fixée dans la décision du 22 mars 2017 ne peut pas être considéré comme disproportionné.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel étatique est justifié en son principe en ce que le jugement entrepris encourt la réformation partielle en ce sens que la décision directoriale est annulée non pas intégralement mais seulement partiellement dans la mesure où elle confirme la demande aux parties intimées de fournir les identités de toutes les sociétés étrangères créées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA en les délimitant seulement par le critère de leur caractère actif après le 1er janvier 2006, mais sans les limiter à celles dont les bénéficiaires économiques sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg. Par contre, le recours des parties intimées contre la décision directoriale du 25 janvier 2018 est à rejeter pour le surplus.

La demande des parties intimées en allocation d’une indemnité de procédure à hauteur de 2.000 € est à rejeter, vu qu’il n’appert point des éléments en cause en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non répétibles à leur charge.

Au vu de la solution au fond, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à raison d’un tiers respectivement à l’Etat, aux parties intimées et à l’Ordre.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 6 novembre 2020 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du jugement entrepris du 29 septembre 2020, dit que la décision du directeur de l’ACD du 25 janvier 2018 (n° … du rôle) n’encourt pas l’annulation intégrale, dit encore que ladite décision n’encourt que l’annulation partielle dans la seule mesure où elle confirme la demande aux parties intimées de fournir les identités de toutes les sociétés étrangères créées en collaboration avec le cabinet MOSSACK-FONSECA en les délimitant seulement par le critère de leur caractère actif après le 1er janvier 2006 mais sans les limiter à celles dont les bénéficiaires économiques sont susceptibles d’être soumis à une imposition au Luxembourg, rejette le recours dirigé par les parties intimées contre la même décision comme étant non fondé pour le surplus, renvoie l’affaire devant le directeur de l’Administration des Contributions directes pour exécution, rejette la demande des parties intimées en allocation d’une indemnité de procédure à hauteur de 2.000 €, fait masse des dépens des deux instances et les impose à raison d’un tiers respectivement à l’Etat, aux parties intimées et à l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, et lu à l’audience publique du 13 juillet 2021 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier assumé de la ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2021 Le greffier de la Cour administrative 51


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45185C
Date de la décision : 13/07/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-07-13;45185c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award