GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 45434C Inscrit le 24 décembre 2020 Audience publique du 3 juin 2021 Appel formé par Monsieur (A), … (F), contre un jugement du tribunal administratif du 16 novembre 2020 (n° 42840 du rôle) en matière d’impôts - appel en garantie Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 45434C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2020 par Maître Philippe-Fitzpatrick ONIMUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à F-…, élisant domicile en l’étude de son mandataire, sise à L-1420 Luxembourg, 5-11, avenue Gaston Diderich, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 16 novembre 2020 (n° 42840 du rôle), par lequel il a été débouté de son recours en réformation sinon en annulation formé contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 13 février 2019 portant rejet de sa réclamation introduite contre un bulletin d’appel en garantie du 23 février 2018;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 22 janvier 2021;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 février 2021 par Maître Philippe-Fitzpatrick ONIMUS en nom et pour compte de l’appelant;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2021;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Philippe-Fitzpatrick ONIMUS en sa plaidoirie à l’audience publique du 22 avril 2021.
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Le 23 février 2018, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie en vertu du § 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931 (« Abgabenordnung », en abrégé « AO ») à l’égard de Monsieur (A) en sa qualité de représentant permanent de la société par actions simplifiée de droit français (AB) et de la société anonyme de droit luxembourgeois (CD), ci-après désignées respectivement par « la société (AB) » et « la société (CD) », ces deux sociétés étant administrateurs de catégorie A de la société anonyme (EF), ci-après désignée par « la société (EF) », déclarée en état de faillite par jugement du 18 janvier 2019.
Ledit bulletin est libellé comme suit :
« (…) Il est dû à l'Etat du Grand-Duché de Luxembourg par la société (EF). ayant son siège à L-…, immatriculée sous le numéro fiscal … et enregistrée au Registre de Commerce et des Sociétés sous le numéro … à titre de l'impôt sur les traitements et salaires:
Année Principal Intérêts Total 2016 2017 TOTAL … € Il résulte de la publication au Mémorial Numéro … du … que vous avez été nommé représentant permanent des sociétés (AB) et (CD), les deux sociétés étant administrateurs A de la société (EF) En cette qualité vous avez le pouvoir d'engager la société sous signature conjointe depuis le 29.10.2015.
En votre qualité de représentant permanent desdits administrateurs vous êtes en charge de la gestion de la société (EF).
Par conséquent et conformément aux termes des §§ 108 et § 103 AO, vous êtes personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (EF), dont notamment le paiement des impôts dus par la société (EF), à l'aide des fonds administrés.
En vertu de l'article 136 alinéa 2 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, l'employeur est tenu de retenir l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel.
En vertu de l'article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, l'employeur est tenu à déclarer et à verser l'impôt retenu à l'Administration des contributions directes.
En vertu de l'article 136 alinéa 6 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu et du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d'impôt sur les salaires et les pensions, l'employeur est tenu de présenter au bureau RTS compétent les comptes de salaires ainsi que tous autres documents comptables.
Dans le cas d'une société, conformément aux termes du § 103 AO, ces obligations incombant aux employeurs sont transmises à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers.
En votre qualité de représentant de la société (EF). il vous appartient de déclarer et de verser/de veiller à la retenue, à la déclaration et au versement de la retenue d'impôt due sur les traitements et les salaires du personnel.
Or pour les années 2016 à 2017 le paiement des salaires a été fait sans que les montants à retenir aient été continués entièrement au receveur.
L'omission de retenir, de déclarer et de payer les sommes dues à titre de retenue d'impôt est à qualifier d'inexécution fautive de vos obligations en tant que représentant de la société (EF).
L'omission de payer sur les fonds disponibles de la société (EF). les retenues échues avant votre entrée en fonction est à qualifier d'inexécution de vos obligations.
Suite à l'inexécution fautive de vos obligations, le receveur de l'Administration des contributions directes n'a pas perçu les retenues d'impôt d'un montant de … €.
Ce montant de … € se compose comme suit :
Année Principal Intérêts Total 2016 2017 TOTAL … € Considérant qu'en vertu du § 103 AO vous êtes tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société (EF).
Considérant que l'inexécution de ces obligations est à qualifier de fautive.
Considérant que l'inexécution fautive de vos obligations a empêché la perception d'impôt sur les traitements et salaires d'un montant de … €.
Considérant que dans la mesure où, par l'inexécution fautive de vos obligations, vous avez empêché la perception de l'impôt légalement dû, vous êtes constitué codébiteur solidaire de ce montant conformément au § 109 A0.
Considérant que le § 118 AO m'autorise à engager votre responsabilité.
Considérant le fait qu'en votre qualité de représentant vous êtes chargé de la gestion de la société (EF). j'engage votre responsabilité, l'appel en garantie s'élève au montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs.
Par conséquent, vous êtes invité à payer sans délai le montant de … €, sans préjudice des intérêts de retard ultérieurs, au receveur de l'Administration des contributions directes à Luxembourg au CCPL (…) ».
Contre ce bulletin, Monsieur (A) introduisit le 28 mai 2018 une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur ».
Par une décision du 13 février 2019, inscrite sous le numéro C 24902 du rôle, le directeur rejeta cette réclamation dans les termes suivants :
« (…) Vu la requête introduite le 28 mai 2018 par Me Philippe-Fitzpatrick Onimus, au nom du sieur (A), demeurant à F-…, pour réclamer contre le bulletin d'appel en garantie émis en vertu du § 118 de la loi générale des impôts (AO) par le bureau d'imposition RTS 1 en date du 23 février 2018 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu le § 119, alinéa 1er AO, ensemble les §§ 228 et 301 AO ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu'elle est partant recevable ;
Considérant que le bulletin attaqué a déclaré le réclamant codébiteur solidaire de l'impôt sur les traitements et salaires des années 2016 et 2017 au motif qu'il aurait, en sa qualité de représentant légal de la société anonyme (EF), commis une faute en ne veillant pas à ce que soient payées au receveur des Contributions, sur les fonds administrés, les sommes qui ont été retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d'impôt sur les salaires, et dont la société était (et est toujours) redevable ;
Considérant, à titre liminaire tout comme en matière de principe, que le représentant d'une personne morale est responsable du paiement des dettes d'impôt de la personne morale qu'il représente dans les conditions prévues aux §§ 103 et 109 AO ; qu'aux termes du § 103 AO il est tenu de remplir les obligations fiscales incombant à la société, notamment de remettre les déclarations fiscales dans les délais légaux et de payer sur les fonds qu'il gère les impôts dont la société est redevable (CE du 20 octobre 1981, n° 6902) ;
Considérant dès lors que dans la mesure où le représentant, par l'inexécution fautive de ces obligations, a empêché la perception de l'impôt légalement dû, il est, en principe, constitué codébiteur solidaire des arriérés d'impôt de la société, conformément au § 109 AO ;
que la responsabilité du représentant est à qualifier de fautive du moment que les impôts échus, même avant son entrée en fonction, ne sont pas payés sur les fonds disponibles de la société à l'administration ;
Considérant qu'il s'avère nécessaire dans ce contexte de mettre en exergue qu'en matière de responsabilité du fait personnel (article 1382 du code civil), l'auteur du dommage ne peut pas s'exonérer en invoquant une prétendue faute d'un tiers, lequel n'entrera en ligne de compte qu'au stade du recours entre les coresponsables ; que le gérant responsable sur le fondement du § 109 AO ne peut s'opposer à une poursuite au motif qu'elle n'a pas été engagée contre l'autre, quod non en l'espèce, étant donné que deux autres bulletins d'appel en garantie ont été émis à l'encontre des sieurs (B) et (C), les rendant ainsi codébiteurs solidaires au sens du § 7 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) ;
Considérant, matériellement, qu'en vertu de l'article 136, alinéa 4 de la loi concernant l'impôt sur le revenu (L.I.R.) l'employeur est tenu de retenir, de déclarer et de verser l'impôt qui est dû sur les traitements et salaires de son personnel ; que dans le cas d'une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise à celui qui a le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers (§ 103 AO) ; que la responsabilité de l'administrateur, voire du gérant, selon le cas, est à qualifier de fautive du moment que des paiements de salaires sont effectués sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle) ; qu'il en est de même en ce qui concerne les retenues échues avant son entrée en fonction, si, par sa faute, elles ne sont pas payées sur les fonds disponibles de la société ;
Considérant que sous l'empire du § 118 AO la poursuite du tiers responsable, à la différence de l'imposition du contribuable, est toujours discrétionnaire et exige de ce fait et en vertu du § 2 de la loi d'adaptation fiscale (StAnpG) une appréciation effective et explicite des circonstances qui justifient la décision en raison et en équité (BFH du 19 février 1965 StRK § 44 EStG R.13 ; jurisprudence constante pour RTS, notamment BFH du 24 novembre 1961, BStBl. 1962.37 ; 3 février 1981, BStBl. 1981 II 493 ; cf Becker-Riewald-Koch § 2 StAnpG Anm. 5 Abs. 3); que l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire implique une motivation quant au principe même de la mise en œuvre de la responsabilité d'un ou de plusieurs représentants, quant à la désignation du représentant dont la responsabilité est engagée et quant au quantum de sa responsabilité ;
Considérant qu'un manquement à une obligation fiscale découlant du § 103 AO dans le chef du représentant (« Vertreter ») d'une société n'est pas suffisant pour engager sa responsabilité en application du § 109, alinéa 1er AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d'appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l'exigence supplémentaire d'une inexécution fautive - « schuldhafte Verletzung » - des obligations du représentant de la société envers le fisc (Cour administrative du 22 février 2000, n° 11694C du rôle) ;
Considérant que la responsabilité du représentant est cependant à qualifier de fautive du moment qu'il n'accomplit pas ses obligations fiscales, dont notamment celle de veiller à ce que les impôts dus soient payés, même ceux datant d'avant son entrée en fonction, à l'aide des fonds administrés ; que cette dernière prémisse l'emporte, le cas échéant, ainsi de plein droit sur la situation telle qu'elle s'est présentée durant les années antérieures ;
Considérant dans ce contexte, et notamment d'après une jurisprudence constante, que le paiement de salaires sans retenue d'impôt et sans continuation des montants à retenir à l'administration des contributions directes est à qualifier de fautif per se (Cour administrative du 6 mai 2003, n° 15989C du rôle ; Cour administrative du 6 janvier 2011, n° 27126C du rôle ;
Tribunal administratif du 15 janvier 2009, n° 24145 du rôle) ;
Considérant encore qu'en ce qui concerne la notion de l'inexécution fautive, à savoir de la « schuldhafte Verletzung seiner steuerlichen Pflichten durch den Vertreter des Steuerpflichtigen » au sens du § 109, alinéa 1er AO, que la Cour administrative a consigné que :
1) « Dans la mesure où il n'est pas contesté que les bilans pour les années litigieuses n'ont pas été déposés dans les délais au RCS et que les déclarations fiscales n'ont pas non plus été déposées, ce qui a contraint le bureau d'imposition à procéder par la voie de la taxation d'office pour les années 2008 à 2010 et par la fixation d'avances pour les années 2012 à 2014, le bureau d'imposition a en principe valablement pu retenir une inexécution fautive dans le chef de l'appelant, étant donné qu'en sa qualité de gérant unique, il était conformément au paragraphe 103 AO personnellement tenu à l'accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société (…), de sorte qu'il était tenu de veiller au dépôt des déclarations fiscales et au paiement des créances d'impôt et que l'omission de ce faire est à qualifier de comportement fautif.
(…) Or, le fait pour l'appelant de ne pas avoir veillé, en tant que gérant unique de la société (…), à ce que les déclarations d'impôt soient déposées en temps utile auprès de l'administration des Contributions directes, est à qualifier d'inexécution fautive des obligations du représentant d'une société envers les autorités fiscales, de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle à l'égard des créances d'impôt visées dans le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. Cette conclusion ne saurait être invalidée par l'argumentation de l'appelant selon laquelle il serait inéquitable de le poursuivre personnellement après tous les efforts entrepris pour régulariser les affaires de la société, étant donné qu'il est resté trop longtemps inactif et qu'il semblerait, d'après les éléments du dossier, qu'il n'est devenu actif que lorsque le Parquet a décidé de demander la dissolution judiciaire de la société. » (CA du 23 août 2016, n° 38378C), et que :
2) « Les premiers juges ont essentiellement retenu que le « § 103 AO soumet les dirigeants d'une société à l'obligation de veiller à ce que les impôts dus soient payés au trésor public », pointant de la sorte essentiellement l'obligation des représentants d'une société de veiller au paiement des impôts dus (…).
La Cour ne saurait entériner cette vision des choses.
En premier lieu, il est erroné de limiter l'analyse sur l'obligation de paiement des impôts dus, mais il convient d'avoir égard à l'ensemble des obligations incombant au contribuable en vue de la fixation et du paiement de l'impôt dû.
(…) Cette façon de procéder au cours de la procédure d'imposition est aux antipodes de l'attitude que l'on peut attendre d'une société raisonnablement prudente et diligente et elle caractérise manifestement une violation des obligations incombant aux organes d'administration de la société (…). Le manquement ainsi dépeint est encore de toute évidence grave.
(…) (…), il se dégage de l'ensemble des considérations qui précèdent que Monsieur (…) a de façon prolongée rendu impossible la détermination exacte des bases d'imposition et qu'il a singulièrement et fautivement manqué de remplir les obligations fiscales qui lui incombaient en tant que représentant de la société (…), de sorte que les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les impôts visés par le bulletin d'appel en garantie litigieux se trouvent réunies en cause. » (CA du 31 janvier 2017, n° 38343C) ;
Considérant qu'il découle de ce qui précède que c'est à tort que le réclamant, en tant qu'administrateur de catégorie A à deux reprises à travers les sociétés (AB) et (CD), ayant par ce biais été en mesure d'engager la société anonyme (EF) par sa signature, estime sa responsabilité personnelle ne pas devoir être engagée, de sorte que la mise à charge des arriérés de la société (EF), au titre de la retenue d'impôt sur les traitements et salaires des années 2016 et 2017, ainsi que les intérêts de retard y relatifs, est parfaitement justifiée en ce qui le concerne ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2019, Monsieur (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale précitée du 13 février 2019.
Par jugement du 16 novembre 2020, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclara non justifié et en débouta, dit qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation et condamna le demandeur aux frais de l’instance.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 24 décembre 2020, Monsieur (A) a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Il précise, en complément de l’exposé des faits soumis en première instance, qu’il aurait rencontré en 2015 Monsieur (B) qui l’aurait convaincu d’investir dans un projet de développement de stockage d’énergie révolutionnaire, dont l’inventeur serait un dénommé (D).
Etant actif depuis des décennies dans le domaine du transport et s’intéressant aux énergies renouvelables, il aurait cru à cette invention au point d’investir un montant total de … euros dans la société (EF) et sa société mère, la société (CD). Il aurait été incité par Monsieur (B) à injecter cet argent dans plusieurs structures, l’une dédiée à la recherche et au développement et l’autre à la future commercialisation du produit. Afin de pouvoir suivre le projet de près, il se serait fait nommer membre des organes d’administration de la plupart des sociétés récipiendaires de son argent.
L’appelant soutient avoir été « berné » par Messieurs (B) et (D) et qu’il n’aurait eu ni doutes ni soupçons durant les premiers exercices.
Il aurait même été convaincu par Monsieur (B) d’investir dans d’autres projets. Il aurait régulièrement alimenté les comptes courants des sociétés dirigées par ce dernier, qui aurait alors disséminé l’argent sur les comptes des autres sociétés. Il aurait été de plus en plus difficile de retracer l’utilisation de l’argent investi par ses soins. D’ailleurs, Monsieur (B) aurait insisté pour obtenir un pouvoir de signature seul sur les comptes bancaires de la société (EF) à hauteur de … euros par transaction.
L’appelant précise qu’il aurait finalement commencé à demander à Monsieur (B) des comptes de plus en plus précis et qu’il se serait montré de plus en plus insistant, notamment durant les années fiscales litigieuses. Face à la rétention d’information pratiquée par Monsieur (B), il ne lui aurait pas été possible de surveiller l’accomplissement des tâches par ce dernier, qui aurait invoqué de nombreux prétextes, tels que le changement de comptable et de fiduciaire ou la perte de documents.
Ce ne serait qu’à l’automne 2017 qu’il aurait réalisé avoir été « berné par deux escrocs » et il aurait alors démissionné de ses fonctions d’administrateur le 12 décembre 2017.
Il aurait toutefois continué à faire des démarches et, après des mises en demeure infructueuses afin d’obtenir la préparation des comptes et la tenue d’une assemblée générale des actionnaires, des procédures judiciaires auraient été introduites.
En droit, l’appelant soutient que ce serait à tort que les premiers juges ont retenu dans son chef l’existence d’une inexécution fautive, en faisant valoir qu’il serait la principale victime dans cette affaire. Il conteste tout comportement fautif dans son chef, tout en rappelant que la jurisprudence exigerait une inexécution fautive des obligations du représentant de la société, le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale ne suffisant pas pour l’appeler en garantie.
Il précise que sa décision de démissionner aurait concerné tous ses mandats d’administrateur dans les sociétés soit gérées, soit détenues même partiellement par Monsieur (B). Des instructions auraient été données à la fiduciaire habituelle de son groupe de transport de procéder aux publications nécessaires. Mais, la fiduciaire n’aurait pas, suite à un malentendu, publié la démission de représentant permanent de la société (CD) au sein de la société (EF). Ainsi, la démission de la société (AB) et sa démission comme représentant permanent de la société (CD) n’auraient été publiées au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg que le 14 juin 2018. Il n’en demeurerait pas moins qu’il aurait démissionné de la société (CD) le 12 décembre 2017 en tant qu’administrateur de la société (CD), en tant que représentant personne physique de la société (AB) et en tant que délégué à la gestion journalière. Il en conclut que de facto, il n’aurait plus été le représentant permanent des sociétés (AB) et (CD) à partir du 12 décembre 2017 dans le conseil d’administration de la société (EF), la publication au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg n’ayant eu pour seul but que de se mettre en conformité avec l’article 441-3, alinéa 3, de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, ci-après désignée par « la loi du 10 août 1915 ».
L’appelant fait ensuite valoir qu’il aurait été évincé de la gestion journalière de la société (EF) dans la mesure où Monsieur (B) se serait comporté en administrateur unique et se serait emparé de la direction de la société (EF) et de celle d’autres sociétés, de sorte qu’il y aurait lieu de faire application de la théorie du mandat apparent et de considérer que Monsieur (B) était seul en charge de la gestion de la société (EF). Il soutient dans ce contexte que la procuration qu’il aurait donnée à Monsieur (B), laquelle, selon les premiers juges ne permettrait pas de le délier de sa responsabilité, ne permettrait pas de tenir en échec l’apparence d’administrateur unique de Monsieur (B).
Il reproche ainsi aux premiers juges de ne pas avoir tiré les conclusions qui s’imposaient des éléments du dossier. Il insiste sur la difficulté à prouver l’existence de tous les échanges ayant eu lieu entre actionnaires et coadministrateurs dont la plupart aurait été oraux. Il estime toutefois qu’il se dégagerait des pièces du dossier qu’il n’aurait pas négligé son devoir de surveillance et de contrôle des agissements de Monsieur (B). Il ajoute que contrairement à ce dernier, son propre mandat aurait été gratuit. Or, d’après lui, la responsabilité du mandataire à titre gratuit serait moindre que celle d’un mandataire rémunéré, tel que Monsieur (B), qui se serait versé des rémunérations généreuses, auxquelles les retenues d’impôt sur salaires litigieuses seraient presque exclusivement afférentes.
L’appelant donne encore à considérer que les choses auraient commencé à se gâter en 2016, mais qu’il ne s’en serait pas rendu compte avant la date butoir pour la publication du bilan au 31 décembre 2016, soit à la fin du printemps 2017. Monsieur (B) aurait alors créé une diversion en faisant état d’un besoin impérieux de fonds au risque de perdre tout l’investissement, de sorte que la question de l’utilisation des fonds aurait été reportée à l’automne 2017. N’ayant toujours pas obtenu de réponse satisfaisante, il aurait décidé de tirer un trait sur cette affaire. S’il admet ne pas disposer de preuves écrites quant à la demande de convocation d’une assemblée générale, il précise que son conseil, à qui il aurait fait appel, aurait alors procédé de manière plus formelle en envoyant une mise en demeure puis en lançant une assignation en référé.
En guise de conclusion, il soutient qu’il se serait fait escroquer par Monsieur (B) qui lui aurait soutiré des sommes astronomiques durant les années litigieuses. Il aurait été persuadé à cause des dissimulations de Monsieur (B) que ces sommes suffisaient pour satisfaire aux obligations de la société (EF) et qu’elles étaient utilisées à cette fin. Il estime que ces versements constitueraient des démarches sérieuses de sa part pour apurer les dettes, y compris les dettes fiscales de la société (EF), alors qu’ils dépasseraient largement le montant des impositions dues.
Cependant, malgré ses efforts financiers, les agissements de Monsieur (B) auraient conduit la société (EF) à la faillite en date du 18 janvier 2019.
Enfin, l’appelant déclare encore maintenir expressément les moyens qu’il a exposés devant les premiers juges.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’appel au motif que les moyens soulevés par Monsieur (A) ne sont pas fondés. Le délégué insiste notamment sur le fait que l’appelant aurait été président du conseil d’administration de la société (EF) et représentant permanent des sociétés (CD) et (AB), ayant été chacune administrateur de catégorie A de la société (EF). Il aurait donc été le représentant et chargé de la gestion journalière de la société (EF) et aurait eu, avec Monsieur (B), le pouvoir d’engager la société. Le délégué donne ensuite à considérer que si l’appelant avait vraiment été escroqué par Monsieur (B), il aurait déposé une plainte, ce qui ne serait toutefois pas le cas. Quant à la démission de ses fonctions invoquée par l’appelant, le représentant étatique fait valoir que celle-ci ne serait pas pertinente au motif que les arriérés d’impôt se rapporteraient à la période précédant sa démission. Il soutient, contrairement à ce qui est affirmé par l’appelant, que la publication de cette démission au registre de commerce et des sociétés ne serait pas une simple formalité, mais que ce ne serait qu’à partir de la publication que la démission deviendrait opposable aux tiers.
Quant aux « nombreux virements » en faveur de la société (EF) dont se prévaut l’appelant, le délégué du gouvernement soutient que ceux-ci ne sauraient valoir comme des investissements de la part de l’appelant, au motif que ce ne serait pas ce dernier qui aurait procédé à ces virements, mais les sociétés (GH) et (CD), d’une part, et que la cause de ces virements ne serait pas connue eu égard aux montants très précis ainsi versés et ce sans indication d’une communication ou d’une référence, d’autre part.
Il soutient encore que les pièces produites par l’appelant ne permettraient pas de démontrer qu’il aurait demandé des comptes à Monsieur (B).
Le délégué du gouvernement réfute ensuite l’argument de l’appelant fondé sur la théorie du mandat apparent, au motif que rien ne permettrait de prouver que Monsieur (B) aurait été seul à s’occuper de la gestion de la société (EF) et que l’appelant aurait disposé du pouvoir d’engager la société ensemble avec Monsieur (B). En ne démissionnant pas, l’appelant devrait être considéré comme ayant cautionné les agissements de Monsieur (B).
En termes de réplique, l’appelant précise que le 19 février 2021, une plainte aurait été déposée contre Messieurs (B) et (D) et que ce dernier aurait entre-temps été condamné pénalement en France. Il réfute l’argument de la partie étatique selon lequel les virements n’auraient pas été faits en son nom, en précisant que les investissements auraient été faits dans l’intérêt du groupe dont il est le bénéficiaire économique, et que l’on ne pourrait pas valablement lui reprocher d’avoir procédé à des versements par le biais de sociétés lui appartenant et non pas en son nom propre. Ces paiements démontreraient à suffisance sa volonté de faire face à toutes les échéances financières de la société (EF).
Il insiste sur le fait que les échanges de correspondance versés auraient aussi trait à la situation fiscale des sociétés visées par les bulletins d’appel en garantie et sur le fait que la plupart des échanges entre dirigeants sociaux aurait lieu oralement. Il renvoie, à cet effet, à un courriel du 9 mai 2017 de Monsieur (B) par lequel celui-ci lui aurait demandé des financements en vue de payer notamment les dettes fiscales des sociétés luxembourgeoises. Il aurait alors effectué une série de virements par le biais de ses sociétés, mais ces sommes n’auraient pas été continuées par Monsieur (B) aux créanciers publics. Il estime partant inéquitable de laisser à sa charge les arriérés d’impôt, alors même qu’il aurait fait preuve de la volonté d’apurer les dettes de la société.
Le délégué du gouvernement fait dupliquer que la plainte n’aurait été déposée que le 21 février 2021 et ce pour les besoins de la présente procédure. D’ailleurs, l’accusé de réception du Parquet ferait défaut. Quant aux prétendus virements censés apurer les dettes fiscales, le délégué soutient que l’appelant aurait dû s’assurer que les impôts ont bien été payés, ce qu’il aurait omis de faire.
La Cour rappelle liminairement que le fait pour l’appelant de renvoyer, de manière générale, à ses moyens en droit exposés en première instance ne saurait suffire pour que la Cour soit appelée à réexaminer l’ensemble des conclusions de première instance, étant précisé que l’appel est nécessairement dirigé contre un jugement et les conclusions de première instance prises à l’encontre de la décision ministérielle au fond ne sauraient valoir ipso facto et ipso jure, par référence, comme moyens d’appel, étant donné que par essence elles ne sont pas formulées par rapport au jugement de première instance non encore intervenu au moment où elles ont été prises. Partant, la Cour limitera son examen aux moyens développés en appel.
Le litige a trait à la responsabilité personnelle de Monsieur (A), en tant que représentant légal de la société (EF), dans le contexte plus spécifique des retenues d’impôt sur les traitements et salaires dont le régime légal est régi par les dispositions de l’article 136 (4) et (6) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et des paragraphes 103, 108 et 109 AO.
L’article 136 (4) et (6) LIR oblige tout employeur à retenir et à verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO qui dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».
Il se dégage de la lecture combinée de ces dispositions que les administrateurs et autres représentants légaux d’une société anonyme, de même que, conformément au paragraphe 108 AO, ses dirigeants de fait ou dirigeants apparents, c’est-à -dire ceux qui se comportent, à l’égard des tiers, comme s’ils avaient le pouvoir de disposer, sont tenus de remplir les obligations fiscales incombant à cette dernière.
En vertu du paragraphe 109 (1) AO qui dispose que « die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 - 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 - 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind », la mise en œuvre de la garantie est soumise à la triple condition de l’existence d’une faute (« schuldhafte Verletzung ») commise dans une qualité visée aux paragraphes 103 à 108 AO, d’un dommage subi par l’Etat et d'un lien de causalité entre le dommage et la faute.
Il s’ensuit notamment que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO dans le chef d’un administrateur de société n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité personnelle en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung »), des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.
Le cadre légal ainsi tracé, la Cour constate qu’il ressort des pièces du dossier que dès la constitution de la société (EF) le 29 octobre 2015, Monsieur (A) a assumé la fonction de représentant permanent, d’une part, de la société (CD) et, d’autre part, de la société (AB), ces deux sociétés ayant été administrateurs de classe A de la société (EF), à côté de Monsieur (B), également administrateur de classe A, et de Monsieur (C), administrateur de la classe B. En outre l’appelant occupait la fonction de président du conseil d’administration de la société (EF).
Il se dégage également des pièces du dossier, et notamment de l’article 23 des statuts de la société (EF), que celle-ci était engagée vis-à -vis des tiers par la signature conjointe d’au moins deux administrateurs de classe A, respectivement par la signature individuelle de toute personne à qui un tel pouvoir de signature était délégué par le conseil d’administration ou par deux administrateurs de classe A, mais uniquement dans les limites des pouvoirs lui conférés, étant relevé qu’il n’est pas contesté que Monsieur (B) s’est vu accorder le 30 novembre 2015 une procuration sur le compte bancaire de la société (EF) jusqu’à concurrence de … euros. Il ne ressort par contre d’aucun élément du dossier que Monsieur (B) aurait été l’administrateur délégué à la gestion journalière de la société (EF).
Les premiers juges ont retenu à bon escient que la circonstance que l’appelant n’a été que le représentant permanent des sociétés (AB) et (CD), chacune étant administrateur de classe A de la société (EF), est sans incidence au regard de sa propre responsabilité, dès lors qu’aux termes de l’article 441-3 de la loi du 10 août 1915, lorsqu’une personne morale est nommée administrateur, celle-ci est tenue de désigner un représentant permanent chargé de l'exécution de cette mission au nom et pour le compte de la personne morale, et ce représentant est soumis aux mêmes conditions et encourt la même responsabilité civile que s'il exerçait cette mission en nom et pour compte propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’il représente.
Il s’ensuit que l’appelant, en tant que représentant permanent des deux administrateurs de classe A, à savoir les sociétés (AB) et (CD), avait le pouvoir d’engager la société (EF) à travers le mandat d’administrateur de ces deux sociétés.
Dans ce contexte, si l’appelant se prévaut encore de la démission de ses fonctions à la date du 12 décembre 2017, il ressort de l’extrait déposé au registre de commerce et des sociétés que la société (AB) a démissionné du conseil d’administration de la société (EF) en tant qu’administrateur A et que Monsieur (A) a démissionné en tant que représentant permanent de la société (CD), mais que le registre n’en a été informé que le 14 juin 2018. Ces démissions ne sont partant opposables aux tiers qu’à partir de cette dernière date.
Il se dégage de ces constatations que l’appelant doit être considéré comme ayant été en charge, depuis la constitution de la société (EF) et pendant les années d’imposition 2016 et 2017 litigieuses, au cours desquelles, de manière non contestée, les retenues sur salaires n’ont pas été continuées au Trésor public, de l’administration de la société et comme tel responsable, en application du paragraphe 103 AO, du respect des obligations fiscales de cette société, et plus particulièrement du paiement des retenues opérées sur les traitements et salaires, et sa responsabilité personnelle est susceptible d’être recherchée sur le fondement du paragraphe 109 (1) AO.
Il convient dès lors encore de vérifier si l’appelant s’est rendu coupable d’une inexécution fautive de ses obligations, étant rappelé que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO dans le chef d’un représentant social n’est pas suffisant pour engager sa responsabilité personnelle en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers l’administration fiscale.
L’appelant conteste toute inexécution fautive dans son chef, en faisant valoir que le véritable dirigeant de la société (EF) aurait été Monsieur (B) et qu’il se serait fait escroquer par ce dernier.
Or, il ne saurait valablement prétendre à être déchargé de sa responsabilité corrélative à sa mission de représentation de la société (EF) en raison de la prétendue mainmise sur la société de Monsieur (B), dans lequel il aurait eu trop de confiance.
En effet, s’il se dégage certes des éléments et pièces du dossier que le rôle de l’appelant a essentiellement été celui d’un investisseur ayant cru en une invention au point d’y investir des sommes importantes, il a toutefois accepté, « espérant pouvoir suivre tout cela de près », d’être le représentant permanent de deux sociétés, administrateurs de classe A, de la société (EF) et il avait dès lors, tel que retenu ci-dessus, le pouvoir de prendre des décisions au sein du conseil d’administration et d’engager la société (EF) à travers ces deux sociétés et notamment de payer les impôts dus.
Or, malgré le fait que l’appelant disposait des pouvoirs nécessaires pour engager la société à travers ses deux mandats de représentant permanent des sociétés (AB) et (CD), il a laissé faire Monsieur (B). L’argument de dire qu’il aurait fait parvenir, par le biais de ses sociétés, des fonds nécessaires à la société (EF), lorsque Monsieur (B) en faisait la demande, et qu’il était ainsi en droit de s’attendre à ce que toutes les dettes de la société (EF) soient réglées, y compris les dettes fiscales, n’est pas une excuse valable, mais l’aveu d’un défaut de gestion et d’une omission de surveillance.
Cette conclusion n’est point invalidée par l’argument de l’appelant selon lequel ce serait Monsieur (B) qui aurait eu seul pouvoir de signature sur le compte bancaire de la société (EF) jusqu’à concurrence de … euros, dès lors qu’il avait le pouvoir de retirer cette procuration, mais qu’il ne l’a pas fait.
Dans ces conditions, l’appelant ayant eu la possibilité de procéder lui-même aux paiements litigieux, il ne saurait se retrancher derrière les fautes de gestion d’un autre administrateur pour échapper à sa propre responsabilité.
Au-delà de cette omission par l’appelant d’avoir usé des pouvoirs attachés à ses fonctions pour payer les impôts, et même à supposer que Monsieur (B) s’était de facto occupé de la gestion de la société (EF), l’appelant ne résidant pas au Luxembourg, ce dernier a toutefois omis de remplir ses obligations de surveillance et de contrôle.
Les premiers juges ont ainsi rappelé à juste titre que la responsabilité d’un administrateur peut être engagée par son attitude passive, sa négligence, son incurie et que le comportement d’un administrateur, consistant en une légèreté ou une insouciance impardonnable doit être considéré comme faute grave, à savoir une faute qu’un dirigeant raisonnablement diligent et prudent n’aurait pas commise.
Or, l’appelant ne démontre, pas plus en appel qu’en première instance, qu’il aurait entrepris en temps utile des démarches suffisantes et efficaces pour remplir ses obligations de surveillance au cours des années d’imposition 2016 et 2017 litigieuses et, plus particulièrement, qu’il aurait entrepris une quelconque démarche concrète afin de s’assurer que la société (EF) s’acquitte de ses obligations fiscales.
L’affirmation de l’appelant selon laquelle il aurait vainement entrepris oralement des démarches afin d’obtenir une reddition des comptes de la part de Monsieur (B) ou la convocation d’une assemblée générale, reste à l’état de simple allégation. S’y ajoute qu’il n’a pas convoqué en sa qualité de président du conseil d’administration une réunion du conseil d’administration à cet effet comme le prévoit l’article 19 (2) des statuts sociaux, ni n’a-t-il procédé à la révocation de la procuration sur le compte … accordée à Monsieur (B).
Les premiers juges ont ainsi pointé à bon escient qu’à part le fait de démissionner en décembre 2017 - démission publiée au registre de commerce et des sociétés seulement le 14 juin 2018 -, les premières démarches documentées ne sont pas à attribuer directement à l’appelant et n’ont été entreprises qu’en mai 2018, soit postérieurement à l’émission du bulletin d’appel en garantie, alors que les retenues sur salaires impayées s’étendent sur la période de janvier 2016 à décembre 2017.
Ainsi, l’appelant doit être considéré comme s’étant rendu coupable d’une inexécution fautive au sens du paragraphe 109 AO en raison du fait de ne pas avoir accompli ou veillé à l’accomplissement des obligations fiscales de la société (EF) et plus spécialement de l’obligation de paiement des retenues d’impôt sur salaires.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argument de l’appelant selon lequel son mandat, contrairement à celui de Monsieur (B), n’aurait pas été rémunéré, étant donné qu’un administrateur d’une société commerciale ou, en l’occurrence, le représentant permanent d’une personne morale - membre du conseil d’administration d’une société anonyme, ne saurait se décharger de ses responsabilités en matière fiscale découlant des paragraphes 103 et 109 AO par la seule considération que son mandat n’aurait pas été rémunéré, alors qu’il n’a entrepris aucune démarche positive pour procéder au règlement des impôts litigieux, bien qu’il en ait eu les pouvoirs de le faire, mais de plus, il a en tout état de cause manqué à son obligation de surveillance en ne s’assurant pas que les dettes de la société (EF), et notamment ses dettes fiscales, soient réglées.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le caractère fautif des manquements reprochés à l’appelant se dégage à suffisance de droit et de fait des éléments du dossier et les conditions pour la mise en œuvre de sa responsabilité personnelle pour les retenues d’impôt visées dans le bulletin litigieux se trouvent réunies en cause.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause;
reçoit l’appel en la forme;
le dit non fondé et en déboute;
partant, confirme le jugement entrepris du 16 novembre 2020;
condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMIPLL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour … s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juin 2021 Le greffier de la Cour administrative 15