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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°81/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 81/21


N° 81 / 2021 pénal du 06.05.2021 Not. 1532/13/CD Numéro CAS-2020-00103 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six mai deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

X), prévenu, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée par le gérant KLEYR GRASSO GP s.à r.l., représentée aux fins de la présente procédure par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, as

sistée de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tab...

N° 81 / 2021 pénal du 06.05.2021 Not. 1532/13/CD Numéro CAS-2020-00103 du registre La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg a rendu en son audience publique du jeudi, six mai deux mille vingt-et-un, sur le pourvoi de :

X), prévenu, comparant par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée par le gérant KLEYR GRASSO GP s.à r.l., représentée aux fins de la présente procédure par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, assistée de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maîtres Philippe DUPONT et Ari GUDMANNSSON, avocats à la Cour, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 21 juillet 2020 sous le numéro 267/20 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation formé par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée par son gérant KLEYR GRASSO GP s.à r.l., représentée par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, au nom de X), suivant déclaration du 20 août 2020 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 18 septembre 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions de l’avocat général Marc SCHILTZ ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait, par un premier jugement, dit que l’action publique engagée à l’encontre de X) du chef d’infractions aux articles 575, point 4, du Code de commerce et 490 du Code pénal ayant fait l’objet de l’ordonnance de renvoi n’était pas prescrite et, avait, par un second jugement, condamné le demandeur en cassation pour s’être, en sa qualité de curateur de deux sociétés en faillite, rendu coupable de malversation dans la gestion desdites sociétés, et pour avoir, en infraction à l’article 245 du Code pénal, pris un intérêt dans un acte dont il avait, au temps de l’acte, l’administration, à une peine d’amende et avait ordonné la publication du jugement par affichage en la salle d’audience du tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, et par insertion d’extraits dans deux quotidiens.

Saisie des appels de X) et du ministère public dirigés contre le second jugement, la Cour d’appel a dit qu’il n’y avait pas lieu de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle de conformité des articles 575, point 4, du Code de commerce et 490 du Code pénal à l’article 14 de la Constitution. Elle a, par réformation, dit que l’action publique relative à l’infraction prévue par l’article 245 du Code pénal était prescrite, a, après avoir confirmé le jugement de première instance en ce qu’il avait retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention d’infraction de malversation, ordonné à son égard la suspension du prononcé de la condamnation et a dit qu’il n’y avait pas lieu à l’affichage ni à la publication du jugement.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 6 alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, telle que modifiée, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier le rejet de la demande de Maître X) de saisir la Cour Constitutionnelle, conformément à l'article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portantorganisation de la Cour Constitutionnelle, de la question de savoir si les articles 575 40 du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal sont conformes à l'article 14 de la Constitution, a retenu en substance que :

, et a exposé, au titre des prédites , que :

.

En raison même du caractère général des lois, le libellé de celles-ci ne peut pas présenter une précision absolue. Beaucoup d'entre elles, en raison de la nécessité d'éviter une rigidité excessive et de s'adapter aux changements de situation, seservent par la force des choses de formules plus ou moins floues dont l'interprétation et l'application dépendent de la pratique (Kokkinakis c/ Grèce, Cantoni c/ France).

La prévisibilité de la loi ne s'oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé.

Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d'eux qu'ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu'il comporte.

La malversation dans le langage courant implique une faute dans le chef de son auteur, commise dans son intérêt dans l'exercice d'une charge ou d'un mandat et donc, pour le curateur, une faute commise dans la gestion de la faillite. Cette infraction reprise à l'article 490 du Code pénal sous le titre IX, chapitre II, section I et à l'article 575 paragraphe 4° du Code de commerce dans le livre III des faillites et banqueroutes, se réfère partant nécessairement à l'atteinte portée aux intérêts que le droit de la faillite a pour objet de protéger.

Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, le curateur, investi d'une charge publique déterminée par la loi, ne peut donc ignorer ce que le terme malversation signifie.

Dans cet ordre d'idées, la Commission européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevable la requête introduite par un curateur belge qui avait invoqué l'imprécision de la notion de "malversation". La Commission a en effet retenu que la notion, qui s'adresse à des professionnels du droit, telle qu'entendue par la Cour de cassation, respecte l'exigence de prévisibilité des normes pénales imposées par l'article 7 de la Convention européennes des droits de l'homme (Comm. Fur. D.H., 14 décembre 1988, Delande c. Belgique, aff 14192/88).

La notion de "malversation" telle que jugée non conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel français s'appliquait par contre, non seulement au curateur de faillite, mais à toutes les personnes exerçant une fonction au sein d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire (administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan).

Le moyen tiré de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est donc pas fondé ».

alors même que la question de la conformité des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal à l'article 14 de la Constitution, qui n'a pas encore été soumise à l'examen de la Cour Constitutionnelle et qui est en relation directe avec la condamnation infligée à Maître X) du chef de malversation, ne pouvait pas être rejetée en application de l'article 6, alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, avec comme motivation, un renvoi aux par la Cour d'appel sous le moyen précédemment soulevé par Maître X) et tiré de la violation d'une autre disposition, à savoir de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950 et ratifiée par le Grand-Duché de Luxembourg et entrée en vigueur le 3 septembre 1953(ci-après la ) , de sorte qu'en jugeant ainsi, et en ne saisissant pas la Cour Constitutionnelle de la question de constitutionnalité des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal au regard de l'article 14 de la Constitution, alors que l'article 6 alinéa 1er de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle le leur imposait d'office, les juges d'appel ont violé l'article 6 alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle. ».

Réponse de la Cour En retenant, après avoir précisé le sens du terme « malversation » et avoir défini les éléments constitutifs de l’infraction de malversation sur base de critères logiques, techniques et de qualification professionnelle des personnes visées par ladite infraction et après avoir examiné le principe de légalité des infractions et des peines inscrit aux articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14 de la Constitution au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Commission européenne des droits de l’homme et de la Cour constitutionnelle, que les articles 575, point 4, du Code de commerce et 490 du Code pénal répondaient aux exigences de précision et de prévisibilité des incriminations requises en matière pénale et en se dispensant, en conséquence, de soumettre la question préjudicielle proposée à la Cour constitutionnelle, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le deuxième moyen de cassation (subsidiaire par rapport au premier moyen de cassation) Enoncé du moyen « tiré du défaut de base légale au regard de l'article 6 alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, telle que modifiée, aux termes duquel :

(pages 27 à 30 de l'arrêt attaqué) ;

alors que, en basant sa motivation du rejet de la saisine de la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle de constitutionnalité posée par Maître X) essentiellement, sinon exclusivement, par un renvoi à la motivation formulée par la Cour d'appel en relation avec la question de conformité des articles 575 paragraphe 4° du Code de commerce et 490 du Code pénal à l'article 7, paragraphe 1 CEDH, sans motiver en quoi l'argumentaire développé en relation avec cette dernière question serait de nature à rendre dénuée de tout fondement la question préjudicielle posée par Maître X) sur base de l'article 6 alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, la Cour d'Appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 6alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, telle que modifiée. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

La réponse donnée au premier moyen, par laquelle la Cour a statué sur le droit, implique que l’arrêt attaqué contient des constatations de fait complètes.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 14 de la Constitution, aux termes duquel :

.

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier le rejet de l'argumentation de Maître X) selon laquelle les articles 575 paragraphe 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal seraient contraires à l'article 14 de la Constitution, a retenu en substance, que :

;

alors qu'en considérant que les articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal ne seraient pas contraires au principe de légalité des délits et des peines consacré par l'article 14 de la Constitution, l'arrêt attaqué a violé l'article 14 de la Constitution. ».

Réponse de la Cour Il ressort de la réponse donnée au premier moyen que les articles 575, point 4, du Code de commerce et 490 du Code pénal remplissent les exigences de précision et de prévisibilité des incriminations requises en matière pénale et sont partant conformes au principe de légalité de la peine inscrit à l’article 14 de la Constitution.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 7, paragraphe 1 CEDH, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier le rejet de l'argumentation de Maître X) selon laquelle les articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal sont contraires à l'article 7, paragraphe 1 CEDH, a retenu que :

alors qu'en considérant que les articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal ne seraient pas contraires au principe de légalité des délits et des peines consacré par l'article 7, paragraphe 1 CEDH, l'arrêt attaqué a manifestement violé l'article 7, paragraphe 1 CEDH. ».

Réponse de la Cour Il ressort de la réponse donnée au premier moyen que les articles 575, point 4, du Code de commerce et 490 du Code pénal remplissent les exigences de précision et de prévisibilité des incriminations requises en matière pénale et sont partant conformes au principe de légalité tel que visé à l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen de cassation, pris en ses trois branches Enoncé du moyen « tiré du défaut de base légale au regard de l'article 7, paragraphe 1 CEDH, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier le rejet de l'argumentation de Maître X) selon laquelle les articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal sont contraires à l'article 7, paragraphe de la CEDH, a retenu que :

;

alors que première branche du moyen, en se bornant à apprécier la conformité des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal au regard de la doctrine (sans en citer la moindre référence) et d'une jurisprudence de la Cour de cassation belge, sans se référer à une jurisprudence luxembourgeoise constante,alors qu'il n'est pas possible de se reposer sur de la doctrine non identifiée et une décision étrangère au droit luxembourgeois pour dire que l'infraction de malversation prévue aux articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal aurait été définie de manière accessible ;

et, deuxième branche du moyen, en se bornant à apprécier la conformité à l'article 7, paragraphe 1, CEDH des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal au regard de la doctrine (sans en citer la moindre référence) et d'une jurisprudence de la Cour de cassation belge, sans se référer à une jurisprudence luxembourgeoise constante, alors qu'il n'est pas possible de se reposer sur de la doctrine non identifiée et une décision étrangère au droit luxembourgeois pour dire que l'infraction de malversation prévue aux articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal aurait été définie de manière prévisible ;

et, troisième branche du moyen, en se bornant à énoncer des généralités abstraites et en ne justifiant pas les raisons pour lesquelles la qualité de curateur du justiciable, eu égard aux circonstances concrètes, aurait rendu prévisible la commission de l'infraction de malversation au regard des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal, qui ne définissent aucun élément constitutif de l'infraction de malversation ;

qu'en statuant ainsi par de tels motifs inopérants et/ou incomplets, aux fins de décider que les articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal ne seraient pas contraires au principe de légalité des délits et des peines consacré par l'article 7 paragraphe 1 CEDH, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à l’arrêt attaqué au regard de l’article 7, paragraphe 1 CEDH. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

La réponse donnée au quatrième moyen, par laquelle la Cour a statué sur le droit, implique que l’arrêt attaqué contient des constatations de fait complètes.

Il en suit que le moyen, pris en ses trois branches, n’est pas fondé.

Sur le sixième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 51 (1) de la Constitution selon lequel :

, duquel résulte le principe général de la séparation des pouvoirs tel que reconnu par la Cour Constitutionnelle ;

en ce que l'arrêt attaqué, pour condamner Maître X) du chef de l'infraction de malversation a retenu que :

.

Dans son arrêt E.K. c. TURQUIE du 7 février 2002, la Cour européenne des droit de l'homme a retenu : la loi doit définir clairement les infractions et les sanctions qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l'aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent s responsabilité pénale.

En raison même du caractère général des lois, le libellé de celles-ci ne peut pas présenter une précision absolue. Beaucoup d'entre elles, en raison de la nécessité d'éviter une rigidité excessive et de s'adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues dont l'interprétation et l'application dépendent de la pratique (Kokkinakis cl Grèce, Cantoni cl France).

La prévisibilité de la loi ne s'oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d'un acte déterminé, Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d'une grande prudence dans l'exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d'eux qu'ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu'il comporte.

La malversation dans le langage courant implique une faute dans le chef de son auteur, commise dans son intérêt dans l'exercice d'une charge ou d'un mandat et donc, pour le curateur, une faute commise dans la gestion de la faillite. Cette infraction reprise à l'article 490 du Code pénal sous le titre IX, chapitre II, section I "de la banqueroute" et à l'article 575 4° du Code de commerce dans le livre III des faillites et banqueroutes, se réfère partant nécessairement à l'atteinte portée aux intérêts que le droit de la faillite a pour objet de protéger.

Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, le curateur, investi d'une charge publique déterminée par la loi, ne peut donc ignorer ce que le terme malversation signifie.

Dans cet ordre d'idées, la Commission européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevable la requête introduite par un curateur belge qui avait invoqué l'imprécision de la notion de "malversation". La Commission a en effet retenu que la notion, qui s'adresse à des professionnels du droit, telle qu'entendue par la Cour de cassation, respecte l'exigence de prévisibilité des normes pénales imposées par l'article 7 de la Convention européennes des droits de l'homme (Comm. Eur. D.H., 14 décembre 1988, Delande c. Belgique, aff 14192/88).

La notion de "malversation" telle que jugée non conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel français s'appliquait par contre, non seulement au curateur de faillite, mais à toutes les personnes exerçant une fonction au sein d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire (administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan).

Le moyen tiré de la violation de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est donc pas fondé.

La défense fait encore état de l'article 14 de la Constitution, qui dispose que .

La Cour Constitutionnelle en a déduit que (Cour Constitutionnelle, 3 décembre 2004, arrêt 23/04) Il suffit que grâce à des critères logiques, techniques et d'expérience professionnelle, les éléments constitutifs de l'infraction puissent être déterminés avec une sûreté suffisante sans tomber dans l'arbitraire.

Pour les raisons exposées ci-avant, les articles 575 4° du Code de commerce et 490 du Code pénal définissent l'infraction de malversation en des termes suffisamment clairs permettant aux intéressés de prévoir avec une sureté suffisante les caractéristiques essentielles des conduites de l'infraction visée. » alors qu'en condamnant Maître X) du chef de l'infraction de malversation, visée aux articles 575 4° du Code de commerce et 490 du Code pénal, lesquels ne définissent pas les éléments constitutifs de l'infraction de malversation, les juges d'appel ont empiété sur le pouvoir législatif et ainsi violé l'article 51 (1) de la Constitution, duquel résulte le principe général de la séparation des pouvoirs. ».

Réponse de la Cour En qualifiant les faits reprochés au demandeur en cassation au regard de la loi pénale, les juges d’appel ont agi dans le cadre des attributions leur conférées par la loi de rendre justice et n’ont pas empiété sur le pouvoir législatif.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le septième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 195, alinéa 1er du Code de procédure pénale aux termes duquel :

.

en ce que l'arrêt attaqué, pour maintenir la condamnation de Maître X) du chef de malversation sur base des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal, n'a cependant pas énoncé les circonstances constitutives de cette infraction, de sorte que la Cour d'appel a violé la disposition susvisée. ».

Réponse de la Cour Le moyen, en tant que tiré de la violation de l’article 195 du Code de procédure pénale, vise l’absence de détermination des circonstances constitutives de l’infraction de malversation prévue par les articles 575, point 4, du Code de commerce et 490 du Code pénal, qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré.

Les juges d’appel, en confirmant le jugement de première instance qui a retenu le demandeur en cassation comme auteur de l’infraction de malversation par un libellé contenant les circonstances de temps et de lieu des faits commis, la référence aux textes de loi et la description des faits constitutifs de l’infraction, n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le huitième moyen de cassation, pris en ses trois branches Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 203 alinéas 4 et 5 du Code de procédure pénale, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier le refus de se prononcer sur la prescription de l'action publique en ce qui concerne la prétendue infraction de malversation a retenu que :

.

aux motifs que :

;

alors que :

première branche du moyen, en n'examinant pas la question relative à la prescription au motif que le jugement interlocutoire portant sur cet examen était coulé en force de chose jugée, alors que l'examen de la prescription de l'infraction de malversation est une exigence d'ordre public, qui peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation, et doit même être soulevée d'office par le juge, la Cour d'appel a ainsi faussement, implicitement mais nécessairement, retenu qu'un prévenu peut renoncer à la prescription ce qui est contraire à l'ordre public ;

deuxième branche du moyen, en limitant les effets de l'appel au jugement rendu le 5 décembre 2019, alors qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel général du Ministère Public, l'appel produit une dévolution totale, remettant en cause tout ce qui a été soumis aux premiers juges, y inclus le jugement interlocutoire sur la prescription de l'action publique ;

et, troisième branche du moyen, que la question de la prescription de l'action publique doit être considérée comme indivisible de toute décision au fond et que, partant, un appel contre un jugement au fond doit être considéré comme entraînant implicitement mais nécessairement un appel contre un jugement interlocutoire sur la prescription de l'action publique même si l'acte d'appel ne fait pas spécifiquement mention de ce jugement interlocutoire ;

que la Cour d'appel a ainsi manifestement violé l'article 203 alinéas 4 et 5 du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour En relevant que les déclarations d’appel du demandeur en cassation et du ministère public ne visaient que le jugement du 5 décembre 2019 et non le jugement du 17 janvier 2019 ayant toisé la question de la prescription de l’infraction demalversation et qu’ils n’en étaient, dès lors, pas saisis, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il en suit que le moyen, pris en ses trois branches, n’est pas fondé.

Sur le neuvième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l'article 638 alinéa 1er du Code de procédure pénale, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier le refus de se prononcer sur la prescription de l'action publique en ce qui concerne la prétendue infraction de malversation et ainsi condamner Maître X) du chef de malversation a retenu que :

.

aux motifs que :

;

alors que, en n'examinant pas la question relative à la prescription au motif que le jugement interlocutoire portant sur cet examen était coulé en force de chose jugée, alors que l'examen de la prescription de l'infraction de malversation est une exigence d'ordre public, qui peut être soulevée pour la première fois devant la Cour de cassation, et doit même être soulevée d'office par le juge et en ne déclarant ainsi pas prescrite l'action publique en ce qui concerne la prétendue infraction de malversation, la Cour d'appel a violé l'article 638 alinéa 1er du Code de procédure pénale. ».

Réponse de la Cour En retenant que « (…) la Cour d'appel n'est pas saisie d'un recours contre le jugement sur incident, de sorte qu'elle n'a pas à examiner des moyens, fussent-ils d'ordre public, relatifs à la prescription, toisée par ce jugement, qui est coulé en force de chose jugée. », les juges d’appel n’ont pas violé la disposition visée au moyen.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le dixième moyen de cassation (subsidiaire par rapport aux troisième et septième moyens de cassation et plus subsidiaire par rapport aux deuxième et cinquième moyens) et le onzième moyen de cassation réunis Enoncé des moyens le dixième, « tiré du défaut de base légale au regard de l'article 490 du Code pénal, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier la condamnation de Maître X) du chef de l'infraction de malversation prévue à l'article 574 4° du Code de commerce et sanctionnée par l'article 490 du Code pénal, ceci par confirmation du jugement de première instance entrepris, a retenu que :

alors que, étant précisé (i) que l'ancien article 27 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales oblige toute société à avoir un siège social aussi longtemps qu'elle existe et ceci nonobstant sa simple mise en faillite, et (ii) qu'un tel siège social peut être établi, soit dans des locaux propres à la société, soit auprès d'un tiers domiciliataire (une autre option n'étant pas possible), en omettant de procéder à une analyse de la question de savoir quelle aurait été l'option la plus avantageuse pour les Sociétés, pour en déduire, le cas échéant que l'élément matériel de malversation serait rempli en l'espèce, la Cour d'Appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 490 du Code pénal. » et le onzième, « tiré du défaut de base légale au regard de l'article 490 du Code pénal, aux termes duquel :

en ce que l'arrêt attaqué, pour justifier la condamnation de Maître X) du chef de l'infraction de malversation prévue à l'article 574 4° du Code de commerce et sanctionnée par l'article 490 du Code pénal, ceci par confirmation du jugement de première instance entrepris, a retenu que :

alors que la Cour d'appel aurait dû examiner en quoi , dès lors que, (i) d'une part, Maître X) était dans l'obligation d'établir un siège social pour les Sociétés, ce qui n'a pu se faire que par une domiciliation auprès d'un tiers et, (ii) d'autre part, les avantages que la Cour d'appel reproche à Maître X) d'avoir essayé de se procurer n'ont pas été supportés par les Sociétés.

L'arrêt attaqué doit dès lors être cassé pour défaut de base légale au regard de l'article 490 du Code pénal. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale se définit comme l’insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaires pour statuer sur le droit.

Les juges d’appel ont, par les passages de l’arrêt reproduits aux deux moyens, qualifié par une motivation exempte d’insuffisance tant l’élément matériel que l’élément moral de l’infraction de malversation.

Il en suit que les deux moyens ne sont pas fondés.

Sur le douzième moyen de cassation, pris en ses deux branches Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation des articles 89 de la Constitution et 195, alinéa 1er, du Code de procédure pénale (défaut de réponse à conclusions), aux termes desquels :

Article 89 de la Constitution :

Article 195, alinéa 1er, du Code de procédure pénale :

;

en ce que l'arrêt attaqué a retenu que :

aux motifs que :

.

Au vu du libéllé des contrats versés en cause, les juges de première instance sont à confirmer en ce qu'ils ont retenu que le rôle de la société M) SA ne se limitait pas au rôle d'un simple bailleur et qu'il s'agissait bien d'une domiciliation au sens de la loi du 31 mai 1999.

Ainsi, non seulement les contrats sont intitulés "contrat de domiciliation" et la société M) SA a pris la qualité d'agent domiciliataire. Suivant les missions etobligations à sa charge se retrouvent l'obligation de recevoir toute correspondance et, parmi les obligations imposées aux sociétés domiciliées, celle de fournir une documentation fournie permettant de retracer la vie sociétaire et celle du paiement d'un montant annuel pour services de domiciliation, de réception de courrier et frais de bureau. Même si un bureau a été gratuitement mis à disposition de L), ces missions et frais ne s'expliquent pas par une simple relation bailleur-locataire.

Tout comme le ministère public, la Cour d'appel constate cependant qu'il n'existe pas de disposition légale obligeant la domiciliation des sociétés en faillite.

La loi sur les domiciliations et en l'occurrence la loi du 31 mai 1999 s'applique du moment qu'une société établit un siège auprès d'un tiers pour y exercer une activité dans le cadre de son objet social et que ce tiers preste des services quelconques liés à cette activité (article 1er de la loi).

Il résulte cependant des éléments de la cause que les sociétés A) SA et U) sàrl en faillite n'exerçaient plus d'activité dans le cadre de leur objet social. » alors que la Cour d'appel, première branche du moyen, a omis de répondre aux conclusions régulièrement déposées à la barre de la Cour d'appel, selon lesquelles une société, même en faillite et dissoute, continue encore à exister et est obligée de par la loi de disposer d'un siège social, moyen repris au dispositif desdites conclusions qui invitaient la Cour à ;

et que, deuxième branche du moyen, la Cour d'appel a également omis de répondre aux conclusions régulièrement déposées à la barre de la Cour d'appel, selon lesquelles la loi luxembourgeoise n'impose aucune obligation au curateur d'une société en faillite de domicilier cette société dans sa propre étude, moyen repris au dispositif desdites conclusions qui invitaient la Cour à ;

moyens qui ont été développés en détail au point 9 (page 4) desdites conclusions et desquels il résulte l'absence d'élément matériel de l'infraction de malversation puisque Maître X) avait l'obligation de conserver un siège social pour les Sociétés, nonobstant le fait qu'elles étaient en faillite, et n'avait pas l'obligation de les domicilier en son étude ;

alors qu'en jugeant ainsi, sans pour autant répondre à ces moyens, l'arrêt attaqué doit être cassé pour défaut de réponse à conclusions (violation des articles 89 de la Constitution et 195, alinéa 1er, du Code de procédure pénale). ».

Réponse de la Cour Le moyen, en tant que tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale, vise le défaut de réponse à conclusions qui est un vice de forme.

Une décision est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation expresse ou implicite sur les points considérés.

En retenant :

« Tout comme le ministère public, la Cour d’appel constate cependant qu’il n’existe pas de disposition légale obligeant la domiciliation des sociétés en faillite.

La loi sur les domiciliations et en l’occurrence la loi du 31 mai 1999 s’applique du moment qu’une société établit un siège auprès d’un tiers pour y exercer une activité dans le cadre de son objet social et que ce tiers preste des services quelconques liés à cette activité (article 1er de la loi).

Il résulte cependant des éléments de la cause que les sociétés A) SA et U) sàrl en faillite n’exerçaient plus d’activité dans le cadre de leur objet social. Le seul effet que des droits des compagnies réassurées auprès de la société A) SA ont perduré n’est pas de nature à entraîner automatiquement la continuation de l’activité de la société. X) et S) n’ont, d’après leurs propres déclarations, pas continué les affaires de la société après la faillite et ils n’ont pas non plus demandé d’autorisation au Tribunal de Commerce pour ce faire conformément à l’article 475 du Code de commerce. En outre, l’agrément délivré à la société A) SA pour faire des opérations de réassurances lui avait déjà été retiré avec effet immédiat par arrêté ministériel du 16 septembre 1993.

A cela s’ajoute que si des frais de location pouvaient se justifier au début de la faillite de la société A) SA compte tenu de la complexité de celle-ci entraînant l’occupation justifiée de plusieurs salariés dans un premier temps, toujours est-il que le contrat de domiciliation a seulement été conclu le 2 janvier 2002, partant plus de 8 ans après le prononcé de la faillite. », les juges d’appel ont répondu aux conclusions visées au moyen.

Il en suit que le moyen, pris en ses deux branches, n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 9 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, six mai deux mille vingt-et-un, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, président, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, président de chambre à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier à la Cour Daniel SCHROEDER.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Eliane EICHER, en présence de l’avocat général Marc SCHILTZ et du greffier Daniel SCHROEDER.

Grand-Duché de Luxembourg Luxembourg, le 2 mars 2021 PARQUET GENERAL CITE JUDICIAIRE Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X) en présence du Ministère Public N° CAS-2020-00103 du registre Par déclaration faite le 20 août 2020 au greffe de la Cour Supérieure de Justice, la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée par son gérant KLEYR GRASSO GP s. à r. l., représentée aux fins de la présente procédure par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, a formé pour et au nom de X) un recours en cassation contre l’arrêt N°267/20 V rendu le 21 juillet 2020 par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle.

Cette déclaration de recours a été suivie le 18 septembre 2020 par le dépôt du mémoire en cassation prévu à l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le pourvoi est ainsi recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Faits et rétroactes …………………………………………………………………………………………. 38 Quant au premier moyen de cassation : ……………………………………………………………. 39 I. Les textes légaux en cause :…………………………………………………………………… 40 II.

La solution française : ……………………………………………………………………….. 42 a) Quant à la pertinence de la décision du 16 juin 1999 …………………………… 42 b) Quant à la pertinence de la décision du 18 janvier 1985 ……………………….. 43 III. L’appréciation par l’arrêt entrepris : …………………………………………………….. 47IV. Conclusion quant au premier moyen : ………………………………………………….. 49 Quant au deuxième moyen de cassation : …………………………………………………………. 50 Quant au troisième moyen de cassation : ………………………………………………………….. 52 I. Le premier moyen est rejeté ………………………………………………………………….. 52 II.

Le premier moyen est fondé ……………………………………………………………….. 52 Quant au quatrième moyen de cassation : …………………………………………………………. 53 I. La décision de la Commission européenne des droits de l’homme ………………. 53 II.

Les exigences de la l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme ………………………………………………………………………………………………….. 54 III. La motivation de l’arrêt entrepris ………………………………………………………… 55 IV. Conclusion quant au quatrième moyen de cassation ……………………………….. 57 Quant au cinquième moyen de cassation : ………………………………………………………… 57 I. Quant à la première branche du moyen : …………………………………………………. 58 II.

Quant à la deuxième branche du moyen : ……………………………………………… 59 III. Quant à la troisième branche du moyen : ……………………………………………… 60 Quant au sixième moyen de cassation : ……………………………………………………………. 63 I. La question de la clandestinité ……………………………………………………………….. 64 II.

La question de la légalité de la peine ou de la précision de la loi ………………. 64 Quant au septième moyen de cassation : ………………………………………………………….. 65 Quant au huitième moyen de cassation : …………………………………………………………… 66 I. Quant à la première branche du moyen : …………………………………………………. 67 a) La prescription est d’ordre public …………………………………………………….. 67 b) L’impossible renonciation à un droit d’ordre public …………………………….. 68 II.

Le conflit de règles d’ordre public ……………………………………………………. 69 II.

Quant à la deuxième branche du moyen : …………………………………………… 71 III. Quant à la troisième branche du moyen : ……………………………………………… 72 Quant au neuvième moyen de cassation : …………………………………………………………. 73 Quant au dixième moyen de cassation : ……………………………………………………………. 73 Quant au onzième moyen de cassation : …………………………………………………………… 77 Quant au douzième moyen de cassation : …………………………………………………………. 79 I. Quant à la première branche du moyen : …………………………………………………. 80 II.

Quant à la deuxième branche du moyen : ……………………………………………… 81 Conclusion ………………………………………………………………………………………………….. 81 Faits et rétroactes Par ordonnance n°424/18 de la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg en date du 14 mars 2018, le demandeur en cassation a été renvoyé devant une chambre correctionnelle du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg pour y être jugé de faits de malversations en tant que curateur dans sa gestion au sens de l’article 575 4° du Code de commerce sanctionné par l’article 490 du Code pénal.

Par un premier jugement numéro 141/2019 rendu en date du 17 janvier 2019 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, le mandataire du demandeur en cassation et le représentant du Ministère Public entendus en leurs conclusions, l’action publique engagée à l’encontre du demandeur en cassation du chef des faits faisant l’objet de l’ordonnance de renvoi n°424/18 rendue en date du 14 mars 2018 par la Chambre du conseil du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a été déclarée non prescrite.

Aucun appel (immédiat) n’a été interjeté contre ce jugement1.

A l’audience du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 14 novembre 2019, date pour laquelle l’affaire avait été citée par le Ministère public, celui-ci conclut à voir constater que les faits renvoyés sous la qualification de malversation du curateur dans sa gestion au sens de l’article 575 4° du Code de commerce sanctionné par l’article 490 du Code pénal sont également susceptibles de revêtir la qualification de prise illégale d’intérêts au sens de l’article 245 du Code pénal.

Par un deuxième jugement, numéro 3003/19, rendu en date du 05 décembre 2019 par le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, le mandataire du demandeur en cassation entendu en ses conclusions et le représentant du Ministère Public en ses réquisitions :

- il a été dit qu’en rendant son jugment 141/2019 du 17 janvier 2019 le Tribunal ne s’est pas mis dans l’impossibilité de juger le fond du dossier avec l’impartialité requise, - le demandeur en cassation a été condamné du chef d’infraction à l’article 575-4° du Code de commerce, sanctionné par l’article 490 du Code pénal, et à l’article 245 du Code pénal, infractions qui se trouvent en concours idéal, par application de l’article 20 du Code pénal, à une amende correctionnelle de quarante mille euros, ainsi qu’au frais de sa mise en jugement, - la contrainte par corps en cas de non paiement de l’amende a été fixée à quatre cents jours, 1 Appel qui aurait par ailleurs été irrecevable au vœu de l’article 579 du Nouveau code de procédure civile- la réintégration de la somme de 23.171,60.-EUR à la masse de la société A) S.A.

et de la somme de 19.521,03.-EUR à la masse de la société A) S.A. a été ordonnée, - ainsi que l’affichage du jugement en la salle d’audience du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale et l’insertion par extraits dans les quotidiens « Luxemburger Wort » et « Tageblatt ».

En date du 13 janvier 2020 le demandeur en cassation a fait interjeter appel au pénal au greffe du Tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg contre « le jugement numéro 3003/2019 rendu en date du 5 décembre 2019 par le tribunal correctionnel de ce siège »2.

Cet appel a été suivi, en date du 14 janvier 2020, par un appel du Ministère public contre le même jugement du 05 décembre 2019.

Suite à ces appels, la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle, statuant contradictoirement, les mandataires du demandeur en cassation entendus en leurs moyens et le représentant du Ministère public en son réquisitoire, a, par arrêt numéro 267/20 V rendu en date du 21 juillet 2020, reçu les appels en la forme, dit qu’il n’y a pas lieu de poser à la Cour Constitutionnelle la question préjudicielle proposée par la défense du demandeur en cassation, dit l’appel du Ministère public non fondé et celui du demandeur en cassation partiellement fondé.

Par réformation l’arrêt a ainsi dit l’action publique relative à l’infraction prévue à l’article 245 du Code pénal éteinte par prescription, ordonné à l’égard du demandeur en cassation la suspension du prononcé de la condamnation pour la durée de trois ans et dit qu’il n’y a pas lieu à l’affichage et à la publication de la décision dans deux quotidiens luxembourgeois en application de l’article 583 du Code de commerce.

Pour le surplus le jugement entrepris a été confirmé.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

Quant au premier moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse interprétation de l’article 6 alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, telle que modifiée, aux termes duquel :

« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle.

2 Pièce n°4 de la farde de pièces I du demandeur en cassationUne juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

[…] b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

[…] ». ».

Le moyen reproche ainsi à l’arrêt entrepris d’avoir refusé de poser à la Cour constitutionnelle la question de la conformité des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal à l’article 14 de la Constitution.

Outre les articles légaux (I) le demandeur en cassation fait encore état de deux décisions du Conseil constitutionnel français du 18 janvier 1985 et du 16 juin 1999 (II) pour démontrer l’obligation de poser la question préjudicielle proposée ; obligation qui n’aurait pas été respectée par l’appréciation de la Cour d’appel (III).

I.

Les textes légaux en cause :

Le premier moyen de cassation fait référence à l’article 14 de la Constitution rédigée comme suit :

« Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi. », et à l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle disposant que :

« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

a) une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet.

Si une juridiction estime qu’une question de conformité d’une loi à la Constitution se pose et qu’une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, elle doit la soulever d’office après avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations. ».

Il fait encore état de l’article 575 (4°) du Code de commerce libellé comme suit :

« Seront condamnés aux peines de la banqueroute simple, sans préjudice, s'il y a lieu, à l'application de l'article 5783 :

1° ceux-qui, dans l’intérêt du failli, auront soustrait, dissimulé ou recelé tout ou partie de des biens meubles ou immeubles ;

2° ceux-qui auront frauduleusement présenté dans la faillite et affirmé, soit e leur nom, soit par interposition de personne, des créances supposées ou exagérées ;

3° le créancier qui aura stipulé, soit avec le failli, soit avec toutes autres personnes, des avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations de la faillite, ou qui aura fait un traité particulier duquel résulterait, en sa faveur, un avantage à la charge de l'actif du failli ;

4° le curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion4.

Les coupables seront, en outre, condamnés à une amende égale à la valeur des avantages illégalement stipulés ou aux restitutions et dommages et intérêts dus à la masse des créanciers, et qui ne pourra être moindre de 3 euros. » ainsi que de l’article 490 du Code pénal se lisant comme suit :

« Seront condamnés à un emprisonnement d'un mois à deux ans et à une amende de 500 euros à 30.000 euros :

Ceux qui, dans l'intérêt du failli, auront soustrait, dissimulé ou recelé tout ou partie de ses biens, meubles et immeubles ;

Ceux qui auront frauduleusement présenté dans la faillite et affirmé, soit en leur nom, soit par l'interposition de personnes, des créances supposées ou exagérées ;

Le créancier qui aura stipulé, soit avec le failli, soit avec toutes autres personnes, des avantages particuliers à raison de son vote dans les délibérations relatives à la faillite, ou qui aura fait un traité particulier duquel résulterait, en sa faveur, un avantage à la charge de l'actif du failli ;

3 L’article 578 du Code de commerce a trait à la complicité de banqueroute frauduleuse et est étranger à la présente cause 4 Mise en évidence ajoutéeLe curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion. ».

II.

La solution française :

A l’appui de son premier moyen le demandeur en cassation invoque la décision du Conseil constitutionnel français n°99-411 du 16 juin 1999 (a) ainsi que celle n°84-183 du 18 janvier 1985 (b).

a) Quant à la pertinence de la décision du 16 juin 1999 Le demandeur en cassation cite la décision du 16 juin 19995 du Conseil constitutionnel français alors qu’il semble estimer que dans la mesure où il y aurait été décidé que « la définition d’une incrimination, en matière délictuelle, doit inclure, outre l’élément matériel de l’infraction, l’élément moral, intentionnel ou non, de celle-ci » ce même Conseil constitutionnel exigeait du législateur une obligation de spécifier l’élément moral de l’infraction ; spécification qui ferait défaut en l’espèce.

Or, dans la décision visée, le Conseil constitutionnel n’a pas exigé que le législateur s’exprime pour chaque infraction quant à l’élément moral de celle-ci mais a précisé qu’ « en l’absence de précision sur l’élément moral de l’infraction (…)6, il appartiendra au juge de faire application des disposition de l’article 121-3 du code pénal aux termes desquelles « il n’y a point crime ou délit sans intention de le commettre » »7.

Si le Code pénal luxembourgeois, tout comme d’ailleurs le Code pénal belge, « ne contient pas de théorie générale de l’élément moral »8 il n’en demeure pas moins que Votre Cour a retenu « que l’existence d’une infraction requiert, outre un élément matériel, un élément moral ; que dans le silence de l’article (…)9 sur l’élément moral requis, cet élément, la faute, consiste dans la transgression matérielle de la disposition légale commise librement et consciemment »10 et ce après avoir décidé que la Cour d’appel en retenant « un délit purement matériel indépendant de tout élément moral »11 méconnait la loi.

5 Pièce 22 de la farde de pièces II versée par le demandeur en cassation 6 Vient l’indication d’un article du code de la route français étranger à la présente cause 7 Point 17 de la décision n°99-411 du 16 juin 1999 8 D. et A. SPIELMANN, Droit pénal général luxembourgeois, Bruylant, 2002, page 314 ; dans le même sens C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruylant, 1991, page 264, N°343 9 Vient l’indication d’un article de la Loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales étranger à la présente cause 10 Cass., 25 février 2010, n°11/2010 pénal, numéro 2734 du registre 11 Cass., 12 juin 2003, n°17/2003 pénal, numéro 1988 du registreIl en découle donc que, dans le silence de la loi, et sauf à remettre en cause le Code pénal dans son ensemble, l’élément moral exigé est le dol général.

La décision précitée du Conseil constitutionnel français n’apporte ainsi pas d’élément nouveau quant à l’exigence de l’élément moral.

Pour autant que la référence à cette décision devait viser non seulement l’exigence de précision quant à l’élément moral mais encore quant à l’élément matériel il y sera répondu ci-après.

b) Quant à la pertinence de la décision du 18 janvier 1985 Le demandeur en cassation prend encore appui sur la décision n°84-18312 du Conseil constitutionnel français rendue en date du 18 janvier 1985.

Dans cette décision le Conseil constitutionnel français, suite à une saisine par un groupe de députés en conformité avec la Constitution française, a décidé par rapport à ce qui aurait dû devenir l’article 207 alinéa 1er de la Loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises13, que celui-ci ne respectait pas la constitution française pour ne pas définir le délit de malversation.

L’article en question était rédigé comme suit : « est puni des peines prévues par le deuxième alinéa de l’article 408 du code pénal, tout administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l’exécution du plan qui se rend coupable de malversation dans l’exercice de sa mission »14.

Il en résulte deux différences fondamentales par rapport au champ d’application du texte luxembourgeois.

 Un champ d’application ratione personae différent Le texte luxembourgeois s’applique au seul curateur tandis que le texte français aurait eu vocation à s’appliquer à tout administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l’exécution du plan.

La différence, outre qu’elle est formelle, est également de taille dans la mesure où, en droit français toutes les personnes visées n’ont pas nécessairement la même qualité et ne sont – tels que notamment le représentant des créanciers – pas forcément choisies par une juridiction alors qu’en droit luxembourgeois, au vœu de l’article 456 du Code de 12 Pièce 23 de la farde de pièces II versée par le demandeur en cassation 13 Publié au Journal officiel de la République française du 26 janvier 1985, pages 1097ss 14 Pièce 23 de la farde de pièces II versée par le demandeur en cassation, page 2/4, point 9commerce, à défaut de liquidateurs assermentés15, « les curateurs seront nommés parmi les personnes qui offriront le plus de garanties pour l’intelligence et la fidélité de leur gestion ».

Autrement dit, le texte luxembourgeois ne s’applique, contrairement au texte français, qu’à une catégorie bien déterminée de personnes ayant une intelligence au-delà de la moyenne.

 Un champ d’application ratione materiae différent Le texte français aurait eu vocation à s’appliquer au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.

Abstraction faite qu’il s’agit – à l’instar de la faillite de droit luxembourgeois – de procédures collectives, les procédures françaises n’ont que peu de points communs avec notre procédure de faillite qui vient du droit belge.

Surtout la procédure de redressement judiciaire implique des pouvoirs très larges dans le chef des organes de la procédure.

Ainsi, à titre exemplatif, l’article 31 de la Loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises disposait que :

« Outre les pouvoirs qui leur sont conférés par la présente loi, la mission du ou des administrateurs est fixée par le tribunal.

Ce dernier les charge ensemble ou séparément :

1° Soit de surveiller les opérations de gestion ;

2° Soit d’assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion ou certains d’entre eux ;

3° Soit d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise.

Dans sa mission, l’administrateur est tenu au respect des obligations légales et conventionnelles incombant au chef d’entreprise.16 ».

Le rôle de l’administrateur – mandataire de justice – s’apparente dès lors au rôle d’un véritable dirigeant de société qui doit prendre un certain nombre de risques à l’instar du 15 Ce qui est le cas au Grand-Duché de Luxembourg 16 Mise en évidence ajoutéedirigeant de société et il est évident qu’il devra pouvoir le faire sans devoir craindre que chaque décision financière qu’il prend pourra donner lieu à des poursuites pénales.

La malversation du curateur est en conséquence actuellement régie par l’article L654-

12 du Code de commerce17 ; article similaire quant aux comportements visés aux articles L241-3 4° et 5° respectivement L242-618 réprimant l’abus de biens sociaux pour les 17 Article L654-12 (Modifié par Ordonnance n°2016-727 du 2 juin 2016 - art. 7) I.-Est puni des peines prévues par l'article 314-2 du code pénal le fait, pour tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan, y compris toute personne désignée en application des dispositions du premier alinéa du II de l'article L. 812-2 ou du III de ce même article :

1° De porter volontairement atteinte aux intérêts des créanciers ou du débiteur soit en utilisant à son profit des sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission, soit en se faisant attribuer des avantages qu'il savait n'être pas dus ;

2° De faire, dans son intérêt, des pouvoirs dont il disposait, un usage qu'il savait contraire aux intérêts des créanciers ou du débiteur.

II.-Est puni des mêmes peines le fait, pour tout administrateur, mandataire judiciaire, liquidateur, commissaire à l'exécution du plan ou toute autre personne, à l'exception des représentants des salariés, de se rendre acquéreur pour son compte, directement ou indirectement, de biens du débiteur ou de les utiliser à son profit, ayant participé à un titre quelconque à la procédure. La juridiction saisie prononce la nullité de l'acquisition et statue sur les dommages et intérêts qui seraient demandés.

18 Article L242-6 (Modifié par LOI n°2013-1117 du 6 décembre 2013 - art. 30) Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros le fait pour :

(…) 3° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ;

4° Le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont ils disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement.

Outre les peines complémentaires prévues à l'article L. 249-1, le tribunal peut également prononcer à titre de peine complémentaire, dans les cas prévus au présent article, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue à l'article 131-26 du code pénal.

L'infraction définie au 3° est punie de sept ans d'emprisonnement et de 500 000 € d'amende lorsqu'elle a été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger.

sociétés à responsabilité limitées respectivement pour les sociétés anonymes ainsi qu’à l’article 1500-1119 de notre Loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales telle que codifiée par Règlement grand-ducal du 5 décembre 201720.

Or, la mission du curateur au Luxembourg est toute autre. En effet, au vœu des dispositions du Code de commerce régissant la faillite, les curateurs sont obligés de verser à la caisse de consignation les deniers provenant des ventes et recouvrements « sous la déduction des sommes arbitrées par le juge-commissaire »2122 et les « sommes versées à la caisse des consignations ne pourront être retirées que sur mandats des curateurs visés par le juge-commissaire23 »24.

De même ne peuvent-ils transiger qu’avec l’autorisation du juge-commissaire25 et ont besoin de l’autorisation du Tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale pour pouvoir déférer le serment litisdécisoire26.

Cette liste n’est pas limitative mais démontre la mission tout autre du curateur de faillite de droit luxembourgeois par rapport aux organes de la procédure de redressement de droit français.

La compétence du curateur est dès lors nettement plus liée en ce sens qu’il ne lui appartient pas de prendre des décisions financières sans l’accord selon le cas du juge-

commissaire ou du Tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale.

Par voie de conséquence la décision n°84-183 du Conseil constitutionnel français rendue en date du 18 janvier 1985 n’est pas transposable au Luxembourg.

19 Art. 1500-11.

Seront punis d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 500 euros à 25 000 euros ou d'une de ces peines seulement, les dirigeants de sociétés, de droit ou de fait, qui de mauvaise foi :

auront fait des biens ou du crédit de la société un usage qu'ils savaient contraire à 1° l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ;

auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient ou des voix dont ils disposaient, en cette qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts de la société à des fins 2° personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement.

20 Mémorial A 1066 du 15 décembre 2017 21 Article 479 du Code de commerce 22 Mise en évidence ajoutée 23 Mise en évidence ajoutée 24 Article 480 du Code de commerce 25 Article 492 du Code commerce 26 idem III. L’appréciation par l’arrêt entrepris :

Dans la mesure où une juridiction n’est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle que si au moins une des trois hypothèses prévues à l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle est donnée, il s’agit partant d’apprécier si la Cour d’appel a pu valablement estimer être dispensée de la saisir.

La question soulevée par le demandeur en cassation étant à l’évidence nécessaire pour rendre une décision au fond et en l’absence d’arrêt de la Cour Constitutionnelle sur la question litigieuse seule l’hypothèse de la question dénuée de tout fondement permet de ne pas poser la question litigieuse.

Tel que le relève à juste titre le demandeur en cassation Votre Cour a retenu dans un arrêt du 25 février 2010 que « le défaut de tout fondement doit être évident et manifeste »27.

La Cour Constitutionnelle quant à elle, après avoir, dans deux arrêts du 03 décembre 200428, retenu qu’ « en droit disciplinaire la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base » a décidé que « le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser la degré de répression pour en exclure l’arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions29 » pour en finir par admettre que l’article 27 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat est conforme à l’article 14 de la Constitution en le mettant en référence avec le chapitre V de ladite loi ; chapitre non expressément cité par l’article 27.

Bien que le moyen vise une obligation de saisir la Cour Constitutionnelle et non la Cour européenne des droits de l’homme d’une question préjudicielle il n’en demeure pas moins que celle-ci considère qu’une norme pénale doit « permettre aux personnes concernées30 de prévoir, en s’entourant au besoin de conseils éclairés, quel comportement peut engager leur responsabilité pénale »31.

Il est par ailleurs de doctrine que « le législateur pénal use son vocabulaire dans le sens du langage courant sous réserve de concepts propres au droit pénal »32 respectivement 27 Cass., 25 février 2010, n°11/2010, numéro 2698 du registre 28 Cour Constitutionnelle, Arrêt 23/04 et 24/04 du 03 décembre 2004, Mémorial A, n°201 du 23 décembre 2004, pages 2960ss 29 Mise en évidence ajoutée 30 Mise en évidence ajoutée 31 CEDH, Gr. Chambre, 29 mai 2020, avis consultatif relatif à l’utilisation de la technique de « législation par référence » pour la définition d’une infraction, §31, cité dans Journal des tribunaux, 2020, page 716 32 Dean et Alphonse SPIELMANN, Droit pénal général, Bruylant, 2002, page 146« sauf s’il en décide autrement, le législateur pénal use son vocabulaire dans le sens du langage courant »33.

Or, dans le langage courant le terme de « malversation » signifie :

« Détournement de fonds »34 respectivement « Action de détourner, de dissimuler tout ou partie des fonds ou des actifs dont on a la garde »35 ou encore « Faute grave, consistant souvent en détournement de fonds, en gains occultes, commise dans l’exercice d’une charge, d’un mandat »36.

Sauf à refuser dès lors tout pouvoir d’interprétation aux juridictions du fond et à obliger ceux-ci à poser pour chaque infraction pénale dont un terme n’est pas défini – le moyen étant d’ordre public et devant être soulevé d’office aux termes de l’article 6 dernier paragraphe de la Loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle – à saisir la Cour Constitutionnelle, la Cour d’appel a partant valablement pu considérer que :

« La malversation constitue un délit sui generis, distinct de l’abus de confiance ou du détournement et du faux en écritures. C’est au juge qu’il appartient de préciser la notion de malversation (Gaston Schuind, Traité pratique de droit criminel, art. 489-490 du Code pénal, no 51).

Selon la doctrine, elle implique une atteinte frauduleuse aux intérêts de la masse, une négligence intéressée et recouvre tous les agissements aux termes desquels le curateur aura disposé à son profit de tout ou partie de la masse.

Suivant la jurisprudence, la malversation s’identifie, comme dans le langage courant, à la faute inspirée par l’intérêt personnel ou la cupidité, commise dans l’exercice d’une charge, d’un emploi, ou d’un mandat.

En incriminant la malversation commise par le curateur dans la gestion de la faillite, le législateur a entendu réprimer les agissements du curateur, répondant à la définition précitée, qui portent atteinte aux intérêts que l’institution de la faillite a pour protéger, entre autres les intérêts des créanciers (Cass. belge, 9 décembre 1987, Pas 1988, I, 426).

L’élément matériel de l’infraction est donc circonscrit par la mission légale de gestion du curateur auquel il appartient de réaliser l’actif de la faillite et de distribuer les fonds 33 Christiane HENNAU et Jacques VERHAEGEN, Droit Pénal Général, Bruylant, 1991, page 85 n°98 34 https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9M0412 35 https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/malversation/48982?q=malversation#48 891 36 Le Petit Robert de la langue française, 2021qui proviennent de sa réalisation, respectivement de conserver et de réaliser les actifs du failli et, au besoin, de provoquer une reconstitution de ce patrimoine pour ensuite en répartir le produit au profit des créanciers »37, respectivement, « Il suffit que grâce à des critères logiques, techniques et d’expérience professionnelle, les éléments constitutifs de l’infraction puissent être déterminés avec une sûreté suffisante sans tomber dans l’arbitraire.

Pour les raisons exposées ci-avant, les articles 575 4° du Code de commerce et 490 du Code pénal définissent l’infraction de malversation en des termes suffisamment clairs permettant aux intéressés de prévoir avec une sureté suffisante les caractéristiques essentielles des conduites constitutives de l’infraction visée.

Il en suit que la demande tendant à saisir la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle proposée par l’appelant est à rejeter en application de l'article 6, alinéa 2, b), de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, pour être dénuée de tout fondement »38.

Relevons que Votre Cour s’est également d’ores et déjà adonnée à cet exercice. Ainsi, dans un arrêt du 05 mars 2015 Votre Cour a décidé – sans saisir au préalable la Cour Constitutionnelle – que l’incrimination du « fait de gêner ou de mettre en danger la circulation ou de causer un dommage aux personnes ou aux propriétés publiques ou privées par un comportement déraisonnable ou imprudent » « répond aux exigences de précision et de prévisibilité des incriminations requises en matière pénale »39.

IV.

Conclusion quant au premier moyen :

Le demandeur en cassation termine la discussion du premier moyen par la demande, adressée à Votre Cour, de saisir la Cour Constitutionnelle d’une question constitutionnelle concernant les articles 490 dernier alinéa du Code pénal et 575 paragraphe 4° du Code de commerce40.

Cette demande ne saurait être accueillie ; le moyen étant tiré de l’article 6 de la Loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle et non pas ni de l’article 14 de la Constitution ni de l’article 490 dernier alinéa du Code pénal ni encore de l’article 575 paragraphe 4° du Code de commerce.

Votre Cour ne pourra dès lors que soit, si elle estime le moyen fondé, casser l’arrêt entrepris et renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel, soit, si elle estime le moyen non fondé, le rejeter.

37 Arrêt entrepris, pages 27 et 28 38 Arrêt entrepris, page 30 39 Cass., 05 mars 2015, n°17/2015 pénal, numéro 3483 du registre ensemble avec les conclusions du Ministère public 40 Mémoire en cassation, pages 22 et 23 Au vu des développements qui précèdent le soussigné conclut à voir dire le premier moyen non fondé.

Quant au deuxième moyen de cassation :

tiré du « défaut de base légale au regard de l’article 6 alinéa 1er et alinéa 2, b) de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, telle que modifiée, aux termes duquel :

« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

[…] b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

[…] ». ».

Par son deuxième moyen, qui est présenté comme étant subsidiaire au premier, le demandeur en cassation reproche en substance à l’arrêt entrepris de ne pas avoir motivé en quoi la question constitutionnelle proposée aurait été dénuée de tout fondement.

Le défaut de base légale, s’analysant en une insuffisance de motifs, est un vice de forme qui « suppose que l’arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi »41.

Or, l’arrêt entrepris est motivé sur le point considéré comme suit :

« La défense fait encore état de l’article 14 de la Constitution, qui dispose que « nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ».

La Cour constitutionnelle en a déduit que « le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l’arbitraire et permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions [et que] le principe de la spécification est le corollaire de celui de la légalité de la peine consacrée par l’article 14 de la Constitution » (Cour Constitutionnelle, 3 décembre 2004, arrêt 23/04).

41 Cass., 26 octobre 2017, n°58/2017 pénal, numéro 3868 du registreIl suffit que grâce à des critères logiques, techniques et d’expérience professionnelle, les éléments constitutifs de l’infraction puissent être déterminés avec une sûreté suffisante sans tomber dans l’arbitraire. »42, ainsi que :

« En raison même du caractère général des lois, le libellé de celles-ci ne peut pas présenter une précision absolue. Beaucoup d’entre elles, en raison de la nécessité d’éviter une rigidité excessive et de s’adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (Kokkinakis c/ Grèce, Cantoni c/ France).

La portée de la prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires.

La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte.

La malversation dans le langage courant implique une faute dans le chef de son auteur, commise dans son intérêt dans l’exercice d’une charge ou d’un mandat et donc, pour le curateur, une faute commise dans la gestion de la faillite. Cette infraction, reprise à l’article 490 du Code pénal sous le titre IX, chapitre II, section I « de la banqueroute » et à l’article 575 4° du Code de commerce dans le livre III des faillites et banqueroutes, se réfère partant nécessairement à l’atteinte portée aux intérêts que le droit de la faillite a pour objet de protéger.

Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, le curateur, investi d’une charge publique déterminée par la loi, ne peut donc ignorer ce que le terme malversation signifie. »43.

Il s’en déduit que la Cour a pu valablement en déduire « que la demande tendant à saisir la Cour Constitutionnelle de la question préjudicielle proposée par l’appelant est à rejeter en application de l'article 6, alinéa 2, b), de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, pour être dénuée de tout fondement »44.

Le deuxième moyen de cassation est donc également à déclarer non fondé.

42 Arrêt entrepris, pages 29 et 30 43 Arrêt entrepris, page 29 44 Arrêt entrepris, page 30Quant au troisième moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 14 de la Constitution, aux termes duquel : « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ». ».

Le demandeur en cassation, par son troisième moyen, demande à Votre Cour principalement de casser l’arrêt entrepris pour violation de l’article 14 de la Constitution sinon, à titre subsidiaire, de poser une question de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle concernant les articles 490 dernier alinéa du Code pénal et 575 paragraphe 4° du Code de commerce.

Bien que présenté sous forme de moyen séparé le troisième moyen n’est que difficilement séparable du premier et ce eu égard aux conséquences attachées à Votre décision par rapport à ce premier moyen.

I.

Le premier moyen est rejeté Si Votre Cour suit, comme l’a proposé le soussigné ci-avant, l’arrêt entrepris en ce que la Cour d’appel a estimé ne pas être obligée à poser la question constitutionnelle proposée pour être manifestement non fondée ; Votre Cour a par-là, implicitement mais nécessairement, rejeté le moyen tiré de la violation de l’article 14 de la Constitution.

En effet, il n’est guère concevable que Votre Cour arrive à la conclusion que l’arrêt entrepris ait violé l’article 14 de la Constitution, respectivement – la décision en appartenant à la Cour constitutionnelle aux termes de l’article 6 de la de la Loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle – que l’arrêt est susceptible d’avoir violé ledit article 14, mais pouvait légitimement se dispenser de poser la question constitutionnelle afférente à la Cour Constitutionnelle pour être manifestement non fondée.

II.

Le premier moyen est fondé Si, par contre, et contrairement aux conclusions du soussigné, Votre Cour a déclaré fondé le premier moyen et cassé l’arrêt entrepris sur ce point, les parties sont remises sur ce point dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et renvoyées devant la Cour d’appel (autrement composée).

Dans ce cas de figure il faut en déduire que la question de la constitutionnalité des articles 490 dernier alinéa du Code pénal et 575 paragraphe 4° du Code de commerce par rapport à l’article 14 de la Constitution n’a pas encore été tranchée valablement par la Cour d’appel.

Par voie de conclusion le troisième moyen n’est pas fondé non plus.

Quant au quatrième moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 7, paragraphe 1 CEDH, aux termes duquel :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international.

De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. » ».

Le demandeur en cassation reproche ainsi à l’arrêt entrepris (III) de ne pas avoir apprécié in concreto les exigences de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (II) et d’avoir erronément transposé une décision prise par la Commission européenne des droits de l’homme et non pas la Cour européenne des droits de l’homme (I).

I.

La décision de la Commission européenne des droits de l’homme S’il est exact que la décision du 14 décembre 1988 dans l’affaire 14192/88, Delande c.

Belgique45 émane de la Commission européenne des droits de l’homme et non pas de la Cour européenne des droits de l’homme toujours est-il que celle-ci, à l’instar de la Cour européenne des droits de l’homme, était une émanation du Conseil de l’Europe et faisait partie du système juridictionnel tel qu’institué par la Convention européenne des droits de l’homme jusqu’à sa suppression, en 1998, quand la Cour européenne des droits de l’homme est devenue permanente.

S’il est encore exact que cette décision est intervenue dans une affaire particulière – ce qui est d’ailleurs le propre des décisions judiciaires, l’article 5 du Code civil défendant ainsi « aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises » - il n’en demeure pas moins que l’affaire a été, à la différence près que l’avocat concerné était, outre curateur, également juge-suppléant ce qui lui a valu privilège de juridiction, très similaire à celle dont avait à connaître l’arrêt entrepris.

Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à la décision de la Commission européenne des droits de l’homme, la Cour d’appel de Bruxelles a « déclaré établies deux des cinq préventions de détournement d'actif ainsi que celle de malversation du fait des deux détournements déclarés établis, d'avoir prélevé des provisions d'honoraires sans autorisation préalable du tribunal de commerce et d'avoir obtenu une taxation d'honoraires sur base de renseignements inexacts. Il fut acquitté pour le surplus »46.

45 http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-24189 46 Idem note 45, page 2Le requérant invoquait devant la Commission européenne des droits de l’homme « l'imprécision de la prévention de malversation. Les éléments constitutifs de celle-ci seraient laissés à l'appréciation du juge, qui déterminerait, après les faits, les actes qui tombent sous cette incrimination. »47.

C’est face à cette situation factuelle et en présence d’un texte belge prévoyant que « Seront condamnés aux peines de banqueroute simple (…) Le curateur qui se sera rendu de malversation dans sa gestion »48, donc identique au texte luxembourgeois de l’article 575 4° du Code de commerce, que la juridiction européenne a estimé « que la disposition de l'article 575 4° doit être lue, d'une part en liaison avec les autres dispositions de la même loi, qui règlent les différentes obligations et charges que comporte la gestion d'une faillite par le curateur et que, d'autre part, le degré de précision de cette disposition légale peut s'apprécier en fonction de la catégorie particulière de personnes à laquelle elle s'adresse »49.

Or, dans le cas d’espèce ayant donné lieu à l’arrêt entrepris la disposition litigieuse s’applique uniquement, tel que relevé sous le premier moyen, à une catégorie bien déterminée de personnes ayant une intelligence au-delà de la moyenne et face à une mission du curateur qui oblige les curateurs à verser à la caisse de consignation les deniers provenant des ventes et recouvrements « sous la déduction des sommes arbitrées par le juge-commissaire »5051 et dispose que les « sommes versées à la caisse des consignations ne pourront être retirées que sur mandats des curateurs visés par le juge-

commissaire52 »53.

Il s’ensuit que la décision de la Commission européenne des droits de l’homme est bien transposable en l’espèce.

II.

Les exigences de la l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme Abstraction faite même de la prédite décision de la Commission européenne des droits de l’homme, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme va dans exactement le même sens, même si, à ce jour, elle n’avait pas encore à connaître de la question de la malversation du curateur.

Ainsi, décide-t-elle que le « justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente, au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les 47 Idem note 45, page 3, En droit, pt 2 48 Il s’agit de l’article 575 de la loi belge sur les faillites de l’époque, cité page 2 de la décision de la Commission européenne des droits de l’homme 49 Idem note 45, page 4 50 Article 479 du Code de commerce 51 Mise en évidence ajoutée 52 Mise en évidence ajoutée 53 Article 480 du Code de commercetribunaux et le cas échéant après avoir recouru à des conseils éclairés, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale et quelle peine il encourt de ce chef »54 tout en précisant que la « notion de « conseils éclairés » renvoie à la possibilité de bénéficier des conseils d’un avocat ou d’un juriste »55.

Elle ajoute qu’en « raison même du caractère général des lois, le libellé de celles-ci ne peut pas présenter une précision absolue. Beaucoup d’entre elles, en raison de la nécessité d’éviter une rigidité excessive et de s’adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique »56 ainsi que des « doutes à propos de cas limites ne suffisent pas à rendre une disposition incompatible avec l’article 7 »57.

Cette même Cour retient encore que « La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier »58.

III. La motivation de l’arrêt entrepris L’arrêt entrepris est, quant à la question d’une contrariété des articles 575 4° du Code de Commerce et 490 du Code pénal à l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, motivé comme suit :

« Avant d’examiner si l’infraction de malversation est établie à l’égard de X), il y a d’abord lieu, pour des raisons de logique juridique, d’examiner la conformité du libellé des articles 575 4° du Code de Commerce et 490 du Code pénal à l’article 7 de la convention des droits de l’homme, à l’article 49 de la Charte européenne des droits fondamentaux et à l’article 14 de la Constitution, alors que sa défense fait valoir que la notion de « malversation » est trop imprécise pour permettre au curateur de mesurer la portée de la disposition et de régler sa conduite.

L’article 575 du Code de commerce dispose que : « seront condamnés aux peines de la banqueroute simple, sans préjudice s’il y a lieu, à l’application de l’article 578 :

… 4° le curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion » et 54 CEDH, Guide sur l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, Mise à jour au 31 août 2020, n°27 55 Idem, note 54 56 Idem, note 54, n°29 57 Idem, note 56 58 Idem, note 54, n°31l’article 490 du Code pénal retient : « Seront condamnés à un emprisonnement d’un mois à deux ans et à une amende de 500 à 30.000 euros :

… Le curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion ».

Conformément aux conclusions du ministère public, la Cour d’appel retient en premier lieu que la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne est inapplicable en l’espèce. En effet d’après l’article 51 de la charte, ses dispositions s’adressent seulement aux Etats membres du moment qu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

L’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose, dans son paragraphe 1er, première phrase :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international ».

Dans son arrêt E.K. c. TURQUIE du 7 février 2002, la Cour européenne des droits de l’homme a retenu : « la loi doit définir clairement les infractions et les sanctions qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale ».

En raison même du caractère général des lois, le libellé de celles-ci ne peut pas présenter une précision absolue. Beaucoup d’entre elles, en raison de la nécessité d’éviter une rigidité excessive et de s’adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (Kokkinakis c/ Grèce, Cantoni c/ France).

La portée de la prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires.

La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte.

La malversation dans le langage courant implique une faute dans le chef de son auteur, commise dans son intérêt dans l’exercice d’une charge ou d’un mandat et donc, pour le curateur, une faute commise dans la gestion de la faillite. Cette infraction, reprise à l’article 490 du Code pénal sous le titre IX, chapitre II, section I « de la banqueroute » et à l’article 575 4° du Code de commerce dans le livre III des faillites et banqueroutes, se réfère partant nécessairement à l’atteinte portée aux intérêts que le droit de la faillite a pour objet de protéger.

Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, le curateur, investi d’une charge publique déterminée par la loi, ne peut donc ignorer ce que le terme malversation signifie.

Dans cet ordre d’idées, la Commission européenne des droits de l’homme a déclaré irrecevable la requête introduite par un curateur belge qui avait invoqué l’imprécision de la notion de « malversation ». La Commission a en effet retenu que la notion, qui s’adresse à des professionnels du droit, telle qu’entendue par la Cour de cassation, respecte l’exigence de prévisibilité des normes pénales imposée par l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (Comm. Eur. D.H., 14 décembre 1988, Delande c. Belgique, aff. 14192/88).

La notion de « malversation » telle que jugée non conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel français s’appliquait, par contre, non seulement au curateur de faillite, mais à toutes les personnes exerçant une fonction au sein d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire (administrateur, représentant des créanciers, liquidateur ou commissaire à l’exécution du plan).

Le moyen tiré de la violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est donc pas fondé. ».

Ce faisant l’arrêt entrepris a dès lors correctement apprécié les critères fixés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

En tout état de cause il ne saurait être reproché à l’arrêt entrepris d’avoir raisonné à partir d’une jurisprudence belge alors qu’il est d’usage, connu nécessairement du demandeur en cassation qui est un professionnel du droit, de prendre appui sur la jurisprudence étrangère, notamment française et belge, pour interpréter les dispositions légales luxembourgeoises souvent inspirées de textes légaux français ou belges. Le choix de la jurisprudence belge dans la matière considérée ne peut ainsi pas non plus être considéré comme imprévisible ; notre droit des faillites étant d’inspiration belge.

IV.

Conclusion quant au quatrième moyen de cassation Dans la mesure où l’arrêt entrepris a correctement apprécié les critères fixés par la jurisprudence de Strasbourg par rapport à l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, le quatrième moyen de cassation est également à rejeter.

Quant au cinquième moyen de cassation :

tiré du « défaut de base légale au regard de l’article 7, paragraphe 1 CEDH, aux termes duquel :

« Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international.De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. » ».

Dans son cinquième moyen, présenté comme étant subsidiaire au quatrième, le demandeur en cassation reproche en substance à l’arrêt entrepris de ne pas avoir motivé en quoi les articles 575 4° du Code de commerce et 490 du Code pénal ne sont pas contraires à l’article 7 paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme.

Tel que relevé par rapport au deuxième moyen, le défaut de base légale, s’analyse en une insuffisance de motifs constituant un vice de forme qui « suppose que l’arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi »59.

Le cinquième moyen de cassation est subdivisé en trois branches.

I.

Quant à la première branche du moyen :

Dans sa première branche le cinquième moyen reproche à l’arrêt entrepris de s’être borné « à apprécier la conformité des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal au regard de la doctrine (sans en citer la moindre référence) et d’une jurisprudence de la Cour de cassation belge, sans se référer à une jurisprudence luxembourgeoise constante, alors qu’il n’est pas possible de se reposer sur la doctrine non identifiée et une décision étrangère au droit luxembourgeoise pour dire que l’infraction de malversation prévue aux articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal aurait été définie de manière accessible ».

Le demandeur en cassation fait ainsi valoir en substance que la définition de l’infraction de malversation ne lui aurait pas été accessible. Il invoque ainsi l’absence d’une jurisprudence luxembourgeoise constante respectivement le renvoi à une jurisprudence étrangère et une doctrine non identifiée.

Dans la discussion de cette première branche du cinquième moyen il ne faut pas perdre de vue deux éléments importants :

1) tout d’abord la qualité du demandeur en cassation qui est un professionnel du droit ;

2) et ensuite, le fait, d’ores et déjà exposé ci-avant par rapport au quatrième moyen, que les juridictions luxembourgeoises, compte tenu également de l’exiguité du territoire et de la jurisprudence indigène forcément limitée, prennent de manière régulière appui sur la jurisprudence étrangère, notamment française et belge, pour 59 Cass., 26 octobre 2017, n°58/2017 pénal, numéro 3868 du registreinterpréter les dispositions légales luxembourgeoises d’ailleurs souvent inspirées de textes légaux français ou belges. Il en va de même pour la doctrine.

Abstraction faite qu’il est inexact d’affirmer que l’arrêt entrepris repose sur une doctrine non identifiée le fait de citer une jurisprudence belge de la Cour de cassation, juridiction suprême de l’ordre judiciaire belge, n’a dès lors rien de surprenant sachant que le droit de la faillite est d’inspiration belge.

Pour ce qui est de la doctrine, l’arrêt entrepris cite expressément l’ouvrage de Gaston Schuind, Traité pratique de droit criminel. Art. 489-490 du Code pénal, n°5160.

Par ailleurs, le jugement de première instance, confirmé sur ce point par l’arrêt entrepris61, fait encore référence à un deuxième arrêt de la Cour de cassation belge62 ainsi qu’à l’ouvrage de Ivan VEROUGSTRAETE, Manuel de faillite et du concordat, Editions Kluwer, Edition 2003, p. 671, un des deux manuels de référence63.

L’arrêt a pu valablement déduire de ces constatations qu’il n’y pas de violation de l’article 7 paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l’homme au motif que le droit – en l’espèce le contenu de la notion de malversation – n’aurait pas été accessible au demandeur en cassation.

En sa première branche le cinquième moyen n’est dès lors pas fondé.

II.

Quant à la deuxième branche du moyen :

Dans sa deuxième branche le cinquième moyen reproche à l’arrêt entrepris de s’être borné « à apprécier la conformité à l’article 7, paragraphe 1, CEDH des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal au regard de la doctrine (sans en citer la moindre référence) et d’une jurisprudence de la cour de cassation belge, sans se référer à une jurisprudence luxembourgeoise constante, alors qu’il n’est pas possible de se reposer sur de la doctrine non identifiée et une décision étrangère au droit luxembourgeois pour dire que l’infraction de malversation prévue aux articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal aurait été définie de manière prévisible ».

60 Arrêt entrepris, page 28 61 L’arrêt entrepris confirme le jugement entrepris sur tous les points non réformés (prescription de l’infraction prévue à l’article 245 du Code pénal, suspension du prononcé de la condamnation, abstraction de l’affichage et de la publication de la décision) 62 Arrêt entrepris, page 8 63 Le deuxième étant André CLOQUET, Les Novelles, Droit commercial, Tome IVAutrement dit il est ainsi reproché à l’arrêt entrepris de ne pas avoir conclu à une violation de l’article 7 au motif que la Cour d’appel n’aurait pas motivé en quoi l’interprétation de la malversation qui était la sienne aurait été prévisible.

Tel que développé par rapport à la première branche il est inexact d’affirmer que l’arrêt entrepris aurait fait référence à une doctrine sans en indiquer la moindre référence.

De même, y a-t-il été exposé en quoi l’arrêt a pu valablement citer deux (et non pas une telle que formulé dans la branche) décisions de la Cour de cassation belge.

Par ailleurs, pour ce qui est de la prévisibilité, l’arrêt entrepris est motivé comme suit :

« En raison même du caractère général des lois, le libellé de celles-ci ne peut pas présenter une précision absolue. Beaucoup d’entre elles, en raison de la nécessité d’éviter une rigidité excessive et de s’adapter aux changements de situation, se servent par la force des choses de formules plus ou moins floues dont l’interprétation et l’application dépendent de la pratique (Kokkinakis c/ Grèce, Cantoni c/ France).

La portée de la prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires.

La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Il en va spécialement ainsi des professionnels, habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier. Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent un soin particulier à évaluer les risques qu’il comporte.

La malversation dans le langage courant implique une faute dans le chef de son auteur, commise dans son intérêt dans l’exercice d’une charge ou d’un mandat et donc, pour le curateur, une faute commise dans la gestion de la faillite. Cette infraction, reprise à l’article 490 du Code pénal sous le titre IX, chapitre II, section I « de la banqueroute » et à l’article 575 4° du Code de commerce dans le livre III des faillites et banqueroutes, se réfère partant nécessairement à l’atteinte portée aux intérêts que le droit de la faillite a pour objet de protéger. »64.

L’arrêt entrepris est ainsi valablement motivé par rapport à la prévisibilité de l’infraction de malversation.

Il s’ensuit que le cinquième moyen, pris en sa deuxième branche, est encore à rejeter.

III. Quant à la troisième branche du moyen :

64 Arrêt entrepris, page 29 La troisième branche du moyen reproche à l’arrêt entrepris de s’être borné « à énoncer des généralités abstraites et en ne justifiant pas les raisons pour lesquelles la qualité de curateur du justiciable, eu égard aux circonstances concrètes, aurait rendu prévisible la commission de l’infraction de malversation au regard des articles 575 4° du Code de commerce et 490 dernier alinéa du Code pénal, qui ne définissent aucun élément constitutif de l’infraction de malversation ».

La troisième branche du moyen reproche à l’arrêt entrepris de ne pas avoir motivé en quoi le comportement du demandeur aurait prévisiblement pu entraîner une condamnation du chef de malversation.

L’arrêt entrepris est motivé comme suit sur les points considérés :

La « malversation s’identifie, comme dans le langage courant, à la faute inspirée par l’intérêt personnel ou la cupidité, commise dans l’exercice d’une charge, d’un emploi, ou d’un mandat »65 et l’ «élément matériel de l’infraction est donc circonscrit par la mission légale de gestion du curateur auquel il appartient de réaliser l’actif de la faillite et de distribuer les fonds qui proviennent de sa réalisation, respectivement de conserver et de réaliser les actifs du failli et, au besoin, de provoquer une reconstitution de ce patrimoine pour ensuite en répartir le produit au profit des créanciers »66.

Il en déduit que :

« Dans le cadre de la mission qui lui est confiée, le curateur, investi d’une charge publique déterminée par la loi, ne peut donc ignorer ce que le terme malversation signifie »67.

Appliqué au cas d’espèce l’arrêt motivé est encore motivé tant par rapport :

1) à la qualité du demandeur en cassation en constatant :

« X) et (…)68 ont été nommés curateur »69 2) à l’élément matériel ainsi prédéfini en retenant que :

« la Cour d’appel constate cependant qu’il n’existe pas de disposition légale obligeant la domiciliation des sociétés en faillite »70 et que :

65 Arrêt entrepris, page 28 66 Idem, note 65 67 Arrêt entrepris, page 29 68 Nom omis car sans pertinence pour la discussion 69 Arrêt entrepris, page 30 70 Arrêt entrepris, page 31 « La juridiction de première instance en a correctement conclu qu’une domiciliation voire une sous-location, n’était pas justifiée par les besoins des sociétés en faillite »71 et encore que :

« Ayant causé un préjudice à la masse des créanciers des sociétés en faillite, la juridiction de première instance est à confirmer en ce qu’elle a considéré que l’élément matériel de l’infraction est établi en l’espèce »72.

3) à l’élément moral ainsi prédifini comme la faute inspirée par l’intérêt personnel :

« Le dol spécial exigé comme élément moral de l’infraction de malversation consiste en la poursuite d’un intérêt personnel ou en des agissements inspirés par la cupidité.

Tout comme le représentant du ministère public, la Cour d’appel arrive à la conclusion que le comportement du curateur ne se résume en l’espèce pas en une simple inertie du curateur, mais en une faute de gestion destinée à éviter de supporter personnellement des frais de mise à disposition d’un bureau pour sa propre secrétaire. (…)73 a, en effet, au vu de ce qui a été retenu sub 2), effectué essentiellement des travaux incombant au curateur des faillites, respectivement à sa secrétaire.

En tant que professionnel confirmé, X) aurait néanmoins dû avoir conscience que par le fait de conclure les contrats de domiciliation litigieux, les frais incombant à la masse de la faillite seraient nécessairement augmentés tandis que les frais et la charge de travail de son étude seraient réduits en conséquence.74 Comme une faute inspirée par l’intérêt personnel suffit, c’est à juste titre que les juges de première instance ont également retenu que l’élément moral est donné en l’espèce ».

Le fait que les actes n’ont pas été, de l’avis du demandeur en cassation, d’une gravité particulière n’est d’ailleurs pas un critère de l’application de la loi pénale qui trouve à s’appliquer dès que les éléments constitutifs d’une infraction sont remplis. La gravité 71 Idem, note 70 72 Arrêt entrepris, page 32 73 Nom omis car sans pertinence pour la discussion 74 Mise en évidence ajoutéelimitée d’un acte, à supposer que la juridiction pénale partage cette analyse, n’entraîne non pas l’acquittement mais une peine relativement moins lourde.

Dans un souci de complétude il y a également lieu de rappeler que le demandeur en cassation s’est lui-même fait défendre comme suit devant la Cour d’appel :

« La position des parties :

La défense de X) soutient que ni l’article 574 4°du Code de commerce ni l’article 490 du Code pénal ne définissent la notion de malversation.

Suivant la jurisprudence belge cette infraction s’identifierait à la faute inspirée par l’intérêt personnel ou la cupidité commise dans l’exercice d’une charge, d’un emploi ou d’un mandat. En incriminant la malversation commise par le curateur dans la gestion de la faillite, le législateur aurait entendu réprimer les agissements du curateur, répondant à la définition précitée, qui porteraient atteinte aux intérêts que l’institution de la faillite aurait pour objet de protéger, entre autres les intérêts des créanciers. Selon la doctrine belge elle impliquerait une atteinte frauduleuse aux intérêts de la masse, une négligence intéressée et recouvrirait tous les agissements aux termes desquels le curateur aura disposé à son profit de tout ou partie de la masse. » ;

démontrant par là qu’il savait ce qui était entendu par malversation et qu’il lui appartenait de consulter le cas échéant la jurisprudence et doctrine belge.

Il en résulte que le cinquième moyen, pris en sa troisième branche, est, à l’instar des deux autres branches, à rejeter.

Quant au sixième moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 51 (1) de la Constitution selon lequel :

« Le Grand-Duché de Luxembourg est placé sous le régime de la démocratie parlementaire », duquel résulte le principe général de la séparation des pouvoirs tels que reconnu par la Cour Constitutionnelle ».

Le demandeur invoque à l’appui de son sixième moyen un arrêt de la Cour Constitutionnelle du 1er octobre 2010.

Le demandeur, dans son moyen continue par déduire du principe de la séparation des pouvoirs le principe de la légalité pénale.

En déclarant que l’infraction de malversation serait une infraction clandestine et en définissant les éléments constitutifs de la malversation les juges du fond auraient violé ce principe.

Ce faisant ils auraient violé l’article 51 de la Constitution.

Le demandeur en cassation termine sa discussion par la demande de saisir la Cour Constitutionnelle d’une demande préjudicielle tendant à voir clarifier la constitutionalité des articles 490 dernier alinéa du Code pénal et 575 paragraphe 4° du Code de commerce par rapport à l’article 51 (1) de la Constitution.

Le moyen ainsi proposé appelle deux considérations :

I.

La question de la clandestinité Selon le demandeur en cassation, « en retenant que l’infraction de malversation serait une infraction clandestine par nature, les juges ont manifestement aménagé les règles de la prescription, une tâche qui relève clairement de la compétence du législateur et non de celle des cours et tribunaux »75.

Abstraction de la question de l’envergure de la saisine de la Cour d’appel, question qui sera examinée dans le cadre des huitième et neuvième moyens, force est de constater que l’arrêt entrepris ne s’est pas prononcé quant à la clandestinité ou non de l’infraction de malversation.

Cette qualification d’infraction clandestine résulte en effet du jugement du Tribunal d’arrondissement du 17 janvier 201976 ; jugement qui n’a ni été entrepris par la voie de l’appel, ni n’est soumis au contrôle de Votre Cour.

Il en résulte que cet argumentaire du demandeur en cassation ne saurait être suivi.

II.

La question de la légalité de la peine ou de la précision de la loi De manière plus fondamentale, le soussigné ne saurait suivre le raisonnement du demandeur en cassation déduisant du principe de la séparation des pouvoirs, lui-même déduit par la Cour Constitutionnelle de l’article 51 de la Constitution, le principe de la légalité des peines.

En effet, le principe de la légalité des peines, est expressément inscrit à l’article 14 de la Constitution de sorte qu’il n’y a pas lieu de le déduire d’un autre principe reposant sur d’autres textes, furent-ils constitutionnels.

75 Mémoire en cassation, page 79 76 Farde de pièces du demandeur en cassation I, pièce 3Or, la question de la violation de l’article 14 de la Constitution fait l’objet du troisième moyen de cassation examiné ci-avant.

Le sixième moyen de cassation, y compris la demande de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, est donc inopérant sinon à rejeter pour les mêmes motifs que le troisième moyen.

Quant au septième moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 195, alinéa 1er du Code de procédure pénale aux termes duquel :

« Tout jugement définitif de condamnation sera motivé. Il déterminera les circonstances constitutives de l’infraction et citera les articles de la loi dont il est fait usage sans en reproduire les termes ». » Le demandeur en cassation reproche ainsi à l’arrêt entrepris de ne pas avoir énoncé les circonstances constitutives de la malversation et appuie son argumentaire par un arrêt de Votre Cour du 31 octobre 2019.

Ce septième moyen est partant à considérer comme invoquant un vice de motivation de l’arrêt entrepris.

Or, les « vices de motivation sont des vices de forme »77. Votre Cour décide de même, de manière régulière, que le moyen tiré de l’article 195 du Code de procédure pénale est un vice de forme et « qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte un motif, exprès ou implicite, sur le point considéré »78.

Cette position n’est pas non plus énervée par l’arrêt du 31 octobre 201979 cité par le demandeur en cassation.

En effet, dans l’affaire en question, Votre Cour a relevé d’office ce moyen alors que l’arrêt entrepris, « en confirmant un jugement ayant omis de définir la circonstance de temps de l’infraction retenue, a partant violé l’article 195, alinéa 1, du Code de procédure pénale »80.

Cette solution s’imposait en ce que « Les circonstances constitutives de l’infraction, dont la circonstance de temps, doivent être énoncées dans le libellé même de l’infraction 77 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°81.11, page 219 78 A titre exemplatif : Cass., 08 mars 2018, n°13/2018 pénal, numéro 3949 du registre 79 Cass., 31 octobre 2019, n°133/2019 pénal, numéro 4055 du registre 80 Idem, note 79retenue par la juridiction et il ne peut y être supplée par d’autres considérants de la décision »81.

Dans le cas à présent soumis à Votre Cour, le libellé de l’infraction, tel que confirmé par l’arrêt entrepris est cependant rédigé comme suit :

« comme auteur ayant lui-même commis les infractions, depuis le 2 janvier 2002 jusqu’au 1er avril 2008, à L-1717 Luxembourg 8-10 rue Mathias Hardt, 1. en infraction à l’article 575 4° du Code de commerce, sanctionné par l’article 490 du Code pénal, en sa qualité de curateur des sociétés A) S.A. et U) S.A., déclarées en état de faillite suivant jugements des 29 octobre et 26 novembre 1993, de s’être rendu coupable de malversation dans la gestion desdites sociétés en signant le 2 janvier 2002 pour le compte de chacune d’elles un contrat de domiciliation avec M) S.A., contrats qui ont donné lieu au paiement de la somme de 42.692,63 euros au profit de M) S.A., alors que X) était actionnaire de ladite société ; »82.

Il résulte incontestablement de la lecture de ce libellé que tant les circonstances de temps et de lieu qu’encore les autres circonstances constitutives, qui ne sont par ailleurs pas à confondre avec les éléments constitutifs83, de l’infraction y figurent de sorte que le 7ème moyen de cassation est encore à rejeter.

Quant au huitième moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 203 alinéas 4 et 5 du Code de procédure pénale, aux termes duquel :

« (…) L’appel sera formé par déclaration au greffe du tribunal qui a rendu le jugement : Le greffier en informera immédiatement les parties.

Le procureur général d’Etat et le procureur d’Etat pourront aussi former leur appel par notification au greffe de la juridiction qui a rendu le jugement. Le greffier en informera immédiatement les autres parties.

81 Idem, note 79 82 Arrêt entrepris, page 12 83 Tel que semble le faire le demandeur en cassation lors de la discussion du moyen, page 80 2ème alinéa du mémoire en cassation (…) » ».

Le demandeur en cassation, par son huitième moyen, reproche à l’arrêt entrepris d’avoir refusé « de se prononcer sur la prescription de l’action publique en ce qui concerne la prétendue infraction de malversation ».

Ce huitième moyen est subdivisé en trois branches.

I.

Quant à la première branche du moyen :

Dans sa première branche, le huitième moyen reproche à l’arrêt entrepris qu’« en n’examinant pas la question relative à la prescription au motif que le jugement interlocutoire portant sur cet examen était coulé en force de chose jugée, alors que l’examen de la prescription de l’infraction de malversation est une exigence d’ordre public, qui peut être soulevée pour le première fois devant la Cour de cassation, et doit même être soulevée d’office par le juge, la Cour d’appel a ainsi faussement, implicitement mais nécessairement, retenu qu’un prévenu peut renoncer à la prescription ce qui est contraire à l’ordre public ».

a) La prescription est d’ordre public Le demandeur en cassation invoque le caractère d’ordre public de la prescription. Il ne fait aucun doute, et la doctrine84 est unanime, que les règles relatives à la prescription sont d’ordre public.

Or, s’agissant de la matière pénale, il est de principe que « le droit pénal tend au respect de l’ordre public, les règles de droit pénal sont d’ordre public85 »86.

De même, peut-on lire « Les lois pénales de fond sont toutes d’ordre public »87 et encore, pour ce qui est des règles procédurales, qu’on « doit attribuer un caractère d’ordre public à certaines règles fondamentales de la procédure pénale »88.

84 Voir à titre exemplatif: Franchimont, Manuel de procédure pénale, L’extinction de l’action publique, Larcier, 2012, p. 125 85 Mise en évidence ajoutée 86 D. / A. SPIELMANN, Droit pénal général luxembourgeois, Bruylant, 2002, p.82 87 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°112.102, page 359 88 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°112.109, page 361Il en va ainsi entre autres de l’autorité de la chose jugée89.

Il en découle que la prescription n’a en tant que telle pas un statut différent des autres règles du droit pénal.

b) L’impossible renonciation à un droit d’ordre public Le demandeur en cassation invoque encore une impossibilité à renoncer à un droit d’ordre public.

Ici encore, l’affirmation de principe du demandeur en cassation est à approuver en ce sens qu’il ne peut être renoncé à la prescription en tant que règle d’ordre public, dépassant donc le seul intérêt du demandeur.

Or, le même raisonnement devrait valoir pour d’autres règles procédurales en matière d’appel tel que le droit au double degré de juridiction ou encore les délais de recours.

Ainsi l’ « acquiescement du condamné à la décision qui le sanctionne pénalement ne peut pas l’empêcher d’exercer les recours qui lui sont ouverts »90.

Cela ne veut cependant pas dire pour autant qu’il est possible d’invoquer à tort et à travers des règles d’ordre public mais bien au contraire qu’il faut les invoquer dans les conditions prévues par la loi.

Ainsi, si une juridiction peut, voire doit, relever d’office les moyens d’ordre public il n’en va ainsi qu’à la condition qu’elle soit valablement saisie du litige. On peut ainsi lire, certes pour la Cour de cassation mais le principe est identique pour toutes les juridictions, que le « moyen relevé d’office doit aussi (…) rester dans les limites du dispositif attaqué par le pourvoi »91.

A défaut d’agir dans les délais (et formes) légaux, il n’est plus possible d’agir fusse-t-il pour faire respecter une règle d’ordre public.

Décider l’inverse reviendrai à nier toute utilité des délais de recours légalement prévus dans les matières d’ordre public.

Cette solution découle d’ailleurs également de l’article 422 du Code de procédure pénale qui dispose :

89 Voir: J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°93.11, page 267 90 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°37.21, page 116 91 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°112.124, page 364« Lorsqu’il a été rendu par la cour d’appel ou par un Tribunal correctionnel ou de police, un arrêt ou jugement en dernier ressort, sujet à cassation, et contre lequel néanmoins aucune des parties n’a réclamé dans le délai déterminé, le procureur général d’Etat peut d’office, et nonobstant l’expiration du délai, se pourvoir, mais dans le seul intérêt de la loi, contre ledit jugement ou arrêt. Si le pourvoi est accueilli, la cassation est prononcée sans que les parties puissent s’en prévaloir et s’opposer à l’exécution de la décision annulée. » ;

permettant ainsi de faire sanctionner une règle d’ordre public, mais sans que cela ait une conséquence pour les parties.

La question n’est donc pas celle de savoir si la prescription est d’ordre public ou si une partie peut y renoncer mais bel et bien celle d’un conflit de règles d’ordre public.

II.

Le conflit de règles d’ordre public Il s’agit dès lors de trancher entre deux principes, deux règles d’ordre public a priori contradictoires.

Votre Cour a eu à connaître de cette problématique dans le cadre d’une affaire ayant donné lieu à Votre arrêt n°02/201792.

Bien que dans l’affaire en question il s’agissait non pas d’une question de prescription mais d’une nullité d’un acte de la procédure, Votre Cour a décidé que :

« la Cour d’appel n’était pas saisie d’un recours contre le jugement sur incident, de sorte qu’elle n’avait pas à examiner des moyens, fussent-ils d’ordre public93, relatifs à la question de la nullité du procès-verbal de police, toisée par ce jugement, qui était coulé en force de chose jugée » (2ème moyen).

Votre Cour rejoint ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation française qui retient que :

« Comme tout autre moyen, le moyen d’ordre public n’est recevable et ne peut, le cas échéant, être relevé d’office, que s’il ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire s’il n’a pas déjà été écarté à l’occasion de précédents pourvois dans la même affaire »94.

De même, peut-on lire dans la doctrine – certes pour le recours en cassation mais les principes sont identiques – qu’il « arrive aussi qu’une partie, qui a négligé d’attaquer 92 Cass., 26.01.2017, n°02/2017 pénal, n°3736 du registre 93 Mise en évidence ajoutée 94 Crim., 14 novembre 1990, pourvoi no 90-85.596, Bull. crim. 1990, no 380, cité in:

https://www.courdecassation.fr/IMG/pdf/cour_de_cassation_rapport_2013.pdf, Livre 3, Etude : L’ordre public, page 247un arrêt antérieur, cherche, à l’occasion d’un arrêt subséquent, à réparer les conséquences de son oubli en présentant un moyen contre cette disposition irrévocable.

En pure perte car, bonne ou mauvaise, la chose reste jugée et le pourvoi se limite au dispositif qu’il a attaqué »95 ainsi que « Parfois la chose jugée se situe en amont et résulte de ce qu’aucun appel n’a été formé »96.

Par ailleurs, la même doctrine en se référant à plusieurs arrêts de la Cour de cassation française rendus entre 1847 et 1997, donc depuis plus de 150 ans (!), retient que « le moyen d’ordre public n’est recevable que s’il ne se heurte pas à la chose jugée. Cette condition générale de recevabilité de tout moyen vaut pour les moyens d’ordre public comme pour tous les autres »97 (idem, n°112.114).

Le droit belge cité par le demandeur en cassation, abstraction faite de ce que notre procédure pénale est plutôt d’inspiration française, ne peut pas non plus connaître la lecture telle que défendue dans le mémoire en cassation.

En effet, l’ouvrage de 2017 cité par le demandeur en cassation contient certes le passage suivant :

« En raison du caractère d’ordre public de la prescription de l’action publique, la circonstance que le jugement avant dire droit par lequel le premier juge a déclaré que l’action publique n’était pas prescrite n’a pas fait l’objet d’un appel, ne dispense pas la juridiction d’appel saisie ultérieurement de vérifier à son tour si cette action n’est pas prescrite »98, néanmoins il le fait sur base de textes différents.

Ainsi, en droit belge, l’appel en matière pénale doit être motivé au vœu de l’article 204 du Code d’instruction criminelle rédigé comme suit :

« A peine de déchéance de l'appel, la requête indique précisément les griefs élevés, y compris les griefs procéduraux, contre le jugement et est remise, dans le même délai et au même greffe que la déclaration visée à l'article 203. (…) »99.

A titre de balance, l’article 210 du même Code belge, dispose ce qui suit :

« (…) Outre les griefs soulevés comme prescrit à l'article 204, le juge d'appel ne peut soulever d'office que les moyens d'ordre public portant sur les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ou sur :

- sa compétence;

95 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°111.74, page 348 96 Idem, note 95 97 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°112.114, page 363 98 Marie-Aude BEERNAT, Henri D. BOSLY, Damien VANDERMEERSCH, droit de la procédure pénale, 20017, p.1509 99 https://www.ejustice.just.fgov.be/img_l/pdf/1808/11/19/1808111901_F.pdf - la prescription des faits dont il est saisi;100 - l'absence d'infraction que présenteraient les faits dont il est saisi quant à la culpabilité ou la nécessité de les requalifier ou une nullité irréparable entachant l'enquête portant sur ces faits. (…)101 ».

Or, un texte de ce genre n’existe pas au Luxembourg.

Il s’ensuit que la première branche du moyen est à rejeter.

II. Quant à la deuxième branche du moyen :

La deuxième branche du moyen reproche à l’arrêt entrepris qu’« en limitant les effets de l’appel au jugement rendu le 5 décembre 2019, alors qu’en vertu de l’effet dévolutif général du Ministère Public, l’appel produit une dévolution totale, mettant en cause tout ce qui a été soumis aux premiers juges, y inclus le jugement interlocutoire sur la prescription de l’action publique ».

S’il est exact « que l’appel non limité du ministère public produit une dévolution totale remettant en question tout ce qui a été soumis aux premiers juges, à charge et à décharge »102, cela n’implique pas que les juges d’appel auraient pu remettre en cause le jugement du 17 janvier 2019.

En effet, si l’effet dévolutif produit par l’appel remet en question une chose jugée et en défère « la connaissance à la juridiction de recours avec pouvoir et obligation pour elle de statuer à nouveau en fait et en droit sur tous les points »103 critiqués ; la juridiction de recours ne peut également statuer que « sur ces points seulement ».

De même, certes pour le recours en cassation, il est de principe que celle-ci « n’est saisie que de la légalité de la décision visée par la déclaration de pourvoi, à l’exclusion de toute autre décision antérieure104, déjà attaquée ou non encore attaquée »105.

Or, la Cour d’appel n’était saisie que d’un appel contre le jugement du 5 décembre 2019.

Même en admettant, quod non, qu’il en serait différent et que par principe l’appel du Ministère public engloberait la procédure dans son ensemble, force est de constater que d’« après le principe général, admis en la matière par la doctrine et la jurisprudence, le juge d’appel n’est saisi que par l’acte d’appel et sa juridiction est circonscrite par 100 Mise en évidence rajoutée 101 Idem, note 99 102 Cass., 17.11.2005, n°30/2005 pénal, n°2223 du registre 103 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, édition 1987, v° Dévolutif 104 Mise en évidence rajoutée 105 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°122.31, page 393les termes de cet acte ; que, si un jugement contient des dispositions distinctes et s’il n’y a appel que d’une, le tribunal d’appel ne peut pas réformer les autres, n’en étant pas saisi, ceci en vertu de l’adage « tantum devolutum quantum appellatum » ; que cette limitation s’applique même à l’appel du Ministère public106, si celui-ci à visé une disposition nettement distincte dans la décision attaquée »107.

Dès lors, en suivant ce raisonnement il faudrait admettre que l’appel du Ministère public108, aurait expressément limité son appel à un « appel au pénal contre le jugement numéro 3003/2019 rendu le 5 décembre 2019 ».

Dans l’une et l’autre hypothèse la deuxième branche n’est donc pas fondée.

III. Quant à la troisième branche du moyen :

La troisième branche du moyen reproche encore à l’arrêt entrepris de ne pas avoir considéré « que la question de la prescription de l’action publique doit être considérée comme indivisible de toute décision au fond et que, partant, un appel contre un jugement au fond doit être considéré comme entraînant implicitement mais nécessairement un appel contre un jugement interlocutoire sur la prescription de l’action publique, même si l’acte d’appel ne fait pas spécifiquement mention de ce jugement interlocutoire ».

La troisième branche analyse la même problématique que les deux premières mais cette fois-ci sous l’angle de l’indivisibilité.

Par indivisibilité il y a lieu d’entendre « ce qui ne peut être divisé sous un rapport donné »109.

Sauf à admettre, et ainsi remettre en cause Votre jurisprudence110, que chaque jugement avant dire droit est indivisible du jugement au fond, les juges du fond ont pu valablement retenir qu’en l’espèce une « telle indivisibilité n’existe pas »111.

En effet, s’il est évident, la matière pénale étant d’ordre public, que la prononciation d’une condamnation présuppose notamment une procédure régulière, une absence de prescription, une absence de cause de justification, toujours est-il que la décision relative à l’existence ou non de ces éléments peut se retrouver aussi bien dans un seul jugement que dans plusieurs.

106 Mise en évidence rajoutée 107 CSJ (correctionnel), 20 novembre 1961, Pas. XVII, p. 395 ss 108 Pièce n°5 de la farde de pièces I du demandeur en cassation 109 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, édition 1987, v° Indivisibilité 110 Ainsi : Cass., 26.01.2017, n°02/2017 pénal, n°3736 du registre 111 Arrêt entrepris, page 21S’il s’agit de plusieurs jugements et que ces décisions soient revêtues de la chose jugée, il suffit que dans le ou les jugements subséquents, il soit renvoyé au(x) premier(s) jugement(s) ; mais chaque jugement garde son existence propre.

La jurisprudence de la Cour de cassation française retient d’ailleurs encore que mise à part les condamnations par les Cours d’assises112 un pourvoi contre un arrêt sur le fond ne s’étend pas automatiquement à un pourvoi contre un arrêt avant dire droit.113 Décider du contraire reviendrait par ailleurs, au vu des conséquences de l’indivisibilité, à amener une juridiction d’appel, en cas d’une pluralité d’auteurs, co-auteurs ou complices, à être amenée à apprécier à nouveau la responsabilité pénale de chacune des personnes poursuivies même en cas d’appel d’une seule des personnes poursuivies ou en cas d’appel limité du Ministère public à l’encontre d’une seule de ces personnes poursuivies.

La troisième branche du huitième moyen n’est donc pas non fondée.

Quant au neuvième moyen de cassation :tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation de l’article 638 alinéa 1er du code de procédure pénale, aux termes duquel :

« Dans les cas exprimés en l’article précédent, et suivant les distinctions d’époques qui y sont établies, la durée de la prescription sera réduite à cinq ans révolus, s’il s’agit d’un délit de nature à être puni correctionnellement » ».

Il résulte de la discussion du moyen que le demandeur en cassation reproche en fait à l’arrêt entrepris de ne pas avoir examiné la question de la prescription alors même que celle-ci est d’ordre public et qu’il y a une impossibilité pour le prévenu de renoncer à la prescription.

Ce faisant, bien que cette fois-ci tiré de l’article 638 alinéa 1 du Code de procédure pénale, le neuvième moyen reprend en substance les mêmes reproches que ceux détaillés sous la première branche du huitième moyen.

Par voie de conséquence il devra connaître le même sort et être rejeté.

Quant au dixième moyen de cassation :

112 Procédure particulière qui n’existe plus au Luxembourg 113 Voir: J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°111.76 et n°111.77, page 349tiré du « défaut de base légale au regard de l’article 490 du Code pénal, aux termes duquel :

« Seront condamnés à un emprisonnement d’un mois à deux ans et à une amende de 500 euros à 30.000 euros :

(…) Le curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion. ».

Le demandeur en cassation indique que ce moyen est subsidiaire au troisième et septième et plus subsidiaire au deuxième et cinquième moyen.

Il reproche ainsi à l’arrêt entrepris d’avoir retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention de malversation sans avoir procédé « à une analyse de la question de savoir quelle aurait été l’option la plus avantageuse pour les Sociétés, pour en déduire, le cas échéant que l’élément matériel de malversation serait rempli en l’espèce »114.

Ainsi, une société aurait besoin d’un siège social et n’aurait dès lors que deux options, soit disposer de locaux propres (en tant que propriétaire ou locataire) soit conclure un contrat de domiciliation.

A cet égard il y a lieu de rappeler, que le défaut de base légale, s’analysant en une insuffisance de motifs, est un vice de forme qui « suppose que l’arrêt comporte des motifs de fait incomplets ou imprécis qui ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle sur la bonne application de la loi »115.

Or, en l’espèce l’arrêt entrepris a constaté :

« Les explications de X) quant à la nature exacte et la raison d’être de ces contrats de domiciliation sont contradictoires. Ainsi, il a déclaré auprès de la police que ces domiciliations ont été rendues nécessaires par le fait qu’il voulait se conformer à la loi du 31 mai 1999 régissant la domiciliation des sociétés. Au juge d’instruction il a cependant déclaré « qu’il s’agissait en fait d’une sous-location et non d’une domiciliation au sens propre ».

Au vu du libellé des contrats versés en cause, les juges de première instance sont à confirmer en ce qu’ils ont retenu que le rôle de la société M) SA ne se limitait pas au rôle d’un simple bailleur et qu’il s’agissait bien d’une domiciliation au sens de la loi du 31 mai 1999.

Ainsi, non seulement les contrats sont intitulés « contrat de domiciliation » et la société M) SA a pris la qualité d’agent domiciliataire. Suivant les missions et obligations à sa charge se retrouvent l’obligation de recevoir toute correspondance et, parmi les 114 Mémoire en cassation, page 101 115 Cass., 26 octobre 2017, n°58/2017 pénal, numéro 3868 du registreobligations imposées aux sociétés domiciliées, celle de fournir une documentation fournie permettant de retracer la vie sociétaire et celle du paiement d’un montant annuel pour services de domiciliation, de réception de courrier et frais de bureau. Même si un bureau a été gratuitement mis à disposition de L), ces missions et frais ne s’expliquent pas par une simple relation bailleur-locataire.

Tout comme le ministère public, la Cour d’appel constate cependant qu’il n’existe pas de disposition légale obligeant la domiciliation des sociétés en faillite.

La loi sur les domiciliations et en l’occurrence la loi du 31 mai 1999 s’applique du moment qu’une société établit un siège auprès d’un tiers pour y exercer une activité dans le cadre de son objet social et que ce tiers preste des services quelconques liés à cette activité (article 1er de la loi).

Il résulte cependant des éléments de la cause que les sociétés A) SA et U) sàrl en faillite n’exerçaient plus d’activité dans le cadre de leur objet social. Le seul effet que des droits des compagnies réassurées auprès de la société A) SA ont perduré n’est pas de nature à entraîner automatiquement la continuation de l’activité de la société. X) et S) n’ont, d’après leurs propres déclarations, pas continué les affaires de la société après la faillite et ils n’ont pas non plus demandé d’autorisation au Tribunal de Commerce pour ce faire conformément à l’article 475 du Code de commerce. En outre, l’agrément délivré à la société A) SA pour faire des opérations de réassurances lui avait déjà été retiré avec effet immédiat par arrêté ministériel du 16 septembre 1993.

A cela s’ajoute que si des frais de location pouvaient se justifier au début de la faillite de la société A) SA compte tenu de la complexité de celle-ci entraînant l’occupation justifiée de plusieurs salariés dans un premier temps, toujours est-il que le contrat de domiciliation a seulement été conclu le 2 janvier 2002, partant plus de 8 ans après le prononcé de la faillite.

Contrairement à la déclaration de X) suivant laquelle lui-même aurait effectué toutes les missions dévolues au curateur tandis que l’activité de L) se serait limitée à faire l’analyse financière des dossiers de réassurance, il résulte des déclarations de L) faites auprès de la police ( 2e rapport du 14 mai 2013, annexe1 ) que pendant la période du 1er avril 2001 au 30 septembre 2012, ses tâches consistaient à réaliser un travail incombant au curateur de la faillite, respectivement à sa secrétaire. Ainsi, elle s’occupait essentiellement des démarches administratives en relation avec la faillite, la gestion de l’archive, l’organisation des dates des débats des contestations de créances, la reprise des créances avec leurs documents dans des dossiers séparés, la convocation des créanciers concernés et la préparation de notes de plaidoiries pour chaque créance contestée. Les déclarations du témoin O) à cet égard sont significatives. Cette dernière a en effet précisé : « Avec les années, la charge de travail s’est diminuée » et « au moment de mon départ, la charge de travail était minime ».

La juridiction de première instance en a correctement conclu qu’une domiciliation voire une sous-location, n’était pas justifiée par les besoins des sociétés en faillite. »116.

Le moyen qui est tiré du défaut de la base légale au regard de l’article 490 du Code pénal, et non pas de la violation ni de l’article 1er de la Loi modifiée du 31 mai 1999 régissant la domiciliation des sociétés ni de l’ancien article 27 de la Loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales117 bien que ces articles soient invoqués dans la discussion, est partant à rejeter.

Dans un souci de complétude il y a lieu de souligner par ailleurs que l’arrêt entrepris a pu valablement retenir qu’il n’y avait en l’espèce ni besoin d’une domiciliation ni d’une location (ou sous-location) dans le chef du curateur.

Ainsi, le raisonnement défendu par le demandeur en cassation sort en fait d’une méprise sur les missions du curateur.

En effet, en droit luxembourgeois, les décisions quant au siège social d’une société sont prises par les associés d’une société et non pas par son curateur (qui n’est juridiquement pas un liquidateur118. La société en faillite (contrairement à celle en liquidation) survit d’ailleurs à la faillite.

De par l’effet de la faillite, la société est dessaisie de l’administration de ses biens mais les actionnaires en tant que tels maintiennent leurs droits119.

Le curateur dispose ainsi de certains droits des dirigeants – administrateurs – mais non pas des droits des associés120.

Les administrateurs restent pour le surplus en place respectivement doivent le cas échéant être remplacés121 mais en aucun cas leur poste n’est pris par le curateur ; chargé « que » de l’administration des biens du failli.

Admettre l’inverse – et donc admettre que les administrateurs n’ont plus leur rôle, certes amputé du droit d’administration des biens, reviendrait entre autres à nier le droit d’appel de la société en faillite contre le jugement de faillite, exécutoire par provision 116 Arrêt entrepris, pages 30 et 31 117 Il s’agit de l’article 420-15 actuel 118 même pour le liquidateur la question est loin d’être évidente– et ce même si une même personne peut avoir différentes qualités 119 Évidemment mise à part le droit au dividende tant que perdure la faillite ; droit qui n’existe qu’en cas de bénéfice 120Voir : André CLOQUET Les Novelles, Droit commercial, Tome IV, n°1302 (dissolution de la société de personnes / une SA n’est pas une société de personnes) et surtout les n°2120 et suivants. Il est encore renvoyé au n° 2163 disposant que l’actionnaire maintient même le droit d’action contre les dirigeants de la société.

121 André CLOQUET, LES NOVELLES, Tome IV, n°2120 et 2121aux termes de l’article 465 du Code de commerce, alors qu’il est peu envisageable qu’un curateur nommé par un jugement du Tribunal de commerce interjette appel du jugement de faillite au nom de la société.

Par ailleurs, accorder le droit de procéder au changement du siège au curateur, reviendrait à nier le droit du failli à se voir notifier certains actes ; notification qui se fait au siège social en cas de société commerciale. En effet, si le curateur pouvait établir à son initiative le siège social auprès de son étude il pourrait se notifier à lui-même les actes à notifier au failli tels que prévus par les articles 500 du Code de commerce122, 492 du même Code123 ou encore 533 de même Code124.125 L’argument que chaque société doit légalement disposer d’un siège social, n’invalide pas le raisonnement de l’arrêt entrepris non plus et ne justifie en aucun cas la démarche du demandeur en cassation.

En effet, en l’absence de siège social, donc en cas de non-respect des obligations des associés et non pas du curateur, la société est dans une des situations visées par l’article 1200-1 (ancien 203-1) de la Loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales telle que coordonnée par règlement grand-ducal du 05 décembre 2017.

Or, si, en cas de faillite, pour ne pas compliquer et dédoubler les procédures collectives, la possibilité – le texte utilise le mot « peut » - offerte par cet article n’est guère mise en œuvre par le Ministère public, ce n’est pas pour autant que le curateur peut valablement remédier aux carences de la société en faillite.

Quant au onzième moyen de cassation :

tiré du « défaut de base légale au regard de l’article 490 du Code pénal, aux termes duquel :

« Seront condamnés à un emprisonnement d’un mois à deux ans et à une amende de 500 euros à 30.000 euros :

(…) Le curateur qui se sera rendu coupable de malversation dans sa gestion. ».

Le onzième moyen tiré du même cas d’ouverture que le dixième reproche plus particulièrement à l’arrêt entrepris, quant à l’élément moral de l’élément de 122 Le failli doit être appelé pour la vérification des créances 123 Le failli doit être appelé pour les transactions 124 Le failli doit être appelé à la reddition des comptes 125 Voir: André CLOQUET, LES NOVELLES, Tome IV, n° 2121, dernier alinéamalversation, d’avoir retenu cet élément sans prendre en compte d’une part que « Maître X) était dans l’obligation d’établir un siège social pour les Sociétés, ce qui n’a pu se faire que par une domiciliation auprès d’un tiers »126 et d’autre part « que les avantages que la Cour d’appel reproche à Maître X) d’avoir essayé de se procurer n’ont pas été supportés par les Sociétés »127.

Tel que développé sous le dixième moyen, l’arrêt entrepris est parvenu – pour des motifs qui sont à approuver – à la conclusion qu’en l’espèce il n’y avait justement pas d’obligation d’établir un siège social pour les Sociétés.

Le paragraphe « Tout comme le représentant du ministère public, la Cour d’appel arrive à la conclusion que le comportement du curateur ne se résume en l’espèce pas en une simple inertie du curateur, mais en une faute de gestion destinée à éviter de supporter personnellement des frais de mise à disposition d’un bureau pour sa propre secrétaire128. (…)129 a, en effet, au vu de ce qui a été retenu sub 2), effectué essentiellement des travaux incombant au curateur des faillites, respectivement à sa secrétaire »130131 relevé par le demandeur en cassation est d’ailleurs tout à fait étrangère à la question des salaires de la secrétaire.

La question de savoir « pourquoi Maître X) a demandé à M) de mettre un bureau à disposition de Madame (…)132 et si cette demande était motivée par le fait qu’à l’époque il n’y avait pas de bureau disponible dans les locaux de…. »133 n’avait par ailleurs pas à être posée par l’arrêt entrepris car non pertinente pour le litige soumis aux juridictions du fond.

L’arrêt entrepris a ainsi valablement pu constater l’existence d’une faute de gestion dans le chef du demandeur en cassation.

L’arrêt soumis à Votre contrôle est encore motivé quant au fait que cet avantage a dû être supporté par les Sociétés en faillite.

Ainsi, après avoir retenu que :

« La juridiction de première instance en a correctement conclu qu’une domiciliation voire une sous-location, n’était pas justifiée par les besoins des sociétés en faillite.

126 Mémoire en cassation, page 106 127 Idem, note 126 128 Mise en évidence ajoutée 129 Données personnelles omises 130 Mise en évidence ajoutée 131 Arrêt entrepris, page 32, Mémoire en cassation page 105 et 106 132 Données personnelles omises 133 Mémoire en cassation, page 107A cela s’ajoute que dès 1999 X) a signé un contrat avec la société Z) pour le stockage de 35 m3 d’archives. »134, et en avoir déduit que :

« la conclusion de ces contrats ne servait que pour la mise à disposition d’un bureau à (…)135 qui était logée dans un bureau « open space » avec les employés de la société M) SA. »136, l’arrêt entrepris constate que le « fait de signer deux contrats de domiciliation ayant donné lieu entre le 16 mai 2002 et le 1er avril 2008 à des paiements d’un montant total de 42.692,63 euros a dès lors été contraire aux intérêts des sociétés en faillite alors qu’elle a été rendue plus onéreuse pour la masse par la faute du curateur. »137.

Les juges du fond ont partant pu retenir, sans encourir le reproche du défaut de la base légale, qu’en « tant que professionnel confirmé, X) aurait néanmoins dû avoir conscience que par le fait de conclure les contrats de domiciliation litigieux, les frais incombant à la masse de la faillite seraient nécessairement augmentés tandis que les frais et la charge de travail de son étude seraient réduits en conséquence.

Comme une faute inspirée par l’intérêt personnel suffit, c’est à juste titre que les juges de première instance ont également retenu que l’élément moral est donné en l’espèce. »138.

Le onzième moyen de cassation est partant encore à rejeter.

Quant au douzième moyen de cassation :

tiré de « la violation, sinon du refus d’application, sinon de la fausse application, sinon de la fausse interprétation des articles 89 de la Constitution et 195, alinéa 1er, du Code de procédure pénale (défaut de réponse à conclusions), aux termes desquelles :

Article 89 de la Constitution :

« Tout jugement est motivé. Il est prononcé en audience publique. » 134 Arrêt entrepris, page 31 135 Données personnelles omises 136 Arrêt entrepris, page 31 in fine 137 Arrêt entrepris, page 32 138 Arrêt entrepris, page 32 Article 195, alinéa 1er. Du Code de procédure pénale :

« Tout jugement définitif de condamnation sera motivé. Il déterminera les circonstances constitutives de l’infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes ».

Le douzième moyen de cassation reproche à l’arrêt entrepris un défaut de réponse à conclusions.

Votre Cour décide de manière régulière que le défaut de réponse à conclusions, constituant un défaut de motifs, est un vice de forme.139 Ainsi, une « décision judiciaire est régulière en la forme, dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré »140.

Ce douzième moyen de cassation est subdivisé en deux branches.

I.

Quant à la première branche du moyen :

La première branche du douzième moyen reproche à l’arrêt entrepris d’avoir « omis de répondre aux conclusions régulièrement déposées à la barre de la cour d’appel, selon lesquelles une société, même en faillite et dissoute, continue encore à exister et est obligée de par la loi de disposer d’un siège social, moyen repris au dispositif desdites conclusions qui invitaient la Cour à « dire que une société, même en faillite et dissoute, continue encore à exister et est obligée de par la loi de disposer d’un siège social » ».

Le demandeur en cassation fait ainsi référence à ses conclusions déposées à l’audience du 22 mai 2020 et versées en tant que pièce 7.

Or, il est de doctrine que le « juge n’a l’obligation de répondre aux conclusions des parties que si elles sont relatives au débat dont il est saisi »141.

Le débat ayant donné lieu à l’arrêt entrepris n’était cependant pas de savoir si une société doit avoir un siège ou non mais bel et bien si le demandeur en cassation pouvait, en l’espèce, en tant que curateur, sans commettre de malversation, conclure les contrats de domiciliation en cause.

139 Ainsi : Cass., 07.05.2020, n°67/2020 pénal, n°CAS-2019-00084 du registre ; Cass., 19.11.2020, n°157/2020, n°CAS-2019-00154 du registre 140 Idem note 139 141 J. / L. BORE, La Cassation en matière pénale, Dalloz, 4è édition, n°82.34, page 224L’arrêt entrepris n’avait dès lors pas à répondre à la question de savoir si chaque société doit avoir un siège ou non.

Il en va d’autant plus ainsi que la question du siège social, tel que développé ci-avant sous le dixième moyen de cassation est étrangère à la matière de la faillite.

En retenant que « la Cour d’appel constate cependant qu’il n’existe pas de disposition légale obligeant la domiciliation des sociétés en faillite »142 et encore que « La juridiction de première instance en a correctement conclu qu’une domiciliation voire une sous-location, n’était pas justifiée par les besoins des sociétés en faillite »143 l’arrêt entrepris est donc motivé par rapport au débat qu’il avait à trancher.

La première branche du douzième moyen est donc à rejeter.

II.

Quant à la deuxième branche du moyen :

La deuxième branche du douzième moyen reproche enfin à l’arrêt entrepris d’avoir « omis de répondre aux conclusions régulièrement déposées à la barre de la Cour d’appel, selon lesquelles la loi n’impose aucune obligation au curateur d’une société en faillite de domicilier cette société dans sa propre étude, moyen repris au dispositif desdites conclusions qui invitaient la Cour à « dire que la loi luxembourgeoise n’impose aucune obligation au curateur d’une société en faillite de domicilier cette société dans sa propre étude » ».

Or, l’arrêt, en retenant que « la Cour d’appel constate cependant qu’il n’existe pas de disposition légale obligeant la domiciliation des sociétés en faillite »144, l’arrêt entrepris a, certes implicitement mais nécessairement, dit qu’il n’y avait pas d’obligation de domicilier en l’étude du curateur à défaut d’obligation de domicilier tout court.

Il en résulte qu’en sa deuxième branche, le douzième moyen de cassation est également à rejeter.

Conclusion Le pourvoi est recevable.

Les douze moyens de cassation ne sont pas fondés.

Pour le Procureur général d’Etat, l’avocat général, 142 Arrêt entrepris, page 31 143 Idem, note 142 144 Idem, note 142 Marc SCHILTZ 82


Synthèse
Numéro d'arrêt : 81/21
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;81.21 ?

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