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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°45748C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 45748C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45748C du rôle Inscrit le 8 mars 2021 Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par Monsieur (K), …, contre un jugement du tribunal administratif du 5 février 2021 (n° 42252a du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 45748C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2021 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (K), né le … à … (Egypte), de nationalité égyptienne, d

emeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 5 février 2021 (n° 422...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45748C du rôle Inscrit le 8 mars 2021 Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par Monsieur (K), …, contre un jugement du tribunal administratif du 5 février 2021 (n° 42252a du rôle) en matière de protection internationale Vu la requête d'appel, inscrite sous le numéro 45748C du rôle, déposée au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2021 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (K), né le … à … (Egypte), de nationalité égyptienne, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu le 5 février 2021 (n° 42252a du rôle) par lequel le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg l’a débouté de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 2 janvier 2019 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 8 avril 2021 ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 29 avril 2021.

1Le 31 mai 2018, Monsieur (K) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (K) sur son identité ainsi que sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, dans un rapport du même jour.

Les 13 août, 25 octobre, 30 octobre, 5 novembre et 12 novembre 2018, il fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 2 janvier 2019, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée envoyée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », l’informa qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a) et e), de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, après avoir résumé ses déclarations comme suit :

« (…) Il ressort de vos dires que vous auriez quitté votre pays d'origine en janvier 2012 parce que vous auriez fait l'objet de menaces entre octobre 2010 et septembre 2012. Vous déclarez que vous auriez été témoin du pillage d'une mine à …, alors que vous auriez filmé cinq personnes qui auraient extrait des statues et de l'or de ladite mine. Surprises en train d'être filmées, elles vous auraient enfermé pendant deux jours et vous auraient menacé. Selon vos dires, ces personnes seraient des hommes d'affaires et des hauts responsables de l'Etat égyptien.

Vous auriez porté plainte contre ces personnes le 20 octobre 2010 au poste de police de …. Vous déclarez ensuite que toutes vos preuves ainsi que votre dossier auraient brûlé lors d'un incendie et qu'« après, il y avait la révolution. Depuis, il n'y avait pas plus rien » (page 10 du rapport d'entretien). Vous auriez reçu des menaces par téléphone pendant 8 jours en octobre 2010 et vous auriez décidé de quitter la ville parce que « la situation est devenue mauvaise. (…) il y avait une grande manifestation. (…) Il y avait même des groupes armés qui ont commencé à nous agresser, les policiers ont perdu le contrôle. (…) C'était lors de la révolution. Il y avait l'apparition de groupes armés, de bandes. » (page 13 du rapport d'entretien).

Vous seriez ensuite allé vivre au Caire où vous auriez été victime d'une agression en août 2011 quand vous vous seriez rendu à … pour assister à un mariage. Ainsi « quelqu'un que je connais de vue du gouvernorat de … » (page 13 du rapport d'entretien) vous aurait attaqué avec une arme blanche. Vous vous seriez retrouvé dans l'hôpital à … et vous auriez refusé de communiquer les noms des agresseurs à la police.

En janvier 2012, vous vous seriez rendu en Turquie avant d'aller en Grèce où vous auriez vécu pendant six mois. Vous seriez retourné en Turquie et vous y auriez vécu pendant trois ans.

En 2015 vous seriez allé en Allemagne en passant par la Grèce, la Macédoine, la Serbie, la 2Slovénie et l'Autriche. Vous y seriez resté pendant sept mois avant de repartir en Turquie parce que votre père aurait été malade et que vous auriez voulu « chercher une manière de le ramener en Europe pour les soins » (page 20 du rapport d'entretien). Vous auriez travaillé en Turquie pendant deux ans jusqu'à ce que votre passeport ait expiré et que vous auriez dû retourner en Egypte. Vous déclarez également que les personnes qui vous auraient menacé en Egypte vous auraient trouvé en Turquie et vous seriez parti à nouveau en Europe, notamment au Luxembourg, avec de faux-papiers.

En 2016, alors que vous vous trouviez déjà en Allemagne, vous auriez demandé à votre avocat « de ré-ouvrir l'affaire » (page 21 du rapport d'entretien) concernant le pillage de monuments. Or vous auriez « senti que même avec les plaintes, je ne pourrais rien avoir. Au ministère, ils sont tous ensemble » (page 22 du rapport d'entretien). Vous auriez essayé une nouvelle ouverture du dossier en 2018.

Vous déclarez également que votre père aurait reçu « des menaces indirectes (…) à travers le téléphone » (page 19 du rapport d'entretien), dont la dernière en avril 2018, mais il n'aurait pas porté plainte. Votre frère aurait été en prison de 2016 jusqu'en avril 2018.

Il ressort du rapport de police du 31 mai 2018 que vous êtes signalé en Allemagne pour falsification de documents en 2015 et que vous faites objet d'un mandat d'arrêt. Il ressort également dudit rapport que vous avez utilisé un alias, une date de naissance différente et que vous avez déclaré être d'origine syrienne. Vous auriez dû être rapatrié en Egypte le 30 août 2016 mais vous êtes porté disparu en Allemagne depuis le 12 janvier 2017.

Vous présentez les documents suivants :

- Un extrait d'un acte de naissance ;

- Une copie de votre carte de séjour turque ;

- Une copie de la traduction du relevé de notes du baccalauréat de 2003 ;

- Une copie d'un certificat de l'hôpital universitaire de … établi le 20 août 2011 ;

- Une copie d'une demande en vue d'une attestation de perte votre passeport en langue turque de 2017 ;

- Une copie d'un certificat qui concerne votre frère (E) de 2017 ;

- Cinq « printscreen » de messages entre vous et « (J) » en avril 2018 ;

- Une copie de la carte d'identité de votre père ;

- Une copie de diplôme universitaire avec une copie de la traduction ;

- Six copies d'extraits tirés de l'internet sur lesquels se trouvent les personnes impliquées ;

- Document illisible « CCI220420180004.jpg » (…) ».

Le ministre mit d’abord en avant que Monsieur (K) aurait fait des déclarations incohérentes entachant la crédibilité de ses déclarations, remettant ainsi en doute l’entièreté de son récit, notamment concernant la géographie, son lieu de travail et l’histoire, déclarations ne correspondant pas aux informations suffisamment vérifiées de son pays d’origine. Ainsi, il souligna dans ce contexte :

3« (…) En effet vous déclarez que vous auriez travaillé dans « la zone …, c’était là où le roi (S) avait bâti des pyramides » (page 26 du rapport d’entretien) « au gouvernorat de … » (page 10 du rapport d’entretien) en tant que responsable des caméras de surveillance et en tant que mineur dans l’exploitation de granite et de marbre. Selon vos dires, « toute la zone est fermée parce qu’elle est considérée depuis cette affaire comme zone monumentale » (page 10 du rapport d’entretien). Vous auriez habité à … et vous vous seriez rendu à votre lieu de travail en voiture (page 10 du rapport d’entretien).

Or, il convient de relever que les pyramides de … se trouvent dans le gouvernorat de …, à … km du Caire, c'est-à-dire à … km de votre lieu d'habitation. En tant que résident d'… au gouvernorat …, il est fort improbable que vous auriez fait près de 300 km par jour pour vous rendre à votre lieu de travail. De même il convient de relever que les pyramides de … n'ont pas été construites par le « le roi (S) » (page 10 du rapport d'entretien), mais par le pharaon (P).

Or on pourrait néanmoins s'attendre à ce qu'un employé travaillant auprès des prestigieuses pyramides et en étant le « seul témoin » (page 8 du rapport d'entretien) dans cette « grande affaire » (page 9 du rapport d'entretien) connaisse au moins l'histoire des pyramides ainsi que leur emplacement.

De même il convient de relever que la zone de … n'est pas fermée, mais qu'un musée a été ouvert en 2016 afin de documenter l'histoire, les recherches archéologiques et la nécropole royale de …. D'importantes mesures ont été prises pour revaloriser les sites archéologiques et les pyramides, notamment dans la région de …, afin d'attirer les touristes.

Force est de constater que ces incohérences entachent la véracité de vos déclarations et remettent en doute l'entièreté de votre récit. Ainsi vos déclarations concernant la géographie, votre lieu de travail et l'histoire ne correspondent pas aux informations suffisamment vérifiées de votre pays d'origine. (…) ».

Le ministre mit ensuite en doute la crédibilité d’une grande partie des dires de Monsieur (K) en raison de nombreuses contradictions résultant des différents entretiens. Ainsi, il souligna dans ce contexte que :

« (…) Au fait que vous ne connaissez manifestement ni votre lieu de travail, ni l'histoire qui s'y attachent, notons encore que de nombreuses confusions, incohérences et contradictions entachent la crédibilité de votre récit. Dans ce contexte vous confondez les dates de la perte de votre passeport, la date d'entretien en Turquie et la date d'expiration de votre carte de séjour turque. On pourrait néanmoins s'attendre à ce que vous vous souveniez de ces évènements et dates qui auraient mis fin à votre séjour en Turquie et engendré votre retour en Egypte.

Dans ce contexte vous déclarez que vous présentez une déclaration de perte en langue turque comme preuve. Or, il s'agit d'une demande en vue de recevoir une attestation de perte et pas d'une attestation en tant que telle.

De même vous confondez tout au long de votre récit qui aurait été le destinataire, votre père ou vous, des prétendues lettres de menace et s'il y avait un ou plusieurs agresseurs lors de 4l'incident en août 2011. Vous faites également des déclarations contradictoires quant au fait de savoir si vous connaissiez les prétendus agresseurs ou pas. D'ailleurs la crédibilité de votre récit est entachée par vos déclarations contradictoires si un de vos frères ou vos deux frères auraient été en prison. Il ressort également de vos dires dans le rapport de police que vous auriez reçu des lettres de menaces alors que vous étiez en Turquie, or lors de l'entretien avec l'agent ministériel vous déclarez que vous auriez reçu des menaces seulement entre octobre 2010 et septembre 2011.

Notons que ces incohérences entachent la crédibilité de votre récit et remettent en cause la véracité de votre récit. (…) ».

Même à supposer que le récit de Monsieur (K) soit crédible, le ministre estima que sa demande de protection internationale reposait sur des raisons matérielles, médicales, ainsi qu’économiques, voire qu’il avait fait état de craintes hypothétiques.

Dans l’hypothèse où il aurait néanmoins été victime de violences et de menaces de mort, le ministre releva, d’une part, que les faits relatés avaient eu lieu avant la révolution égyptienne et étaient dès lors trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans le cadre de l’examen de sa demande de protection internationale, respectivement que ceux-ci ne rentraient pas dans le champ d’application de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », et, d’autre part, en ce qui concerne les faits vécus par des tiers, que Monsieur (K) n’établissait pas, dans son chef un risque réel de subir des actes similaires en raison de circonstances particulières, voire que ceux-ci rentreraient bien dans le champ d’application de la Convention de Genève. Par ailleurs, le ministre expliqua qu’il n’était pas établi que la police égyptienne serait dans l’incapacité de lui fournir une protection.

Le ministre estima en outre que Monsieur (K) ne justifiait pas non plus de raisons suffisantes en vue de l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, puisqu’il n’établissait pas qu’il courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.

Il souligna encore que Monsieur (K) avait menti concernant sa demande de protection internationale qu’il avait préalablement introduite en Allemagne, sous une identité différente et en indiquant être d’origine syrienne, avant de partir sans connaître les suites réservées à sa demande.

Ce comportement serait incompatible avec l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le ministre releva finalement la possibilité pour Monsieur (K) de profiter d’une fuite interne, notamment à Alexandrie, voire à Shubra El-Kheima.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 janvier 2019, Monsieur (K) introduisit un recours tendant à la réformation de la décision précitée du ministre du 2 janvier 2019 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 et finalement de la même décision lui ordonnant de quitter le territoire.

En application de l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, le premier 5vice-président du tribunal administratif, siégeant en sa qualité de président de la quatrième chambre du prédit tribunal, par jugement rendu en date du 19 février 2019 (n° 42252 du rôle), jugea que le recours n’était pas manifestement infondé et renvoya l’affaire en chambre collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Par jugement du 5 février 2021 (n° 42252a du rôle), la quatrième chambre du tribunal administratif, siégeant en matière collégiale, reçut le recours en la forme et au fond le déclara non justifié et en débouta le demandeur, tout en le condamnant aux frais et dépens de l’instance.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 8 mars 2021, Monsieur (K) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 5 février 2021.

A l’appui de son appel, il reproche au tribunal de lui avoir refusé le bénéfice de la protection subsidiaire, tout en réitérant sa déclaration faite devant les premiers juges qu’il renonce au volet de sa demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié politique. Tout comme en première instance, l’examen de la Cour portera dès lors exclusivement sur la question de savoir si Monsieur (K) remplit les conditions légales ayant trait au statut conféré par la protection subsidiaire.

L’appelant reproche aux premiers juges de ne pas avoir apprécié à leur juste valeur la gravité des faits à la base de son récit en raisons des menaces et agressions qu’il aurait subies en relation avec le pillage d’une tombe pharaonique et qui impliquerait des personnages importants de la société égyptienne, faits qui se dégageraient du contenu du rapport d’entretien passé devant l’agent du ministère en charge de son audition. Comme des hauts fonctionnaires de l’Etat égyptien seraient impliqués dans les vols par lui dénoncés, il ne pourrait pas bénéficier d’une protection suffisante dans son pays d’origine et il existerait de justes motifs « pour qu’il ne persiste pas outre mesure dans la plainte déjà déposée par lui ». Il précise dans ce contexte que la justice en Egypte serait aujourd’hui largement politisée et pas suffisamment indépendante pour lui assurer une protection adéquate, dès lors que des personnages publics particulièrement connus et identifiés seraient impliqués dans les vols d’objets antiques.

Il se réfère encore à des analyses et articles d’organisations internationales qui confirmeraient la politisation marquée de l’appareil judiciaire égyptien et la soumission du pouvoir judiciaire aux autorités politiques égyptiennes, se référant notamment aux nombreuses condamnations à mort prononcées dans son pays d’origine et à l’absence de procès équitables, ainsi qu’aux conditions de détention dans les prisons égyptiennes.

Partant, l’appelant estime avoir établi à suffisance de droit l’absence de protection de la part des autorités en place dans son pays d’origine et l’existence de raisons légitimes pour lesquelles il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir insisté davantage auprès desdites autorités au risque de mettre sa vie en danger.

En résumé, il estime qu’en cas de retour en Egypte, il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) et de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 62015, au regard notamment des conditions de détention et des actes de tortures pratiqués dans les prisons égyptiennes.

L’Etat conclut à la confirmation du jugement dont appel en relevant notamment que l’appelant n’apporterait aucun élément supplémentaire susceptible de venir infirmer le jugement attaqué, voire la décision ministérielle litigieuse.

Aux termes de l’article 2 sub g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Les premiers juges ont à bon escient dégagé de ces dispositions, considérées ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Par ailleurs, l’article 2 sub g), précité, de la loi du 18 décembre 2015, définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles atteintes graves se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier de la protection subsidiaire.

7Sur ce, les premiers juges ont à bon droit examiné si les faits tels que décrits par l’appelant sont de nature à tomber dans le champ d’application de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015.

Plus particulièrement, c’est à bon escient que le tribunal a retenu que Monsieur (K) ne faisait pas état de l’existence d’un conflit armé en Egypte, ni qu’il y risquerait la peine de mort ou l’exécution, mais qu’il convenait uniquement de vérifier, au vu de son récit, si celui-ci risque de subir en Egypte des traitements inhumains ou dégradants au sens dudit article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015 et si, le cas échéant, les autorités égyptiennes ne sont pas capables ou disposées de lui fournir une protection contre les faits allégués.

La Cour retient ensuite que les faits invoqués par l’appelant, à savoir un risque de persécution de la part de personnes non autrement identifiées, dont certains seraient des hauts fonctionnaires de l’Etat égyptien, en guise de représailles à la suite de la découverte d’un vol d’artefacts funéraires dans une carrière et de sa dénonciation y afférente auprès des autorités policières, remontent à octobre 2010, et sont dès lors trop éloignés dans le temps pour justifier une demande de protection subsidiaire en 2020/2021.

Pour le surplus, les prétendues menaces reçues par Monsieur (K) et une arrestation et détention de deux jours, avant d’être relâché, ne revêtent pas le caractère de gravité légalement requis, à défaut de tout indice concret supplémentaire d’une gravité suffisante permettant d’admettre que l’appelant risque toujours à l’heure actuelle de subir en Egypte des traitements inhumains ou dégradants à l’initiative des personnes prétendument dénoncées par lui, de sorte que les craintes mises en avant par Monsieur (K) apparaissent peu plausibles et sont à qualifier essentiellement d’hypothétiques.

Au-delà, le simple renvoi à la situation sécuritaire en Egypte et au prétendu fonctionnement défectueux de l’appareil judiciaire, ayant prévalu lors de son départ ou prévalant actuellement dans son pays d’origine, dès lors qu’il n’est énoncé qu’en des termes vagues et hypothétiques, doit être considéré comme constituant un simple sentiment général de peur.

La Cour arrive dès lors à la conclusion que le dossier ne laisse pas transpercer des éléments suffisants permettant de retenir que Monsieur (K) a rapporté la preuve d’un risque suffisamment réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b), de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Egypte.

Comme l’appelant ne prétend pas que la situation qui prévaut actuellement en Egypte correspondrait à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015 et que la Cour n’aperçoit ni dans les déclarations de Monsieur (K), ni dans les pièces du dossier administratif une quelconque indication de l’existence d’une telle situation, cette partie de la disposition ne trouve pas à s’appliquer.

Il suit de ce qui précède que c’est à bon droit que le ministre, puis les premiers juges, ont rejeté la demande de protection subsidiaire de Monsieur (K) et le jugement est à confirmer sous ce rapport.

8Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, force est de constater que dès lors que le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelant le statut revendiqué de la protection subsidiaire et que le refus d’octroi de ce statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.

L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter l’appelant et de confirmer le jugement entrepris.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

reçoit l’appel du 8 mars 2021 en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant ;

partant, confirme le jugement entrepris du 5 février 2021 ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45748C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;45748c ?

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