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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°45552C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 45552C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 45552C Inscrit le 26 janvier 2021

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par Monsieur (PI), Esch-sur-Alzette, contre un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2020 (n° 43528 du rôle) en matière de police des étrangers

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le

numéro 45552C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 26 janvier 20...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 45552C Inscrit le 26 janvier 2021

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par Monsieur (PI), Esch-sur-Alzette, contre un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2020 (n° 43528 du rôle) en matière de police des étrangers

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 45552C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 26 janvier 2021 par Maître Catherine WARIN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (PI), né le … à … (Afghanistan), de nationalité afghane, demeurant à L-…, dirigé contre le jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 17 décembre 2020 (n° 43528 du rôle), par lequel il a été débouté de son recours tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 13 juin 2019 rejetant la demande de regroupement familial et d’autorisation de séjour dans le chef de Monsieur (AD), Madame (BD) et de leurs enfants (CD), (DD), (ED) et (FD), ainsi que d’une décision confirmative du 22 août 2019 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 26 février 2021 par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 25 mars 2021 au nom de l’appelant;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 avril 2021 par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Catherine WARIN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2021.

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1 Le 3 novembre 2015, Monsieur (PI) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Par décision du 5 janvier 2018, notifiée en mains propres le 23 janvier 2018 à l’intéressé, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé le « ministre », lui accorda le bénéfice de la protection subsidiaire.

(PI) aurait ensuite, en date du 24 ou 25 avril 2018, déposé des documents au guichet de la direction de l’Immigration, notamment l’original des « taskaras » de sa famille, en vue de l’obtention d’un regroupement familial dans le chef de ses parents (AD) et (BD), ainsi que de ses frères et sœurs mineurs (CD), (DD), (ED) et (FD).

Le 4 juillet 2018, il déposa de nouveau les mêmes documents au titre de sa demande de regroupement familial.

Par courrier daté du 17 juillet 2018, le ministre informa (PI) que sa demande du 4 juillet 2018 ne comporterait que des documents non traduits et qu’il aurait dépassé le délai de trois mois suivant la notification de la décision lui accordant le statut conféré par la protection subsidiaire, de sorte qu’il tomberait dans le champ d’application de l’article 69, paragraphe 3, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée la « loi du 29 août 2008 ».

Par courrier du 1er août 2018, le mandataire de l’époque de (PI) exposa que son mandant aurait déposé les documents en original à la base de sa demande de regroupement familial en date du 24 ou 25 avril 2018 et il en décrit les circonstances.

Le 3 septembre 2018, le ministre répondit ne pas avoir réceptionné une telle demande à l’une de ces dates mais qu’il serait néanmoins disposé à traiter sa demande de regroupement familial avec la date du 25 avril 2018 si (PI) lui faisait parvenir les documents prouvant l’identité des personnes à regrouper ainsi que les documents prouvant le lien familial entre lui-même et ses membres de famille dans les meilleurs délais. Il ajouta que, selon l’article 70, paragraphe 5, de la loi du 29 août 2008, les ascendants devraient être à charge du regroupant et privés du soutien familial nécessaire dans leur pays d’origine et que le regroupement familial de la fratrie ne serait pas prévu audit article 70.

Le 24 octobre 2018, le mandataire de (PI) fit parvenir un courrier au ministre dans lequel, en se basant sur la directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial, ci-après dénommée la « directive 2003/86/CE », et une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 12 avril 2018, « A., S. c.

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie », portant le numéro C-550/16, il soutint que son mandant ayant été mineur au moment du dépôt de sa demande de protection internationale, il devrait dès lors bénéficier des mêmes conditions que celles applicables aux regroupants mineurs, et qu’en conséquence, l’article 70, paragraphe 5, de la loi du 29 août 2008 ne lui serait pas applicable. Le mandataire du requérant transmit également les passeports originaux des membres de la famille à regrouper, l’original de la « confession certificate » qui prouverait le lien de filiation entre (PI) et les membres de sa famille, les « tazkiras » de ces 2 derniers en anglais et en original, l’original de l’acte de mariage de ses parents, ainsi que leur certificat de bonnes mœurs.

Par courrier du 21 novembre 2018, le ministre requit une preuve du lien familial entre (PI) et sa famille, telle qu’un livret de famille. Il demanda en outre des explications quant aux divergences entre les prénoms de la mère, des frères et sœurs donnés par (PI) lors de son entretien devant un agent du ministère dans le cadre de sa demande de protection internationale, et ceux inscrits dans les documents versés à l’appui de sa demande de regroupement familial.

Le 27 décembre 2018, le mandataire de (PI) fit parvenir les certificats de naissance, en original et en anglais, des membres de sa famille pour lesquels le regroupement familial était demandé, ainsi qu’un certificat qui attesterait le lien de filiation entre (PI) et ses parents. Il précisa que les personnes dénommées (L), (M), (N), (O), (P), (Q) et (R), dont l’identité aurait été mentionnée par son mandant à l’occasion de son entretien dans le cadre de sa demande de protection internationale, ne seraient pas ses frères et sœurs, tel que renseigné alors, mais en réalité ses oncles et tantes paternels.

Par courrier du 23 janvier 2019, le ministre estima que le lien familial entre (PI) et les membres de famille n’aurait toujours pas encore été établi, au motif qu’un document tel qu’un acte de naissance de ce dernier mentionnant les noms de ses parents ne lui serait pas parvenu.

Il releva encore que la carte d’identité remise par (PI) serait fausse et que celle-ci ne pourrait pas prouver le lien familial entre ce dernier et son père. Il insista sur la preuve du lien familial, tel que le livret de famille, et les originaux des certificats de naissance que (PI) devrait lui faire parvenir.

Par courriel du 14 mai 2019, le mandataire de (PI) indiqua que les certificats de naissance des membres de la famille transmis seraient des originaux en langue anglaise, qui auraient comporté l’emblème de leur pays d’origine et qu’il aurait fourni un certificat attestant le lien de filiation entre (PI) et ses parents. Il informa le ministre en outre que (PI) aurait remis tous les documents prouvant ce lien et celui avec sa fratrie et qu’il serait dans l’incapacité de fournir d’autres preuves.

Le 13 juin 2019, le ministre refusa de faire droit à la demande de regroupement familial introduite par (PI) dans les termes suivants :

« (…) J’accuse bonne réception de votre courrier reprenant l’objet sous rubrique qui m’est parvenu par courrier en date du 14 mai 2019.

Je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.

En effet, conformément à l’article 70 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration « l’entrée et le séjour peuvent être autorisés par le ministre aux ascendants en ligne directe au premier degré du regroupant ou de son conjoint ou partenaire visé au paragraphe (1), point b) qui précède, lorsqu’ils sont à sa charge et qu’ils sont privés du soutien familial nécessaire dans leurs pays d’origine ».

Or, il n’est pas prouvé que Monsieur (AD) et Madame (BD) sont les parents de votre mandant étant donné que vous ne m’avez pas fait parvenir un document officiel prouvant le 3 lien familial entre votre mandant et ses membres de famille à regrouper.

Subsidiairement, je tiens à vous informer que l’article 69, paragraphe (3) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration n’est plus applicable étant donné que le lien familial n’a pas encore été établi jusqu’aujourd’hui, c’est-à-dire après le délai des trois mois suivant la notification du statut de réfugié (23/01/2018) à votre mandant. Des rappels ont été faits à de maintes reprises.

Or, il ne ressort pas de votre demande que Monsieur (AD) et Madame (BD) sont à charge de leur fils, qu’ils sont privés du soutien familial dans leur pays d’origine et qu’ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins par leurs propres moyens.

Concernant votre demande de regroupement familial en faveur de la fratrie de votre mandant, je tiens à vous informer que le regroupement familial de la fratrie n’est pas prévu à l’article 70 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration.

Par ailleurs, Monsieur (AD), Madame (BD) ainsi que les enfants (CD), (DD), (ED) et (FD) ne remplissent aucune condition afin de bénéficier d’une autorisation de séjour dont les catégories sont fixées à l’article 38 de la loi du 29 août 2008 précitée.

L’autorisation de séjour leur est en conséquence refusée conformément aux articles 75 et 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008 précitée. (…) ».

Par courrier du 9 juillet 2019, entré au ministère le 10 juillet 2019, (PI) fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle du 13 juin 2019 en expliquant que l’article 70 de la loi du 29 août 2008 ne lui serait pas applicable, dans la mesure où il aurait déposé une demande de protection internationale le 3 novembre 2015 à un moment où il aurait toujours été mineur d’âge. Le fait qu’il serait devenu majeur avant la décision lui accordant le statut conféré par la protection subsidiaire ne devrait pas lui être préjudiciable. Il précisa que les documents versés à la base de la demande de regroupement familial auraient été des originaux en langue anglaise et qu’ils établiraient le lien familial entre tous les membres de la famille (D). Il ajouta qu’il n’aurait pas été aisé de se procurer des documents officiels dans un pays en guerre, que l’Afghanistan n’offrirait pas la possibilité d’obtenir des documents officiels répondant aux standards et exigences européens et qu’il était dans l’impossibilité de fournir davantage de documents que ceux déjà versés.

Le 22 août 2019, le ministre réitéra son refus de faire droit à la demande de regroupement familial en confirmant sa décision du 13 juin 2019 dans son intégralité.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2019, (PI) fit introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 13 juin et 22 août 2019.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal administratif reçut le recours en la forme, au fond, le déclara non fondé et en débouta, tout en condamnant le demandeur aux frais.

4 Selon les premiers juges, même en admettant la réalité des liens de filiation allégués par le demandeur, les conditions pour prétendre à un regroupement familial ne seraient pas remplies en cause.

En effet, l’article 70 de la loi du 29 août 2008 exclurait en premier lieu la fratrie de la possibilité de bénéficier d’un regroupement familial et concernant les parents de (PI), à défaut d’une demande introduite dans les trois mois suivant la réception de la décision lui accordant une protection subsidiaire, les conditions de l’article 69 de la même loi seraient applicables et non remplies en cause, de sorte que le rejet ministériel de sa demande de regroupement familial serait légalement fondé.

Selon les premiers juges, le ministre n’aurait pas non plus contrevenu aux conditions posées par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (« CEDH ») garantissant la vie privée et familiale, dès lors que (PI) omettrait de prouver l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux, avec ses parents ou ses frères et sœurs.

Le 26 janvier 2021, (PI) a régulièrement relevé appel contre ce jugement.

L’appelant critique les premiers juges de lui « reprocher de ne pas avoir prouvé le lien familial dans le délai imparti de trois mois ».

Or, il serait faux de faire peser sur lui la charge intégrale de la démonstration de l'existence de liens familiaux.

En effet, il devrait être considéré comme ayant été un mineur non accompagné demandeur de protection internationale, et il continuerait de bénéficier des droits et facilités reconnus aux mineurs non accompagnés.

Ainsi, en vertu des dispositions tant nationales que communautaires, avec notamment une application combinée de la directive 2003/86/CE, des directives 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 dite « Qualification » et 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dite « Procédures » et de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, l'administration aurait eu le devoir de le protéger spécialement en tant que membre d’une catégorie d'administrés particulièrement vulnérables et elle devrait être proactive et tout faire pour assurer les intérêts supérieurs des enfants.

Il aurait spécialement appartenu au ministre de rechercher les membres de sa famille dès l’introduction de sa demande de protection internationale et cette obligation serait prolongée lorsque le mineur s’est vu octroyer la protection internationale et même après être devenu majeur d’âge. Or, l’administration n’aurait rien fait pendant toute la durée d’instruction de sa demande de protection internationale, soit pendant 18 mois.

Ainsi, l’administration ne saurait lui reprocher le fait de ne pas être parvenu à introduire une demande formelle et complète dans un délai de trois mois, le motif afférent n’étant rien d’autre que l'aveu de l'administration de ne pas avoir mis en œuvre les recherches nécessaires.

L’administration serait encore fautive en ce qu’elle ne l’aurait pas informé sur les modalités d’un regroupement familial.

5 Il ne saurait ainsi être question d’un manquement procédural lui imputable.

Concernant la date à laquelle il s'est « présenté la première fois au ministère pour déposer des documents en vue du regroupement familial », l’appelant entend principalement mettre en balance le fait d’avoir « introduit sa demande de regroupement familial dès l'obtention de la protection subsidiaire, puisque le 23 janvier 2020 [sic], jour où il a obtenu cette protection, il a rempli une fiche dans laquelle il a indiqué les noms des membres de sa famille pour lesquels il souhaitait obtenir le regroupement » et qu’en tant que mineur devenu majeur en cours de procédure, il aurait dû avoir l'assistance de l'administration dans la suite de sa démarche. En ordre subsidiaire, il soutient qu’il y « existe une incertitude sur la date à laquelle (PI) s'est présenté à la direction de l'immigration et le doute doit lui profiter. En effet, M. (PI) ne maîtrise pas les enjeux administratifs et juridiques et c'est donc cette incapacité due à son inexpérience qui explique l'absence d'une demande formelle. Personne ne sait dire si M. (PI) s'est présenté le 15, le 20 ou le 24 avril 2018. (…) ». Encore plus subsidiairement, l’appelant donne à considérer que, quand bien même la demande de regroupement familial aurait été introduite après le délai des trois mois, le retard ne lui serait pas imputable, mais relèverait de la faute de l’administration qui aurait manqué à ses obligations.

Il s'ensuivrait que c'est à tort que le tribunal a considéré qu’il n’avait pas introduit sa demande dans les trois mois de l’obtention d’une protection internationale.

Si la Cour devait avoir les moindres doutes sur la pertinence de son analyse par rapport à la portée des directives Qualification et Procédures pour la mise en œuvre du droit au regroupement familial, l’appelant demande à la Cour de soumettre à la Cour de justice de l'Union européenne, les questions préjudicielles suivantes :

«1) Les articles 24(3) de la directive Accueil et l'article 31(5) de la directive Qualification doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsque les Etats membres « recherchent » les membres de la famille d'un mineur non accompagné demandeur de la protection internationale, il leur incombe notamment de procéder à l'identification de ces personnes et de constater leur lien familial avec le mineur concerné ? 2) Les articles 7 et 24 de la Charte des droits fondamentaux, l'article 24(3) de la directive Accueil, l'article 31(5) de la directive Qualification et l'article 10(3) sous a) de la directive 2003/86 imposent-ils de déroger au principe dégagé dans l'arrêt C-550/16 du 12 avril 2018, à savoir qu'une demande de regroupement familial formulée par un bénéficiaire de la protection internationale devenu majeur durant la procédure d'asile « doit, en principe, dans une telle situation, être introduite dans un délai de trois mois à dater du jour où le mineur concerné s'est vu reconnaître la qualité de réfugié », si l'administration a au préalable manqué à ses obligations en vertu des articles 31(5) de la directive Qualification et10(3) sous a) de la directive 2003/86 ? ».

Par ailleurs, selon l’appelant, au niveau du droit au maintien de l'unité familiale, il ne saurait être question de faire une distinction entre la reconnaissance du statut de réfugié et l’octroi d’une protection subsidiaire, les deux statuts conférant le droit à un regroupement familial.

6 Quant aux conditions du regroupement familial, d’une part, dès lors qu’il aurait entrepris tous les efforts possibles (dépôt des originaux des « taskiras » de sa famille, passeports originaux des membres de sa famille, original d’un « confession certificate » prouvant son lien de filiation, original de l'acte de mariage des parents, certificat de bonne vie et mœurs pour la mère et le père, certificats de naissance du père, de la mère, des frères et sœurs etc.) pour prouver les liens avec sa famille, la réalité des liens familiaux allégués ne serait pas discutable, d’autant plus qu’il viendrait « d'un pays où les standards administratifs n'ont rien à voir avec les nôtres ». D’autre part, les articles 69, paragraphe 3, et 70, paragraphe 4, de la loi du 29 août 2008 étant applicables en l'espèce, il serait en droit de faire venir ses parents sans que des conditions de ressources soient applicables et sans démontrer de dépendance de ces derniers envers lui.

Ses frères et sœurs ayant été tous mineurs au jour où il a obtenu la protection subsidiaire et demandé le regroupement familial, ils devraient être autorisés à suivre leurs parents au Luxembourg.

L’appelant estime encore que les premiers juges ont fait une mauvaise application de l'article 8 de la CEDH. En effet, le manque de soutien proactif de l'administration dans le but de favoriser la réunion de la famille constituerait un non-respect dudit article 8.

Le délégué du gouvernement conclut en substance au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Le litige sous examen est légalement cadré par les dispositions des articles 69 et 70 de la loi du 29 août 2008.

L’article 69 en question dispose que :

« (1) Le ressortissant de pays tiers qui est titulaire d’un titre de séjour d’une durée de validité d’au moins un an et qui a une perspective fondée d’obtenir un droit de séjour de longue durée peut demander le regroupement familial des membres de sa famille définis à l’article 70, s’il remplit les conditions suivantes:

1. il rapporte la preuve qu’il dispose de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et ceux des membres de sa famille qui sont à sa charge, sans recourir au système d’aide sociale, conformément aux conditions et modalités prévues par règlement grand-ducal;

2. il dispose d’un logement approprié pour recevoir le ou les membres de sa famille;

3. il dispose de la couverture d’une assurance maladie pour lui-même et pour les membres de sa famille.

(2) Sans préjudice du paragraphe (1) du présent article, pour le regroupement familial des membres de famille à l’article 70, paragraphe (5) le regroupant doit séjourner depuis au moins douze mois sur le territoire luxembourgeois.

(3) Le bénéficiaire d’une protection internationale peut demander le regroupement des membres de sa famille définis à l’article 70. Les conditions du paragraphe (1) qui précède, ne doivent être remplies que si la demande de regroupement familial est introduite après un délai de trois mois suivant l’octroi d’une protection internationale. ».

7 L’article 70 de la loi du 29 août 2008, définissant les membres de la famille susceptibles de rejoindre un bénéficiaire d’une protection internationale dans le cadre du regroupement familial, dispose encore que :

« (1) Sans préjudice des conditions fixées à l’article 69 dans le chef du regroupant, et sous condition qu’ils ne représentent pas un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique, l’entrée et le séjour est autorisé aux membres de famille ressortissants de pays tiers suivants :

a)le conjoint du regroupant ;

b)le partenaire avec lequel le ressortissant de pays tiers a contracté un partenariat enregistré conforme aux conditions de fond et de forme prévues par la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats :

c)les enfants célibataires de moins de dix-huit ans, du regroupant et/ou de son conjoint ou partenaire, tel que défini au point b) qui précède, à condition d’en avoir le droit de garde et la charge, et en cas de garde partagée, à la condition que l’autre titulaire du droit de garde ait donné son accord.

(2) Les personnes visées aux points a) et b) du paragraphe (1) qui précède, doivent être âgées de plus de dix-huit ans lors de la demande de regroupement familial.

(3) Le regroupement familial d’un conjoint n’est pas autorisé en cas de mariage polygame, si le regroupant a déjà un autre conjoint vivant avec lui au Grand-Duché de Luxembourg.

(4) Le ministre autorise l’entrée et le séjour aux fins du regroupement familial aux ascendants directs au premier degré du mineur non accompagné, bénéficiaire d’une protection internationale, sans que soient appliquées les conditions fixées au paragraphe (5), point a) du présent article.

(5) L’entrée et le séjour peuvent être autorisés par le ministre :

a) aux ascendants en ligne directe au premier degré du regroupant ou de son conjoint ou partenaire visé au paragraphe (1), point b) qui précède, lorsqu’ils sont à sa charge et qu’ils sont privés du soutien familial nécessaire dans leur pays d’origine ;

b) aux enfants majeurs célibataires du regroupant ou de son conjoint ou partenaire visé au paragraphe (1), point b) qui précède, lorsqu’ils sont objectivement dans l’incapacité de subvenir à leurs propres besoins en raison de leur état de santé;

c) au tuteur légal ou tout autre membre de la famille du mineur non accompagné, bénéficiaire d’une protection internationale, lorsque celui-ci n’a pas d’ascendants directs ou que ceux-ci ne peuvent être retrouvés. ».

Le premier moyen de l’appelant est à rejeter en ce qu’il table sur la prémisse erronée de ce que les premiers juges auraient retenu à son désavantage le défaut d’avoir établi dans le délai légal de trois mois les liens familiaux allégués par lui, alors que ce n’est pas cela qui a motivé les premiers juges à confirmer les décisions de rejet ministérielles, mais ils ont retenu qu’il n’avait tout court pas introduit de demande de regroupement familial dans le délai de trois mois, de sorte à ne pas être dispensé de remplir les conditions prévues par l’article 69, paragraphe 1, de la loi du 29 août 2008.

Or, les premiers juges ne sont point critiquables en leur analyse et conclusion y afférentes.

En effet, c’est à bon droit qu’ils ont constaté que l’octroi de la protection subsidiaire, par décision ministérielle du 5 janvier 2018, a été notifiée en mains propres à (PI) le 23 janvier 2018, de sorte que le délai de trois mois, tel que prévu à l’article 69, paragraphe 3, 8 de la loi du 29 août 2008 pour introduire une demande de regroupement familial avec dispense de remplir les conditions prévues par l’article 69, paragraphe 1, de la loi du 29 août 2008, y commença à courir, pour expirer le 23 avril 2018 à minuit.

Ainsi, même à admettre que sa prétendue demande de regroupement familial du 24 ou du 25 avril 2018, qui, selon lui, aurait été égarée par les services ministériels, avait effectivement été introduite le 24 avril 2018 -la preuve de pareil état des choses n’étant point rapportée en cause-, (PI) n’aurait toujours pas agi dans le délai légal de trois mois pour pouvoir réclamer le bénéfice des conditions favorables prévues à l’article 69, paragraphe 3, de la loi du 29 août 2008, le délai ayant expiré la veille.

Il ne saurait par ailleurs pas être question de suivre l’appelant en ce qu’il fait état d’une demande de regroupement familial formulée, explicitement ou implicitement, le 23 janvier 2018, jour de la notification de la décision d’octroi de la protection subsidiaire du 5 janvier 2018. En effet, s’il est vrai qu’il se dégage du dossier administratif que le 23 janvier 2018, (PI) a rempli une fiche relative à ses « données familiales », le fait afférent ne saurait être assimilé à la formulation d’une demande de regroupement familial avec les personnes y renseignées.

C’est encore à tort que l’appelant entend reprocher, à quelque titre que ce soit, au ministre un défaut d’avoir opéré des recherches suffisantes des membres de sa famille et toute l’argumentation afférente, dont les questions préjudicielles suggérées, -qui ne constitue pas une demande nouvelle prohibée en tant que telle en instance d’appel, tel que le soutient le délégué du gouvernement, mais un simple moyen nouveau admissible- manque de pertinence et est à écarter.

En effet, étant donné qu’il se dégageait clairement des déclarations de l’intéressé qu’il connaissait le lieu de séjour de ses père et mère et qu’il était en contact direct avec eux, le reproche d’un défaut de recherches suffisantes ne saurait en tout état de cause pas être utilement opposé au ministre.

Il est par ailleurs constant que (PI) ne dispose ni de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille, sans recourir au système d’aide sociale, ni d’un logement approprié pour recevoir ses parents ou autres, ni d’une couverture d’une assurance maladie pour lui-même et ces derniers, de sorte que les conditions légales afférentes ne sont pas remplies et le ministre pouvait valablement rejeter sa demande de regroupement familial dans le chef de ses parents, voire de ses frères et sœurs, dussent-ils être considérés comme étant toujours en droit d’accompagner leurs parents.

Les reproches d’un manque de coopération en vue de la recherche des membres de sa famille ayant été rejetés ci-avant, le moyen tel que formulé par l’appelant en relation avec une violation de l’article 8 de la CEDH, qui garantit à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et qui limite les ingérences, par une autorité publique, dans l’exercice de ce droit, manque ne serait-ce que sous ce rapport et est partant à son tour à rejeter, étant relevé que la notion de vie familiale ne se résume pas uniquement à l’existence d’un lien de parenté, mais requiert un lien réel et suffisamment étroit entre les différents membres dans le sens d’une vie familiale effective et les premiers juges ont considéré à bon droit que l’appelant est resté en défaut d’établir l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux, avec ses parents et sa fratrie, cet état des choses perdurant en instance d’appel.

9 Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est pas fondé et que le jugement a quo est à confirmer.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit l’appel en la forme;

le dit non fondé et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 17 décembre 2020;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45552C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;45552c ?

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