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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°45163C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 45163C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45163C du rôle Inscrit le 2 novembre 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par l’administration communale de la Ville de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 21 septembre 2020 (n° 40553 du rôle) ayant statué sur le recours de la société anonyme …, …, dirigé contre deux délibérations du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’amÃ

©nagement général (refonte) Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 45163C du ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45163C du rôle Inscrit le 2 novembre 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par l’administration communale de la Ville de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 21 septembre 2020 (n° 40553 du rôle) ayant statué sur le recours de la société anonyme …, …, dirigé contre deux délibérations du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 45163C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 2 novembre 2020 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du barreau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 186.371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-1648 Luxembourg, 42, place Guillaume II, Hôtel de Ville, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 21 septembre 2020 (n° 40553 du rôle) ayant déclaré irrecevable le recours en annulation de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigée contre la délibération de mise sur orbite de la procédure de refonte du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg opérée par le conseil communal le 13 juin 2016, pour dire ce recours recevable pour le surplus et, au fond, annuler partiellement en conséquence la délibération du même conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption dudit projet de refonte, ainsi que la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 dans la mesure où elles ont classé en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C» », la parcelle de cette société demanderesse, inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EE d’Eich, sous le numéro 101/3367, tout en disant le recours non fondé pour le surplus ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculés auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 4 novembre 2020 portant signification de cette requête d’appel à la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 novembre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2020 par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 janvier 2021 par Maître Christian POINT au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 février 2021 par Maître Serge MARX au nom de la société anonyme …, préqualifiée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT, Serge MARX et Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 février 2021.

Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après « le conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et « (…) charge[a] le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».

Par courrier du 19 juillet 2016, la société anonyme …, ci-après « la société … », déclarant agir en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EE d’Eich, sous le numéro 101/3367, ci-après « la parcelle 101/3367 », soumit au collège des bourgmestre et échevins des objections à l’encontre du projet d’aménagement général, ci-après « le PAG ».

Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du PAG et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ». Concernant plus particulièrement la réclamation de la société …, le conseil communal fit droit à certains de ses aspects et rejeta les autres points. Le conseil communal décida ainsi de procéder aux modifications suivantes :

« 1. modifications partie graphique PAG, de [HAB-2] à [MIX-u] 2. aplanissement, pas de modifications, reste [SPR-es] 3. modifications partie graphique PAG, réduction zone [JAR] modifications partie écrite PAG, dispositions [JAR] 4. modifications partie graphique PAG, suppression de la zone à risques naturels [RI] ».

2Par courrier de son mandataire du 19 mai 2017, la société … introduisit auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption du PAG et ayant statué sur les objections dirigées par les administrés à l’encontre de ce même projet.

Par décision du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du PAG, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du PAG, la réclamation introduite par la société … ayant, cependant, été déclarée non fondée, en son volet visant le classement par le PAG de la parcelle 101/3367. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve les délibérations du conseil communal des 13 juin 2016 et 28 avril 2017 portant adoption de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville de Luxembourg, présenté par les autorités communales.

Conformément à l’article 18 de [la] loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (dénommée ci-après « Loi ») j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.

La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la Loi.

Les modifications ainsi apportées à la partie graphique et à la partie écrite du PAG sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Il est laissé le soin aux autorités communales d’adapter les délimitations des plans d’aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents et ce conformément aux modifications résultant de la décision ministérielle. Les autorités communales sont ainsi tenues de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique du PAG ainsi que des plans d’aménagement particulier « quartier existant » adaptés en conséquence.

Il est statué sur les réclamations émanant (…) de Maître Serge Marx au nom et pour le compte de la société … (…).

Ad réclamation … (rec …) (…) La réclamante sollicite que la zone superposée « secteur protégé d'intérêt communal "environnement construit" » sur la parcelle cadastrale n° 101/3367, sise à Eich, soit supprimée.

Tout d'abord force est de constater que les bâtiments forment un ensemble cohérent, digne de protection. Ils ont été classés suite à l'avis émis par le Service des Sites et Monuments Nationaux, préconisant leur valeur en tant que témoins historiques.

Le classement des bâtisses en question comme « bâtiment protégé » est ainsi justifié, étant donné qu'il remplit, conformément à la jurisprudence constante en la matière (cf. notamment un jugement du Tribunal administratif rendu en date du 9 juin 2016, n° 35751 du rôle), au moins un des critères fixés à l'article 33, alinéa 2, du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d'aménagement général, article qui dispose que « les secteurs protégés de type 3environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d'immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l'immeuble pour l'histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle ».

Cependant, il s'impose de noter que les bâtiments litigieux se trouvent actuellement en « secteur protégé du petit patrimoine » et en « zone de bâtiments et équipements publics [BEP] » couverts par un plan d'aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE). Ledit PAP fixe en lui-même les règles applicables pour les fonds qu'il couvre. Il s'ensuit que, faute de dispositions spécifiques définies par le PAP imposant des règles définies spécifiques, les contraintes auxquelles sont soumis les bâtiments en question sont de nature minime. Le propriétaire des fonds en question n'est donc aucunement lésé et peut même envisager leur démolition.

La réclamation est partant non fondée. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2018, la société … fit introduire un recours en annulation dirigé contre les délibérations respectives du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 13 juin 2016 et 28 avril 2017, précitées, ainsi que contre la décision du ministre du 5 octobre 2017, également précitée.

Par jugement du 21 septembre 2020, le tribunal déclara ce recours irrecevable en tant que dirigé contre la délibération communale de mise sur orbite du PAG refondu du 13 juin 2016, tout en le déclarant recevable pour le surplus et, au fond, en le disant partiellement justifié de manière à annuler la délibération communale du 28 avril 2017 portant adoption du PAG ainsi que de la décision ministérielle d’approbation afférente du 5 octobre 2017 dans l’unique mesure où elles ont classé en « secteur protégé d’intérêt communal de type « environnement construit - C » », la parcelle 101/3367 de la société …, tout en disant ce recours non fondé pour le surplus et en condamnant la partie étatique et la Ville de Luxembourg aux frais et dépens.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 2 novembre 2020, la Ville de Luxembourg a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 21 septembre 2020 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir déclarer le recours de la société … non fondé dans son intégralité et de le voir rejeter avec décharge de la Ville de la condamnation prononcée à son encontre, ensemble avec l’Etat, au paiement des frais et dépens et condamnation de la société … à tous les frais et dépens des deux instances.

La société …, à travers son mémoire en réponse, interjette appel incident contre le jugement dont appel principal et sollicite en conséquence la réformation de celui-ci dans le sens de voir annuler purement et simplement les délibérations communales et la décision ministérielle querellées, tout en concluant, concernant l’appel principal, à voir celui-ci déclarer non fondé et de voir confirmer le jugement dont appel dans cette mesure.

A toutes fins utiles et pour autant que de besoin, la société … demande à voir ordonner sur base de l’article 14 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », la production de certaines pièces en relation avec les prestations du bureau d’études chargées de la confection du projet de PAG refondu, de même que ladite société demande à voir poser à la Cour constitutionnelle deux questions préjudicielles tenant à la conformité de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004, respectivement à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution, en matière de réserve à la loi et à 4l’article 10bis de la Constitution en matière d’égalité de traitement.

L’Etat déclare se rapporter à la requête d’appel de la Ville et demande à la Cour de voir statuer conformément à celle-ci.

Liminairement, la Cour entend cadrer le litige sous plusieurs aspects.

En fait, il convient de relever qu’au niveau du tronçon regroupant les immeubles inscrits aux numéros 33 à 37 de la rue d’Eich, dont la société … est propriétaire, c’est la parcelle portant le numéro cadastral 101/3367 qui accueille l’ensemble de ces bâtiments.

Il convient encore de préciser que la présente affaire est parallèle à celle inscrite sous le numéro 45165C du rôle où il s’agit des immeubles sis 27 à 31, de la même rue d’Eich appartenant à la société anonyme A, étant entendu que tous ces immeubles situés du 27 au 37 de la rue d’Eich se trouvent classés en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » ».

Ces parcelles avaient déjà été classées sous l’ancien plan JOLY en tant qu’ensemble sensible.

Au niveau du PAG refondu, sur objection, largement accueillie par le conseil communal à travers sa délibération du 28 avril 2017, ces parcelles, initialement classées en zone [HAB-2] pour la partie frontale et en zone [JAR] pour la partie arrière furent dorénavant classées dans leur globalité en zone [MIX-u]. De même, toute référence à la zone à risques naturels [RI] fut supprimée au niveau de la partie graphique du PAG.

Par contre, la soumission à une zone superposée d’un « secteur protégé d’intérêt communal de type « environnement construit » » marquée par la lettre C au niveau de la partie graphique fut maintenue au niveau du PAG.

Pour le surplus, après avoir été classées ensemble sensible par le plan JOLY, les parcelles querellées furent soumises au PAP QE [SPR-es] en application de l’article D.10 de la partie écrite du PAP QE, sans que toutefois une partie graphique spécifique ne fut créée pour ce secteur protégé des ensembles sensibles, tandis que toutefois les parcelles litigieuses furent reprises au plan de repérage « PAP QE 1 - Nord ». Elles s’y trouvent localisées et indiquées comme faisant partie du PAP QE [SPR-es] à travers des lignes pointillées de couleur turquoise, indiquées dans la légende comme valant délimitation des limites des parcelles faisant partie dudit PAP QE [SPR-es].

En ce que d’après l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004, le PAP QE est un document d’exécution et de précision du PAG, la présente affaire ayant trait précisément au classement de la parcelle litigieuse au niveau du PAG est de nature à conditionner dans cette mesure, l’affaire parallèle précitée.

Au niveau du classement par le PAG de la parcelle litigieuse, les premiers juges sont venus à la conclusion que pour la parcelle 101/3367 correspondant aux numéros 33 à 37 de la rue d’Eich, le classement de la zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal de type « environnement construit – C » » ne se justifiait point et ont annulé le classement afférent opéré par la délibération communale d’adoption du PAG du 28 avril 2017 et la décision ministérielle d’approbation du 5 octobre 2017 dans cette seule mesure.

5La partie intimée reprend sous l’intitulé « appel incident », l’ensemble de son argumentaire de première instance à la fois en ce qu’il concerne l’illégalité externe des délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées et en ce qui concerne l’illégalité interne de celles-ci mise en avant par elle. En outre, l’intimée conclut au caractère non fondé de l’appel principal.

De la sorte, l’entier litige, tel que déjà soumis aux premiers juges, se retrouve à nouveau soumis à la Cour.

En vue d’une meilleure lisibilité, la Cour entend toiser les moyens soulevés dans la suite proposée par la société …, quitte à ce que l’appel principal ne soit analysé qu’en deuxième partie au niveau de la légalité interne des délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées.

Sans que cela ne soit de nature à porter à conséquence en termes de recevabilité, il convient de préciser que l’argumentaire réitéré de la société … ne s’analyse en tant qu’appel incident que dans la mesure où les délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées n’ont pas été annulées dans leur intégralité et non seulement en raison du classement de l’immeuble querellé.

Quant à la légalité externe du PAG En premier lieu, l’intimée reprend son moyen tendant à l’illégalité externe de la délibération communale du 13 juin 2016 portant mise sur orbite du PAG en ce que le conseil communal aurait été saisi sur base d’un dossier incomplet qui n’aurait pas été mis à sa disposition en temps utile et qui n’aurait pas fait l’objet d’une délibération au sens de l’article 10, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004.

D’après l’intimée, le caractère incomplet du dossier se dégagerait de l’étude préparatoire versée elle-même. Suivant son propre libellé, il serait admis que celle-ci ne contenait pas l’ensemble des études et analyses dont certaines étaient seulement en cours de réalisation et dont les résultats ne seraient pas disponibles avant la remise du projet. Outre ce caractère incomplet, non admis par la Ville qui parlerait de l’absence de certains documents complémentaires non indispensables, l’intimée conclut au caractère tardif de la convocation des membres du conseil communal pour le vote de mise sur orbite du 13 juin 2016. Ainsi, le délai de cinq jours prévu à l’article 13 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après « la loi communale », n’aurait pas été respecté.

Si les premiers juges avaient bien admis qu’un délai de sept jours était trop court pour prendre connaissance d’un dossier de l’ampleur du projet de refonte du PAG, ils auraient néanmoins rejeté ce moyen d’illégalité externe invoqué déjà en première instance en estimant en substance que les conseillers communaux avaient été invités à six réunions de la commission de développement urbain et auraient ainsi pu assister à la préparation du vote de mise sur orbite. De la sorte, ils auraient été à même de prendre connaissance du dossier à suffisance pour voter en connaissance de cause lors de la séance du 13 juin 2016 réservée à la mise sur orbite du projet de PAG. Dans ces conditions, aux yeux de l’intimée, ce vote de mise sur orbite serait un pur exercice de style, tandis que la décision quant au contenu du PAG serait prise de facto par le collège échevinal et les bureaux chargés de la refonte du PAG.

6Il est également reproché au tribunal de ne pas avoir tiré de conséquence du fait avoué par le conseil communal d’avoir retiré de l’étude préparatoire certaines études ou analyses. Déjà cette situation aurait été problématique au niveau du collège échevinal, mais elle le serait d’autant plus au niveau du conseil communal. Pour l’intimée, la décision de mise sur orbite de la procédure de refonte du PAG serait nécessairement entachée d’illégalité en conséquence.

En second lieu et toujours au regard de la légalité externe du PAG, l’intimée est d’avis que tant la délibération critiquée du conseil communal que la décision ministérielle d’approbation afférente auraient dû être annulées dans la mesure où le PAG aurait été élaboré par des bureaux manquant d’indépendance et de compétence.

Suivant l’intimée, d’après l’article 7, paragraphe 2, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 2004, il est interdit à la personne qualifiée chargée de l’élaboration du projet de PAG d’avoir par elle-même ou par personne interposée des intérêts de nature à compromettre son indépendance.

L’intimée est d’avis que l’élaboration du projet de PAG a été indirectement faite, sinon largement influencée par le MOUVEMENT ECOLOGIQUE a.s.b.l.. Ainsi, les deux associés du bureau B chargé de l’élaboration du projet de PAG, seraient membres de longue date de cette association protectrice de l’environnement. De surcroit, Madame C serait l’épouse de l’ancien président-fondateur de cette association, Monsieur D, qui continuerait à être membre du conseil d’administration. Par ailleurs, le gérant de la société E, Monsieur F, ayant apparemment formé une association momentanée avec ce bureau, serait membre de cette même association.

En s’appuyant sur l’article 5 des statuts de cette association, et plus particulièrement sur son objet et ses buts, l’intimée conclut qu’une véritable idéologie serait de la sorte imposée aux membres du bureau B rendant non éligible toute personne qui y adhère pour élaborer un PAG compte tenu de l’absence d’objectivité et de neutralité dans son chef pour effectuer un pareil travail.

Ces considérations seraient d’autant plus graves que le conseil communal aurait été mis dans l’impossibilité de concilier, de vérifier et de délibérer sur le travail de ce bureau. Le projet de PAG serait dès lors à annuler pour ne pas avoir été élaboré en indépendance et en neutralité.

Il resterait que l’approche du PAG s’expliquerait par une série de considérations idéologiques qui placeraient le bureau en cause en situation de conflit d’intérêts interdite par l’article 7, paragraphe 2, de la loi du 19 juillet 2004 et sous-tendrait à la base l’annulation de toute la procédure d’adoption et d’approbation du PAG refondu.

L’intimée conclut également à un manque de compétence dans le chef du bureau B. Elle renvoie à la procédure de concours suivant les prévisions de la législation sur les marchés publics menée en 2006, lors de laquelle un des critères du choix du bureau d’études aurait été celui d’avoir déjà élaboré des PAG pour des villes d’importance et de taille semblables à celles de la Ville de Luxembourg. D’évidence, cette condition n’aurait pas été remplie par le bureau B lui-même. C’est pourquoi celui-ci se serait adjoint, afin de remporter le marché, le bureau G de … impliqué notamment dans l’élaboration du plan d’urbanisme de cette ville, de même que le bureau H, puis E.

L’intimée relève que dans aucune des phases de mise en place du projet de PAG par le bureau B, le bureau G ne serait apparu de manière vérifiée. Même le bureau G lui-même ne mentionnerait point dans ses écrits avoir participé à l’élaboration du PAG de la Ville de Luxembourg. Des factures couvrant une période de décembre 2006 à janvier 2011 concernant la 7participation du bureau G auraient seules été versées, tandis que l’essentiel de la prétendue contribution d’G remonterait à 2008 et que dès lors toute collaboration avec ce bureau aurait cessé depuis au plus tard janvier 2011. Cette constellation ne permettrait qu’une seule conclusion : à défaut de collaboration d’G, surtout dans la phase décisive ayant précédé la mise sur orbite en 2016, le projet de refonte du PAG de la Ville de Luxembourg n’aurait pas été établi par un bureau compétent en la matière, pour ne pas avoir eu jusque lors l’expérience d’un plan d’une importance analogue.

L’intimée reproche aux premiers juges de ne pas avoir répondu correctement à ses moyens.

D’un côté, ce serait à tort que le tribunal aurait rejeté son moyen en relation avec les compétences requises dans le chef du bureau d’études en estimant qu’il ne s’agirait pas en l’occurrence d’annuler un marché public. D’un autre côté, il serait incompréhensible que le tribunal ait pu affirmer que l’intimée n’aurait pas soulevé que le PAG n’ait pas été élaboré par une personne qualifiée au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la loi du 19 juillet 2004, alors que pourtant, d’après ses propres écritures, ce moyen avait été clairement invoqué en première instance.

L’intimée demande encore à la Cour d’ordonner sur base de l’article 14 de la loi du 21 juin 1999 la production des procès-verbaux des réunions d’élaboration de l’avant-projet de PAG et une copie des comptes de l’association momentanée B – E – G renseignant la rémunération touchée le cas échéant par le bureau d’G en contrepartie du travail fourni.

Les parties publiques concluent à la confirmation du jugement dont appel quant aux questions soulevées de légalité externe du PAG essentiellement à partir des motifs y développés.

Concernant l’article 13 de la loi communale, l’intimée estime que ces dispositions n’auraient pas été respectées en ce sens que les conseillers communaux n’auraient pas pu consulter au moins 5 jours avant la délibération du 13 juin 2016, en plus sans déplacement, les documents, actes et pièces y afférents.

Il y a lieu tout d’abord de mettre en exergue que depuis une jurisprudence constante inaugurée par les arrêts du 15 décembre 2016 (nos respectifs 38139C, 38174C et 38175C du rôle), la démarche du conseil communal prévue à l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 s’analyse en mise sur orbite du projet de PAG et ne revêt aucun caractère décisionnel.

La tâche des conseillers communaux le 13 juin 2016 était dès lors d’apprécier globalement si le projet de PAG était suffisamment bouclé pour pouvoir entrer en procédure.

Pas plus qu’en première instance, l’intimée n’a su apporter la preuve en instance d’appel que les conseillers communaux n’aient pas eu la possibilité de consulter les documents, actes et pièces pertinents, étant entendu, tel que les premiers juges l’ont retenu à bon escient, que tous les conseillers communaux avaient été invités aux six réunions de la commission de développement urbain, compétente en l’occurrence, qui se sont tenues en dates respectivement des 3, 10, 24, 26 et 30 mai, ainsi que du 7 juin 2016. Il leur a été dès lors loisible de s’entourer des renseignements nécessaires afin de pouvoir voter en connaissance de cause pour la mise sur orbite du projet en question.

Si l’intimée met en exergue que de l’aveu des autorités publiques, certains éléments de l’étude préparatoire consistant en études ou analyses avaient été retirés du dossier, ce fait, même avéré, est insuffisant, eu égard à l’envergure de l’ensemble du dossier et à défaut de grief propre pouvant être utilement invoqué par l’intimée afin d’en constituer un vice d’une intensité telle qu’il 8entraînerait la nullité de toute la procédure d’adoption et d’approbation du PAG menée.

C’est dès lors à bon escient que les premiers juges ont pu rejeter comme n’étant pas pertinent l’ensemble de ce premier argumentaire tournant autour de la question des documents mis à la disposition des conseillers communaux, ainsi que du délai leur réservé pour les consulter avant le jour de la délibération de mise sur orbite du projet de PAG.

En ce qui concerne le double grief des manques d’indépendance et de compétence soulevés par l’intimée dans le chef du bureau luxembourgeois ayant essentiellement mené les travaux d’élaboration du projet de PAG, il convient tout d’abord de resituer le grief élevé en ce que celle-ci critique essentiellement la ligne de conduite ayant consisté à dire qu’en principe la Ville de Luxembourg possède des quantités suffisantes de terrains à aménager situés à l’intérieur du périmètre d’agglomération, de sorte qu’en principe celui-ci ne serait point étendu à travers le PAG refondu.

Au niveau de l’indépendance à mesurer dans le chef du bureau d’études chargé de l’élaboration du projet de PAG, l’intimée met en avant une série d’indices de nature à inférer dans le chef de l’associée nommément visée du bureau d’études, de même que de son époux et du gérant de la société E regardée comme ayant formé une association momentanée avec ce bureau, une appartenance proche par rapport aux têtes pensantes et fondatrices du mouvement écologique au Luxembourg, indices qu’elle estime vérifiés à leur manière de prendre des positions écologiques extrêmes dans les options retenues au niveau du projet de PAG.

Cette énumération d’indices, loin de constituer un faisceau concordant, n’est cependant pas suffisante, compte tenu de l’ensemble des éléments fournis en cause, pour voir conclure utilement à un manque d’indépendance caractérisé dans le chef du bureau d’études en question au regard de la condition d’indépendance posée par l’article 7, paragraphe 2, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 2004.

En ce qui concerne le second grief tiré de ce que le bureau d’études local n’aurait pas été à même de suffire seul aux conditions posées au niveau du marché public mis en place à l’époque en 2006 pour décrocher le marché et que dès lors, il a dû s’adjoindre le bureau … G, de même que plus loin la société E, il est certes vrai que la question posée n’est pas celle de l’attribution valable du marché à l’époque ni celle de son exécution conforme, mais bien celle de la compétence du bureau local en vue de mener à bien la mise en place du projet de PAG sous discussion.

L’intimée fournit une série d’indices, notamment dans le sens que le bureau G censé garantir la capacité d’aborder utilement un PAG de l’envergure de celui de la capitale du Grand-Duché, apparaît comme n’ayant pas accompagné les travaux jusqu’au bout et, même plus, comme n’ayant plus guère participé après 2011. Il n’en reste pas moins que par rapport au point névralgique pour l’intimée, consistant dans un « verrouillage » de principe des limites des zones constructibles existantes, cette option qui figure parmi les premières à devoir être prises et qui implique finalement essentiellement les responsables politiques, n’apparaît cependant pas comme ayant été arrêtée en dehors du champ de participation dudit bureau ….

Ici encore les indices mis en avant, loin de se constituer en faisceau, ne sont pas suffisants pour voir retenir, tel que le met en avant l’intimée, l’incompétence du bureau local visé afin de mener utilement à bien les travaux de mise en place du projet de PAG conformément aux exigences légales.

Ces mêmes indices sont encore insuffisants pour justifier la demande de production de 9pièces formulée par l’intimée sur base de l’article 14 de la loi du 21 juin 1999, laquelle est partant également à écarter.

Le moyen est dès lors à rejeter sous tous ses aspects.

Toujours au titre de la légalité externe du PAG, l’intimée estime que celui-ci, en portant désignation d’une zone « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » procéderait à un empiétement sur les compétences réservées au gouvernement en application des dispositions de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après « la loi du 18 juillet 1983 ». Cette loi prévoit deux systèmes de protection, d’abord celui des monuments nationaux prévu à son article 1er, ensuite celui de l’inventaire supplémentaire prévu à son article 17. Suivant l’intimée, ce régime se suffirait à lui-même et ne laisserait pas de place pour une compétence communale en la matière. Ainsi, les communes ne pourraient pas prendre des mesures de protection relevant de la compétence de l’Etat par le biais de leurs instruments d’aménagement communaux en désignant, comme en l’espèce, des secteurs sauvegardés.

L’intimée reproche en plus au régime institué par la loi du 19 juillet 2004, ensemble sa réglementation d’exécution, d’être délimité par une ligne de démarcation peu nette par rapport aux dispositions de la loi du 18 juillet 1983.

Elle estime encore qu’en principe l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 n’aurait pas pu servir de fondement pour un régime de protection en matière de patrimoine culturel et que, pour le surplus, en l’absence de réglementation balisée par ledit texte de loi, celui-ci poserait encore difficulté par rapport à la Constitution et ce à un double titre.

En partant de ce que ses immeubles couverts par une servitude de conservation en application de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 seraient en plus soumis à une interdiction complète de démolition en application de l’article D.10.2.1.2 de la partie écrite du PAP QE, applicable en l’occurrence à travers le classement en tant que faisant partie du secteur protégé des ensembles sensibles, il se poserait la double question de constitutionnalité de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 à la fois par rapport à l’article 16 et par rapport à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution.

En partant de ce que l’interdiction de démolition porterait une atteinte démesurée à son droit de propriété, l’intimée avance que celui-ci étant protégé non seulement par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après la « CEDH », mais encore par l’article 16 de la Constitution, et la conformité dudit article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 devrait dès lors être, avant tout autre progrès en cause, vérifiée par rapport audit article 16 de la Constitution. Cette démarche justifierait que la Cour soumette une question préjudicielle afférente à la Cour constitutionnelle.

A cela s’ajouterait que l’essentiel des mesures concrètes affectant le droit de propriété ne résulte pas dudit article 2, point e) mais de normes inférieures d’ordre réglementaire, tel l’article D.10.2.1.2 de la partie écrite du PAP QE, de sorte qu’il se poserait encore une question de conformité à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution, prévoyant qu’en matière de réserve à la loi, l’essentiel devrait être prévu par le législateur et seulement les éléments moins essentiels pouvaient être relégués au pouvoir réglementaire.

Suivant l’analyse de l’intimée, les restrictions au droit de propriété seraient à qualifier 10comme faisant partie de la matière réservée à la loi au titre de l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution.

Les parties publiques, chacune en ce qui la concerne, concluent essentiellement à la confirmation du jugement dont appel sur base des motifs y contenus et sollicitent le rejet des deux questions préjudicielles de conformité à la Constitution suggérées par la partie intimée.

S’il est vrai que la Constitution n’érige nulle part la protection du patrimoine culturel en tant qu’objectif d’ordre constitutionnel, ni en tant que domaine réservé à la loi, il n’en reste pas moins que le législateur, dans sa plénitude a pu valablement instaurer, à côté du régime classique de protection nationale du patrimoine culturel actuellement balisé par les dispositions de la loi du 18 juillet 1983, un second régime de protection inféré dans une logique de subsidiarité à partir des classements opérés par les autorités communales sous la tutelle étatique, ce régime étant actuellement balisé par l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 et fonctionnant au niveau de la réglementation communale d’urbanisme à travers la mise en place des PAG et des PAP.

Si l’objectif de protection du patrimoine culturel est globalement le même pour les deux régimes, ceux-ci sont cependant appelés à répondre aux procédures respectives de mise en place, ainsi qu’aux critères prévus dans leur contexte impliquant que ces deux régimes fonctionnent essentiellement chacun d’après ses critères propres, agencés toutefois de manière telle à atteindre globalement le même objectif de protection du patrimoine culturel.

Dès lors, le législateur a valablement pu instaurer un régime communal de protection du patrimoine au niveau de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004, de nature à fonctionner parallèlement à celui d’ores et déjà prévu par la loi du 18 juillet 1983 au niveau national.

En ce que la protection du patrimoine culturel n’a pas été consacrée par la Constitution jusqu’à ce jour et qu’a fortiori, elle n’a pas été prévue en tant que matière réservée à la loi, la question de conformité de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 par rapport à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution laisse d’être pertinente sous cet aspect.

Elle le laisse également sous l’aspect de l’article 16 de la Constitution en ce que celui-ci ne permet l’expropriation y prévue que pour cause d’utilité publique et suivant une juste indemnité, sans que toutefois l’intervention du législateur ne soit nécessairement requise.

Il s’ensuit que la question suggérée de la conformité de l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004 par rapport à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution n’est pas à soumettre à la Cour constitutionnelle.

La deuxième question préjudicielle suggérée par rapport à l’article 16 de la Constitution part de la prémisse que le classement présentement intervenu au regard de l’article 2, point e) de la loi du 19 juillet 2004 soit équipollent à une expropriation.

En ce que l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 ne véhicule ni directement, ni indirectement une privation de propriété, étant donné qu’il ne pose que la base d’une simple organisation du seul usage du droit de propriété moyennant la fixation de restrictions nécessaires au but poursuivi qui est la protection du patrimoine culturel, aucune situation d’expropriation, ni équipollente à une expropriation ne saurait être dégagée à partir des dispositions de cet article de loi sous analyse.

Il s’ensuit que la question préjudicielle suggérée par rapport à l’article 16 de la Constitution 11concernant l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 est également à écarter pour ne pas être pertinente dans le présent cas de figure.

Dès lors, le moyen est à écarter sous tous ses aspects.

Le dernier aspect mis en exergue par l’intimée au titre de la légalité externe du PAG consiste dans la proposition suivant laquelle le PAG n’aurait pas pu fixer des servitudes de sauvegarde tout en abandonnant au PAP le soin de définir les secteurs protégés.

Tout comme au niveau de ses objection et réclamation, l’intimée continue à reprocher aux délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées d’avoir maintenu pour ses parcelles la zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » ».

L’intimée rappelle les règles contenues à l’article 29 de la partie écrite du PAG, plus précisément en ses alinéas 1 à 4, ce dernier énumérant 7 séries de servitudes de sauvegarde susceptibles de frapper les immeubles classés patrimoine communal culturel.

En s’appuyant sur l’article 5 de la loi du 19 juillet 2004 qui définit le contenu d’un PAG, l’intimée conclut à une double illégalité en ce que l’article 29 de la partie écrite du PAG n’établit pas des zones, mais se limite à définir des servitudes, tandis que ce serait le PAP QE, qui, en arrêtant une multitude de différents secteurs protégés, définirait en définitive les zones et l’utilisation du sol de celles-ci. L’intimée indique que parallèlement elle a obtenu gain de cause en première instance en ce que le PAP QE [SPR-es] a été annulé concernant le classement de ses cinq parcelles querellées sises rue d’Eich, ce jugement se trouvant actuellement appelé par la Ville sous le numéro 45165C du rôle, appel toisé par arrêt parallèle de ce jour.

Suivant l’intimée, on assisterait à une situation de « monde à l’envers » en ce que le PAG contiendrait manifestement des prescriptions urbanistiques qui, en vertu de l’article 29, paragraphe 1, ainsi cité de la loi du 19 juillet 2004, relèveraient du PAP, tandis que le PAP définirait des zones et leur utilisation du sol relevant, en vertu de l’article 5 de la même loi, de la compétence du PAG.

Dans ce contexte, l’intimée renvoie à l’arrêt de la Cour administrative du 13 juillet 2017 (n° 39294C du rôle) ayant déclaré illégal le dernier alinéa de l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du PAG d’une commune, ci-après « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) », qui, en exigeant que les servitudes spéciales de sauvegarde et de protection doivent être définies au niveau du PAG, serait contraire à l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004. Suivant l’intimée, l’article 29 de la partie écrite du PAG aurait dès lors dû être annulé par les premiers juges.

Les parties publiques, chacune en ce qui la concerne, concluent pour l’essentiel par rapport à ces différents points réitérés par l’intimée, à la confirmation pure et simple du jugement dont appel.

La Cour est tout d’abord amenée à rappeler que l’économie générale de la loi du 19 juillet 2004, par opposition à la législation antérieure du 12 juin 1937, emporte que le PAG ne constitue plus qu’un cadre large comportant des dispositions d’ordre général concernant le classement de la parcelle faisant partie du territoire communal, tandis que le détail des règles 12d’urbanisation est appelé à figurer au niveau des PAP pertinents qui doivent être en tous points conformes au PAG.

Pour rappel, sous l’égide de la loi du 12 juin 1937, l’essentiel des règles d’urbanisme figurait au niveau du PAG et le PAP servait à des dispositions précises de détail qui, le cas échéant, pouvaient être contraires aux règles du PAG dans l’intérêt notamment d’une urbanisation cohérente de la partie concernée du territoire communal.

Ainsi, l’article 5 de la loi du 19 juillet 2004 définit précisément le PAG comme étant un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol.

C’est précisément l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004 qui porte que « le plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan d’aménagement général concernant une zone ou partie de zone ».

C’est dans ce contexte que la Cour, à travers l’arrêt précité du 13 juillet 2017 (n° 39294C du rôle), a pu retenir qu’il était patent que les secteurs protégés d’intérêt communal, qu’il s’agisse de ceux de type « environnement construit » ou de ceux de type « environnement naturel et paysage », constituent, sous l’angle de l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004, des parties de zones.

Dès lors, en application dudit article 25, alinéa 1er, c’est le PAP qui est appelé à préciser et exécuter les dispositions réglementaires du PAG concernant précisément une partie de zone.

En d’autres termes, c’est au PAG de déterminer les secteurs protégés d’intérêt communal, tandis que, toujours suivant l’économie de la loi du 19 juillet 2004, il appartient, conformément à son article 25, alinéa 1er, au PAP de préciser et exécuter les dispositions réglementaires afférentes dont notamment les servitudes correspondant aux différents secteurs protégés d’intérêt communal, sans que ces servitudes ne doivent d’ores et déjà figurer au PAG.

La Cour voudrait insister que c’est en ce que l’article 33, alinéa final, du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) exige que les servitudes spéciales de sauvegarde et de protection doivent être définies au niveau du PAG, que l’obligation ainsi imposée, en premier lieu à la commune en tant qu’initiatrice du PAG, est contraire à l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004.

Tel que la Cour l’avait déjà précisé dans l’arrêt précité du 13 juillet 2017, la déclaration d’inapplicabilité de l’article 33, alinéa final, du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) qui découle des considérations qui précèdent, en application de l’article 95 de la Constitution, ne couvre cependant pas la question, par ailleurs non pertinente non plus pour la solution du présent litige, consistant à savoir si le PAG peut néanmoins prévoir pareille servitude.

Dans le présent litige il est à nouveau reproché aux auteurs du PAG de ne pas avoir prévu les servitudes pertinentes au niveau du PAG en ce qui concerne le classement des cinq parcelles actuellement querellées pour lesquelles seule l’inclusion dans une zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » se trouve vérifiée et que l’inclusion dans un secteur protégé « ensembles sensibles » n’y figure point.

13Force est cependant à la Cour de retenir, à la suite des premiers juges, qu’en conformité aux considérants précités découlant notamment de sondit arrêt du 13 juillet 2017, les auteurs du PAG ainsi que du PAP QE ont pu procéder tel qu’ils l’ont fait sans enfreindre l’ordonnancement juridique en place en ne prévoyant que la seule inclusion au « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » au niveau du PAG et en reléguant l’inclusion dans un [SPR-es] au PAP QE ensemble le plan de repérage pertinent, équipollent à une partie graphique de PAP QE en l’occurrence.

Dès lors, le reproche d’une création ex nihilo du [SPR-es] est également amené à tomber à faux, tel qu’il résulte de l’arrêt parallèle de ce jour (n° 45165C du rôle) concernant la légalité du PAP QE en question.

En conséquence, le moyen laisse d’être fondé sous tous ses aspects.

Il s’ensuit que le jugement dont appel est à confirmer, quoique sur base des motifs complémentaires ci-avant déployés, en ce qu’il a rejeté l’ensemble des moyens de légalité externe invoqués et réitérés en appel.

Quant à la légalité interne du PAG Au niveau de légalité interne du PAG, l’intimée s’érige contre les parties du jugement dont appel qui ont écarté son argumentaire afférent en première instance. Elle propose par la suite des moyens en défense par rapport à l’appel principal de la Ville concernant l’annulation intervenue du classement de son immeuble cadastré sous le numéro 101/3367, en ce qui concerne son classement au titre du PAG - zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » déclarée nulle dans cette limite.

L’intimée critique d’abord le fait que la rue d’Eich en général et sa parcelle en particulier se trouvent classées en tant qu’ensemble sensible au regard du PAP QE [SPR-es], sans toutefois relever d’aucune des servitudes de sauvegarde arrêtées par le PAG et plus particulièrement son article 29.

L’intimée affirme d’abord que la rue d’Eich en général et sa parcelle en particulier n’ont pas été identifiées par le PAP QE comme étant frappées de servitudes de sauvegarde arrêtées par le PAG. Elle parcourt une à une les sept servitudes de sauvegarde prévues à l’article 29, paragraphe 4, de la partie écrite du PAG pour conclure que, de son point de vue, aucune de ces servitudes n’a été retenue lors du classement intervenu, alors que pourtant son immeuble se trouve soumis aux dispositions du PAP QE et notamment celles de l’article D.10 ayant trait aux ensembles sensibles.

A partir de là, l’intimée entend dégager un double constat d’illégalité : d’une part, l’absence de marquage par le PAP QE de la rue d’Eich en général et de sa parcelle 101/3367 en particulier confirmerait que cette rue en général et ladite parcelle en particulier n’accueilleraient en vérité aucune construction digne de protection. Cette absence de marquage par le PAP QE confirmerait encore l’illégalité de la partie écrite du PAG en ce qu’il recouvre la rue d’Eich en général et sa parcelle en particulier d’une zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » ».

14D’autre part, le PAP QE aurait créé ex nihilo un secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es] recouvrant la rue d’Eich en général et sa parcelle litigieuse en particulier, sans que ce secteur ne trouve aucune base dans le PAG, tandis que cependant le PAP serait censé préciser et exécuter le PAG. Ici, l’intimée précise qu’il s’agirait bien d’un moyen d’illégalité à invoquer relativement au PAP QE et citer à l’endroit à titre informatif seulement.

Les parties publiques, chacune en ce qui la concerne, sollicitent ici encore la confirmation du jugement dont appel, essentiellement sur base des motifs y déployés.

La Cour vient déjà pour l’essentiel de répondre à ce premier moyen de légalité interne à travers ses considérations déployées au regard du dernier moyen d’appel de l’intimée concernant la partie de la légalité externe du PAG actuellement critiqué.

Aucune des deux illégalités respectivement invoquées par l’intimée ne se trouve en effet vérifiées en l’occurrence.

D’un côté, en application des dispositions respectives des articles 5 et 25 de la loi du 19 juillet 2004, le PAG a pu se limiter au classement des cinq parcelles litigieuses de l’appelante suivant une zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » » sans être obligé de prévoir plus loin les servitudes s’imposant de la sorte par rapport à l’immeuble en question, tandis que celles-ci ont pu résulter valablement du PAP QE [SPR-es] ensemble le plan de repérage pertinent, équipollent à une partie graphique de PAP QE, sans qu’il n’y ait eu création ex nihilo d’un secteur protégé ni de servitudes afférentes et sans que ni les dispositions de l’article 5, ni celles de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004, n’aient été enfreintes de la sorte.

Ce premier moyen de légalité interne est dès lors également à écarter pour ne pas être justifié.

L’intimée reproche ensuite au classement intervenu en tant que « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » de viser la protection de quartiers ou de parties de quartier mais non pas d’immeubles pris individuellement à la base. Suivant l’intimée, un classement à intervenir sur base de l’article 29 de la partie écrite du PAG, à l’admettre, ne vaudrait qu’en tant que classement de quartiers et non pas en tant que classement individuel.

Or, en l’occurrence, suivant un consensus des parties dégagé par le tribunal, le classement des immeubles sis 29A et 31, de la rue d’Eich, discuté essentiellement dans les rôles parallèles, se justifierait par la qualité de maisons de maîtres des immeubles en question. On ne pourrait pas sérieusement interférer à partir de cette qualité de maisons de maître la justification d’un classement en tant que quartier.

Or, d’après l’intimée, le PAG de la Ville, contrairement à certains PAG d’autres communes, ne prévoirait pas de classement de bâtiments protégés à titre individuel. C’est ici que l’intimée insiste sur son appel incident tendant à voir annuler également le classement intervenu en tant que frappant les immeubles 29A et 31, rue d’Eich, contrairement à l’analyse des premiers juges.

C’est à ce stade qu’il convient d’entamer l’analyse de l’appel principal de la Ville afin de répondre globalement aux différents arguments exposés de part et d’autre par rapport à l’ensemble des éléments de légalité interne restant à être toisés.

15Il convient de souligner d’abord qu’à la base de l’argumentaire ci-avant déployé par l’intimée joue le constat des premiers juges suivant lequel contrairement aux immeubles sis 29A et 31, rue d’Eich - les maisons de maître -, la réalité et la légalité des motifs avancés par la Ville, ainsi que par la partie étatique, à la base du classement des immeubles sis 33 à 37 de la même rue, cadastrés sous le numéro 101/3367, en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » n’étaient pas justifiées à suffisance à partir des éléments produits au dossier à l’époque.

Ainsi, les premiers juges reprochaient aux parties publiques de n’avoir soumis au tribunal aucune pièce, aucun document, ni aucun rapport permettant de conclure à un intérêt historique ou artistique, voire au caractère authentique des immeubles situés dans la partie du quartier d’Eich concernée et, plus particulièrement, des immeubles de la société ….

Ainsi, les premiers juges ont estimé insuffisant le renvoi à l’étude préparatoire élaborée à la demande de la Ville, tout en soulignant que cette étude ne se réfère de manière explicite qu’aux seules maisons de maître situées dans le quartier d’Eich, sans faire une quelconque allusion à d’autres immeubles ou constructions du quartier, ni plus particulièrement à des maisons ouvrières construites par l’entreprise ARBED au début du vingtième siècle, ni a fortiori, à leur éventuel potentiel de conférer un caractère digne de protection audit quartier dans son ensemble.

A travers son appel, la Ville, à laquelle la partie étatique se rallie essentiellement, reproche aux premiers juges de ne pas avoir analysé les caractéristiques propres aux immeubles sis 33 à 37, rue d’Eich, pour lesquels l’annulation du classement a été prononcée, tout en arguant de son côté que ce classement serait justifié en ce que ces immeubles seraient à la fois dignes de protection et constitueraient un témoignage historique, en tant que faisant partie de l’ancien cœur villageois d’Eich, documenté par la Ville à partir de différentes cartes dont plus particulièrement la carte Ferraris de la fin du 18ième siècle, la partie graphique du premier cadastre de 1822 et d’un tableau d’assemblage dressé en 1834.

La Ville relate ensuite l’historique de l’activité de l’ancienne forge d’Eich, dont des éléments résiduels ont été classés à l’inventaire supplémentaire en vertu de la loi du 18 juillet 1983 et se trouvent situés à proximité des immeubles actuellement litigieux, de même que l’apport des familles METZ et MAYRISCH à l’endroit et leur implication dans la construction des immeubles 29A à 31, rue d’Eich, dans le style néogothique, en rappel de châteaux médiévaux romantiques par Monsieur Paul MAYRISCH, bourgmestre de la commune d’Eich de 1911 à 1915, l’aîné des enfants MAYRISCH-METZ. Les immeubles situés juste à côté des « châteaux MAYRISCH », à savoir ceux litigieux des numéros 33 à 37 de la rue d’Eich, feraient manifestement partie de ce quartier historique et précisément leur témoignage historique les rendrait dignes de protection.

Outre le critère de témoignage historique, l’authenticité des immeubles sis au 33 à 37, rue d’Eich, construits, certes dans un style plus simple et moins opulent, à la même époque que les immeubles voisins situés 29A et 31, rue d’Eich, militerait encore en faveur de pareil classement. La Ville d’énumérer en détail les éléments d’architecture proéminents de ses immeubles.

L’authenticité non seulement des immeubles sis 33 à 37, rue d’Eich, mais également de tout le cœur historique d’Eich auquel participe l’ensemble des immeubles querellés au niveau de la présente instance, de même que ceux situés 27, rue d’Eich, faisant l’objet de l’affaire parallèle inscrite sous les numéros du rôle respectifs 45164C, concernant le classement au niveau du PAG refondu, et 45165C, celui au niveau du PAP QE, toisés également par arrêts parallèles de ce jour, feraient l’objet, au niveau des projets futurs de la Ville, d’une revalorisation à travers un réaménagement de la rue d’Eich à l’endroit, une fois que le projet, d’ores et déjà planifié, de 16déviation de la route nationale 7 à cet endroit, consistant en une connexion de la rue d’Eich par la route d’Echternach à la rue Auguste Laval aurait été réalisé. Ce projet consisterait à faire du tronçon concerné de la rue d’Eich, entre la place Dargent et le nouveau tracé projeté, incluant l’ensemble des immeubles situés entre le numéro 27 et le numéro 37 faisant l’objet des deux séries d’affaires d’appel actuellement sous analyse, une zone de rencontre appelée « shared space ».

C’est par rapport à ce projet que la revalorisation du cœur historique de la localité d’Eich, à travers un classement en secteur protégé [SPR-es], ferait tout son sens.

L’intimée conteste pour l’essentiel les explications fournies en appel par la Ville et conclut à leur mal-fondé. Elle estime que l’on ne saurait valablement parler de quartier d’Eich pour ce qui est du secteur protégé visé, alors que celui-ci ne s’appliquerait qu’à certaines parcelles de la rue d’Eich, dont essentiellement celles concernées par les quatre affaires actuellement soumises à la Cour sous les numéros 45163C à 45166C du rôle.

Les explications relatives à la rue Emile Metz, ainsi qu’à l’ancienne forge d’Eich, seraient en dehors du contexte.

L’intimée insiste pour dire que la rue d’Eich ne présenterait aujourd’hui aucun caractère authentique, ni harmonieux. Elle reproche à l’argumentaire de la Ville d’être contradictoire en ce que, d’un côté, l’identité hétérogène, sinon hétéroclite, des immeubles juxtaposés serait mise en avant en tant qu’argument de classement, tandis que d’un autre côté, l’identité historique et villageoise prisée par la Ville ne rimerait aujourd’hui plus guère avec un quelconque caractère harmonieux.

Grosso modo, les immeubles sis 33 à 37, rue d’Eich ne revêtiraient guère de caractère d’authenticité, tandis qu’une affectation antérieure en tant que garage représentatif d’une époque révolue n’y changerait rien.

L’intimée ne voit pas en quoi une déviation de la route nationale 7 serait de nature à « renforcer » une prétendue authenticité. Soit celle-ci existerait, soit elle ferait défaut. En l’occurrence, l’intimée estime avoir dûment mis à jour l’insuffisance voire l’absence d’authenticité dans le chef des immeubles sis 33 à 37, rue d’Eich.

En conclusion, l’intimée estime être en présence d’une absence totale de toute considération urbanistique justifiant la mesure de protection critiquée.

Ainsi, les immeubles mis sous protection ne revêtiraient aucun intérêt historique ni artistique, mais brilleraient par une absence d’authenticité, tandis que leur état ferait preuve d’un abandon et d’un délabrement certain des constructions en question.

L’intimée met en exergue une certaine forme d’arbitraire, en ce que des constructions de la rue d’Eich ayant présenté des apparences strictement identiques se trouveraient tantôt intégrées dans le secteur protégé tantôt exclues de celui-ci, sans qu’une raison objective afférente ne puisse être dégagée des éléments du dossier, ni n’ait été mise en avant par la Ville.

L’intimée met encore en exergue qu’au mois d’avril 2018, la Ville aurait purement et simplement démoli des immeubles comparables à ceux des numéros 33 à 37, rue d’Eich, situés de l’autre côté de la même rue. A partir de là, ce serait à bon droit que les premiers juges auraient retenu que les photographies versées en cause ne permettaient pas de dégager une quelconque différence entre les immeubles classés en secteur protégé et ceux situés directement en face qui 17n’avaient pourtant pas été classés en secteur protégé et qui entre-temps ont été démolis.

Il est constant en cause que d’après l’alinéa 1er de l’article 29 de la partie écrite du PAG, les « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères y énumérés dont l’authenticité de la substance bâtie, l’importance architecturale ainsi que le témoignage de l’immeuble pour l’histoire locale, sociale ou industrielle.

Suivant l’alinéa 2 du même article 29, ces secteurs couvrent des quartiers ou parties de quartier qu’il s’agit de préserver pour conserver l’identité et l’histoire urbanistique de la Ville et ils sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection définies dans la partie écrite du PAG, ainsi que précisées dans les parties écrite et graphique des PAP QE.

Si l’appel sous analyse a trait au classement des immeubles de l’intimée situés 27 à 31, rue d’Eich, il ne faut pas perdre de vue que ces immeubles font partie d’un ensemble plus large regroupant les numéros 27 à 37 de la même rue, étant entendu que les immeubles sis 33 à 37, rue d’Eich font l’objet des appels précités inscrits sous les numéros 45163C et 45166C du rôle.

Il est patent que le classement intervenu ne vise pas tout le quartier d’Eich, ni l’ancien noyau intégral de la localité d’Eich, ni encore l’ancienne forge ou la rue Emile Metz. Il s’agit d’un ensemble bien délimité d’un seul tenant pouvant être considéré à la fois de secteur protégé au sens de l’alinéa 1er de l’article 29 précité, ainsi que d’une partie de quartiers au sens de l’alinéa 2 du même article.

S’agissant d’un ensemble comprenant toute une série d’immeubles, l’on ne saurait valablement parler d’un classement individualisé contraire au classement d’ensemble visé par l’article 29 en question.

Il est vrai que pour les maisons de maître sises 29A et 31, rue d’Eich, les qualités architecturales et historiques, de même que l’importance d’un point de vue de l’histoire locale et industrielle ne font guère de doute, sans que toutefois en raison de ces critères manifestement vérifiés, le classement doive être regardé comme étant individualisé. Il reste en effet un classement d’ensemble, encore que les immeubles classés ne soient pas homogènes quant à leurs aspects extérieurs et présentent effectivement un certain caractère hétéroclite. Ce caractère s’explique toutefois en ce qu’une des qualités intrinsèques de l’ensemble consiste en ce qu’à côté des deux maisons de maître indéniablement reconnaissables se trouvent implantées depuis plus d’un siècle des maisons beaucoup plus simples ayant abrité plus que probablement des personnes relevant de couches sociales plus modestes, dont plus que probablement encore des ouvriers, voire des employés affectés à la sidérurgie locale.

Un dénominateur commun sous-tendant toutefois une certaine homogénéité est celui de l’époque de construction de l’ensemble de ces immeubles qui se situe pour certains, le cas échéant, à la fin du 19ième siècle, pour d’autres, telles les maisons de maître, début du 20ième.

Si d’après les cartes versées par la Ville et remontant, pour la carte Ferraris, jusqu’à l’ancien régime, il est démontré que ces immeubles classés ont pris la relève de constructions préexistantes ayant constitué le noyau de la localité d’Eich, il n’en reste pas moins que pour le surplus, ces cartes sont peu pertinentes pour les classements actuellement opérés en ce que c’est la situation du début du 20ième siècle, époque de construction majeure des immeubles en question, 18qui constitue un autre dénominateur commun à ceux-ci.

De manière indéniable, l’ensemble de ces immeubles constitue un témoin de l’histoire locale et sociale en reflétant précisément cette juxtaposition assez peu commune des maisons de maître à côté de demeures modestes habitées par des personnes relevant de couches sociales, à l’époque, moins élevées.

L’ensemble de ces immeubles est encore le témoignage d’une partie du centre de la localité d’Eich qui, à l’époque, avant la fusion des communes de 1920, était chef-lieu de commune, Monsieur Paul MAYRISCH, maître d’ouvrage du « château », ayant été bourgmestre de cette commune de 1911 à 1915. Si Eich figure également comme haut-lieu sidérurgique reflété par la lettre « E » dans la raison sociale de l’ARBED, fleuron de l’industrie sidérurgique luxembourgeoise, il est vrai que l’ensemble des immeubles classé ne reflète qu’un aspect, parmi d’autres, en l’occurrence celui des maisons d’habitation respectives de personnes issues de différents milieux sociaux.

D’un point de vue architectural, il est indéniable encore que la prestance des deux maisons de maître est d’autant plus importante que les maisons voisines, depuis plus d’un siècle, ne leur font pas d’ombrage, mais, au contraire, de par leur apparence plus simple, ne font qu’accentuer le côté hautement stylé néogothique et romantiquement imité à partir de modèles de châteaux médiévaux des deux constructions en question.

Il est indéniable encore que ce n’est pas tellement en raison de leurs qualités architecturales, lesquelles effectivement ne sont point exceptionnelles, mais c’est précisément au regard des éléments de juxtaposition précités que le classement des immeubles sis 33 à 37, de même que dans le rôle parallèle, de ceux des immeubles sis 27 se justifie en tant qu’éléments d’un ensemble valablement constitué.

L’argument tiré du caractère délabré et peu entretenu de certains éléments d’immeubles formant les numéros 33 à 37 de la rue d’Eich, surtout en ce qu’il émane de son propriétaire, est peu pertinent dans le contexte donné. Il convient encore de souligner que plusieurs photos versées sont étrangères aux immeubles sous analyse pour viser le caractère délabré et passablement abandonné de certains immeubles voisins non touchés directement par le classement sous discussion dans les rôles soumis à la Cour.

En termes de conservation du patrimoine culturel, le constat de substances (surtout récemment) disparues qui, potentiellement, en raison des mêmes critères, auraient pu faire partie de l’ensemble à conserver ne manque pas de laisser une impression amère. Cette impression est d’autant plus prononcée si les immeubles disparus ont été la propriété de l’instance publique responsable pour les classements en secteur protégé d’intérêt communal.

Cependant, le classement d’immeubles faisant partie du patrimoine culturel constitue surtout un projet d’avenir et, par la force des choses, n’implique que ceux des immeubles bâtis qui restent toujours debout. En tout cas, la disparition d’immeubles classables n’est pas une cause de justification pour ne pas classer ceux qui subsistent et qui, comme en l’espèce, méritent néanmoins de l’être.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Cour vient à la conclusion que, compte tenu également des éléments nouvellement produits en instance d’appel par la Ville, le classement des immeubles querellés en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement 19construit – C » » se justifie sur base des données prédécrites sans qu’un dépassement de la marge d’appréciation afférente ne puisse être retenu dans le chef des instances communales et étatiques ayant procédé au classement en question.

Dès lors, par réformation du jugement dont appel, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de déclarer le recours initial de la société …, inscrit sous le numéro 40553 du rôle, non fondé dans sa globalité.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare les appels principal et incident recevables ;

au fond, déclare l’appel incident non justifié ;

dit l’appel principal justifié ;

réformant, déclare non fondé dans sa globalité le recours de la société anonyme …, inscrit sous le numéro 40553 du rôle, et l’en déboute ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose à ladite société anonyme ….

Ainsi jugé et délibéré par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 20


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45163C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;45163c ?

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