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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°44914C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 44914C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44914C Inscrit le : 24 août 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par Madame …, …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 13 juillet 2020 (no 40623 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44914C Inscrit le : 24 août 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par Madame …, …, contre un jugement rendu par le tribunal administratif le 13 juillet 2020 (no 40623 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 44914C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 août 2020 par Maître Martine LAMESCH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif le 13 juillet 2020 (n° 40623 du rôle), par lequel le tribunal administratif a rejeté son recours tendant à l’annulation de « 1) (…) la décision du Ministre de l'Intérieur du 5 octobre 2017, notifiée en date du 13 octobre 2017, approuvant sur base de l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, les décisions du conseil communal de Luxembourg des 13 juin 2016 et 28 avril 2017 et portant rejet de sa réclamation du 19 mai 2017, sinon la déclarant irrecevable ; 2) (…) la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017, rejetant la réclamation du 17 juillet 2016 et approuvant le projet d’aménagement général de la Ville de Luxembourg ainsi que les projets d’aménagements particuliers « quartier existant » (PAP QE) » ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par Maître Anne BAULER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020 pour le compte de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2020 au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2020 au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 2 février 2021.

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Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommé le « conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée ci-après par la « loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et chargea « le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».

Le 14 juin 2016, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, ci-après dénommé le « collège des bourgmestre et échevins », se déclara d’accord, en vertu de l’article 30, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, pour « (…) engager la procédure d’adoption des premiers plans d’aménagement particuliers « quartiers existants » de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique et de les soumettre à la procédure d’adoption en les déposant à l’inspection du public et en les transmettant pour avis à la cellule d’évaluation de la Commission d’aménagement instituée auprès du Ministère de l’Intérieur ainsi qu’au Ministère de l’environnement et à la Direction de la Santé (…) ».

Par courrier de son mandataire du 17 juillet 2016, Madame …, déclarant agir en sa qualité de propriétaire d’un immeuble sis à Luxembourg, 1, rue Renert, situé sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section HoA de Hollerich, sous le numéro 349/4902, ci-après dénommée la « parcelle 349/4902 », et d’un immeuble sis à Luxembourg, 3, rue Renert, sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section HoA de Hollerich, sous le numéro 349/4903, ci-après dénommée la « parcelle 349/4903 », soumit au collège des bourgmestre et échevins ses objections à l’encontre du projet d’aménagement particulier.

Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ».

Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre des projets d’aménagement particulier « quartiers existants » et, d’autre part, adopta les parties graphiques et la partie écrite de ces derniers, ci-après les « PAP QE » « (…) sous [leur] forme revue et complétée (…) ».

Par décision du 5 octobre 2017, le ministre de l’Intérieur, ci-après dénommé le « ministre », approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du plan d’aménagement général, désigné ci-après par le « PAG ».

Par une seconde décision du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE et statuant sur les objections lui soumises. Cette décision du ministre est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j'ai l'honneur de vous informer que j'approuve la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des projets d'aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg.

Or, conformément à ma décision d'approbation du projet de la refonte du plan d'aménagement général de la Ville de Luxembourg de ce jour, modifiant les délimitations des plans d'aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents, je vous prie de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique des plans d'aménagement particulier « quartier existant » adaptées en conséquence.

De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l'encontre du vote des plans d'aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le Législateur n'a pas prévu la possibilité d'introduire une réclamation auprès du ministre de l'Intérieur contre le plan d'aménagement particulier « quartier existant » alors qu'il a uniquement prévu dans l'article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d'aménagement général devant le ministre de l'Intérieur.

Cette décision est basée sur l'article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2018, Madame … fit introduire un recours tendant à l’annulation de « 1) (…) la décision du Ministre de l'Intérieur du 5 octobre 2017, notifiée en date du 13 octobre 2017, approuvant sur base de l’article 18 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, les décisions du conseil communal de Luxembourg des 13 juin 2016 et 28 avril 2017 et portant rejet de sa réclamation du 19 mai 2017, sinon la déclarant irrecevable [et] 2) (…) la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017, rejetant la réclamation du 17 juillet 2016 et approuvant le projet d’aménagement général de la Ville de Luxembourg ainsi que les projets d’aménagements particuliers « quartier existant » (PAP QE). ».

Par jugement rendu le 13 juillet 2020, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme et, au fond, le déclara non justifié, partant en débouta, le tout en rejetant les demandes tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure, respectivement formulées par la partie demanderesse et par l’Etat, et en condamnant la demanderesse aux frais.

Par une requête déposée au greffe de la Cour administrative le 24 août 2020, Madame … a régulièrement relevé appel de ce jugement du 13 juillet 2020.

La compréhension et l’analyse utiles des différents moyens de réformation de la partie appelante appelle la Cour, à l’instar des premiers juges, à circonscrire plus en avant l’objet de la demande et le cadre légal et factuel de la cause.

L’appelante critique en substance le classement en zone PAP QE du « secteur protégé des Ensembles Sensibles – [SPR-es] », désigné ci-après par le « PAP QE [SPR-es] », des deux immeubles lui appartenant, sis à Luxembourg-Ville, aux numéros 1 (la parcelle 349/4902) et 3 (la parcelle 349/4903) de la rue Renert, à travers les décisions communale et ministérielle prévisées portant adoption, respectivement approbation du PAP QE couvrant les fonds en question.

En effet, il appert que dans le cadre de la refonte globale de sa règlementation urbanistique la Ville de Luxembourg a été amenée non pas à adopter, à côté de son nouveau PAG, un seul PAP, mais une pluralité de PAP QE et de PAP « nouveaux quartiers » (PAP NQ).

Les PAP QE traitent du « tissu bâti existant », tel que délimité par le PAG, et ils sont eux-mêmes subdivisés par zones (« PAP QE 1 - Nord », « PAP QE 2 - Centre Ouest », « PAP QE 3 - Centre Est », « PAP QE 4 - Centre Sud » et « PAP QE 5 - Sud ». Ces différentes subdivisions partagent des dispositions générales communes, mais ils se distinguent aussi par des dispositions qui leur sont spécifiques.

Il est par ailleurs constant en cause que les immeubles de l’appelante dont il est question sont classés par le PAG en « zone d’habitation 2 [HAB-2] », avec une zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » », dénommée ci-après la « zone [HAB-2] ». Ils sont plus particulièrement couverts par le « PAP QE 4 - Centre Sud » et sont soumis au PAP QE [SPR-es]. Les constructions situées sur la parcelle 349/4902 sont par ailleurs marquées de deux triangles rouges, précisant qu’il s’agit d’« immeubles pour lesquels une démolition et des nouvelles constructions principales peuvent être admises ».

Ceci dit, le premier moyen de réformation du jugement a quo est tiré d'une atteinte aux droits de la défense, ainsi que d'une violation du principe du contradictoire et d'une violation de l'article 10bis de la Constitution, au motif que la procédure d'adoption d’un PAP QE ne comporterait pas, à l’instar de la procédure d’adoption d’un PAG, une possibilité de réclamation devant le ministre à l'encontre du vote des PAP QE.

L’appelante estime que les mêmes garanties du droit de propriété et des droits de défense des administrés doivent exister dans ces deux procédures de planification urbanistique, qui ne seraient point autonomes, le PAP QE étant le complément nécessaire du PAG, de sorte qu’une différence de traitement entre les administrés ayant introduit une objection dans le cadre d’une procédure d'élaboration par rapport à l’autre ne serait nullement justifiée.

Elle insiste sur le fait que les possibilités de recours dans le cadre de la procédure d’élaboration du PAG ne justifieraient pas une limitation de ces voies dans le cadre de la procédure d’élaboration du PAP QE, au motif que souvent des griefs inexistants dans le premier instrument de planification urbanistique surgiraient seulement au niveau de la deuxième procédure, tel étant le cas en l’espèce, où le classement PAP QE [SPR-es] impliquerait des contraintes et restrictions supplémentaires, notamment en ce qu’il interdirait la démolition et le rehaussement de la bâtisse sise 3, rue Renert.

S’il est certes indubitable que tant un PAG qu’un PAP, notamment un PAP QE, constituent deux instruments de planification urbanistique en matière d’aménagement communal, il n’en reste pas moins, comme l’ont dégagé à bon escient les premiers juges, qu’il s’agit de deux actes règlementaires distincts.

Ainsi, le PAG est à considérer comme l’acte premier délimitant le cadre général de la planification urbanistique communale, tandis que le PAP est un acte subsidiaire d’exécution et de précision du PAG, les deux actes se distinguant fondamentalement au niveau de leurs objectifs et missions, tels qu’ils sont expressément tracés par la loi du 19 juillet 2004. En effet, le PAG est l’acte déterminant les zones subdivisant le territoire communal et fixant l’affectation de ces différentes zones, tandis que la fonction d’un PAP est de fixer, en exécution du PAG, les prescriptions urbanistiques applicables à l’intérieur desdites zones.

La situation des administrés dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un PAG est partant fondamentalement distincte, en droit et en fait, de leur situation dans le cadre de la procédure subséquente d’élaboration d’un PAP.

Or, il est patent que le législateur peut régler différemment la procédure d’adoption de différents instruments juridiques.

Il ne saurait être question d’une entorse au principe de l’égalité devant la loi en ce que le législateur, essentiellement dans le but de simplifier et de raccourcir l’entière procédure, n’a pas repris, dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un PAP, la deuxième voie de réclamation précontentieuse existant dans le cadre de la procédure d’élaboration d’un PAG.

Il s’ensuit que le moyen de réformation du jugement entrepris en ce qu’il a trait à une prétendue contrariété de la procédure légale d’adoption d’un PAP QE à l’article 10bis de la Constitution est manifestement infondé et aucune saisine de la Cour constitutionnelle ne s’impose y relativement. Le moyen est partant à rejeter sous ce rapport.

Pour autant que la mise en balance d’une prétendue violation des droits de la défense ou du principe du contradictoire soit à entrevoir comme valant au-delà de la mise en comparaison des deux procédures d’adoption des PAG et PAP QE, le moyen laisse également d’être fondé sous ce rapport, étant donné qu’il n’appert point en quoi l’absence de possibilité d’une voie de réclamation devant le ministre empêcherait l’administré de défendre utilement ses droits, notamment de propriété.

Le second moyen de réformation développé par l’appelante est tiré de la violation de la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après dénommée la « loi du 18 juillet 1983 », en ce que le conseil communal, en classant ses deux parcelles en secteur protégé d’intérêt communal, se serait arrogé une compétence pour décider de ce qui appartient au patrimoine culturel ou non. Or, la compétence pour déterminer et créer des secteurs sauvegardés aurait été exclusivement attribuée par le législateur, à travers la loi du 18 juillet 1983 (cf. ses articles 34 et 36), au gouvernement en conseil et au ministre de la Culture. En d’autres termes, une commune ne serait pas admise à s’ingérer en la matière de classement des sites et monuments et à prendre des décisions de classement ou des mesures de protection du patrimoine par le biais d’actes d’aménagement communal.

Or, tel aurait été le cas par l’énoncé des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection édictées par le PAG à l'article 29, surtout les points a) et b) débouchant à une interdiction de démolir, ancré dans le PAP QE [SPR-es].

Selon l’appelante, il ne saurait être question de deux régimes distincts et indépendants, au motif que les deux régimes œuvreraient dans la même matière avec les mêmes objectifs et en employant les mêmes critères aboutissant aux mêmes effets, à savoir la protection du patrimoine culturel.

Il conviendrait partant de réformer le jugement a quo et de dire que le conseil communal ne serait pas habilité à agir en matière de protection des sites et monuments et à empiéter dans une sphère de compétence qui a été attribuée au ministre de la Culture et au Conseil en gouvernement par le biais de la loi du 18 juillet 1983.

Pour le cas où la Cour estimerait que l'article 2 de la loi du 19 juillet 2004 attribuait une compétence au conseil communal pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel, il conviendrait de constater que cette disposition serait imprécise et omettrait de préciser les critères quant à sa mise en œuvre dans la loi concernant les mesures à mettre en œuvre. Ainsi, cette disposition légale serait source d'insécurité juridique et laisserait au conseil communal, sinon au Grand-Duc, le soin de déterminer les critères et modalités du classement de secteurs protégés ainsi que les effets qu'entraîne un tel classement, alors qu’en vertu de l'article 16 de la Constitution, les restrictions au droit de propriété devraient être ancrées dans la loi. Il est soutenu que les servitudes urbanistiques imposées par le biais du PAP QE [SPR-es] aboutiraient à enlever un des attributs essentiels du droit de propriété, c'est-à-dire le droit de démolir et de construire un nouvel immeuble.

Ainsi, en ne prévoyant pas de cadrage normatif, la loi du 19 juillet 2004 et, plus particulièrement, son article 2, point e), serait contraire à l'article 32, paragraphe 3, de la Constitution et au principe de sécurité juridique et, selon l’appelante, le principe de l'autonomie communale ne serait pas de nature à habiliter les autorités communales à instaurer des servitudes urbanistiques restrictives du droit de propriété.

Dans sa première branche, le moyen de réformation en question table fondamentalement sur la prémisse de base d’une incompétence des communes et, plus particulièrement, de leurs conseils communaux pour agir en matière de conservation et de protection du patrimoine culturel, une matière qui serait réservée par la loi au seul gouvernement.

La réponse à y réserver passe par l’examen des dispositions légales pertinentes, à savoir l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, d’une part, les articles 1er et 34 de la loi du 18 juillet 1983, d’autre part.

Aux termes de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par : (…) (b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ; (…) (e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus ;

(…) ».

L’article 1er de la loi du 18 juillet 1983 dispose que : « Les immeubles, nus ou bâtis, dont la conservation présente au point de vue archéologique, historique, artistique, esthétique, scientifique, technique ou industriel, un intérêt public, sont classés comme monuments nationaux en totalité ou en partie par les soins du Gouvernement, selon les distinctions établies par les articles ci-après.

Sont compris parmi les immeubles susceptibles d'être classés, aux termes de la présente loi, les monuments mégalithiques et les terrains qui renferment des stations ou gisements préhistoriques.

Il en est de même des immeubles dont le classement est nécessaire pour isoler, dégager ou assainir un immeuble classé ou proposé pour le classement, ainsi que, d'une façon générale, des immeubles, nus ou bâtis, situés dans le périmètre de protection d'un immeuble classé ou proposé pour le classement.

Un arrêté du Gouvernement en conseil détermine les monuments auxquels s'applique cette extension et délimite le périmètre de protection propre à chaque immeuble classé.

(…) ».

L’article 34 de la loi du 18 juillet 1983 ajoute que : « Peuvent être créés et délimités par arrêté grand-ducal, à prendre sur avis du Conseil d’Etat, des secteurs dits « secteurs sauvegardés », lorsque ceux-ci présentent un caractère archéologique, historique, artistique, esthétique, scientifique, technique ou industriel de nature à justifier la conservation, la restauration et la mise en valeur de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles ».

S’il est indéniable que lesdites dispositions légales des lois des 18 juillet 1983 et 19 juillet 2004 poursuivent des objectifs qui se rapprochent et que les effets concrets qu’ils engendrent peuvent être similaires, il n’en reste pas moins que le législateur a mis en place deux régimes distincts de protection du patrimoine culturel relevant de la compétence d’autorités différentes et répondant à des critères spécifiques inscrits de part et d’autre dans chacun desdits corps de textes législatifs.

Les deux régimes de protection du patrimoine culturel sont partant certes complémentaires, mais néanmoins distincts.

Or, dès lors que le législateur a expressément prévu la compétence tant du gouvernement que de l’autorité communale, chacune de ces autorités étant appelée à agir dans son propre contexte, le reproche de ce que l’autorité communale, même en restant dans les strictes limites légales, serait néanmoins, fondamentalement et illégalement, appelée à s’immiscer dans la sphère de compétence réservée au gouvernement, table partant sur une prémisse de base erronée.

Il s’ensuit que sous ce rapport, le reproche de l’appelante de ce que le classement par le conseil communal, à travers le PAP QE [SPR-es], des deux parcelles lui appartenant sur base de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 laisse d’être fondé et est à écarter.

Dans la deuxième branche de son moyen, l’appelante critique plus spécialement un manque de précision au niveau de délimitation légale de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 constitutionnellement requis dans une matière réservée à la loi.

Ce raisonnement laisse encore d’être fondé, étant donné que l’aménagement communal, c’est-à-dire l’établissement de PAG et PAP, ne constitue point une matière réservée à la loi.

En effet, l’article 16 de la Constitution (« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de la manière établis par la loi. ») se limite à ériger la privation de propriété pour cause d’utilité publique, c’est-à-dire l’expropriation, en matière réservée, et non pas les modalités de jouissance de la propriété.

Il s’ensuit que l’organisation du seul usage du droit des propriétaires, moyennant l’apport de certaines restrictions, tel que c’est le cas à travers l’application de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, ne requiert point un cadrage ou une délimitation légale poussés, tel que cela aurait été le cas dans une matière réservée à la loi et il ne saurait être question d’une contrariété à l'article 32, paragraphe 3, de la Constitution.

Dans un troisième ordre d’idées, l’appelante conclut à l’annulation des décisions communale et ministérielle attaquées pour tabler sur une disposition règlementaire illégale, à savoir l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) », sinon l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 (PAG) » (dans le cadre de l’acte d’appel, l’appelante se réfère au règlement grand-ducal de 2011, tandis que dans son mémoire en réplique, son argumentaire passe au règlement grand-ducal de 2017), au motif qu’il ne serait pas conforme à sa base légale, l'article 9 de la loi du 19 juillet 2004, qui devrait être considéré seul et non pas en combinaison avec d’autres articles de la loi du 19 juillet 2004.

En effet, selon l’appelante, l'article 9 de la loi du 19 juillet 2004 habiliterait le pouvoir réglementaire seulement à édicter un règlement grand-ducal qui définit les diverses zones, le mode et le degré d'utilisation du sol, mais il n’habiliterait nullement le conseil communal à créer des secteurs protégés et pour soumettre des immeubles à des servitudes urbanistiques à travers un PAG et des PAP QE. Il constituerait partant une base légale insuffisante pour sous-

tendre valablement l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011, d’abord, l'article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, par la suite, l’une comme l’autre de ces dispositions devant de la sorte rester inapplicables pour manquer de base légale.

La réponse à réserver à ce moyen appelle en premier lieu à cerner plus particulièrement le cadre règlementaire applicable.

Or, si l’article 39 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 (PAG) intitulé « dispositions transitoires » procède certes à travers son paragraphe 2 à l’abrogation du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG), il prévoit néanmoins que jusqu’au 8 août 2018, le collège échevinal compétent peut entamer la procédure d’adoption d’un PAG élaboré conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG).

Il s’ensuit qu’un projet de PAG mis sur orbite avant l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 (PAG) et élaboré suivant les règles du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) est également adopté suivant ces dernières, du moment que la procédure a été entamée avant le 8 aout 2018, ce qui est manifestement le cas en l’espèce pour le projet de refonte du PAG de la Ville de Luxembourg.

Le moyen laisse dès lors d’être fondé en ce qu’il table sur une mise en cause du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 (PAG).

Pour ce qui concerne la mise en cause de l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG), la Cour, à l’instar des premiers juges, constate que le législateur, par le biais de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, a expressément permis aux autorités communales de définir elles-mêmes, par voie réglementaire, des servitudes urbanistiques destinées à protéger les sites et monuments d’un point de vue esthétique, respectivement à protéger ou à garantir l’harmonie et la cohérence architecturale d’un quartier ou d’une partie d’un quartier, d’une part, et que l’article 9 de la loi du 19 juillet 2004, sur lequel repose plus précisément le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG), est fondamentalement à entrevoir en combinaison avec les autres dispositions de la loi du 19 juillet 2004, dont plus particulièrement ses articles 2, point e), 5 et 6, d’autre part.

La Cour les rejoint encore plus particulièrement et entérine leurs analyse et conclusion que l’instauration des secteurs protégés d’intérêt communal de type « environnement construit » soit des parties de zone, sous l’angle de l’article 25, alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004- par l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) trouve une assise valable sur ledit article 9 de la loi du 19 juillet 2004, en ce qu’il donne compétence au pouvoir règlementaire de fixer l’échelle et le contenu des parties graphique et écrite du PAG, dont notamment les définitions des diverses zones, le mode et le degré d’utilisation du sol, dès lors que lesdits secteurs participent directement à la réglementation, à travers les PAG et PAP, de l’utilisation du sol et sont destinés à protéger le patrimoine culturel.

Le troisième moyen est dès lors également à écarter pour ne pas être fondé.

En quatrième lieu, l’appelante réitère son moyen tiré d’une violation du principe d’égalité consacré par l’article 10bis de la Constitution, en ce que les propriétaires de parcelles soumises à un classement en vue de la protection du patrimoine culturel, se trouveraient dans une situation similaire, mais seraient soumis à un traitement différencié selon que leurs parcelles seraient classées sur base de la loi du 19 juillet 2004 ou sur base de la loi du 18 juillet 1983. Selon l’appelante, ces deux législations concurrentes interviendraient dans la même sphère de classement d’immeuble en tant que patrimoine culturel, mais elles opèreraient de manière foncièrement différente sur différents niveaux, tant au niveau du classement des immeubles qu’à celui des aides prévues et des travaux éligibles pour en faire l’objet, voire des voies de recours. En cas de besoin, il conviendrait de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle afférente.

Fondamentalement, le principe d’égalité devant la loi tel que découlant de l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution, suivant lequel les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, ne s’entend pas dans un sens absolu et son application présuppose que les situations à analyser sous le spectre de ce principe soient suffisamment comparables.

C’est par ailleurs aux juges du principal qu’il appartient de dégager les situations de non-comparabilité au regard de l’article 10bis de la Constitution du moment que cette non-comparabilité découle directement des données du litige.

En l’occurrence, il a été dégagé ci-avant, au niveau de l’analyse du deuxième moyen, que le législateur a concurremment pu prévoir deux régimes distincts, l’un national, l’autre communal, en matière de protection du patrimoine culturel.

S’il est de jurisprudence constante que les deux mécanismes réglementaires d’urbanisation communale, le PAG et le PAP, ne sont pas suffisamment comparables, il en est a fortiori ainsi par rapport à deux mécanismes de protection du patrimoine culturel ne relevant pas de la même sphère de compétence, l’un étant étatique et l’autre communal.

Cette conclusion s’impose d’autant plus en ce que la procédure communale de classement s’inscrit dans une procédure plus large, celle de la mise en place de plans d’aménagement communaux, tandis que la procédure étatique est propre au domaine de la protection du patrimoine culturel.

Encore et surtout, dès lors que le principe de l’égalité devant la loi s’articule à partir des personnes visées et non pas à partir des procédures épinglées, force est encore de constater que l’appelante omet ne serait-ce que d’alléguer un traitement différencié des personnes impliquées dans la procédure d’aplanissement des difficultés dans le cadre de l’une et de l’autre des procédures d’élaboration du PAG et des PAP de la Ville de Luxembourg.

Dès ce double constat, le moyen laisse dès lors d’être justifié.

Le cinquième moyen réitéré est tiré d’une violation de l’article 16 de la Constitution en ce que les servitudes lui imposées, avec interdiction de démolition, de transformation ou de surhaussement de l’immeuble sis au numéro 3 de la rue Renert, respectivement avec obligation de s’adapter aux constructions annexes au niveau de l’immeuble à construire au numéro 1 de la rue Renert, seraient constitutives d’une expropriation en affectant de façon substantielle les attributs de son droit de propriété. Il ne saurait, selon l’appelante, pas être question d’une simple réglementation de l’usage de ses immeubles, de sorte que le jugement dont appel serait encore à réformer sur ce point.

Ce moyen s’apparente et doit partant être rapproché du huitième et dernier moyen réitéré tiré d’une violation de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée la « CEDH », et des garanties y prévues concernant le droit de propriété.

Cette conclusion s’impose au regard de ce que ledit article 1er du Protocole additionnel à la CEDH et l’article 16 de la Constitution instaurent essentiellement des régimes protecteurs du droit de propriété, certes entrevus à partir de mécanismes différents, mais tendant à conférer aux tenanciers du droit de propriété des garanties semblables.

Ceci dit, il est patent que l’hypothèse de l’expropriation pour cause d’utilité publique expressément visée à l’article 16 de la Constitution ne se trouve point vérifiée en l’espèce.

Au-delà, il convient de rappeler qu’au regard de la protection du droit de propriété tel que se dégageant plus particulièrement des dispositions de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du Protocole additionnel à la CEDH, l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 octobre 2013 (n° 00101 du registre ; Mémorial A n°182, page 3473) consacre le droit des pouvoirs publics d’instaurer des servitudes d’urbanisme dans un but d’utilité publique, laisse intact le principe de la mutabilité des PAG et n’autorise pas le juge administratif à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, tout en réservant toutefois aux propriétaires touchés, conformément au droit commun, suivant la situation concrète du cas d’espèce, le cas échéant de faire valoir devant le juge judiciaire un droit à indemnisation dépendant, notamment, de la situation du terrain, du caractère contraignant de la servitude et des projets concrets de viabilisation du terrain.

Ainsi, sans préjudice d’une éventuelle pertinence dans le cadre d’une action en dommage et intérêts, l’argumentaire développé par l’appelante ne saurait aboutir à l’annulation d’une décision de classement par ailleurs justifiée.

Les deux moyens laissent partant d’être fondés et sont à écarter.

Ces deux moyens s’apparentent encore au septième moyen de l’appelante basé sur la prétendue rupture de l’égalité devant les charges publiques. Sous ce rapport, l’appelante invoque subir un dommage excessif du fait de la superposition de servitudes urbanistiques, qui, au niveau de la bâtisse sise au numéro 3 de la rue Renert, interdisent sa démolition et, au niveau de la parcelle voisine, conditionnent une nouvelle construction, alors que les autres immeubles situés dans ladite rue Renert auraient jusqu’à cinq étages et des volumes beaucoup plus importants. Ses droits seraient de la sorte limités et elle devrait payer les erreurs du passé. Or, ces limitations seraient disproportionnées par rapport au but poursuivi et impliqueraient une atteinte disproportionnée et nullement justifiée à son droit de propriété.

Au-delà de ce que la responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques se résout en termes d’indemnisation des personnes auxquelles l'intérêt général a imposé un sacrifice financier suffisamment important pour traduire une inégalité devant les charges publiques, force est de constater que l’appelante tend à inférer à partir de ce moyen qu’un classement en raison de l’appartenance d’un immeuble au patrimoine culturel, intervenant par définition dans une optique d’intérêt public, opérerait une rupture d’égalité devant les charges publiques en comparant ses immeubles à ceux voisins. Or, la mise en comparaison de sa propriété avec des immeubles ne faisant précisément pas partie du patrimoine culturel est de ce fait erronée à sa base, le moyen pour être pertinent requérant la mise en balance d’un traitement différencié par rapport à des propriétaires d’immeubles se trouvant eux aussi classés en raison de leur appartenance au patrimoine culturel.

Ce septième moyen laisse dès lors également d’être fondé.

Il reste à examiner le sixième moyen réitéré, à travers lequel l’appelante reproche aux premiers juges de ne pas l’avoir suivie en ce qu’elle a invoqué une erreur manifeste d'appréciation, au motif qu’il serait manifeste que ses deux immeubles classés ne seraient point dignes de protection, ni de par leur architecture, ni de par leur caractère historique ou authenticité, ni autrement et qu’ainsi, le classement, lui hautement préjudiciable, ne serait pas conforme aux objectifs recherchés par la Ville de Luxembourg.

Elle fait valoir que le juge de l’annulation serait appelé à vérifier l'existence de motifs légaux et avérés à la base du classement et qu’en l’espèce, tel n’aurait pas été le cas, au motif que les premiers juges se seraient contentés de simples affirmations sommaires non autrement soutenues par une évaluation ou expertise effectuée par la Ville de Luxembourg.

D’ailleurs, la rue Renert en soi ne serait pas caractérisée par une composition urbaine cohérente, ne présenterait aucune harmonie ou typologie des constructions y présentes et aucun de ses immeubles ne serait digne de protection. Il s’y ajouterait que deux immeubles ne sauraient constituer un tronçon au sens de l'article D.10.2 du PAP QE dont ils relèvent et qu’il ne saurait être question d’une cohérence dans l'image urbaine en découlant, l’image de la rue Renert étant au contraire caractérisée par la laideur des immeubles avoisinants.

Ainsi, il n’y aurait ni proportion raisonnable, ni juste équilibre entre un intérêt général que l'on ne pourrait d’ailleurs que supposer, et les impératifs de la sauvegarde de son droit de propriété, particulièrement malmené par un classement la privant d’une pleine exploitation du potentiel et du degré de constructibilité qui est en principe admissible dans cette rue.

L’appelante entend insister sur le fait qu’elle ne demande pas au juge administratif de faire un contrôle d'opportunité, mais de vérifier si les mesures de réglementation de l'usage des biens critiquées ont été prises dans l'intérêt général, pour ensuite vérifier la proportionnalité de ces mesures par rapport au but légitime poursuivi.

Sur ce, elle demande à la Cour de juger le maintien du secteur protégé - ensemble sensible - au niveau de ses deux biens comme ni justifié, ni proportionné au but poursuivi et de réformer le jugement a quo en conséquence.

Aux termes de l’article 29 de la partie écrite du PAG, « les secteurs protégés d'intérêt communal de type «environnement construit» constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d'immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l'immeuble pour l'histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle.

Ces secteurs couvrent des quartiers ou parties de quartiers qu'il s'agit de préserver pour conserver l'identité et l'histoire urbanistique de la Ville (…) ».

L’article D.10.2 de la partie écrite des PAP précise que « les PAP QE « secteur protégé des ensembles sensibles » comprennent certaines parties ou tronçons de rue du territoire de la Ville qui constituent, de par leur caractère harmonieux et de par leur composition urbaine, des ensembles cohérents, dignes d'être conservés dans leur ensemble. ».

Le cadre légal ainsi tracé, il importe encore à la Cour de cerner plus spécialement le cadre de sa mission de contrôle en tant que juge de l’annulation saisi d’un reproche d’une « erreur manifeste d’appréciation ».

En effet, il convient de rappeler et d’insister sur ce que la densité du contrôle à opérer par le juge administratif dans le cadre de pareil moyen ne saurait être entrevue dans le sens réducteur prôné par le mandataire de la partie étatique à un contrôle de ce que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, l’autorité de décision, auteur d’une décision querellée, n’a pas versé dans une « erreur évidente, qui ne fait aucun doute pour un esprit éclairé ».

Depuis 2010, la Cour a déjà eu l’occasion de se positionner itérativement par rapport à pareilles attributions limitées du juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation, en recentrant le concept de l’« erreur manifeste d’appréciation », moyennant la mise en avant de ce que l’adjectif « manifeste », a priori trompeur, ne saurait mener vers un contrôle restreint incompatible avec les exigences d’un recours effectif.

Ainsi, elle a pu mettre l’accent sur ce que le moyen en question appelle le juge administratif de l’annulation à analyser la situation factuelle, dûment vérifiée, suivant le critère d’un dépassement de la marge d’appréciation par l’autorité de décision en appuyant sa démarche sur une application circonstanciée et équilibrée du principe de proportionnalité et non pas à se limiter à une sanction des situations dites « manifestes » ou de « flagrante disproportion ».

Cette approche est indubitablement requise par le nécessaire caractère « effectif » du recours de l’administré, principe à valeur constitutionnelle, tel que consacré par la Cour constitutionnelle (arrêt n°146 du 28 mai 2019), et garanti par l’article 13 de la CEDH, et par l’article 47 de la Charte Européenne des droits fondamentaux, ci-après la « Charte ».

En d’autres termes et synthétiquement, il incombe au juge d’opérer une mise en balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but.

Ceci étant rappelé, la Cour constate que la constellation factuelle du litige se dégage amplement des éléments d’appréciation soumis en cause, dont les plans et photographies versés par les différentes parties en cause, et une visite des lieux ne parait quant à elle pas apporter une véritable plus-value. En effet, les éléments produits au dossier documentent les éléments en l’occurrence essentiels tels que les implantation, architecture, gabarit et aspect extérieur de chacun des deux immeubles concernés de l’appelante dans la rue Renert, de même que de ceux avoisinants.

Il convient de s’y rapporter pour déterminer si les décisions querellées sont ou non empreintes d’un dépassement de la marge d’appréciation.

Or, il se dégage desdites pièces que s’il est vrai que la rue Renert, considérée dans son ensemble, n’est guère empreinte d’harmonie avec des immeubles à gabarits, types et tailles variables, comme le pointe à juste titre l’appelante, il n’en reste pas moins que la partie ou le tronçon classé, composée des deux immeubles, sis aux numéros 3 et 5 de la rue Renert, en l’occurrence deux maisons d’habitation jumelées, qui par les allures de leurs façades principales côté rue, leurs gabarits et architectures analogues, et leur alignement, constitue une fraction à caractère harmonieux, avec une authenticité réelle, témoignant d’une époque révolue, c’est-à-dire un sous-ensemble de ladite rue digne d’être conservé en tant que tel au sens de l’article D.10.2 de la partie écrite du PAP QE.

Sur base de ces constats, la décision de classement par les autorités communale et de tutelle des parcelles de l’appelante en PAP QE [SPR-es], afin de protéger la cohérence de cet ensemble et l’image urbaine qui en découle, appert reposer sur une réalité vérifiée et des considérations non pas stéréotypées ou abstraites, comme le soutient la partie appelante, mais au contraire concrètes, ainsi que d’être le fruit d’un choix somme toute retraçable et conforme aux objectifs d’intérêt général d’un développement harmonieux des structures urbaines et de la protection du patrimoine culturel, au sens de l’article 2, points b) et e), de la loi du 19 juillet 2004.

Ceci dit, la Cour rejoint les premiers juges en ce qu’ils ont valablement considéré que bien que les constructions érigées sur la parcelle sise au numéro 1 de la rue Renert ne présentent aucune caractéristique digne de protection, le classement également de cette parcelle en « zone protégée – ensembles sensibles », ainsi qu’en PAP QE [SPR-es] se justifie, dans une vision prospective, afin de garantir que toute construction future à y ériger n’aura pas pour effet de porter atteinte à la cohérence de l’ensemble formé par les bâtiments sis aux numéros 3 et 5 de la rue Renert, entrevus dans le cadre d’une image élargie qu’ils composent ensemble avec la bâtisse sise au numéro 28, de la rue Michel Rodange, qui visuellement complète l’image côté impair de la rue Renert, et qui partage le même raffinement architectural que celui relevé au niveau des numéros 3 et 5 de ladite rue, mais s’y intégrera de façon harmonieuse, conformément aux susdits objectifs d’intérêt général.

En tout cas, aucun dépassement de la marge d’appréciation des autorités communale et ministérielle ne se dégage des éléments de la cause.

Le moyen afférent de réformation du jugement entrepris laisse partant à son tour d’être justifié.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est justifié en aucun de ses moyens et qu’il y a lieu d’en débouter l’appelante et de confirmer le jugement dont appel.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante d’un import de ….- € est à son tour à rejeter.

La partie étatique demande à voir ordonner la distraction des frais et dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour concluant affirmant en avoir fait l’avance.

Dans la mesure où pareille distraction, prévue par le Nouveau code de procédure civile devant le juge judiciaire, n’a pas été prévue par la loi au niveau de la procédure administrative contentieuse, cette demande est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

partant, confirme le jugement entrepris du 13 juillet 2020;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante;

rejette la demande en distraction de l’avocat à la Cour de la partie étatique concernant les dépens de l’instance d’appel;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44914C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;44914c ?

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