La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°44798C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 44798C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44798C du rôle Inscrit le 4 août 2020

_____________________________________________________________________________

Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 juin 2020 (n° 40658 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre « des décisions » du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matièr

e de plans d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel ins...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44798C du rôle Inscrit le 4 août 2020

_____________________________________________________________________________

Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 22 juin 2020 (n° 40658 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre « des décisions » du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plans d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 44798C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 4 août 2020 par Maître Hervé HANSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonction, déclarant agir en tant que propriétaire de quatre séries de parcelles, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 22 juin 2020 (n° 40658 du rôle) à travers lequel le tribunal a donné acte à la demanderesse de ce qu’elle renonçait au volet de son recours concernant la parcelle portant le numéro cadastral 128/1805, sise à 15, Val de Hamm, pour se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation, déclarer le recours subsidiaire en annulation irrecevable en tant que dirigé contre la délibération du collège échevinal du 14 juin 2016 portant mise sur orbite des PAP QE, tout en le déclarant recevable pour le surplus, en tant que dirigé contre la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE et la décision d’approbation afférente du ministre du 5 octobre 2017, pour, pour le surplus, déclarer partiellement justifié le recours en annulant la décision ministérielle querellée dans l’unique mesure où le ministre a approuvé la partie graphique du PAP QE du « secteur protégé de Clausen » et ce uniquement en ce que l’emprise territoriale arrêtée du PAP en question n’inclut pas l’intégralité de la partie de la parcelle portant le numéro cadastral 85/1135 sise à la rue de Clausen, classée par le PAG en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » », tout en déclarant le recours en annulation non fondé pour le surplus, en rejetant les demandes en allocation d’une indemnité de procédure respectives de la demanderesse et de la partie étatique et en imposant les frais et dépens à raison de trois quarts à la partie demanderesse, un quart étant allé à charge de l’Etat ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Luana COGONI, en remplacement de l’huissier de justice Véronique REYTER, les deux demeurant à Esch-sur-Alzette, immatriculées auprès le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 17 août 2020 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie en son Hôtel de Ville, 42, Place Guillaume II ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2020 par Maître Anne BAULER, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2020 par Maître Hervé HANSEN au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2020 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020 par Maître Anne BAULER au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Par courriels respectifs des mandataires des parties dans le cadre de la mise en place du calendrier de fixation de l’affaire pour plaidoiries, il y a eu unanimité en vue de voir prendre l’affaire en délibéré sans autre formalité ;

Sur le rapport du rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré en conséquence à l’audience publique du 19 janvier 2021.

Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après le « conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et « (…) charge[a] le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».

Le 14 juin 2016, le collège des bourgmestre et des échevins de la Ville de Luxembourg, ci-après « le collège échevinal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 30, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, pour « (…) engager la procédure d’adoption des premiers plans d’aménagement particuliers « quartiers existants » de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique et de les soumettre à la procédure d’adoption en les déposant à l’inspection du public et en les transmettant pour avis à la cellule d’évaluation de la Commission d’aménagement instituée auprès du Ministère de l’Intérieur ainsi qu’au Ministère de l’environnement et à la Direction de la Santé (…) ».

Par plusieurs courriers de son mandataire du 20 juillet 2016, la société anonyme …, ci-après « la société … », soumit au collège échevinal des objections contre (i) « (…) le document intitulé « Projet de Plan d’Aménagement Particulier « Quartier Existant » (PAP QE) – partie écrite » (…) », (ii) « (…) le plan de repérage visé à l’article A.1 de la Partie écrite du Projet de PAP QE 2(…) » et (iii) les projets d’aménagement particulier « quartier existant » suivants :

- le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé du quartier de la Gare », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » de la « zone mixte urbaine », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé de la Vieille Ville », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé de la Ville Haute », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé du plateau Bourbon », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé des Ensembles Sensibles », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé de Clausen », - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé du Grund, de Pulvermühl et du promontoire du Rham » et - le projet d’aménagement particulier « quartier existant » du « secteur protégé des quartiers Belair et Hollerich ».

Dans ces courriers, la société … déclara agir en sa qualité de propriétaire des parcelles suivantes :

 les parcelles portant les numéros cadastraux 142/346 et 142/424, sises respectivement à 4, rue Jean Origer et à 14, rue du Fort Bourbon, ci-après « les parcelles Gare »,  la parcelle portant le numéro cadastral 128/1805, sise à 15, Val de Hamm, ci-après désignée par « la parcelle Pulvermühl », et  les parcelles suivantes, désignées ci-après par « les parcelles Zone Mixte » :

i. la parcelle portant le numéro cadastral 585/5494, sise à 29, rue de Bonnevoie, ii. la parcelle portant le numéro cadastral 620/5398, sise à 110, rue de Bonnevoie, iii. la parcelle portant le numéro cadastral 220/2651, sise à 75, Côte d’Eich, iv. la parcelle portant le numéro cadastral 361/2624, sise à 57, rue d’Anvers, v. la parcelle portant le numéro cadastral 116/3835, sise à 1, Place Sts Pierre et Paul, vi. la parcelle portant le numéro cadastral 593/2119, sise à 26-30, rue de l’Eau, vii. la parcelle portant le numéro cadastral 419/1834, sise à 15, Place d’Armes, viii. la parcelle portant le numéro cadastral 49/1776, sise à 2, rue Beaumont, ix. la parcelle portant le numéro cadastral 297/0, sise à 1, Grand-Rue, x. la parcelle portant le numéro cadastral 443/0, sise à 19, rue Louvigny, xi. les parcelles portant les numéros cadastraux 497/772 et 497/773, sises à 27-29, rue Notre-Dame, xii. la parcelle portant le numéro cadastral 175/0, sise à 26, rue de la Poste, xiii. la parcelle portant le numéro cadastral 143/794, sise à 7, rue Dicks, 3xiv. la parcelle portant le numéro cadastral 3/598, sise à 11A, rue de Bonnevoie, xv. la parcelle portant le numéro cadastral 67/724, sise à 61, rue de Clausen, xvi. la parcelle portant le numéro cadastral 72/183, sise à 77, rue de Clausen, xvii. la parcelle portant le numéro cadastral 106/874, sise à 69, Allée Pierre de Mansfeld, xviii. la parcelle portant le numéro cadastral 888/3619, sise à 9, Avenue du X Septembre, xix. la parcelle portant le numéro cadastral 155/8352, sise à 1, rue du Cimetière, xx. la parcelle portant le numéro cadastral 155/8439, sise à 7, rue du Cimetière, xxi. la parcelle portant le numéro cadastral 585/8451, sise à 1, rue des Trévires, xxii. les parcelles portant les numéros cadastraux 154/1635, 155/1636 et 155/1988, sises à 13, Place François-Joseph Dargent, xxiii. la parcelle portant le numéro cadastral 405/3957, sise à 15, rue Joseph Junck, xxiv. la parcelle portant le numéro cadastral 596/2060, sise à 62, rue du Fort Neipperg, xxv. la parcelle portant le numéro cadastral 48/3361, sise à 42, Avenue de la Faïencerie, xxvi. la parcelle portant le numéro cadastral 49/821, sise à 37, Avenue Pasteur, xxvii. la parcelle portant le numéro cadastral 297/1263, sise au lieu-dit « Rives de Clausen », xxviii. la parcelle portant le numéro cadastral 110/1008, sise à 2-3, rue de la Tour Jacob et xxix. la parcelle portant le numéro cadastral 114/1020, sise à 5-17, rue de la Tour Jacob.

Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ».

Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre des projets d’aménagement particulier « quartier existant » ci-après « le PAP QE » et, d’autre part, adopta les parties graphiques et la partie écrite de ces derniers, « (…) sous [leur] forme revue et complétée (…) ».

Par décision du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du PAG, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du PAG.

Par décision du même jour, le ministre approuva encore la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE, cette décision étant libellée comme suit :

4« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des projets d’aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg.

Or, conformément à ma décision d’approbation du projet de la refonte du plan d’aménagement général de la Ville de Luxembourg de ce jour, modifiant les délimitations des plans d’aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents, je vous prie de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique des plans d’aménagement particulier « quartier existant » adaptées en conséquence.

De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l’encontre du vote des plans d’aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le Législateur n’a pas prévu la possibilité d’introduire une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur contre le plan d’aménagement particulier « quartier existant » alors qu’il a uniquement prévu dans l’article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d’aménagement général devant le ministre de l’Intérieur. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2018, la société …, agissant en sa qualité de propriétaire des parcelles Gare, Pulvermühl et Zone Mixte, ainsi que de la parcelle portant le numéro cadastral 85/1135, sise à la rue de Clausen, ci-après « la parcelle Source », fit introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, à la réformation, sinon à l’annulation 1) de « (…) [l]a décision prise par Monsieur le Ministre de l’Intérieur, établi à L-1219 Luxembourg, 19, rue Beaumont, en date du 5 octobre 2017, publiée le 19 octobre 2017 au Luxemburger Wort et portant approbation de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017, portant adoption de la refonte du plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg, en ce que le PAP QE :

o en ce qui concerne les Parcelles Gare, n’a pas inclus les activités de restaurant et de débits de boissons en son article D.6.1.2, alinéa 1er, de la partie écrite ;

o n’a pas inclus la Parcelle Pulvermühl dans la partie graphique du secteur protégé de Pulvermühl ;

o n’a pas reflété le reclassement partiel de la Parcelle Source en zone mixte au niveau du PAG dans la partie graphique du PAP QE ; et o contient une obligation d’affectation générale à l’habitat en zone mixte assortie d’aucune exception ; (…) », 2) de « (…) la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 13 juin 2016 portant adoption provisoire de la refonte du plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg (…) » et 3) de « (…) la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption définitive de la refonte du plan d’aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg (…) ».

5Par jugement du 22 juin 2020 (n° 40658 du rôle), le tribunal donna acte à la partie demanderesse qu’elle renonçait au volet de son recours portant sur la parcelle Pulvermühl, porta déclaration de l’incompétence pour connaître du recours principal en réformation, déclara l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation en tant que dirigé contre la délibération du collège échevinal du 14 juin 2016 portant mise sur orbite des PAP QE, pour, pour le surplus, déclarer le recours subsidiaire en annulation recevable et ne le déclarer fondé que dans la seule mesure où la décision querellée du ministre a approuvé la partie graphique du PAP QE du « secteur protégé de Clausen » et ce uniquement en ce que l’emprise territoriale y arrêtée du PAP en question n’inclut pas l’intégralité de la partie de la parcelle portant le numéro cadastral 85/1135, sise à la rue de Clausen, classée par le PAG en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » pour renvoyer dans cette seule mesure le dossier devant le ministre et, pour le surplus, déclarer le recours en annulation non fondé, rejeter les demandes en allocation d’indemnité de procédure formulées respectivement par la partie demanderesse et la partie étatique et imposer trois quarts des frais et dépens à la demanderesse et un quart à l’Etat.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 4 août 2020 (n° 44798C du rôle), la société … a fait entreprendre le jugement précité du 22 juin 2020 dont elle sollicite la réformation pour voir réformer, sinon annuler les délibérations du conseil communal, ainsi désignées des 14 juin 2016 et 28 avril 2017 en ce qu’elles n’ont pas fait droit à ses réclamations concernant l’affectation des parcelles Gare et des parcelles Zone Mixte.

Tant la Ville de Luxembourg que la partie étatique se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la forme et quant au délai.

Étant entendu que le jugement dont appel a été notifié en date du 25 juin 2020, l’appel est recevable quant au délai et, pour le surplus, ayant été interjeté suivant les formes de la loi, il l’est dans son intégralité.

Quant à la prétention de l’appelante, il y a lieu de relever à partir du dispositif de la requête d’appel qu’actuellement, les décisions communales et ministérielle par elle querellées sont uniquement attaquées en ce qu’elles n’ont pas fait droit à ses revendications concernant l’affectation des seules parcelles Gare et des parcelles Zone Mixte. Il y a lieu de noter qu’antérieurement, la démarche de l’appelante actuelle consistait à mettre en cause jusqu’à neuf PAP QE différents.

A travers le dispositif de la requête d’appel, l’appelante sollicite, par réformation du jugement a quo, la réformation des délibérations du conseil communal et décision ministérielle par elle visées.

Or, tel que les premiers juges l’ont correctement dégagé, en l’absence de recours de pleine juridiction prévu en la matière, le tribunal administratif était effectivement incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal.

Au niveau du recours en annulation, l’appelante continue à mettre en cause la délibération du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 14 juin 2016 ayant porté mise en procédure de la partie écrite du PAP QE, ainsi que des différentes parties graphiques afférentes.

Ici également, il convient de confirmer le jugement dont appel en ce que, parallèlement à la situation vérifiée pour la mise en procédure du PAG, celle opérée pour les PAP QE en date du 14 juin 2016 n’a point, en principe, été de nature à faire grief aux propriétaires d’immeubles 6formant l’assiette des PAP en question, étant entendu que seulement la délibération du conseil communal portant adoption des PAP QE en question est de nature à arrêter au niveau communal le contenu de ces différents plans et à faire grief en conséquence, le cas échéant, aux propriétaires des immeubles formant l’assiette de ces PAP.

Dès lors, c’est encore à juste titre que les premiers juges ont déclaré le recours en annulation irrecevable en tant que dirigé contre la délibération du collège échevinal du 14 juin 2016 engageant la procédure d’adoption des PAP QE, telle que visée initialement par la société ….

La Ville, rejointe par l’Etat, fait état de ce que, concernant les parties visées du quartier de la Gare, il a été fait droit aux doléances de l’appelante en ce qu’à travers une délibération communale du 16 décembre 2019, l’article D.6.1.2 de la partie écrite du PAP QE a été modifié en ajoutant les affectations « restaurant ou débit de boissons » comme demandé par elle. En ce que cette délibération a été approuvée par le ministre en date du 14 février 2020 et est entrée en vigueur à partir du 29 février 2020, les parties publiques estiment que la requête d’appel n’a plus de raison d’être sous ce premier volet.

A travers sa réplique, la partie appelante ne rencontre pas directement ce nouvel élément et continue à solliciter l’annulation de l’article D.6.1.2 de la partie écrite du PAP QE.

Dans une double optique d’aplanissement des difficultés et de perte d’objet, la Cour rejoint la position des parties publiques et vient à la conclusion que l’appel est devenu sans objet sous son premier volet tenant aux parcelles Gare.

En effet, en principe, l’annulation à opérer par rapport à un acte réglementaire n’opère que pour l’avenir, sauf conclusions précises et pertinentes d’une partie de nature à sous-tendre une prise d’effet différente pour le passé. En l’absence de pareilles conclusions, faute de dispositions pouvant encore être annulées, la conclusion ci-avant retenue est la seule valable dans le cas d’espèce.

Il reste dès lors uniquement devant la Cour à traiter le volet des parcelles Zone Mixte.

L’appelante met en exergue que sa prétention concernant la problématique des zones mixtes consiste en ce qu’à défaut de pouvoir de dérogation prévu au profit du bourgmestre, l’obligation d’affecter une partie de tous les immeubles situés en Zone Mixte à l’habitat serait contraire à la loi, disproportionnée et créerait une inégalité de traitement indue.

Au titre de la violation de la loi, l’appelante estime que les dispositions générales de la partie graphique du PAP QE, en l’absence de pouvoir dérogatoire du bourgmestre prévu, sont susceptibles de causer des situations absurdes et en contradiction avec les objectifs définis au niveau de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.

Ainsi, tout immeuble subissant une restauration complète, une transformation majeure, un changement d’affectation, une reconstruction ou nouvelle construction devrait être parallèlement consacré à l’habitat avec toutes les conséquences y attachées, notamment en matière d’accès aux résidences, en ce que la mise en place de l’installation d’une cage d’escalier supplémentaire y serait requise.

7A titre d’exemple d’absurdité de la mesure, l’appelante cite l’immeuble sis 26, rue de la Poste, avec une implantation d’une largeur de plus de cinq mètres, où l’application du PAP QE rendrait impossible l’utilisation de l’étage supérieur. Cette situation arriverait souvent au regard du parcellaire étriqué des immeubles à maints endroits de l’ancienne Ville Haute.

L’appelante cite encore dans le même sens la parcelle rue Louvigny.

Elle reproche en second lieu au ministre de ne pas avoir effectué correctement son contrôle de légalité, au titre de l’excès de pouvoir entrevu à travers le non-respect du principe de proportionnalité, en ce que le but de créer des logements adéquats pourrait être poursuivi à travers des moyens moins contraignants et moins attentatoires au droit de propriété de l’appelante notamment.

Ainsi, l’objectif de mixité pourrait être atteint de manière beaucoup plus adéquate en conférant au bourgmestre un pouvoir de dérogation dans les situations où les exigences actuelles mènent à l’absurde.

En troisième lieu, l’appelante conclut à une violation du principe d’égalité devant la loi tel que consacré par l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution.

Si la possibilité de « compensation » était offerte par l’article C.4.1 et l’article D.10.1.3 de la partie écrite du PAP QE dans le sens de permettre d’affecter de manière concomitante une partie d’un autre immeuble à l’habitat en zone mixte urbaine, pareille possibilité ne serait pas prévue pour les secteurs [SPR-vv], [SPR-vh], [SPR-pb], [SPR-cl], [SPR-gpr] et [SPR-bh] et serait exclusivement ouverte aux « multi »-propriétaires. Pareille différenciation ne serait ni justifiée, ni juste. Ainsi, les articles précités C.4.1 et D.10.1.3 de la partie écrite du PAP QE ne seraient applicables, par la force des choses, qu’aux propriétaires d’une pluralité d’immeubles classés en zone mixte urbaine, par opposition aux propriétaires d’un seul immeuble classé en pareille zone, tandis que, d’autre part, ces articles ne concernent que certains secteurs de la Ville et ne comprendraient notamment pas les secteurs de la Ville Haute et de Clausen. Vu le parcellaire ancien et étriqué, des problèmes concrets d’application se poseraient en l’occurrence.

Les parties publiques, chacune en ce qui la concerne, concluent à la confirmation du jugement dont appel dans la mesure du seul volet resté litigieux concernant les parcelles en Zone Mixte.

Même si en instance d’appel l’appelante ne précise plus quelles sont les dispositions précises des PAP QE pour lesquelles, en zone [MIX-u], elle critique la mise en application de l’exigence d’affectation d’une partie au moins des immeubles en question à l’habitation, il apparaît cependant opportun de reprendre à cet endroit la liste des dispositions effectivement visées, telle que dégagée par le tribunal à partir des éléments lui présentés et restés constants en instance d’appel à défaut d’éléments contraires invoqués. Cette liste des dispositions de la partie écrite du PAP QE applicables aux immeubles classés en zone [MIX-u] par le PAG est la suivante :

- l’article C.4.1, alinéa 2, applicable au PAP QE de la zone [MIX-u], aux termes duquel « En cas de nouvelle construction, au moins l’équivalent de deux niveaux doit être affecté à l’habitat dans l’immeuble ou doit être créé dans un autre immeuble de la zone mixte urbaine sous condition que les projets se fassent de façon concomitante. », - l’article D.3.1.1, alinéa 3, applicable, notamment, au PAP QE du « secteur protégé de la Vieille Ville », aux termes duquel : « En cas de restauration complète, de 8transformation majeure, de changement d’affectation, de reconstruction ou de nouvelle construction d’un immeuble, au moins un étage mansardé, un étage en retrait ou l’équivalent d’un niveau plein, doit être affecté à l’habitat. », - les articles D.4.1.1, alinéa 4, D.5.1.2, alinéa 3 et D.6.1.2, alinéa 3, applicables au PAP QE du « secteur protégé de la Ville Haute » voire au PAP QE du « secteur protégé du plateau Bourbon », et au PAP QE du « secteur protégé du quartier de la Gare », aux termes desquels « En cas de restauration complète, de transformation majeure, de changement d’affectation, de reconstruction ou de nouvelle construction d’un immeuble, au moins un étage mansardé, un étage en retrait ou l’équivalent d’un niveau plein, doit être affecté à l’habitat à l’exception de la création ou du maintien de grands magasins à rayons multiples. », - les articles D.8.1.3, alinéa 3 et D.9.1.3, alinéa 3, applicables, notamment, au PAP QE du « secteur protégé du Grund, de Pulvermühl et du promontoire du Rham » et au PAP QE du « secteur protégé de Clausen », respectivement au PAP QE du « secteur protégé des quartiers Belair et Hollerich », aux termes desquels « En cas de restauration complète, de transformation majeure, de changement d’affectation, de reconstruction ou de nouvelle construction d’un immeuble, au moins un étage mansardé, (un étage en retrait) ou l’équivalent d’un niveau plein, doit être affecté à l’habitat. » et - l’article D.10.1.3, alinéa 1er, applicable aux différents PAP QE du « secteur protégé des ensembles sensibles », aux termes duquel « En cas de restauration complète, de transformation majeure ou de nouvelle construction, au moins l’équivalent de deux niveaux doit être affecté à l’habitat, dans l’immeuble ou dans un autre immeuble de la zone mixte urbaine. ».

Le tribunal a encore valablement dégagé à partir des conclusions des parties restées constantes à cet escient en instance d’appel qu’en son principe, l’obligation d’affecter partiellement les immeubles concernés à l’habitation en application des articles pertinents des PAP QE précités dans les hypothèses y visées de nouvelles constructions ou de restauration complète, de transformation majeure, de changement d’affectation, de reconstruction ou de nouvelle construction d’un immeuble sinon encore de restauration complète, de transformation majeure ou de nouvelle construction, suivant les hypothèses y énoncées, répondent à une finalité d’intérêt général, à savoir la poursuite des objectifs d’utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain en garantissant pour le surplus la mixité, c’est-à-dire la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux, tels que ces objectifs sont prévus particulièrement sous les points a) et d) de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 en ce qu’il est évité qu’une affectation exclusive ou largement majoritaire de quartier classé en zone [MIX-u], à des activités commerciales s’accompagne d’un dépeuplement corrélatif de ceux-ci.

Les critiques de l’appelante actuelle, tout comme en première instance, s’articulent à un niveau d’application plus lointain des dispositions précitées et se rejoignent dans la proposition suivant laquelle des situations d’absurdité ou de non-sens auraient pu être évitées si en toute matière un pouvoir de dérogation du bourgmestre avait été prévu à l’instar de ce qui est retenu aux articles C.4.1 et D.10.1.3 de la partie écrite des PAP QE.

La Cour est amenée à constater d’abord que comparée aux affectations d’immeubles à des zones [HAB-1] et [HAB-2], celle à une zone [MIX-u] confère le plus de latitude en matière de mixité et permet, outre l’affectation à l’habitation, des affectations diverses notamment commerciale et artisanale. Sur cette toile de fond, compte tenu de la pénurie de logements et du dépeuplement de quartiers centraux de la Ville d’ores et déjà constaté, l’exigence d’une certaine 9présence des affectations à l’habitation également au niveau de la zone [MIX-u] correspond à l’intérêt général tel que ci-avant dégagé et a pu être valablement ancrée dans les différents PAP QE ci-avant cités dans leurs dispositions pertinentes afférentes.

La différence essentielle entre les dispositions des articles C.4.1 et D.10.1.3 de la partie écrite du PAP QE, mise en exergue par l’appelante, consiste en ce qu’au niveau de ces deux articles, dans les hypothèses de reconstruction et d’intervention majeure par rapport à l’immeuble concerné, au moins l’équivalent de deux niveaux doit être affecté à l’habitat, tandis que pour tous les autres cas de figure précités, cette exigence ne porte que sur un seul niveau.

L’exigence d’affectation de deux niveaux à l’habitat, en ce qu’elle comporte précisément le double de celle se rapportant à un seul niveau, a dès lors pu être accompagnée par des éléments de flexibilisation dans l’optique toutefois de garantir l’objectif d’affectation à l’habitat, en prévoyant que pareille affectation à deux niveaux peut se dérouler dans l’immeuble concerné-même ou dans un autre immeuble de la zone [MIX-u] et c’est précisément par rapport à ces deux séries d’hypothèses d’obligation d’affectation de deux niveaux à l’habitat que la dérogation du bourgmestre est prévue.

L’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution dispose que les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. Il implique que toutes les personnes soumises à la même règle – affectation à l’habitat pour deux niveaux – dans les zones soumises respectivement aux articles C.4.1 et D.10.1.3 de la partie écrite du PAP QE soient traitées de la même manière. Or, tel n’est pas l’argument de l’appelante. Elle ne vise pas à voir dire qu’il y aurait des propriétaires soumis aux mêmes règles traités différemment, mais elle critique le fait que pour les situations différentes des règles différentes aient été mises en place, sans toutefois mettre en relief que les propriétaires soumis aux mêmes règles dans une même situation ne soient pas traités de la même manière.

Partant, le moyen laisse, à sa base, d’être justifié.

L’argument tendant à voir dire que des « multi »-propriétaires seraient privilégiés par rapport à des propriétaires d’un seul immeuble est également appelé à tomber à faux, du moment que la Ville a pu valablement mettre en exergue que pour les possibilités de voire peser l’obligation d’affectation à l’habitat sur un autre immeuble de la même zone, l’exigence que celui-ci appartienne au même propriétaire n’est pas prévue par les textes pertinents et a fortiori non exigée par la Ville et que dès lors, cet autre immeuble peut très bien appartenir à un autre propriétaire pourvu que les deux propriétaires concernés se soient mis dûment d’accord et aient pu valablement faire valoir cet accord par rapport à la Ville.

Quant au pouvoir de dérogation du bourgmestre, vu l’importance du critère d’intérêt général de l’affectation des immeubles à l’habitat, celui-ci n’est pas à lire dans le sens d’une absolution totale de l’obligation d’affectation à l’habitat, mais d’une modulation adéquate suivant les circonstances et se conçoit dès lors d’autant plus valablement que le nombre des niveaux à affecter à l’habitat est supérieur à un et que des solutions par équivalent entrent en considération.

Au regard de l’ensemble de ces considérations, il convient de confirmer le jugement dont appel en sa solution, compte tenu des motifs complémentaires ci-avant déployés, en ce qu’aucun dépassement de la marge d’appréciation ne saurait être valablement retenu, ni dans le chef de la délibération communale querellée, ni dans celui de la décision ministérielle d’approbation afférente également litigieuse en ce qu’uniquement dans les hypothèses d’obligation d’affectation d’au moins deux niveaux ou de l’équivalent de ceux-ci à l’habitation a été stipulée une dérogation possible du bourgmestre prévue dans l’objectif principal de modulation et non pas d’absolution 10totale de l’obligation posée, tandis que pareille dérogation ne figure pas par ailleurs dans les hypothèses plus simples d’affectation d’un seul étage à l’habitation.

Il s’ensuit que l’appel laisse d’être fondé en ce dernier volet, seul rémanent en instance d’appel.

L’appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de ….- €.

Eu égard à l’issue du litige, cette demande est à rejeter.

La partie étatique demande à voir ordonner la distraction des frais et dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour concluant affirmant en avoir fait l’avance.

Dans la mesure où pareille distraction, prévue par le Nouveau code de procédure civile devant le juge judiciaire, n’a pas été prévue par la loi au niveau de la procédure administrative contentieuse, cette demande est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable pour les volets [GARE] et « zones mixtes » ;

déclare l’appel sans objet quant au volet [GARE] ;

le déclare non fondé quant au volet « zones mixtes » ;

confirme le jugement dont appel dans cette mesure ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante ;

rejette également la demande en distraction de l’avocat à la Cour de la partie étatique des dépens d’appel ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

11Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44798C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;44798c ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award