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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°44780C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 44780C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44780C du rôle Inscrit le 3 août 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par l’établissement de droit public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, Luxembourg, contre un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2020 (n° 40630 du rôle) ayant statué sur le recours de la société anonyme A, …, contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aména

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44780C du rôle Inscrit le 3 août 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par l’établissement de droit public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, Luxembourg, contre un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2020 (n° 40630 du rôle) ayant statué sur le recours de la société anonyme A, …, contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 44780C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 août 2020 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 209.469, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie PRUM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement de droit public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, créé en vertu de la loi du 2 avril 1998 portant modification des lois relatives à l’Institut Monétaire Luxembourgeois et au statut monétaire du Grand-Duché de Luxembourg et régulier par sa loi organique du 23 décembre 1998 relative au statut monétaire à la BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, établie et ayant son siège social à L-2983 Luxembourg, 2, Boulevard Royal, déclarant agir en tant que propriétaire d’une parcelle sise au numéro 1 du Boulevard Royal, inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg, section LF de la Ville Haute, sous le numéro 3/2609 ayant une contenance de 7 a, 79 ca, formant le coin entre le Boulevard Royal et la Côte d’Eich, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 25 mai 2020 (n° 40630 du rôle) à travers lequel le tribunal a déclaré recevable mais non fondé le recours de la société anonyme A, établie et ayant son siège social à L-…, dirigé contre la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption du projet d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) et de la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Josiane GLODEN, demeurant à Esch-sur-Alzette, immatriculée auprès le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 7 août 2020 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie en son Hôtel de Ville, 42, Place Guillaume II ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2020 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro 1B 186.371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le même 13 octobre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2020 par Maître Nathalie PRUM-CARRE au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 8 décembre 2020 par Maître Martial BARBIAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 10 décembre 2020 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Nathalie PRUM-CARRE, Martial BARBIAN, en remplacement de Maîtres Christian POINT, et Paul SCHINTGEN, en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 mars 2021.

Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après « le conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, désignée par « la loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et « (…) charge[a] le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».

Le 14 juin 2016, le collège des bourgmestre et des échevins de la Ville de Luxembourg, ci-après « le collège échevinal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 30, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, pour « (…) engager la procédure d’adoption des premiers plans d’aménagement particuliers « quartiers existants » de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique et de les soumettre à la procédure d’adoption en les déposant à l’inspection du public et en les transmettant pour avis à la cellule d’évaluation de la Commission d’aménagement instituée auprès du Ministère de l’Intérieur ainsi qu’au Ministère de l’environnement et à la Direction de la Santé (…) ».

Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général, ci-après « le PAG », et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ».

2 Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre des projets d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après « le PAP QE » et, d’autre part, adopta les parties graphiques et la partie écrite de ces derniers, « (…) sous [leur] forme revue et complétée (…) ».

Par décision du 5 octobre 2017, le ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du PAG, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du PAG.

Par décision séparée du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE et statuant sur les objections lui soumises. Cette décision du ministre est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j'ai l'honneur de vous informer que j'approuve la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des projets d'aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg.

Or, conformément à ma décision d'approbation du projet de la refonte du plan d'aménagement général de la Ville de Luxembourg de ce jour, modifiant les délimitations des plans d'aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents, je vous prie de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique des plans d'aménagement particulier « quartier existant » adaptées en conséquence.

De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l'encontre du vote des plans d'aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le Législateur n'a pas prévu la possibilité d'introduire une réclamation auprès du ministre de l'Intérieur contre le plan d'aménagement particulier « quartier existant » alors qu'il a uniquement prévu dans l'article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d'aménagement général devant le ministre de l'Intérieur.

Cette décision est basée sur l'article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 janvier 2018, la société anonyme A, ci-après « la société A », déclarant agir en sa qualité de propriétaire d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section LF de la Ville Haute sous le numéro 3/2609, ci-après « la parcelle 3/2609 » correspondant à l’immeuble sis 1, Boulevard Royal, fit introduire un recours tendant à l’annulation de (i) « la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant approbation du projet d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) ; » ainsi que de (ii) « la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 par laquelle celui-ci a approuvé le projet de PAP QE ».

Par jugement du 25 mai 2020 (n° 40630 du rôle), le tribunal déclara le recours recevable, pour au fond le déclarer non justifié, rejeta la demande en distraction des frais au profit du mandataire de la partie étatique et condamna la société A aux frais et dépens.

3Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 juillet 2020 (n° 44681C du rôle), la société A a fait entreprendre le jugement précité du 25 mai 2020 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir annuler les délibérations communales du 28 avril 2017 et la décision ministérielle du 5 octobre 2017 querellées.

Cet appel a été rayé par arrêt de la Cour du 20 octobre 2020.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 3 août 2020 (n° 44780C du rôle), l’établissement de droit public BANQUE CENTRALE DU LUXEMBOURG, déclarant être propriétaire de la parcelle 3/2609 depuis le 11 novembre 2019, a fait à son tour entreprendre le jugement précité du 25 mai 2020 dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir annuler les délibération communale et décision ministérielle entreprises respectivement des 28 avril 2017 et 5 octobre 2017, sinon à toutes fins utiles et pour autant que de besoin, l’appelante demande à la Cour de surseoir à statuer et de soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle par elle suggérée.

Tant la Ville de Luxembourg que la partie étatique se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la forme et quant au délai.

L’appel ayant été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

La partie appelante elle-même délimite son appel en ce sens que les parties I à III du jugement dont appel n’ont pas été entreprises. Il s’agit des questions de compétence du juge administratif, de loi applicable et de recevabilité du recours de première instance.

Préliminairement, l’appelante expose être devenue propriétaire depuis le 11 novembre 2019 de la parcelle sise au numéro 1 du Boulevard Royal, inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg, section LF de la Ville Haute, sous le numéro 3/2609 d’une contenance de 7 a, 79 ca.

Cette parcelle se trouve à l’angle du Boulevard Royal et de la Côte d’Eich et fait partie d’un pâté urbanisé confiné par le Boulevard Royal, la Côte d’Eich, la rue Willy Goergen et l’avenue Jean-Pierre Pescatore.

La prétention de l’appelante actuelle, formulée à la suite de celle de la société A, consiste essentiellement en ce que d’après les classements intervenus, pour sa parcelle uniquement côté Boulevard Royal, la hauteur de construction future est limitée à 17,50 m et inférieure à celle admise pour les immeubles 3 – 11, Boulevard Royal voisins, encore que l’ensemble du pâté d’immeubles côté Boulevard Royal fût classé en zone [MIX-c] à travers le PAG refondu. C’est le PAP QE critiqué qui a donné lieu à un classement de la parcelle de l’appelante en secteur [MIX-c•g], avec la conséquence notamment d’une hauteur limitée à 17,50 m, tandis que l’ensemble des autres immeubles longeant le Boulevard Royal et faisant partie du même pâté d’immeubles se trouve fixé par le PAP QE en secteur [MIX-c•j] pour lequel dès lors la hauteur admissible est de 28 m en application de l’article C.3.4 de la partie écrite du PAP QE.

4Au fond, l’appelante formule quatre moyens consécutifs pour sous-tendre le bien-fondé de son appel :

- A titre principal, elle invoque l’illégalité des PAP QE pour ne pas respecter la législation en matière d’aménagement communal et développement urbain (A) - En premier ordre de subsidiarité, elle estime que la législation en matière d’aménagement communal et développement urbain n’est pas conforme à la Constitution (B) - En deuxième ordre de subsidiarité, elle estime que le PAP QE entrepris n’est pas conforme au PAG (C) - En dernier ordre de subsidiarité, elle estime que le PAP QE ne répond pas à des considérations d’ordre urbanistique (D).

Dans la mesure où l’appelante admet que l’appel n’est pas dirigé contre les points I à III du jugement dont appel, son appel est partiel et ne vise que les parties IV et suivantes dudit jugement, ayant trait au fond proprement dit de l’affaire.

De manière générale et avant d’aborder les quatre moyens proprement dit, l’appelante estime que les premiers juges se sont adonnés à un contrôle limité de la légalité des décisions querellées.

Toujours à titre liminaire, la Cour entend prendre position d’abord par rapport aux observations générales de la partie appelante concernant la densité du contrôle opéré par le juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation et, plus particulièrement, concernant un recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire, les délibérations communales et décisions ministérielles prises dans le cadre de la refonte d’un PAG étant globalement considérées comme relevant d’un acte administratif à caractère réglementaire au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et ouvrant un recours en annulation afférent devant les juridictions de l’ordre administratif.

Après avoir retenu que l’existence des faits sur lesquels le juge était amené à se baser devait être matériellement établie à l’exclusion de tout doute, le tribunal énonce deux affirmations, l’une portant sur l’application du principe de proportionnalité, en apparence large, et l’autre, restreignant les cas d’annulation à la seule hypothèse d’une erreur d’appréciation jugée manifeste, lorsque plus particulièrement une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision. Ce faisant, en combinant les deux affirmations, le fait de ne retenir qu’une erreur d’appréciation manifeste sous le couvert d’un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris sa décision, le tribunal a, de la sorte, mis en avant une application fort restreinte du principe de proportionnalité.

La Cour a déjà eu l’occasion de se positionner par rapport aux attributions limitées du juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation, plus particulièrement dirigé contre un acte réglementaire.

Tout d’abord, la Cour a recentré le concept d’erreur manifeste d’appréciation, en ce que l’adjectif « manifeste » risque d’être trompeur et de mener vers un contrôle restreint incompatible avec les exigences d’un recours effectif.

5Depuis 2010, la Cour analyse la situation suivant le critère du dépassement de la marge d’appréciation par l’autorité de décision en appuyant sa démarche sur une application circonstanciée et équilibrée du principe de proportionnalité.

L’autre vecteur important du contrôle de la Cour est celui du caractère effectif du recours, garanti non seulement au niveau international, plus particulièrement par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après la « CEDH », et, lorsque le droit de l’Union Européenne est mis en œuvre, par l’article 47 de la Charte Européenne des droits fondamentaux, mais encore, depuis l’arrêt n° 146 de la Cour constitutionnelle du 28 mai 2019, en tant que principe à valeur constitutionnelle découlant directement du principe fondamental de l’Etat de droit.

En vue d’être conforme à la fois à l’article 13 de la CEDH et au principe constitutionnel du recours effectif dans le cadre d’un Etat de droit, le juge administratif de l’annulation ne peut pas limiter son contrôle en ne sanctionnant que des situations dites « manifestes », sinon de « flagrante disproportion », au risque d’aboutir à un recours ineffectif, mais il est appelé à opérer une mise en balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but.

Par ailleurs, le principe de proportionnalité doit être considéré, en toute matière, comme étant un principe essentiel en ce qu’il tend vers l’équilibre nécessaire entre les moyens à mettre en œuvre et le but à atteindre dans un contexte précis donné.

C’est sous cette multiple optique qu’il convient dès lors pour la Cour d’opérer le contrôle inhérent à un recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire respectueux du principe constitutionnel du recours effectif dans un Etat de droit.

A) Ordre principal : illégalité du PAP QE pour non-respect de la loi du 19 juillet 2004 A partir du cadre tracé par les articles 5, 25, alinéa 1er, et 29, paragraphe 1, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004, l’appelante estime que la loi donne une ligne de démarcation claire et précise entre le PAG et le PAP suivant laquelle il appartient au PAG de définir les zones auxquelles s’appliquent les prescriptions urbanistiques à arrêter par le PAP, en l’occurrence par le PAP QE.

Corrélativement le PAP QE ne pourrait pas créer de zone, ni de sous-zone. Aux yeux de l’appelante, c’est cependant ce qui se serait produit dans le cas d’espèce où le PAG fixe l’ensemble des parcelles sises 1 à 13, Boulevard Royal en zone [MIX-c], mais où, par la distinction par lui portée, le PAP QE créé une sous-zone dans le chef de sa parcelle en la plaçant en secteur [MIX-c•g] contrairement aux parcelles sises 3 à 13, Boulevard Royal, placées en secteur [MIX-c•j].

1. A titre principal : le renvoi à la « partie de zone » ne s’applique pas au PAP QE En ordre principal, l’appelante estime que le renvoi par l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004 à « la partie de zone » ne s’applique pas au PAP QE. Pour soutenir sa proposition, l’appelante formule trois séries d’arguments.

Premièrement, la systémique de l’article 25 serait telle que la « partie de zone » serait à mettre en concordance uniquement avec les PAP NQ y mentionnés et non pas avec les PAP QE.

6 En tant que deuxième argument, il y aurait lieu de se tourner vers la finalité du PAP QE qui serait destiné à fixer les prescriptions urbanistiques relatives à des terrains d’ores et déjà urbanisés, contrairement au PAP NQ. Ainsi, le PAP NQ pourrait prévoir des zonages différents pour des terrains non encore viabilisés, tandis que le PAP QE serait appelé à traiter de la même manière des terrains déjà viabilisés et occupés par les constructions revêtant les mêmes caractéristiques. Ainsi, dès que le PAP classerait un ensemble de terrains urbanisés dans une zone donnée, cet ensemble devrait nécessairement se voir appliquer les prescriptions urbanistiques.

En tant que troisième argument, tendant à justifier un régime différent entre le PAP NQ et le PAP QE, l’appelante indique que généralement le PAP NQ est initié par le propriétaire des terrains qui, dès lors, aurait une certaine influence sur l’orientation de ce PAP. Par contre, le PAP QE serait élaboré à la seule initiative de la commune et il n’existerait la moindre possibilité pour le propriétaire d’influencer son contenu. Dès lors, le propriétaire devrait y pouvoir se fier à ce que les prescriptions soient identiques pour un ensemble de terrains classés par le PAG dans une même zone.

L’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 dispose que : « le plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan d’aménagement général concernant une zone ou partie de zone ».

Il ressort de la systémique même de leur mise en place qu’à côté du PAG, contenant des dispositions plus générales, des PAP sont appelés à les préciser et compléter. Suivant le contenu de ces précisions, celles-ci s’imposent en définitive, notamment en mettant en place plusieurs secteurs, voire en ce qu’elles prévoient des mesures conservatrices ou de protection.

En ce que le paragraphe 2 de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 vise successivement le PAP NQ et le PAP QE, l’argumentaire, suivant lequel la « partie de zone » énoncée au paragraphe 1er ne viserait que le seul PAP NQ, est appelé à tomber à faux.

En application de l’article 9, paragraphe 2, de la loi du 19 juillet 2004, le PAG se limite à définir les différentes zones et il n’a pas pour objectif de délimiter des parties de zones. En vue cependant de pouvoir tenir compte des spécificités de différentes parties d’une zone, tant le PAP QE que le PAP NQ sont appelés, en tant qu’instruments d’exécution et de précision, de différencier, le cas échéant, à l’intérieur d’une même zone suivant les constellations spécifiques données.

Ceci est même a priori plus vrai pour le PAP QE que pour le PAP NQ, étant donné que pour les zones urbanisées, des prérequis se trouvent d’ores et déjà posés dont il incombe de tenir compte en vue d’une utilisation rationnelle du sol. Enfin, tant pour le PAG que pour le PAP QE, les propriétaires de terrains ont les mêmes possibilités « d’influencer » le contenu en ce que des objections peuvent être portées devant le conseil communal et qu’une procédure d’aplanissement des difficultés est spécifiquement prévue par la loi du 19 juillet 2004 au niveau communal.

Dès lors, le moyen laisse d’être justifié sous tous ses aspects.

72. A titre subsidiaire : le PAP QE ne peut prévoir des prescriptions urbanistiques s’appliquant à une « partie de zone » que si le PAG a préalablement défini cette « partie de zone » Ce ne serait qu’en admettant que le qualificatif « partie de zone » figurant à l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 s’applique également au PAP QE, ce que l’appelante n’admet pas, que la question se poserait dans quelle mesure celui-ci pourrait faire une différenciation de prescriptions urbanistiques pour la zone en question.

L’appelante essaie d’abord de cerner la notion de « partie de zone » en se référant au secteur protégé d’intérêt communal s’analysant en zone superposée et pouvant être qualifié de partie de zone. Cependant, d’après le propre constat de l’appelante, la situation de l’espèce serait telle que le PAG a classé l’ensemble des parcelles sises 1 à 13, Boulevard Royal, dans la même zone mixte sans faire d’autres distinctions à partir de là, l’appelante estime que pour que le PAP QE puisse préciser et exécuter une « partie de zone », encore aurait-il fallu que cette « partie de zone » eût été préalablement identifiée par le PAG, ce qui précisément ne serait pas le cas en l’espèce.

Dès lors, en opérant la distinction litigieuse, le PAP QE entrepris aurait violé le PAG et les délibération communale et décision ministérielle critiquées encourraient l’annulation par réformation du jugement dont appel.

Cet argumentaire présenté différemment implique cependant la même réponse que celui fourni à titre principal. A partir des dispositions de l’article 9 de la loi du 19 juillet 2004, il n’appartient au PAG que de définir les zones, tandis que la différenciation nécessaire en vue de remplir sa mission d’exécution et de précision au niveau du PAP implique la possibilité de différents secteurs, correspondant à des parties de zones compte tenu des données objectives demandant une utilisation rationnelle du sol différenciée.

En ce que le PAG n’est appelé à définir que les zones et que néanmoins une différenciation peut s’imposer à l’intérieur d’une même zone, des secteurs correspondant à des parties de zones sont nécessairement éligibles au niveau du PAP QE.

Le moyen laisse dès lors encore d’être fondé.

B) Premier ordre de subsidiarité : la loi du 19 juillet 2004 n’est pas conforme à la Constitution L’appelante estime que même à admettre que la loi du 19 juillet 2004 permette à un PAP de créer des sous-zones, ce que l’appelante n’admet précisément pas, force serait de constater que cette législation est contraire à la Constitution.

La démarche de l’appelante se situe à plusieurs niveaux.

A partir des textes nationaux et internationaux portant protection du droit de propriété, à savoir l’article 16 de la Constitution, et l’article 1er, paragraphe 1er, de la Convention de sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales ci-après la « CEDH », l’appelante estime que son droit de propriété aurait été indûment rétréci par le classement opéré au niveau du PAP QE dans le chef de sa parcelle.

8Tout d’abord, l’appelante réitère que, selon elle, l’article 16 ne garantit pas seulement l’hypothèse d’une expropriation proprement dite, mais également toute autre hypothèse où la restriction d’un droit de propriété serait à analyser comme étant équivalente à une expropriation.

Concrètement, l’appelante estime que son droit de propriété aurait été limité à travers la réglementation de son usage. Ainsi, non seulement, il y aurait eu impossibilité pour la partie appelante de reconstruire un immeuble d’une hauteur identique à celui existant, ce qui constituerait une atteinte flagrante à ses droits acquis, mais encore serait-elle déjà actuellement dans l’impossibilité de vendre librement des niveaux supérieurs de l’immeuble existant. Celui-ci serait soumis à un acte de base qui disposerait d’un cadastre vertical et si le propriétaire actuel entendait vendre les étages situés au-dessus du niveau de 17,50 m, il ne trouverait pas d’acquéreur, étant donné qu’aucun acteur ne prendrait le risque d’acheter des étages qui ne seraient pas conformes aux dispositions urbanistiques en vigueur.

Pour le surplus, l’appelante estime qu’une restriction du droit de propriété intervenue doit répondre à l’intérêt général et surtout être proportionnée. Tel ne serait nullement le cas en l’espèce.

A un autre niveau, l’appelante estime que dans la mesure où la différence de traitement résulte du PAP QE et non pas du PAG, sa situation aurait encore été aggravée par la loi du 19 juillet 2004 en ce qu’à partir de sa modification y apportée par la loi du 28 juillet 2011, reprise par la loi « Omnibus » du 3 mars 2017 applicable à partir du 1er avril 2017, pour le PAP, le maillon d’aplanissement des difficultés consistant dans la réclamation devant le ministre aurait disparu.

Ainsi, la réclamation devant le ministre aurait subsisté pour les PAG, mais ne serait plus prévue pour les PAP. Ici encore, il s’agirait d’une atteinte indue aux droits d’un propriétaire, non conforme à l’article 16 de la Constitution.

A travers le dispositif de sa requête d’appel, l’appelante suggère à la Cour de soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « Est-ce que les articles 25 à 30 de la loi modifiée du 19 janvier [il faut lire juillet] 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain sont-ils conformes à l’article 16 de la Constitution, en réservant lors de l’élaboration et l’adoption du plan d’aménagement particulier moins de garantie et moins de protection au propriétaire que lors de l’élaboration et de l’adoption du plan d’aménagement général, tout en confiant l’exécution de détail du plan d’aménagement général et la fixation des prescriptions urbanistiques au plan d’aménagement particulier ? ».

En conclusion, l’appelante conclut dans un premier ordre d’idées à l’annulation des délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées et, dans un deuxième ordre d’idées, à la soumission à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suggérée.

Il est patent que l’appelante entend pointer une différence de traitement indue et voir dégager une question de non-conformité des articles 25 à 30 de la loi du 19 juillet 2004 telle qu’issue seulement par modification au texte original dans la perspective suivant laquelle, du fait de l’omission du maillon de la réclamation devant le ministre, le législateur aurait opéré une diminution de protection des droits du propriétaire d’un bien immobilier, auquel a été ôté de la sorte une étape ci-avant possible d’aplanissement des difficultés sur réclamation, devant ledit ministre, dans le cadre de son appréciation tutélaire de la délibération communale d’adoption du plan en question.

9Il est un fait que depuis la modification de la loi du 19 juillet 2004 par celle du 28 juillet 2011, au niveau de l’aplanissement des difficultés, plus aucune réclamation n’est possible devant le ministre une fois que l’objection a été rejetée en tout ou en partie par le conseil communal lorsqu’il s’agit d’un PAP, contrairement à la situation valant pour le PAG où pareille réclamation reste toujours possible.

Force est dès lors de constater que pour les PAP, y compris les PAP QE et PAP NQ, les justiciables disposent d’un maillon en moins dans la chaîne d’aplanissement des difficultés que ceux se mouvant dans le cadre d’une procédure d’adoption et d’approbation d’un PAG.

La question à soumettre à la Cour constitutionnelle vise le seul article 16 de la Constitution suivant lequel nul ne peut être privé de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et suivant une juste indemnité. La Cour constitutionnelle, dans son arrêt n° 101 du registre du 4 octobre 2013, a été amenée à préciser que certes le terme expropriation pour cause d’utilité publique n’a pas à être lu de manière stricte comme ne visant que les seules procédures d’expropriation proprement dites, mais doit être lu de manière substantifique et vise également des situations en dehors de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique où, du fait d’un acte réglementaire ou d’une disposition individuelle, des attributs du droit de propriété sont touchés de manière telle que l’opération doit être entrevue dans ses effets comme étant équivalente à une expropriation.

Tel que les premiers juges l’ont souligné à bon escient, une juridiction n’est appelée à soumettre une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle en application de l’article 6, alinéa 1, de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant création de la Cour constitutionnelle, que si cette question n’est pas dénuée de fondement.

S’il est vrai que le titulaire d’un droit de propriété, dans le cadre d’une procédure d’adoption d’un PAP, perd depuis la loi du 28 juillet 2011 un maillon d’aplanissement des difficultés par rapport à la situation antérieure et également en comparaison de celle du propriétaire engagé dans une procédure d’adoption d’un PAG, il n’en reste pas moins que tout d’abord la procédure d’élaboration d’un PAP est en tant que telle neutre par rapport au droit de propriété des tenanciers des immeubles concernés, de sorte que ce n’est pas une modification au niveau de la procédure qui serait de nature à affecter comme tels les attributs des droits de propriété, ceux-ci étant tout au plus touchés par les règles de fond des PAP en question.

Par ailleurs, les juridictions de l’ordre administratif et en dernière instance la Cour, considèrent le mécanisme d’aplanissement des difficultés comme continuant au niveau contentieux et veille elle-même à assurer son plein fonctionnement chaque fois qu’une difficulté, qui aurait pu l’être, n’est pas suffisamment ni entièrement aplanie.

Il s’ensuit que la question préjudicielle est à écarter pour être dénuée de fondement au regard de l’article 16 de la Constitution.

Si la question préjudicielle proposée par l’appelante vise uniquement des aspects procéduraux présentés en différence de traitement au regard de la procédure d’aplanissement des difficultés, il convient, en vue d’être complet, de signaler que toutes les autres atteintes mises en avant par l’appelante dans son argumentaire se situent en dehors de la question posée en ce qu’il s’agit d’aspects de diminution des attributs du droit de propriété. Concrètement, l’appelante met en exergue qu’en cas de reconstruction de son immeuble seule une hauteur de 17,50 m serait admissible à l’avenir.

10Tout d’abord, il convient de signaler qu’en raison des droits acquis conférés à l’appelante en tant que successeuse de son auteure, la société A, jusqu’à nouvel ordre et en l’absence de démolition volontaire de l’immeuble celui-ci lui reste entièrement acquis dans sa configuration actuelle dans la mesure des parties dûment autorisées suivant les règlementations communales d’urbanisme respectivement applicables par le passé. De même, ce ne serait qu’en cas de démolition volontaire que la question soulevée par l’appelante se poserait effectivement, étant donné qu’il est constant en cause que sur objection si, la réglementation communale d’urbanisme a été précisée en ce sens qu’en cas de démolition involontaire de l’immeuble, pour une cause extérieure à la volonté du propriétaire, notamment par incendie, une reconstruction intégrale suivant l’état autorisé antérieur serait possible, abstraction faite des dispositions du PAG refondu prévoyant notamment une hauteur inférieure.

De tout cela il se dégage que l’atteinte mise en exergue par rapport aux attributs du droit de propriété ne saurait être raisonnablement analysée comme étant équivalente à une expropriation pour cause d’utilité publique, de sorte que le mécanisme protecteur de l’article 16 de la Constitution, tel qu’interprété par la Cour constitutionnelle, ne saurait, ici encore, être utilement mis en œuvre.

Dès lors, le moyen laisse d’être justifié sous tous ses aspects.

C) En deuxième ordre de subsidiarité : le PAP QE querellé n’est pas conforme au PAG L’appelante expose d’abord que ce second ordre de subsidiarité n’entre en ligne de compte que si l’on suppose que la législation en matière d’aménagement communal et développement urbain permet à un PAP de créer, comme en l’espèce, des sous-zones, et que cette législation soit conforme à la Constitution.

L’article pertinent de la partie écrite du PAG est l’article 4 définissant la zone mixte urbaine centrale, en abrégé [MIX-c].

L’appelante entend se concentrer sur l’alinéa 4 de l’article 4 en question. D’après elle, celui-ci n’admet des interdictions de construction et donc a fortiori des limitations constructibles que si celles-ci, par leur nature, leur importance, leur étendue, leur volume ou leur aspect seraient incompatibles avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité du quartier mixte en question, sinon pour lesquelles leur intégration dans l’îlot et dans la rue ne serait pas garantie.

A admettre qu’un PAP QE ait pu créer une sous-zone, encore aurait-il fallu que les conditions prévues par l’alinéa 4 de l’article 4 de la partie écrite du PAG soient remplies. Tel ne serait cependant pas le cas en l’espèce, aucun des critères y visés n’étant utilement rencontrés dans le cas de figure sous analyse. Dès lors, le PAP QE se trouverait en violation flagrante du PAG qu’il serait pourtant censé exécuter et devrait être annulé pour cette raison.

L’appelante déclare ne pas pouvoir partager l’analyse afférente des premiers juges suivant laquelle l’alinéa 4 de l’article 4 de la partie écrite du PAG imposerait une interdiction de réaliser certaines constructions ou des établissements à l’intérieur de la zone [MIX-c], en raison de leur incompatibilité avec les objectifs de ladite zone, tandis que le PAP ne ferait que fixer les règles urbanistiques de construction à l’intérieur desdites zones.

11En substance, l’appelante estime qu’un immeuble en zone [MIX-c] d’une hauteur supérieure à 17,50 m ne serait pas, par sa nature, son importance, son étendue, son volume ou son aspect incomptable avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité d’une zone mixte.

Le contraire serait vrai : seule une hauteur identique à la hauteur des immeubles adjacents serait de nature à assurer le raccordement harmonieux de toute construction nouvelle sur la parcelle querellée par rapport aux immeubles avoisinants.

L’appelante reproche dès lors aux premiers juges de ne pas avoir annulé les délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées.

Tant le moyen sous analyse proposé en deuxième ordre de subsidiarité que celui qui va suivre, proposé en dernier ordre de subsidiarité, visent un dépassement de la marge d’appréciation par successivement les autorités communale et étatique dans la manière de prévoir précisément deux secteurs différents à l’intérieur de la zone [MIX-c] s’étendant du numéro 11 du Boulevard Royal jusqu’au numéro 1, l’immeuble sous analyse, et continuant jusqu’au numéro 21 de la Côte d’Eich en ce que les deux derniers sites feraient partie du secteur [MIX-c•g] et les premiers cités du secteur [MIX-c•j] alors qu’une utilisation rationnelle du sol et une adaptation harmonieuse de l’immeuble sous analyse par rapport à ceux qui l’entourent ne justifieraient précisément pas cette différenciation telle qu’opérée actuellement.

En vue de pouvoir répondre adéquatement aux deux moyens, la Cour va reporter son analyse jusqu’après l’énoncé du moyen proposé en dernière subsidiarité sub D).

D) En dernier ordre de subsidiarité : Le PAP QE ne répond pas à des considérations d’ordre urbanistique.

Ce dernier ordre de subsidiarité ne s’envisage, suivant l’appelante, que si la législation du 19 juillet 2004 permet à un PAP de créer une sous-zone, qu’elle est conforme à la Constitution et que le PAP QE s’inscrit dans les prévisions du PAG pour la zone [MIX-c] concernée.

L’appelante part de ce qu’il aurait appartenu à l’autorité administrative de fournir de manière précise et circonstanciée les motifs à la base du changement de classement opéré et de justifier celui-ci dans l’optique de la réalisation des objectifs de la législation applicable, voire plus loin, de l’intérêt général.

Suivant l’appelante, le classement de son terrain en secteur [MIX-c•g] ne se justifierait pas dans l’optique de la réalisation des objectifs de la loi du 19 juillet 2004, ni en raison de l’intérêt général.

L’appelante indique que le bâtiment actuellement en place accuse une hauteur d’environ 33 mètres et se trouve raccordé aux immeubles avoisinants présentant la même hauteur. Une limitation future à 17,50 m créerait une différence de hauteur disgracieuse et incohérente. Par ailleurs, il n’existerait aucune considération urbanistique valable et objective pouvant justifier la limitation litigieuse de la hauteur à 17,50 m. Il s’agirait d’une erreur manifeste d’appréciation à sanctionner par l’annulation.

L’appelante déclare ne pas pouvoir partager l’appréciation des premiers juges suivant laquelle, en substance, la prescription critiquée serait justifiée par le fait que les immeubles adjacents de la Côte d’Eich sont situés en « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » », ce qui impliquerait une limitation de la hauteur et du gabarit actuels par le fait 12que l’immeuble litigieux constitue un immeuble de coin, de sorte que l’intention de la Ville d’assurer par la prescription litigieuse une transition entre la Côte d’Eich et le Boulevard Royal serait pleinement justifiée.

Tout d’abord, l’appelante estime que sa parcelle ne serait pas adjacente au « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit - C » ».

Par ailleurs, l’immeuble sis 21, Côte d’Eich ne serait pas accolé au premier immeuble se trouvant dans ledit secteur protégé qui serait l’immeuble 19, Côte d’Eich, mais séparé de celui-ci par un interstice dans le tissu urbain. Il n’existerait dès lors aucune considération urbanistique justifiant une réduction de la hauteur de l’immeuble litigieux telle qu’opérée.

En ce qui concerne sa position d’immeuble de coin, l’immeuble querellé accuserait d’ores et déjà une hauteur bien supérieure à celle dorénavant arrêtée à 17,50 m, sans que la hauteur actuelle, aux dires de l’appelante, n’accuse une situation urbanistique incohérente, ni ne dérange d’une quelconque manière le caractère harmonieux des constructions en place actuellement. Ici encore, ce serait le contrôle minimal opéré par le tribunal qui lui aurait permis de ne pas prononcer l’annulation qui pourtant serait requise.

Enfin, l’appelante estime qu’en posant la prescription de la hauteur litigieuse, la Ville ne se serait à aucun moment souciée d’un quelconque développement harmonieux de la zone [MIX-c] à l’endroit. Suivant la définition de la zone [MIX-c], celle-ci serait destinée à « renforcer la centralité (…) à caractère urbain ». La prescription querellée allant dans le sens inverse serait dès lors entachée d’une erreur d’appréciation manifeste devant entraîner l’annulation des délibération communale et décision ministérielle d’approbation querellées, par réformation du jugement dont appel.

L’immeuble litigieux situé 1, Boulevard Royal revêt pour le moins une double spécificité quant à sa situation objective au niveau du tissu communal concerné.

Tout d’abord, il s’agit d’un immeuble de coin à la jonction du Boulevard Royal et de la Côte d’Eich. Le propre d’un immeuble de coin consiste en ce qu’il est appelé à faire la jonction entre des rangées d’immeubles se situant précisément le long des deux voies publiques se rencontrant au coin donné.

Si les immeubles présents et, à plus forte raison pour un PAG refondu, ceux appelés à être érigés le long des deux artères routières sont appelés à revêtir le même gabarit, notamment en termes de hauteur, la problématique d’adaptation pour l’immeuble de coin est a priori minime.

Si toutefois le long des deux voies publiques concernées, des immeubles à gabarit objectivement différents se trouvent implantés ou destinés à l’être, la situation se complique. C’est précisément la situation de l’espèce. Celle-ci se caractérise d’une manière d’autant plus forte que l’immeuble de coin que constitue celui sous analyse est visible de loin en ce qu’il figure en quelque sorte en avant-poste dans une optique panoramique de vision de cette partie du Centre-Ville à partir des quartiers opposés du Kirchberg et des hauteurs du Weimershof.

Autrement dit, l’immeuble de coin sous analyse n’est pas seulement destiné à faire le raccord entre deux voies publiques foncièrement logées de manière différente, le Boulevard Royal et la Côte d’Eich, mais encore à concilier des données objectives préfigurées, a priori, incompatibles.

13 Il est contant en cause que les immeubles sis aux numéros 3 à 11 du Boulevard Royal sont des constructions de facture relativement récente arborant une hauteur approximative de 33 m, celle projetée pour l’avenir étant de 28 m.

Du côté de la Côte d’Eich, à partir de l’intersection avec la rue Willy Goergen, se dresse actuellement un ensemble de maisons de maître érigé au début du siècle dernier, appelé à être conservé et faisant partie du secteur protégé des ensembles sensibles [SPR-es], tout comme le pâté suivant se situant entre la rue Willy Goergen et la place du Théâtre, toujours le long de la Côte d’Eich.

Il est vrai que si ce secteur protégé inclut encore l’immeuble 19 de la Côte d’Eich, il n’en reste pas moins qu’entre l’immeuble litigieux et ce secteur protégé se dresse encore l’immeuble sis 21, Côte d’Eich. Il s’agit d’un immeuble résidentiel construit au début de la seconde moitié du 20ième siècle, par rapport auquel il existe un raccord spécifique le reliant à l’immeuble sous analyse faisant partie de celui-ci, tandis qu’entre le 19 et le 21, de la Côte d’Eich, se situe un interstice certain composé des deux reculs latéraux consistants observés par ces deux immeubles l’un par rapport à l’autre.

Il est patent qu’entre les immeubles du Boulevard Royal accusant une hauteur certaine, maintenue à 28 m pour ceux situés du numéro 3 au numéro 11 et le gabarit début du 20ième siècle des maisons de maître classées en [SPR-es] entre la rue Willy Goergen jusque et y compris le 19 Côte d’Eich, une adaptation harmonieuse était, et restera à être effectuée.

A cet escient, la situation actuelle, telle qu’elle s’est développée à travers les décennies, d’abord à travers la construction de l’immeuble 21, Côte d’Eich, plus tard les nouvelles constructions des immeubles 3 à 11, Boulevard Royal, puis, plus tard encore, l’immeuble litigieux, n’est pas entièrement satisfaisante d’un point de vue harmonieux et adaptatif.

Si l’immeuble sous analyse a le grand mérite de continuer suivant une architecture moderne, la hauteur des immeubles sis 3 à 11, Boulevard Royal, et de s’adapter correctement en terme de gabarit par rapport au côté impair du Boulevard Royal, il trouve encore son alter ego dans l’annexe au bâtiment central de la Banque Centrale, jointe à l’ancien siège de la BIL, 2, Boulevard Royal, rénové avec des éléments de verre comparable remplaçant la structure antérieure remontant aux années 1960. Or, les deux bâtiments du siège actuel de la Banque Centrale au numéro 2 Boulevard Royal et son annexe, se trouvent eux-ici classés en [SPR-es], de sorte à voir préfigurer en termes d’avenir une conservation certaine de leur gabarit.

Sous cet angle de vue, un maintien de la configuration en gabarit de l’immeuble de coin que constitue celui sous analyse en tant que répondant à l’immeuble annexe du siège de la Banque Centrale doit entrer en ligne de compte outre le côté adaptatif idéalement imposé en termes de gabarit par rapport aux immeubles 3 à 11, Boulevard Royal, notamment quant à leurs hauteurs respectives.

S’il est vrai que du côté Côte d’Eich une adaptation en gabarit surtout en hauteur a pu et dû être effectuée par rapport à l’autre [SPR-es] s’arrêtant avec l’immeuble 19, Côte d’Eich, la marge d’appréciation se rétrécit en ce qu’il vient d’être constaté qu’objectivement l’immeuble sous analyse devrait, également en termes d’avenir, du moins potentiellement, pouvoir accuser un gabarit semblable non seulement à ceux sis 3 à 11, Boulevard Royal, mais également à son correspondant, l’annexe au siège de la Banque Centrale, plus en aval de la Côté d’Eich.

14Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’un classement en secteur [MIX-c•g] a pu être envisagé pour l’immeuble 21, Côte d’Eich, essentiellement destiné à faire le raccord par rapport au [SPR-es] en amont de ladite Côte d’Eich en direction de la place du Théâtre commençant avec l’immeuble 19, Côte d’Eich, compte tenu de l’interstice dénoté, mais que cette même fonction ne peut pas être revêtue par l’immeuble sous analyse qui, pour le surplus, doit répondre à d’autres impératifs de gabarit et de hauteur afin de correspondre utilement aux immeubles implantés et à prévoir aux numéros 3 à 11, Boulevard Royal et à ceux à conserver au [SPR-es] correspondant essentiellement au bâtiment - annexe du 2, Boulevard Royal - , revêtant le rôle de correspondant de celui actuellement sous analyse.

Ces deux immeubles constituent en quelque sorte les avant-postes du Boulevard Royal au niveau de son entrée côté Côte d’Eich. Une certaine correspondance afférente est dès lors à inclure dans l’analyse de la délimitation harmonieuse, autant que faire se peut, à l’endroit.

Il résulte dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’au-delà de l’analyse des premiers juges, la configuration et les contraintes d’ores et déjà préfigurées en raison des classements des immeubles 3 à 11, Boulevard Royal et des exigences de conservation de l’annexe au siège de la Banque Centrale, classé en [SPR-es], tant que le classement de l’immeuble sous analyse en secteur [MIX-c•g] plutôt qu’en secteur [MIX-c•j] ne se justifie pas suffisamment.

A travers le classement de l’immeuble litigieux en secteur [MIX-c•g], le conseil communal et le ministre ont ainsi dépassé leur marge d’appréciation.

Dès lors, par réformation du jugement dont appel, les délibération communale d’adoption du PAP QE et décision ministérielle d’approbation afférentes encourent l’annulation.

En concordance avec les conclusions subsidiaires de la Ville, cette annulation est appelée à se limiter au seul classement de l’immeuble litigieux sis 1, Boulevard Royal, dans une optique « potius ut vaeiat quam ut pereat ».

La partie étatique demande à voir ordonner la distraction des frais et dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour concluant affirmant en avoir fait l’avance.

Dans la mesure où pareille distraction, prévue par le Nouveau code de procédure civile devant le juge judiciaire, n’a pas été prévue par la loi au niveau de la procédure administrative contentieuse, cette demande est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

écarte la question préjudicielle à soumettre à la Cour constitutionnelle ;

au fond, dit l’appel justifié ;

15réformant, annule la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption du PAP QE et la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 dans la seule mesure du classement de l’immeuble de l’appelante sis 1, Boulevard Royal en secteur [MIX-c•g] ;

déclare l’appel non fondé pour le surplus ;

renvoie l’affaire en prosécution de cause devant le conseil communal de la Ville de Luxembourg ;

rejette la demande en distraction de l’avocat à la Cour de la partie étatique concernant les dépens de l’instance d’appel ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose pour moitié à la Ville de Luxembourg et pour l’autre moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44780C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;44780c ?

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