GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44762C du rôle Inscrit le 31 juillet 2020
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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 8 juin 2020 (n° 40549 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 44762C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 31 juillet 2020 par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, déclarant agir en tant que propriétaire de parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EB de Dommeldange, sous les 329/2495, 492/2256, 492/2398, 536/2275 et 536/2525, de même que des parcelles portant les numéros 329/2494, 536/2526 et 536/2549 dont elle est propriétaire par indivis, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 8 juin 2020 (n° 40549 du rôle) à travers lequel le tribunal a déclaré recevable mais non fondé son recours en annulation de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant approbation du projet d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) et de la décision d’approbation afférente du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 tout en rejetant sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et la condamnant aux frais et dépens ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Christine KOVELTER, en remplacement de l’huissier de justice Frank SCHAAL, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculés auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 4 août 2020 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie en son Hôtel de Ville, 42, Place Guillaume II ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 186.371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
1 Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2020 par Maître Serge MARX au nom de l’appelante ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 9 décembre 2020 par Maître Christian POINT au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Serge MARX, Martial BARBIAN, en remplacement de Maître Christian POINT, et Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2021.
Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après le « conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et « (…) charge[a] le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».
Le 14 juin 2016, le collège des bourgmestre et des échevins de la Ville de Luxembourg, ci-après « le collège échevinal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 30, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, pour « (…) engager la procédure d’adoption des premiers plans d’aménagement particuliers « quartiers existants » de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique et de les soumettre à la procédure d’adoption en les déposant à l’inspection du public et en les transmettant pour avis à la cellule d’évaluation de la Commission d’aménagement instituée auprès du Ministère de l’Intérieur ainsi qu’au Ministère de l’environnement et à la Direction de la Santé (…) ».
Par courrier du 19 juillet 2016, la société anonyme …, ci-après « la société … », déclarant agir en sa qualité de propriétaire des parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EB de Dommeldange, sous les numéros 329/2495, 492/2256, 492/2398, 536/2275 et 536/2525, ci-après « les parcelles 329/2495, 492/2256, 492/2398, 536/2275 et 536/2525 », ainsi qu’en sa qualité de propriétaire indivis de chemins correspondant à des parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EB de Dommeldange, sous les numéros 329/2494, 536/2526, 536/2549 ci-après « les parcelles 329/2494, 536/2526 et 536/2549 », soumit au collège échevinal des objections à l’encontre du projet d’aménagement particulier quartier existant, ci-
après « le PAP QE ».
2 Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général, ci-après « le PAG », et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ».
Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre des PAP QE et, d’autre part, adopta les parties graphiques et la partie écrite de ces derniers, « (…) sous [leur] forme revue et complétée (…) ».
Par décision du 5 octobre 2017, le ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du projet d’aménagement général, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du PAG.
Par une seconde décision du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE, et statuant sur les objections lui soumises. Cette décision du ministre est libellée comme suit :
« (…) Par la présente, j'ai l'honneur de vous informer que j'approuve la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des projets d'aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg.
Or, conformément à ma décision d'approbation du projet de la refonte du plan d'aménagement général de la Ville de Luxembourg de ce jour, modifiant les délimitations des plans d'aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents, je vous prie de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique des plans d'aménagement particulier « quartier existant » adaptées en conséquence.
De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l'encontre du vote des plans d'aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le Législateur n'a pas prévu la possibilité d'introduire une réclamation auprès du ministre de l'Intérieur contre le plan d'aménagement particulier « quartier existant » alors qu'il a uniquement prévu dans l'article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d'aménagement général devant le ministre de l'Intérieur.
Cette décision est basée sur l'article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2018, la société … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de (i) « la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant approbation du projet d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) ; » ainsi que de (ii) « la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 par laquelle celui-ci a approuvé le projet de PAP QE ».
3Par jugement du 8 juin 2020 [n° 40549 du rôle], le tribunal déclara ce recours recevable mais non fondé et en débouta la demanderesse, rejeta sa demande en allocation d’une indemnité de procédure et la condamna aux frais et dépens.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 31 juillet 2020 [n° 44762C du rôle], la société … a fait entreprendre le jugement précité du 8 juin 2020 dont elle sollicite la réformation en vue de voir annuler la délibération communale du 28 avril 2017 et la décision ministérielle d’approbation du 5 octobre 2017 querellée, sinon à toutes fins utiles et pour autant que de besoin, voir surseoir à statuer et voir poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « Est-ce que les articles 25 à 30 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 [il y a lieu de lire juillet] concernant l’aménagement communal et le développement urbain sont-ils conformes à l’article 16 de la Constitution, en réservant lors de l’élaboration et l’adoption du plan d’aménagement particulier moins de garanties et moins de protection au propriétaire que lors de l’élaboration et de l’adoption du plan d’aménagement général, tout en confiant l’exécution du délai du plan d’aménagement général et la fixation des prescriptions urbanistiques au plan d’aménagement particulier ? ».
Tant la Ville de Luxembourg que la partie étatique se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la forme et quant au délai.
L’appel ayant été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Tout d’abord l’appelante signale que le présent appel a été introduit parallèlement à celui figurant sous le numéro 44682C du rôle et dirigé contre le jugement du tribunal du 8 juin 2020 (n° 40547 du rôle) ayant déclaré non fondé sur toute la ligne son recours contre le classement au niveau du PAG refondu de l’ensemble de ses terrains préqualifiés.
En termes d’historique, l’appelante fait valoir que son objection auprès du conseil communal aurait été partiellement accueillie seulement en ce que le conseil communal aurait déclaré certains points fondés et en aurait rejeté d’autres. Ainsi, le projet de PAG, tel qu’approuvé par la délibération communale du 28 avril 2017, aurait supprimé la zone [JAR] de même qu’il aurait supprimé la « zone protégée d’intérêt national réglementée ». Cependant, le classement de certaines parcelles en zone agricole et d’autres en zone [HAB-1], secteur [HAB-1•m] aurait été maintenu contrairement aux conclusions de l’appelante. C’est ce classement qui resterait la base de discussion actuellement dans la mesure où sa réclamation aurait été rejetée par le ministre et que son recours a été rejeté in globo par le tribunal.
L’appelante précise qu’au niveau du présent appel seuls ses terrains figurant sous les numéros cadastraux 536/2275 et 536/2525, de même que les parcelles portant les numéros cadastraux nos 329/2494, 536/2526 et 536/2549, correspondant aux chemins d’accès dont elle est propriétaire indivis, ont été visés par le PAP QE et y classés en secteur [HAB-1•m]. C’est ce classement, trop restrictif, à différents égards, que l’appelante critique actuellement également en instance d’appel où elle reprend pour l’essentiel son argumentaire déjà déployé en première instance devant le tribunal.
En premier lieu, l’appelante conclut à l’illégalité du PAP QE concernant ses terrains dans la mesure où le PAG qui lui sert de base encourrait l’annulation pour illégalité, telle qu’elle l’a sollicité à travers son appel parallèle inscrit sous le numéro 44682C du rôle. Dès lors, en cas d’annulation du PAG, le PAP QE tomberait, en quelque sorte par effet de domino, pour le moins pour ses terrains visés.
4 En second lieu, l’appelante estime que le PAP QE ne peut pas limiter les affectations admises par le PAG. Il serait constant que celui-ci a classé les terrains litigieux en secteur [HAB-1•m], tandis que ce serait l’article B.3.5.2 de la partie écrite du PAP QE qui retiendrait que les constructions principales peuvent être rénovées, transformées, agrandies et reconstruites sous condition que l’emprise totale et le volume hors sol existant de la construction principale ne soient pas dépassés de plus de 20 %. C’est cette limitation d’une augmentation cantonnée à 20 % qui fait difficulté en l’occurrence selon l’appelante. Si celle-ci admet qu’actuellement, dans la zone en question, toutes les constructions érigées s’analysent en maisons unifamiliales, il n’en resterait pas moins que d’après la définition du secteur [HAB-1•m], également des maisons plurifamiliales seraient admissibles. Or, la limitation de l’augmentation d’emprise totale et de volume hors sol pour la construction principale à 20 % rendraient illusoire la mise en place de maisons plurifamiliales, alors que pourtant il serait un secret de polichinelle que pareilles maisons seraient hautement nécessitées au Luxembourg compte tenu de la pénurie afférente perdurant.
L’appelante rappelle que le PAP QE n’est qu’un instrument d’exécution et qu’il ne lui appartiendrait pas de la sorte de limiter indûment les dispositions et la potentialité pourtant prévues par le PAG. Dès lors, le PAP QE serait à annuler en conséquence.
En troisième lieu, l’appelante estime que le PAP QE ne saurait créer de zone sans empiéter sur les compétences afférentes du PAG. Or, en l’occurrence, concernant la zone de base [HAB-1] ce serait le PAP QE critiqué qui créerait des secteurs [HAB-1•a] [HAB-1•b], [HAB-1•c], [HAB-1•k], [HAB-1•k+] et [HAB-1•m].
L’appelante renvoie à l’article 2 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) », suivant lequel la partie graphique du PAG visualise l’utilisation du sol de l’ensemble du territoire communal dont elle arrête les diverses zones. Il serait constant en cause que la partie graphique du PAG classe l’ensemble du site dans la même zone de base [HAB-1] sans faire d’autres distinctions. Dès lors, si en l’occurrence le PAG définissait une zone homogène, il n’appartiendrait pas au PAP QE d’y apporter des différenciations non prévues au PAG. Il y partant lieu tout au plus de préciser et d’exécuter les dispositions du PAG pour la zone considérée et ce de manière identique et homogène. Ainsi le PAP QE n’aurait pas pu, sans violer la loi, créer à l’intérieur de la zone globale [HAB-1], des zones différentes en traitant de manière différenciée des parcelles pourtant visées de la même façon par le PAG, toutes classées en zone [HAB-1]. Le PAP QE encourrait dès lors encore l’annulation sous cet aspect.
Suivant l’appelante, tant le conseil communal que le ministre et par la suite le tribunal auraient versé dans l’erreur, celle-ci devant être considérée comme erreur de fait, comme erreur de droit et comme erreur manifeste d’appréciation.
Si en première instance, la Ville de Luxembourg avait essayé de justifier le classement en secteur [HAB-1•m] en ce que tous les terrains visés auraient en commun de n’avoir pas un accès à la voie publique et dès lors de ne pas correspondre à la définition de terrain à bâtir prévue aux articles 19 et 21 du règlement sur les bâtisses de la Ville, ci-après « le Rb », l’appelante déclare ne pas pouvoir partager ce point de vue. Il serait erroné à plus d’un endroit. Tout d’abord, il n’appartiendrait pas au Rb de diriger le contenu du PAG, norme supérieure à lui. Il en serait le même pour le contenu d’un PAP. D’autre part, en fait, il n’y aurait pas absence d’accès à la voie publique. Ainsi, les immeubles portant les numéros pairs 8 à 16 seraient enregistrés par la Ville elle-même sous l’adresse « rue des Anémones ». Tel serait notamment le cas pour la parcelle 5numéro 536/2275 pourvu de l’adresse 12, rue des Anémones. Le panneau indicateur de la rue serait éloquent à ce sujet, de sorte que les parcelles de la partie appelante comme les autres parcelles avoisinantes concernées seraient éminemment reliées à la voie publique à travers la rue des Anémones, voie équipée des infrastructures publiques nécessaires à voir considérer les terrains comme terrains à bâtir.
S’agissant d’une voie publique existante, le classement en secteur [HAB-1•m] ne serait point justifié. Si ce classement devait être maintenu, la limitation à 20 % y prévue serait en toute occurrence inadéquate et entraînerait l’annulation de celui-ci.
En dernier lieu, l’appelante conclut à l’inconstitutionnalité des articles 25 à 30 de la loi du 19 juillet 2004 telle que modifiée par la loi « Omnibus » du 3 mars 2017 en ce que, suite à la soi-disant simplification introduite par celle-ci pour les PAP, tous azimuts, contrairement à la situation préexistante et contrairement à ce qui vaut actuellement encore pour les PAG, le deuxième maillon d’aplanissement des difficultés devant le ministre ferait défaut. En effet, aucune réclamation ne saurait être valablement introduite en vertu de la modification apportée par la loi Omnibus, entrée en vigueur le 1er avril 2017, ce qui expliquerait que sa propre réclamation aurait été déclarée irrecevable. Eu égard au contenu d’un PAP QE, impactant directement et lourdement un propriétaire d’immeuble, au-delà du classement au PAG, cette différence de traitement pèserait négativement sur les attributs du droit de propriété et ferait en sorte que lesdits articles 25 à 30 seraient contraires à l’article 16 de la Constitution protégeant ce droit fondamental. En conséquence, l’appelante conclut à voir soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle ci-avant énoncée.
Les parties publiques sollicitent la confirmation du jugement dont appel essentiellement sur base des motifs y contenus.
La Ville de Luxembourg, dans le cadre de sa duplique, fait état d’une autorisation de bâtir n° 2020-1806 délivrée par le bourgmestre en date du 30 octobre 2020 en faveur de l’immeuble situé 12, rue des Anémones et inscrit sous le numéro cadastral 536/2275 de manière à y autoriser la construction d’un immeuble résidentiel démontrant que pareille construction est parfaitement possible en secteur [HAB-1•m].
En termes de plaidoiries, le mandataire de l’appelante a concédé à l’audience que le flux d’informations entre sa mandante et lui-même n’avait pas idéalement fonctionné, mais que l’immeuble autorisé montrait cependant que toute la potentialité du site n’avait pas pu être utilement rencontrée.
Dans la mesure où par arrêt de ce jour dans l’affaire parallèle inscrite sous le numéro 44682C du rôle, la Cour a été amenée à déclarer non fondé l’appel de l’appelante concernant le classement de ses terrains au niveau du PAG, aucun effet domino ne pouvant avoir lieu de manière à faire tomber en conséquence le classement opéré en secteur [HAB-1•m] au niveau du PAP QE actuellement querellé.
En second lieu, concernant la limitation indue mise en avant en second lieu par l’appelante compte tenu de ce qu’uniquement 20 % du volume hors sol existant dans la construction principale pouvait être adjoint notamment en cas de reconstruction, ce qui rendrait impossible la mise en place d’un bâtiment plurifamilial au lieu de la maison unifamiliale existante, il y a lieu de constater que l’autorisation de construire délivrée le 30 octobre 2020 pour la parcelle numéro 536/2275, telle que ci-avant décrite, montre que le contraire est vrai.
6 Le classement en secteur [HAB-1•m] permet effectivement la mise en place de structures plurifamiliales en lieu et place d’une maison unifamiliale existante, étant entendu que son remplacement s’opère toutes proportions gardées. Toutefois, l’impossibilité d’implantation d’immeubles plurifamiliaux, mise en exergue à travers ce deuxième moyen ne se trouve point vérifiée, de sorte qu’à la base le moyen est à rejeter.
La Cour voudrait préciser, en abordant le troisième moyen soulevé, que le classement en secteur [HAB-1•m] des deux terrains litigieux portant les numéros cadastraux 536/2275 et 536/2525 se trouve précisément justifié en raison du fait que ces terrains ne sont pas directement reliés à la voie publique, mais se trouvent être adjacents à un chemin privé pour le surplus en indivision dont l’appelante est propriétaire indivisaire.
Il est patent que si une disposition tel l’article B.3.5.2 de la partie écrite du PAP QE n’avait pas été instituée et si dès lors seuls des terrains valablement liés directement à la voie publique pouvaient se trouver constructibles, pareille situation aurait connu comme conséquence directe que les deux parcelles litigieuses de l’appelante n’auraient pas pu être valablement classées en zone constructible. A partir de ce constat basique, le moyen tendant à voir dire que le PAP QE empièterait sur les plates-bandes du PAG en prévoyant des sous-catégories est à rejeter de plano en ce qui concerne le secteur [HAB-1•m] pertinent en l’occurrence.
Enfin, l’appelante reprend son moyen tendant à voir soumettre à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle par elle suggérée.
Il est un fait que depuis la modification de la loi du 19 juillet 2004 par celle du 28 juillet 2011, au niveau de l’aplanissement des difficultés, plus aucune réclamation n’est possible devant le ministre une fois que l’objection a été rejetée en tout ou en partie par le conseil communal lorsqu’il s’agit d’un PAP, contrairement à la situation valant pour le PAG où pareille réclamation reste toujours possible.
Force est dès lors de constater que pour les PAP, y compris les PAP QE et PAP NQ, les justiciables disposent d’un maillon en moins dans la chaîne d’aplanissement des difficultés que ceux se mouvant dans le cadre d’une procédure d’adoption et d’approbation d’un PAG.
La question à soumettre à la Cour constitutionnelle vise le seul article 16 de la Constitution suivant lequel nul ne peut être privé de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et suivant une juste indemnité. La Cour constitutionnelle, dans son arrêt n° 101 du registre du 4 octobre 2013, a été amenée à préciser que certes le terme expropriation pour cause d’utilité publique n’a pas à être lu de manière stricte comme ne visant que les seules procédures d’expropriation proprement dites, mais doit être lu de manière substantifique et vise également des situations en dehors de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique où, du fait d’un acte réglementaire ou d’une disposition individuelle, des attributs du droit de propriété sont touchés de manière telle que l’opération doit être entrevue dans ses effets comme étant équivalente à une expropriation.
Tel que les premiers juges l’ont souligné à bon escient, une juridiction n’est appelée à soumettre une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle en application de l’article 6, alinéa 1, de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant création de la Cour constitutionnelle, que si cette question n’est pas dénuée de fondement.
7S’il est vrai que le titulaire d’un droit de propriété, dans le cadre d’une procédure d’adoption d’un PAP, perd depuis la loi du 28 juillet 2011, un maillon d’aplanissement des difficultés par rapport à la situation antérieure et également en comparaison de celle du propriétaire engagé dans une procédure d’adoption d’un PAG, il n’en reste pas moins que tout d’abord la procédure d’élaboration d’un PAP est en tant que telle neutre par rapport au droit de propriété des tenanciers des immeubles concernés, de sorte que ce n’est pas une modification au niveau de la procédure qui serait de nature à affecter comme tels les attributs des droits de propriété, ceux-ci étant tout au plus touchés par les règles de fond des PAP en question.
Par ailleurs, les juridictions de l’ordre administratif et en dernière instance la Cour, considèrent le mécanisme d’aplanissement des difficultés comme continuant au niveau contentieux et veille elle-même à assurer son plein fonctionnement chaque fois qu’une difficulté, qui aurait pu l’être, n’est pas suffisamment ni entièrement aplanie.
Il s’ensuit que la question préjudicielle est à écarter pour être dénuée de fondement au regard de l’article 16 de la Constitution.
Il suit de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel n’est fondé sous aucun de ses moyens, de sorte qu’il y a lieu de le rejeter dans son intégralité et de confirmer le jugement dont appel.
La partie étatique demande à voir ordonner la distraction des frais et dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour concluant affirmant en avoir fait l’avance.
Dans la mesure où pareille distraction, prévue par le Nouveau code de procédure civile devant le juge judiciaire, n’a pas été prévue par la loi au niveau de la procédure administrative contentieuse, cette demande est à rejeter.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel recevable ;
au fond, le dit non justifié ;
partant en déboute l’appelante ;
confirme le jugement dont appel ;
rejette la demande étatique en distraction des dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour constitué pour l’Etat ;
condamne la partie appelante aux dépens de l’instance d’appel.
8Ainsi délibéré et jugé par :
Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….
s.… s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 9