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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°44749C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 44749C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44749C du rôle Inscrit le 29 juillet 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2020 (n° 40556 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel inscrite

sous le numéro 44749C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 ...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44749C du rôle Inscrit le 29 juillet 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 25 mai 2020 (n° 40556 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 44749C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2020 par Maître Serge MARX, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, déclarant agir en sa qualité de propriétaire de trois parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section ED de Neudorf, sous les numéros cadastraux 336/3947, 349/920 et 349/921, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 25 mai 2020 (n° 40556 du rôle) ayant déclaré recevable mais non fondé son recours en annulation de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption du projet d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) et de la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 en portant approbation afférente, tout en rejetant leur demande en allocation d’une indemnité de procédure et en la condamnant aux frais et dépens ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculés auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 31 juillet 2020 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie en son Hôtel de Ville, 42, Place Guillaume II ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2020 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 186.371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2020 par Maître Serge MARX au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 4 décembre 2020 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 11 décembre 2020 par Maître Christian POINT au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Serge MARX, Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Christian POINT, et Rachel JAZBINSEK en remplacement de Maître Albert RODESCH, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 février 2021.

Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après « le conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et « (…) charge[a] le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».

Le 14 juin 2016, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, ci-après « le collège échevinal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 30, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, pour « (…) engager la procédure d’adoption des premiers plans d’aménagement particuliers « quartiers existants » de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique et de les soumettre à la procédure d’adoption en les déposant à l’inspection du public et en les transmettant pour avis à la cellule d’évaluation de la Commission d’aménagement instituée auprès du Ministère de l’Intérieur ainsi qu’au Ministère de l’environnement et à la Direction de la Santé (…) ».

Par courrier du 19 juillet 2016, la société anonyme …, ci-après « la société … », déclarant agir en sa qualité de propriétaire de trois parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section ED de Neudorf, sous les numéros 336/3947, 349/920 et 349/921, ci-après : « les parcelles 336/3947, 349/920 et 349/921 », soumit au collège échevinal des objections à l’encontre du projet d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après « le PAP QE ».

2Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général, ci-après « le PAG » et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ».

Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre des PAP QE et, d’autre part, adopta les parties graphiques et la partie écrite de ces derniers, « (…) sous [leur] forme revue et complétée (…) ».

Par décision du 5 octobre 2017, le ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du PAG, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du PAG.

Par décision séparée du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE et statua sur les objections lui soumises. Cette décision du ministre est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j'ai l'honneur de vous informer que j'approuve la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des projets d'aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg.

Or, conformément à ma décision d'approbation du projet de la refonte du plan d'aménagement général de la Ville de Luxembourg de ce jour, modifiant les délimitations des plans d'aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents, je vous prie de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique des plans d'aménagement particulier « quartier existant » adaptées en conséquence.

De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l'encontre du vote des plans d'aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le Législateur n'a pas prévu la possibilité d'introduire une réclamation auprès du ministre de l'Intérieur contre le plan d'aménagement particulier « quartier existant » alors qu'il a uniquement prévu dans l'article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d'aménagement général devant le ministre de l'Intérieur.

Cette décision est basée sur l'article 30 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2018, la société … fit introduire un recours tendant à l’annulation de (i) « La délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant approbation du projet d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) ; » ainsi que de (ii) « la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 par laquelle celui-ci a approuvé le projet de PAP QE ».

Par jugement du 25 mai 2020 (n° 40556 du rôle), le tribunal déclara ce recours recevable mais non fondé, en débouta la partie demanderesse, rejeta la demande en allocation d’une indemnité de procédure de celle-ci et la condamna aux frais et dépens.

3Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 29 juillet 2020 (n° 44749C du rôle), la société … a fait entreprendre le jugement précité du 25 mai 2020 (n° 40556 du rôle), dont elle sollicite la réformation dans le sens de voir annuler la délibération communale du 28 avril 2017 et la décision ministérielle d’approbation afférente du 5 octobre 2017 querellées et de voir, pour autant que de besoin, et le cas échéant, procéder à une visite des lieux du site composé par les parcelles litigieuses sises à Neudorf.

Tant la Ville de Luxembourg que la partie étatique se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la forme et quant au délai.

L’appel ayant été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

D’emblée, il convient de préciser que les trois parcelles litigieuses portant les numéros cadastraux respectifs 336/3947 d’une contenance de 3 ha, 67 a, 50 ca, 349/920 d’une contenance de 25 a, 80 ca et 349/921 d’une contenance de 25 a, 95 ca forment une aire d’un seul tenant d’une contenance totale de 4 ha, 19 a, 20 ca.

En termes d’historique, l’appelante insiste pour dire que ces terrains auraient figuré sous le plan JOLY en tant qu’ensemble à restructurer. Classiquement pareil ensemble serait clairement destiné à un développement urbain. D’ailleurs, deux projets et plusieurs études portant sur la création d’un quartier d’habitation auraient été présentés aux autorités de la Ville, lesquelles, du moins en apparence, auraient eu l’air de les accueillir de manière favorable. L’appelante parle de ce que sa confiance aurait été ébranlée à la lecture du projet de refonte du PAG mis sur orbite en 2016 au niveau duquel une grande partie de son terrain se trouve classée en zone [REC] recouverte à l’époque des zones superposées « biotopes protégés » et « servitude urbanisation – biotope – B11 – complexe de biotopes ». Suite à son objection, un léger changement aurait été effectué par les autorités communales dans le sens de remplacer les zones superposées « biotopes protégés » et « servitude urbanisation – biotope B11 – complexe de biotopes » essentiellement par des zones superposées « servitude urbanisation – éléments naturels ». Les autres classements en zone [REC], zone [JAR] et zone [FOR] auraient été maintenus. Au niveau de la réclamation auprès du ministre de l’Intérieur rien n’aurait changé, celle-ci ayant été rejetée.

Suite au jugement dont appel ayant rejeté son recours, l’appelante n’insiste plus sur le classement d’une languette de terrains du côté de la rue de Neudorf en zone [JAR], de sorte qu’effectivement les trois classements en zone [REC], zone [FOR] et zone superposée « servitude urbanisation – éléments naturels » restent seuls contestés.

De manière générale, l’appelante conteste l’intensité du contrôle effectué par les premiers juges dans le cadre du recours en annulation soumis et reproche à leur égard le caractère limité du contrôle de la légalité par eux opéré par rapport aux délibération communale et décision ministérielle critiquées en considérant que seule une erreur manifeste d’appréciation serait de nature à emporter la sanction de l’acte administratif déféré. L’appelante estime toutefois qu’en application des exigences d’un recours effectif telles que se dégageant notamment de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après la « CEDH », le juge administratif ne saurait se limiter à ne sanctionner que les situations dites « manifestes » mais devrait opérer une mise en balance et vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but.

Les parties publiques demandent la confirmation pure et simple du jugement dont appel plus particulièrement sur ce volet.

4 Liminairement, la Cour entend prendre position par rapport aux observations générales de la partie appelante concernant la densité du contrôle opéré par le juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation et, plus particulièrement, concernant un recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire, les délibération communale et décision ministérielle prises dans le cadre de la refonte d’un PAG étant globalement considérées comme relevant d’un acte administratif à caractère réglementaire au sens de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et ouvrant un recours en annulation afférent devant les juridictions de l’ordre administratif.

Après avoir retenu que l’existence des faits sur lesquels le juge était amené à se baser devait être matériellement établie à l’exclusion de tout doute, le tribunal énonce deux affirmations, l’une portant sur l’application du principe de proportionnalité, en apparence large, et l’autre, restreignant les cas d’annulation à la seule hypothèse d’une erreur d’appréciation jugée manifeste, lorsque plus particulièrement une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision. Ce faisant, en combinant les deux affirmations, le fait de ne retenir qu’une erreur d’appréciation manifeste sous le couvert d’un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris sa décision, le tribunal a, de la sorte, mis en avant une application fort restreinte du principe de proportionnalité.

La Cour a déjà eu l’occasion de se positionner par rapport aux attributions limitées du juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation, plus particulièrement dirigé contre un acte réglementaire.

Tout d’abord, la Cour a recentré le concept d’erreur manifeste d’appréciation, en ce que l’adjectif « manifeste » risque d’être trompeur et de mener vers un contrôle restreint incompatible avec les exigences d’un recours effectif.

Depuis 2010, la Cour analyse la situation suivant le critère du dépassement de la marge d’appréciation par l’autorité de décision en appuyant sa démarche sur une application circonstanciée et équilibrée du principe de proportionnalité.

L’autre vecteur important du contrôle de la Cour est celui du caractère effectif du recours, garanti non seulement au niveau international, plus particulièrement par l’article 13 de la CEDH, et, lorsque le droit de l’Union européenne est mis en œuvre, par l’article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux, ci-après « la Charte », mais encore, depuis l’arrêt n° 146 de la Cour constitutionnelle du 28 mai 2019, en tant que principe à valeur constitutionnelle découlant directement du principe fondamental de l’Etat de droit.

En vue d’être conforme à la fois à l’article 13 de la CEDH et au principe constitutionnel du recours effectif dans le cadre d’un Etat de droit, le juge administratif de l’annulation ne peut pas limiter son contrôle en ne sanctionnant que des situations dites « manifestes », sinon de « flagrante disproportion », au risque d’aboutir à un recours ineffectif, mais il est appelé à opérer une mise en balance valable et équilibrée des éléments en cause et à vérifier plus particulièrement si l’acte posé est proportionné à son but.

5Par ailleurs, le principe de proportionnalité doit être considéré, en toute matière, comme étant un principe essentiel en ce qu’il tend vers l’équilibre nécessaire entre les moyens à mettre en œuvre et le but à atteindre dans un contexte précis donné. Par son premier arrêt en formation plénière, la Cour constitutionnelle a décidé le 22 janvier 2021 (n° 00152 du registre) que le principe de proportionnalité était à regarder également comme principe à essence constitutionnelle.

C’est sous cette multiple optique qu’il convient dès lors pour la Cour d’opérer le contrôle inhérent à un recours en annulation dirigé contre un acte réglementaire respectueux du principe constitutionnel du recours effectif dans un Etat de droit.

Quant au classement en zone [REC], l’appelante estime que la démarche communale entérinée par le ministre serait simplement illégale en ce que la zone [REC] serait ici détournée de sa finalité pour frapper ses propres parcelles d’une véritable servitude non aedificandi. D’emblée l’appelante est d’avis que des considérations urbanistiques et d’intérêt général exigent que ces parcelles actuellement classées en zone [REC] soient affectées à l’habitation. Elle est d’avis aussi qu’une affectation à l’habitation de ses parcelles ne serait en rien contredite par des aspects environnementaux.

Parallèlement à l’adoption du PAG, le conseil communal a également procédé à l’adoption de la partie écrite du PAP QE, ainsi que des multiples parties graphiques afférentes dont celle des PAP QE des zones de sports et de loisirs – [REC] correspondant au sous-titre K. de la partie écrite du PAP QE.

Après avoir relaté que son objection contre ce PAP QE avait été rejetée par le conseil communal et que le ministre avait approuvé la délibération d’adoption du PAP QE du 28 avril 2017, de même que le tribunal, à travers son jugement dont appel, avait rejeté son recours afférent, l’appelante reprend pour l’essentiel ses moyens déjà développés en première instance.

A titre principal, l’appelante développe que le PAP QE serait à déclarer nul dans la mesure où il a été pris sur base d’un PAG illégal. L’appelante met en exergue son appel (n° 44683C du rôle) dirigé contre le jugement du tribunal du 25 mai 2020 (n° 40555 du rôle) ayant déclaré non fondé son recours dirigé contre le PAG en relation avec les mêmes parcelles que celles actuellement querellées. Si cet appel devait entraîner l’annulation du PAG, par effet domino, la Cour devrait être amenée à déclarer également illégal le PAP QE en ce qu’il n’en serait qu’un document d’exécution.

En premier ordre de subsidiarité, l’appelante fait valoir que ses parcelles litigieuses n’auraient pas pu faire l’objet d’un PAP QE. L’appelante insiste pour dire qu’elle ne saurait en aucune manière accepter le raisonnement afférent des premiers juges et qu’à son avis le PAP QE serait illégal en ce qu’il s’appliquerait à sesdites parcelles. Suivant l’appelante, l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 permettrait certes que des PAP nouveau quartier, ci-après « PAP NQ », viennent superposer des zones non urbanisées, tandis que cependant un PAP QE ne pourrait couvrir que des terrains ou ensembles de terrains constituant une zone urbanisée. Si la délimitation du concept « zone urbanisée » avait changé à travers le libellé de la loi dite « Omnibus » du 3 mars 2017. C’est à travers cette nouvelle loi que les communes se seraient vu attribuer une certaine flexibilité en la matière.

6En ce que d’après l’article 29 de la loi du 19 juillet 2004 le PAP QE sert à garantir l’intégration des constructions et aménagements dans les zones urbanisées et que par zone urbanisée on entendrait des terrains dont au moins la moitié est construite et qui sont entièrement viabilisés en application de l’article 25, alinéa 3, de la même loi, avant sa modification par la loi Omnibus précitée, il devrait être clair que les parcelles litigieuses qui ne sont ni construites ni viabilisées n’auraient pas pu être couvertes par un PAP QE. Le classement afférent devrait dès lors être annulé. Tout au plus, les parties des parcelles destinées à être urbanisées auraient dû, en bonne logique, être soumises à un PAP NQ.

En deuxième ordre de subsidiarité, l’appelante, pour le cas où un PAP QE devrait être néanmoins applicable, réitère son argumentaire suivant lequel les limitations constructives y prévues seraient illégales. En l’occurrence, le PAP QE sous le titre K. limiterait les constructions à 10 % de la superficie de la parcelle ou partie de parcelle classée en zone [REC] en application de l’article K.2.1.2. L’article K.2.1.3 du même PAP QE limiterait le volume des bâtiments à 1,2 m3 par m2 de la surface de la parcelle ou de la partie de la parcelle classée en zone [REC]. Plus loin, l’article K.2.1.5 du même PAP QE limiterait la hauteur des constructions à 16 mètres à partir du terrain existant. Ces limitations constructives, non autrement justifiées par les considérations d’ordre urbanistique, entraîneraient un gaspillage inutile et inadmissible de surfaces destinées à être urbanisées. Ces limitations ne correspondraient point au précepte d’un urbanisme moderne et rendraient par ailleurs impossible en pratique la construction d’hôtels, pourtant expressément admis par le PAP en cette zone. Etant illégales, ces limitations seraient à annuler en conséquence.

En suivant les limitations prévues, un hôtel à envisager sur les lieux devrait être ramené à une taille tellement réduite que sa mise en place deviendrait inintéressante, car économiquement peu viable. Un hôtel à ériger en milieu urbain dans un contexte international, tel le Kirchberg proche, ne serait économiquement viable que s’il disposait au moins de 120 chambres. Pareil projet ne serait pas réalisable en application des dispositions du PAP QE. En conséquence, les prescriptions urbanistiques combinées découlant à la fois du PAP QE et de la zone [REC] seraient donc de nature à rendre de facto inconstructibles les parcelles querellées de l’appelante, contrairement à la vocation mise en exergue à travers le classement opéré par le plan JOLY en ensemble à restructurer destiné à une « rénovation urbaine » sous les aspects précités.

L’appelante critique plus précisément le jugement dont appel en ce que les premiers juges auraient réduit son argumentaire à une confusion entre intérêt économique et intérêt général. Aux yeux de l’appelante, une mise en place de prescriptions urbanistiques tellement déconnectées de la réalité économique serait nécessairement contraire à l’intérêt général. L’appelante souligne encore que l’affectation d’un hôtel sur les parcelles litigieuses correspondrait à une pure invention dénuée de tout fondement et n’ayant jamais été examinée dans le cadre de l’étude préparatoire. A supposer toutefois qu’une telle affectation puisse être utilement vérifiée pour les parcelles concernées, aucun projet hôtelier ne pourrait voir sa réalisation concrète vérifiée dans la situation du PAP QE donnée et l’intérêt général s’en trouverait encore passablement malmené. Dès lors, le jugement dont appel serait également à réformer sous cet aspect.

Tant la commune que l’Etat sollicitent la confirmation pure et simple du jugement dont appel, étant toutefois précisé que la Ville conclut, en ordre subsidiaire, pour le cas où la Cour devrait constater que les délibération communale et décision ministérielle déférées sont entachées d’illégalité, qu’il y aurait lieu de procéder à une annulation ponctuelle des dispositions du PAP QE dans la seule mesure des parcelles litigieuses et de leur classement en zone [REC] voire des seuls articles K.2.1.2, K.2.1.3 et K.2.1.5 dudit PAP QE, tout en laissant subsister lesdites décisions pour le surplus.

7Dans la conception de la loi du 19 juillet 2004, contrairement à la législation précédente, le PAP se conçoit essentiellement en tant que réglementation d’exécution du PAG. Ainsi, le sous-titre K. du PAP QE se rapporte directement à la zone [REC] et en constitue une illustration afférente.

Par arrêt parallèle de ce jour (n° 44683C du rôle) la Cour a annulé la délibération communale d’adoption du PAG du 28 avril 2017 ainsi que la décision ministérielle d’approbation afférente du 5 octobre 2017 dans la limite précisément des classements des trois parcelles appartenant à l’appelante et faisant également l’objet du présent appel. Parmi ces classements figure en premier lieu le classement en zone [REC] pour lequel la Cour a dégagé une erreur d’appréciation à sanctionner dans le chef des autorités publiques, compte tenu surtout de la consistance des lieux s’analysant en une ancienne carrière et s’accompagnant d’excavations consistantes d’ores et déjà effectuées, de sorte à présenter une potentialité à la constructibilité certaine, même pour des bâtiments et équipements publics, au-delà de la constructibilité limitée allant de pair avec la zone [REC] et sans que des éléments naturels vérifiés ne se présentent de manière dirimante en tant que s’opposant à pareille constructibilité.

Par voie de conséquence, le classement principal au niveau du PAG en zone [REC] se trouvant annulé à travers l’arrêt précité de ce jour, il doit en être de même pour les mêmes parcelles en ce qui concerne leur classement à travers le PAP QE actuellement querellé dépendant directement de ladite zone [REC].

Dès lors, par réformation du jugement dont appel, les décisions communale d’adoption du PAP QE ainsi que ministérielle d’approbation encourent à leur tour l’annulation dans la limite des parcelles 336/3947, 349/920 et 349/921.

Ainsi, conformément à la demande expresse de la Ville et suivant une optique « potius ut valeat quam ut pereat », c’est-à-dire en faisant valoir pour autant que possible les dispositions réglementaires litigieuses plutôt que de les voir périr, l’annulation à prononcer se limite aux trois terrains de l’appelante faisant l’objet du présent appel.

La partie étatique demande à voir ordonner la distraction des frais et dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour concluant affirmant en avoir fait l’avance.

Dans la mesure où pareille distraction, prévue par le Nouveau code de procédure civile devant le juge judiciaire, n’a pas été prévue par la loi au niveau de la procédure administrative contentieuse, cette demande est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit justifié ;

réformant, annule la délibération communale d’adoption des PAP QE du 28 avril 2017, ainsi que la décision ministérielle d’approbation afférente du 5 octobre 2017 dans la limite des classements des trois parcelles de l’appelante faisant l’objet du présent appel ;

8renvoie le dossier dans cette mesure devant le conseil communal de la Ville de Luxembourg en prosécution de cause ;

rejette la demande étatique en distraction des dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour constitué pour l’Etat ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose pour moitié à la Ville de Luxembourg et pour l’autre moitié à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44749C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;44749c ?

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