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06/05/2021 | LUXEMBOURG | N°44717C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 mai 2021, 44717C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44717C du rôle Inscrit le 24 juillet 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme «B», …, la société anonyme «C», …, et la société à responsabilité limitée «D» S.à r.l., …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 juin 2020 (n° 40570 du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre deux décisions du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Int

érieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) et de plan d’aménagement particuli...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 44717C du rôle Inscrit le 24 juillet 2020

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Audience publique du 6 mai 2021 Appel formé par la société anonyme «B», …, la société anonyme «C», …, et la société à responsabilité limitée «D» S.à r.l., …, contre un jugement du tribunal administratif du 15 juin 2020 (n° 40570 du rôle) ayant statué sur leur recours dirigé contre deux décisions du conseil communal de la Ville de Luxembourg et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général (refonte) et de plan d’aménagement particulier « quartier existant » Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 44717C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 24 juillet 2020 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES S.A., établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 240.929, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de :

1) la société anonyme «B», établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions ;

2) la société anonyme «C», établie et ayant son siège social à la même adresse, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions ;

3) la société à responsabilité limitée «D» S.à r.l., établie et ayant son siège social à la même adresse, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions ;

déclarant agir dans le cadre du classement d’un immeuble, sis à Luxembourg-Beggen, 196, rue de Beggen, inscrit au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EA de Beggen, sous le numéro cadastral 30/2099, en s’opposant à la zone superposée « secteur protégé des Ensembles Sensibles - [SPR-es] » et en demandant le reclassement d’une zone d’habitation 2 [HAB-2] en secteur [MIX-u•f], dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 15 juin 2020 (n° 40570 du rôle) à travers lequel le tribunal a déclaré le recours irrecevable dans le chef de la société anonyme «B», ainsi que de la société à responsabilité limitée «D» S.à r.l., pour le dire recevable dans le chef de la société anonyme «C», tout en le disant non justifié, en rejetant les demandes en allocation d’une indemnité de procédure respectives des sociétés demanderesses et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et en condamnant les trois sociétés demanderesses aux frais et dépens ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculés auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 28 juillet 2020 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, établie en son Hôtel de Ville, 42, Place Guillaume II ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH S.A., inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue J.F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 186.371, représentée aux fins de la présente procédure d’appel par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2020 par Maître Georges KRIEGER au nom des appelantes ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 14 décembre 2020 par Maître Christian POINT au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le même 14 décembre 2020 par Maître Albert RODESCH au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, et Gilles DAUPHIN, en remplacement de Maître Christian POINT, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 janvier 2021.

Lors de sa séance publique du 13 juin 2016, le conseil communal de la Ville de Luxembourg, ci-après « le conseil communal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », « (…) pour lancer la procédure d’adoption du nouveau projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique accompagnées des documents et annexes prescrits par la législation y relative (…) » et « (…) charge[a] le collège des bourgmestre et échevins de procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et à l’article 7 de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (…) ».

Le 14 juin 2016, le collège des bourgmestre et des échevins de la Ville de Luxembourg, ci-après « le collège échevinal », se déclara d’accord, en vertu de l’article 30, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, pour « (…) engager la procédure d’adoption des premiers plans d’aménagement particuliers « quartiers existants » de la Ville de Luxembourg, parties écrite et graphique et de les soumettre à la procédure d’adoption en les déposant à l’inspection du public et en les transmettant pour avis à la cellule d’évaluation de la Commission d’aménagement instituée auprès du Ministère de l’Intérieur ainsi qu’au Ministère de l’environnement et à la Direction de la Santé (…) ».

Par courrier du 15 juillet 2016, la société anonyme «C», déclarant agir en sa qualité de propriétaire de la parcelle inscrite au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EA de Beggen, sous le numéro cadastral 30/2099, soumit, par l’intermédiaire de la société à responsabilité limitée «D», au collège échevinal des objections à l’encontre de ces projets d’aménagement général et particulier.

Lors de sa séance publique du 28 avril 2017, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général, ci-après « le PAG » et, d’autre part, adopta ledit projet, « (…) tel qu’il a été modifié suite aux réclamations et avis ministériels reçus (…) ».

Parallèlement et lors de la même séance publique, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre des projets d’aménagement particulier « quartier existant », ci-après « le PAP QE » et, d’autre part, adopta les parties graphiques et la partie écrite de ces derniers, « (…) sous [leur] forme revue et complétée (…) ».

Par courrier du 19 mai 2017, la société anonyme «B», la société anonyme «C», ainsi que la société à responsabilité limitée «D», ci-après « les sociétés demanderesses », introduisirent, par l’intermédiaire de leur litismandataire, auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après « le ministre », une réclamation à l’encontre de la susdite délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption du projet d’aménagement général et ayant statué sur les objections dirigées par les administrés à l’encontre de ce même projet.

Par décision du 5 octobre 2017, le ministre approuva la délibération, précitée, du conseil communal du 13 juin 2016, de même que celle du 28 avril 2017 portant adoption du PAG, tout en statuant sur les réclamations lui soumises, en déclarant fondées une partie de celles-ci et en apportant, en conséquence, certaines modifications aux parties graphique et écrite du PAG, la réclamation introduite par les sociétés demanderesses ayant, cependant, été déclarée non fondée.

Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que j’approuve les délibérations du conseil communal des 13 juin 2016 et 28 avril 2017 portant adoption de la refonte du plan d’aménagement général (dénommé ci-après « PAG ») de la Ville de Luxembourg, présenté par les autorités communales.

Conformément à l’article 18 de [la] loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (dénommée ci-après « Loi ») j’ai fait droit à certaines objections et observations formulées par les réclamants à l’encontre du projet d’aménagement général.

La procédure d’adoption du projet d’aménagement général s’est déroulée conformément aux exigences des articles 10 et suivants de la Loi.

3 Les modifications ainsi apportées à la partie graphique et à la partie écrite du PAG sont illustrées dans la présente décision et en font partie intégrante. Il est laissé le soin aux autorités communales d’adapter les délimitations des plans d’aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents et ce conformément aux modifications résultant de la décision ministérielle. Les autorités communales sont ainsi tenues de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique du PAG ainsi que des plans d’aménagement particulier « quartier existant » adaptés en conséquence.

Il est statué sur les réclamations émanant (…) de la société «B» (…).

Ad réclamation «B» (rec …) La réclamante s'oppose au classement de la parcelle cadastrale n° 30/2099, sise au 196, rue de Beggen, à Beggen, en zone superposée « secteur protégé des Ensembles Sensibles [SPR-es] ».

Encore souhaite-elle que ladite parcelle, actuellement classée en « zone d'habitation 2 [HAB-2] », soit reclassée en « zone mixte urbaine [MIX-u-f] ».

Or, le classement en zone superposée « secteur protégé des Ensembles Sensibles [SPR-es] » est parfaitement justifié, du fait que les servitudes y résultant permettent de garantir une intégration harmonieuse des nouvelles constructions dans le tissu urbain existant qui présente une authenticité de la substance bâtie.

De même, le classement en « secteur protégé d'intérêt communal "environnement construit"© » est justifié du fait que la parcelle fait partie d'un ensemble protégé cohérent en ces endroits.

Le classement en « zone d'habitation 2 [HAB-2] soumise à l'élaboration d'un plan d'aménagement particulier "nouveau quartier" (PAP NQ) », est également à maintenir, étant donné que ce classement permettra, lors de la mise en œuvre du PAG, une utilisation rationnelle du sol, conformément à l'article 2 de la Loi.

En effet, les terrains concernés disposent d'une profondeur suffisamment importante pour permettre une certaine densification à l'arrière des constructions.

Ledit classement permet ainsi aux réclamants de participer à l'élaboration du projet d'aménagement, prévu en cet endroit, et de valoriser davantage leur terrain.

Partant, la réclamation est non fondée. (…) ».

Par décision du même jour, le ministre approuva encore la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des PAP QE, cette décision étant libellée comme suit :

« (…) Par la présente, j 'ai l'honneur de vous informer que j'approuve la délibération du conseil communal du 28 avril 2017 portant adoption des projets d'aménagement particulier « quartier existant » de la Ville de Luxembourg.

4 Or, conformément à ma décision d'approbation du projet de la refonte du plan d'aménagement général de la Ville de Luxembourg de ce jour, modifiant les délimitations des plans d'aménagement particulier « quartier existant » sur les plans de repérage et les parties graphiques afférents, le vous prie de me faire parvenir des versions coordonnées de la partie écrite et de la partie graphique des plans d'aménagement particulier « quartier existant » adaptées en conséquence.

De manière générale, je tiens encore à soulever que toutes les réclamations introduites à l'encontre du vote des plans d'aménagement particulier « quartier existant » ne sont pas recevables. En effet, le Législateur n'a pas prévu la possibilité d'introduir e une réclamation auprès du ministre de l'Intérieur contre le plan d'aménagement particulier « quartier existant » alors qu'il a uniquement prévu dans l'article 16 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain que les réclamants puissent exclusivement porter leurs objections contre le projet d'aménagement général devant le ministre de l'Intérieur.

(…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2018, les sociétés demanderesses firent introduire un recours tendant à l’annulation de (i) « La décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption du projet de refonte globale du Plan d’Aménagement Général de la Ville de Luxembourg », de (ii) « La décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 portant adoption des projets d’aménagement particuliers « Quartier Existant » (PAP QE) dans le cadre de l’adoption le même jour du projet d’aménagement général (PAG) de la Ville de Luxembourg » et de (iii) « La décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 approuvant les décisions précitées de la Ville de Luxembourg ».

Par jugement du 15 juin 2020 (n° 40570 du rôle), le tribunal déclara le recours irrecevable en tant qu’introduit aux noms des sociétés demanderesses «B» et «D», tout en le déclarant recevable en tant qu’introduit au nom de la société anonyme «C», pour dire ce recours cependant non fondé, écarter les demandes respectives en allocation d’une indemnité de procédure formulées au nom des sociétés demanderesses et de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et condamner lesdites sociétés aux frais et dépens.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 24 juillet 2020 (n° 44717C du rôle), les trois sociétés initialement demanderesses ont fait entreprendre le jugement précité du 15 juin 2020 dont elles sollicitent la réformation dans le sens de voir annuler les deux délibérations communales et la décision ministérielle d’approbation querellées, de voir mettre l’entièreté des frais d’appel à charge des parties intimées et de voir accorder une indemnité de procédure à hauteur de 5.000.- € aux parties appelantes.

Tant la Ville de Luxembourg que la partie étatique se rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité de l’appel en la forme et quant au délai.

L’appel ayant été interjeté suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Quant à la recevabilité du recours initial En premier lieu, les appelantes critiquent que les premiers juges ont déclaré irrecevable le recours dans le chef des sociétés «B» et «D», alors que pourtant ces deux sociétés seraientintimement liées à la société «C» dont le recours a été déclaré recevable, les trois partageant la même adresse, précisément au 196, rue de Beggen, comme siège social.

Il est constant et expressément admis par les appelantes que les sociétés «B» et «D» n’avaient pas fait d’objection devant le conseil communal, de sorte que, même si une réclamation a été introduite devant le ministre, c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré le recours irrecevable ommiso medio, le premier maillon de la chaîne d’aplanissement des difficultés faisant défaut et aucun élément nouveau, suite à l’adoption du PAG n’ayant été invoqué pour justifier leur entrée en procédure seulement devant le ministre, tandis que pour le PAP QE le maillon essentiel d’aplanissement des difficultés réside devant le conseil communal d’après la législation pertinente applicable.

Ce premier moyen des appelantes est dès lors à écarter.

Quant au fond En appel, comme en première instance, seules sont en discussion les délibérations respectives du conseil communal du 28 avril 2017 portant successivement adoption du PAG refondu et des PAP QE, dont le PAP QE [SPR-es] litigieux, ainsi que les décisions d’approbation afférentes du ministre du 5 octobre 2017.

Quant au PAG Quant au fond et concernant l’adoption du PAG, l’appelante réitère trois moyens tirés respectivement de la violation de l’article 13 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, ci-après « la loi communale » ainsi que de l’article 13, alinéa 2, et de l’article 14, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 2004.

A la fois la Ville de Luxembourg et l’Etat demandent la confirmation du jugement dont appel concernant l’ensemble de ces trois moyens.

Quant à la violation alléguée de l’article 13 de la loi communale Concernant l’article 13 de la loi communale, l’appelante estime que cette disposition n’aurait pas été respectée en ce sens que les conseillers communaux n’auraient pas pu consulter au moins 5 jours avant la délibération du 13 juin 2016, en plus sans déplacement, les documents, actes et pièces y afférents.

Il y a lieu tout d’abord de mettre en exergue que depuis une jurisprudence constante inaugurée par les arrêts du 15 décembre 2016 (nos 38138C, 38174C et 38175C du rôle), la démarche du conseil communal prévue à l’article 10 de la loi du 19 juillet 2004 s’analyse en mise sur orbite du projet de PAG et ne revêt aucun caractère décisionnel.

La tâche des conseillers communaux le 13 juin 2016 était dès lors d’apprécier globalement si le projet de PAG était suffisamment bouclé pour pouvoir entrer en procédure.

Pas plus qu’en première instance, l’appelante n’a su rapporter la preuve en instance d’appel que les conseillers communaux n’aient pas eu la possibilité de consulter les documents, actes et pièces pertinents, étant entendu, tel que les premiers juges l’ont retenu à bon escient, que tous les conseillers communaux avaient été invités aux six réunions de la commission de développementurbain, compétente en l’occurrence, qui se sont tenues en dates respectivement des 3, 10, 24, 26 et 30 mai, ainsi que du 7 juin 2016. Il leur a été dès lors loisible de s’entourer des renseignements nécessaires afin de pouvoir voter en connaissance de cause pour la mise sur orbite du projet en question.

Le moyen est partant à rejeter par confirmation du jugement dont appel.

Quant à la violation alléguée de l’article 13, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004 Quant au moyen tiré de la violation de l’article 13, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, l’appelante continue à critiquer, tout comme en première instance, la manière de procéder du conseil communal, organe compétent et, plus particulièrement, encore du collège échevinal en vue du toisement des objections portées par centaines devant lui.

L’appelante pointe la délibération du collège échevinal suivant laquelle un mandat avait été conféré par les membres du collège échevinal à la seule bourgmestre en vue de prendre acte des objections réitérées lors des réunions d’aplanissement des difficultés. Par là-même, il ne serait point visible quelles auraient été les instructions du collège échevinal à la bourgmestre, ni quelles auraient été les discussions antérieures et fixations de voies à suivre, ni encore quelle aurait été la marge de manœuvre de la bourgmestre et surtout sa possibilité de discussion des objections avec leurs auteurs. Enfin, l’appelante critique la question de savoir si la bourgmestre avait rapporté l’ensemble de ces nombreuses objections à ses collègues du conseil échevinal.

Au niveau de l’aplanissement des difficultés et surtout par rapport à son premier maillon devant les instances communales, comportant précisément une phase où les auteurs des objections écrites peuvent articuler celles-ci oralement devant le collège échevinal tel que représenté à l’audition, le critère essentiel est celui de l’accès à l’audition accompagné de l’efficience de la démarche, laquelle se mesure essentiellement dans les résultats obtenus, c’est-à-dire dans les opérations d’aplanissement concrètement effectuées.

La Cour constate qu’au niveau communal des centaines d’objections ont été rencontrées positivement, c’est-à-dire accueillies par le conseil communal sur proposition du collège échevinal, entraînant qu’un véritable aplanissement des difficultés s’en est suivi. Tel est d’ailleurs le cas pour l’objection de l’appelante qui, si elle n’a pas été accueillie dans son entièreté, fut cependant rencontrée positivement, en partie du moins, concernant la partie arrière du terrain de l’appelante par le conseil communal sur proposition du collège échevinal, dorénavant classée, d’après les propres dires de l’appelante, en zone soumise à PAP NQ.

Dans la mesure où les faits vérifiés contredisent les critiques théoriques et abstraites de l’appelante, il y a lieu, par confirmation de la démarche des premiers juges, de déclarer également ce second moyen au fond comme étant non justifié.

Quant à la violation alléguée de l’article 14, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 2004 En troisième lieu, concernant le PAG, l’appelante invoque la violation de l’article 14, alinéa 3, de la loi du 19 juillet 2004 en ce que les conseillers communaux n’auraient pas individuellement traité les objections présentées et les propositions afférentes du collège échevinal, mais auraient, globalement et en bloc, approuvé les propositions dudit collège. De la sorte, il y aurait eu un glissement de compétence en ce que la véritable décision sur le sort desobjections aurait été prise par le collège échevinal et non pas par le conseil communal entraînant la violation de l’alinéa 3 de l’article 14 en question.

Ainsi que la Cour l’a retenu dans ses arrêts de principe précités du 15 décembre 2016, c’est précisément l’alinéa 3 de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 qui prévoit que si le conseil communal peut adopter le projet de PAG dans sa forme originale de mise sur orbite, il peut également y apporter des modifications. Ces modifications sont en principe issues de propositions pouvant émaner de manière formelle de trois sources, à savoir qu’elles peuvent émaner des propositions de la commission d’aménagement, sinon répondre en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’environnement dans ses attributions et finalement résulter de la prise en compte de tout ou partie des objections présentées par le public intéressé. Pour que la procédure fasse un sens, il doit être possible au conseil communal de relayer, le cas échéant, ces trois sources de modification et d’y ajouter à titre accessoire des éléments nécessairement complémentaires par rapport à ceux proposés par l’un ou l’autre de ces trois initiateurs de modifications.

Dans la mesure où le conseil communal est appelé à relayer les trois sources possibles de modification, il lui est permis de reprendre, fût-ce en bloc, les propositions du collège échevinal concernant les objections formulées et, plus précisément, celles opérant une modification par rapport au projet mis sur orbite conformément à l’article 10 de la même loi.

L’essentiel est ici que les conseillers communaux aient statué en connaissance de cause, après s’être fait une opinion et pris leur décision de manière éclairée et suffisamment informée.

Si en termes démocratiques, l’entérinement par le conseil communal de manière globale et en bloc des propositions du collège échevinal peut apparaitre comme un abandon de compétence, il n’en reste pas moins que la délibération consciente, éclairée et informée de la part du conseil communal, dont font parties les membres du collège échevinal, peut émaner également d’une expression de confiance dans les travaux de l’organe exécutif de la commune, sans que cependant pareille démarche ne soit nécessairement contraire à la loi.

Cette conclusion est d’autant plus vérifiée lorsque, comme en l’occurrence, la délibération communale portant adoption des propositions du collège échevinal concernant le traitement des objections comporte des centaines de cas dans lesquels les objections formulées ont été accueillies, en tout ou en partie, de sorte à mener à un aplanissement complet, sinon du moins partiel, des difficultés ayant préexisté.

A nouveau, il convient de souligner que précisément le vote du conseil communal sur les objections a eu pour effet de déclarer partie de celles de l’appelante justifiée, de l’accueillir dans cette mesure et d’aplanir également dans la même mesure les difficultés préexistantes.

Ici encore, l’argument essentiellement abstrait et théorique de l’appelante est à écarter par entérinement de la démarche des premiers juges.

L’ensemble des moyens produits à l’encontre de l’adoption du PAG ayant été écartés en appel, le jugement dont appel est à confirmer en ce qu’il a déclaré le recours de l’appelante non fondé en tant que visant la délibération communale du 28 avril 2017 portant adoption du PAG et statuant sur les objections formulées dont celle de l’appelante.

Aucune critique n’ayant été formulée par rapport à la décision du ministre portant approbation de la délibération précitée, c’est encore à bon droit que les premiers juges ont déclaré le recours en annulation afférent de l’appelante non fondé. Quant au PAP QE [SPR-es] Dans un premier stade, l’appelante invoque la violation de l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) » et de l’article 4 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d’aménagement particulier « quartier existant » et du plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », en ce que celui-ci porte exécution du PAG, ci-après « le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAP QE) et (PAP NQ) ».

L’appelante invoque un détournement de la logique systémique de ce second règlement grand-ducal.

Il convient de situer le problème : sous le précédent PAG, dit plan JOLY, la parcelle de l’appelante était classée dans une zone mixte 4 rendant possible la construction d’un immeuble à quatre niveaux avec un retrait sur une profondeur de construction de 40 mètres, la profondeur de la parcelle étant de 117 mètres. Au 196, rue de Beggen, est implanté depuis longue date un immeuble style maison de maître, anciennement d’habitation, tandis que le terrain à l’arrière n’a jamais été construit.

L’appelante conteste le classement actuel en une zone [HAB-2] et demande un classement en secteur [MIX-u•f], mais surtout met en question l’inscription d’une servitude « environnement construit » en ce que précisément celle-ci implique, en application de l’article D.10.2.1.1 de la partie écrite du PAP QE intitulé « les constructions existantes », que les parties extérieures de son immeuble côté rue et côtés reculements latéraux sont à conserver, tout en pouvant être restaurés ou rénovés. A défaut d’indication afférente dans la partie spécifique, aucune démolition ni aucune adaptation partielle par surélévation ne seraient admises, alors que pourtant pour d’autres immeubles de la même rue tel serait le cas.

L’appelante conteste ce traitement individuel, non retraçable selon elle, en ce que ce classement répondrait non plus à des considérations d’urbanisme, mais à des considérations de patrimoine non légalement admissibles et totalement discriminatoires.

Pour le surplus, aucune disposition du PAP QE [SPR-es] ne déterminerait précisément les gabarits admissibles des constructions, dont notamment le nombre de niveaux, les hauteurs, les profondeurs et les reculs.

Au titre du PAP QE, l’appelante fait valoir en substance que ni la loi du 19 juillet 2004, ni le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAP QE et PAP NQ) ne fournissent une base valable à la démarche communale ayant consisté à procéder à un classement individuel de son immeuble contrairement aux exigences de l’ordonnancement juridique en vigueur qui ne permettrait, au niveau communal, que la fixation de zones de secteur sauvegardé ou zones protégées, mais non pas le classement d’immeubles à titre individuel.

Cet argumentaire sous-tend que, à titre principal, l’appelante est d’avis qu’à côté de la protection nationale prévue par la loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, ci-après « la loi du 18 juillet 1983 », l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 ne serait pas suffisant pour créer une base légale valable en vue d’une procédure de classement possible dans le cadre de l’adoption d’un PAG.

L’appelante sollicite l’annulation pour défaut de base légale des délibération communale et décision ministérielle critiquées au regard de l’article 33 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) et de l’article 4 du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAP QE et PAP NQ), en faisant valoir que la première disposition réglementaire citée a déjà été déclarée non conforme à la loi par la Cour administrative et que de manière générale, la loi ne permettrait pas le classement individuel d’un immeuble.

Pour le surplus, l’appelante conclut à une violation de la logique systémique du règlement grand-ducal précité du 28 juillet 2011 (PAP QE et PAP NQ) en ce que la zone superposée imposant une servitude « environnement construit » rendrait parfaitement inopérants les zonages tels que résultant du PAG en ce que, d’un côté, les règles de la zone mixte, suivant la lecture de l’appelante, ne viendraient tout simplement pas à s’appliquer et que, d’un autre côté, le PAP QE [SPR-es] ne contiendrait pas de disposition permettant notamment de connaître le régime des constructions autorisées, plus précisément du côté arrière de l’immeuble en question, en admettant que les côtés avant et latéraux doivent être conservés.

L’appelante conclut encore à un détournement de procédure en ce que dans le cadre de l’ordonnancement juridique en place, à côté des procédures prévues par la loi du 18 juillet 1983, l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 n’aurait en aucune manière pu introduire une procédure de classement parallèle au niveau communal dans le cadre de l’adoption d’un PAG, la base légale en question étant insuffisante à cet effet.

L’appelante conclut encore à l’existence d’un classement individualisé dans son chef, contrairement aux exigences de la loi, en ce que celui-ci découlerait précisément de l’application faite par les instances communales et étatiques des dispositions respectives des articles D.10.2.1.1.1, D.10.2.1.1.2 et D.10.2.1.1.3 du PAP QE [SPR-es]. Ainsi, certains immeubles voisins seraient respectivement pourvus au niveau des plans de repérage, par l’adjonction d’un disque bleu ou d’un triangle, tels que prévus aux dispositions précitées, tandis que le sien ne serait doté d’aucun de ces qualificatifs, l’appelante estimant que contrairement aux dires des parties publiques, que le classement intervenu à son égard serait bel et bien individualisé.

Ce n’est que dans l’hypothèse où le classement intervenu aurait pu valablement être effectué en application de l’ordonnancement juridique en vigueur, notamment en application de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004, ainsi que du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAP QE et PAP NQ) ensemble le règlement grand-ducal du même jour (PAG), que l’appelante invoque la contrariété de l’ensemble de ces dispositions à l’article 16 de la Constitution ensemble l’article 32, paragraphe 3, de celle-ci.

En combinaison de ces deux dispositions constitutionnelles, l’appelante estime que les restrictions fortes au droit de propriété, telles que celles sous revue, devraient nécessairement résulter de la loi et n’auraient pas pu être reléguées à un texte réglementaire, tel le cas en l’espèce.

Le régime des réserves à la loi, applicable en matière de protection du droit de propriété, selon l’appelante, nécessiterait que l’essentiel, c’est-à-dire la restriction proprement dite, résulte de la loi et ne permettrait pas qu’elle découle simplement d’un texte réglementaire.

A cet escient, l’appelante déclare ne pas partager l’appréciation des premiers juges sur la portée de l’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 101 du 4 octobre 2013 et de la notion d’expropriation y analysée. Pour le surplus, le tribunal aurait outrepassé sa compétence et se serait positionné par une appréciation qui ne relèverait pas de son ressort. Précisément les questions dedroit concernant une éventuelle indemnisation ne relèveraient point de l’appréciation du juge administratif.

L’appelante reproche encore au tribunal d’avoir procédé au biais d’une motivation stéréotype ne répondant pas aux exigences en la matière concernant plus précisément l’impact de la servitude de conservation retenue à l’encontre de son immeuble en ce qu’aucune démolition ne serait possible en application du dispositif réglementaire appliqué par les parties publiques et confirmé par les premiers juges.

L’appelante souligne l’absence d’une qualification des valeurs intrinsèques de son immeuble, pourtant faite dans d’autres affaires par le tribunal pour justifier l’intensité de la servitude imposée.

Au fond, l’appelante est d’avis que son bien n’est digne d’une quelconque protection et que rien que sur cette base les décisions querellées encourraient l’annulation. En tout cas aurait-il appartenu à la commune de pouvoir justifier de raisons fortes qui justifieraient la régression sensible retenue par rapport à son droit de propriété.

En dernier lieu, l’appelante critique encore le jugement dont appel en ce qu’il a rejeté son argumentaire tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement inscrit à l’article 10bis, paragraphe 1er, de la Constitution. L’appelante se compare ici au propriétaire de la parcelle n° 502/2167 sise aux numéros 249-255, rue de Beggen et classée en secteur [MIX-u•f] suivant le PAP QE [SPR-es], alors que ce classement n’a pas été retenu pour son immeuble, encore qu’anciennement les deux immeubles auraient été classés dans la même zone mixte 4 sous l’ancien PAG. L’unique différence de fait consisterait en ce que l’un des propriétaires aurait construit plus vite que l’autre.

Suivant l’appelante, il ne rimerait à rien en termes de durabilité et d’harmonie des constructions de permettre d’un côté de la même rue un bâtiment ayant 14 mètres de hauteur et de figer de l’autre une situation comprenant une maison accusant un niveau plein et un étage en retrait seulement.

Les décisions querellées encourraient dès lors encore l’annulation sur cette base.

L’ensemble de l’argumentaire proposé par l’appelante à l’encontre du PAP QE [SPR-es] est conditionné par sa première contestation suivant laquelle l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 n’aurait en aucune manière pu introduire une procédure de classement parallèle au niveau communal à côté de celle prévue au niveau national par la loi du 18 juillet 1983.

S’il est vrai que la Constitution n’érige point la protection du patrimoine culturel en tant qu’objectif d’ordre constitutionnel, ni en tant que domaine réservé à la loi, il n’en reste pas moins que le législateur, dans sa plénitude a pu valablement instaurer, à côté du régime classique de protection nationale du patrimoine culturel actuellement balisé par les dispositions de la loi du 18 juillet 1983, un second régime de protection inféré dans une logique de subsidiarité à partir des classements opérés par les autorités communales sous la tutelle étatique, ce régime étant actuellement balisé par l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 et fonctionnant au niveau de la réglementation communale d’urbanisme à travers la mise en place des PAG et des PAP.

Si l’objectif de protection du patrimoine culturel est globalement le même pour les deux régimes, ceux-ci sont cependant appelés à répondre aux procédures respectives de mise en place,ainsi qu’aux critères prévus dans leur contexte impliquant que ces deux régimes fonctionnent essentiellement chacun d’après ses critères propres, agencés toutefois de manière telle à atteindre globalement le même objectif de protection du patrimoine culturel.

Dès lors, le législateur a valablement pu instaurer un régime communal de protection du patrimoine au niveau de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004, de nature à fonctionner parallèlement à celui d’ores et déjà prévu par la loi du 18 juillet 1983 au niveau national.

En ce que la protection du patrimoine culturel n’a pas été consacrée par la Constitution jusqu’à ce jour et qu’a fortiori, elle n’a pas été prévue en tant que matière réservée à la loi, la question de conformité de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 par rapport à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution laisse d’être pertinente sous cet aspect.

Elle le laisse également sous l’aspect de l’article 16 de la Constitution en ce que celui-ci ne permet l’expropriation y prévue que pour cause d’utilité publique et suivant une juste indemnité, sans que toutefois l’intervention du législateur ne soit nécessairement requise.

Il s’ensuit que la question suggérée de la conformité de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 par rapport à l’article 32, paragraphe 3, de la Constitution n’est pas à soumettre à la Cour constitutionnelle.

La deuxième question préjudicielle suggérée par rapport à l’article 16 de la Constitution part de la prémisse que le classement présentement intervenu au regard de l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 soit équipollent à une expropriation.

En ce que l’article 2, point e), de la loi du 19 juillet 2004 ne véhicule ni directement, ni indirectement une privation de propriété, étant donné qu’il ne pose que la base d’une simple organisation du seul usage du droit de propriété moyennant la fixation de restrictions nécessaires au but poursuivi qui est la protection du patrimoine culturel, aucune situation d’expropriation, ni équipollente à une expropriation ne saurait être dégagée à partir des dispositions de cet article de loi sous analyse.

Le principe d’un classement en secteur protégé à travers la réglementation communale d’urbanisme étant ainsi acquis, il convient de rencontrer le reproche formulé par l’appelante en ce que, contrairement à cette réglementation, le classement intervenu serait individualisé.

La Cour constate que l’immeuble d’habitation sis 196, rue de Beggen, maison de maître libre des quatre côtés, se trouve inclus dans un secteur protégé « ensembles sensibles », d’ailleurs à la suite d’un classement antérieur, comme ensemble sensible par le plan JOLY, jamais remis en cause par l’appelante actuelle, ensemble avec nombre d’autres immeubles situés le long de la même rue de Beggen et formant dans leur ensemble le [SPR-es] délimité par une ligne entrecoupée de couleur turquoise sur la partie graphique du plan de repérage, PAP QE 1-Nord.

Le secteur ainsi protégé regroupe une bonne quinzaine de parcelles avec immeubles construits, toutes attenantes, situées le long de la rue de Beggen – côté pair – avec la spécificité que c’est pour la parcelle de l’appelante que la profondeur protégée est la moins élevée comparée à tous les immeubles ainsi protégés.

Si l’appelante visait le caractère individualisé du classement sous cet aspect, l’on ne saurait nullement retenir qu’il lui ferait grief.

Concernant la validité de ce classement, la Ville a pu valablement établir en cause, dès la première instance, que l’ensemble des constructions ainsi placé en secteur [SPR-es] a pu être valablement placé sous le statut en question dans la mesure où il s’agit grosso modo d’un ensemble homogène de constructions plutôt anciennes encore préservées.

Par ailleurs, les qualités intrinsèques de la construction sise 196, rue de Beggen, actuellement querellée, propriété de l’appelante, correspondent au type maison de maître qui se trouve encore essentiellement dans son état d’origine digne de protection.

Sous tous ces aspects, l’argumentaire de l’appelante laisse d’être fondé et le jugement dont appel est à confirmer dans son analyse pertinente afférente.

En vue de tenir compte des caractéristiques plus ou moins dignes de protection, également au niveau du patrimoine culturel protégé par les instances communales, la réglementation communale d’urbanisme prévoit effectivement trois degrés différents, un premier, sans marquage spécial correspondant grosso modo à une interdiction de démolition de trois côtés (avant et latéraux), un second rendant possible certaines modifications et un troisième rendant possible des surélévations.

S’il est vrai que l’immeuble 196, rue de Beggen, correspond à la première catégorie, ce classement se justifie en ce que la maison de maître en question se trouve encore essentiellement dans son état d’origine, du moins, quant à son aspect extérieur visible de rue et des côtés latéraux, précisément protégé.

Il est vrai que pour le secteur dont fait partie l’immeuble en question, deux immeubles sont pourvus de la mention triangle rouge, correspondant à une possibilité de modification plus substantielle, tandis que tous les autres, y compris celui de l’appelante, sont soumis à la même interdiction de démolition.

Dans les conditions données, un traitement individualisé injustifié dans le chef de l’immeuble querellé de l’appelante ne saurait être valablement retenu.

L’appelante se plaint encore d’une atteinte injustifiée à son droit de propriété en raison du classement intervenu et, plus précisément, des dispositions applicables de l’article D.10.2, tel que subdivisé, de la partie écrite du PAP QE. A nouveau, l’appelante invoque une violation de l’article 16 de la Constitution tel qu’interprété par l’arrêt précité de la Cour constitutionnelle du 4 octobre 2013 (n° 00101 du registre ; Mémorial A n° 182, page 3473) qui prévoit une atteinte équipollente à une expropriation pour cause d’utilité publique du moment que les attributs du droit de propriété sont visés dans leur substance essentielle par la mesure mise en place.

Ceci dit, il est patent que l’hypothèse de l’expropriation pour cause d’utilité publique expressément visée à l’article 16 de la Constitution ne se trouve point vérifiée en l’espèce.

Au-delà, il convient de rappeler qu’au regard de la protection du droit de propriété tel que se dégageant plus particulièrement des dispositions de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du Protocole additionnel à la CEDH, l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 octobre 2013 consacre le droit des pouvoirs publics d’instaurer des servitudes d’urbanisme dans un but d’utilité publique, laisse intact le principe de la mutabilité des PAG et n’autorise pas le juge administratif à sanctionner un reclassement d’un immeuble précédemment classé en zoneconstructible en zone non constructible, tout en réservant toutefois aux propriétaires touchés, conformément au droit commun, suivant la situation concrète du cas d’espèce, le cas échéant de faire valoir devant le juge judiciaire un droit à indemnisation dépendant, notamment, de la situation du terrain, du caractère contraignant de la servitude et des projets concrets de viabilisation du terrain.

Ainsi, sans préjudice d’une éventuelle pertinence dans le cadre d’une action en dommage et intérêts, l’argumentaire développé par l’appelante ne saurait aboutir à l’annulation d’une décision de classement par ailleurs justifiée.

Dès lors, le moyen laisse également d’être justifié.

En ce qui concerne les erreurs ou inversions de systémique invoquées par l’appelante, la Cour est tout d’abord amenée à rappeler que l’économie générale de la loi du 19 juillet 2004, par opposition à la législation antérieure du 12 juin 1937, emporte que le PAG ne constitue plus qu’un cadre large comportant des dispositions d’ordre général concernant le classement des terrains faisant partie du territoire communal, tandis que le détail des règles d’urbanisation est appelé à figurer au niveau des PAP pertinents qui doivent être en tous points conformes au PAG.

Pour rappel, sous l’égide de la loi du 12 juin 1937, l’essentiel des règles d’urbanisme figurait au niveau du PAG et le PAP servait à des dispositions précises de détail qui, le cas échéant, pouvaient être contraires aux règles du PAG dans l’intérêt notamment d’une urbanisation cohérente de la partie concernée du territoire communal.

Ainsi, l’article 5 de la loi du 19 juillet 2004 définit précisément le PAG comme étant un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol.

C’est précisément l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004 qui porte que « le plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan d’aménagement général concernant une zone ou partie de zone ».

C’est dans ce contexte que la Cour, à travers l’arrêt précité du 13 juillet 2017 (n° 39294C du rôle) a pu retenir qu’il était patent que les secteurs protégés d’intérêt communal, qu’il s’agisse de ceux de type « environnement construit » ou de ceux de type « environnement naturel et paysage », constituent, sous l’angle de l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004, des parties de zones.

Dès lors, en application dudit article 25, alinéa 1er, c’est le PAP qui est appelé à préciser et exécuter les dispositions réglementaires du PAG concernant précisément une partie de zone.

En d’autres termes, c’est au PAG de déterminer les secteurs protégés d’intérêt communal, tandis que, toujours suivant l’économie de la loi du 19 juillet 2004, il appartient, conformément à son article 25, alinéa 1er, au PAP de préciser et exécuter les dispositions réglementaires afférentes dont notamment les servitudes correspondant aux différents secteurs protégés d’intérêt communal, sans que ces servitudes ne doivent d’ores et déjà figurer au PAG.

La Cour voudrait insister que c’est en ce que l’article 33, alinéa final, du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) exige que les servitudes spéciales de sauvegarde et deprotection doivent être définies au niveau du PAG, que l’obligation ainsi imposée, en premier lieu à la commune en tant qu’initiatrice du PAG, est contraire à l’article 25, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 2004.

Tel que la Cour l’avait déjà précisé dans l’arrêt précité du 13 juillet 2017, la déclaration d’inapplicabilité de l’article 33, alinéa final, du règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 (PAG) qui découle des considérations qui précèdent, en application de l’article 95 de la Constitution, ne couvre cependant pas la question, par ailleurs non pertinente non plus pour la solution du présent litige, consistant à savoir si le PAG peut néanmoins prévoir pareille servitude.

Dans le présent litige, il est à nouveau reproché aux auteurs du PAG de ne pas avoir prévu les servitudes pertinentes au niveau du PAG en ce qui concerne le classement de la parcelle actuellement querellée pour lesquelles seule l’inclusion dans une zone superposée « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » se trouve vérifiée et que l’inclusion dans un secteur protégé « ensembles sensibles » n’y figure point.

Force est cependant à la Cour de retenir, à la suite des premiers juges, qu’en conformité aux considérants précités découlant notamment de sondit arrêt du 13 juillet 2017, les auteurs du PAG ainsi que du PAP QE ont pu procéder tel qu’ils l’ont fait sans enfreindre l’ordonnancement juridique en place en ne prévoyant que la seule inclusion au « secteur protégé d’intérêt communal « environnement construit – C » » au niveau du PAG et en reléguant l’inclusion dans un [SPR-es] au PAP QE ensemble le plan de repérage pertinent, équipollent à une partie graphique de PAP QE en l’occurrence.

Or ici, le reproche est fait non pas au PAG mais au PAP QE d’inverser la logique ce qui, eu égard aux considérations et précisions qui précèdent, ne se trouve point justifié.

Enfin, l’argument de l’appelante suivant lequel la mise en place des zones superposées rendrait inopérant le zonage de base instauré par le PAG n’est pas non plus pertinent eu égard précisément au contenu des subdivisions de l’article D.10 de la partie écrite du PAP QE qui varie précisément suivant les zones de base instaurées par le PAG. Ainsi, l’article D.10.1 en question prévoit six différentes subdivisions avec des règles particulières pour chacune d’elles suivant que le terrain accueillant l’immeuble protégé se trouve en zone [HAB-1], [HAB-2], [MIX-u], [MIX-c], [BEP] ou [GARE].

Dès lors, ce dernier argumentaire proposé est également à rejeter pour ne pas être pertinent.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel n’est justifié en aucun de ses moyens et qu’il est partant à déclarer non fondé dans sa globalité.

Partant, le jugement dont appel est à confirmer.

Les trois parties appelantes ont sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000€.

Eu égard à l’issue du litige, cette demande est à rejeter.

La partie étatique demande à voir ordonner la distraction des frais et dépens de l’instance au profit de l’avocat à la Cour concluant affirmant en avoir fait l’avance.

Dans la mesure où pareille distraction, prévue par le Nouveau code de procédure civile devant le juge judiciaire, n’a pas été prévue par la loi au niveau de la procédure administrative contentieuse, cette demande est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant, en déboute les appelantes ;

confirme le jugement dont appel ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure des appelantes ;

rejette la demande en distraction de l’avocat à la Cour de la partie étatique des dépens d’appel ;

condamne les appelantes aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Francis DELAPORTE, président Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé Colette MORIS.

MORIS DELAPORTE 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44717C
Date de la décision : 06/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-06;44717c ?

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