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04/05/2021 | LUXEMBOURG | N°44776C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 04 mai 2021, 44776C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44776C Inscrit le 3 août 2020

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Audience publique du 4 mai 2021 Appel formé par la société anonyme (AS), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2020 (n° 42277 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et de retenue d’im

pôt sur revenus de capitaux

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44776C Inscrit le 3 août 2020

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Audience publique du 4 mai 2021 Appel formé par la société anonyme (AS), …, contre un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2020 (n° 42277 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu des collectivités, d’impôt commercial communal et de retenue d’impôt sur revenus de capitaux

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 44776C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 3 août 2020 par la société anonyme LUTHER S.A., inscrite au barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1736 Senningerberg, 1B, Heienhaff, immatriculée au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le n° B 195.777, représentée par Maître Mathieu LAURENT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme (AS), établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 6 mai 2020 (n° 42277C du rôle), par lequel ledit tribunal l’a déboutée de son recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 22 octobre 2018 (n° C … du rôle), portant rejet de la réclamation introduite contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de l’assiette de l’impôt commercial communal, ainsi que contre les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux relatifs aux années 2010 et 2011, tous émis le 28 février 2018 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 14 octobre 2020 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 novembre 2020 par la société anonyme LUTHER S.A., représentée par Maître Mathieu LAURENT, pour compte de la société anonyme (AS) ;

Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré à l’audience publique du 7 janvier 2021.

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La société anonyme (AS), ci-après désignée par la « société (AS) », fit l’objet d’un contrôle fiscal portant sur les années d’imposition 2010 et 2011 de la part du service de révision de l’administration des Contributions directes, contrôle dont les conclusions furent matérialisées dans un rapport de révision datant du 1er février 2018.

Le bureau d’imposition Luxembourg Sociétés 6 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit le 28 février 2018 à l’égard de la société (AS), pour chaque exercice fiscal concerné, les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal, ainsi que les bulletins de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux, ci-après désignés par les « Bulletins ».

Par courrier de son expert-comptable du 30 avril 2018, entré à l’administration des Contributions directes en date du 4 mai 2018, la société (AS) fit introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », contre les Bulletins.

Par décision du 22 octobre 2018, référencée sous le numéro C …, le directeur déclara la réclamation recevable en la forme et la rejeta comme non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) Vu la requête introduite le 4 mai 2018 par les sieurs (A) et (B), de la société anonyme (ER), au nom de la société anonyme (AS), avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal, et encore contre les bulletins de la retenue sur revenus de capitaux des années 2010 et 2011, tous émis le 28 février 2018 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu le rapport dressé en date du 1er février 2018 par le réviseur du Service de révision de l’Administration des contributions directes, s’étirant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, en l’espèce les deux années d’imposition en cause ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir admis dans son chef des distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa 3 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) détectées à force du contrôle approfondi des livres et pièces comptables par le réviseur du Service de révision et ayant abouti à des majorations de son revenu imposable ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que le rapport dressé par le réviseur du Service de révision, en ce qui concerne les principaux griefs détectés et formulés à l’égard de la réclamante, fait état des constatations suivantes :

RAPPORT du réviseur … sur la vérification des livres et documents comptables de la société (AS) Société anonyme … L-… Faite sur ordre du préposé d’imposition Sociétés 6 et portant sur les exercices 2010 à 2011.

Index :

A. Données générales …………………….Nos 1 - 7………………………….page 2 B. Comptabilité…………………………Nos 8 - 9………………………….page 3 C. Constatations spéciales……………Nos 10 - 14……………………….pages 4-6 D. Conclusions ………………………………………………………………page 7 E. Remarque finale ………………………………………………………… page 6 A. Données générales 1. Motif de la vérification : §§ 162(9),193 et 206(1) de la loi générale des impôts 2. Date de la clôture des exercices : 31 décembre 3. Déclarations et impôts contrôlés :

I. Déclarations pour l’impôt sur le revenu des collectivités 2010 à 2011 II. Déclarations pour l’impôt commercial communal 2010 à 2011 4. Dernière révision fiscale : néant Exercices contrôlés : néant 5. Objet de l’entreprise : La société a pour objet tous prestations, travaux, conseils économiques dans le domaine de capital risque, dans le domaine d’entreprises de développement et promotion en informatique et de nouvelles technologies, à titre principal ou accessoire. La société pourra faire toutes opérations commerciales, industrielles, de marketing, de management, de consulting, mobilières ou immobilières, financières ou de toute manière dans toutes sociétés ou entreprises ayant en tout ou en partie un objet similaire ou connexe au sien ou susceptible d’en favoriser l’extension et le développement. Elle peut notamment s’intéresser par voie de participation, d’apport, de fusion, de souscription, d’intervention financière, de partenariat ou de toute autre manière dans toutes les sociétés ou entreprises ayant en tout ou en partie un objet similaire ou connexe au sien ou susceptible d’en favoriser l’extension et le développement.

6. Associés : (C) :

37,50% (D) :

37,50% (E) :

25,00% 7. Personnes ayant fourni des renseignements : Monsieur (F) B. Comptabilité 8. Quant à la forme Les déclarations fiscales ont été confectionnées par la société (DF).

Les documents et pièces comptables suivants ont été présentés au réviseur :

 le grand-livre général,  une copie du régime de pension complémentaire,  une copie de tous les contrats (GH),  les copies de tous les contrats (JK),  les copies de tous les contrats de leasing voitures,  les copies des factures d’achat demandées.

9. Quant au fond :

Les déclarations d’impôt des exercices vérifiés ont été remises au bureau d’imposition aux dates suivantes :

Exercice Date remise Date bulletin 2010 05/12/2011 14/08/2014 2011 19/12/2012 14/08/2014 Les critiques précises quant au fond sont reprises au chapitre C. Constatations spéciales.

D.

Conclusions Conformément aux constatations arrêtées aux points 10 à 14 du présent rapport, le résultat des exercices 2010 à 2011 est redressé de la manière suivante :

Point Compte 2010 2011 10 6081200000 11 60813000000 12 6122200001 13 6122300000 14 61521 Total … … Les reprises sont à considérer comme distributions cachées de bénéfice.

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2010 2011 Résultat suivant bilan commercial Distribution cachée de bénéfice Résultat réviseur ..

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E. Remarque finale Pendant toute la durée de la révision des exercices 2010 et 2011 Monsieur (F) a été tenu au courant du résultat des investigations. Conformément au paragraphe 205 AO, il a été informé notamment par la lettre du 31 août 2011, de toutes les constations et conclusions renseignées dans le présent rapport et disposait donc de toutes les données requises pour faire valoir ses droits de défense en pleine connaissance de cause. Les pièces supplémentaires fournies par le courrier du 22 septembre 2017 ont été prises en considération dans la mesure du possible.

F. Constations spéciales 10. Compte 6081200000 : Maintenance supplies Les prescriptions légales en la matière de la conservation décennale des documents comptables n’ont pas été respectées, seuls les extraits mensuels (CARTE CREDIT) ont été présentés comme pièces à l’appui. Or, par opération ces relevés ne renseignent que la date de la transaction, la date de la comptabilisation, une description sommaire de la partie créditée, le lieu où l’opération a été effectuée ainsi que le montant de l’opération. Contrairement aux factures originales établies lors des transactions, ces données ne révèlent absolument rien sur la nature et sur l’objet exact de l’opération.

De la manière, il est impossible de vérifier si les dépenses sont exclusivement provoquées par l’entreprise et effectuées au profit de celle-ci. Leur déductibilité n’est donc pas prouvée.

Année 2010 Pièces justificatives faisant défaut … 11. Compte 6081300000 : Administrative supplies Parmi les frais déduits en 2010 figurent deux factures de médicaments non documentées. La déduction de ces factures est refusée.

Année 2010 Pièces justificatives faisant défaut … 12. Compte 6122200001 : Maintenance and repair buildings La pièce à l’appui concernant la facture du fournisseur (QW) fait défaut. Il est dès lors impossible de vérifier ni la nature ni l’objet de cette transaction.

Année 2010 Pièce justificative faisant défaut … 13. Compte 6122300000 : Repair movable equipment En 2011, une facture du fournisseur … concernant la préparation de deux véhicules, … et …, pour la participation à la Coupe des Alpes a été déduite. Etant donné qu’il est impossible de vérifier que ces frais ont été engagés dans l’intérêt exclusif de l’activité de la société, la déduction du montant de … EUR est refusée.

Année 2011 Coupe des Alpes … 14. Compte 61521 (Voyages et déplacements : 615211 Direction, 615212 Personnel, 6152128000 General) Les prescriptions légales en la matière de la conservation décennale des documents comptables n’ont pas été respectées, seuls les extraits mensuels (CARTE CREDIT) ont été présentés comme pièces à l’appui. Or, par opération ces relevés ne renseignent que la date de la transaction, la date de la comptabilisation, une description sommaire de la partie créditée, le lieu où l’opération a été effectuée ainsi que le montant de l’opération. Contrairement aux factures originales établies lors des transactions, ces données ne révèlent absolument rien sur la nature et sur l’objet exact de l’opération.

De la manière, il est impossible de vérifier si les dépenses sont exclusivement provoquées par l’entreprise et effectuées au profit de celle-ci. Leur déductibilité n’est donc pas prouvée.

Il en est de même des retraits en numéraire qui, sans indication supplémentaire, ne renseignent ni l’objet ni la nature de leur utilisation.

Parmi les factures déduites figurent également des frais en rapport avec la participation de MM (D) et (E) à la Coupe des Alpes (voir N° 13 du rapport). Etant donné qu’il est impossible de vérifier que ces frais ont été engagés dans l’intérêt exclusif de l’activité de la société, la déduction du montant de … EUR est refusée.

Concernent les frais en rapport avec le Jamboree Offsite Meeting Venise et le Offsite Meeting Zermatterhof déduits en 2010 ainsi que les factures concernant le Jamboree à Florence et le Offsite Meeting en Grèce déduits en 2011, il reste à remarquer que si les frais de représentation ne sont en principe pas déductibles au regard des dispositions de l’article 12 L.I.R., il n’en reste pas moins qu’ils peuvent être considérés comme dépenses d’exploitation, si le contribuable établit qu’ils ont été exposés dans l’intérêt exclusif de l’activité professionnelle. En raison de leur caractère mixte, les dépenses litigieuses tombent sous l’interdiction de déduction formulée par l’article 12 L.I.R. étant donné qu’il est impossible, d’après des critères objectifs et contrôlables, de procéder à une ventilation nette entre dépenses liées respectivement à la vie privée et à l’activité professionnelle (facture …, …; …; …, …: …; …, …, … and …, …, …).

Les pièces à l’appui en rapport avec les tickets de F1 déduits en 2010 font défaut. La déduction du montant de … EUR est refusée.

Il reste à remarquer qu’un grand nombre de factures renseigne des frais non provoqués exclusivement par l’entreprise (films, cigarettes, minibar, massages) pour lesquels une reprise forfaitaire de … EUR sera opérée annuellement.

La déduction des frais de voyage et déplacements suivants est refusée :

Année 2010 2011 Pièces justificatives faisant défaut Retraits en numéraire Coupe des Alpes Jamboree Venise Offsite Zermatterhof Jamboree Florence Offsite Athènes Ticket F1 Reprise forfaitaire Total … … Considérant en matière de principe et pour ce qui est de la notion de la distribution cachée de bénéfices notamment, que selon l’article 164, alinéa 3 L.I.R. une telle est admise, voire même requise, à des fins fiscales si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ; que la disposition de l’article 164, alinéa 3 L.I.R. est l’application du principe suivant lequel il y a lieu, pour les besoins du fisc, de restituer aux actes leur véritable caractère et doit partant s’interpréter en fonction de cette finalité ;

Considérant que « l’essence de la notion de distribution cachée [de bénéfices] doit être dégagée à partir du principe posé par l’article 164 (1) LIR que les distributions ne peuvent pas réduire le revenu imposable. La loi opère de la sorte une distinction entre la sphère de réalisation des revenus, qui détermine le revenu imposable devant être soumis à imposition, et celle d’utilisation ou de distribution des revenus qui ne doit pas influer sur le revenu imposable. La notion de distribution cachée de bénéfices ne tend ainsi pas à réintégrer dans les comptes sociaux une opération déterminée et le revenu correspondant, mais tend, d’abord, à requalifier l’opération ayant l’apparence d’être intervenue dans le cadre de la réalisation trouvant son fondement dans l’allocation d’un avantage direct ou indirect à un associé ou actionnaire et ayant entraîné soit une diminution de l’actif ("Vermögensminderung") soit un défaut d’accroissement de l’actif ("verhinderte Vermögensmehrung") et, ensuite, à annihiler la réduction indue du revenu imposable causée par cette opération de distribution. Dans la mesure où l’admission de l’existence d’une distribution cachée de bénéfices ne tend dès lors pas à rajouter un élément particulier de revenu, mais à éliminer les effets fiscaux d’une opération de distribution de revenus, le montant retenu du chef de la distribution cachée ne peut pas être qualifié de revenu réalisé par le contribuable, mais s’analyse en une opération de correction de bénéfice hors-bilan. » (CA du 19 janvier 2015, n°28781C du rôle) ;

Considérant que l’objet social de la réclamante se lit comme suit : « La société a pour objet tous prestations, travaux, conseils économiques dans le domaine de capital risque, dans le domaine d’entreprises de développement et promotion en informatique et de nouvelles technologies, à titre principal ou accessoire. La société pourra faire toutes opérations commerciales, industrielles, de marketing, de management, de consulting, mobilières ou immobilières, financières ou de toute manière dans toutes sociétés ou entreprises ayant en tout ou en partie un objet similaire ou connexe au sien ou susceptible d’en favoriser l’extension et le développement. Elle peut notamment s’intéresser par voie de participation, d’apport, de fusion, de souscription, d’intervention financière, de partenariat ou de toute autre manière dans toutes les sociétés ou entreprises ayant en tout ou en partie un objet similaire ou connexe au sien ou susceptible d’en favoriser l’extension et le développement. » ;

Considérant dans ce contexte et suite aux constatations relevées, qu’il reste sans le moindre conteste que c’est à bon escient que le réviseur a admis des distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, alinéa 3 L.I.R. dans le chef de la réclamante, étant donné qu’une grande partie des frais de voyages et déplacements ne saurait être admise comme étant en relation étroite et inhérente avec son objet social ; qu’il en découle que les actes commis par elle ont visé à éluder l’impôt ; que les distributions cachées de bénéfices opérées s’avèrent dès lors parfaitement justes, même s’il ne saurait bien évidemment être remis en question qu’elles se montrent en effet désavantageuses d’un pur point de vue pécuniaire pour la réclamante, raison pour laquelle elle les conteste ;

Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 janvier 2019, la société (AS) fit introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision précitée du directeur du 22 octobre 2018.

Dans son jugement du 6 mai 2020, le tribunal administratif reçut le recours principal en réformation en la forme, mais quant au fond, le déclara non justifié et en débouta la société (AS), tout en disant qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le recours subsidiaire en annulation. Il rejeta encore la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse et condamna cette dernière aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 août 2020, la société (AS) a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 6 mai 2020.

Elle expose qu’elle aurait organisé, dans le cadre de ses activités, deux « jamborees » à Venise du … au … 2010 et à Florence du … au … 2011, ainsi qu’un « offsite » à Athènes du … au … 2011. Ces événements auraient engendré des frais d’un montant total de … euros, consistant en des frais de transport, d’hébergement, de réservation de salles de réunion et d’organisation d’activités du type « team building », que le bureau d'imposition aurait erronément qualifié, à la suite du rapport de révision, de distributions cachées.

Elle explique ensuite que les « offsites » seraient des évènements organisés par l’entreprise hors du lieu de travail habituel, mais pendant les jours de travail habituels, auxquels assisteraient des salariés, associés ou non, impliqués dans la gestion de portefeuille des fonds (AS). L’organisation de tels évènements serait très largement répandue et aurait vocation à renforcer le travail d’équipe, ainsi que la cohésion dans l’entreprise et participerait à l’attractivité et à l’image de la société.

Quant aux « jamborees », il s’agirait d’évènements promotionnels organisés par ses soins afin de réunir des dirigeants de sociétés spécialisées dans les nouvelles technologies dans lesquelles les fonds (AS) auraient investi afin de créer un réseau d’échanges entre tous les participants à ces séminaires. Les salariés associés et non associés ainsi que les dirigeants clés dans les investissements de l’appelante et des intervenants tiers auraient assisté à ces « jamborees ». Certains de ces évènements auraient en outre fait l’objet d’une couverture par la presse, laquelle aurait indiqué la présence de personnes influentes lors de ces événements.

Ces évènements auraient été organisés exclusivement à des fins professionnelles, en comportant à la fois des activités professionnelles classiques (p.ex. la revue de la stratégie d’investissement, des performances d’équipes et des investissements et les relations investisseurs) et des activités destinées à renforcer l’esprit d’équipe, et se seraient en outre déroulés en semaine et non pas pendant le weekend.

L’appelante dresse alors pour chacun de ces évènements le relevé des personnes présentes en distinguant entre ses associés-salariés, ses salariés, les personnes clés des cibles des investissements et des tiers intervenants. Elle précise également pour chacun des trois évènements le total des frais pris à sa charge.

En droit, l’appelante reproche au tribunal de ne pas avoir reconnu la déductibilité des charges relatives à ces évènements.

Tout en notant avec satisfaction que le tribunal n’a pas repris le raisonnement de l’administration fondé sur l’article 12 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », et les critères de ventilation de dépenses mixtes, elle soutient que l’article 12, n° 1er LIR, tel qu’il serait invoqué dans le rapport de révision, ne serait pas applicable au cas d’espèce dans la mesure où cette disposition ne trouverait pas à s’appliquer aux collectivités soumises à l’impôt sur le revenu des collectivités. Il découlerait en effet de l’article 162 LIR, ainsi que des articles 1er et 2 du règlement grand-ducal modifié du 3 décembre 1969 portant exécution de l’article 162 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 3 décembre 1969 », que seuls les paragraphes (2) à (5) de l’article 12 LIR pourraient être pris en compte pour l’établissement de l’impôt dû par les collectivités visées, lesdits paragraphes ayant trait à la non-déductibilité de certaines dépenses étrangères au cas d’espèce. Dès lors, la jurisprudence avancée par l’administration afin d’étayer son analyse ne saurait être utilement lui opposée.

Ainsi et dans la mesure où l’article 12, n° 1, LIR ne s’appliquerait pas aux sociétés, il y aurait lieu de confirmer le tribunal dans sa conclusion que ladite disposition légale ne trouverait pas application en l’espèce.

Concernant le caractère déductible des dépenses liées à l’organisation des évènements susvisés, l’appelante se fonde sur l’article 45 LIR pour soutenir qu’au vœu de cette disposition, seraient à considérer comme dépenses d’exploitation les dépenses effectuées dans l’intérêt social de l’entreprise et non seulement celles en lien avec son objet social. Il se dégagerait en plus des travaux parlementaires relatifs à la LIR que la loi se rattacherait à la seule exploitation de l’entreprise pour analyser la cause d’une dépense et si elle est provoquée exclusivement par l’exploitation et non pas aux statuts de la société. Par voie de conséquence, en formulant la condition que les charges devraient être en lien avec l’objet social de l’appelante, le tribunal aurait imposé une condition supplémentaire non prévue par la loi.

Se référant à un arrêt de la Cour administrative du 1er février 2016 (n° 37844C du rôle), l’appelante fait valoir que la jurisprudence reconnaîtrait qu’il ne serait ni requis que la dépense génère un revenu, ni qu’elle soit nécessaire, ni qu’elle profite à l’exploitation en générant des recettes, tout comme elle admettrait que les dépenses déductibles en tant que dépenses d’exploitation ne seraient pas limitées quant à leur montant, le contribuable étant seul juge de la dépense et de son importance. Dès lors, si des dépenses avaient été réalisées exclusivement ou quasi exclusivement à des fins professionnelles, elles seraient déductibles dans leur intégralité.

Quant aux évènements litigieux, l’appelante considère que les modalités de leur organisation ci-avant retracées constitueraient un faisceau d’indices précis et concordants démontrant le lien entre les dépenses litigieuses et son exploitation, de manière qu’elles répondraient à la définition des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 LIR. Elle critique le tribunal pour avoir refusé de reconnaître les liens d’affaires la liant aux dirigeants d’autres entreprises présents lors des « jamborees » et retenu que les évènements auraient bénéficié exclusivement à ses associés, l’appelante renvoyant quant aux preuves de la réalité de ces liens d’affaires aux pièces soumises et aux comptes annuels publiés par les fonds d’investissement gérés par elle.

A titre subsidiaire, l’appelante soutient qu’à défaut de pouvoir être considérée comme une dépense d’exploitation et en présence d’avantages alloués aux associés, une dépense effectuée par la société pourrait être qualifiée de distribution cachée de bénéfice au sens de l’article 164, alinéa (3), LIR. Cependant, un salarié non associé, un client ou un partenaire commercial ne pourraient pas être considérés comme associés au sens de cette disposition à défaut d’un lien participatif avec la société dans leur chef et un avantage accordé tant aux associés employés et à d’autres salariés de l’entreprise ne pourrait pas être considéré comme constitutif d’une distribution cachée.

Le délégué du gouvernement retrace les redressements opérés par le réviseur et repris par le bureau d'imposition et relève que l’appelante ne contesterait plus les reprises autres que celles liées à l’organisation des évènements de l’« offsite » à Athènes et des « jamborees » à Venise et à Florence.

Il estime que la Cour ne pourrait que confirmer l’approche du réviseur, confirmée par le directeur, que les dépenses litigieuses présenteraient un caractère mixte et qu’il serait impossible de procéder, sur base de critères objectifs et contrôlables, à une ventilation entre les dépenses liées à la vie privée et celles en lien avec l’activité de l’appelante, de sorte que leur déduction serait globalement à refuser. Il conteste encore que les pièces soumises par l’appelante en instance d’appel établiraient le caractère professionnel des frais invoqués et sollicite, pour l’hypothèse où la Cour aboutirait à la conclusion contraire, le renvoi devant le directeur afin de ne pas priver l’Etat du double degré de juridiction.

Quant à la qualification des dépenses litigieuses en tant que distributions cachées de bénéfices, le délégué du gouvernement soutient qu’il existerait en l’espèce un faisceau suffisant d’indices rendant des distributions cachées probables et que toutes les personnes autres que les associés de l’appelante et ayant participé aux évènements en cause seraient à considérer comme intéressés au sens de l’article 164, paragraphe (3), LIR au vu de leurs liens étroits avec les associés. Il souligne que le réviseur aurait admis l’existence de distributions cachées au motif qu’une grande partie des frais de voyages et de déplacements ne se trouverait pas en relation étroite avec l’objet social de l’appelante et auraient « manifestement visé à éluder l’impôt ». Cette dernière serait restée en défaut de justifier des conditions de fait dont dépend la diminution d’impôt à laquelle elle aspire.

Liminairement, il importe de préciser les contours du recours dont la Cour se trouve saisie.

Il se dégage du rapport de révision du 1er février 2018 que le réviseur proposa des redressements, que le bureau d'imposition reprit intégralement, d’un montant total de … euros pour l’année 2010 et de … euros pour l’année 2011. Sur ces totaux, les montants de … euros pour l’année 2010 et de … euros visaient le compte 61521 des voyages et déplacements.

A travers sa réclamation et son recours contentieux en première instance, l’appelante a contesté parmi ces redressements visant les voyages et déplacements un total de … euros du chef de l’année 2010 et de … euros du chef de l’année 2011, soit un total de … euros qui englobe les frais en lien avec le « jamboree » à Venise (… euros en 2010), le « jamboree » à Florence (… euros en 2011) et le « offsite » à Athènes (… euros en 2011), mais également les frais d’un « offsite » à Zermatterhof (… euros en 2010).

Or, dans le cadre de son appel sous examen, l’appelante a limité l’exposé de ses moyens aux deux « jamborees » de Venise et de Florence, ainsi qu’à l’« offsite » d’Athènes et les pièces supplémentaires déposées par elle en instance d’appel tendent également à justifier exclusivement la réalité des dépenses liées à ces trois évènements et leur lien avec son entreprise. Par contre, l’appelante ne développe aucune argumentation et ne soumet aucune pièce particulière en ce qui concerne le quatrième évènement du « offsite » à Zermatterhof. Au vu de l’absence de contestation réitérée en instance d’appel, la Cour est amenée à conclure que l’appelante a renoncé à ce volet de son recours et la Cour se trouve utilement saisie du litige seulement en ce qui concerne les trois autres évènements.

La Cour tient ensuite à confirmer les premiers juges dans leur analyse relative à la non-applicabilité en l’espèce de l’article 12, n° 1, LIR, aux termes duquel ne sont pas déductibles « 1. Les dépenses effectuées dans l’intérêt du ménage du contribuable et pour l’entretien des membres de sa famille. Rentrent également parmi ces dépenses les dépenses de train de vie occasionnés par la position économique ou sociale du contribuable, même lorsqu’elles sont faites en vue de profiter ou sont susceptibles de profiter à sa profession ou à son activité ».

En effet, le règlement grand-ducal du 3 décembre 1969, qui énumère les dispositions du titre I de la LIR, intitulé « impôt sur le revenu des personnes physiques », qui sont applicables à l’imposition des organismes à caractère collectif, rend certes applicables, dans son article 1er, les points 2 à 5 de l’article 12 LIR, mais exclut l’applicabilité de l’article 48, n° 7 LIR qui opère un renvoi global aux dispositions de l’article 12 LIR. Il faut en conclure qu’au vu de l’exclusion du renvoi général à l’article 12 LIR et de l’énumération spécifique des seuls points 2 à 5 de l’article 12 LIR comme dispositions applicables dans le cadre de l’impôt sur le revenu des collectivités, l’absence de mention de l’article 12, n° 1 LIR doit emporter son inapplicabilité dans le cadre de l’imposition des revenus d’un organisme à caractère collectif.

L’article 12, n° 1 LIR est en effet particulier à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, vu que seules ces dernières ont une sphère de réalisation de revenus et une sphère privée d’utilisation des revenus, et vise ainsi des dépenses faites par un même contribuable et qui se situent à cheval entre ses sphères de réalisation et d’utilisation des revenus afin de régir la prise en compte de telles dépenses. Or, les sociétés reconnues comme sujets d’impôt n’ont pas une telle sphère privée mais exclusivement une sphère tendant à la réalisation de revenus et de dépenses affectées par elles à des fins étrangères à l’entreprise sont essentiellement susceptibles de soulever des questions liées à leur prise en compte dans le cadre de la détermination du résultat imposable de leur entreprise et de l’application du régime des distributions cachées.

Comme les premiers juges l’ont encore souligné à juste titre, ce constat de la non-applicabilité de l’article 12, n° 1 LIR n’emporte toutefois pas la conclusion que les dépenses en lien avec les évènements en cause et invoquées par l’appelante sont nécessairement déductibles de son bénéfice imposable. Pareille déduction se trouve plutôt conditionnée par l’existence d’un lien suffisant avec l’activité de l’appelante et cette question est régie par l’article 45, paragraphe (1), LIR qui définit comme dépenses d’exploitation les « dépenses provoquées exclusivement par l’entreprise ».

Cette disposition admet ainsi la qualification de dépense d’exploitation s’il existe un lien de causalité suffisamment étroit entre la dépense et le revenu passé, actuel ou à naître et si ce lien présente un caractère d’exclusivité suffisant pour exclure que la dépense a été en réalité engagée pour les besoins personnels d’autres personnes, dont notamment ses associés ou actionnaires, hypothèse dans laquelle ces dépenses pourront s’analyser en distributions cachées de bénéfices au sens de l’article 164, paragraphe (3), LIR.

Alors même qu’une société est tenue de respecter les limites de son objet social dans l’exercice concret de son activité, l’examen de la question du lien causal suffisamment étroit et exclusif d’une dépense est à effectuer par rapport à l’activité concrète de l’entreprise exploitée par la société.

Dans la mesure où l’article 45 LIR requiert au fond la preuve que les frais mis en avant se rapportent exclusivement à l’exploitation de l’entreprise, l’établissement du lien de causalité suffisamment étroit incombe en principe au contribuable à la fois au niveau de la procédure d’imposition conformément aux principes posés par les §§ 171, alinéa (1), 204, alinéa (1), et 205, alinéas (1) et (2), de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et au niveau de la procédure contentieuse eu égard à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives suivant lequel la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable. Dès lors, en ce qui concerne plus particulièrement la question de la déductibilité de dépenses d’exploitation, il appartient non seulement au contribuable de rapporter la preuve de l’existence matérielle de ces dépenses, c’est-à-dire que les dépenses alléguées ont causé une diminution effective de son patrimoine, mais encore la preuve de la relation économique de la dépense alléguée avec la catégorie de revenu choisie (Cour adm.

11 mars 2021, n° 44078C, disponible sur https://justice.public.lu/fr/jurisprudence/juridictions-administratives.html).

D’un autre côté, en matière de principe et pour ce qui est de la notion de dépense d’exploitation, il convient de rappeler en premier lieu qu’étant donné que le droit fiscal soumet à l’impôt l’activité à but de lucre du contribuable qu’il a effectivement réalisée, mais n’affecte pas sa liberté individuelle de définir lui-même l’envergure de son initiative entrepreneuriale, il incombe au seul contribuable de déterminer l’étendue de son activité commerciale, les moyens y engagés et le niveau de profit qu’il entend en tirer. Par voie de conséquence, le contribuable est seul juge de l’opportunité d’une dépense d’exploitation et la notion du lien de causalité n’implique aucun contrôle si la dépense était nécessaire pour l’activité ou si elle était effectivement susceptible de profiter à l’exploitation. Il faut et il suffit que la dépense ait trouvé sa cause exclusive dans l’activité commerciale. De même, le contribuable est seul juge du niveau d’une dépense, c’est-à-dire s’il entend investir des moyens plus ou moins importants à son activité (Cour adm. 1er décembre 2016, n° 37844C du rôle, Pas. adm. 2020, V° Impôts, n° 193).

La Cour constate que les évènements des « offsites » litigieux organisés par l’appelante peuvent être caractérisés en substance, d’après les éléments soumis à la Cour, pour l’ensemble des personnes travaillant pour elle par la substitution des périodes de travail normales dans ses locaux par des périodes de travail distinctes sous la forme de réunions de travail dans un lieu autre, situé en dehors du pays. A cette occasion, l’appelante a pris en charge les frais de transport et d’hébergement des personnes à son service en contrepartie de leur renonciation à la pleine disposition de leur temps libre en dehors des horaires de travail. L’acceptation de cette forme d’exécution alternative du travail a en outre été agrémentée par certaines activités communes d’ordre culturel ou de divertissement et la prise en charge de frais de restauration.

C’est à juste titre que l’appelante argue qu’un évènement ainsi structuré est en son principe de nature à profiter à son entreprise. En effet, alors même que l’organisation d’évènements du style des « offsites » ne rentre pas directement en tant que telle dans l’objet social de l’appelante qui consiste de prime abord en des prestations, travaux et conseils économiques dans les domaines de capital risque, d’entreprises de développement et promotion en informatique et de nouvelles technologies, il n’en reste pas moins que l’appelante a la qualité d’employeur et que la décision de prévoir de tels évènements rentre dans le champ de la gestion de son personnel qui lui permet de réaliser son activité. Il relève ainsi de la discrétion de l’employeur d’admettre qu’un tel évènement en faveur de son personnel permet de combiner des aspects liés à l’exécution du travail, à travers notamment des réunions de travail ou de formation continue, et ceux liés à la cohésion et à l’esprit d’équipe au sein du personnel, ainsi qu’à l’intégration de nouveaux collaborateurs. Il faut y ajouter une stratégie légitime de l’appelante en vue de l’adhésion et de la fidélisation du personnel à la culture d’entreprise, ainsi que du renforcement de l’image notamment sociale de l’entreprise.

Les finalités liées à ce second aspect se trouvent souvent résumées par le terme du « team-building ».

Au vu de ces deux aspects qui sont tous les deux dans l’intérêt de l’entreprise de l’employeur, il y a partant lieu d’admettre que le profit que ce dernier peut escompter retirer de l’organisation d’un tel évènement en faveur de l’ensemble de son personnel doit entraîner que la prise en charge des dépenses y liées doit en principe être considérée comme présentant un lien causal direct et exclusif suffisant avec l’exploitation de l’entreprise, de manière que lesdites dépenses rentrent en principe dans le champ des dépenses d’exploitation. La décision des dirigeants d’une société employant du personnel d’engager les frais liés à l’organisation d’un tel évènement « offsite » relève partant de leur discrétion quant à l’opportunité des dépenses d’exploitation, discrétion que l’administration n’est pas fondée à remettre en question.

Les évènements des « jamborees » sont de nature similaire, sauf que les réunions de travail n’ont pas été limitées au personnel de l’appelante, mais que des responsables d’entreprises cibles des investissements des fonds d’investissements liés à l’appelante ou d’autres personnes du monde économique ont également été invitées à ces réunions et ont pareillement bénéficié de la prise en charge par l’appelante de leurs frais de voyage et d’hébergement.

Ainsi, au-delà des répercussions positives potentielles liées à la tenue d’un « offsite », un tel « jamboree » permet en outre de nouer ou d’entretenir des liens avec les dirigeants des entreprises avec lesquelles l’employeur entretient des relations économiques, en l’occurrence qui sont les cibles des investissements des fonds liés à l’appelante, et d’améliorer la connaissance du propre personnel de l’employeur quant à ces entreprises. Les « jamborees » présentent ainsi pour l’employeur également un avantage dans le cadre de la relation entre l’investisseur en capital et les dirigeants des entreprises cibles en ce qu’il permettent de consolider le réseau relationnel et la confiance mutuelle.

Par voie de conséquence, les conclusions quant à la qualification en tant que dépenses d’exploitation des frais liés à des « offsites » et pris en charge par l’employeur vaut également à l’égard de ces évènements dits « jamborees ».

La Cour tient à ajouter en premier lieu que les programmes des deux « jamborees » de Venise et de Florence, ainsi que de l’« offsite » d’Athènes, tels que soumis par l’appelante et non autrement remis en cause par l’Etat, en prévoyant pour toutes les journées entières à la fois des réunions d’ordre professionnel et d’autres activités, respectent apparemment une balance nécessaire entre les aspects liés à l’activité de l’appelante, correspondant au travail effectué par son personnel, et ceux liés aux autres activités en faveur du personnel, de manière que le lien causal suffisamment étroit et exclusif avec l’activité de l’appelante ne se trouve pas affecté de ce fait et qu’il n’y a pas lieu de conclure que l’appelante aurait en réalité recherché à procurer exclusivement un avantage d’agrément à ses employés.

En deuxième lieu, il se dégage des éléments du dossier que l’appelante a organisé durant chacune des années 2010 et 2011 un « offsite » et un « jamboree », de manière que le nombre de ces évènements ne peut pas non plus être considéré comme excessif par rapport au lien causal suffisamment étroit et exclusif affiché avec l’activité de l’appelante.

En ce qui concerne la preuve de la réalité de l’organisation des trois évènements litigieux et des dépenses y relatives, il est vrai que l’appelante avait soumis au directeur et au tribunal des éléments lacunaires afin de combler les manquements relevés par le réviseur en termes de justification des dépenses litigieuses. Cependant, l’appelante a étayé en deuxième instance son argumentaire par un dossier comportant les indications suffisantes sur les participants et leurs qualités respectives, ainsi que les documents de facturation pour l’essentiel des dépenses et établissant leur réalité et leur lien avec les trois évènements en cause. Les reproches liés à un défaut de preuves suffisantes encore légitimement énoncé dans le jugement entrepris a partant été utilement rencontré par l’appelante.

Au vu de ce constat, il y a encore lieu de rejeter la demande du délégué du gouvernement tendant au renvoi de l’affaire devant le directeur afin de lui permettre l’examen des nouvelles pièces présentées par l’appelante. En effet, ces pièces viennent étayer un moyen développé par l’appelante dès sa réclamation et l’Etat a disposé, suite au dépôt de ces pièces à l’appui de la requête d’appel et à leur communication à l’administration des Contributions directes, d’un délai suffisant en vue de procéder à leur examen et de formuler toutes les contestations concrètes tendant à voir dénier leur force probante pour l’établissement du caractère professionnel des frais invoqués. Faute d’avoir mis à profit cette possibilité de prendre position par rapport aux pièces nouvellement versées par l’appelante, l’Etat ne saurait valablement prétendre à un renvoi devant le directeur en vue d’un examen de ces pièces.

Sur base de ces développements, il y a lieu de conclure que les frais en lien avec le « jamboree » à Venise (… euros en 2010), le « jamboree » à Florence (… euros en 2011) et le « offsite » à Athènes (… euros en 2011) sont à qualifier de dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 LIR dans le chef de l’appelante et que son argumentation principale tendant à la reconnaissance de cette qualification est partant justifiée.

Quant au volet du litige tenant à la qualification des montants en cause en tant que distributions cachées de bénéfices, la conclusion ci-avant dégagée que les frais en lien avec le « jamboree » à Venise, le « jamboree » à Florence et le « offsite » à Athènes constituent dans le chef de l’appelante des dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 LIR - partant des dépenses présentant un lien causal suffisamment étroit et exclusif avec l’activité concrète de l’entreprise exploitée par l’appelante – exclut que les mêmes frais puissent être considérés comme ayant été exposés par l’appelante au profit essentiellement de ses associés sans aucun avantage équivalent pour elle. Il en découle nécessairement que lesdits frais ne sauraient être qualifiés de distributions cachées de bénéfices en faveur des associés de l’appelante.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel sous examen est partiellement justifié et que les frais en lien avec le « jamboree » à Venise (… euros en 2010), le « jamboree » à Florence et le « offsite » à Athènes (un total de … euros en 2011) sont à qualifier dans le chef de l’appelante de dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 LIR au titre des exercices 2010 et 2011. C’est partant à tort que le directeur a rejeté la réclamation de l’appelante et confirmé les Bulletins émis le 28 février 2018 en ce qu’ils ont refusé la déduction desdits frais et les ont qualifiés de distributions cachées de bénéfices, tout comme c’est à tort que le tribunal a rejeté le recours de l’appelante contre la décision directoriale déférée.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros formulée par l’appelante est à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies.

Au vu de la solution du litige, il y a lieu de faire masse des dépens des deux instances et de les imposer à raison de trois quarts à l’Etat et d’un quart à l’appelante.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 3 août 2020 en la forme, au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation partielle du jugement entrepris du 6 mai 2020, réforme la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 22 octobre 2018 (n° C … du rôle) en ce sens que les frais en lien avec le « jamboree » à Venise (… euros en 2010), le « jamboree » à Florence et le « offsite » à Athènes (un total de … euros en 2011) sont à qualifier dans le chef de l’appelante de dépenses d’exploitation au sens de l’article 45 LIR au titre des exercices 2010 et 2011 et ne constituent pas des distributions cachées, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, rejette la demande de la société (AS) tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros, fait masse des dépens des deux instances et les impose à raison de trois quarts à l’Etat et d’un quart à la société (AS).

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 4 mai 2021 au local ordinaire des audiences de la Cour par le vice-président, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 mai 2021 Le greffier de la Cour administrative 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44776C
Date de la décision : 04/05/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-05-04;44776c ?

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