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29/04/2021 | LUXEMBOURG | N°72/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 29 avril 2021, 72/21


N° 72 / 2021 du 29.04.2021 Numéro CAS-2020-00074 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, président, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, président de chambre à la Cour d’appel, Théa HARLES-WALCH, président de chambre à la Cour d’appel, Marc HARPES, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

S

), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, en l’é...

N° 72 / 2021 du 29.04.2021 Numéro CAS-2020-00074 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-neuf avril deux mille vingt-et-un.

Composition:

Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, président, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Serge THILL, président de chambre à la Cour d’appel, Théa HARLES-WALCH, président de chambre à la Cour d’appel, Marc HARPES, premier avocat général, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

S), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

W), défenderesse en cassation, comparant par Maître Monique WIRION, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

___________________________________________________________________

Vu l’arrêt attaqué, numéro 99/20, rendu le 29 avril 2020 sous le numéro CAL-

2019-00467 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 3 juillet 2020 par S) à W), déposé le 7 juillet 2020 au greffe de la Cour ; Vu le mémoire en réponse signifié le 28 juillet 2020 par Marguerite W) à S), déposé le 30 juillet 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Roger LINDEN et les conclusions du premier avocat général Simone FLAMMANG ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant dans le cadre du partage et de la liquidation de la communauté de biens ayant existé entre les époux divorcés S) et Marguerite W), avait, entre autres, constaté que la communauté était redevable à Marguerite W) d’une récompense en relation avec le terrain par elle apporté en communauté. La Cour d’appel a, par réformation, fixé la récompense redue par la communauté à Marguerite W) à un montant plus élevé.

Sur le premier moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce, de l'article du 1469 alinéa 3 Code Civil qui dispose que la récompense revenant à un époux ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir ou à améliorer un bien qui se retrouve , ou jour de la dissolution de la communauté dans le patrimoine emprunteur en ce que l'arrêt a estimé dans sa motivation en page 7, dans l'hypothèse de l'acquisition d'un domicile conjugal conjointement par la communauté qui finance la construction, et le patrimoine d'un conjoint qui finance le terrain, le tout devenant commun par application de l'article 1406 du Code Civil que la récompense revenant au conjoint créancier de récompense devrait être fixée par simple soustraction de la valeur du terrain au jour de la vente, du prix de vente du domicile conjugal, et non pas de la proportion de l'investissement du créancier commun dans l'acquisition alors que la réalisation d'une maison unifamiliale sur un terrain propre d'un conjoint qui devient ainsi commun par le jeu de l'accession est à qualifier d'acquisition d'un nouveau bien commun pour le tout, et non pas d'une , ou d'amélioration de l'immeuble » Dans ce cas, la récompense pour la contribution à l'acquisition est à calculer selon une jurisprudence constante en France et au Luxembourg en proportion des mises initiales faites par chaque patrimoine dans le nouveau bien commun, et non point par soustraction d'un apport réévalué par priorité sur l'autre Les développements plus amples de l'arrêt constitutives d'une violation de la loi correspondent au passage suivant de la motivation Lorsqu'un transfert de valeur a été dûment établi d'une masse propre vers la communauté, la masse créancière de récompense pourra être créditée d'une contrepartie égale, soit au montant de la valeur transmise (la dépense faite), soit au montant de l'avantage qu'en retire la masse débitrice de la récompense (le profit subsistant).

Par profit subsistant on entend l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur au jour de la liquidation.

La jurisprudence citée par les parties, en l'occurrence l'arrêt de la Cour d'appel du 26 novembre 2014 (n° du rôle 400404), précise que dans la mesure où l'article 1406 du Code civil fait référence à une récompense sans autre précision et dans la mesure où, la valeur empruntée (en l'espèce le terrain propre de l'épouse) a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur (en l'espèce la communauté), la récompense consiste dans le profit subsistant, pour la détermination duquel il y a lieu de rechercher et de comparer la valeur du bien en l'état au jour de l'estimation et celle qu'il aurait eue, au même moment, si l'impense n'avait pas été faite: la différence positive, nulle ou même négative, désigne le profit subsistant (cf. Jurisclasseur, Communauté légale, civil, art. 1469 à 1474, Fasc. 55, n° 82).

Le calcul du profit subsistant pour la masse débitrice procède donc d'une simple soustraction : de la valeur du bien amélioré on défalque ce qu'il vaudrait abstraction faite de l'amélioration en question et ce au jour de l'estimation.

Le principe que la communauté doit une récompense égale à la proportion dans laquelle le bien emprunté a contribué à l'acquisition et l'amélioration du bien commun (cf. Cass Civ. 26 septembre 2012, n° 11-20196 Bulletin 2012, I, n°183) ne s'applique que si le bien commun a été financé conjointement par des biens communs et par des biens propres.

…/… En pareil cas de financement partiel, la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la masse créancière ont contribué à la plus-value doit être prise en compte afin de déterminer le montant du profit subsistant. En effet, si l'amélioration n'a été financée que pour fraction par la masse créancière, la récompense est diminuée dans la même proportion.

Il résulte des travaux parlementaires que le législateur voulait garantir au mieux la communauté et le conjoint non-propriétaire contre les risques des dévaluations monétaires. La Commission juridique a proposé de faire tomber dans la masse commune l'ensemble de la construction érigée à l'aide de fonds communs et du terrain propre, si la valeur des constructions au moment où elles sont faites dépasse celle du terrain. La masse propre se trouvera ainsi réduite à une récompense pour la valeur du terrain à l'époque de la liquidation de la communauté. En conséquence, l'époux créancier sera assuré de participer aux augmentations de valeur que le bien propre accru à la communauté a pu réaliser par suite de la dévaluation monétaire et des circonstances économiques.

En l'occurrence, seul le terrain a été emprunté au patrimoine créancier. Le calcul du profit subsistant pour la masse débitrice procède donc d'une simple soustraction : de la valeur du bien commun (immeuble : terrain + construction) on retranche la valeur de ce que le bien commun vaudrait sans le terrain (valeur de la construction).

L'immeuble en cause a été vendu au prix de 645.000 euros, qui représente la valeur du bien commun, dont il y a lieu de retrancher la valeur de la seule construction. Conformément à l'expertise Henx la construction se chiffrait à 376.125 euros.

La partie appelante soutient qu'il faudrait réduire cette évaluation à 78,08 %, réduction due à la différence entre la valeur fixée par l'expert pour tout l'immeuble, soit 826.125 euros, et le prix de vente réel dudit immeuble.

Aucune des parties ne verse en cause les annexes au rapport d'expertise Henx, de sorte qu'à défaut d'autre renseignement il y a lieu de respecter le principe de concordance entre ces deux évaluations et de dire que la valeur de la construction n'est que de 293.660 euros.

La récompense due par la communauté à W) se chiffre donc, par réformation du jugement déféré, au montant de 645.000 - 293.660 = 351.340 euros.

Montant qui sera dans la suite repris au dispositif comme suit :

dit que la communauté est redevable à W) d'une récompense de 351.340 euros en relation avec le terrain par elle apporté en communauté, ».

Réponse de la Cour Il ressort de la motivation de l’arrêt citée au moyen que les juges d’appel n’ont pas fait dépendre le mode de calcul de la récompense revenant au patrimoine emprunté, qui ne pouvait être inférieure au profit subsistant dans le chef du patrimoine emprunteur, de la circonstance que le bien qui s’est retrouvé, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur, avait fait l’objet d’une acquisition ou d’une amélioration, mais de la circonstance que le terrain emprunté, devenu commun par application de l’article 1406, alinéa 2, du Code civil, avait été financé par des fonds provenant exclusivement du patrimoine emprunté.

Il en suit que le moyen manque en fait.

Sur le deuxième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce, de l'article du 1469 alinéa 3 Code Civil qui dispose que la récompense revenant à un époux ne peut être moindre que le profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir ou à améliorer un bien qui se retrouve, ou jour de la dissolution de la communauté dans le patrimoine emprunteur en ce que l'arrêt a estimé dans sa motivation en page 7 que la récompense revenant à l'épouse devrait être fixée par simple soustraction de la valeur du bien amélioré dont on défalquerait ce qu'il vaudrait abstraction faite de l'amélioration en question et ce au jour de l'estimation.

Les développements plus amples de l'arrêt constitutives d'une violation de la loi correspondent au passage suivant de la motivation Lorsqu'un transfert de valeur a été dûment établi d'une masse propre vers la communauté, la masse créancière de récompense pourra être créditée d'une contrepartie égale, soit au montant de la valeur transmise (la dépense faite), soit au montant de l'avantage qu'en retire la masse débitrice de la récompense (le profit subsistant).

Par profit subsistant on entend l'avantage réellement procuré au fonds emprunteur au jour de la liquidation.

La jurisprudence citée par les parties, en l'occurrence l'arrêt de la Cour d'appel du 26 novembre 2014 (n° du rôle 400404), précise que dans la mesure où l'article 1406 du Code civil fait référence à une récompense sans autre précision et dans la mesure où, la valeur empruntée (en l'espèce le terrain propre de l'épouse) a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur (en l'espèce la communauté), la récompense consiste dans le profit subsistant, pour la détermination duquel il y a lieu de rechercher et de comparer la valeur du bien en l'état au jour de l'estimation et celle qu'il aurait eue, au même moment, si l'impense n'avait pas été faite: la différence positive, nulle ou même négative, désigne le profit subsistant (cf. Jurisclasseur, Communauté légale, civil, art. 1469 à 1474, Fasc. 55, n° 82).

Le calcul du profit subsistant pour la masse débitrice procède donc d'une simple soustraction : de la valeur du bien amélioré on défalque ce qu'il vaudrait abstraction faite de l'amélioration en question et ce au jour de l'estimation.

Le principe que la communauté doit une récompense égale à la proportion dans laquelle le bien emprunté a contribué à l'acquisition et l'amélioration du bien commun (cf. Cass Civ. 26 septembre 2012, n° 11-20196 Bulletin 2012, I, n°183) ne s'applique que si le bien commun a été financé conjointement par des biens communs et par des biens propres.

…/… En pareil cas de financement partiel, la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la masse créancière ont contribué à la plus-value doit être prise en compte afin de déterminer le montant du profit subsistant. En effet, si l'amélioration n'a été financée que pour fraction par la masse créancière, la récompense est diminuée dans la même proportion.

Il résulte des travaux parlementaires que le législateur voulait garantir au mieux la communauté et le conjoint non-propriétaire contre les risques des dévaluations monétaires. La Commission juridique a proposé de faire tomber dans la masse commune l'ensemble de la construction érigée à l'aide de fonds communs et du terrain propre, si la valeur des constructions au moment où elles sont faites dépasse celle du terrain. La masse propre se trouvera ainsi réduite à une récompense pour la valeur du terrain à l'époque de la liquidation de la communauté. En conséquence, l'époux créancier sera assuré de participer aux augmentations de valeur que le bien propre accru à la communauté a pu réaliser par suite de la dévaluation monétaire et des circonstances économiques.

En l'occurrence, seul le terrain a été emprunté au patrimoine créancier. Le calcul du profit subsistant pour la masse débitrice procède donc d'une simple soustraction : de la valeur du bien commun (immeuble : terrain + construction) on retranche la valeur de ce que le bien commun vaudrait sans le terrain (valeur de la construction).

L'immeuble en cause a été vendu au prix de 645.000 euros, qui représente la valeur du bien commun, dont il y a lieu de retrancher la valeur de la seule construction. Conformément à l'expertise Henx la construction se chiffrait à 376.125 euros.

La partie appelante soutient qu'il faudrait réduire cette évaluation à 78,08 %, réduction due à la différence entre la valeur fixée par l'expert pour tout l'immeuble, soit 826.125 euros, et le prix de vente réel dudit immeuble.

Aucune des parties ne verse en cause les annexes au rapport d'expertise Henx, de sorte qu'à défaut d'autre renseignement il y a lieu de respecter le principe de concordance entre ces deux évaluations et de dire que la valeur de la construction n'est que de 293.660 euros.

La récompense due par la communauté à W) se chiffre donc, par réformation du jugement déféré, au montant de 645.000 - 293.660 = 351.340 euros.

Montant qui sera dans la suite repris au dispositif comme suit :

dit que la communauté est redevable à W) d'une récompense de 351.340 euros en relation avec le terrain par elle apporté en communauté, alors que l'attribution d'une récompense à un patrimoine doit se mériter par, être la contrepartie d'un sacrifice initial du patrimoine récompensé, et ne pas constituer l'attribution d'une somme sans lien causal ou corrélation avec un effort du patrimoine créancier de récompense, en l'espèce l'évolution favorable de l'économie luxembourgeoise ayant provoqué une hausse extraordinaire de la valeur des terrains dans certaines régions du pays, au lieu de faire profiter tant la communauté que le patrimoine créancier de récompense proportionnellement à cette manne : c'est donc une récompense sans contrepartie ».

Réponse de la Cour La récompense due au patrimoine emprunté par le patrimoine emprunteur a pour vocation de compenser un transfert de valeurs d’un patrimoine vers un autre, réalisé pendant le régime matrimonial, toute idée de mérite lui étant étrangère.

Il en suit que le moyen n’est pas fondé.

Sur le troisième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce, de l'article du 1406 alinéa 2 Code Civil qui dispose que lorsque des constructions ont été érigées au moyen de fonds communs sur un terrain propre, l'immeuble devient commun pour le tout sauf récompense, si la valeur des constructions dépasse celle du terrain au moment de la construction en ce que les premiers juges ayant raisonné comme s'il fallait procéder en quelque sorte à une reprise d'un bien non entré en communauté comme dans la situation visée par l'article 1467 du Code Civil, ce qui justifierait alors que le conjoint ex-propriétaire du terrain pourrait simplement obtenir l'intégralité de la valeur du terrain à la liquidation alors que ce terrain ne lui appartient plus depuis l'achèvement de la construction par l'effet de l'accession Les développements plus amples de l'arrêt constitutives d'une violation de la loi correspondent au passage suivant de la motivation Il résulte des travaux parlementaires que le législateur voulait garantir au mieux la communauté et le conjoint non-propriétaire contre les risques des dévaluations monétaires. La Commission juridique a proposé de faire tomber dans la masse commune l'ensemble de la construction érigée à l'aide de fonds communs et du terrain propre, si la valeur des constructions au moment où elles sont faites dépasse celle du terrain. La masse propre se trouvera ainsi réduite à une récompense pour la valeur du terrain à l'époque de la liquidation de la communauté. En conséquence, l'époux créancier sera assuré de participer aux augmentations de valeur que le bien propre accru à la communauté a pu réaliser par suite de la dévaluation monétaire et des circonstances économiques.

alors que dans l'hypothèse prévue par l'article 1406 alinéa 2 du Code civil, l'ensemble immobilier constitué par la construction érigée et le terrain deviennent irrévocablement commun pour le tout et appartiennent à la communauté dès l'achèvement de la construction qui doit pouvoir profiter d'une appréciation du bien due aux circonstances économiques et y participer, de sorte que c'est bel et bien la communauté qui profite de l'accroissement de la valeur de cet ensemble et non seulement le conjoint ex-propriétaire du terrain en question de sorte que ce dernier ne saurait profiter seul de la plus-value du terrain ; ».

Réponse de la Cour Le grief tiré de la violation de l’article 1406, alinéa 2, du Code civil vise une disposition étrangère au litige, la récompense dont il y est question étant à calculer en application de l’article 1469, alinéa 3, du Code civil.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.500 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le recours ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

le condamne aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Monique WIRION, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le conseiller Eliane EICHER en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Daniel SCHROEDER.

Grand-Duché de Luxembourg Luxembourg, le 20 janvier 2021 PARQUET GENERAL CITE JUDICIAIRE Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation S) contre W) N° CAS-2020-00074 du registre Le pourvoi en cassation, introduit à la requête de S), signifié en date du 3 juillet 2020 à W) et déposé le 7 juillet 2020 au greffe de la Cour, est dirigé contre un arrêt rendu le 29 avril 2020 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro CAL-2019-00467 du rôle.

L’arrêt a été signifié le 7 mai 2020 à S).

Le pourvoi, déposé dans les forme et délai de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation telle que modifiée, est recevable.

Le mémoire en réponse de W), signifié le 28 juillet 2020 à S) en son domicile élu et déposé le 30 juillet 2020 au greffe de la Cour, peut être pris en considération pour avoir été signifié dans le délai et déposé conformément aux prescriptions de la loi.

Faits et rétroactes W) et S) ont contracté mariage le 31 janvier 1975.

Par contrat de mariage, ils ont adopté le régime matrimonial de la communauté universelle.

Au moment du mariage, W) était propriétaire d’un terrain à bâtir à

____, acquis le 4 octobre 1974 au prix de 12.890,46.- euros. Fin 1975, les époux y ont construit une maison unifamiliale, dont le prix a été évalué par voie d’expertise, au moment de la construction à 131.682.- euros.

Le couple S)-W) a été divorcé aux torts exclusifs de l’époux par jugement du 5 février 2009.

Sur appel de S) et saisie de contestations dans le cadre de la liquidation et du partage de la communauté universelle ayant existé entre parties, la Cour d’appel a, par arrêt du 8 décembre 20101, ordonné une expertise afin d’évaluer la valeur du terrain ainsi que celle de la construction tant au moment de la construction qu’au moment actuel.

La question qui se posait était celle de savoir si le régime de la communauté universelle adopté par les parties constituait un avantage matrimonial, notamment par rapport à son incidence sur le partage de la maison commune des époux, étant donné que S) se trouvait déchu des avantages matrimoniaux en application de l’article 299 (ancien) du Code civil, le divorce ayant été prononcé à ses torts exclusifs.

A cet égard, le raisonnement des magistrats d’appel était le suivant :

« Au moment du mariage, W) était propriétaire d’un terrain à bâtir de 6,69 ares sis à

____, acquis selon acte notarié du 4 octobre 1974 pour le prix de 520.000 francs (12.890,46 euros) qu’elle a apporté en communauté. Selon S) ce terrain resterait commun même en cas de perte de l’avantage matrimonial par le jeu de l’article 1406 du Code civil, une construction à l’aide de fonds communs ayant été érigée sur ledit terrain. Cette conclusion peut être partiellement correcte si la valeur de l’immeuble est supérieure à celle du terrain, sauf en cas d’application de l’article 299 du Code civil et par le jeu de l’article 1406 du Code civil Marguerite W) a droit à récompense, ce qui n’est pas le cas lors d’une liquidation par partage égal d’une communauté universelle.

1 Farde de pièces de Maître NOESEN, pièce n°2 (…) Comme l’avantage matrimonial s’apprécie au jour de la liquidation, la Cour d’appel estime indiqué de procéder, avant tout autre progrès en cause, à l’institution d’une expertise (…) ».

L’expert commis par la Cour d’appel a fixé la valeur initiale du terrain à 12.890.- euros et sa valeur actuelle2 à 450.000.- euros. Le prix initial de la construction, par contre, a été fixé à 131.682.- euros, contre une valeur actuelle de 376.125.- euros3.

Si au moment de la construction, la valeur de la construction avait donc dépassé celle du terrain, ce rapport s’est inversé en cours de mariage.

Suite à l’expertise, la Cour d’appel a, par un arrêt du 14 mars 2012, décidé4 ce qui suit :

« Afin de déterminer s’il y a eu en l’occurrence avantage matrimonial par l’adoption et le fonctionnement du régime de la communauté universelle, la Cour d’appel avait institué une expertise afin d’évaluer exactement la valeur du terrain apporté en communauté par l’épouse, ceci au vu de l’article 299 du code civil par le jeu duquel un immeuble que l’un des époux a apporté en communauté peut redevenir un propre et au vu de l’article 1406 du même code qui déclare commun pour le tout l’immeuble lorsque les constructions ont été érigées au moyen de fonds communs sur un terrain propre, sauf récompense lorsque la valeur des constructions dépasse celle du terrain au moment de la construction.

L’expert fixe la valeur actuelle du terrain à la somme de 450.000 euros. Ce montant, évalué à la date du 7 mars 2011, dépasse largement le montant de 108.633,33 euros apporté en communauté par S) au courant de l’année 2005, compte tenu même d’une réévaluation de ce montant par l’ajout des intérêts légaux. W)5 a donc tiré des avantages de la communauté universelle conventionnelle. La liquidation de cette communauté devra donc se faire sans tenir compte des avantages matrimoniaux consentis par l’épouse à son mari, comme si les biens apportés par elle n’étaient jamais entrés en communauté.

Le terrain apporté en communauté par W) sera donc traité comme étant un propre de l’épouse. Dès lors que ce terrain est bâti et qu’une construction y a été érigée par les deux époux à l’aide de fonds communs, l’article 1406 du Code civil est susceptible de trouver application.

(…) 2 C’est-à-dire au moment de l’expertise, en 2011 3 Farde de pièces de Maître NOESEN, pièce n°3 : arrêt Cour d’appel, première chambre, 14 mars 2012 4 Idem : arrêt Cour d’appel 14 mars 2012 5 Il faudrait lire « S) » Comme la valeur de la construction a dépassé celle de la place à bâtir, l’immeuble, par le vœu de l’article 1406 du Code civil, est devenu commun pour le tout. » L’affaire a été renvoyée devant les premiers juges pour y voir continuer les opérations de liquidation et de partage ainsi que pour voir statuer sur les éventuelles récompenses.

Saisi de nouvelles difficultés de liquidation et de partage, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a décidé, par jugement du 7 février 20196, que la communauté est redevable à W) d’une récompense de 57.508,02.- euros en relation avec le terrain par elle apporté en communauté.

Pour arriver à cette somme, les premiers juges ont procédé à l’analyse ci-

dessous :

« Par application de l’article 1469 du code civil, la récompense à laquelle W) est en droit de prétendre est égale à la valeur du fond propre dont la communauté a tiré profit réévalué au profit subsistant.

On entend par profit subsistant l’avantage réel procuré au patrimoine emprunteur par les fonds empruntés.

Cet avantage s’apprécie soit au jour de la liquidation, soit au jour de l’aliénation de l’immeuble.

Le mode de calcul de la récompense au profit subsistant varie selon les circonstances de la cause.

Ainsi une récompense avec des travaux d’amélioration est évaluée de manière différente qu’une récompense en relation avec le financement d’un bien.

En l’espèce, la communauté est devenue par application de l’article 1406 du code civil propriétaire d’un bien dont W) a financé une partie.

Aussi, il n’y a pas lieu d’appliquer la méthode d’évaluation relative aux travaux d’amélioration, mais bien celle en relation avec le financement de l’immeuble.

(…) La récompense due à W) par la communauté s’élève ainsi à la multiplication de la division de la valeur empruntée par la valeur totale de l’immeuble au 6 Farde de pièces de Maître NOESEN, pièce n°15 moment de son entrée en communauté avec la valeur de l’immeuble lors de son alinéation soit à 12.890/144.572 x 645.000 = 57.508,02 euros. » Sur appel de W), la Cour d’appel, première chambre, a, par un arrêt du 29 avril 2020, infirmé le mode de calcul de la récompense, devant être égal au profit subsistant, retenu par les premiers juges, en rappelant que cette méthode de calcul ne s’applique « que si le bien commun a été financé conjointement par des biens communs et par des biens propres.

(…) En pareil cas de financement partiel, la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la masse créancière ont contribué à la plus-value doit être prise en compte afin de déterminer le montant du profit subsistant. (…) »7 Se référant aux travaux parlementaires et soulignant que le but du législateur était de garantir au mieux la communauté et le conjoint non-propriétaire contre les risques des dévaluations monétaires, les magistrats d’appel ont souligné que « La commission juridique a proposé de faire tomber dans la masse commune l’ensemble de la construction érigée à l’aide de fonds communs et du terrain propre, si la valeur des constructions au moment où elles sont faites dépasse celle du terrain. La masse propre se trouvera ainsi réduite à une récompense pour la valeur du terrain à l’époque de la liquidation de la communauté. En conséquence, l’époux créancier sera assuré de participer aux augmentations de valeur que le bien propre accru à la communauté a pu réaliser par suite de la dévaluation monétaire et des circonstances économiques. »8 Ils en ont déduit :

« En l’occurrence, seul le terrain a été emprunté au patrimoine créancier. Le calcul du profit subsistant pour la masse débitrice procède donc d’une simple soustraction : de la valeur du bien commun (immeuble : terrain + construction) on retranche la valeur de ce que le bien commun vaudrait sans le terrain (valeur de la construction). »9 En appliquant ce mode de calcul au cas d’espèce leur soumis, les juges d’appel ont décidé, par réformation du jugement entrepris, que W) a droit à une récompense de 351.340.- euros pour le terrain lui ayant appartenu en propre.

Le pourvoi est dirigé contre cet arrêt.

7 Arrêt attaqué, page 8, alinéas 3 et 5 8 Arrêt attaqué page 8, alinéa 6 9 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 7 Quant aux moyens de cassation :

Le demandeur en cassation fait valoir trois moyens qui ont tous trait au mode de calcul mis en œuvre par la Cour d’appel afin de déterminer le profit subsistant, à titre de récompense redue à l’actuelle défenderesse en cassation du chef du terrain qu’elle a apporté en communauté et qui est à traiter comme un bien propre, tel que la Cour l’a décidé dans un arrêt antérieur10, coulé en force de chose jugée.

L’incidence du mode de calcul de la récompense est de taille, dès lors qu’avec le calcul proportionnel, on arrive à une récompense de 57.508,02 euros, tandis qu’en vertu de la méthode appliquée par les magistrats d’appel, celle-ci s’élève à 351.340.- euros.

Quant au premier moyen de cassation :

tiré de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l’espèce de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil en ce que l’arrêt a estimé dans sa motivation en page 7, dans l’hypothèse de l’acquisition du domicile conjugal conjointement par la communauté qui finance la construction, et le patrimoine d’un conjoint qui finance le terrain, le tout devenant commun par application de l’article 1406 du Code civil que la récompense revenant au conjoint créancier de la récompense devrait être fixée par simple soustraction de la valeur du terrain au jour de la vente du prix de vente du domicile conjugal, et non pas de la proportion de l’investissement du créancier commun dans l’acquisition alors que la réalisation d’une maison unifamiliale sur le terrain propre d’un conjoint qui devient ainsi commun par le jeu de l’accession est à qualifier d’acquisition d’un nouveau bien commun pour le tout, et non pas d’une « amélioration du terrain », ou d’amélioration de l’immeuble » dans ce cas, la récompense pour la contribution à l’acquisition est à calculer selon une jurisprudence constante en France et au Luxembourg en proportion des mises initiales faites par chaque patrimoine dans le nouveau bien commun, et non point par soustraction d’un apport réévalué par priorité sur l’autre En substance, le premier moyen de cassation, analysé à la lumière de ses développements, consiste à reprocher aux magistrats d’appel d’avoir considéré 10 Arrêt précité du 14 mars 2012 l’apport d’un terrain ayant appartenu en propre à l’épouse comme amélioration de l’immeuble, au sens de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil, et d’en avoir déduit que le calcul de la récompense revenant de ce chef à l’épouse devait se faire par soustraction de la valeur du terrain, au jour de l’aliénation de l’immeuble, du prix de vente de l’immeuble conjugal.

Selon le demandeur en cassation, l’apport du terrain ayant appartenu en propre à l’épouse, étant devenu commun par le mécanisme de l’accession en vertu de l’article 1406 du Code civil, devrait être analysé en acquisition d’un nouveau bien commun et, par conséquent, la récompense revenant à l’épouse devrait se calculer en fonction de la proportion de cet investissement dans l’immeuble commun.

Tout d’abord, et à titre principal, il faut constater que le moyen manque en fait et semble procéder d’une mauvaise compréhension de l’arrêt attaqué.

En effet, le demandeur en cassation présume, à l’appui de son moyen, que la Cour d’appel a écarté la règle du calcul proportionnel parce qu’elle a considéré l’apport du terrain propre par l’épouse comme une amélioration de l’immeuble commun.

Tel n’a cependant pas été le raisonnement des magistrats d’appel qui ont certes écarté la règle du calcul proportionnel, mais pour une raison différente : ils ont décidé qu’elle ne s’applique que si le bien commun a été financé conjointement par des biens communs et par des biens propres, peu importe qu’il s’agisse d’une acquisition ou d’une amélioration du bien commun.

Le passage pertinent de l’arrêt attaqué se lit ainsi :

« Le principe que la communauté doit une récompense égale à la proportion dans laquelle le bien emprunté a contribué à l’acquisition et l’amélioration du bien commun (cf. Cass Civ. 26 septembre 2012, n°11-20196 Bulletin 2012, I, n°183) ne s’applique que si le bien commun a été financé conjointement par des biens communs et par des biens propres.

Dans l’arrêt de la Cour de cassation française du 26 septembre 2012 les époux avaient, en effet, fait construire pendant le mariage une maison sur un terrain propre de l’épouse, construction qu’ils avaient financée en partie par des deniers propres de celle-ci et en partie par des deniers communs.

En pareil cas de financement partiel, la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la masse créancière ont contribué à la plus-value doit être prise en compte afin de déterminer le montant du profit subsistant. En effet, si l’amélioration n’a été financée que pour fraction par la masse créancière, la récompense est diminuée dans la même proportion.»11 11 Arrêt attaqué, page 8, alinéas 3 à 5 Par contre, dans l’hypothèse soumise à la Cour d’appel, c’est-à-dire une construction commune, financée par des deniers communs, érigée sur un terrain emprunté au patrimoine d’un seul conjoint, les magistrats d’appel ont décidé que le calcul de la récompense revenant à ce dernier, devant être égale au profit subsistant, « procède donc d’une simple soustraction : de la valeur du bien commun (immeuble : terrain + construction) on retranche la valeur de ce que le bien commun vaudrait sans le terrain (valeur de la construction) »12.

Ce n’est donc point la qualification d’amélioration ou d’acquisition, tel que le soutient le moyen, qui a conditionné le mode de calcul employé par la Cour d’appel, mais l’absence de financement conjoint de l’immeuble devenu commun pour tout, la masse créancière, en l’espèce celle de l’épouse, ayant financé le terrain lui ayant appartenu en propre, et la masse emprunteuse, à savoir la communauté, ayant intégralement financé la construction sur le terrain devenu commun.

Le moyen manquant en fait, il est à rejeter.

A titre subsidiaire, le moyen n’est pas fondé.

L’article 1469 du Code civil est rédigé ainsi :

« La récompense est, en général égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant.

Elle ne peut, toutefois, être moindre que la dépense faite quand celle-ci était nécessaire.

Et elle ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se trouve, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur. Si le bien acquis, conservé ou amélioré a été aliéné pendant la communauté, le profit est évalué au jour de l’aliénation ; si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le profit est évalué sur ce nouveau bien.

Le montant des récompenses s’apprécie en fonction du profit existant au moment de la liquidation de la communauté. » La loi ne détermine pas le mode de calcul du profit subsistant. C’est donc la jurisprudence qui en a élaboré les critères pertinents.

12 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 7 La règle du calcul proportionnel a été largement appliquée par la jurisprudence luxembourgeoise.

Par un arrêt du 26 novembre 201413, cité par l’actuel demandeur en cassation, la Cour d’appel l’a employée dans une hypothèse similaire à celle ayant donné lieu à l’arrêt attaqué, à savoir l’évaluation de la récompense revenant à l’époux du chef d’un terrain lui ayant appartenu en propre sur lequel avait été construit une maison commune, l’immeuble étant devenu commun pour le tout.

Le raisonnement de la Cour d’appel était le suivant :

« En effet, dans la mesure où l’article 1406 du code civil fait référence à une récompense sans autre précision et dans la mesure où, en l’espèce, la valeur empruntée (en l’espèce le terrain propre de l’époux) a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se trouve, au jour de la dissolution de la communauté, dans le patrimoine emprunteur (en l’espèce la communauté), la récompense consiste dans le profit subsistant, pour la détermination duquel il y a lieu de rechercher et de comparer la valeur du bien en l’état au jour de l’estimation et celle qu’il aurait eue, au même moment, si l’impense n’avait pas été faite : la différence positive, nulle ou même négative, désigne le profit subsistant (cf. Jurisclasseur, Communauté légale, civil, art. 1469 à 1474, Fasc. 55, n°82).

Plus particulièrement, lorsque le terrain propre d’un époux, sur lequel est construit l’immeuble à l’aide de fonds provenant de la communauté, est devenu bien commun par accession, la communauté doit à l’époux une récompense égale, non pas à la valeur du bien emprunté, mais à la plus-value procurée par le terrain sur lequel la maison a été implantée et cette plus-value est à déterminer d’après la proportion dans laquelle le bien emprunté à l’époux a contribué à l’acquisition et à l’amélioration du bien commun (cf.

Cass. Civ. 26 septembre 2012, n°11-20196 Bulletin 2012, I, n°182).

Dès lors que la valeur empruntée a servi à procurer un gain concret dans la masse enrichie, la récompense ne peut être moindre que le profit subsistant et aux fins d’évaluer la récompense, il y a lieu de se placer au moment de la liquidation, l’alinéa 4 de l’article 1469 stipulant que « le montant des récompenses s’apprécie en fonction du profit existant au moment de la liquidation de la communauté ».

Le calcul du profit subsistant se fait par une règle de trois en multipliant la valeur empruntée par la valeur actuelle de l’immeuble et en divisant le montant ainsi obtenu par la valeur de l’immeuble au jour de l’emprunt. »14 13 Cour d’appel, 1ère chambre, 26 novembre 2014, n°40040 du rôle 14 Arrêt précité 26 novembre 2014, pages 7 et 8 Cette décision a été suivie par la jurisprudence15 dans des hypothèses similaires.

La méthode de calcul du profit subsistant par application d’une règle de trois ne date pas de l’arrêt du 26 novembre 2014, dès lors qu’on en trouve des exemples antérieurs dans la jurisprudence16. Toutefois, dans ces cas de figure, les circonstances factuelles étaient différentes et la récompense était calculée concernant des cas d’immeubles communs qui avaient été financés de manière conjointe par des fonds propres et des fonds communs.

Dans l’arrêt attaqué, la Cour d’appel se distancie de la méthode de calcul par règle de trois, non pas de manière générale, mais en l’écartant pour le cas d’espèce lui soumis, en précisant qu’elle ne s’applique « que si le bien commun a été financé conjointement par des bien communs et par des biens propres. »17 Elle se réfère à l’arrêt de la Cour de cassation française du 26 novembre 2012, également cité par l’arrêt prémentionné du 26 novembre 2014, et fait observer que les circonstances factuelles ayant donné lieu à cet arrêt de cassation étaient différentes, en ce qu’elles avaient certes trait à la construction d’un immeuble commun sur un terrain propre de l’épouse, mais que le financement de la construction commune avait été réalisée en partie par des deniers propres et en partie par des deniers communs.

Dans le litige soumis à la Cour d’appel, par contre, le terrain était un propre de l’épouse et la construction avait été financée exclusivement par des fonds communs.

Les magistrats d’appel ont souligné que la méthode de calcul proportionnel n’est donc de mise que dans l’hypothèse d’un financement partiel, en expliquant :

« En pareil cas de financement partiel, la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la masse créancière ont contribué à la plus-value doit être prise en compte afin de déterminer le montant du profit subsistant. En effet, si l’amélioration n’a été financée que pour fraction par la masse créancière, la récompense est diminuée dans la même proportion. »18 La référence à la jurisprudence française en la matière est pertinente, au vu de la similitude des textes de loi luxembourgeois et français. L’article 1469 du Code civil luxembourgeois est rédigé de manière analogue à celle de l’article 1469 du Code civil français, aux seules différences près que l’article français ne comporte pas d’alinéa 4 et que l’alinéa 3 du texte luxembourgeois contient 15 Cf. p.ex., Cour d’appel, 1ère chambre 21 décembre 2016, n° 43099 du rôle, Pas. 38, p.324 16 Ex. : Cour d’appel, 1ère chambre 9 juil et 2008, n° 33208 du rôle ; 1er février 2012, n°36537 du rôle 17 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 3 18 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 5 l’expression « au jour de la dissolution de la communauté », alors que le texte français prévoit « au jour de la liquidation de la communauté ». Ces différences n’ont toutefois aucune incidence sur la question litigieuse en l’espèce, à savoir la méthode de calcul, proportionnelle ou non, du profit subsistant.

Selon la jurisprudence française concernant la détermination du profit subsistant, s’agissant de l’hypothèse d’une construction édifiée sur le terrain propre, la récompense due à la communauté19 est égale non pas à la valeur du bien construit, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel elle est implantée, c’est-à-dire à la valeur de l’ensemble diminuée de la valeur du terrain.20 Le calcul à faire est donc bien celui d’une soustraction et non pas d’une règle de trois. En effet, le calcul proportionnel ne s’impose qu’en cas de financement partiel, dès lors que dans cette hypothèse, il faut déterminer dans quelle proportion les fonds empruntés ont contribué au financement de l’acquisition ou de l’amélioration21.

Selon la Cour de cassation française, le profit subsistant représente l’avantage réellement procuré au fonds emprunteur au jour de la liquidation de la récompense. Dès lors, si la récompense doit être fixée d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la masse créancière ont contribué au financement de la nouvelle construction, la plus-value procurée au patrimoine enrichi se détermine, non par une revalorisation de la dépense faite, mais en déduisant de la valeur actuelle de l’immeuble la valeur (qu’il aurait actuellement) dans sa consistance antérieure aux travaux ouvrant droit à récompense22.

Plus particulièrement, dans l’hypothèse de la construction d’un immeuble propre avec des fonds communs, ou inversement, le patrimoine emprunteur doit au patrimoine emprunté une récompense égale, non à la valeur du bien, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel celle-ci était implantée et déterminée d’après la proportion dans laquelle les fonds communs avaient contribué au financement de l’amélioration. En pareil cas, concrètement, la plus-value globale correspond à la valeur de l’immeuble (terrain compris) à la date d’évaluation, diminuée de la valeur du terrain nu à la même date23.

19 A noter que l’article 1406 du Code civil français ne connaît pas l’alinéa 2 du texte luxembourgeois selon lequel, si une construction financée par des fonds communs est érigée sur un terrain propre, l’immeuble devient commun pour le tout, si la valeur de la construction dépasse cel e du terrain au moment de la construction. En France, une construction sur un terrain propre devient un bien propre pour le tout.

20 Lexis 360°, code civil annoté, article 1469 ;

21 Idem 22 Jurisclasseur civil, fascicule unique (articles 1468-1474) : Communauté légale - liquidation et partage – récompenses, n°82 23 Idem, n°84. Voir aussi exemple de calcul, n°96 A l’inverse, si donc la récompense est due du chef d’un terrain propre dans le cas de figure d’un immeuble devenu commun pour le tout, la plus-value se calcule en déduisant de la valeur de l’immeuble (terrain compris) la valeur de la construction.

Or, c’est justement à ce calcul qu’a procédé la Cour d’appel dans l’arrêt attaqué, en retenant :

« En l’occurrence, seul le terrain a été emprunté au patrimoine créancier. Le calcul du profit subsistant pour la masse débitrice procède donc d’une simple soustraction : de la valeur du bien commun (immeuble : terrain + construction) on retranche la valeur de ce que le bien commun vaudrait sans le terrain. »24 C’est donc sans violer le texte visé au moyen, à savoir l’article 1469 alinéa 3 du Code civil, que les magistrats d’appel ont évalué le montant de la récompense revenant à l’actuelle défenderesse en cassation, partant le profit subsistant, de sorte que le moyen laisse d’être fondé.

Quant au deuxième moyen de cassation :

tiré de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l’espèce, de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil en ce que l’arrêt a estimé dans sa motivation page 7 que la récompense revenant à l’épouse devrait être fixée par simple soustraction de la valeur du bien amélioré dont on défalquerait ce qu’il vaudrait abstraction faite de l’amélioration en question et ce au jour de l’estimation alors que l’attribution d’une récompense à un patrimoine doit se mériter par, être la contrepartie d’un sacrifice initial du patrimoine récompensé, et ne pas constituer l’attribution d’une somme sans lien causal ou corrélation avec un effort du patrimoine créancier de récompense, en l’espèce l’évolution favorable de l’économie luxembourgeoise ayant provoqué une hausse extraordinaire de la valeur des terrains dans certaines régions du pays, au lieu de faire profiter tant la communauté que le patrimoine créancier de récompense proportionnellement à cette manne : c’est donc une récompense sans contrepartie Au vœu de son deuxième moyen, tiré à l’instar du premier de la violation de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil, le demandeur en cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir accordé à l’ex-épouse une récompense qui ne serait pas méritée.

24 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 7 Selon la théorie avancée à l’appui du moyen, le patrimoine emprunté ne saurait bénéficier seul de l’incidence d’une évaluation économique favorable sur le bien emprunté et la solution retenue dans l’arrêt attaqué serait injuste, une récompense devant se mériter à proportion du sacrifice initial fourni par le patrimoine emprunté.

Cette thèse est toutefois dénuée de tout fondement juridique, et, plus particulièrement, le texte visé au moyen, à savoir l’article 1469 alinéa 3 du Code civil, ne fait aucune référence aux notions de « mérite » ou de « sacrifice ».

La théorie des récompenses et des créances entre époux constitue un mécanisme régulateur de l’actif et du passif. Elle n’a pour unique vocation que de compenser un transfert indu, mais autorisé, de valeurs d’un patrimoine vers un autre, réalisé pendant le régime matrimonial25.

Le texte que les magistrats d’appel auraient violé est donc étranger au grief invoqué, de sorte que le moyen est inopérant, sinon non fondé.

Quant au troisième moyen de cassation :

tiré de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l’espèce, de l’article 1406 alinéa 2 du Code civil en ce que les premiers juges ayant raisonné comme s’il fallait procéder en quelque sorte à une reprise d’un bien non entré en communauté comme dans la situation de l’article 1467 du Code civil, ce qui justifierait alors que le conjoint ex-propriétaire du terrain pourrait simplement obtenir l’intégralité de la valeur du terrain à la liquidation alors que ce terrain ne lui appartient plus depuis l’achèvement de la construction par l’effet de l’accession alors que dans l’hypothèse prévue par l’article 1406 alinéa 2 du Code civil, l’ensemble immobilier constitué par la construction érigée et le terrain deviennent irrévocablement communs pour le tout et appartiennent à la communauté dès l’achèvement de la construction qui doit pouvoir profiter d’une appréciation du bien due aux circonstances économiques et y participer, de sorte que c’est bel et bien la communauté qui profite de l’accroissement de la valeur de cet ensemble et non seulement le conjoint ex-propriétaire du terrain en question de sorte que ce dernier ne saurait profiter seul de la plus-

value du terrain Tout en mettant en œuvre le grief de la violation de l’article 1406 du Code civil, le moyen a encore trait, à l’instar des deux autres, au mode de calcul du 25 Jurisclasseur, Synthèse : Dissolution, liquidation, partage dans la communauté légale, n°26 profit subsistant pour l’évaluation de la récompense redue à l’actuelle demanderesse en cassation du chef du terrain lui ayant appartenu en propre.

Dans l’arrêt attaqué, la Cour d’appel n’a pas fait application de l’article 1406 alinéa 2 du Code civil, dès lors que la question de la mise en œuvre de ce texte a été tranché par un arrêt préalable26, tel qu’exposé ci-dessus.

L’arrêt attaqué tient compte de cette décision antérieure en précisant qu’« en l’occurrence, seul le terrain a été emprunté au patrimoine créancier »27 ainsi qu’en s’adonnant au calcul d’une récompense, ce qui ne se conçoit que si l’on considère que le terrain, qui avait été un propre de l’épouse, est devenu commun en vertu du principe énoncé à l’article 1406 alinéa 2 du Code civil, ouvrant ainsi droit à une récompense.

Cette disposition légale ne prévoit toutefois aucune règle pour l’évaluation de la récompense. Celles-ci sont énoncées par l’article 1469 du Code civil, texte auquel se réfèrent d’ailleurs les développements du moyen.

De nouveau, il faut constater que le texte visé au moyen est étranger au grief invoqué, de sorte que le moyen est inopérant, sinon laisse d’être fondé.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur général d’Etat, le premier avocat général, Simone FLAMMANG 26 Cour d’appel 14 mars 2012 27 Arrêt attaqué, page 8, alinéa 7 22


Synthèse
Numéro d'arrêt : 72/21
Date de la décision : 29/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-04-29;72.21 ?

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