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06/04/2021 | LUXEMBOURG | N°45383C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 06 avril 2021, 45383C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45383C du rôle Inscrit le 17 décembre 2020 Audience publique du 6 avril 2021 Appel formé par l’association sans but lucratif (ASBL), …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2020 (n° 44514 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre des décisions de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et de la commune de Bissen en présence de la société à responsabilité limitée (K), …, en matière d’accès aux informations Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 45383C du rôle et déposée au gr

effe de la Cour administrative le 17 décembre 2020 par Maître Thibault CHEVRIER,...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 45383C du rôle Inscrit le 17 décembre 2020 Audience publique du 6 avril 2021 Appel formé par l’association sans but lucratif (ASBL), …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 novembre 2020 (n° 44514 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre des décisions de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et de la commune de Bissen en présence de la société à responsabilité limitée (K), …, en matière d’accès aux informations Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 45383C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 17 décembre 2020 par Maître Thibault CHEVRIER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats au Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif (ASBL), ayant son siège à L-…, représentée par son conseil d’administration en fonctions, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, dirigée contre le jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 9 novembre 2020 (n° 44514 du rôle) à travers lequel le tribunal déclara d’abord recevable l’intervention volontaire de la société à responsabilité limitée (K), établie et ayant son siège social à L-…, représentée par ses gérants en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, puis s’est déclaré compétent pour statuer sur son recours en réformation de la décision du 4 juin 2020 émanant de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg et consistant dans le maintien du refus de communication du document intitulé « Memorandum of Understanding » signé entre l’Etat, la commune de Bissen et l’entreprise (H), de même que contre le silence conservé par la commune de Bissen pendant un délai d’un mois à compter de l’avis du 4 mai 2020 de la Commission d’accès aux documents, répertorié sous le n° …, pour dire ce recours également recevable, mais au fond non justifié et en débouter la demanderesse ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Michèle BAUSTERT, en remplacement de l’huissier de justice Catherine NILLES, les deux demeurant à Luxembourg, immatriculées auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg, du 18 décembre 2020 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Bissen, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions, ayant sa maison communale à L-7784 Bissen, 1, rue des Moulins, ainsi qu’à la société à responsabilité limitée (K), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 janvier 2021 par Maître Marc FEYEREISEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Bissen ;

1Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 janvier 2021 par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 5, avenue J. F. Kennedy, représentée pour les besoins de la présente instance d’appel par Maître Serge HOFFMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (K), préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 janvier 2021 par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 17 février 2021 par Maître Thibault CHEVRIER au nom de l’appelante ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 mars 2021 par Maître Serge HOFFMANN au nom de la société à responsabilité limitée (K), préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 17 mars 2021 par Maître Patrick KINSCH pour l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Thibault CHEVRIER, Patrick KINSCH et Marc FEYEREISEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 mars 2021.

Le 3 février 2020, l’association sans but lucratif (ASBL), ci-après « le (ASBL) », demanda au ministre de l’Economie, ci-après « le ministre », la communication d’un document intitulé Memorandum of Understanding, ci-après « le MoU », conclu entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ci-après « l’Etat », la commune de Bissen, ci-après « la commune », et la société à responsabilité limitée (K), ci-après « la société (K) », dans le cadre de la réalisation du projet d’installation d’un Datacenter de l’entreprise (H) à Bissen, cette demande étant libellée comme suit :

« Je vous contacte en ma qualité de mandataire de l'association sans but lucratif (ASBL), ayant son siège à L-…, dans le cadre du dossier du Data Center de (H) afin de solliciter les informations et documents qui suivent.

J'ai pu constater, sur le site de …, que l'Etat aurait conclu un accord - un Memorandum of Understanding - avec le promoteur (H) et l'administration communale de Bissen, qui fixerait des modalités de retrait ou d'interdiction de continuation du projet.

Afin de connaître l'étendue des obligations entre les différents acteurs de ce projet, qui interviennent, du côté des administrations locale et étatique, également à différents stades du processus urbanistique, je vous prie de me transmettre une copie de ce M.O.U.

Pour le bon ordre, je vous précise que cette demande est fondée sur l'article 3 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, ainsi 2que, subsidiairement, sur le fondement de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte. (…) ».

Le même jour, le (ASBL) demanda encore à la commune la communication du même MoU, de même que de la ou des demande(s) d’information de la commune de Bissen à l’Etat concernant la consommation d’eau sur le site de l’entreprise (H) et la réponse éventuellement reçue, la demande adressée à la commune étant libellée comme suit :

« Je vous contacte en ma qualité de mandataire de l'association sans but lucratif (ASBL), ayant son siège à L-…, dans le cadre du dossier du Data Center de (H) afin de solliciter les informations et documents qui suivent.

J'ai pu constater, sur le site de …, que votre administration communale aurait sollicité des informations concernant la consommation d'eau sur le site de (H) :

En ce qui concerne la demande de la mairie de Bissen d'un complément d'informations sur la consommation d'eau et le trafic, le ministre a expliqué qu'il avait parlé, pas plus tard que mercredi, avec la ministre de l'Ecologie, Carole Dieschbourg, du sujet des eaux de refroidissement.

Afin de connaître les informations que vous avez sollicitées, et auprès de qui, je vous serais reconnaissant de me faire parvenir la (ou les) demande(s) d'information que vous avez formulée(s), ainsi que l'éventuelle réponse que vous avez reçue.

Dans ce même article, il est également question de la signature d'un Memorandum of Understanding concernant le projet de Data Center, qui fixerait des modalités de retrait ou d'interdiction de continuation du projet, convention qui serait nouée entre votre administration, l'Etat et (H).

A nouveau, afin de connaître l'étendue des obligations entre les différents acteurs de ce projet, qui interviennent, du côté des administrations locale et étatique, également à différents stades du processus urbanistique, je vous prie de me transmettre une copie de ce M.O.U.

Pour le bon ordre, je vous précise que cette demande est fondée sur l’article 3 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, ainsi que, subsidiairement, sur le fondement de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte. (…) ».

Tandis que la commune de Bissen ne répondit pas à la demande de communication lui adressée, le ministre prit, par un courrier électronique du 4 mars 2020, position comme suit :

« Suite à votre demande ci-joint d'accès au « Memorandum of Understanding » concernant le projet de Data Center de (H), nous sommes au regret de vous informer de ne pas pouvoir y réserver une suite favorable.

En effet, l'article 4, paragraphe 2 de la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, pour autant qu'elle soit applicable au cas d'espèce, discussion qui ne fait pas l'objet de la présente, prévoit qu'une demande d'informations environnementales est refusée lorsque leur divulgation porterait atteinte « à la confidentialité des 3informations commerciales, industrielles et artisanales aux fins de protéger un intérêt économique légitime ».

Par ailleurs, le document faisant l'objet de votre demande est également exclu du droit d'accès prévu par la loi modifiée du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte. En effet, l'article 1er, paragraphe 2, de la loi prévoit une liste de restrictions au droit d'accès nécessaires pour empêcher la communication de documents dont la divulgation porterait atteinte à certains intérêts publics ou privés fondamentaux. Selon l'article 1er, paragraphe 2, de la loi, sont notamment exclus du droit d'accès, les documents relatifs « au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes [visés au paragraphe 1er]. » (…) ».

La commission d’accès aux documents, ci-après « la CAD », ayant été saisie le 27 mars 2020 par le (ASBL), rendit dans sa séance du 4 mai 2020 l’avis suivant, référencé sous le numéro … :

« Par courriel du 27 mars 2020, Maître Thibault Chevrier a, au nom et pour le compte de l'association sans but lucratif (ASBL), ayant son siège à …, et en application de l'article 10 de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte (la « Loi »), saisi la CAD pour avis. Cette saisine fait suite à (I) sa demande de communication datée du 3 février 2020 au Ministère de l'Économie portant sur le Memorandum of Understanding conclu entre l'Etat, le promoteur (H) et l'administration communale de Bissen concernant le projet de data center à Bissen (le « MoU ») et (ii) sa demande de communication datée du 3 février 2020 à l'administration communale de Bissen portant sur le MoU ainsi que sur une demande d'information de la part de l'administration communale concernant la consommation d'eau sur le site de (H).

La CAD a examiné le dossier lors de ses réunions du 2 et du 23 avril 2020.

A. La demande de communication portant sur le MoU :

Dans sa décision de refus du 4 mars 2020 ainsi que lors d'une prise de position complémentaire du 2 avril 2020, le Ministère de l'Économie s'est fondé sur les arguments suivants :

- le MoU ne saurait être considéré comme un document relatif à une activité administrative (article 1er, paragraphe 1er de la Loi);

- le MoU est exclu du droit d'accès étant donné que sa divulgation porterait atteinte au caractère confidentiel des informations financières voire de la stratégie commerciale du promoteur du projet et que l'Etat s'est engagé à la confidentialité de ces informations (article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi).

Le Ministère de l'Économie n'a pas donné suite à la demande de la CAD de lui fournir le MoU afin de pouvoir apprécier la validité du refus de communication sur base de l'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi.

Quant à l'administration communale de Bissen, bien que la demande de communication datée du 3 février 2020 soit restée sans réponse, Me Marc Feyereisen, conseil juridique de l'administration communale de Bissen, a soulevé les arguments suivants lors d'une prise de position complémentaire du 1er avril 2020 :

4 - étant donné que le MoU date du 8 décembre 2017, il est antérieur à l'entrée en vigueur de la Loi et l'obligation de publication ne s'applique pas (article 12 de la Loi); et - le MoU est exclu du droit d'accès sur base de l'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi qui prévoit que sont exclus du droit d'accès, les documents relatifs au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er.

Lors de sa réunion du 23 avril 2020, la CAD a pris connaissance du MoU tel qu'il lui a été transmis par le conseil juridique de l'administration communale de Bissen suite à sa demande.

1. Quant à l'exercice d'une activité administrative (article 1er, paragraphe 1er) :

D'après la circulaire du Premier Ministre du 26 octobre 2018 concernant la mise en application pratique de la loi du 14 septembre 2018 relative à une administration transparente et ouverte ( la « Circulaire »), « sont seuls considérés comme des documents administratifs, les documents produits ou reçus dans le cadre d'une mission de service public. » La Circulaire cite à titre d'exemple les conventions conclues par un ministère ou un établissement public et ayant un lien avec sa mission de service public.

La CAD est d'avis que le Memorandum of Understanding en vue d'implémenter le projet d'un data center à Bissen a été signé dans le cadre d'une mission de service public et se rattache aux compétences de l'État et de l'administration communale de Bissen. Dès lors, le MoU ne se rapporte pas à la gestion d'une activité industrielle et/ou commerciale, mais constitue un document relatif à l'exercice d'une activité administrative de l'État et de l'administration communale de Bissen. La demande de communication se situe par conséquent dans le champ d'application de la Loi tel qu'établi par l'article 1er, paragraphe 1er de la Loi et est à déclarer recevable.

2. Quant au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes (article 1er, paragraphe 2, point 8) L'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi exclut du droit d'accès les documents relatifs « au caractère confidentiel des informations commerciales et industrielles communiquées aux organismes visés au paragraphe 1er ». Le commentaire des articles précise à ce sujet que « Sont visés, par exemple, le secret des procédés portant sur les informations qui permettent de connaître les techniques de fabrication ou le secret des stratégies commerciales qui concerne des informations sur les prix et pratiques commerciales d'une entreprise ».

Après analyse du MoU tel qu'il lui a été communiqué, la CAD considère qu'il ne contient pas de telles informations et qu'il n'est donc pas visé par l'exclusion prévue à l'article 1er, paragraphe 2, point 8 de la Loi.

3. Quant à l'obligation de publication des documents qui ont été créés avant l'entrée en vigueur de la Loi (article 12):

L'article 12 de la Loi prévoit que l'obligation de publication ne vaut pas pour les documents qui ont été créés avant l'entrée en vigueur de la Loi, à savoir avant le 1er janvier 2019. Une communication de ces documents est cependant possible de sorte que le motif de refus invoqué par l'administration communale de Bissen n'est pas conforme à la Loi.

5Partant, la CAD estime que le MoU est communicable au demandeur.

Elle tient toutefois à préciser que l'annexe 1 du MoU contient des données à caractère personnel. Conformément à l'article 6, point 1 de la Loi, il y aura lieu de disjoindre l'annexe 1 du MoU avant toute publication ou communication de ce dernier.

B. La demande de communication portant sur la demande d'information concernant la consommation d'eau sur le site de (H) :

En ce qui concerne la demande de communication portant sur une demande d'information de la part de l'administration communale de Bissen concernant la consommation d'eau sur le site de (H), la CAD note que l'article 1er, paragraphe 1er de la Loi énonce que le droit d'accès porte sur des documents détenus par les organismes visés à ce paragraphe. En outre, l'article 4, paragraphe 1er de la Loi énonce qu'une demande de communication doit être formulée de façon suffisamment précise et contenir les éléments permettant d'identifier un document. Or, en l'espèce, la demande de communication ne porte pas sur un document particulier identifiable. Dès lors, la demande se situe en dehors du champ d'application de la Loi et la condition de forme prévue à l'article 4, paragraphe 1er de la Loi n'est pas remplie. La demande de communication portant sur la demande d'information concernant la consommation d'eau sur le site de (H) est partant à déclarer irrecevable. ».

Par un courrier électronique du 4 juin 2020, le ministre informa le (ASBL) qu’il n’entendait pas suivre l’avis de la CAD, de sorte à rejeter la demande en communication de documents. Ledit courrier électronique étant libellé comme suit :

« La Commission d'accès aux documents (CAD) a adopté son avis en question en date du 4 mai 2020 et l'a transmis le 6 mai 2020 au ministère de l'Économie.

Après un examen juridique, le gouvernement a décidé de ne pas suivre l'avis et de rejeter la demande de communiquer le document sollicité. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2020, le (ASBL) fit introduire un recours tendant à la réformation (1) de la décision du ministre du 4 juin 2020 de maintenir le refus de communication du MoU conclu entre l’État, la commune et l’entreprise (H) par le biais de la société (K), (2) du silence gardé par la commune pendant un délai d’un mois à compter de l’avis de la CAD du 4 mai 2020, et demanda, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, que l’Etat et la commune soient condamnés à procéder à la communication du MoU, ainsi que « des questions-réponses qui se sont nouées entre [l’Etat et la commune] et qui portent sur les estimations de consommation en eau du site de Bissen avec l’implantation du Datacenter de (H) ».

En date du 23 juillet 2020, la société (K) déposa au greffe du tribunal administratif une requête en intervention volontaire.

Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal déclara recevable la requête en intervention volontaire de la société (K) et se déclara compétent pour connaître du recours en réformation, tout en disant celui-ci recevable mais non fondé et en en déboutant la partie demanderesse.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 17 décembre 2020, le (ASBL) a fait entreprendre le jugement précité du 9 novembre 2020, dont il sollicite la réformation 6dans le sens de voir ordonner à l’Etat et à la commune de Bissen de procéder à la communication du MoU dans son chef, de même que de voir ordonner à l’Etat et à la commune de Bissen de procéder à la communication de la demande de la mairie de Bissen en complément d’informations sur la consommation d’eau et le trafic, en lien avec l’implantation du Datacenter de (H), ainsi que la réponse afférente.

La commune se rapporte à la sagesse de la Cour quant à la recevabilité de l’appel, tandis que tant l’Etat que la société (K) en sollicitent le rejet.

L’appel ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Plus loin, il convient de dégager dans un premier stade, les éléments restés litigieux en instance d’appel.

Tout comme le tribunal en première instance, la Cour est amenée à constater d’abord que, contrairement à la procédure précontentieuse, au niveau du contentieux, la demande de communication du (ASBL) se place uniquement dans le cadre de la loi du 14 septembre 2018. De la sorte, tous comme les premiers juges, la Cour n’entre pas dans la discussion de l’applicabilité au cas d’espèce de la loi modifiée du 25 novembre 2005 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement.

A partir de l’ensemble des éléments lui soumis, le tribunal avait dégagé cinq motifs de refus successivement invoqués destinés à sous-tendre le refus de communication critiqué qui étaient les suivants :

1) antériorité du MoU à l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, 2) contestation de la qualité de document administratif du MoU, 3) exclusion tenant à l’existence d’informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 8, de la loi du 14 septembre 2018, 4) exclusion tenant à la capacité des entités visées par la loi du 14 septembre 2018 de mener leur politique économique, financière et fiscale si la publication des documents est de nature à entraver les processus de décision y relatifs, au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 9, de la loi du 14 septembre 2018, 5) caractère non identifiable des échanges portant sur la consommation en eau.

Quant à la demande de communication du MoU, le tribunal analysa les deux premiers motifs de refus. Il vint à la conclusion, par rapport au premier motif de refus, que pour les documents créés avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018, à la date du 1er janvier 2019, cette antériorité constitue un obstacle à leur publication spontanée, tandis qu’elle n’en constitue point en tant que motif de refus de communication.

Par contre, le tribunal analysa le second motif de refus comme étant de nature à sous-tendre utilement le refus de communication du MoU en ce que celui-ci, d’après les premiers juges, n’a pas la qualité de document administratif au sens de la loi du 14 septembre 2018.

A titre superfétatoire, le tribunal analysa alors le troisième motif de refus pour venir à la conclusion que le MoU était à qualifier comme faisant partie des informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 8), de la loi du 14 septembre 2018 pour lesquels un refus de communication aurait pu être valablement opposé à 7la demanderesse. Il en conclut que ce deuxième motif de refus était dès lors également de nature à sous-tendre utilement la décision de refus de communication du MoU au (ASBL).

Sur ce, le tribunal déclara surabondante l’analyse du quatrième motif de refus tiré de l’article 1er, paragraphe (2), point 9), de la loi du 14 septembre 2018 et ayant trait à l’entrave à la capacité des entités y visées de mener leur politique économique, financière et fiscale, en cas de publication des documents visés, dont en l’espèce le MoU.

Quant au deuxième volet du refus de communication concernant les échanges entre parties portant sur la consommation en eau, le tribunal confirma les parties publiques et la tiers intervenante (K) dans leur argumentaire pour retenir que le tribunal, statuant comme juge de la réformation, n’ayant pas été mis en mesure d’identifier les documents précisément visés, avait été amené, par conséquent, à rejeter la demande afférente en application de l’article 4, paragraphe 1er, de la loi du 14 septembre 2018.

Sous cet aspect, le tribunal précisa que s’il avait appartenu à la commune de Bissen d’inviter explicitement la partie demanderesse, en application de l’article 4, paragraphe 2, de la même loi, à préciser sa demande d’information, ce défaut n’était toutefois pas, au moment où statua le tribunal, de nature à influer sur sa décision, dès lors que la partie demanderesse elle-même n’avait pas redressé l’imprécision constatée à la date de la prise en délibéré de l’affaire.

La partie appelante entend condenser la discussion de nature à ramener son appel à trois points :

1) la contestation de la qualité de document administratif du MoU, 2) l’exclusion invoquée tenant à l’existence d’informations commerciales et industrielles confidentielles au sens de l’article 1er, paragraphe (2), point 8, de la loi du 14 septembre 2018, 3) le caractère non identifiable des échanges portant sur la consommation en eau.

C’est d’abord la commune qui, dans son mémoire en réponse, réintroduit le motif de refus tiré de l’antériorité du MoU par rapport à l’entrée en vigueur de la loi du 14 septembre 2018 qu’elle invoque à titre principal et en tant qu’appel incident pour traiter les autres motifs de refus en ordre subsidiaire.

Renvoyant essentiellement à la motivation des premiers juges, la société (K) rejoint la commune en ce qui concerne les motifs de refus maintenus et analysés.

L’Etat prend position par rapport à l’ensemble des cinq motifs de refus initialement dégagés par le tribunal, hormis cependant le premier tenant à la question de l’antériorité. L’Etat ajoute cependant une considération supplémentaire consistant dans l’impossibilité de procéder par « occultation ou disjonction » des mentions du MoU relevant des exceptions légales au droit d’accès.

L’Etat est d’avis, au regard des dispositions de la loi du 14 septembre 2018, que par rapport aux exceptions relatives respectivement aux secrets commerciaux et industriels ainsi qu’à la capacité des organismes administratifs de mener leur politique économique prévus aux points 8 et 9 du paragraphe (2) de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, la possibilité de compromis consistant à procéder par occultation des seuls éléments confidentiels n’existerait pas au vœu même des dispositions de la loi.

8 L’appel incident de la commune est irrecevable en tant que tel, étant entendu que d’après son dispositif le jugement dont appel n’a point causé grief à celle-ci.

La question de l’antériorité sera analysée, suivant les besoins, en tant que moyen de défense de la commune.

Au fond, le nœud du litige est constitué par la question de savoir si le MoU est à considérer comme document administratif au sens de la loi du 14 septembre 2018.

Il est constant en cause que la loi du 14 septembre 2018 ne définit pas directement la notion du document administratif. De manière indirecte, cette notion se trouve visée par l’article 1er de ladite loi qui prévoit le droit d’accès aux documents détenus par les entités y énumérées « dans la mesure où les documents sont relatifs à l’exercice d’une activité administrative », étant entendu, que si tel est le cas, la communication peut encore être exclue dans les hypothèses énoncées au paragraphe (2) du même article 1er, dont celle des points 8 et 9 discutés dans la présente affaire, de même que celle prévue aux articles 6 et 7 de la même loi.

Tel que les premiers juges l’ont correctement dégagé, la loi du 14 septembre 2018 ne fournit pas non plus de définition de « l’exercice d’une activité administrative ».

A défaut de définition dans la loi, il y a lieu de recourir au sens commun des termes employés. L’activité administrative ne revêt pas une fin en soi mais est appelée à servir l’intérêt général bien compris, c’est-à-dire celui de l’ensemble des administrés, partant du public.

En cela, il s’agit d’un service public assuré, non pas, en principe, par des acteurs privés, mais par des entités publiques.

De là, se dégage la notion de service public, qui sous-tend l’activité administrative, laquelle peut dès lors être valablement circonscrite par les termes de mission de service public.

Il en découle que la notion de « documents relatifs à l’exercice d’une activité administrative » peut être circonscrite par l’ensemble des documents pour lesquels il existe un lien suffisant avec la mission de service public de l’entité visée par la loi du 14 septembre 2018 qui les produit ou les reçoit.

Le MoU litigieux qui a été mis à la disposition de la Cour à titre confidentiel, à l’instar de ce qui avait eu lieu en première instance, s’analyse en accord-cadre entre l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ensemble la commune de Bissen, d’un côté, et la société (K), de l’autre, ayant pour objectif l’installation au Luxembourg et, plus particulièrement, sur le territoire de la commune de Bissen d’une activité économique, en l’occurrence la mise en place d’un data center dans l’intérêt du groupe (H).

Tel que les parties l’énoncent elles-mêmes et que l’entendement commun le sous-tend, cette installation nécessite la mise à disposition des terrains nécessaires, privés et publics, ainsi que des sources d’énergie requises, dont l’électricité et l’eau.

Pareil MoU, de manière classique, contient notamment des clauses afférentes en vue de la réalisation du projet, de même que des dispositions pertinentes pour le cas de non-aboutissement.

9De manière patente et générale, la réalisation du projet nécessite d’abord la mise à disposition vérifiée à la fois des terrains nécessaires et des sources d’énergie requises. En cas de non-aboutissement de ces préalables, le projet, tel qu’esquissé, est voué à l’échec.

Rien que ces considérations générales démontrent que les dispositions d’un MoU ont un caractère préalable et s’analysent en accord - cadre de nature essentiellement économique, commerciale et financière, de sorte qu’à la suite des premiers juges, la Cour est amenée à retenir l’absence de lien suffisant vérifié avec la mission de service public des autorités étatiques et communales visées en l’occurrence.

Dans une optique temporelle, les autorités étatiques et communales visées se verront en quelque sorte changer de casque et arborer celles de débitrice de missions de service public une fois qu’en application d’un projet dont la réalisation pratique se trouve potentiellement vérifiée en termes d’acquisition de terrains et de mise à disposition des sources d’énergie requises, le processus de mise en place d’un cadre réglementaire adéquat, notamment en termes d’aménagement du territoire et de règlementation communale d’urbanisme, compte tenu des exigences complémentaires de droit de l’environnement et d’encadrement des établissements classés peut valablement se dérouler avant que les différentes procédures d’obtention des décisions administratives individuelles requises en application de l’ordonnancement juridique mis en place puissent être sollicitées par l’opérateur en quête d’installation.

Ce sera à ces différents niveaux de mise en place de la réglementation d’urbanisme pertinente et de traitement des demandes d’autorisation requises que les auteurs étatiques et communaux changeront le casque de prospecteur économique, préalable à la mission de service public proprement dite, en celui d’administrateur et partant d’organe exerçant une activité administrative débitrice de service public.

A la suite des premiers juges, la Cour vient à la conclusion que le MoU sous analyse ne constitue pas un document administratif au sens de l’article 1er de la loi du 14 septembre 2018, de sorte à ne pas tomber sous les obligations de communication y prévues en principe, nonobstant les cas d’exclusion, étant entendu que tel que les premiers juges l’ont retenu à bon escient, le fait que le document ait été produit avant l’entrée en vigueur de ladite loi le 1er janvier 2019, constitue certes un obstacle à sa publication spontanée mais ne serait pas un motif de refus de plano concernant sa communication.

La réponse à la question qui forme le nœud du problème est de nature à résoudre le présent litige, de sorte que toute analyse plus en avant concernant le MoU est surabondante.

En ce que l’aspect essentiel du débit d’eau à mettre à disposition fait partie intégrale du MoU, sa demande de communication est appelée à suivre la même voie que celle du MoU lui-même.

A ce titre, il convient de préciser, tel que les parties au litige ont pu le tirer au clair lors de l’audience des plaidoiries, que la quantité d’eau requise est évolutive et que compte tenu des progrès scientifiques et techniques, les paramètres considérés en 2017 se trouvent d’ores et déjà dépassés, vers le bas, en termes de quantité d’eau nécessitée en 2021 et devraient l’être encore pour les années à venir. De toute manière, la question devrait être abordée en détail et de manière actualisée dans les dossiers appelés à accompagner les demandes d’autorisation pertinentes, notamment en matière d’établissements classés.

10Dès lors, les refus de communication litigieux à la fois étatique et communal se trouvent à suffisance sous-tendus par des motifs légaux découlant de la notion de document administratif non vérifiée dans le chef du MoU ensemble l’élément de consommation d’eau y afférent, au-delà de toute question d’imprécision de la demande afférente.

Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être justifié et que le jugement dont appel est à confirmer.

L’appelante sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de 2.000 € pour la première instance ainsi que de 2.000 € pour l’instance d’appel à charge des parties publiques.

Eu égard à l’issue du litige, il y a lieu de rejeter les deux demandes.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel principal recevable ;

déclare l’appel incident irrecevable ;

dit l’appel principal non fondé ;

partant, en déboute l’appelante ;

confirme le jugement dont appel ;

écarte les demandes en allocation d’une indemnité de procédure de l’appelante ;

condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour ….

s. … s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 avril 2021 Le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45383C
Date de la décision : 06/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-04-06;45383c ?

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