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18/03/2021 | LUXEMBOURG | N°50/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 18 mars 2021, 50/21


N° 50 / 2021 du 18.03.2021 Numéro CAS-2020-00061 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-huit mars deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

G), demanderesse en cassation,

comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domic...

N° 50 / 2021 du 18.03.2021 Numéro CAS-2020-00061 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-huit mars deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Daniel SCHROEDER, greffier à la Cour.

Entre:

G), demanderesse en cassation, comparant par Maître Marisa ROBERTO, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:

A), défendeur en cassation.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 39/20, rendu le 5 février 2020, sous le numéro CAL-2019-00701 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 27 mai 2020 par G) à A), déposé le 2 juin 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Michel REIFFERS et les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, une instance en divorce est pendante entre A) et G). Le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg s’était déclaré compétent pour connaître d’une demande d’G) à se voir autoriser à déménager avec les enfants communs mineurs en Espagne et avait déclaré cette demande recevable et fondée. La Cour d’appel a, par réformation, déclaré cette demande irrecevable.

Sur le premier moyen de cassation, pris en ses deux branches Enoncé du moyen « tiré de la violation de l'article 53 du Nouveau Code de Procédure Civile, de l'article 1007-1 du Nouveau code de procédure civile et 378-1 dernier alinéa du Code civil, en ce que la Cour d'appel a dit la demande de Madame G) à se voir autoriser à déménager en Espagne avec les deux enfants communs irrecevable au motif que cette demande s'analyserait nécessairement en une demande en fixation de la résidence habituelle des enfants, de sorte qu'en application de principes généraux de droit qui et qu'il y avait en sus un risque de contrariété de jugements alors que la Cour a de fait modifié l'objet du litige (1ère branche), sinon donné une fausse qualification aux faits lui soumis (2ème branche). ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’article 10, alinéa 3, de la même loi peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient modifié l’objet du litige, ni quelle aurait été la fausse qualification qu’ils ont donnée aux faits leur soumis.

Il en suit que le moyen, pris en ses deux branches, est irrecevable.

Sur les deuxième et troisième moyens de cassation réunis Enoncé des moyens 2 le deuxième, « tiré du défaut de base légale, en ce que la Cour d'appel a dit irrecevable G) à se voir autoriser à déménager en Espagne avec les deux enfants communs en retenant, du fait d'une fausse qualification des faits, sinon de la modification de l'objet du litige, l'application du principe général de droit s'opposant à ce , alors qu'il s'agit d'une conséquence juridique erronée au regard de l'objet réel de la demande, laquelle n'avait pas été formulée préalablement devant le juge du fond et relève au surplus d'une erreur manifeste d'appréciation des faits de la Cour d'appel, laquelle a insuffisamment et erronément motivé sa décision en fait et a négligé certaines constatations de fait qui étaient nécessaires pour statuer sur le droit. » et le troisième, « tiré du défaut de base légale, en ce que la Cour d'appel a dit irrecevable G) à se voir autoriser à déménager en Espagne avec les deux enfants communs en retenant, du fait d'une fausse qualification des faits, sinon de la modification de l'objet du litige, qu'il y avait un risque de contrariété de jugement entre sa décision et celle à intervenir au fond à propos des mesures accessoires toujours pendante, alors qu'il s'agit d'une conséquence juridique erronée au regard de l'objet réel de la demande, la Cour d'appel, laquelle a insuffisamment et erronément motivé sa décision en fait et a négligé certaines constatations de fait qui étaient nécessaires pour statuer sur le droit. ».

Réponse de la Cour Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

Il en suit que, faute de la précision requise, les deux moyens sont irrecevables.

Sur le quatrième moyen de cassation Enoncé du moyen « tiré de la violation des articles 378-1 dernier alinéa du Code civil et 1007-1 du Nouveau code de procédure civile, 3en ce que la Cour d'appel a dit irrecevable G) à se voir autoriser à déménager en Espagne avec les deux enfants communs en retenant, du fait d'une fausse qualification des faits, sinon de la modification de l'objet du litige, qu'il y avait un risque de contrariété de jugement entre sa décision et celle à intervenir au fond à propos des mesures accessoires toujours pendante, alors qu'il s'agit d'une conséquence juridique erronée au regard de l'objet réel de la demande et des dispositions de l'article 378-1 du code civil et de l'article 1007-1 du Nouveau code de procédure civile. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué. Les développements en droit qui, aux termes de l’article 10, alinéa 3, de la même loi peuvent compléter l’énoncé du moyen, ne peuvent suppléer la carence de celui-ci au regard des éléments dont la précision est requise sous peine d’irrecevabilité.

Le moyen ne précise pas en quoi les juges d’appel, en déclarant la demande de la demanderesse en cassation irrecevable, auraient violé les dispositions visées au moyen.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

rejette le pourvoi, condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du procureur général d’Etat adjoint John PETRY et du greffier Daniel SCHROEDER.

4 Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation G) contre A) (CAS-2020-00061) Le pourvoi en cassation introduit par G) par un mémoire en cassation signifié le 27 mai 2020 au défendeur en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 2 juin 2020 est dirigé contre un arrêt n°39/20 rendu en date du 5 février 2020 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement (n° CAL-2019-00701 du rôle). Cet arrêt ne semble pas avoir été signifié à la demanderesse en cassation.

Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus à l’article 7 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Le défendeur en cassation n’a pas signifié de mémoire en réponse.

Les faits et rétroactes En date du 25 juin 2018, le défendeur en cassation a assigné la demanderesse en cassation en divorce et il l’a assignée devant le juge des référés afin de voir statuer sur les mesures provisoires durant la procédure de divorce.1 Par requête du 16 mai 2019, la demanderesse en cassation a saisi le juge aux affaires familiales afin de se voir autoriser à déménager avec les deux enfants communs en Espagne.

Par conclusions notifiées en date du 16 juillet 2019, la demanderesse en cassation a demandé cette même autorisation à la chambre du tribunal d’arrondissement appelée à statuer sur le fond du divorce en précisant que cette demande était formulée à titre subsidiaire pour le cas où le juge aux affaires familiales devait se déclarer incompétent.

Par jugement rendu en date du 17 juillet 2019, le juge aux affaires familiales s’est déclaré compétent pour connaître de la demande de la demanderesse en cassation tendant à se 1 L’ancienne procédure de divorce continuait à s’appliquer à ce divorce, conformément à l’article 15 de la loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales, portant réforme du divorce et de l’autorité parentale et portant modification de divers codes et lois 5voir autoriser à déménager en Espagne avec les enfants communs, et l’a déclarée recevable et fondée.

Par ordonnance rendue en date du 18 juillet 2019, le juge des référés a, avant tout progrès en cause, ordonné une expertise pédopsychiatrique et, dans l’attente de la décision à intervenir après le dépôt du rapport d’expertise, il a attribué la garde provisoire des deux enfants communs à la mère. En ce qui concerne la demande de la mère à se voir autoriser à déménager avec les deux enfants en Espagne, il s’est déclaré incompétent sur base de l’article 267 bis du Code civil et il a déclaré cette demande irrecevable sur base des articles 932, alinéa 1er, et 933 du Code civil.

Par exploit d’huissier du 22 août 2019, le défendeur en cassation a relevé appel de cette ordonnance du juge des référés du 18 juillet 2019, laquelle a été confirmée par arrêt de la Cour d’appel du 13 novembre 2019.

Par requête déposée en date du 19 juillet 2019, le défendeur en cassation a également relevé appel du jugement rendu par le juge aux affaires familiales en date du 17 juillet 2019. Par arrêt rendu en date du 9 août 2019, la Cour d’appel a reçu l’appel en la forme et l’a dit partiellement fondé pour décider qu’il y avait lieu de surseoir à statuer en attendant le dépôt du rapport de l’expertise pédopsychiatrique ordonnée par le juge des référés.

Dans un arrêt rendu en date du 5 février 2020, la Cour d’appel a constaté que l’expertise pédopsychiatrique, qui devait être exécutée au Luxembourg, n’a pas encore débutée de sorte que le dépôt du rapport d’expertise n’était pas à prévoir dans les semaines à venir, de sorte que, dans l’intérêt des enfants, il y avait lieu de vider l’instance d’appel.

Par réformation, la Cour d’appel a déclaré la demande la demanderesse en cassation irrecevable.

Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur le premier moyen de cassation :

Le premier moyen de cassation est tiré de la violation de l’article 53 du Nouveau code de procédure civile, de l’article 1007-1 du Nouveau code de procédure civile et de l’article 378-1, dernier alinéa, du Code civil.

Le premier moyen s’articule en deux branches tirées toutes les deux de la violation des trois dispositions visées au moyen.

Le moyen invoque la violation de l’article 53 du Nouveau code de procédure civile ayant trait à l’objet du litige, la violation de l’article 1007-1 du Nouveau code de procédure civile régissant la compétence du juge aux affaires familiales, et la violation de l’article 6378-1 du Code civil régissant l’obligation d’information préalable de l’autre parent, qui pèse sur le parent qui souhaite changer de domicile avec les enfants communs.

Il s’agit de trois cas d’ouverture distincts, de sorte que le moyen est irrecevable sur la base de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Sur les deuxième et troisième moyens de cassation :

Le deuxième et le troisième moyen de cassation sont tirés du défaut de base légale.

Dans ces deux moyens de cassation, la demanderesse en cassation fait grief à l’arrêt entrepris d’avoir déclaré irrecevable sa demande à se voir autoriser à déménager en Espagne avec les deux enfants communs « en retenant, du fait d’une fausse qualification des faits, sinon de la modification de l’objet du litige, l’application du principe général de droit s’opposant à ce « que le juge aux affaires familiales statue au fond sur une demande principale en fixation des conditions et modalités d’exercice de l’autorité parentale si le même juge se trouve déjà saisi d’une demande identique dans le cadre des mesures accessoires au divorce. » » (deuxième moyen) , respectivement « en retenant, du fait d’une fausse qualification des faits, sinon de la modification de l’objet du litige, qu’il y avait un risque de contrariété de jugement entre sa décision et celle à intervenir au fond à propos des mesures accessoires pendantes » (troisième moyen de cassation).

Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.

Le défaut de base légale constitue un moyen de fond qui doit être rattaché à une disposition prétendument violée du fait que la décision attaquée ne constate pas tous les faits nécessaires à la mise en œuvre de cette règle de droit.

Les deux moyens ne précisent pas quelle disposition légale aurait été violée par la Cour d’appel.

Il en suit que les deuxième et troisième moyens sont irrecevables.

Sur le quatrième moyen de cassation :

Le quatrième moyen de cassation est tiré de la violation des articles 378-1 dernier alinéa et 1007-1 du Nouveau code de procédure civile.

7Le quatrième moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable la demande de la demanderesse en cassation à se voir autoriser à résider avec les deux enfants communs en Espagne au motif qu’il existe un risque de contrariété entre sa décision et la décision à intervenir dans l’instance en divorce dont les demandes accessoires n’ont pas encore été vidées par une décision ayant autorité de chose jugée.

Le nouvel article 378-1 du Code civil, tel qu’il résulte de la loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales, portant réforme du divorce et de l’autorité parentale2, dispose :

« Tout changement de domicile de l’un des parents, dès lors qu’il modifie la situation de l’enfant et les modalités d’exécution de l’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent, afin de permettre à l’autre parent, en cas de désaccord, de saisir le tribunal. Le tribunal répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. ».

Aux termes du nouvel article 1007-1, point 7° du Nouveau code de procédure civile, résultant de cette même loi, le juge aux affaires familiales connaît « des demandes relatives à l’exercice de l’autorité parentale à l’exclusion de celles relatives au retrait de l’autorité parentale».

La demanderesse en cassation estime que la recevabilité de sa demande découle des termes mêmes de l’article 378-1 du Code civil.

Le moyen invoque, d’une part, la violation de l’article 378-1 du Code civil, qui régit l’obligation d’information préalable de l’autre parent, qui pèse sur le parent qui souhaite changer de domicile avec les enfants communs, et, d’autre part, l’article 1007-1 du Nouveau code de procédure civile, qui régit la compétence du juge aux affaires familiales.

Il s’agit de deux cas d’ouverture distincts, de sorte que le moyen est irrecevable sur la base de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Subsidiairement :

Avant l’entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, le juge des tutelles était compétent sur la base de l’article 375-1 du Code civil pour statuer sur une demande de transfert de résidence d’un parent avec les enfants à l’étranger lorsqu’une procédure de divorce était 2 En vigueur depuis le 1er novembre 2018, conformément à l’article 16 de la loi, qui prévoit l’entrée en vigueur à partir du 1er du quatrième mois suivant la publication, qui a eu lieu en date du 12 juillet 2018 8en cours3, étant donné qu’il s’agit d’une question se rattachant à l’exercice de l’autorité parentale et non pas d’une mesure provisoire.4 Après l’entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, un arrêt n° 165/19 de la Cour d’appel, chambre des vacations, siégeant en matière civile, rendu en date du 9 août 2019 (n° CAL-2019-00701 du rôle) statuant sur un appel contre un jugement du juge aux affaires familiales du 17 juillet 2019, qui avait autorisé une mère à aller habiter à l’étranger avec les enfants communs, a retenu que la compétence réservée par l’ancien article 375-1 du Code civil au juge des tutelles avait été transférée au juge aux affaires familiales sur base de l’article 1007-1 alinéa 7 du Nouveau code de procédure civile :

« L’ancien article 267 bis du Code civil, qui reste d’application à la présente cause en vertu des dispositions transitoires de la loi du 27 juin 2018, accorde compétence au président du tribunal saisi de la demande en divorce pour statuer en référé sur « les mesures provisoires relatives à la personne, aux aliments et aux biens tant des parties que des enfants », ce qui englobe toutes les mesures portant sur l’organisation de l’autorité parentale et plus précisément sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, à savoir la fixation de la résidence habituelle de l’enfant, l’aménagement des relations personnelles entre parents et enfants, l’exercice de l’autorité parentale par un seul des père et mère et la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants. Les mesures provisoires de référé-divorce organisent la période transitoire de l’instance en divorce et sont essentiellement temporaires, ne valant en principe que pour la durée de l’instance.

L’ancien article 375-1 du Code civil a accordé, en cas de désaccord des parents, compétence au juge des tutelles pour connaître des litiges opposant les père et mère sur ce qu’exige l’intérêt des enfants et portant sur des questions primordiales intéressant la vie et l’éducation des enfants, tels le choix d’un établissement scolaire, l’orientation professionnelle, l’éducation religieuse, l’opportunité d’un traitement médical, le port d’un nom, etc., soit des questions qui ne sont pas liées directement à l’instance en divorce et qui ne sont pas de même nature que les mesures portant sur l’organisation de l’autorité parentale et plus précisément sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

En l’espèce, la demande présentée par [la mère]et le problème sous-jacent a trait à une décision à prendre dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale.

A l’instar du juge de première instance, la Cour constate que le choix du milieu de vie des enfants communs et leur déménagement du Luxembourg vers l’Espagne a nécessairement des répercussions sur leur vie sociale, éducative et 3 p.ex. CA, arrêt tutelle, 1e chambre, n°160/18 du 17.10.2018, CAL-2018-00757 du registre 4 Pour l’incompétence du juge des référés : p.e.x. ord.réf. div. n° 210/2018 du 3 juillet 2018, rôle n°TAL-2018-

00281 9professionnelle. La décision que le juge saisi est amené à prendre à cet égard touche en raison de sa portée à une question de fond, réservée par l’ancien article 375-1 du Code civil au juge des tutelles, en sorte que suite à l’entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, cette compétence est transférée au juge aux affaires familiales, l’article 1007-1 alinéa 7 du Nouveau Code de procédure civile disposant que le juge aux affaires familiales connaît des demandes relatives à l’exercice de l’autorité parentale à l’exclusion de celles relatives au retrait de l’autorité parentale.

C’est partant à juste titre que le juge de première instance s’est déclaré compétent pour connaître de la demande [de la mère]. » Cet arrêt a donc repris la jurisprudence constante antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, qui a toujours écarté la compétence du juge des référés pour connaître d’une demande de transfert de la résidence des enfants à l’étranger au motif qu’il ne s’agissait pas d’une mesure provisoire, mais d’une question de fond, indépendante de l’instance de divorce.

Votre Cour a rendu un arrêt récent dans une affaire similaire, dans laquelle un parent voulait transférer sa résidence à l’étranger avec les enfants communs, pendant qu’une procédure de divorce régie par la législation antérieure à la loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales, portant réforme du divorce et de l’autorité parentale et portant modification de divers codes et lois, était encore pendante. Dans cette affaire, le juge des référés s’était considéré compétent sur base de l’article 932 du Nouveau code de procédure civile.

Dans Votre arrêt n°169/2020 rendu en date du 10 décembre 20205, vous avez cassé l’arrêt entrepris pour les motifs suivants :

« Vu l’article 1007-1, point 7, du Nouveau code de procédure civile qui dispose :

« Le juge aux affaires familiales connaît :

(…) 7° des demandes relatives à l’exercice de l’autorité parentale à l’exclusion de celles relatives au retrait de l’autorité parentale ;

(…). ».

Vu l’article 1007-5 du Nouveau code de procédure civile qui dispose :

« Le juge aux affaires familiales exerce également les fonctions de juge des référés. ».

5 N° CAS-2019-00180 du registre 10Vu l’article 1007-11, paragraphe 1, du Nouveau code de procédure civile qui dispose :

« Dans les cas d’urgence absolue dûment justifiée dans la requête et lorsque le juge aux affaires familiales est déjà saisi par une requête au fond, il peut être saisi d’une requête en référé exceptionnel en obtention de mesures provisoires. ».

Le transfert de résidence de la défenderesse en cassation avec les enfants communs mineurs à l’étranger a trait à une modalité d’exercice de l’autorité parentale.

Suite à l’entrée en vigueur, le 1er novembre 2018, de la susdite loi du 27 juin 2018, en ce qu’elle porte sur les dispositions visées ci-dessus, applicables ratione temporis à la demande de la défenderesse en cassation, présentée le 28 février 2019, le juge aux affaires familiales est, aux termes de l’article 1007-1, point 7, du Nouveau code de procédure civile, compétent pour connaître des demandes relatives à l’exercice de l’autorité parentale et peut, aux termes de l’article 1007-5 du Nouveau code de procédure civile et de l’article 1007-11 du même code, dans les conditions y fixées, statuer en référé.

En retenant que le juge des référés, saisi sur base de l’article 932 du Nouveau code de procédure civile, était compétent pour connaître de la demande de la défenderesse en cassation, les juges d’appel ont violé les dispositions visées ci-

dessus.

Il en suit que l’arrêt encourt la cassation. » Le juge aux affaires familiales est donc seul compétent, à l’exclusion du juge des référés, pour statuer sur une demande de transfert de résidence d’un des parents avec les enfants communs mineurs à l’étranger lorsqu’une procédure de divorce est pendante au fond, et il peut même statuer en référé.

S’il devait toutefois attendre qu’une décision définitive sur les mesures accessoires du divorce soit rendue par le juge compétent pour statuer sur le fond du divorce afin d’éviter tout risque de contrariété de décisions, cette compétence du juge aux affaires familiales serait purement illusoire et les parties ne pourraient obtenir aucune décision sur une demande de transfert de résidence pendant toute la durée de l’instance de divorce et il existerait un véritable vide juridique entraînant un risque de déni de justice.

En déclarant la demande d’G) irrecevable au motif que « le juge aux affaires familles est compétent pour connaître d’une demande principale en fixation des conditions et modalités d'exercice de l'autorité parentale, mais au regard de l’instance principale en divorce comportant une demande accessoire antérieure en fixation de la résidence des enfants présentée par l’appelant, la demande principale présentée par l’intimée postérieurement à celle dans le cadre de l’instance en divorce doit nécessairement être déclarée irrecevable », l’arrêt dont pourvoi a soumis la recevabilité de la demande à une 11condition non prévue par la loi (l’absence de demande accessoire en fixation des conditions et modalités d'exercice de l'autorité parentale présentée dans le cadre de l’instance en divorce) et a violé l’article 1007-1, point 7, du Nouveau code de procédure civile par refus d’application (« Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus »).

La demanderesse en cassation avait précisé dans ses conclusions notifiées en date du 16 juillet 2019, qu’elle ne demandait l’autorisation de transfert de résidence à la 4ème chambre du tribunal d’arrondissement qu’à titre subsidiaire, pour le cas où le juge aux affaires familiales devait se déclarer incompétent. Il n’existait partant pas de risque de contrariété de décisions judiciaires. S’y ajoute que le juge aux affaires familiales a été saisi de la question du transfert de la résidence de la mère et des enfants communs à l’étranger par le dépôt d’une requête en date du 16 mai 2019, et que cette saisine est donc antérieure à la saisine de la juridiction compétente pour statuer sur le divorce, en ce qui concerne cette question.

L’arrêt encourt la cassation.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais les quatre moyens sont irrecevables.

Subsidiairement :

A supposer que le quatrième moyen soit recevable, il est fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le 1er avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50/21
Date de la décision : 18/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-03-18;50.21 ?

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