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21/01/2021 | LUXEMBOURG | N°38219C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 21 janvier 2021, 38219C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38219C du rôle Inscrit le 22 juillet 2016 Audience publique du 21 janvier 2021 Appel formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l. et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 juin 2016 (n° 35751 du rôle) ayant statué sur leur recours contre une délibération du conseil communal de Reisdorf et des décisions du ministre de l’Intérieur et du ministre de l’Environnement en matière de plan d’aménagement général Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 38219C du rôle et dépos

ée au greffe de la Cour administrative le 22 juillet 2016 par Maître Christian BILT...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 38219C du rôle Inscrit le 22 juillet 2016 Audience publique du 21 janvier 2021 Appel formé par la société à responsabilité limitée … s.à r.l. et consorts, …, contre un jugement du tribunal administratif du 9 juin 2016 (n° 35751 du rôle) ayant statué sur leur recours contre une délibération du conseil communal de Reisdorf et des décisions du ministre de l’Intérieur et du ministre de l’Environnement en matière de plan d’aménagement général Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 38219C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 22 juillet 2016 par Maître Christian BILTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de 1. la société à responsabilité limitée …s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par ses gérants en fonctions, 2. Monsieur …, demeurant à L-… et 3. les époux … et …, demeurant ensemble à L-… dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 9 juin 2016 (n° 35751 du rôle) ayant déclaré recevable, mais partiellement fondé seulement leur recours en annulation de la délibération du conseil communal de Reisdorf du … 2014 portant adoption du projet d’aménagement général de la commune de Reisdorf, ainsi que des décisions d’approbation du ministre de l’Intérieur du … 2014 et du ministre de l’Environnement du … 2014 en ce que le tribunal annula partiellement la décision du conseil communal de Reisdorf ainsi que la décision du ministre de l’Intérieur précitées, dans l’unique mesure où elles ont classé en secteur protégé de type environnement construit la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Reisdorf, … de …, sous le numéro …, appartenant à Monsieur … et dans la mesure où elles ont désigné l’ancienne gare de … comme « bâtiment protégé », tout en déclarant ce recours non fondé pour le surplus correspondant essentiellement aux autres volets de la réclamation des appelants ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, immatriculé auprès du tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, du 28 juillet 2016 portant signification de cette requête d’appel à l’administration communale de Reisdorf, établie en sa maison communale à L-9391 Reisdorf, 2, place de l’Eglise, représentée par son collège des bourgmestre et échevins en fonctions avec signification en la personne du bourgmestre ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 21 septembre 2016 par Maître Daniel CRAVATTE, avocat à la Cour, inscrit au table de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de l’administration communale de Reisdorf ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 27 septembre 2016 par Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 13 octobre 2016 par Maître Christian BILTGEN au nom des appelants ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 31 octobre 2016 par Maître Daniel CRAVATTE au nom de l’administration communale de Reisdorf ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maîtres Christian BILTGEN et Daniel CRAVATTE, de même que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 décembre 2016 ;

Vu la rupture du délibéré du 15 décembre 2016 portant institution d’une visite des lieux ;

Vu la visite des lieux du 11 janvier 2017, à l’issue de laquelle l’affaire a été remise maintes fois en termes d’accompagnement de l’aplanissement des difficultés initié par la Cour ;

Vu les courriels respectifs de Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING et de Maître Christian BILTGEN du 5 janvier 2021 ainsi que de Maître Trixi LANNERS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, occupant en remplacement de Maître Daniel CRAVATTE, du 6 janvier 2021 informant la Cour de ce que l’aplanissement des difficultés des prétentions restées ouvertes dans le chef des appelants avait été effectué sur tous les points sauf celui du classement de l’immeuble de Monsieur … sis …, … ;

Vu l’accord des trois mandataires en question de voir prendre l’affaire en délibéré dans cette mesure sans autres formalités ;

Vu la demande de la Cour par courrier du 8 janvier 2021 concernant le maintien par la commune de Reisdorf de son appel incident ;

Vu le courriel de Maître LANNERS du 12 janvier 2021 informant la Cour de ce que la commune de Reisdorf renonçait à son appel incident ;

Sur le rapport complémentaire du magistrat-rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 14 janvier 2021.

Lors de sa séance publique du 13 septembre 2013, le conseil communal de Reisdorf, ci-après le « conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins, ci-après « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après « la loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Reisdorf, ci-après « le PAG ».

Par courrier de leur mandataire du 15 octobre 2013, la société à responsabilité limitée … s.à r.l., ci-après « la société … », Monsieur … ainsi que Monsieur … et son épouse, Madame …, tous ensemble « les consorts … », propriétaires de différentes parcelles situées sur le territoire de la commune de Reisdorf, introduisirent une objection auprès du collège des bourgmestre et échevins contre le PAG.

Lors de sa séance publique du … 2014, le conseil communal adopta ce PAG en ce qui concerne la localité de … par 6 voix pour et 3 voix contre, tout en déclarant recevable et non fondée l’objection des consorts … en prenant position comme suit :

« 1) le conseil communal décide avec 6 voix pour et 3 voix contre de ne pas reclasser les immeubles sis rue « …» en « zone d'habitation» ou « zone mixte villageoise ».

En effet, les autorisations de construire renseignent des « maisons de weekend » et la rue « …» n'est pas entièrement viabilisée suivant l'art. 23 de la loi modifiée du 19/07/2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain. Vu la localisation excentrique et déconnectée de la parcelle ainsi que de l'ensemble de la rue « … » par rapport à …, un développement urbanistique n'est pas souhaité à cet endroit car il contribuerait au développement tentaculaire de la localité.

Le conseil communal tient à préciser que l'avis du « Ministère de l'Intérieur » auquel le réclamant fait référence et suivant lequel « les terrains bordant directement le chemin d'accès serait à reclasser intégralement en zone d'habitation 1 », a été émis en 2010 lors de la procédure d'approbation du PAG suivant la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain - mouture 2004 et que cet avis n'a jamais été rendu public.

Pour rappel, la procédure d'approbation du PAG suivant la loi modifiée de 2004 -

mouture 2004 était la suivante: mise en procédure du projet PAG, avis de la commission d'aménagement, vote provisoire du Conseil communal, enquête publique (présentation publique et période de réclamations), vote définitif du Conseil communal et approbation des Ministres de l'Intérieur et de l'Environnement. Or, le projet PAG mis en procédure en 2009 n'a jamais fait l'objet d'un vote provisoire au Conseil communal. De ce fait, l'avis concerné ne présente aucune validité ni aucun acquis quelconque.

2) Sur la parcelle n°…, le conseil communal décide à l'unanimité de ses voix de modifier la délimitation de la « zone mixte villageoise » à l'arrière de …afin d'y intégrer la terrasse existante. La partie restante de la parcelle n°… est maintenue en « zone de sports et de loisirs – 1 » (REC-1) afin de pérenniser l'utilisation actuelle du sol.

3) Dans la partie écrite du PAG, la « zone mixte villageoise » limite uniquement la surface de vente pour les activités de commerce, pour les autres activités (loisirs, services administratifs, hôtels, restaurants, débits de boissons,…) aucune surface de vente n'est limitée.

4) Les « maisons de weekend » se situant dans les « zones destinées à être libres » profitent de l'application du principe du « droit acquis » (Bestandschutz), c'est-à-dire que la commune ne pourra pas en demander leur démolition. Mais, l'ensemble des bâtisses a été autorisé en tant que « maison de weekend », jamais en tant que « maison d'habitation». Il en est de même pour les autorisations liées à des modifications aux bâtisses qui ne font pas référence à une « maison d'habitation ».

5) Le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d'aménagement général d'une commune prévoit des zones ou espaces définis en exécution de dispositions légales et réglementaires spécifiques découlant de la législation concernant l'aménagement du territoire ainsi que des zones de risques naturels prévisibles.

Le plan d'aménagement partiel « zone inondable et zones de rétention » de la commune de Reisdorf est à reprendre sous cette forme au projet d'aménagement général tant que les nouvelles cartes de zones inondables ne sont pas en vigueur. Il en est de même de la zone de risques naturels prévisibles représentant la crue centennale.

6) Le conseil communal décide avec 6 voix pour et 3 voix contre de maintenir le « secteur protégé d'intérêt communal de type - environnement construit » sur la parcelle n°… ainsi que le « bâtiment protégé » afin de répondre à l'art.2 e) « respect du patrimoine culturel » de la loi modifiée du 19/07/2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

S'agissant en effet de l'ancienne gare à …, la bâtisse appartient au patrimoine bâti et marque le centre de la localité que les élus communaux entendent conserver. L'ancienne gare à … est notamment protégée pour l'authenticité de sa substance bâtie, l'exemplarité du type de bâtiment, son importance architecturale et son témoignage pour l'histoire locale.

Le conseil communal rappelle qu'en novembre 2012, les propriétaires concernés par des bâtisses reprises dans le secteur protégé au niveau de projet d'aménagement général de la commune, ont été invités à une réunion d'information avec les représentants du Service des Sites et Monuments Nationaux où les différents critères de protection des immeubles concernés ont été expliqués et précisés. Aucune objection du réclamant contre un classement des bâtisses concernées n'a été faite à ce moment-là.

Tout projet portant sur ces bâtisses est possible dans les limites de la partie écrite du projet d'aménagement général et en concertation avec le Service des Sites et Monuments Nationaux. Des subventions étatiques peuvent également être demandées lors de travaux de modernisation, rénovation,… 7) Le conseil communal décide avec 6 voix pour et 3 voix contre de maintenir les :

immeubles sis à …, … et …, … en « zone mixte villageoise » resp. en « zone agricole ». Le fait de ne pas vouloir favoriser d'immeubles à appartements resp. de « zone d'habitation 2 » relève d'une décision communale afin de conserver le caractère villageois.

Quant à la définition du zonage (limitation de la surface de vente), le projet d'aménagement général peut prévoir des mesures plus strictes que celles contenues dans la loi modifiée du 19/07/2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain.

8) Tout en analysant le tissu urbain existant, le projet d'aménagement général reflète une image des affectations souhaitées. Etant donné que les immeubles du camping sont déjà existants, il s'agit d'un « droit acquis » (Bestandschutz).

Le conseil communal décide à l'unanimité de ses voix de modifier la zone de sports et de loisirs « REC - 2-» dans la partie écrite du PAG afin de permettre d'implantation d'abris fixes, sans pour autant dépasser 20% du nombre total des emplacements du camping.

9) Cf. point 7) Le conseil communal tient à préciser qu'un hôtel ne représente pas un immeuble résidentiel. En effet, un changement d'affectation de … en immeuble à appartements n'est pas possible alors que des travaux au niveau de … peuvent être entrepris tant que ces travaux ne constituent pas une réaffectation de l'immeuble. De ce fait, les gens qui y séjournent ne peuvent s'inscrire au registre de la population de la commune. » Par courrier de leur mandataire du 14 avril 2014, les consorts … introduisirent une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur dirigée contre la délibération communale précitée du … 2014.

Le … 2014, le ministre de l’Environnement approuva le projet d’aménagement général, tel qu’adopté par le conseil communal de Reisdorf le … 2014, par une décision libellée comme suit :

« Art. 1er - Le projet d'aménagement général tel qu'il a été adopté par le conseil communal de Reisdorf en date du … 2014 est approuvé.

Art. 2.- Tout fonds classé à l'intérieur d'une zone destinée à rester libre conformément au règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu du plan d'aménagement général d'une commune reste soumis aux dispositions de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.

Art. 3. - Les dispositions énoncées aux articles 5, alinéa 1er et 17-33 de la prédite loi du 19 janvier 2004 restent applicables indépendamment du statut de classement par rapport au plan d'aménagement général des fonds auxquels elles pourraient se rapporter.

Les effets du présent arrêté ne préjugent pas de la décision à rendre par la Ministre de l'Environnement en vertu desdits articles en ce qui concerne les fonds grevés de telles servitudes écologiques. (…) ».

Par décision du … 2014, notifiée par courrier daté au 3 novembre 2014 au mandataire des consorts …, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération précitée du conseil communal de Reisdorf du … 2014 et déclara recevable, mais non fondée, notamment la réclamation introduite par les consorts …. Cette décision ministérielle est libellée comme suit dans ses parties pertinentes au présent litige :

« (…) Vu la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l'aménagement communal et le développement urbain ;

Vu son article 18 en vertu duquel le Ministre ayant l'aménagement communal et le développement urbain dans ses attributions décide de l'approbation des projets d'aménagement général ;

Vu la délibération du … 2014 du conseil communal de Reisdorf portant adoption du projet d'aménagement général, parties écrite et graphique ;

Considérant qu'avant de statuer, le Ministre vérifie la conformité du projet d'aménagement général avec les dispositions de la loi précitée et notamment les objectifs énoncés à l'article 2, ainsi qu'avec les plans et programmes déclarés obligatoires en vertu de la loi du 30 juillet 2013 concernant l'aménagement du territoire ou se trouvant à l'état de projet soumis aux communes;

Considérant qu'aucune irrégularité au niveau de la procédure d'adoption, telle qu'elle est décrite aux articles 10 à 18 de la loi précitée, n'a pu être constatée et que les objectifs définis à l'article 2 de la même loi ont entièrement été respectés ;

Considérant les réclamations émanant de (…) Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de la société … …, (…) ;

Considérant que la réclamation émanant de (…) Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de la société … …, tendant à maintenir l'intégralité de la parcelle cadastrale no …, sise à …, en zone mixte villageoise est non fondée; qu'en effet, le classement en zone de sports et de loisirs (REC-1) du terrain litigieux est parfaitement justifié; que ceci est d'autant plus vrai que le conseil communal a déjà fait des concessions au sujet du classement de ladite parcelle suite à la première réclamation des requérants en agrandissant la zone mixte villageoise en ces endroits; que la localité de … ne constitue pas un espace prioritaire au niveau du développement urbain et que partant un développement plus modéré s'impose ;

Considérant que la commune de Reisdorf ne disposait jamais d'un plan d'aménagement général dûment approuvé; que partant toute réclamation invoquant un classement en zone urbanisée ou destinée à être urbanisée en application d'un tel plan, n'est pas fondée;

Arrête:

Art. 1er: La délibération du … 2014 du conseil communal de Reisdorf portant adoption du plan d'aménagement général, parties graphiques et écrite, est approuvée;

Art. 2: Les réclamations émanant de (….) Maître Georges Krieger au nom et pour le compte de la société … … ne sont pas fondées ; (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2015, les consorts … firent introduire un recours tendant à l’annulation de la délibération précitée du conseil communal de Reisdorf du … 2014, ainsi que des décisions d’approbation respectives du ministre de l’Environnement du … 2014 et du ministre de l’Intérieur du … 2014.

Par jugement du 9 juin 2016, le tribunal déclara ce recours recevable et partiellement fondé en annulant la délibération communale et la décision du ministre de l’Intérieur du … 2014 critiquées, dans l’unique mesure où elles ont classé en secteur protégé de type environnement construit la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Reisdorf, … de …, sous le numéro …, appartenant à Monsieur … et dans la mesure où elles ont désigné l’ancienne gare de … comme « bâtiment protégé », tout en déclarant le recours non fondé pour le surplus et en rejetant les demandes respectives de l’appelante tendant à nommer un commissaire spécial et à la production des documents relatifs à un ancien plan d’aménagement général en vigueur sur le territoire de la commune de Reisdorf, de même que la demande en allocation d’une indemnité de procédure des consorts … sur un montant de ….- €.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 22 juillet 2016, (n° 38219C du rôle), les consorts … ont fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 9 juin 2016 dont ils sollicitent la réformation dans le sens de voir annuler les décisions entreprises dans les dispositions jugées contraires aux normes en vigueur, sinon dans leur totalité, de voir procéder à une visite des lieux et de voir ordonner tous autres devoirs de droit.

A la suite des plaidoiries du 6 décembre 2016 lors desquelles l’affaire avait été prise en délibéré, la Cour, par rupture du délibéré du 15 décembre 2016, institua une visite des lieux à laquelle il fut procédé en date du 11 janvier 2017. A la suite de cette visite des lieux, de l’accord des parties, un aplanissement des difficultés a été envisagé pour l’ensemble des prétentions restées ouvertes dans le chef des appelants.

Les discussions entre parties se déroulèrent à travers des années pour aboutir à ce que, par courriels respectifs des 5 et 6 janvier 2021, les mandataires des parties informèrent la Cour qu’un aplanissement des difficultés avait pu être réalisé pour l’ensemble des questions restées ouvertes, sauf celle du classement en zone verte de la propriété de Monsieur … sise …, ….

Par courriel du 8 janvier 2021 la Cour demanda au mandataire de la commune de Reisdorf si celle-ci maintenait cependant son appel incident concernant le classement de la ci-avant gare de … suivant une servitude environnement construit – C.

Par courriel du 11 janvier 2021, le mandataire de la commune informa la Cour que celle-ci renonce à son appel incident.

L’appel incident étant formulé sans autres formalités, par simples conclusions, à condition de s’accrocher utilement à un appel principal, la renonciation à un appel incident, plus particulièrement dans un contexte d’aplanissement des difficultés en matière de refonte d’un plan d’aménagement général, peut être opérée par simple écrit adressé à la Cour de la part du mandataire de la partie qui renonce à son appel incident.

En conclusion, la Cour est amenée à constater que le seul élément restant à toiser en instance d’appel est celui du classement de l’immeuble de Monsieur … sis en zone verte, …, ….

A l’appui de leur requête d’appel, les appelants mettent d’abord en exergue que si la Cour devait être amenée à prononcer l’annulation d’un des actes querellés, elle pourrait se limiter à une annulation partielle dans la limite du classement de leur propre parcelle litigieuse.

En second lieu, par rapport à la décision d’approbation du ministre de l’Environnement du … 2014, les appelants critiquent les premiers juges en ce qu’ils ont rejeté ce volet de leur recours afférent au seul motif que leurs moyens avaient exclusivement trait à des considérations urbanistiques sans invoquer des considérations d’ordre environnemental.

Les appelants estiment au contraire que ce raisonnement serait condamnable dans la mesure où ils ont précisément contesté le classement en zone verte de leurs parcelles sises dans rue …. A leurs yeux, une contestation sur les contours de la zone verte procède bien d’une considération d’ordre environnemental et devrait pouvoir être utilement discutée dans le cadre du recours dirigé contre la décision d’approbation du ministre de l’Environnement.

Quant à la question de savoir quelles dispositions urbanistiques antérieures entrent encore en ligne de compte au titre du classement des terrains litigieux des appelants, ceux-ci estiment, à la base d’une analyse détaillée des dispositions respectives antérieurement applicables, que ce ne serait pas la classification ou non du territoire qui serait un critère utile dans le présent cas, puisque la commune de Reisdorf n’aurait apparemment jamais été dotée d’un PAG, mais que ce serait bien le caractère constructible individuel d’une parcelle qui engendrerait l’obligation pour la commune et les autorités ministérielles de respecter l’urbanisme existant, « sauf argument fort ». Le fait serait que la rue … a été largement urbanisée à partir de décisions individuelles portant autorisations de construire délivrées par les bourgmestres successifs dans le cadre de la réglementation communale d’urbanisme antérieurement applicable, pour autant qu’elle existait.

Concernant plus particulièrement la parcelle litigieuse sise … correspondant au numéro …, …, les appelants estiment qu’au lieu de tenir compte de la configuration actuelle de cette rue et en procédant à un classement des parcelles d’ores et déjà construites, sises dans cette rue, en zone verte, plus particulièrement en zone agricole, les décisions actuellement querellées ignoreraient à la fois l’historique et la configuration précise au moment pertinent à l’endroit donné. A leurs yeux un classement dans le secteur HAB ou MIX-v aurait été plus adéquat, compte tenu des développements qui précèdent.

Les appelants exposent encore qu’à travers le classement opéré par les décisions critiquées, tous travaux d’entretien, d’agrandissement ou de modification des immeubles existants seraient interdits par l’effet de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après « la loi du 19 janvier 2004 », alors que pourtant ces immeubles seraient destinés à l’habitation et non pas à des finalités éligibles au sens de ladite loi.

Les appelants avancent ensuite que la définition des zones agricoles au niveau de l’article 12 du PAG ne répond pas aux conditions de la loi du 19 janvier 2004 et plus particulièrement son article 5. L’amalgame opéré au niveau du PAG serait inconcevable en droit. Au regard de la jurisprudence des juridictions administratives, les appelants ne comprennent pas comment les premiers juges ont pu, dans le jugement a quo, faire abstraction des solutions y retenues et ont de la sorte pu retenir qu’ils ne voyaient pas en quoi la définition actuelle de la zone verte serait contraire à la loi du 19 janvier 2004. Les appelants se réfèrent plus particulièrement à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 septembre 2008 ayant entériné la lecture combinée des articles 5, alinéa 3, et 10, alinéa 3, de la loi du 19 janvier 2004, lecture tenant en échec la définition de la zone verte telle qu’actuellement prévue à l’article 12 du PAG.

Dans un deuxième ordre d’idées, les appelants font valoir que la maison individuelle qu’ils occupent à titre d’habitation permanente et où ils ont établi leur domicile légal devrait précisément induire la qualification d’immeuble relevant d’une zone d’habitation tel que par eux réclamée. Cette qualification s’imposerait d’autant plus que la quasi-totalité des parcelles longeant la rue … serait construite d’un côté de la rue, de sorte qu’il n’aurait pas d’extension inconsidérée à ce niveau. L’argumentaire communal tiré d’une absence d’équipements publics à l’endroit se heurterait à la base aux objectifs de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 ainsi qu’au principe démocratique sous-tendant la Constitution.

Finalement, la commune aurait accepté de voir déclarer des personnes, habitant dans la rue …, de sorte que le règlement communal du 8 octobre 1985 serait actuellement dépassé, sinon implicitement abrogé, notamment par les autorisations de bâtir successives accordées aux propriétaires de la rue … et par l’effet des déclarations de résidence acceptées y relativement par la commune.

Les appelants insistent pour dire qu’en l’occurrence il ne s’agirait pas d’agrandir ou d’étendre une situation mais bien de consacrer une situation acceptée sinon autorisée sous l’égide des anciennes autorités communales ayant permis la construction à l’endroit et l’immatriculation des résidents de ces constructions. La façon de procéder des autorités communales et étatiques, en classant plus particulièrement la parcelle des appelants en zone verte, serait contraire à l’article 16 de la Constitution protégeant directement le droit de propriété ainsi qu’à l’article 1er du Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).

En faisant la somme de tous les arguments présentés, les appelants estiment que la balance pencherait incontestablement en faveur d’un classement de l’immeuble litigieux dans un secteur d’habitation de la rue …, de sorte que les décisions communales et étatiques critiquées seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

Enfin, les appelants signalent que les autorités communales et étatiques devraient se placer dans la continuité des décisions antérieurement prises de même que des erreurs éventuellement commises dans le classement des parcelles du territoire communal à travers les PAG et PAP ayant existé à l’endroit. Ils estiment que si la décision ministérielle d’approbation du PAG de l’époque avait été annulée en 1992, et si le PAP de la … ainsi désignée en avait pâti pour perte de base légale, il n’en resterait pas moins que depuis 25 ans il existerait à l’endroit un ensemble de terrains construits d’une manière ordonnée et que la demande des appelants ne tendrait pas plus ni moins qu’à l’entérinement de l’évidence qu’il s’agit de constructions servant à l’habitation devant logiquement être intégrées dans une zone d’habitation.

La commune fait valoir que les appelants, à travers des acrobaties intellectuelles, essayeraient de justifier un classement de leur parcelle sise … en zone d’habitation. Ces raisonnements baseraient cependant sur des hypothèses erronées contredites par la réglementation en vigueur et par la situation matérielle tant passée qu’actuelle. Il n’y aurait jamais eu une urbanisation des parcelles sises … et pareille urbanisation n’aurait jamais été non plus programmée. Un règlement communal du 8 octobre 1995 retiendrait clairement que lors de la présentation des demandes en autorisations de bâtir pour les lieux-dits « … » et « … », les propriétaires ont été rendus attentifs au fait que les immeubles projetés ne devront être utilisés qu’à la seule fin demandée, c’est-à-dire pour y passer le weekend et les vacances.

Tout simplement les appelants voudraient induire de la situation de maison de weekend une situation de zone d’habitation, jamais initiée comme telle par les responsables de la commune de Reisdorf. Contrairement à l’analyse des appelants, leurs parcelles ne perdraient pas les attributs qui seraient les leurs en ce qu’elles continueraient à accueillir des maisons de weekend dont l’existence ne serait point remise en cause par le classement opéré en zone agricole, les propriétaires disposant bien d’un droit acquis à cet égard, en application notamment de l’article 10 de la loi du 19 janvier 2004, hypothèse également envisagée par l’article 12.4 du PAG précisément dans les zones agricoles.

Il n’y aurait pas non plus une contradiction entre l’article 12 du PAG et la loi du 19 janvier 2004, dans la mesure où ledit article 12 n’autoriserait pas la construction de nouvelles résidences secondaires en zone verte mais règlerait le maintien des constructions existantes. Ceci serait nécessaire dans l’intérêt des propriétaires de celles-ci. La commune réfute encore l’argumentaire des appelants tiré de l’affaire du terrain de golf dans la commune de Waldbillig, les hypothèses étant à la base non comparables.

L’article 12.4 du PAG fixerait clairement les conditions posées en cas de modification des constructions existantes, de même que celles en cas de conservation ou de réduction de la taille initiale voire encore les conditions posées en cas de reconstruction. En cela le PAG respecterait la loi du 19 janvier 2004, dont les articles 5 et 10, tels qu’appliqués par la jurisprudence. Même si une quelconque contradiction devait être dégagée entre ces deux séries de textes, celle-ci ne justifierait le reclassement sollicité par les appelants. L’argument des appelants suivant lequel durant un certain temps les résidents des maisons de weekend litigieuses auraient pu obtenir une inscription sur le registre de la population devrait également rester sans caractère pertinent eu égard notamment aux dispositions du règlement communal du 8 octobre 1985, précité, qui resterait d’actualité, dans la mesure où elle ne seraient pas touchées de la législation en la matière, à savoir la loi du 25 juin 2013 concernant les authentifications des personnes. Face à l’argument des appelants estimant que leur immeuble érigé permettrait de facto une résidence à titre habituel, la commune se réfère à l’adage nemo auditur, ainsi qu’à l’engagement initialement pris par les propriétaires autorisés à construire la maison de weekend dont s’agit.

En substance, la commune justifie comme suit le classement opéré du terrain litigieux en zone agricole : - la rue se trouve en pleine forêt, coupée de manière significative de toute autre trace d’urbanisation - la rue n’est pas aménagée en tant que telle parce que trop étroite et d’ailleurs les services secours (incendie) auraient de graves difficultés pour y rentrer – la rue n’est pas connectée à la canalisation – les services d’enlèvement des ordures n’y accèdent pas – la rue sort sur une route nationale, la …, présentant une circulation routière de haute envergure et un risque d’accidents graves accru – la construction de nouveaux immeubles au-delà de ceux existants entraînerait une atteinte grave à la nature.

En relation avec les autorisations antérieurement accordées en vue notamment de la transformation de leur maison de weekend, la commune estime qu’en aucune manière pareille autorisation n’aurait impliqué que la construction serait dorénavant à analyser en maison d’habitation. La commune rappelle enfin les arguments d’ordre urbanistique à la base du classement en zone agricole du terrain litigieux consistant notamment en l’évitement de tout développement tentaculaire de la localité de …, de l’analyse en tant que maison de weekend ainsi que de l’absence de raccordement aux infrastructures nécessaires afférentes, tel que ces motifs auraient été entérinés à juste titre par les premiers juges. Si enfin l’admission plus particulièrement du terrain litigieux en zone d’habitation serait d’un intérêt financier pour les appelants, la commune estime cependant que pour l’ensemble des raisons par elle mises en avant, ce classement ne rejoindrait point l’intérêt général.

L’État demande la confirmation pure et simple du jugement dont appel sur base des raisonnements menés par les premiers juges.

En termes de réplique, les appelants reprennent pour l’essentiel leur argumentaire antérieur tout en insistant qu’ils ont érigé leur immeuble litigieux sur base d’une autorisation communale et que l’adage nemo auditur saurait mal à propos dans leur chef.

La commune insiste pour dire qu’elle entend mettre en œuvre un aménagement du territoire à long terme de nature à assurer une saine gestion de ses finances et à offrir à ses administrés le meilleur cadre de vie possible et des conditions de sécurité adéquates.

Concernant la refonte du PAG de la commune de Reisdorf, la Cour s’était vu remettre six appels. Après avoir toisé des questions de principe soulevées dans trois affaires d’appel concernant la procédure d’adoption du PAG (arrêts du 15 décembre 2016 nos respectifs 38139C, 38174C et 38175C), la Cour ordonna dans les six affaires en question une visite les lieux à l’issue de laquelle, pour quatre affaires, dont l’affaire sous rubrique, des aplanissements des difficultés ont été initiés par la Cour, tandis que dans deux affaires, en l’absence de possibilité effective de résorber les différends à l’amiable, la Cour fut amenée à rendre des arrêts prononcés, tous les deux le 17 janvier 2017 (n°s respectifs 38140C et 38220C).

La Cour voudrait relever que sur les quatre affaires initiées pour aplanissement des difficultés, trois ont été déjà réglées depuis longtemps de manière définitive par résorption des différends entre parties, tandis que seule l’affaire sous rubrique, vu le nombre et la complexité des questions soulevées, restait encore en processus d’aplanissement.

Relativement au point resté finalement litigieux du classement de la propriété de Monsieur …, …, en zone verte, la Cour avait été amenée à rendre le 17 janvier 2017, sous le numéro 38220C du rôle, un arrêt résorbant à l’époque l’entièreté des questions à toiser sur base des moyens y soulevés par le même mandataire.

En considération des délibération communale d’adoption du PAG et décisions ministérielles d’approbation à la fois du ministre de l’Intérieur et du ministre de l’Environnement qui ont été prises aux dates respectives des … 2014, 30 octobre 2014 et … 2014 à la fois pour l’affaire toisée par l’arrêt du 17 janvier 2017 et celle sous rubrique, la Cour est en sorte amenée à statuer suivant un argumentaire sensiblement pareil dans la présente affaire que celui de l’affaire de référence concernant la propriété ….

C’est l’article 5, alinéa 6, de la loi du 19 janvier 2004, telle que modifiée par la loi précitée du 28 juillet 2011, entretemps abrogée par la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, dans un souci de mise en concordance avec la loi parallèlement modifiée du 19 juillet 2004, qui prévoyait que tout projet de modification de la délimitation de la zone verte découlant du vote du conseil communal conformément à l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 était soumis à l’approbation du ministre de l’Environnement qui statuait dans les trois mois suivant la réception du dossier complet par le collège des bourgmestre et échevins.

Dans la même logique, l’alinéa 7 du même article 5 prévoyait que les réclamations acceptées par le ministre de l’Intérieur conformément à l’article 18 de la loi du 19 juillet 2004 étaient également soumises au ministre de l’Environnement pour autant qu’elles visaient la modification de la délimitation de la zone verte.

Ici encore, le ministre était appelé à statuer dans les trois mois suivant la réception du dossier qui lui est communiqué par le ministre de l’Intérieur.

A partir des dispositions de l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004 considéré dans ses alinéas 6 et suivants tels que résultant de la modification du 28 juillet 2011, il est patent que la compétence du ministre de l’Environnement se limitait aux parties d’un PAG qui résultent de la modification de la délimitation de la zone verte telle que découlant soit du vote du conseil communal portant adoption du PAG opéré en application de l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004 soit, ultérieurement, sur acceptation par le ministre de l’Intérieur d’une réclamation portée devant lui dans le même contexte, en application de l’article 18 de la même loi.

La compétence du ministre de l’Environnement en la matière était une compétence limitée se rattachant aux modifications de la zone verte opérées successivement soit par le conseil communal, soit par le ministre de l’Intérieur au niveau d’un PAG en comparaison par rapport à la situation antérieure en vigueur sinon à la première délimitation en bonne et due forme de cette zone verte.

Egalement sous l’empire de la loi du 28 juillet 2011 venue modifier à la fois les lois du 19 janvier 2004 et 19 juillet 2004, la summa divisio du territoire communal en termes de zonage induisait la distinction entre la zone verte, d’un côté, en tant que zone non urbanisée, et les autres zones participant à l’urbanisation du territoire et incluses en principe dans le périmètre d’agglomération tel que par ailleurs délimité par l’alinéa 3, de l’article 5 de la loi du 19 janvier 2004 qui définissait précisément la zone verte, comme étant « les parties du territoire de ses communes situées en dehors des zones définies à l’alinéa qui précède ».

Dès lors, c’est l’alinéa 2 du même article 5 qui, par référence, définissait le complément de la zone verte, c’est-à-dire les zones urbanisées en disposant que « Dans les communes régies par un plan ou un projet d’aménagement général couvrant l’ensemble de leur territoire, toute construction, incorporée au sol ou non, n’est autorisée que dans les zones affectées à l’habitation, à l’exploitation de commerces, à l’implantation d’industries, aux installations et constructions sportives et assimilées, ainsi qu’à d’autres destinations nécessitant en ordre principal des constructions immobilières sur la totalité de l’aire concernée ».

Quoique dans un contexte parallèle, les premiers juges ont valablement dégagé les trois étapes de l’histoire de la réglementation communale d’urbanisme de la commune de Reisdorf, à partir de l’ensemble des documents leur soumis qui sont sensiblement les mêmes que ceux actuellement à la disposition de la Cour.

Sans entrer dans le détail, la Cour reprend qu’initialement la commune de Reisdorf, restant en deçà du plafond fixé par la loi du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après « la loi du 12 juin 1937 », à 10.000 habitants, ne disposait pas de projet d’aménagement et que les premières initiatives de mise en place afférente remontent aux années 1980. Un premier projet d’aménagement général, toujours dans le contexte de la loi du 12 juin 1937, n’a cependant jamais été valablement approuvé par le ministre de l’Intérieur. Ainsi, un premier projet de PAG a été adopté provisoirement le 25 novembre 1986, puis définitivement le 2 décembre 1988 et approuvé partiellement seulement par le ministre de l’Intérieur en date du 27 novembre 1989. Cependant, cette décision d’approbation partielle du ministre de l’Intérieur du 27 novembre 1989 a été annulée par arrêt du Conseil d’Etat, comité du contentieux, du 18 mars 1992 (n° 8364 du rôle).

Il est encore constant en cause que les autorités communales de l’époque n’ont pas soumis une itérative délibération communale dans le contexte de ce premier projet de PAG au ministre de l’Intérieur en vue d’une nouvelle approbation.

Une deuxième tentative de mise en place d’un PAG dûment approuvé par les instances étatiques a été lancée ab initio dans les années 1990 et s’est concrétisée par la délibération du conseil communal de Reisdorf du 16 octobre 1997 adoptant provisoirement, puis une délibération du même conseil du 8 janvier 1999 adoptant définitivement le projet de PAG de l’époque. Seulement, le ministre de l’Intérieur, par décision du 10 janvier 2004, a refusé d’approuver la délibération communale précitée du 8 janvier 1999. Ici encore, il n’est pas établi que le ministre ait été à nouveau saisi. Aucune approbation ultérieure n’est de même renseignée par les parties, dont la partie étatique.

Force est dès lors à la Cour de constater que l’on est en présence, pour la commune de Reisdorf, de deux tentatives de mise en place d’un projet de PAG finalement formellement non approuvé par le ministre de l’Intérieur. L’actuelle « refonte » du PAG en application de la loi du 19 juillet 2004, telle que plus particulièrement modifiée par celle du 28 juillet 2011, est le premier PAG qui s’est trouvé finalement approuvé successivement par le ministre de l’Environnement et le ministre de l’Intérieur.

En substance, le ministre de l’Environnement a donc été appelé, à travers sa décision d’approbation du … 2014, à statuer par rapport à la délimitation de la zone verte telle qu’opérée à travers la délibération communale également critiquée du … 2014, conformément à l’article 14 de la loi du 19 juillet 2004.

Sous cet aspect, les appelants sont à suivre en ce qu’ils critiquent les premiers juges pour avoir retenu qu’ils n’auraient pas soulevé d’arguments propres à l’encontre de la décision d’approbation du ministre de l’Environnement du … 2004. Tout l’argumentaire des appelants revient en effet à critiquer précisément la fixation de la délimitation de la zone verte et plus particulièrement le rejet de leur objection, puis de leur réclamation tendant à voir sortir précisément de la zone verte leur terrain en vue de l’intégrer dans une zone d’habitation. En cela leur argumentaire, bien que n’étant pas spécifique devant le ministre de l’Environnement, vise également l’approbation par ce dernier de la délimitation de la zone verte en ce que celle-

ci recouvre également leur terrain. En effet, l’unique question cruciale sous-tendant la légalité à la fois de la délibération communale et des deux décisions ministérielles critiquées est celle de savoir si c’est à bon droit et pour des raisons urbanistiquement valables que successivement les instances communales et étatiques ont classé l’ensemble des parcelles comportant une construction dans la rue « … » en zone verte, y compris celle des appelants.

Dans l’appréciation des arguments d’ordre urbanistique en relation avec le classement plus particulièrement de la parcelle des appelants en zone verte, la Cour a dans un premier temps suivi la demande de ceux-ci tendant à l’institution d’une visite des lieux. La Cour a ainsi pu se rendre compte sur place du caractère passablement déconnecté par rapport au reste de la localité de … de l’ensemble des parcelles de la rue « … », comportant des constructions bâties, par ailleurs situées des deux côtés de cette voie.

Cette déconnexion vise d’évidence la distance à la fois en mètres et en dénivelé des parcelles situées « … » par rapport au restant de la localité de ….

La localité de … proprement dite se trouve installée dans la vallée au bord et à partir de la rivière Sûre vers l’intérieur du territoire grand-ducal, tandis que les parcelles « … » sont situées en montée des deux côtés d’un ancien chemin forestier existant menant vers la localité de Reisdorf et se détachent également en hauteur par rapport au restant de la localité située dans la vallée.

Il est patent encore que la localité de … revêt un caractère particulier issu précisément des temps anciens en ce qu’il s’agit du résidu des éléments bâtis à l’époque du Traité de Vienne, signé à Vienne le 9 juin 1815, ayant opéré la séparation de la localité de Wallendorf proprement dite, village déjà développé comme tel, resté au Royaume de Prusse, tandis que les parties de la localité situées de l’autre côté de la Sûre et de l’Our, c’est-à-dire du côté luxembourgeois actuel, restèrent sous l’appellation « … » avec le Grand-Duché nouvellement mis en place par le Traité de Vienne sous cette dénomination.

La Cour a encore pu se rendre compte que l’urbanisation de … s’est faite à l’origine du côté de l’eau, la rivière Our rejoignant à l’endroit la rivière Sûre, à partir des bords de la rivière Sûre, de manière passablement éloignée par rapport au lieu-dit « … ».

Il résulte encore des explications concordantes des parties lors de la visite des lieux, rejoignant pour l’essentiel celles déjà antérieurement fournies au dossier, que les premières constructions érigées au lieu-dit « … » furent pour partie des abris provisoires pour travailleurs allemands dans le contexte de l’électrification du pays et pour partie de maisons de weekend mises en place après la deuxième guerre mondiale de manière successive et sans ordonnancement précis, sauf à se placer d’un côté et d’autre du chemin à l’époque essentiellement forestier ayant pris la désignation « … ».

L’urbanisation particulière de la localité de … ne comporte pas moins la spécificité encore aujourd’hui que le lieu-dit « … » reste particulièrement déconnecté par rapport au périmètre d’agglomération actuel de la localité, constitué en l’état d’une manière imparfaitement concentrique.

A la base, le choix opéré par le conseil communal et entériné à la fois par le ministre de l’Intérieur et le ministre de l’Environnement, consistant à relaisser des parcelles situées « … » dans la zone verte, rencontre de manière éminente les exigences d’un urbanisme rationnel en tablant sur une situation patente de déconnexion de ces parcelles « … » par rapport au restant de la localité de ….

Dès lors, aucun dépassement de leur marge d’appréciation ne saurait être reproché valablement aux instances communale et étatiques ayant procédé à l’adoption et à l’approbation du PAG de la commune de Reisdorf à travers les décisions actuellement critiquées par les appelants.

Cette conclusion comporte, ainsi que le conseil communal l’a exprimé au point 4 de sa délibération précitée du … 2014 relative à la localité de …, que les droits acquis des propriétaires et titulaires de droits réels sur les terrains construits longeant la rue « … » se trouvent maintenus en l’état au titre de constructions existantes en zone verte avec toutes les conséquences de droit.

Corollairement, les arguments invoqués par les appelants pour mettre en question ce constat basique que les décisions des autorités communale et étatiques concernées émanent d’un choix urbanistique rationnel lequel constitue en l’occurrence l’argument fort en la matière, ne sont pas de nature à ébranler cette conclusion.

Ainsi, le choix urbanistique valablement effectué par les instances publiques consistant à relaisser le terrain situé « … » en zone verte ne se trouve pas énervé par des initiatives antérieures de responsables communaux voire un avis d’une commission d’aménagement ayant opiné à l’époque dans le sens d’une inclusion de tous les terrains construits dans une zone d’habitation. Si pareille démarche était retraçable d’un point de vue humain en vue de rencontrer certaines doléances des propriétaires des immeubles construits en question, elle se heurte cependant, du moins en l’état actuel, aux considérations d’un urbanisme rationnel bien compris, telles que ci-avant dégagées. De même, des incohérences éventuellement commises par le passé, à différents niveaux, notamment à travers des autorisations conférées au niveau communal, en matière de bâtisses et de fixations de domicile, ne sont pas de nature à pouvoir infléchir utilement le choix urbanistique ci-avant retenu comme étant conforme à la législation pertinente applicable en la matière aux moments respectifs des prises des délibération communale et décisions ministérielles critiquées par les appelants.

Au regard de la protection du droit de propriété tel que se dégageant plus particulièrement des dispositions de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du Protocole additionnel à la CEDH, il convient de se référer à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 octobre 2013 (n° 00101 du registre ; Mémorial A n°182, page 3473) qui consacre le droit des pouvoirs publics d’instaurer des servitudes d’urbanisme dans un but d’utilité publique, laissant intact le principe de la mutabilité des PAG et n’autorisant pas le juge administratif à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible tout en réservant toutefois aux propriétaires touchés, conformément au droit commun, suivant la situation concrète du cas d’espèce, le cas échéant de faire valoir devant le juge judiciaire un droit à indemnisation dépendant, notamment, de la situation du terrain, du caractère contraignant de la servitude et des projets concrets de viabilisation du terrain.

L’hypothèse de l’espèce rentre du moins pour partie sous les prévisions de l’arrêt de la Cour constitutionnelle précité du 4 octobre 2013 dans la mesure où le choix urbanistique des autorités communale et étatiques, en ce qu’il base sur des considérations urbanistiques rationnelles valables, ne peut être remis en cause en raison des conséquences éventuelles d’ordre pécuniaire ni des incohérences alléguées dans le chef des autorités publiques, lesquelles ne peuvent dès lors renverser ce choix urbanistique valablement opéré.

En s’appuyant sur un autre arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 septembre 2008 (n° 00046/08 du registre ; Mémorial A n°154, page 2195), les appelants mettent en avant que l’article 12 du PAG ne répondrait pas aux dispositions de la loi du 19 janvier 2004 ni plus particulièrement aux exigences de la lecture combinée des articles 5, alinéa 3, et 10, alinéa 3, de la même loi, entérinées par la Cour constitutionnelle. Or, tel que le moyen est agencé, il est inopérant en ce que, même à supposer vérifié le caractère incompatible de telle ou telle modalité de l’article 12 du PAG, pris plus particulièrement en son paragraphe 4 concernant le régime des constructions existantes voire en son paragraphe 5 concernant une éventuelle autorisation de construire en zone agricole pour une construction à usage d’habitation, pareilles incompatibilités, fussent-elles vérifiées, ne seraient pas de nature à tenir en échec le choix urbanistique de base critiqué par les appelants en ce que leur propriété n’a pas été classée en une zone d’habitation.

Plus loin, l’affirmation des appelants reviendrait à dire que toute construction servant de fait à l’habitation devrait se trouver classée dans une zone d’habitation au regard des dispositions d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Entériner pareil raisonnement serait de nature à mettre à néant toute réglementation cohérente en la matière, appelée par ailleurs et surtout à être mise en place suivant des exigences d’urbanisme rationnelles et cohérentes telles que plus particulièrement mises en avant par l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004 et les objectifs y inscrits.

A travers leurs courriels respectifs, le mandataire des appelants et celui de la commune prient la Cour de bien vouloir rappeler également les principes en la matière, notamment le principe de mutabilité des PAG qui n’est pas affecté par l’arrêt du 17 janvier 2017, précité, alors que l’opportunité politique peut changer au fil des années. Le mandataire des appelants estime que l’arrêt précité est « érigé en monument gravé dans la pierre auprès des instances environnementales qui refusent toute discussion et ouverture d’esprit dans le sens d’un classement moins contraignant, de sorte qu’inexorablement toute initiative communale risquera de mener à une nouvelle affaire contentieuse et qu’il importe de pouvoir discuter pour éviter des contentieux dans la mesure du possible ». Le mandataire de la commune déclare se rallier à cette position.

La problématique est plus complexe que ne le laisserait apparaître une simple application du principe de mutabilité des PAG.

La Cour est actuellement amenée à statuer dans le cadre d’un recours en annulation et l’assiette de son intervention se trouve limitée dans le temps aux dates respectives de prise des décisions communale et ministérielles querellées remontant à l’année 2014, comportant l’application des textes applicables à l’époque.

Outre le principe de mutabilité des mécanismes d’urbanisme qui ne saurait qu’être réaffirmé en tant que reflet du principe universel d’évolution permanente, une recherche d’une situation juridique plus adéquate pour les terrains litigieux sis … comporte une nécessaire adaptation par rapport à la nouvelle législation ayant été mise en place en matière de protection de la nature et des ressources naturelles à travers la loi du 18 juillet 2018.

Toute la question des maisons servant à l’habitation mais situées en zone verte relève d’une problématique à part qui touche, d’un côté, aux nécessaires exigences de protection de l’environnement naturel et, de l’autre, aux réalités consistant pour une situation telle celle sous analyse en la présence de nombre d’immeubles servant de fait ou de droit d’immeubles d’habitation, mais classés en zone verte, compte tenu de l’environnement naturel dans le contexte duquel se trouve la rue … et sa déconnexion manifeste par rapport au reste de la localité de ….

S’il vient d’être retenu ci-avant que les droits acquis dans le chef des différents propriétaires d’immeubles et titulaires de droit réels par rapport à des immeubles construits le long de la rue « … » se trouvent maintenus en l’état au titre de constructions existantes en zone verte avec toutes les conséquences de droit, c’est précisément cette question de présence d’immeubles servant de fait, voire de droit, à l’habitation, sur une toile de fond de pénurie de logements, qui pose actuellement problème dans la recherche d’un équilibre à trouver par rapport aux prescriptions à observer en matière environnementale. Une implication des dispositions notamment de la loi du 18 juillet 2018 est ici patente, de sorte que la Cour ne pourrait statuer plus loin sous peine d’enfreindre le cadre de ses attributions qui se cristallisent, dans le présent recours en annulation, à la période de temps située aux moments de la prise des décisions communale et ministérielles querellées se situant en l’année 2014.

Il se dégage à partir de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et que les appelants sont à en débouter.

Dans la mesure de l’objet résiduel de l’appel, sur aplanissement des difficultés, le jugement dont appel est dès lors à confirmer, y compris en ce qu’il a débouté les appelants actuels de leur demande en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance, réitérée en instance d’appel.

Eu égard à l’issue du litige, la demande des appelants en allocation d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel est également à rejeter.

Compte tenu de l’aplanissement, pour l’essentiel, des difficultés entre parties, la Cour estime que sur base des dispositions des articles 32 et 54 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les dépens des deux instances sont à imposer à raison de chaque fois un tiers aux appelants, à la commune de Reisdorf et à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l'égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

donne acte aux parties que suite à l’aplanissement des difficultés initié par la Cour, seule reste litigieuse la question du classement de l’immeuble de Monsieur … sise « … » ;

donne acte à la commune de ce qu’elle renonce à son appel incident ;

déclare l’appel, ainsi circonscrit, non fondé ;

partant en déboute l’appelant … ;

confirme dans cette mesure le jugement dont appel ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure des appelants pour l’instance d’appel ;

fait masse des dépens des deux instances et les impose respectivement pour un tiers aux appelants, à la commune de Reisdorf et à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg.

Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le président en l'audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 janvier 2021 Le greffier de la Cour administrative 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 38219C
Date de la décision : 21/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-01-21;38219c ?

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