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14/01/2021 | LUXEMBOURG | N°01/21

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 janvier 2021, 01/21


N° 01 / 2021 du 14.01.2021 Numéro CAS-2020-00004 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze janvier deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Marc HARPES, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cass

ation, comparant par Maître Jean-Jacques LORANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel ...

N° 01 / 2021 du 14.01.2021 Numéro CAS-2020-00004 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze janvier deux mille vingt-et-un.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour de cassation, Marc HARPES, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Jacques LORANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

Y, demeurant à (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Anne ROTH-JANVIER, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu.

Vu l’arrêt attaqué, numéro 167/19, rendu le 6 novembre 2019 sous le numéro CAL-2019-00643 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile et en matière d’appel contre une décision du juge aux affaires familiales ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 2 janvier 2020 par X à Y, déposé le 6 janvier 2020 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 27 février 2020 par Y à X, déposé le 28 février 2020 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Lotty PRUSSEN et les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;

Sur les faits Selon l’arrêt attaqué, le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré irrecevable la demande de X dirigée contre Y tendant à voir supprimer, avec effet rétroactif à la date du bénéfice de sa ou de ses pensions de retraite, la pension alimentaire allouée à Y suivant jugement de divorce du 19 juin 2014, à défaut de l’existence d’un élément nouveau permettant la révision de la pension alimentaire. La Cour d’appel a confirmé ce jugement.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée La défenderesse en cassation conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en raison de l’imprécision de l’unique moyen de cassation tiré d’une application erronée de l’ancien article 300 du Code civil, qui ne préciserait ni la disposition de la loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales, portant réforme du divorce et de l’autorité parentale, qui aurait dû être appliquée, ni la conclusion à en tirer sur l’issue du litige.

Une éventuelle irrecevabilité des moyens de cassation est sans incidence sur la recevabilité du pourvoi.

Le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Sur l’unique moyen de cassation Enoncé du moyen « Tiré de la fausse application de l'article 300 du Code Civil abrogé par la loi du 27 juin 2018 instituant le Juge aux Affaires Familiales, en ce que l'arrêt attaqué a appliqué, à la demande de M. X en suppression de la pension alimentaire touchée par Mme Y, une loi abrogée, respectivement a retenu que l'article 300 du Code Civil était en vigueur à la date de l'introduction de la demande et partant trouvait vocation à s'appliquer au litige, Alors que la requête ayant été introduite par M. X en date du 21 mars 2019, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, à savoir le ler novembre 2018, les juges d'appel auraient dû appliquer la loi du 27 juin 2018 à la demande en suppression de la pension alimentaire touchée par Mme Y. ».

Réponse de la Cour Aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit, sous peine d’irrecevabilité, préciser ce en quoi la partie critiquée de la décision encourt le reproche allégué.

Le moyen manque de précision en ce qu’il omet d’indiquer la disposition de la loi du 27 juin 2018 qui aurait dû être appliquée par la Cour d’appel et ce en quoi les conditions de révision de la pension alimentaire prévues par la loi du 27 juin 2018 et les conséquences en découlant auraient modifié l’issue du litige.

Il en suit que le moyen est irrecevable.

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure Il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens. Il convient de lui allouer l’indemnité de procédure sollicitée de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :

déclare le pourvoi recevable ;

le rejette ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Anne ROTH-JANVIER, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS en présence du premier avocat général Marc HARPES et du greffier Viviane PROBST.

Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X contre Y (CAS-2020-00004) Le pourvoi en cassation introduit par X (ci-après X) par un mémoire en cassation signifié le 2 janvier 2020 à la défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 6 janvier 2020 est dirigé contre un arrêt n°167/19 rendu en date du 6 novembre 2019 par la Cour d’appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile et en matière d’appel contre une décision du juge aux affaires familiales, statuant contradictoirement (n° CAL-2019-00643 du rôle). Cet arrêt ne semble pas avoir été notifié au demandeur en cassation.1 Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus à l’article 7 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.

La défenderesse en cassation a signifié un mémoire en réponse en date du 27 février 2020 et l’a déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice en date du 28 février 2020.

Ce mémoire peut être pris en considération pour avoir été signifié et déposé dans la forme et le délai prévus à l’article 16 de la loi précitée du 18 février 1885.

Les faits et rétroactes Par requête déposée en date du 21 mars 2019, le demandeur en cassation a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg aux fins de voir supprimer avec effet rétroactif à la date à laquelle Y a bénéficié de sa ou de ses retraite(s) le secours alimentaire lui alloué suivant jugement du 19 juin 2014, au besoin en effectuant une ventilation des suppressions selon un prorata par rapport aux dates du premier encaissement par Y desdites pensions, et d’inviter, sinon enjoindre la production des dossiers complets de retraite, ainsi que des loyers encaissés .

Par jugement n°2019TALJAF/001285 du 7 juin 2019 rendu contradictoirement, le juge aux affaires familiales a reçu la demande en la forme, mais l’a dit irrecevable et a rejeté la demande de X en allocation d’une indemnité de procédure.

1 Pièce 2 de la farde de Maître Jean-Jacques LORANG De ce jugement, le demandeur en cassation a relevé appel par requête déposée au greffe de la Cour d’appel en date du 5 juillet 2019.

Par arrêt du 6 novembre 2019, la Cour d’appel « reçoit l’appel en la forme, le dit non fondé, confirme l’ordonnance entreprise, déboute les parties de leur demande respective en obtention d’une indemnité de procédure pour l’instance d’appel, condamne X aux frais et dépens de l’instance d’appel » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

La défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi au motif que l’unique moyen de cassation se bornerait à faire valoir que la Cour d’appel aurait dû appliquer une autre disposition légale que l’ancien article 300 du Code civil, sans toutefois préciser laquelle.

Le mémoire en cassation ne serait partant pas conforme à l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, en ce qu’il ne contiendrait pas les conclusions dont l’adjudication est demandée.

Toutefois, l’omission reprochée n’entraîne pas l’irrecevabilité du pourvoi en tant que tel, mais a seulement une incidence sur la recevabilité du moyen en question.

Le pourvoi est recevable.

Sur l’unique moyen de cassation :

L‘unique moyen de cassation est « tiré de la fausse application de l’article 300 du Code Civil abrogé par la loi du 27 juin 2018 instituant le Juge aux Affaires Familiales, En ce que l’arrêt attaqué a appliqué à la demande de M. X en suppression de la pension alimentaire touchée par Mme Y une loi abrogée, respectivement a retenu que l’article 300 du Code Civil était en vigueur à la date de l’introduction de la demande et partant trouvait à s’appliquer au litige, Alors que la requête ayant été introduite par M. X en date du 21 mars 2019, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 27 juin 2018, à savoir le 1er novembre 2018, les juges d’appel auraient dû appliquer la loi du 27 juin 2018 à la demande en suppression de la pension alimentaire touchée par Mme Y. ».

Principalement :

Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, le mémoire en cassation doit contenir les conclusions dont l’adjudication est demandée.

L’unique moyen de cassation fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir appliqué l’article 300 du Code civil, alors que « les juges d’appel auraient dû appliquer la loi du 27 juin 2018 ».

Toutefois il n’est pas précisé quelle disposition spécifique de la loi du 27 juin 2018 aurait dû être appliquée. Le mémoire en cassation est également muet sur les conditions de révision de la pension alimentaire prévues dans cette disposition et sur les conséquences en découlant.

L’unique moyen n’est pas conforme aux exigences de l’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation et doit partant être déclaré irrecevable.

Subsidiairement :

Bien qu’il ressorte clairement du jugement de première instance que le juge aux affaires familiales avait rendu son jugement en date du 7 juin 2019 sur base de l’article 300 du Code civil2, l’appelant n’a nullement contesté en appel la disposition légale appliquée en première instance, mais il s’est limité à reprocher au juge de première instance d’avoir statué sans avoir eu à sa disposition toutes les pièces et à développer son argumentation basée sur l’existence de deux éléments nouveaux par rapport à la situation factuelle de l’époque à laquelle la pension alimentaire a été judiciairement fixée.3 Le moyen concernant la disposition légale applicable est partant nouveau en instance de cassation. Il est également mélangé de fait et de droit, étant donné que votre Cour serait amenée à analyser si les conditions d’application de la nouvelle disposition prévue dans la loi du 27 juin 2018 sont remplies.

Le moyen est irrecevable pour être nouveau et mélangé de fait et de droit.

Plus subsidiairement :

L’article 2 du Code civil pose le principe que « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. » L’article 15, alinéa 2, de la loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales prévoit des « dispositions transitoires »:

2 page 3 du jugement n°2019TALJAF/001285 du 7 juin 2019 3 Pages 2 et 3 de l’arrêt du 6 novembre 2019 « Les décisions judiciaires ou accords conclus par les parties sous l’empire de la loi ancienne ne peuvent être remises en cause par application de la loi nouvel e, sans préjudice du droit des parties d’accomplir des actes et d’exercer des actions en conformité de la loi nouvel e si el es sont dans les conditions prévues par cel e-ci. » La loi précitée du 27 juin 2018 a introduit les nouveaux articles 246 à 250 du Code civil qui régissent désormais les pensions alimentaires dues entre conjoints.

Le nouvel article 249 du Code civil dispose dans son alinéa 1er :

« La pension, sauf lorsqu’elle est versée en capital, est révisable et révocable. Elle est révoquée dans le cas où elle cesse d’être nécessaire. La pension n’est plus due d’office en cas de remariage ou de partenariat au sens de la loi modifiée du 9 juillet 2004. Elle est révocable sur demande en cas de toute autre communauté de vie du créancier avec un tiers. Sont présumées vivre en communauté de vie les personnes qui vivent dans le cadre d’un foyer commun. La pension alimentaire peut être révisée sur demande en cas de détérioration de la situation du créancier ou du débiteur de la pension, à condition toutefois que cette détérioration soit indépendante de la volonté de celui dans le chef duquel elle a lieu, ou en cas d’amélioration de la situation du créancier. » Tout comme en cas de demande en révision basée sur l’ancien article 300 du Code civil, une demande en révision basée sur le nouvel article 249 du Code civil suppose donc l’existence d’un élément nouveau impliquant un changement conséquent de la situation factuelle ayant servi de base à la fixation judiciaire de la pension alimentaire.

A supposer que ce soit le nouvel article 249, alinéa 1er, du Code civil que le demandeur en cassation demande à voir appliquer, et compte tenu des éléments factuels invoqués, la demande en révision de la pension alimentaire serait basée sur une « amélioration de la situation du créancier ».

L’arrêt dont pourvoi a retenu que les deux éléments nouveaux invoqués par l’appelant (et correspondant à une amélioration de la situation du créancier) manquaient d’être établis et que c’était à bon droit que le juge aux affaires familiales a dit la demande de X irrecevable.

Même en cas d’application de la loi du 27 juin 2018 instituant le juge aux affaires familiales, l’arrêt attaqué a constaté souverainement que l’amélioration de la situation du créancier n’est pas établie, de sorte que la solution du litige aurait été inchangée.

L’unique moyen est sans incidence sur la solution du litige.

Le moyen est inopérant et ne saurait être accueilli.

Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.

Pour le Procureur Général d’Etat, Le 1er avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 8



Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 14/01/2021
Date de l'import : 20/01/2021

Numérotation
Numéro d'arrêt : 01/21
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2021-01-14;01.21 ?

Source

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