GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 44831C Inscrit le 13 août 2020 Audience publique du 13 octobre 2020 Appel formé par Madame … …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 13 juillet 2020 (n° 44278 du rôle) en matière de protection internationale Vu l’acte d’appel inscrit sous le numéro 44831C du rôle et déposé au greffe de la Cour administrative le 13 août 2020 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame ……, née le … à … (Cameroun), de nationalité camerounaise, demeurant à L-… …, … …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 13 juillet 2020 (n° 44278 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 24 février 2020 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 11 septembre 2020 ;
Vu le courrier de Maître Louis TINTI du 6 octobre 2020 par lequel il marque son accord avec la prise en délibéré de l’affaire sur base de ses écrits à l’audience publique fixée pour plaidoiries de l’affaire ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement se rapportant au mémoire étatique à l’audience publique du 6 octobre 2020.
Le 17 octobre 2018, Madame …… introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après « le ministère », une demande en 1obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci--après « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, service police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Les 28 et 29 mai 2019, Madame … fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 24 février 2020, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après « le ministre », informa Madame … qu’il avait rejeté sa demande de protection internationale comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Ladite décision est libellée de la façon suivante :
« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 17 octobre 2018 sur base de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 17 octobre 2018 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 28 et 29 mai 2019 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.
Madame, il ressort de votre dossier administratif que vous seriez née le … à … au Cameroun et que vous auriez vécu dans un village près de … avec votre mère. Arès avoir fait connaissance de votre concubin … en février 2016, vous auriez déménagé à … jusqu'à votre départ de votre pays d'origine en octobre 2016. Vous auriez travaillé en tant que « Commerçante de … » (p.2/14 du rapport d'entretien).
Vous indiquez que vous auriez quitté votre pays d'origine car vous auriez été menacée à deux reprises par quatre personnes, « peut-être des gens du parti au pouvoir » (p.8/14 du rapport d'entretien). Dans ce contexte, vous expliquez que vous auriez trouvé des copies « des journaux qu'on vend dans les kiosks » (p.11/14 du rapport d'entretien) dans la maison … et que vous lui auriez demandé s'il « faisait de la politique » (p.3/14 du rapport d'entretien), ce que ce dernier aurait nié. Le 3 septembre 2016, des gens du quartier auraient retrouvé son corps et quelques jours plus tard, les quatre personnes non autrement identifiées seraient venues chez vous à la maison et vous auraient menacée et dit qu'… « faisait de la politique » (p.8/14 du rapport d'entretien). Vous seriez par la suite allée rejoindre votre mère à … trois semaines après la mort d'… avant de quitter le Cameroun une semaine plus tard.
2Vous expliquez en outre que vous auriez quitté votre pays d'origine à cause « des guerres entre les habitants du nord-ouest» (p.3/14 du rapport d'entretien).
Vous expliquez que vous seriez venue spécialement au Luxembourg parce que « le Luxembourg était un pays bien, il n'y a assez de noirs, c'est un pays calme. J'ai juste voulu découvrir » (p.7/14 du rapport d'entretien).
Vous ne présentez aucun document d'identité ni aucun autre document pour étayer vos dires.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, force est de constater que les faits que vous invoquez ne sauraient justifier l'octroi du statut de réfugié.
Concernant les menaces proférées par des personnes non autrement identifiées, force est de constater que ce fait n'est pas lié aux critères prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015 alors que vous ignorez qui vous aurait menacée et par conséquence vous ignorez les motifs.
Vous supposez uniquement qu'il s'agissait « peut-être des gens du parti au pouvoir » (p.8/14 du rapport d'entretien), sans pouvoir étayer vos dires par des pièces et sans pouvoir identifier ces auteurs. On ne peut donc pas établir que cet acte serait lié à l'un des critères de fond de la Convention de Genève, à savoir votre race, votre religion, votre nationalité, votre 3appartenance à un certain groupe social ou vos opinions politiques, car on ignore qui seraient les auteurs et a fortiori on ignore également leur motivation.
Quand bien même les faits seraient liés à l'un des motifs de la Convention de Genève, notons qu'ils ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être considérés comme constituant un acte de persécution au sens desdits textes. En effet, les deux menaces pas suivies d'un acte concret ne sont pas suffisamment graves pour qu'on puisse retenir dans votre chef l'existence d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
En effet, vous avez volontairement laissé vos deux enfants chez votre mère au Cameroun, un comportement qui n'est manifestement pas celui d'une personne persécutée. Ceci montre clairement que votre situation n'est pas aussi grave que ce que vous tentez de le faire croire.
Quand bien même ces faits seraient liés à l'un des critères énumérés par la Convention de Genève et qu'ils seraient suffisamment graves pour constituer un acte de persécution, il convient de soulever que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce. Il ressort clairement de vos dires que vous ne vous seriez à aucun moment adressée à la police pour dénoncer les menaces parce que vous auriez eu peur. Comme vous n'auriez à aucun moment requis la protection des autorités de votre pays, il n'est ainsi pas démontré que celles-ci seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection.
De plus, vous évoquez la mort de votre concubin le 3 septembre 2016 que vous auriez connu depuis février 2016. Il s'agit là d'un fait sans aucun lien avec l'un des critères définis dans la Convention de Genève, et on ne saurait dès lors retenir dans votre chef l'existence d'une persécution, respectivement d'une crainte de persécution en raison de votre race, de votre nationalité, de votre religion, de votre appartenance à un certain groupe social ou de vos opinions politiques.
A cela s'ajoute qu'il convient de rappeler que vous êtes majeure et donc parfaitement capable de vivre indépendamment au Cameroun. En tenant compte du fait qu'il ressort clairement de vos dires que vous n'êtes pas active politiquement, que les faits évoqués dateraient de 2016 et que votre concubin à cause duquel vous auriez eu ces problèmes est décédé, il convient de constater qu'il n'existe aucun risque futur de persécution dans votre chef au Cameroun.
Madame, vous déclarez avoir quitté votre pays d'origine « wegen dem Krieg im Nord-
Osten » (rapport du Service de Police Judiciaire). Or, il convient de noter que vous ne faites état d'aucun risque personnel et vous n'avez été ni à l'origine ni la cible de ces violences. De plus, vous bornez à mentionner des considérations très générales et peu détaillées. Quant aux questions posées par l'agent ministériel, notamment « A quels troubles faites-vous allusion ? », « Des guerres entre qui ? » ou « Pourquoi y avait-il ces troubles entre les habitants de la région nord-ouest ? », vous répondez de façon très superficielle ou dites « ne sais pas » (p.3/14 du rapport d'entretien).
Votre motif est à considérer comme un sentiment général d'insécurité plutôt qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment général d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.
4 Finalement, vous expliquez que vous seriez venue spécialement au Luxembourg parce que « le Luxembourg était un pays bien, il n'y a assez de noirs, c'est un pays calme. J'ai juste voulu découvrir » (p.7/14 du rapport d'entretien). Or, notons que ces motifs de pure convenance personnelle ne sauraient pas non plus justifier l'octroi du statut de réfugié, alors qu'ils ne sont nullement liés aux critères définis par la Convention de Genève et la Loi de 2015.
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous auriez été persécutée, que vous auriez pu craindre d'être persécutée respectivement que vous risquez d'être persécutée en cas de retour dans votre pays d'origine, de sorte que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis- à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément crédible de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, de sorte que le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
3. Quant à la fuite interne En vertu de l'article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu'un demandeur n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
5Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de sécurité.
En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous auriez déjà profité d'une fuite interne chez votre mère à …. Vous ne soulevez pas de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une autre fuite interne, d'autant plus que votre fuite aurait été un succès et que vous y auriez séjourné sans aucun problème.
Ajoutons que vous ne seriez pas resté[e] à … « pour ne pas mêler ma famille et mes enfants dans ça » (p.11/14 du rapport d'entretien). Or, une fois de plus il s'agit de simples craintes hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable. Aucun indice ne saurait être soulevé qui puisse valablement corroborer ces craintes.
Ajoutons à cet égard que les craintes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local, ce que vous indiquez clairement dans vos déclarations.
De plus, nous estimons que vous auriez pu vous réinstaller à Yaoundé, la capitale du Cameroun, au lieu de vous enfuir en direction de l'Europe. A cela s'ajoute que l'économie camerounaise, qui est la plus diversifiée de la région, a connu ces dernières années des taux de croissance au-delà des 4%, il convient donc de souligner qu'étant votre âge et votre parfaite condition pour vous adonner à des activités rémunérées, vous êtes dans une position qui pourrait vous permettre à gagner votre vie dans une ville camerounaise, en particulier à Yaoundé.
Votre demande de protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination du Cameroun, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2020, Madame … fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 24 février 2020 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 13 juillet 2020, le tribunal administratif rejeta ce recours, pris en ses deux volets, comme non fondé.
Pour ce faire, le tribunal constata que les motifs à la base de la demande de protection internationale de Madame … se résumaient en deux menaces perpétrées par quatre personnes inconnues et que des faits non personnels, mais vécus par d'autres personnes de son entourage, n’étaient susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative 6au statut des réfugiés, ci-après « la Convention de Genève », que si le demandeur établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Les premiers juges notèrent encore, d’une part, que la demanderesse avait exposé que son ami, avec lequel elle n’avait fait connaissance que sept mois avant son décès, aurait éventuellement été actif en politique, sans cependant l’établir concrètement, et, d’autre part, que celle-ci ignorait que les gens qui avaient proféré des menaces à l’encontre de son compagnon « étaient des gens du parti au pouvoir ».
Le tribunal rappela qu’à défaut par un demandeur de protection internationale d'avoir concrètement étayé un lien entre le traitement subi par d’autres personnes et des éléments liés à sa propre personne l'exposant à des actes similaires, ces faits n’étaient pas de nature à constituer des indications sérieuses d'une crainte fondée de persécution et que si, en l’espèce, les craintes de Madame … semblaient certes se mouvoir sur une toile de fond politique, de sorte à tomber a priori dans le champ d’application de la Convention de Genève, il y avait lieu de retenir que la demanderesse, mettant en avant des craintes purement hypothétiques, restait en défaut d’établir un lien existant entre les agissements des quatre personnes inconnues par rapport à son compagnon et les éléments liés à sa personne, d’autant plus qu’elle avait pu résider avec sa mère à … près de … après lesdits incidents pendant au moins un mois avant de quitter son pays d’origine.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 13 août 2020, Madame … a régulièrement relevé appel du jugement du 13 juillet 2020.
Au titre des faits à la base de sa demande de protection internationale, l’appelante réitère en substance son exposé des faits tel qu’il se dégage de sa requête introductive de première instance et du dossier administratif, ainsi que des pièces versées en cause, et elle soutient remplir les conditions exigées par les dispositions de la loi du 18 décembre 2015 pour se voir reconnaître une mesure de protection internationale, principale ou subsidiaire.
Contrairement à l’appréciation des premiers juges, Madame … soutient qu’elle risquerait de subir le même sort que son compagnon assassiné, au motif qu’elle ne pouvait ignorer les activités politiques de ce dernier et qu’elle aurait par ailleurs été menacée par quatre personnes inconnues.
Elle expose encore que l’Etat camerounais serait insuffisamment « développé » pour qu’elle puisse bénéficier d’une protection suffisante à l’égard des personnes l’ayant menacée suite à l’assassinat de son concubin. Elle renvoie dans ce contexte au « World Report 2020 – Cameroon » de l’association « Human Rights Watch » décrivant la situation sécuritaire actuelle au Cameroun et en déduit que l’« Etat de droit camerounais » n’offrirait toujours pas à l’heure actuelle suffisamment de garanties pour qu’on puisse lui reprocher de ne pas avoir déposé de plainte auprès des autorités en place, tout en estimant que son séjour d’environ un mois auprès de sa mère aurait été trop court pour en conclure que la situation se serait suffisamment apaisée pour ne pas justifier son « exil ».
L’ensemble des conditions sous-tendant l’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire étant remplies dans son chef, ce serait dès lors à tort qu’un statut de protection international lui aurait été refusé.
7L’Etat, pour sa part, conclut à la confirmation du jugement dont appel à partir des développements et conclusions du tribunal y contenus, tout en se référant à son mémoire déposé en première instance et aux pièces y versées.
Il se dégage de la combinaison des articles 2 sub h), 2 sub f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
En l’espèce, à l’instar des premiers juges, la Cour constate que la demande de protection internationale de l’appelante est axée sur l’assassinat de son ami, avec lequel elle a vécu pendant sept mois, en raison des prétendues activités politiques de ce dernier et les menaces subséquentes à son égard.
Ceci dit, la Cour se rallie et se fait sienne l’analyse exhaustive des premiers juges qui les a amenés à la conclusion que des faits non personnels, mais vécus par d'autres personnes, ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le concerné établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Plus précisément, l’assassinat du concubin de Madame … constitue un fait non personnel à celle-ci, de sorte que pour pouvoir être pris en considération au niveau de sa demande de protection internationale, il requiert la vérification d’un risque réel dans son chef d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières.
Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors qu’il transperce des éléments d’appréciation soumis en cause, dont essentiellement les déclarations de l’intéressée, que celle-ci n’a jamais été 8politiquement active et les simples menaces verbales à son égard sont insuffisantes pour établir qu’elle court le risque d’être à son tour assassinée, de sorte que les craintes de persécutions mises en avant sont à qualifier de purement hypothétiques.
Quant aux menaces proprement dites, proférées à deux reprises à l’encontre de Madame …, il convient de retenir que ces faits personnels mis en avant ne revêtent pas un degré de gravité suffisant, au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution, de sorte à ne pas non plus justifier l’octroi du statut de réfugié.
Au-delà, il convient encore de noter que l’appelante n’établit pas non plus le fait que les autorités camerounaises ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective contre les menaces proférées à son encontre et faute d’avoir au moins tenté de porter plainte contre les inconnus auprès des autorités camerounaises policière ou judicaire, elle ne saurait utilement leur reprocher une quelconque inaction volontaire ou un refus de l’aider.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre d’abord, les premiers juges par la suite, ont rejeté la demande tendant à l’obtention du statut conféré par la protection internationale prise en son double volet pour manquer de fondement.
Quant à l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision de refus de protection internationale, comme le jugement entrepris est à confirmer en ce qu’il a refusé à l’appelante le statut de la protection internationale – statut de réfugié et protection subsidiaire – et que le refus d’octroi de pareil statut est automatiquement assorti d’un ordre de quitter le territoire par le ministre, la demande de réformation de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter à son tour et le jugement est à confirmer en ce qu’il a refusé de réformer ledit ordre.
L’appel n’étant dès lors pas fondé, il y a lieu d’en débouter Madame … et de confirmer le jugement entrepris.
Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel du 13 août 2020 en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;
partant, confirme le jugement du 13 juillet 2020 ;
condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
9 Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour ….
s. … s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 octobre 2020 Le greffier de la Cour administrative 10