N° 122 / 2020 du 08.10.2020 Numéro CAS-2019-00130 du registre Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit octobre deux mille vingt.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Roger LINDEN, conseiller à la Cour de cassation, Stéphane PISANI, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Olivier UNSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
la société anonyme SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation.
Vu l’arrêt attaqué, numéro 69/19, rendu le 15 mai 2019 sous le numéro CAL-
2018-00469 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ; Vu le mémoire en cassation signifié le 19 août 2019 par X à la société anonyme SOC1), déposé le 21 août 2019 au greffe de la Cour ;
Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et les conclusions du premier avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;
Sur les faits :
Selon l’arrêt attaqué, une injonction de payer européenne avait été délivrée à l’encontre de « ABSCHLIFF, X », enjoignant à ce dernier de payer à la société SOC1) un certain montant. Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, statuant sur l’opposition formée par X contre cette injonction, avait dit que la juridiction saisie était territorialement incompétente pour délivrer l’injonction de payer, de sorte que celle-ci était à considérer comme nulle et non avenue. La Cour d’appel, réformant, a dit que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes pour connaître de la demande et a déclaré bonne et valable l’injonction de payer européenne.
Sur le premier moyen de cassation :
« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 89 de la Constitution, en ce que, pour venir à la conclusion que Monsieur X ait accepté les trois factures datées du 26 mai 2006, du 29 août 2006 et du 30 août 2006 qui comportent chacune au recto une clause attribuant compétence aux tribunaux luxembourgeoise, la Cour d'appel a dénaturé les pièces soumises aux juges du fond, alors que, sur base de décomptes unilatéraux produits par la partie SOC1), la Cour d'appel a déduit que Monsieur X a procédé à des paiements partiels des factures litigieuses, alors bien qu'aucune preuve de paiement n'a été versée en cause, que la dénaturation des pièces équivaut à un défaut de motivation, que l'arrêt attaqué n'est pas motivé et doit être cassé. ».
L’article 89 de la Constitution concerne le défaut de motifs qui constitue un vice de forme.
Le moyen fait grief aux juges d’appel d’avoir dénaturé les pièces leur soumises. La disposition visée au moyen est partant étrangère au grief invoqué.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen de cassation :
« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 1315 du Code civil, en ce que, pour venir à la conclusion que Monsieur X ait accepté les trois factures datées du 26 mai 2006, du 29 août 2006 et du 30 août 2006 qui comportent chacune au recto une clause attribuant compétence aux tribunaux luxembourgeoise, la Cour d'appel s'est basé sur des documents unilatéraux émis par la partie SOC1) et en a déduit que Monsieur X a procédé à des paiements partiels des factures litigieuses, alors bien qu'aucune preuve de paiement n'a été versée en cause, alors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, que ce principe constitue une construction prétorienne sur le fondement de l'article 1315 du Code civil, qu'aucun document émanant de Monsieur X n'a été versé en cause prouvant un paiement partiel des factures litigieuses, qu'il y a violation des principes résultant des termes de l'article 1315 du Code civil, que l'arrêt attaqué doit être cassé. ».
Il ne ressort pas des actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard que le demandeur en cassation ait fait valoir ce moyen devant les juges d’appel.
Le moyen est dès lors nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit.
Il en suit que le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen de cassation :
« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 25, paragraphe 1er, du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce que la Cour d'appel a dit que la clause attributive de juridiction peut valablement être invoquée par la société SOC1) et que les juridictions luxembourgeoises sont compétentes pour connaître de la demande, alors que la convention attributive de juridiction pour être valable, doit être conclue, dans le commerce internationale, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée, qu'en l'espèce, la clause d'attribution de compétence figure sur le recto des factures litigieuses, qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces factures aient été envoyées à Monsieur X, qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces factures aient été réceptionnées par Monsieur X, qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier que la marchandises faisant l'objet des factures litigieuses a effectivement été livrée à Monsieur X, qu'il ne ressort d'aucun élément objectif du dossier que les factures au dos desquelles figure la clause aient été réglaient, que la clause d'attribution de compétence n'a donc pas été conclue sous une forme dont les parties étaient censées avoir connaissance, que la clause d'attribution de compétence ne pouvait donc pas être valablement invoquée par la société SOC1) SA, que les juridictions luxembourgeoises ne sont pas compétentes sur cette base légale, que l'arrêt entrepris doit être cassé. ».
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la connaissance et de l’acceptation, par le demandeur en cassation, des conditions générales figurant sur le recto des factures émises par la défenderesse en cassation, et, partant de la clause attributive de juridiction litigieuse, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le quatrième moyen de cassation :
« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 7, paragraphe 1er, point b) du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce que la Cour d'appel a dit que les juridictions luxembourgeoises sont compétentes pour connaître de la demande, alors que une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande et qui est pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, qu'il résulte des trois factures litigieuses, les factures n° 676 du 26 mai 2006, n° 1037 du 29 août 2006 et n° 1041 du 30 août 2006, que les marchandises provenaient de la Malaisie et qu'il s'agissait d'une livraison intra-communautaire à une entreprise, que le lieu de livraison se situait au lieu d'établissement d'X, soit à Berlin en Allemagne, que les tribunaux du Grand-Duché de Luxembourg étaient donc incompétents pour connaître de la demande initiale, que l'arrêt attaqué doit être cassé. ».
La Cour d’appel a retenu la compétence des juridictions luxembourgeoises au regard de la clause attributive de juridiction liant les parties conformément aux dispositions de l’article 25 du règlement (UE) précité. Elle ne s’est pas fondée et n’avait pas à se fonder sur les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, du même règlement visant les compétences spéciales en matière contractuelle.
Il en suit que le moyen n’est pas fondé.
Sur le cinquième moyen de cassation :
« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 4 de la Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dite ), en ce que la Cour d'appel a dit que c'est à bon droit que la partie SOC1) soutient que la loi luxembourgeoise est applicable au contrat, alors que dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, que les présomptions édictées par l'article 4 de la Convention de Rome sont écartées lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, qu'il ressort des factures litigieuses, que si la marchandise a été livrée, quod non, la marchandise aurait dû être livrée en Allemagne avec un provenant de la Malaisie et que les factures auraient dû être payées sur un compte bancaire de la partie adverse auprès d'une banque établie en Allemagne, que le contrat, si contrat il y a eu, ce qui est contesté, présente des liens plus étroits avec l'Allemagne, qu'avec le Grand-Duché de Luxembourg, que c'est partant à tort que la Cour d'appel a rejeté l'argument de Monsieur X tiré de la prescription des factures litigieuses suivant le droit allemand, que l'arrêt entrepris doit être cassé. ».
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, de la détermination du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, qui est basée sur des considérations factuelles, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur le sixième moyen de cassation :
« tiré de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 109 du Code de commerce, en ce que la Cour d'appel a dit que la réception des factures serait établie par le défaut de réaction de l'intimé suite à la réception de la mise en demeure incontestable lui adressée par courrier recommandé, alors que conformément à l'article 109 du Code de commerce, la preuve des achats et ventes entre commerçants se fait notamment au moyen d'une facture acceptée, que la facture est (Principes de Droit Commercial, Tome III, deuxième édition, numéro 59, page 64), qu'une mise en demeure ne remplit pas les caractéristiques ainsi définis et ne saurait partant à elle seule justifier l'application de l'article 109 du Code de commerce, qu'un prétendu paiement d'acomptes n'est en effet pas établi en l'espèce, sur base des pièces versées en cause, que c'est partant à tort que la Cour d'appel a fait application des principes découlant de l'article 109 du Code de commerce, que l'arrêt entrepris doit être cassé. ».
Sous le couvert du grief tiré de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges du fond, des éléments de preuve leur soumis, à savoir la réception, par le demandeur en cassation, des factures litigieuses et l’absence de réaction de sa part, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Il en suit que le moyen ne saurait être accueilli.
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter.
PAR CES MOTIFS, la Cour de cassation :
rejette le pourvoi ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de l’avocat général Elisabeth EWERT et du greffier Viviane PROBST.
Conclusions du Parquet Général dans l’affaire de cassation X contre société anonyme SOC1) (CAS-2019-00130) Le pourvoi en cassation introduit par X par un mémoire en cassation signifié le 19 août 2019 à la défenderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour Supérieure de Justice le 21 août 2019 est dirigé contre un arrêt n°69/19 rendu en date du 15 mai 2019 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, statuant contradictoirement (n° CAL-2018-00469 du rôle). Cet arrêt a été signifié au demandeur en cassation en date du 21 juin 20191.
Le pourvoi en cassation est recevable pour avoir été interjeté dans la forme et le délai prévus à l’article 7 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation.
La défenderesse en cassation n’a pas signifié de mémoire en réponse.
Les faits et rétroactes En date du 9 mars 2015, une injonction de payer européenne a été délivrée sur demande de la société anonyme SOC1) à l’encontre de l’entreprise « ABSCHLIFF, X » sur base de l’article 12 du règlement (CE) n°1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer, enjoignant à X de payer à la société anonyme SOC1) du chef de trois factures partiellement impayées datées du 26 mai 2006, du 29 août 2006 et du 30 août 2006 le montant en principal de 178.786,63 euros, avec les intérêts.
Contre cette injonction de payer, X a formé opposition, et, par jugement rendu en date du 20 février 2018, le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a dit l’opposition recevable et fondée et a dit l’injonction de payer du 9 mars 2015 nulle et non avenue au motif que le tribunal saisi était territorialement incompétent pour délivrer l’injonction.
Contre ce jugement, la société anonyme SOC1) a relevé appel en date du 3 mai 2018, et la Cour d’appel a rendu en date du 15 mai 2019 un arrêt dont le dispositif est libellé comme suit :
« dit l’appel recevable, 1 Pièce n°2 de la farde de pièces du demandeur en cassation Le déclare fondé, Réformant :
Dit que les juridictions luxembourgeoises sont compétentes pour connaître de la demande, Déclare bonne et valable l’injonction de payer européenne no. L-IPA-16/15 du 9 mars 2015 délivrée à l’encontre de X l’ayant condamné au paiement du montant de 178.786,63 euros à augmenter des intérêts légaux au taux de 8 % à compter de l’échéance des factures, Décharge la société SOC1) de l’indemnité de procédure à laquelle elle a été condamnée en première instance, Condamne X à payer à la société SOC1) une indemnité de procédure de 1.000 pour la première instance, Condamne X à payer à la société SOC1) une indemnité de procédure de 1.500 euros pour l’instance d’appel, Déboute X de sa demande formulée sur base de l’article 240 du NCPC et condamne X aux frais et dépens des deux instances (…) » Cet arrêt fait l’objet du présent pourvoi.
Remarque préliminaire concernant les six moyens de cassation :
Les six moyens de cassation sont tirés « d’une violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation » de différentes dispositions légales.
Cet exposé des moyens est extrêmement vague et imprécis, d’autant plus qu’il est impossible de refuser d’appliquer une disposition et, en même temps, d’en faire une mauvaise application ou interprétation. En réalité, il s’agit de différentes violations de la loi, soit par refus d’application (la disposition n’a pas été appliquée alors qu’elle aurait dû l’être), par mauvaise application (la disposition a été appliquée à tort) ou par mauvaise interprétation.
Or, aucun des moyens n’indique avec précision le cas d’ouverture mis en œuvre.
La soussignée se rapporte à la sagesse de votre Cour concernant la recevabilité des différents moyens de cassation sur ce point.
Sur le premier moyen de cassation :
Le premier moyen de cassation est « tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 89 de la Constitution, en ce que, pour venir à la conclusion que Monsieur X ait accepté les trois factures datées du 26 mai 2006, du 29 août 2006 et du 30 août 2006 qui comportent chacune au recto une clause attribuant compétence aux tribunaux luxembourgeois, la Cour d’appel a dénaturé les pièces soumises aux juges du fond ».
Le premier moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dénaturé les pièces en déduisant des décomptes unilatéraux produits par la société anonyme SOC1) que X aurait procédé à des paiements partiels des factures litigieuses, alors qu’aucune preuve de paiement n’aurait été versée en cause.
L’article 89 de la Constitution concerne le défaut de motifs qui constitue un vice de forme. Or, le premier moyen reproche aux juges d’appel une appréciation erronée des pièces leur soumises. La disposition visée est étrangère au grief invoqué.
Le premier moyen est irrecevable.
Subsidiairement :
Sous le couvert d’une violation de l’article 89 de la Constitution, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Subsidiairement, le premier moyen ne saurait être accueilli.
Plus subsidiairement :
La décision entreprise est régulière en la forme, dès lors qu’elle comporte un motif exprès ou implicite, même vicié sur le point considéré.2 Etant donné que l’arrêt attaqué comporte une motivation sur la question litigieuse (motivation qui est citée dans l’exposé du moyen), le premier moyen n’est pas fondé.
Sur le deuxième moyen de cassation:
Le deuxième moyen « est tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 1315 du Code civil. » L’article 1315 du Code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. » Le deuxième moyen fait grief à l’arrêt dont pourvoi d’avoir accepté comme preuve « des documents unilatéraux émis par la partie SOC1) », « alors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ».
2 J.et L. Boré, La cassation en matière civile, Dalloz 5e éd. 2015/2016, n°77.31 Ce moyen n’a pas été invoqué devant la Cour d’appel. Il s’agit partant d’un moyen nouveau, et il s’agit d’un moyen mélangé de fait et de droit, étant donné qu’il exige la prise en considération de circonstances factuelles et la réappréciation de pièces soumises aux juges du fond.
Le deuxième moyen est irrecevable.
Subsidiairement :
Sous le couvert d’une violation de l’article1315 du Code civil, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Subsidiairement, le deuxième moyen ne saurait être accueilli.
Sur le troisième moyen de cassation:
Le troisième moyen de cassation est «tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 25, paragraphe 1er, du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, en ce que la Cour d’appel a dit que la clause attributive de juridiction peut valablement être invoquée par la société SOC1) et que les juridictions luxembourgeoises sont compétentes pour connaître de la demande. » La Cour d’appel a décidé que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes sur base de la motivation suivante :
« L’appelante a invoqué, pour justifier la compétence des juridictions luxembourgeoises, la clause d’attribution de compétence figurant sur le recto des factures suivant laquelle : « Im Falle von Bestreitung sind die Gerichte von Luxembourg oder die Gerichte am Wohnsitz des Käufers nach Wahl des Verkäufers allein zuständig ».
L’article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale prévoit que : « Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties ».
L’article précité prévoit dans sa suite que la clause attributive de juridiction, pour être valable, doit être conclue soit par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, soit sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir eu connaissance et qui est largement connue et régulièrement observée dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale.
Dans un arrêt C) c/ D) du 20 février 1997, la Cour de Justice de l’Union Européenne, se prononçant sur l’applicabilité des clauses d’élection de for, a admis en considération des exigences de simplicité et de rapidité dans le commerce international et du fait que les opérateurs du commerce international sont des professionnels avertis et qui ont donc, à ce titre, moins besoin de protection formelle qu’un cocontractant dont l’activité se limite au marché interne, qu’un accord de volontés peut être implicite.
L'accord d'élection de for doit certes avoir été librement et valablement consenti mais l'article 25 du règlement (UE) n°1215/2012 n'impose pas une stipulation figurant dans le contrat lui-même ni n'empêche le recours à des documents de référence.
Si des arrêts anciens de la Cour de justice indiquent que le consentement des parties doit se manifester « de manière claire et précise », rejetant ainsi la clause imprimée au verso du contrat, car « aucune garantie (n'est) donnée par ce procédé que l'autre partie a consenti effectivement à la clause dérogatoire au droit commun de la compétence judiciaire » et exigeant un renvoi exprès fait aux conditions générales (CJCE, Estasis Salotti, cité supra n° 45, pt 9), aujourd'hui, la jurisprudence est moins exigeante .
Dès lors qu'il est démontré que la partie s'opposant à la clause l'a acceptée, que ce soit en utilisant un bon de commande ou en réglant les factures au dos desquelles figure la clause (V. par exemple, Cass. com., 20 mars 2012, n° 11-
11.570, cité supra n° 31), ou encore en l'absence de protestation à l'égard des conditions générales de vente contenant ladite clause (V. par exemple, Cass.
1re civ., 13 févr. 2013, n° 11-27.967 : JurisData n° 2013-002226 : Rev. crit.
DIP 2013, p. 725, note D. Bureau ; D. 2013, p. 1503, obs. F. Jault-Seseke. – Cass. 1re civ., 27 févr. 2013, n° 11-23.520) . ( J Class.Droit International verbo Compétence judiciaire Fasc.584-165 no 60 et suivants) ces arguments sont voués à l’échec.
La demande de la société SOC1) porte sur le paiement de trois factures datées du 26 mai 2006, du 29 août 2006 et du 30 août 2006 pour un total de 178.786,63 euros qui comportent chacune sur leur recto la clause attribuant compétence aux tribunaux luxembourgeois. Il est dès lors établi qu’X, qui a procédé à des paiements partiels sur ces factures, tel qu’en témoignent les pièces versées par l’appelante, les a reçues, les a acceptées, et est partant lié par ces conditions.
La connaissance effective des conditions générales étant établie, eu égard à l’agencement de la facture, la question de la continuité des relations d’affaires qui n’est susceptible de présenter un intérêt qu’au cas où la connaissance des conditions générales est douteuse, reste sans incidence.
Il suit de ces considérations que, par réformation du jugement entrepris, il échet de retenir que la clause attributive de juridiction peut valablement être invoquée par la société SOC1) et que les juridictions luxembourgeoises sont compétentes pour connaître de la demande. » Le demandeur en cassation conteste tant l’envoi que la réception ou le règlement partiel des factures, tout comme la livraison du matériel, de sorte que la clause attributive de juridiction n’aurait pas été conclue sous une forme dont les parties étaient censées avoir pris connaissance.
Sous le couvert d’une violation de l’article 25, paragraphe 1er, du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, le demandeur en cassation entend contester la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle a constaté que la connaissance effective et l’acceptation des conditions générales étaient établies, pour ainsi remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le troisième moyen ne saurait être accueilli.
Sur le quatrième moyen de cassation :
Le quatrième moyen de cassation est « tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 7, paragraphe 1er, point b) du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ».
Le demandeur en cassation fait grief à l’arrêt dont pourvoi d’avoir décidé que les juridictions luxembourgeoises étaient compétentes et affirme que le lieu de livraison des marchandises se situait en Allemagne.
L’article 7 du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dispose :
« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre:
1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:
— pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, (…) » Cet article 7 figure dans la section 2 intitulée « Compétences spéciales », tandis que les clauses attributives de compétence sont régies par l’article 25 du même règlement, relatif à la prorogation de compétence.
Aux termes de l’article 25, paragraphe 1er, « Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. » Etant donné que la Cour d’appel a décidé qu’une clause attributive de juridiction a été valablement conclue entre parties, et qu’une telle clause confère une compétence exclusive aux juridictions désignées, elle n’avait pas à appliquer l’article 7, paragraphe 1er, point b) du règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.
La disposition visée au moyen ne devait pas été appliquée par les juges du fond et le quatrième moyen ne saurait avoir une quelconque incidence sur le dispositif de l’arrêt dont pourvoi.
Le moyen est irrecevable, sinon ne saurait être accueilli.
Sur le cinquième moyen de cassation :
Le cinquième moyen de cassation est « tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 4 de la Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dite « Convention de Rome »).
Le cinquième moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir conclu que c’était à bon droit que la société anonyme SOC1) avait conclu à l’applicabilité de la loi luxembourgeoise.
Il fait valoir qu’au cas où les parties n’ont pas fait de choix concernant la loi applicable au contrat, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.
Les présomptions édictées par l’article 4 de la Convention de Rome seraient à écarter au cas où le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays. Tel serait le cas, selon le demandeur en cassation, étant que la livraison du matériel devait se faire en Allemagne et que les factures auraient dû être payées sur le compte d’une banque établie en Allemagne.
La Cour d’appel a retenu l’application de la loi luxembourgeoise sur base de la motivation suivante :
« Suivant l’article 4 de cette Convention [Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelle], dans la mesure où la loi applicable au contrat n’a pas été choisie conformément aux dispositions de l’article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.
L’alinéa 2 de l’article 4 dispose qu’il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique, a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle.
C’est dès lors à bon droit que l’appelante soutient que la loi luxembourgeoise est applicable au contrat, les éléments invoqués par l’intimé (lieu de livraison et lieu de paiement situés en Allemagne) n’étant pas suffisants pour renverser cette présomption. » La Cour d’appel a partant pris en considération les éléments invoqués par X, mais elle a, par une appréciation souveraine des faits leur soumis, décidé que ces éléments étaient insuffisants pour renverser la présomption prévue à l’article 4 de la Convention et qu’il n’était pas établi que le contrat présentait des liens plus étroits avec un autre pays.
Sous le couvert d’une violation de l’article 4 de la Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, le demandeur en cassation souhaite remettre en discussion la détermination du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits, qui est basée sur des considérations factuelles souverainement appréciées par les juges du fond et échappant au contrôle de la Cour de cassation.
Le cinquième moyen ne saurait être accueilli.
Sur le sixième moyen de cassation :
Le sixième moyen de cassation est « tiré de la violation, sinon du refus d’application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l’article 109 du Code de commerce, en ce que la Cour d’appel a dit que la réception des factures serait établie par le défaut de réaction de l’intimé suite à la réception de la mise en demeure incontestable lui adressée par courrier recommandé. » Le demandeur en cassation reproche à l’arrêt attaqué qu’une mise en demeure ne remplit pas les caractéristiques d’une facture et ne saurait partant à elle seule justifier l’application de l’article 109 du Code de commerce.
Ce moyen procède d’une lecture incomplète de l’arrêt dont pourvoi.
La Cour d’appel a retenu la réception des factures sur base de la motivation suivante :
« La réception des factures étant établie tant par le paiement d’acomptes que par le défaut de réaction de l’intimé suite à la réception de la mise en demeure incontestable lui adressée par courrier recommandé, il y a lieu de faire application de l’article 109 du Code de commerce et de retenir que l’intimé est forclos à contester la commande et la livraison des marchandises facturées dès lors qu’il n’a pas émis de protestations contre les factures concernées. » Sous le couvert d’une violation de l’article 109 du Code de commerce, le demandeur en cassation souhaite critiquer l’arrêt attaqué en ce qu’il a déduit la réception des factures du paiement d’acomptes et du défaut de réaction suite à la réception de la mise en demeure, pour ainsi remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation.
Le sixième moyen manque en fait, sinon ne saurait être accueilli.
Conclusion Le pourvoi est recevable, mais non fondé.
Pour le Procureur Général d’Etat, Le 1er avocat général, Marie-Jeanne Kappweiler 16