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17/10/2019 | LUXEMBOURG | N°42538C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 17 octobre 2019, 42538C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 42538C Inscrit le 22 mars 2019

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Audience publique du 17 octobre 2019 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 13 février 2019 (n° 37534a du rôle) dans un litige l’opposant à la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l., … en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 4253...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 42538C Inscrit le 22 mars 2019

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Audience publique du 17 octobre 2019 Appel formé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg contre un jugement du tribunal administratif du 13 février 2019 (n° 37534a du rôle) dans un litige l’opposant à la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l., … en matière d’impôts

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 42538C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 22 mars 2019 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sur base d’un mandat afférent lui conféré par le ministre des Finances le 7 mars 2019, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 13 février 2019 (n° 37534a du rôle), par lequel ledit tribunal, statuant par rapport au recours introduit par la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l., inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, représentée par son organe de gestion actuellement en fonction, et tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 14 janvier 2016 (n° … du rôle) portant rejet de sa réclamation introduite à l’encontre du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2006, du bulletin rectificatif de l’impôt sur le revenu des collectivités de l’année 2006 et du bulletin rectificatif de l’impôt commercial communal de l’année 2006, tous émis le 1er juillet 2015, s’est déclaré compétent pour connaître du recours principal en réformation, a déclaré le recours en réformation fondé, de manière à avoir, par réformation de la décision du 14 janvier 2016, dit que les bulletins rectificatifs ayant fait l’objet de la réclamation du 14 juillet 2015, tous émis le 1er juillet 2015, sont à annuler et renvoyé le dossier devant le directeur pour exécution, tout en rejetant la demande de la société « A » s.à r.l. en paiement d’une indemnité de procédure, ordonnant l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel et condamnant l’Etat au frais, y compris les frais de l’instance de référé ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 18 avril 2019 par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par son gérant commandité, la société en responsabilité limitée KLEYR GRASSO GP s.à r.l., elle-même représentée par Maître Marc KLEYR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l. ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 20 mai 2019 par Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG pour compte de l’Etat ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 19 juin 2019 pour compte de la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Eric PRALONG et Maître Marc KLEYR en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 septembre 2019.

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En date du 1er juillet 2015, le bureau d’imposition Sociétés 6, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l., ci-après désignée par la « société « A » », sur le fondement du § 222 (1), points 1. et 2. de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », des bulletins rectificatifs visant l’année 2006 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal, le bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités ayant qualifié de distribution cachée de bénéfices des sommes traitées par la société « A » comme une charge comptable en relation avec un rachat de « Convertible Preferred Equity Certificates », en abrégé « CPEC ».

En conséquence de ces bulletins rectificatifs, le bureau d’imposition émit encore le même jour le bulletin de la retenue d’impôt sur revenus des capitaux de l’année 2006 fixant une retenue à la source de 20 % sur le montant de cette distribution cachée de bénéfices.

La société « A » fit introduire en date du 14 juillet 2015 une réclamation contre ces bulletins auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », réclamation qui fut rejetée par une décision du directeur du 14 janvier 2016, référencée sous le n° … du rôle, sur base des motifs suivants :

« Vu la requête introduite le 14 juillet 2015 par Me Marc Kleyr, au nom de la société à responsabilité limitée « A », L-… …, pour réclamer contre les bulletins rectificatifs de l'impôt sur le revenu des collectivités et les bulletins rectificatifs de la base d'assiette de l'impôt commercial communal de l'année 2006, ainsi que contre le bulletin de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux de l'année 2006, tous émis le 1er juillet 2015 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO) dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 228 AO) de la loi ; qu'elles sont partant recevables ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d'imposition, d'une part, d'avoir émis des bulletins rectificatifs pour les besoins de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt commercial communal de l'année 2006 sur base du paragraphe 222 AO et, d'autre part, d'avoir admis une distribution cachée de bénéfices d'un montant de …euros en relation avec le prix de rachat de « CPECs » ;

Considérant qu'en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d'office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d'impôt étant d'ordre public ; qu'à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l'acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu'en l'espèce la forme suivie par le bureau d'imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la réclamante a pour objet la prise de participations, sous quelque forme que ce soit, dans des sociétés luxembourgeoises et étrangères, l'acquisition par l'achat, la souscription ou de toute autre manière, ainsi que le transfert par vente, échange ou autre, d'actions, d'obligations, de reconnaissances de dettes, notes ou autres titres de quelque forme que ce soit, et la propriété, l'administration, le développement et la gestion de son portefeuille ;

Quant à la forme Considérant que la réclamante critique d'avoir émis des bulletins rectificatifs sur base du paragraphe 222 alinéa 1er, numéro 1 AO ;

Considérant qu'en vertu du § 222, alinéa 1er AO un bulletin d'impôt ne peut être rectifié que dans la mesure où le bureau d'imposition a pris connaissance de faits ou de moyens de preuve nouveaux justifiant une augmentation de la cote d'impôt pour autant que l'impôt n'est pas atteint par la prescription, celle-ci voyant son délai prorogé de 5 à 10 ans, conformément à l'article 10 de la loi du 27 novembre 1933 concernant entre autres le recouvrement des contributions directes dans les cas visés justement par le § 222 AO ;

Considérant que la réclamante fait valoir que d'une part, il n'y aurait pas de fait nouveau et, d'autre part, qu'il n'y aurait pas de fait pertinent ;

que les conditions du § 222 alinéa 1 AO ne seraient pas remplies en raison du fait que le bureau d'imposition compétent aurait confirmé le traitement fiscal des « CPECs » dans le cadre de décisions anticipatives introduites par l'intermédiaire de … ;

Considérant qu'en ce qui concerne plus particulièrement la notion de « neue Tatsache », terme contenu dans le n° 1 du § 222, alinéa 1er AO, il importe de mettre en exergue que celle-ci englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d'autres faits ou actes une base d'imposition de l'impôt en cause et dont le bureau d'imposition compétent n'a eu connaissance qu'après l'émission du bulletin d'impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n'ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d'imposition (Tribunal administratif 17 février 2005, nos 18011, 18012, 18013, 18014, 18015, 18016, 18017 et 18018 du rôle) ; que l'administration est dès lors fondée à émettre des bulletins rectificatifs chaque fois que le contribuable a fourni, dans sa déclaration fiscale initiale, des indications inexactes, insuffisantes ou incomplètes par rapport à la nature de l'impôt (Conseil d'État, 23.12.1964, no 5684 du rôle) ;

Considérant que les bulletins de l'impôt sur le revenu des collectivités de l'année 2006 ont été émis en date du 25 mars 2009 ;

Considérant que l'instruction au bureau d'imposition a révélé qu'au cours de l'année 2011 la réclamante, ainsi qu'une société dénommée « B » et six personnes physiques ont été assignées en justice par les liquidateurs d'une société dénommée « C » afin de faire annuler l'opération de rachat de 27.321.600 instruments financiers appelés « Convertible Preferred Equity Certificates » et de faire rembourser le prix du rachat de … euros (jugement commercial XV n° ,,, du 23 décembre 2015) ;

Considérant que le bureau d'imposition est dès lors au plus tôt parvenu à prendre connaissance en 2011, i.e. plus de deux années après l'émission des bulletins d'impôts de l'année 2006 des faits que le prix de rachat de … euros dans le chef de ladite opération de rachat d'instruments financiers ne correspondrait pas à la réalité économique ; qu'il a donc valablement pu émettre des bulletins rectificatifs sur base du § 222 numéro 1 AO ;

Quant au fond Considérant qu'il ressort du dossier fiscal de la réclamante que celle-ci a détenu en 2006 une participation de 100% dans le capital social d'une société à responsabilité limitée résidente dénommée « B » (ci-après « B ») ;

Considérant qu'à son tour, la société « B » a détenu en 2006 une participation de 100% dans une société dénommée « C » (ci-après « C ») ;

Considérant qu'il est constant qu'à l'époque les bénéficiaires économiques de la structure « A » étaient les fonds d'investissement « X » (ci-après « X ») et « Y » (ci-après « Y ») ;

Considérant qu'il résulte tant de la requête introductive que du dossier fiscal que la société « C » a procédé en date du 21 décembre 2006 au rachat de 27.321.600 instruments financiers appelés « Convertible Preferred Equity Certificates » (ci-après CPECs) à un prix total de … euros, soit un prix de 35,82 euros par titre ;

que la société « C » a racheté ces instruments financiers de son associé, i.e. la société « B » ;

Considérant que ce rachat a enchaîné des rachats supplémentaires de la part de « B » auprès de la réclamante et de la part de la réclamante auprès des bénéficiaires économiques de la structure « A », i.e. les fonds d'investissment ;

Considérant qu'il résulte des comptes annuels au 31 décembre 2006 que le compte de profits et pertes de la réclamante fait ressortir, d'une part, parmi les charges, une « perte sur remboursement CPECs » d'un montant de …euros et, d'autre part, parmi les produits, un montant de …euros relatif à « un remboursement sur CPECs « A » ;

Considérant qu'il ressort du dossier fiscal que le bureau d'imposition a admis une distribution cachée de bénéfices d'un montant de …euros soumise à la retenue d'impôt sur revenus de capitaux, soit … euros ;

Considérant en effet qu'en vertu d'un « redemption agreement » portant la date du 21 décembre 2006, la société « C » a racheté … CPECs sur un nombre total de … CPECs émis, à la société « B » à une valeur de rachat de 35,82 euros par CPEC de sorte que la société « C » a payé une somme totale de … euros à son associé commanditaire, la société « B » ;

Considérant que le même jour, la société « B » a racheté … CPECs à son associé, i.e.

la réclamante, à une valeur de rachat de 35,57 euros par CPEC, soit un prix de rachat total de … euros ;

Considérant que la réclamante elle-même avait racheté lesdits instruments financiers ;

que ce rachat a généré une perte de …euros dans les comptes annuels de l'année 2006 ;

Considérant en outre qu'il est constant qu'en date du 6 février 2007, les … CPECs restants ont été cédés à la société « W » au prix d'un euro par instrument financier ;

Considérant qu'en matière fiscale, les sociétés membres d'un groupe doivent être considérées comme agissant entre elles sur un marché de pleine concurrence (normes OCDE) ;

qu'à l'époque du rachat, le prix de cession a donc dû être conforme suivant le principe de la pleine concurrence aux prix convenus dans des conditions similaires entre tiers ;

Considérant que l'article 164 L.I.R. confirme le principe de pleine concurrence dans son alinéa 3 : « Il y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d'une société ou d'une association dont normalement il n'aurait pas bénéficié s'il n'avait pas eu cette qualité » ;

Considérant que la disposition de l'article 164 alinéa 3 est l'application du principe suivant lequel il y a lieu, pour les besoins du fisc, de restituer aux actes leur véritable caractère et doit partant s'interpréter en fonction de cette finalité (Conseil d'État du 13 janvier 1987, no 6690 du rôle ; décision C 9679) ;

Considérant qu'il n'est pas clair pourquoi la valeur de l'instrument financier « CPEC » a pu diminuer en 47 jours de 35,82 euros à 1 euro ;

Considérant qu'un gestionnaire même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d'une exploitation commerciale, n'aurait pas racheté sur un marché de pleine concurrence 27.321.600 instruments financiers à un prix unitaire de 35,82 euros alors que 47 jours plus tard les instruments financiers restants du même type ont été cédés à des tiers pour un prix unitaire d'un euro ;

qu'un gestionnaire même moyennement diligent et consciencieux au sommet d'une structure de détention n'aurait en plus pas autorisé le refinancement du prix de rachat de presque … d'euros par l'émission de dettes auquel la société « C » a dû recourir afin de pouvoir débourser le prix de rachat de … euros à « B » ;

qu'il est en plus constant que les bénéficiaires économiques de la réclamante, i.e. les fonds d'investissements « X » et « Y » se sont servis de la présente structure de détention afin de s'enrichir par l'intermédiaire de l'opération de rachat ; que l'« administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l'entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement. Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu'il n'y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées » (jugement tribunal administratif du 9 juin 2008 n° 23324 du rôle, arrêt Cour administrative du 11 février 2009, n° 24642C du rôle) ;

Considérant que même si la réclamante fait valoir que lesdites opérations de rachat auraient fait l'objet de décisions anticipées et que la valeur de rachat aurait été connue au préposé, il n'en reste pas moins que la réclamante reste en défaut de fournir des preuves et explications concluantes quant à la diminution de valeur de 35,82 euros à 1 euro endéans 47 jours ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens de la réclamante ne sont pas concluants ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 146 L.I.R., les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées, sont passibles de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 148 le taux de la retenue d'impôt applicable pour l'année 2006 est de 20%, à moins que le débiteur des revenus prenne à sa charge l'impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices, n'est jamais présumé ;

Considérant que le bulletin de la retenue d'impôt sur revenus de capitaux de l'année 2006 est dès lors également à confirmer ;

PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 février 2016, inscrite sous le n° 37534 du rôle, la société « A » fit introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du directeur du 14 janvier 2016.

Par une requête déposée le même jour et inscrite sous le n° 37535 du rôle, la société « A » demanda encore au président du tribunal administratif d’ordonner le sursis à exécution par rapport à ladite décision du directeur. Par une ordonnance du 29 février 2016, le président du tribunal administratif ordonna le sursis à l’exécution de la décision du directeur du 14 janvier 2016 jusqu’au jour où le tribunal aura statué sur le mérite du recours introduit sous le n° 37534 du rôle.

Par une requête en intervention volontaire, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 septembre 2017, la société en commandite par actions de droit luxembourgeois « C », ci-après désignée par la « société « C » », sous procédure de liquidation judiciaire en Angleterre, sollicita le droit d’intervenir volontairement dans le cadre de la procédure portant le n° 37534 du rôle.

Par un jugement du 22 janvier 2018, le tribunal déclara irrecevable ladite demande en intervention volontaire. A travers un arrêt du 28 juin 2018 (n° 40849C du rôle), la Cour administrative confirma ce jugement du 22 janvier 2018.

Dans son jugement du 13 février 2019, le tribunal administratif se déclara compétent pour connaître du recours principal en réformation et déclara ce recours fondé, de manière à dire, par réformation de la décision directoriale du 14 janvier 2016, que les bulletins rectificatifs émis le 1er juillet 2015 sont à annuler et à renvoyer le dossier devant le directeur pour exécution. Il rejeta encore la demande de la société “A” en paiement d’une indemnité de procédure, ordonna l’effet suspensif du recours pendant le délai et l’instance d’appel et condamna l’Etat aux frais, y compris les frais de l’instance de référé.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 22 mars 2019, l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 13 février 2019.

En fait, l’Etat expose que durant l’année 2006, la société « A » aurait détenu une participation à hauteur de 100% dans la société à responsabilité limitée « A » s.à r.l., ci-après la « société « B », laquelle aurait détenu, elle-même, une participation de 100% dans la société « C ». Cette dernière aurait détenu depuis l’année 2005 la société anonyme de droit grec « V »., une société de télécommunications mobiles grecque, ci-après désignée par la « société « V » ». Les bénéficiaires finaux de cette structure auraient été les fonds d’investissement « X », ci-après désigné par « X », et « Y », ci-après désigné par « Y ».

L’Etat ajoute que le 1er décembre 2011, la société « C » aurait été mise en liquidation en Grande-Bretagne et que la société « B » aurait été déclarée en état de faillite au Luxembourg par un jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 17 décembre 2014.

Il résulterait des stipulations d'un « redemption agreement » du 21 décembre 2006 qu'à cette date serait intervenue une attribution en espèces de … euros par la société « C » à la société « B », attribution qui semblerait en apparence justifier le rachat de … CPEC pour une valeur de 35,82 euros par CPEC. La valeur de rachat de ces instruments financiers serait toutefois à mettre en perspective avec leur valeur nominale lors de leur émission à la date du 15 juin 2005, en l'occurrence 1 euro par CPEC, et avec la valeur de vente des CPEC restants le 6 février 2007 à la société italienne « W », ci-après désignée par la « société « W », soit à un tiers, également au prix de 1 euro par CPEC, le délégué du gouvernement soulignant qu’il s'agirait des mêmes titres, de la même émission et du même émetteur. Le délégué du gouvernement affirme que cette valeur de 35,82 euros par CPEC aurait été déterminée par les investisseurs. Il attire encore l’attention du tribunal sur les mentions figurant dans le tableau de calcul fourni par …, à savoir « proceeds to be extracted by way of CPEC redemption » et « number of CPECS to be redeemed to exit required funds », ce qui attesterait que la valeur des CPEC aurait été déterminée « à rebours » de façon à faire remonter aux investisseurs un montant prédéterminé par eux. Le délégué du gouvernement estime que le prix de rachat des CPEC lors de la transaction du 21 décembre 2006 n'aurait pas été justifié et que l'évaluation au montant de 35,82 euros par CPEC ne serait appuyée par aucune preuve, mais serait exclusivement motivée par la volonté des investisseurs finaux de voir remonter ou plutôt d’extraire une somme prédéterminée par eux.

L’Etat relève encore que le rachat des CPEC serait intervenu, alors même que la société « C » n'aurait pas eu suffisamment de fonds propres, de sorte qu’elle aurait dû se financer auprès de tiers pour réunir la somme de … euros attribuée en l’espèce. Il y aurait partant eu une distribution de presque … d'euros, obtenue par emprunt sur les marchés, sous prétexte du rachat des CPEC dont la valeur de rachat aurait été de 35 fois supérieure à leur valeur réelle.

Il souligne que le fait que la société « C » n'aurait pas été suffisamment capitalisée, n'aurait pas été communiqué à suffisance à l'administration des Contributions directes, ce qui invaliderait ab initio tout agrément éventuel que celle-ci aurait pu donner à l'opération.

Le délégué du gouvernement explique que d’un point de vue fiscal, le prix de rachat aurait été redressé et reclassé à la valeur nominale de 1 euro par CPEC. L'avantage ainsi obtenu par les bénéficiaires de l'attribution en espèce, soit in fine les fonds « X » et « Y », à hauteur de …euros du fait de la surévaluation non justifiée, aurait été qualifié par le bureau d'imposition de distribution cachée de bénéfice, de sorte qu'un impôt à hauteur de …euros aurait été éludé.

En droit, l’Etat reproche au tribunal d’avoir considéré à tort que les conditions du § 222 AO n'étaient pas remplies en l'espèce, à défaut de faits nouveaux au sens de cette disposition, et il considère que l'existence de faits nouveaux justifiant la réouverture de l'examen de la situation fiscale du contribuable devrait être reconnue.

En premier lieu, l’Etat renvoie à la décision directoriale qui aurait retenu que ce ne serait qu'en l’année 2011, soit plus de deux ans après l'émission des bulletins d'impôts initiaux relatifs à l'année 2006, que le bureau d'imposition aurait pris connaissance du fait que le prix de rachat de … euros, payé dans la cadre de l'opération de rachat de CPEC, ne correspondait pas à la réalité économique et ce à travers la communication de deux assignations en justice introduites par les liquidateurs de la société « C » devant les juridictions civiles, dont l’Etat fournit dans son acte d’appel un résumé des parties défenderesses et des demandes respectives.

Tout en admettant que ces deux affaires ont donné lieu à un jugement civil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg rendu le 23 décembre 2015 et ayant débouté la partie demanderesse, l’Etat relève que l’affaire se trouve actuellement en instance d’appel et qu’en l'état actuel des choses, les fonds ne seraient pas remboursés, entraînant que la constellation factuelle dans laquelle la taxation a été opérée n'aurait pas changé. Il argue que ce ne serait pas parce que le tribunal de commerce a considéré qu'il n'y aurait pas eu de violation des stipulations contractuelles relatives aux CPEC que cette opération devrait ipso facto être considérée comme étant conforme au principe de pleine concurrence et qu’une opération contractuellement licite pourrait faire l'objet d'une appréciation économique distincte par les services fiscaux dans le but de procéder à une taxation conforme à la loi.

Quant au motif tiré par les premiers juges de ce que les opérations financières réalisées et décrites dans l'assignation auraient fait l'objet de diverses décisions anticipées du bureau d'imposition des 16 juin 2005, 11 janvier et 3 mai 2006 et 7 mars 2007 prises antérieurement à l'imposition initiale, de sorte que les faits exposés n'auraient pas été nouveaux pour le bureau d'imposition, l’Etat fait valoir que le préposé n'aurait pu se prononcer que sur base des seuls faits qui lui avaient été soumis, faits qui se limiteraient à de pures allégations pour ce qui est de la « fair value of the participation » ou du caractère « arm's length » du prix de rachat des CPEC, tels que mentionnés dans le courrier de … du 7 mars 2007. En outre, le raisonnement de l’intimée, confirmé par le tribunal, procèderait en réalité d'une erreur qui consisterait à dire que la valorisation des actifs de la société « V » devrait se faire en additionnant le montant du capital, soit … .. d’euros, et l'endettement, soit … d’euros. Finalement, l’Etat épingle le défaut d'un rapport émanant d'un tiers indépendant permettant d'établir la valeur de marché de la société « V » et que la mention dans la documentation soumise au bureau d'imposition, suivant laquelle « the fair market value of the participation held by « C » in « V » was assessed by « X », prouverait que la valeur en question aurait été appréciée par « X » de manière purement potestative. Il argue qu’il ne saurait être reproché au bureau d'imposition de n'avoir pas demandé des informations supplémentaires ou bien un rapport d'évaluation émanant d'un tiers, puisque « X » aurait expressément déclaré que cette évaluation serait conforme à la valeur de marché et que cette déclaration aurait la valeur d'un engagement au respect duquel la force obligatoire des décisions anticipées serait conditionnée.

Dans ce cadre, l’Etat se prévaut des éléments factuels exposés par les liquidateurs de la société « C » dans le cadre du litige concernant l’admissibilité de leur intervention volontaire dans le cadre du recours sous examen, ayant abouti à l’arrêt de la Cour du 28 juin 2018 (n° 40849C du rôle). Il renvoie à l’exposé des liquidateurs suivant lequel sur base de résolutions adoptées par l’actuelle intimée, en sa qualité de gérant et d'associé commandité de la société « C », en date du 18 décembre 2006 et à travers la conclusion d'une convention de rachat (« redemption agreement ») entre les sociétés « C » et « B » en date du 21 décembre 2006, il a été décidé de procéder au rachat anticipé des …CPEC détenus par la société « B » et ce au prix unitaire de 35,82 euros, aboutissant à un prix total de … euros, alors même que la valeur nominale des CPEC avait été de 1 euro par CPEC. Après avoir reçu le produit du rachat des CPEC, les fonds d'investissement « X » et « Y » auraient décidé par la suite, en février 2007, de céder le groupe « Z » à un investisseur tiers, la société “W”, au moyen d'une cession des actions de l’intimée et des CPEC restants pour une valeur nominale de 1 euro par CPEC.

L’Etat souligne encore que les représentants de la société « C » auraient confirmé à la Cour que dans la mesure où elle n'aurait pas disposé des réserves suffisantes pour lui permettre de payer ce prix de rachat et où cette opération de rachat anticipé aurait entraîné son insolvabilité, elle a été placée dès novembre 2009 sous administration judiciaire au Royaume-Uni, puis en liquidation judiciaire en novembre 2011. Informés de l’existence des décisions anticipées du bureau d'imposition en dates des 16 juin 2005, 11 janvier et 3 mai 2006, respectivement 7 mars 2007 et des bulletins d'imposition émis en conséquence à l’égard des sociétés impliquées, les liquidateurs se seraient néanmoins rendus compte que toutes les informations utiles et nécessaires n'avaient pas été transmises à l'administration des Contributions directes dans le contexte de l'adoption desdites décisions et auraient dès lors informé celle-ci de « l'existence de faits nouveaux de nature à justifier de revenir sur les différentes décisions anticipatives et sur les bulletins d'imposition précédemment émis » et se trouvant également à la base des deux assignations en justice de novembre 2011 devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

L’Etat considère que tous ces éléments factuels lui auraient été communiqués par les liquidateurs de la société « C », qu’ils constitueraient des faits « objectifs, vérifiables et vérifiés » ne résultant nullement d'une quelconque appréciation de l'administration fiscale et qu’ils révéleraient une situation litigieuse quant à l’opération de rachat des CPEC qui aurait justifié une réouverture des investigations par le bureau d'imposition. Ainsi, la mise en liquidation judiciaire de la société « C », de même que la faillite de la société « B », attesteraient très clairement du fait que l'opération litigieuse serait anormale et devrait être reconsidérée sur le plan fiscal.

En deuxième lieu, l’Etat souligne que le fait que la société « C » n'aurait pas été suffisamment capitalisée en vue du rachat des CPEC n'aurait pas été communiqué à suffisance à l'administration des Contributions directes, ce qui invaliderait, ab initio, tout agrément éventuel que celle-ci aurait pu donner à l'opération. Il souligne que le préposé du bureau d'imposition n'aurait jamais donné son aval à un traitement fiscal avantageux pour une opération devant se traduire par une chaîne de faillites et de liquidations judiciaires et par des investisseurs non remboursés de leurs prêts et qu’il n'aurait nullement été question dans les demandes de décisions anticipées du fait que le rachat des CPEC entraînerait une situation de la société « C » à ce point obérée qu'une juridiction - d'ailleurs étrangère - soit contrainte de procéder à sa mise en liquidation. L’Etat en déduit que l’intervention des liquidateurs de la société « C » aurait révélé que les prémisses, telles qu'exposées par le contribuable et sur base desquelles le préposé a donné son accord, ne correspondaient pas à la réalité et, plus particulièrement, que la valorisation des CPEC à 35 euros n'aurait pas été conforme à la réalité économique.

En troisième lieu, l’Etat se réfère aux termes et conditions du CPEC et plus précisément à la définition du « conversion event » pour en déduire que le rachat des CPEC n’aurait pu intervenir que dans la seule hypothèse où la solvabilité de la société n'était pas obérée, ce qui n'aurait pas été le cas au vu de la mise en liquidation de la société « C » en novembre 2011.

Sur base de ces éléments, l’Etat estime qu’afin que les décisions anticipatives puissent trouver à s'appliquer, il faudrait nécessairement que la description des faits de la cause à la base de la demande soit conforme à la situation effectivement donnée par la suite, mais que tel ne serait pas le cas en l’espèce au vu des divergences des opérations réalisées par rapport aux renseignements fournis, de manière à ce que les décisions anticipées ne trouveraient pas à s'appliquer dans leur ensemble à la présente cause.

L’intimée conclut par contre à la confirmation du jugement entrepris et des motifs à sa base.

Le § 222 AO dispose comme suit :

« (1) Hat bei Steuern, bei denen die Verjährungsfrist mehr als ein Jahr beträgt, das Finanzamt nach Prüfung des Sachverhalts einen besonderen, im Gesetz selber vorgesehenen schriftlichen Bescheid (Steuerbescheid, Steuermessbescheid, Freistellungsbescheid oder Feststellungsbescheid) erteilt, so findet, soweit nichts anderes vorgeschrieben ist, eine Änderung des Bescheids (eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung) nur statt:

1. wenn neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine höhere Veranlagung rechtfertigen, und die Verjährungsfrist noch nicht abgelaufen ist;

2. wenn durch eine Betriebsprüfung vor dem Ablauf der Verjährungsfrist neue Tatsachen oder Beweismittel bekanntwerden, die eine niedrigere Veranlagung rechtfertigen;

3. wenn bei einer Nachprüfung durch die Aufsichtsbehörde Fehler aufgedeckt werden, deren Berichtigung eine höhere Veranlagung rechtfertigt, und die Verjährungsfrist noch nicht abgelaufen ist; dies gilt nicht für die Steuern vom Einkommen, vom Ertrag, vom Umsatz und vom Vermögen;

4. wenn bei einer Nachprüfung durch die Aufsichtsbehörde vor dem Ablauf der Verjährungsfrist Fehler aufgedeckt werden, deren Berichtigung eine niedrigere Veranlagung rechtfertigt.

(2) Eine Berichtigungsveranlagung oder eine Berichtigungsfeststellung darf nicht auf eine nach Entstehung des Steueranspruchs erlassene Entscheidung des Staatsrats, Ausschuss für Streitsachen, gegründet werden, in der eine Rechtsfrage im Gegensatz zu einer früheren, einen gleichen Sachverhalt betreffenden höchstrichterlichen Entscheidung entschieden wird ».

En application du § 222 (1), point 1. AO, l’administration fiscale est fondée à émettre des bulletins rectificatifs, sous réserve du non-écoulement du délai de prescription, non litigieux en l’espèce, chaque fois qu’elle a connaissance de faits ou de moyens de preuve nouveaux justifiant une majoration de l’imposition du contribuable.

La notion de « neue Tatsache » englobe tout fait ou acte quelconque qui est susceptible de constituer isolément ou ensemble avec d’autres faits ou actes une base d’imposition de l’impôt en cause et dont le bureau d'imposition compétent n’a eu connaissance qu’après l’émission du bulletin d’impôt initial sans que le contenu des déclarations antérieures du contribuable n’ait été de nature à donner lieu à des doutes raisonnables dans le chef du bureau d’imposition (Cour adm. 4 juillet 2013, n° 31724C du rôle, Pas. adm. 2018, V° Impôts, n° 827).

La Cour rejoint les premiers juges dans leur pétition que les faits visés par le § 222 (1), point 1. AO doivent avoir été concrètement établis afin de pouvoir être pris en compte, de manière à ce que de simples déductions ou appréciations ne peuvent pas être reconnues sous cette enseigne (cf. BARTONE, VON WEDELSTÄDT, Korrektur von Steuerverwaltungsakten, 2e édit., n° 818, renvoyant notamment à BFH 23 novembre 2001, VI R 125/00, BStBl. II 2002, 296). Ainsi, notamment, une évaluation de biens résulte de l’analyse d’éléments factuels entrant en compte pour la détermination de la valeur de ces biens et ne constitue partant pas des faits au sens du § 222 (1), point 1. AO (cf. BARTONE, VON WEDELSTÄDT, Korrektur vun Steuerverwaltungsakten, 2e édit., n° 820, renvoyant notamment à BFH 14 janvier 1008, II R 9/97, BStBl. II 1998, 371).

En outre, des faits ou moyens de preuve sont à considérer comme nouveaux au sens du § 222 (1), point 1. AO lorsqu’ils ont été révélés après l’imposition initiale, mettant ainsi en doute sur des points importants la situation qui constitue le fondement de cette dernière (nova reperta). Il faut donc en principe que le fait ait existé au moment de l’imposition initiale et qu’il n’ait pas encore été connu du bureau d'imposition (HÜBSCHMANN, HEPP, SPITALER, RAO-Kommentar, § 222, Anm. 6 ; BARTONE, VON WEDELSTÄDT, Korrektur von Steuerverwaltungsakten, 2e édit., n° 837, renvoyant à BFH 12 janvier 1989, IV R 8/88, BStBl.

II 1989, 438; 16 mars 2016, V B 89/15, BFH/NV 2016, 993).

En l’espèce, il découle de l’analyse de l’argumentation étatique qu’elle entend justifier l’existence de faits nouveaux au sens du § 222 (1), point 1. AO par trois vecteurs d’éléments, à savoir 1) une valorisation des CPEC à environ 35 euros par unité qui ne se trouverait pas justifiée par la valeur de marché de la société « V » et qui ne correspondrait partant pas à la valeur de marché de ces titres ; 2) le fait qu’afin de financer le rachat des CPEC émis par elle à la valeur fixée alors même qu’elle n’aurait pas disposé de fonds propres suffisants, la société « C » aurait dû emprunter auprès d’investisseurs tiers des fonds tellement élevés que la charge financière afférente aurait entraîné son placement sous administration judiciaire au Royaume-Uni dès novembre 2009, puis sa liquidation judiciaire en novembre 2011 et 3) la non-conformité de l’opération de rachat des CPEC aux termes et conditions du CPEC et plus particulièrement à la définition du « conversion event ».

En ce qui concerne les deux premiers de ces vecteurs d’éléments, il se dégage de la décision anticipée du 16 juin 2005 que déjà dans le cadre de la demande afférente, l’émission de CPEC pour un montant de … .. d’euros par chacune des sociétés « A », « B » et « C » (point 1.2.1. : « the equity investment in « T3 » will be financed down through « T », « T1 » and « T2 » by share capitals of € … and by CPECs of € … » (les sociétés désignées par « T », « T1 » et « T2 » étaient les société « A », « B » et « C »), que ces CPEC ont été qualifiés fiscalement comme des dettes et qu’au-delà d’un rachat à la valeur nominale à l’échéance de ces titres, un rachat optionnel au prix le plus élevé entre la valeur nominale et la valeur de marché sur base de la proportion entre les CPEC et le total des CPEC et des actions du capital, réduite de 0,5%, était déjà prévue comme une option reprise au sein de la demande (point 1.4. :

« optional redemption : under certain conditions, option of the issuer to redeem at the greater of (i) the par value for each CPEC and (ii) market value, on a fully diluted basis (i.e. number of outstanding ordinary shares and outstanding CPECs) of the conversion shares into which the CPEC would have been convertible or converted, reduced by 0,5% »).

La demande à la base de cette décision anticipée du 16 juin 2005 indiquait également qu’une vente totale ou partielle des CPEC serait envisagée dans le cadre de scénarios de sortie des investisseurs (point 2.5.1 : « the envisaged exit scenario is a one-shot disposal or partial disposals of shares in « T3 » by « T2 », even though other exits scenarios cannot be totally excluded. In case of a partial or total disposal of shares in « T3 », the proceeds will be transferred to « T1 » either as dividends, share redemption proceeds, liquidation proceeds or as repayment of the CPECs or PECs, or a combination of these means. The same solutions may be used to transfer proceeds from « T1 » to « T » and from « T » to investors »). Quant à l’hypothèse de la vente de la participation dans la société « V », la même demande de décision anticipée indique une possible opération de rachat des CPEC sur base d’un prix de vente supérieur à la valeur d’émission (point 2.5.2 : « Once « T2 », « T1 » and « T » will receive cash from a partial or total realization of the underlying investment in « T3 », the former may redeem a portion or all of the PECs and CPECs. The commercial result realized by« T2 », « T1 » and « T » further to the redemption of PECs and CPECs will be equal to the difference between the applicable redemption price and their nominal value »).

La deuxième décision anticipée du 11 janvier 2006 a approuvé, dans le cadre d’une opération globale d’acquisition d’un autre opérateur de services de télécommunications grec, l’émission de nouveaux CPEC à hauteur de ….. d’euros par chacune des sociétés « A », « B » et « C » et ce à la même valeur nominale que les CPEC initiaux.

La troisième décision anticipée du 3 mai 2006 a pris note de ce que, dans le cadre d’opérations de refinancement de la structure, la société « C » a racheté une partie des CPEC acquis par la société « B », que cette dernière a racheté une partie des CPEC émis par elle et acquis par l’intimée et que celle-ci a racheté une partie des CPEC émis par elle et acquis par les investisseurs liés aux fonds « X » et « Y », tous ces rachats ayant porté sur un montant global de … euros et ayant été effectués à la valeur nominale des CPEC. Une note de bas de page au sein de la demande de décision anticipée précise en outre que la valeur nominale des CPEC avait été réduite de 100 à 1 euro par la voie du fractionnement.

La demande à la base de la troisième décision anticipée du 3 mai 2006 indiquait l’exécution d’un certain nombre d’opérations de refinancement au terme desquelles les dettes porteuses d’intérêts à l’égard de tiers de toute la structure sociétaire s’élevait à … .. d’euros (« Following the above-mentionned refinancing the aggregate third party interest bearing debts amount to € … »).

La quatrième décision anticipée du 7 mars 2007 a confirmé le traitement fiscal d’un ensemble d’opérations financières effectuées en décembre 2006 et ayant eu pour objet le refinancement de tout le groupe à la tête duquel s’est trouvée l’intimée. Le refinancement global a été présenté selon les termes suivants dans la demande afférente (point 1.1) :

« The refinancing of « A » Group was effected on 21 December 2006 with the following sources: (i) new subordinated debt funding of € … drawn down at the level of « C » from third Parties, (ii) new Payment in Kind (hereinafter "PIK") debt funding of € … drawn down at the level of “P” from third parties, (iii) additional senior secured debt funding of €… raised at the level of « F » from third parties, and (iv) existing cash in « V » S.A. (a Greek tax resident fully taxable company, hereinafter « V ») of €…. The total funding source amounted to €….

The uses were the following ones: (i) repayment by “S” of existing “M” debt to third parties of € …, (ii) payment of investors' Interest Free Convertible Preferred Equity Certificates (hereinafter "IFCPEC.s") through a partial optional redemption of € …, (iii) payment of transaction fees of €… incurred by « B », « C », and « F », and (iv) residual funding of € … left in Luxembourg companies, namely at the level of « F », « C », « B » , and « A » ».

Les opérations relatives aux CPEC émis par les sociétés « C », « B » et l’intimée ont été décrites comme rachats partiels des CPEC respectivement émis par ces trois sociétés, l’intimée rachetant auprès des investisseurs « X » et « Y » une partie des CPEC émis par elle pour un montant total de ….. d’euros à un prix optionnel de rachat (point 1.2 : « (…) « C » drew down new subordinated debt from third parties of € …. At this stage, the aggregate amount of proceeds received by « C » amounted to € …. (…) With remaining proceeds, « C » redeemed an element of the IFCPECs held by « B » at an aggregate optional redemption price of € …. « B » paid adviser fees of € …and redeemed an element of the IFCPECs held by the « A » at an aggregate optional redemption price of € …. « A » redeemed an element of the IFCPECs held by the investors at an aggregate optional redemption price of € … »). La demande renvoie encore à des bilans simplifiés y annexés dont il se dégage qu’avant cette opération de refinancement, l’intimée aurait des engagements sous forme de CPEC à l’égard des investisseurs à hauteur de ….. d’euros, tandis qu’à la suite de la même opération, les engagements sous forme de CPEC seraient réduits à un montant nominal de ….. d’euros.

Dans la demande à la base de la décision anticipée du 7 mars 2007, il est encore précisé que le prix de rachat des CPEC a été déterminé sur base de la valeur de marché et qu’il ne correspondait pas à la valeur nominale de ces titres (point 2.1 : « In accordance with the Terms & Conditions of the IFCPECs issued at the level of « C », « B », and « A », the Optional Redemption Price corresponds to the greater of (i) their par value and (ii) the market value, on a fully diluted basis (i.e. number of outstanding ordinary shares and outstanding IFCPECs) of the conversion shares into which the IFCPECs would have been convertible or converted reduced by 0.5%. The latter element "(ii)" actually determined the optional redemption price in the present case »). Une note de bas de page indique complémentairement que la valeur de marché de la participation dans la société « V » détenue par la société « C » avait été évaluée par « X », « Y » et les gestionnaires de la société « V » (note n° 5 : « The Fair market value of the participation held by « C » in « V » was assessed by « X » (hereinafter « X »), « Y » (hereinafter « Y »), and « V »'s management »).

La décision anticipée du 7 mars 2007 a confirmé, entre autres, que les produits alloués aux détenteurs respectifs des CPEC dans le cadre des rachats par les sociétés « C », « B » et l’intimée déterminés conformément au principe de pleine concurrence ne seraient pas requalifiés en dividendes ou distributions cachées (point 2.1 in fine : « the arm's length redemption proceeds paid on 21 December 2006 to the holders of IFCPECs and PECs will not be reclassified as dividends, hidden profit distributions or any other similar transactions and will not be subject to the Luxembourg withholding tax on income from capital »).

En ce qui concerne, ensuite, les nouveaux emprunts subordonnés que la société « C » a dû contracter auprès de tiers investisseurs afin de disposer des fonds nécessaires pour racheter en décembre 2006 une partie des CPEC qu’elle a émis, la décision anticipée du 7 mars 2007 indique que la société « C » a effectivement contracté des emprunts subordonnés à hauteur de … d’euros auprès d’investisseurs tiers (point 1.2 : « (…) « C » drew down new subordinated debt from third parties of €… »).

La demande à la base de cette décision renvoie encore à des bilans simplifiés y annexés, relatant la situation patrimoniale de la société « C » avant et après l’exécution de toutes les opérations de refinancement, dont il se dégage qu’avant cette opération de refinancement, la société « C » aurait eu un total de dettes envers des tiers à hauteur de … euros, tandis qu’à la suite desdites opérations, les dettes envers les tiers s’élèveraient à un montant de …euros.

Finalement, il convient de relever que la décision anticipée du 7 mars 2007 a confirmé la prise de connaissance, par le bureau d'imposition, du montant des nouveaux emprunts contractés et du niveau des intérêts débiteurs y relatifs dus par la société « C » et qu’il a confirmé la reconnaissance fiscale de ces intérêts comme constituant des dépenses d’exploitation déductibles conformes au principe de pleine concurrence (point 2.2.1:

« Furthermore, the € … new subordinated debt bearing interest at annual rates of currently 9.704% and 11.115% for its two tranches, drawn down by « C » from unrelated parties, will comply with the arm's length dealing principle. Thus, the corresponding interest expenses will be tax deductible to the extent they exceed any connected exempt participation income during the same accounting period and subject to recapture (Arts. 45 and 166 LIR and Art. 1 RGD).

Moreover, the interest expenses will be accepted and will comply with the arm's length dealing principle for Luxembourg tax purposes and no reclassification into hidden profit distribution or similar transaction will occur (Arts. 56, 97, 146 and 164 LIR) »).

La Cour est amenée à conclure à partir de ces éléments que le bureau d'imposition avait été dûment informé par les initiateurs du projet d’investissement dans la société « V » et leurs conseils à travers les demandes à la base des décisions anticipées des 16 juin 2005, 11 janvier et 3 mai 2006 et du 7 mars 2007 sur tous les aspects pertinents des opérations en cause exploités pour le première fois par le bureau d'imposition dans le cadre des impositions modificatives litigieuses.

Ainsi, le bureau d'imposition était informé, dès la décision anticipative du 16 juin 2005, que les CPEC émis par les trois société « C », « B » et l’intimée pouvaient être rachetés, dans des hypothèses définies dans les documents contractuels des CPEC, par les sociétés émettrices sur base d’un prix unitaire fondé sur la valeur de marché de la société « V » afin de faire remonter des fonds en faveur des investisseurs et ce nonobstant le fait que la troisième décision anticipée du 3 mai 2006 a expressément approuvé une opération de rachat partiel de CPEC à la valeur nominale. Les éléments d’information fournis dans la demande à la base de la décision anticipée du 7 mars 2007 permettent également clairement de cerner les opérations de rachat des CPEC de décembre 2006 sur base de la clause du « conversion event » par les trois sociétés impliquées et notamment le nombre de CPEC rachetés, en l’occurrence environ … de ces titres, les montants totaux des rachats entre … et … d’euros et, par voie de conséquence et à travers un simple calcul, la valeur unitaire proche de 35 euros à laquelle ces rachats étaient effectués nonobstant la valeur nominale de 1 euro de ces titres à ce moment.

La demande à la base de la décision anticipée du 7 mars 2007 a pareillement clairement indiqué que la valeur de marché de la participation dans la société « V » détenue par la société « C », mise à la base du calcul du prix unitaire de rachat des CPEC, avait été évaluée par « X », « Y » et les gestionnaires de la société « V » et non pas par un tiers indépendant. L’Etat ne saurait partant plus s’offusquer d’avoir ignoré la matérialité de ces éléments.

Il y a lieu d’ajouter à cet égard que le jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 23 décembre 2015, rendu suite aux assignations des 15 et 16 décembre 2011 de la part des liquidateurs de la société « C » à l’encontre, notamment, de la société « B », de l’intimée et de certaines personnes physiques impliquées, a également confirmé que les CPEC sont à analyser en droit des sociétés et en droit comptable comme des titres de dette et non pas comme parts dans le capital social et qu’en conséquence, les montants perçus par la société « B », l’intimée et les investisseurs liés aux fonds « X » et « Y » ne s’analysent pas en des distributions tombant sous le champ de l’interdiction des distributions de dividendes fictifs posée par les articles 72-1 et 167 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, l’argument tiré d’une fraude à la loi pour contourner ladite interdiction ayant pareillement été rejeté dans ledit jugement.

La Cour tient à préciser par rapport à ce jugement qu’alors même qu’il n’a pas acquis autorité de chose jugée au vu de l’appel introduit à son encontre qui est toujours pendant, elle peut néanmoins puiser dans ce jugement des éléments de fait et de droit qu’elle considère pertinents dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de libre appréciation des éléments de preuve qui lui sont soumis.

Il y a par ailleurs lieu de conclure que la matérialité du dédoublement de son passif envers des tiers dans le chef de la société « C » du fait des nouvelles dettes contractées afin de financer le rachat des CPEC émis par elle à la valeur unitaire de 35,82 euros en décembre 2006, ainsi que le niveau des charges d’intérêts y relatives étaient connus du bureau d'imposition et ont fait l’objet des différentes décisions anticipées.

Conformément aux principes ci-avant dégagés, l’allégation étatique que l’évaluation de la valeur de marché de la société « V » n’aurait pas correspondu à la réalité et aurait été « aberrante » ne saurait constituer des faits nouveaux. Ce seraient plutôt des données factuelles non encore connues au moment des impositions initiales et ayant une influence certaine sur la valeur de la société « V » qui pourraient être admises comme faits nouveaux au sens du § 222 (1), point 1. AO.

A cet égard, l’écart mis en avant par l’Etat entre la valeur unitaire nominale des CPEC de 1 euro et la valeur de rachat de 35,82 euros, abstraction même faite de ce que cet écart était connu du bureau d'imposition dès la décision anticipée du 7 mars 2007, ne saurait constituer un élément dirimant sous cet aspect. Si l’Etat s’empare à cet escient du fait que des rachats partiels de CPEC ont été effectués en 2006 à la valeur nominale et que les CPEC restants ont été vendus en février 2007 à la société « W » également à leur valeur nominale, il n’en reste pas moins, comme l’intimée l’a souligné à juste titre, que les opérations de rachat approuvées par la décision anticipée du 3 mai 2006 ont eu lieu en tant que simples cessions entre les sociétés du groupe « Z » et que la cession des CPEC restants à la société « W » a eu lieu dans le cadre de la cession de tout le groupe « Z » à cette dernière, tandis que les rachats en cause de décembre 2006 ont été opérés sur base d’un « conversion event » tel que défini dans les « terms and conditions » relatifs aux CPEC dès leur émission.

Pour le surplus, l’Etat se prévaut essentiellement de ce que la valeur réelle du groupe « Z », dont surtout la participation dans la société « V » détenue par la société « C », aurait été inférieure à celle de … d’euros mise à la base des opérations de rachats de CPEC du 21 décembre 2006 en mettant le caractère exagéré de cette évaluation en relation avec l’autre volet de son argumentation tiré de ce que la société « C » n'aurait pas disposé de suffisamment de fonds propres pour financer le rachat des CPEC émis par elle, de sorte qu’elle aurait dû se refinancer auprès de tiers pour réunir la somme de … euros attribuée en l’espèce, refinancement qui aurait conduit à sa mise sous administration, puis à sa liquidation judiciaires.

Or, il découle d’un rapport de l’expert … de l’entreprise anglaise … du 11 juillet 2014, ci-après désigné par le « rapport « O » », soumis par certaines des parties assignées à travers les assignations des 15 et 16 décembre 2011 ayant abouti au jugement du tribunal d’arrondissement du 23 décembre 2015, également versé en cause par l’intimée dans le cadre de son recours et dont le contenu n’a pas été contesté par l’Etat, que l’évaluation de la valeur de la société « V » ne peut pas être considérée comme étant dépourvue de toute réalité. Ledit rapport relate en effet que les investisseurs liés aux fonds « X » et « Y » avaient envisagé déjà en juin 2006 une cession du groupe « Z » comprenant la société « V », qu’ils avaient reçu en juillet 2006 des offres de dix banques d’investissement pour accompagner le processus de la cession et que, dans le cadre de leurs offres, ces banques avaient évalué la société « V » à une fourchette de valeur oscillant en moyenne entre … et … d’euros. Entre octobre et décembre 2006 eurent lieu deux phases de négociations avec plusieurs acquéreurs potentiels et la dernière offre de rachat proposait pour le groupe « Z » un prix d’acquisition global de …d’euros. Les investisseurs ont certes considéré cette offre comme insuffisante au vu d’un prix de cession escompté par eux de … d’euros, mais ont considéré le prix offert de … d’euros comme indice fort de la valeur de marché du groupe « Z » et l’ont retenu comme valeur de marché mise à la base du rachat des CPEC par la société « C » et les autres rachats de CPEC qui s’en sont suivis. Il faut encore relever, comme également noté par le rapport « O », que les investisseurs ont cédé en février 2007 tout le groupe « Z » à la société « W » qui a payé un prix d’acquisition total de … d’euros, dont … pour couvrir les dettes du groupe et … en considération de l’actif du groupe.

Ces évaluations de la part d’acteurs économiques tiers conformes à l’évaluation faite en décembre 2016, à la base des opérations de rachat des CPEC et, surtout, la cession à un investisseur tiers seulement deux mois après ces dernières opérations pour un prix même légèrement supérieur sont de nature à confirmer la réalité économique de l’évaluation à hauteur de … d’euros à la base des opérations de rachat des CPEC du 21 décembre 2006.

L’Etat ne fait état d’aucun élément factuel venu à sa connaissance après le 25 mars 2009, date des bulletins d’impôt initiaux, qui serait de nature à infirmer cette conclusion.

Le caractère plausible de l’évaluation de la valeur de marché de la société « V » au montant de … d’euros mise à la base de la valeur de rachat des CPEC dans le cadre des opérations effectuées le 21 décembre 2006 et la correspondance de la « enterprise value » au sens des « terms and conditions » des CPEC à ce même montant ont également été confirmés par le jugement du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 23 décembre 2015 notamment sur base des éléments ci-avant relevés. Ledit jugement a en effet retenu que « cette évaluation n’était par ailleurs pas « fantaisiste », alors qu’elle s’est vérifiée lors de la vente du groupe à « W » en février 2006 pour une equity value de … d’euros, à laquelle il convient d’ajouter le montant de … d’euros à titre de l’endettement net du groupe (« W » ayant acquis le groupe avec l’endettement restant dans les sociétés du groupe) pour aboutir à une enterprise value de … d’euros ».

En ce qui concerne le second volet d’une prétendue capitalisation insuffisante et partant d’une charge d’emprunts excessive imposée au groupe « Z » en vue d’une distribution de presque … d'euros en faveur des investisseurs liés aux fonds « X » et « Y », le rapport « O » constate que la charge de dettes globale du groupe « Z » comprenant la société « V » fut portée d’un total d’environ … d’euros à travers l’ensemble des opérations de refinancement du groupe de décembre 2006, telles que visées dans la décision anticipée du 7 mars 2007, à un montant total d’environ … d’euros. Il relate pourtant que trois agences de notation auraient conféré à la dette de la société « V » ainsi totalisée une notation stable. En outre, le rapport fait état de deux projections financières établies par les dirigeants du groupe « Z », l’une de novembre 2006 pour la période de 2006 à 2011 et l’autre de décembre 2006 pour celle de 2006 à 2009, vérifiées par la société …, lesquelles tablaient toutes, au-delà de certaines variations dans les chiffres retenus, sur des revenus nets avant impôts, dépréciations et amortissements (EBITDA) qui seraient allés en croissant durant les années 2006 à 2009 en raison, notamment, de la croissance globale du marché grec des télécommunications mobiles, d’une augmentation de la part de marché de la société « V » et de réductions de coûts suite à l’acquisition d’un autre opérateur sur le marché grec. Ces augmentations de chiffres d’affaire et de l’EBITDA auraient dû être suffisantes pour permettre à la société de faire croître ses résultats financiers nonobstant la charge financière découlant de son endettement. Finalement, le rapport constate que la société « V » a enregistré au cours de l’exercice 2007 une augmentation de son chiffre d’affaires de 8% et de son EBITDA de 35% à un total de ….. d’euros substantiellement en ligne avec les prévisions de décembre 2006.

Ces éléments se dégageant de manière incontestée du rapport « O » sont de nature à contredire l’argumentation étatique suivant laquelle le niveau, non suffisamment révélé dès l’origine, des dettes globales du groupe « Z » à la suite des opérations de refinancement de décembre 2006 aurait été directement à l’origine de la mise sous administration judiciaire et puis en liquidation judiciaire de la société « C » au Royaume-Uni et que cet élément serait constitutif de faits nouveaux au sens du § 222 (1), point 1. AO. La Cour est davantage convaincue que, comme mis en évidence par l’intimée, l’évolution négative du groupe « Z » après l’année 2007 devrait plutôt être imputée l’évolution défavorable de l’environnement économique global à partir de 2008 et éventuellement au changement de la direction du groupe « Z ».

Par rapport au troisième vecteur d’éléments mis en avant par l’Etat, à savoir la non-

conformité de l’opération de rachat des CPEC aux termes et conditions y relatifs et plus particulièrement à la définition du « conversion event », la Cour se doit de relever que dans son jugement prévisé du 23 décembre 2015, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg a réfuté l’argumentation en ce sens mise en avant par les liquidateurs de la société « C » en concluant qu’aucune violation contractuelle ne serait établie par rapport aux trois conditions essentielles prévues pour l’admission d’un « conversion event ».

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent qu’aucun des trois vecteurs d’éléments invoqués par l’Etat au titre de faits nouveaux au sens du § 222 (1), point 1. AO ne se trouve vérifié à suffisance de droit et de fait afin de pouvoir être reconnu comme tel, la thèse étatique reposant plutôt sur de simples doutes qui toutefois ne sauraient être considérés comme un événement ou une situation objectivement vérifiable et vérifiée, respectivement un fait nouveau constaté avec certitude susceptible de permettre une imposition modificative. Par voie de conséquence, la condition afférente posée par cette disposition comme prémisse en vue de l’émission de bulletins modificatifs d’impôt fixant une cote d’impôt plus élevée par rapport au bulletin d’impôt initial ne se trouve pas remplie en ce qui concerne les bulletins rectificatifs visant l’année 2006 en matière d’impôt sur le revenu des collectivités et d’impôt commercial communal, émis le 1er juillet 2015.

La Cour se rallie partant entièrement à la conclusion des premiers juges selon laquelle les conditions du § 222 (1), point 1. AO n’étaient pas remplies en l’espèce et que le directeur n’était pas fondé à confirmer le bureau d’imposition en ce qu’il a retenu l’existence de faits nouveaux pouvant donner lieu à une imposition modificative en défaveur du contribuable par rapport aux bulletins initiaux émis le 27 mars 2009.

C’est dès lors à juste titre que les premiers juges ont décidé que la décision du directeur encourt la réformation en ce sens que les bulletins rectificatifs du 1er juillet 2015 sont à annuler pour avoir été pris à défaut de base juridique justifiant leur émission, cette conclusion s’imposant sans qu’il y ait lieu d’examiner le caractère fondé de la nouvelle imposition et plus particulièrement le caractère fondé de la qualification de distribution cachée de bénéfices.

Il y a partant lieu de rejeter l’appel sous examen comme étant non justifié et de confirmer le jugement entrepris.

La Cour tient également à préciser qu’outre les bulletins rectificatifs du 1er juillet 2015, le bureau d'imposition a également émis le même jour à l’égard de l’intimée un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2006 fixant une retenue à la source de 20 % sur le montant de la distribution cachée de bénéfices retenue à travers lesdits bulletins rectificatifs. Or, ce bulletin constitue non pas un bulletin rectificatif portant modification d’une imposition antérieure, mais bien un bulletin initial, de manière que des doutes pourraient surgir si l’annulation prononcée par le jugement entrepris englobe également ledit bulletin. Dans la mesure néanmoins où il tire sa cause de la qualification de distributions cachées à l’égard de l’essentiel du prix de rachat des CPEC payé par l’intimée aux investisseurs liés aux fonds « X » et « Y », opérée par les bulletins rectificatifs du 1er juillet 2015, l’annulation de ces derniers doit également entraîner l’annulation du bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2006, également déféré à travers la réclamation du 14 juillet 2014 et le recours contentieux formé par l’intimée. Pour des raisons de sécurité juridique, il y a dès lors lieu de préciser dans le dispositif ci-après qu’au-delà de la confirmation du jugement entrepris, l’annulation prononcée dans son dispositif par réformation de la décision directoriale doit être entendue comme portant également sur le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2006.

L’intimée sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de … euros pour l’instance d’appel en se prévalant de la nécessité pour elle de se faire assister par un avocat.

Cette demande est cependant à rejeter dans la mesure où il n’est pas justifié en quoi il serait inéquitable de laisser à charge de l’intimée les frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 22 mars 2019 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelant, partant, confirme le jugement entrepris du 13 février 2019, sauf à préciser que l’annulation y prononcée par réformation de la décision directoriale porte également sur le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux de l’année 2006, rejette la demande de l’intimée en allocation d’une indemnité de procédure de …euros pour l’instance d’appel, condamne l’Etat aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 17 octobre 2019 au local ordinaire des audiences de la Cour par le vice-président, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.

s. SCHINTGEN s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 octobre 2019 Le greffier de la Cour administrative 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42538C
Date de la décision : 17/10/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2019-10-17;42538c ?

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