GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 42293C Inscrit le 29 janvier 2019 Audience publique du 11 juin 2019 Appel formé par la société anonyme …., …, contre un jugement du tribunal administratif du 21 décembre 2018 (n° 40319 du rôle) en matière d’impôts Vu la requête d’appel inscrite sous le numéro 42293C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 29 janvier 2019 par Maître Stéphane EBEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme …, établie et ayant son siège social à L-… …, …, …, immatriculée au R.C.S. de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, dirigée contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 21 décembre 2018 (n° 40319 du rôle), par lequel a été déclaré irrecevable son recours en réformation sinon en annulation à l’encontre d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 1er août 2017 ayant déclaré non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2010 et 2011, de l’impôt commercial communal des années 2010 et 2011, d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2011 et de l’impôt sur la fortune des années 2011, 2012 et 2013, tous émis le 19 mars 2014 ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 28 février 2019 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 27 mars 2019 par Maître Stéphane EBEL en nom et pour compte de la partie appelante ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 26 avril 2019 par le délégué du gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
1Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Stéphane EBEL et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en leurs plaidoiries à l’audience publique du 2 mai 2019.
En date du 19 mars 2014, le bureau d’imposition Sociétés 6 Luxembourg de l’administration des Contributions directes, ci-après « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société anonyme …, ci-après « la société … », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2010 et 2011, en y indiquant « Déduction du ʺgoodwillʺ n’est pas acceptée. Comme vous n’avez pas fourni les informations demandées lors de notre entrevue en date du 01.07.2013 dans nos bureaux, le bureau Sociétés 6 met en compte des ʺperformance feesʺ ». Le même jour, le bureau d’imposition émit encore les bulletins de l’impôt commercial communal des années 2010 et 2011, d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2011 et de l’impôt sur la fortune des années 2011, 2012 et 2013 à l’égard de la société ….
Par courrier de son mandataire, la société à responsabilité limitée …, du 18 juin 2014, adressé au bureau d’imposition, la société … introduisit une réclamation à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2010 et 2011, de l’impôt commercial communal des années 2010 et 2011, d’établissement de la valeur unitaire au 1er janvier 2011 et de l’impôt sur la fortune des années 2011, 2012 et 2013.
Cette réclamation est libellée comme suit :
« (…) Sehr geehrte Damen und Herren, hiermit möchten wir im Auftrag unseres Mandanten die o. a. Bescheide vom 19.03.2014 fristwahrend reklamieren.
Eine Begründung wird nachgereicht.
Des Weiteren beantragen wir bis zur Entscheidung die Aussetzung der Vollziehung der festgesetzten Körperschaft- und Gewerbesteuer.
Eine persönliche Prozessvollmacht des Mandanten ist beigefügt (…) ».
Par courrier daté au 17 juin 2014 adressé au bureau d’imposition, la société … ainsi que Monsieur … introduisirent une réclamation « complémentaire » à l’encontre des bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités des années 2010 et 2011, de l’impôt commercial communal des années 2010 et 2011, d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriété des années 2010 et 2011 et du bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriété de l’année 2009, émis le 20 octobre 2013.
Par une décision du 1er août 2017, référencée sous le numéro …, le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après « le directeur », rejeta comme non fondée la réclamation en les termes suivants :
2« (…) Nach Einsicht der am 20. Juni 2014 eingegangenen Rechtsmittelschrift mit welcher Herr …, der Treuhandgesellschaft … … s.à r.l., im Namen der Aktiengesellschaft …, mit Sitz in L-… …, die Körperschaftsteuerbescheide sowie die Gewerbesteuerbescheide der Jahre 2010 und 2011, den Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1. Januar 2011, sowie die Vermögensteuerbescheide zum 1. Januar der Jahre 2011, 2012 und 2013, allesamt ergangen am 19. Marz 2014, anficht ;
Nach Einsicht der Steuerakte ;
Nach Einsicht der §§ 102, 107, 228, 238, 254, Absatz 2 und 301 der Abgabenordnung (AO) ;
In Erwägung, dass zwar im Streitfall die Einreichung eines Schriftsatzes, um mehrere Bescheide anzufechten, weder gegen das Steuergeheimnis noch gegen Zuständigkeitsregeln und Verfahrensvorschriften verstöβt, dass gleichwohl jede Verfügung einzeln geprüft werden muss und es der Rechtsbehörde vorbehalten ist, zusammenhängende Verfahren gegebenenfalls zu verbinden, so im vorliegenden Streitfall ;
In Erwägung, dass die Rechtsmittel form- und fristgerecht eingelegt wurden ;
In Erwägung, dass, laut Klageschrift, der Gegenstand der Anfechtung folgender ist:
« Begründung wird nachgereicht. » ;
dass dieser Aussage jedoch bis zum heutigen Tage keine Folge geleistet wurde ;
In Erwägung, dass laut § 243 AO die Rechtsmitteibehörden die Sache von Amts wegen zu ermitteln haben und nicht an die Anträge des Reklamanten gebunden sind ;
Hinsichtlich der Vermögensteuerbescheide zum 1. Januar der Jahre 2011, 2012 und 2013 In Erwägung, dass die Besteuerungsgrundlagen gesondert festgestellt worden sind (§ 214, Ziffer 1 AO); dass nämlich der Einheitswert der gewerblichen Betriebe als Grundlage der Vermögensteuerbescheide festgestellt werden; dass diese Feststellungsbescheide mit Rechtsmitteln selbständig anfechtbare Entscheidungen bilden (§ 213, Absatz 2 AO) ;
In Erwägung, dass der Steuerpflichtige gemäβ § 232, Absatz 2 AO, einen Vermögensteuerbescheid, dem Entscheidungen zugrunde liegen, die in einem Feststellungsbescheid gesondert getroffen worden sind, nicht mit der Begründung anfechten kann, die in dem Feststellungsbescheid getroffenen Entscheidungen seien unzutreffend; dass er diesen Einwand nur gegen den Feststellungsbescheid erheben kann ;
In Erwägung, dass im Falle, wo der beanstandete Feststellungsbescheid abgeändert werden sollte, der Bescheid, der auf dem bisherigen Feststellungsbescheid beruht, von Amts wegen durch einen neuen Bescheid ersetzt wird, welcher der Änderung Rechnung trägt (§ 218, Absatz 4 AO) ;
3Hinsichtlich der Körperschaftsteuerbescheide und der Gewerbesteuerbescheide der Jahre 2010 und 2011, sowie hinsichtlich des Einheitswertbescheides des Betriebsvermögens zum 1. Januar 2011 In Erwägung, ganz allgemein, dass der Steuerdirektor nicht an die Anträge des Reklamanten gebunden ist (§ 243, Absatz 2 AO), sondern die Pflicht hat, die Sache von Amts wegen zu ermitteln (§ 243, Absatz 1 AO), sowohl zu Gunsten, als auch zu Ungunsten des Reklamanten (§ 243, Absatz 3 AO); dass die erneute Überprüfung, gemäβ § 243 AO, der Rechtslage durch die Rechtsmittelbehörde ergeben hat, dass die Besteuerungen allesamt rechtmäβig sind, sowohl was die Form als auch was die Hauptsache angeht ;
In Erwägung, weiterhin, dass, was den Einheitswertbescheid des Betriebsvermögens zum 1.
Januar 2011 anbelangt, das Steueramt sich genauestens an die seitens der Reklamantin eingereichte Steuererklärung gehalten hat, deshalb die Möglichkeit bestand, den Steuerbescheid nach § 100a AO zu erstellen ;
In Erwägung, dass die vom Steueramt vorgenommenen Besteuerungen zur Körperschaftsteuer und zur Gewerbesteuer der Jahre 2010 und 2011, genauso wie auch die Feststellung des Einheitswertes des Betriebsvermögens zum 1. Januar 2011 sich also als rechtens erweisen und somit zu bestätigen sind; dass im Übrigen die Besteuerungen den gesetzlichen Bestimmungen entsprechen und auch nicht beanstandet wurden ;
AUS DIESEN GRÜNDEN ENTSCHEIDET die Anfechtungen sind zulässig, sie werden als unbegründet zurückgewiesen. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2017, la société … introduisit un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée du directeur du 1er août 2017.
Par jugement du 21 décembre 2018, le tribunal administratif déclara le recours irrecevable et condamna la demanderesse aux frais de l’instance.
Pour ce faire, le tribunal, après avoir cité l’article 57 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et l’article 2 de la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat, ci-après « la loi du 10 août 1991 », rappela qu’en matière de contentieux des contributions directes, les justiciables peuvent agir directement par eux-mêmes, et ceci par exception à la règle suivant laquelle les avocats seuls, respectivement les experts-comptables ou réviseurs d’entreprises, peuvent assister ou représenter les parties.
Il constata ensuite que la requête introductive d’instance du 30 octobre 2017 avait été introduite au nom de la société …, représentée par « ihren derzeitigen Verwaltungsrat ».
4 Après avoir fait référence à l’article 441-5 de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, ci-après « la loi du 10 août 1915 », le tribunal rappela que les sociétés anonymes sont représentées à l’égard des tiers et en justice par leur conseil d’administration, à moins que les statuts donnent qualité à un ou plusieurs administrateurs pour représenter la société dans les actes ou en justice, soit seuls, soit conjointement.
Il se référa encore à l’article 8, alinéa 2, des statuts de la société … aux termes duquel « der Verwaltungsrat vertritt die Gesellschaft gerichtlich und auβergerichtlich. Durch die gemeinschaftliche Zeichnung je zweier Verwaltungsratsmitglieder wird die Gesellschaft Dritten gegenüber wirksam verpflichtet », pour retenir que les statuts de la société … donnent qualité à deux administrateurs pour la représenter conjointement dans les actes ou en justice, possibilité expressément admise par l’article 441-5 de la loi du 10 août 1915.
Relevant ensuite que la requête introductive d’instance ne portait que la signature d’un seul de ses administrateurs, à savoir celle de Monsieur …, et que dans la mesure où l’article 8, alinéa 2, des statuts de la société … donnent expressément qualité à deux administrateurs pour la représenter conjointement en justice, le tribunal retint qu’un seul administrateur n’avait pas valablement pu représenter le conseil d’administration de ladite société dans le cadre de la présente procédure judiciaire, sans que la circonstance, que le mémoire en réplique avait été signé par deux administrateurs, put énerver cette conclusion.
En relation avec une décision du 24 mars 2014 et une « Einzelvertretungsvollmacht » du 7 août 2017 du conseil d’administration de la société … donnant pouvoir de représentation à son administrateur Monsieur … dans le cadre de la procédure judiciaire sous rubrique, le tribunal constata que ladite société n’avait pas entendu agir elle-même malgré la formulation en ce sens dans la requête introductive d’instance, mais avait entendu donner mandat ad litem à son administrateur afin de la représenter en justice. Il nota ensuite que si un mandat ad litem en faveur d’un administrateur d’une société était a priori valable dans le cadre de certaines procédures devant les juridictions judiciaires, notamment devant la justice de paix et le tribunal d’arrondissement siégeant en matière commerciale, il en était autrement en ce qui concerne les actions en justice devant le tribunal administratif en vertu de l’article 2 de la loi du 10 août 1991, réservant la possibilité de la représentation par un tiers dans le cadre d’un recours devant le tribunal administratif en matière d’impôts directs, à côté de la possibilité générale de se faire représenter par un avocat, aux seuls experts-comptables et réviseurs d’entreprises, dûment autorisés à exercer leur profession, sans que cette possibilité puisse être étendue à tout tiers, même s’il est administrateur de la société en question et s’il a reçu un mandat ad litem.
Or, comme Monsieur … n’avait pas qualité pour introduire seul le recours au nom et pour le compte de la société … pour ne pas avoir la qualité d’expert-comptable ou de réviseur d’entreprises et dans la mesure où la requête introductive d’instance du 30 octobre 2017 portait uniquement la signature d’un seul administrateur, malgré le fait que les statuts de la société … réservent qualité à deux administrateurs pour la représenter conjointement en justice, le tribunal déclara le recours irrecevable.
5Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 29 janvier 2019, la société … a régulièrement relevé appel de ce jugement du 21 décembre 2018.
A l’appui de son appel, la société … expose que Monsieur … n’aurait pas agi dans le cadre d’un mandat mais que son intervention procéderait de l’exercice d’une procuration lui conférée par les deux autres membres de son conseil d’administration aux fins d’introduction de la requête du 30 octobre 2017. Elle précise encore qu’il ressortirait à suffisance des délibérations du conseil d’administration des 24 mars 2014 et 7 août 2017 qu’elle aurait sans équivoque entendu introduire « par elle-même » le recours contentieux à l’encontre de la décision du directeur du 1er août 2017 et que sa façon de procéder n’aurait causé aucun préjudice à la partie étatique. Finalement, elle renvoie encore à l’article 9 de ses statuts qui prévoiraient la possibilité de conférer une délégation au profit d’un membre de son conseil d’administration.
Le délégué du gouvernement sollicite en substance la confirmation du jugement entrepris. Il estime encore, par renvoi à l’article 1984 du Code civil, que la distinction opérée par l’appelante entre mandat et procuration serait purement artificielle, lesdits termes étant synonymes. Pour le surplus, en relation avec la délibération du conseil d’administration du 7 août 2017, le représentant étatique estime que le mandat ad litem en faveur de Monsieur … ne serait pas valable dans le cadre des actions en justice devant le tribunal administratif, ce dernier n’ayant pas la qualité d’expert-comptable ou de réviseur d’entreprises.
Il convient de noter en premier lieu que d’après les déclarations de la société …, celle-ci prétend avoir introduit « par elle-même » le recours à l’encontre de la décision du directeur du 1er août 2017, sous la signature d’un de ces administrateurs, à savoir le dénommé …, auquel elle prétend avoir donné procuration, notamment à travers la délibération de son conseil d’administration du 7 août 2017.
Dans ce contexte, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu, après avoir cité l’article 441-5 de la loi du 10 août 1915 que les sociétés anonymes sont représentées à l’égard des tiers et en justice par leur conseil d’administration, à moins que les statuts donnent qualité à un ou plusieurs administrateurs pour représenter la société dans les actes ou en justice, soit seuls, soit conjointement.
Il est également constant en cause que la requête introductive d’instance du 30 octobre 2017 a été introduite au nom de la société …, représentée par « ihren derzeitigen Verwaltungsrat », conformément aux prescrits dudit article 441-5, mais qu’elle porte uniquement la signature d’un des trois administrateurs de la société.
En relation avec le moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie étatique, la question qui reste dès lors à solutionner est celle de savoir si Monsieur … avait qualité pour engager la société … sous sa seule signature, étant relevé que l’article 8, alinéa 2, des statuts de ladite société prévoit uniquement que « der Verwaltungsrat vertritt die Gesellschaft gerichtlich und auβergerichtlich. Durch die gemeinschaftliche Zeichnung je zweier Verwaltungsratsmitglieder wird die Gesellschaft Dritten gegenüber wirksam verpflichtet ».
L’article 8 des statuts de la société … ne permet dès lors pas à un administrateur seul de représenter la société dans les actes ou en justice, ledit article 8 exigeant la signature conjointe de deux 6administrateurs, de sorte que Monsieur … n’a dès lors pas pu valablement représenter le conseil d’administration de la société … sous sa seule signature au moment du dépôt de la requête introductive de première instance le 30 octobre 2017 au vu de l’exigence d’une double signature telle qu’inscrite à l’article 8 des statuts de la société ….
Pour le surplus, l’article 9 des statuts de la société … prévoit que :
« Die laufende Geschäftsführung der Gesellschaft sowie die diesbezügliche Vertretung Dritten gegenüber können an die in Artikel 60 des Gesetzes von 1915 aufgeführten Personen übertragen werden; deren Ernennung, Abberufung, Befugnisse und Zeichnungsberechtigung werden durch den Verwaltungsrat geregelt.
Ferner kann der Verwaltungsrat einzelne Aufgaben der Geschäftsführung an Ausschüsse, einzelne Verwaltungsratsmitglieder oder an dritte Personen oder Unternehmen übertragen und deren Zeichnungsberechtigung regeln. Er setzt die diesbezüglichen Vergütungen fest, welche von der Gesellschaft getragen werden ».
Ledit article 9 des statuts permet dès lors soit de charger un administrateur de façon générale avec la gestion journalière de la société …, soit de mandater un administrateur ou un tiers avec une mission précise ayant trait à la gestion journalière de la société.
Il convient cependant de retenir que l’introduction d’un recours contentieux devant les juridictions administratives est à considérer comme un acte excédant un simple acte d’administration de gestion journalière, la gestion journalière comprenant tous les actes d’exploitation accomplis dans le cadre des décisions prises par le conseil d’administration ou des directives arrêtées par lui et dont l’ensemble constitue en quelque sorte la vie quotidienne de la société, ce qui n’est manifestement pas le cas du dépôt d’un recours en réformation devant le tribunal administratif visant pas moins de huit bulletins d’imposition.
Finalement, il reste encore à vérifier si le conseil d’administration de la société … a valablement pu introduire la requête introductive d’instance du 30 octobre 2017 sous la seule signature de Monsieur … sur base notamment de la résolution du conseil d’administration de ladite société du 7 août 2017 conférant une « Einzelvertretungsvollmacht » à celui-ci suivant laquelle le « (…) Verwaltungsrat überträgt hiermit dem Verwaltungsratsmitglied Herrn … (…) die Einzelvertretungsvollmacht zur gerichtlichen und auβergerichtlichen Vertretung der … (…). Durch die vorstehende Einzelvertretungsvollmacht wird Herr … insbesondere ermächtigt : - alle gerichtlichen und auβergerichtlichen Handlungen, die im Wege des Rechtsstreits und der Klage(n) in allen erforderlichen Instanzen gegen den Anfechtungsentscheid No. du rôle … vom 01.08.2017 des Steuerdirektors der Administration des contributions directes in Luxemburg erforderlich sind oder werden, rechtswirksam als rechtlicher Vertreter für die Gesellschaft vorzunehmen und die Gesellschaft wirksam zu verpflichten. (…) ».
Sur ce point, la Cour ne saurait suivre le raisonnement des premiers juges ayant retenu que la société … n’a pas entendu agir elle-même devant le juge administratif, mais que celle-ci aurait voulu donner un mandat ad litem à son administrateur afin de la représenter. En effet, il se dégage tant du libellé de la requête introductive d’instance du 30 octobre 2017 que des termes employés dans la résolution 7du conseil d’administration datée au 7 août 2017, conférant « Einzelvertretungsvollmacht » à Monsieur …, que ce dernier, en signant l’acte introductif de première instance, a agi pour compte de la société … elle-même et non pas en tant que représentant extérieur à celle-ci.
Le moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie étatique est dès lors à entrevoir, d’après la Cour, sous l’angle d’un prétendu défaut de qualité du signataire de la requête introductive de première instance, le § 238 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung » disposant que « Befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist. Für seine Vertretung gelten der § 102 Absatz 2 und die §§ 103 bis 110. (…) ». En vertu du § 103 AO « Die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die den Personen, die sie vertreten, obliegen; (…) ».
Sur ce point, il convient de nouveau de renvoyer à l’article 441-5 de la loi du 10 août 1915 en vertu duquel le conseil d’administration représente la société à l’égard des tiers et en justice, soit en demandant, soit en défendant, et que les statuts peuvent donner qualité à un ou plusieurs administrateurs pour représenter la société dans les actes ou en justice, soit seuls, soit conjointement.
Ainsi, pour qu’une société puisse être réputée avoir régulièrement agi en justice, elle ne doit pas apporter la preuve, en ce qui concerne le pouvoir de gestion interne, qu’une résolution interne a donné pouvoir à un administrateur ou gérant d’introduire l’action en justice, mais que l’action a été introduite par l’organe de représentation compétent. En ce qui concerne la société anonyme, en vertu de l’article 441-5 précité de la loi du 10 août 1915, les organes de représentation sont entre autres le conseil d’administration et l’administrateur ou les administrateurs auxquels une clause des statuts donne qualité pour représenter la société, soit seuls, soit conjointement.
Or, force est de constater dans le cas d’espèce, tel que retenu ci-avant, que les statuts de la société … ne donnent précisément pas qualité à un administrateur seul, en l’occurrence Monsieur …, pour pareille représentation en justice, seules les résolutions du conseil d’administration datées au 7 août 2017 et 24 mars 2014 attribuant cette qualité à Monsieur …, étant pour le surplus relevé dans ce contexte que la société … n’affirme même pas avoir publié ces deux résolutions au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg et que lesdites résolutions ne se trouvaient pas non plus jointes à la requête introductive d’instance au moment du dépôt de celle-ci en date du 30 octobre 2017.
Quant à l’objection de la société … que la partie étatique ne souffrirait d’aucun préjudice du fait de la signature unique de Monsieur … sur la requête introductive du 30 octobre 2017, il y a lieu de rappeler que l’inobservation des règles relatives à la représentation des parties en justice est une irrégularité de fond qui peut être proposée en tout état de cause et qui n’est pas subordonnée à la preuve du grief de celui qui l’invoque.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’appel laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, quoi que partiellement pour d’autres motifs.
8Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel du 29 janvier 2019 en la forme ;
le dit cependant non fondé et en déboute ;
partant, confirme le jugement entrepris du 21 décembre 2018 ;
condamne la société anonyme …. … aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par :
Henri CAMPILL, vice-président, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour Colette MORIS.
s. MORIS s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12 juin 2019 Le greffier de la Cour administrative 9