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25/04/2019 | LUXEMBOURG | N°42354C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 25 avril 2019, 42354C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 42354C du rôle Inscrit le 13 février 2019 Audience publique du 25 avril 2019 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 janvier 2019 (n° 41619 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de candidature Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 42354C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 13 février 2019 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée contre un ju...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro 42354C du rôle Inscrit le 13 février 2019 Audience publique du 25 avril 2019 Appel formé par Monsieur …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 18 janvier 2019 (n° 41619 du rôle) ayant statué sur son recours contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure en matière de candidature Vu la requête d'appel inscrite sous le numéro 42354C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 13 février 2019 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, dirigée contre un jugement du tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg du 18 janvier 2019 (n° 41619 du rôle) à travers lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de son recours principal en réformation dirigé contre une décision du ministre de la Sécurité intérieure du 2 juillet 2018 lui refusant la participation à l’épreuve de sélection pour l’admission à la formation de base de l’inspecteur de police, tout en déclarant son recours en annulation dirigé contre la même décision ministérielle recevable, mais non fondé ;

Vu la requête en abréviation des délais du 15 février 2019 et l’ordonnance présidentielle du 21 févier 2019 y faisant droit en établissant un calendrier pour l’instruction de l’affaire ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 mars 2019 par Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 mars 2019 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de l’appelant ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 1er avril 2019 par Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 avril 2019.

1Suite au dépôt de sa demande de participation à l'épreuve de sélection 2018 pour l'admission à la formation de base de l’inspecteur de police, Monsieur … se vit opposer en date du 2 juillet 2018 un refus de la part du ministre de la Sécurité intérieure, ci-après « le ministre », énoncé dans les termes suivants :

« (…) Me référant à l'avis du Directeur général de la Police tel que prévu à l'article 9 (e) du règlement grand-ducal modifié du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d'instruction et d'avancement du personnel policier, je suis au regret de vous informer que vous ne remplissez pas les conditions de moralité requises pour entamer une formation policière étant donné que le 22 octobre 2016, alors que vous vous trouviez encore en période de stage, vous avez conduit un véhicule avec une vitesse de 144 Km/h au lieu des 90 km/h autorisés et n’avez pas donné suite aux injonctions d’arrêt qui vous ont été données par la Police.

Je ne puis dans ces conditions vous autoriser à participer à l'épreuve de sélection pour l'admission à la formation de base de l'inspecteur de police. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2018, Monsieur … fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 2 juillet 2018.

Par jugement du 18 janvier 2019, le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours principal en réformation tout en déclarant le recours subsidiaire en annulation recevable mais non fondé.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 13 février 2019, Monsieur … a fait régulièrement entreprendre le jugement précité du 18 janvier 2019 dont il sollicite la réformation, sinon l’annulation dans le sens de voir réformer, sinon annuler la décision ministérielle critiquée avec mise des frais à charge de l’Etat et condamnation de celui-ci à une indemnité de procédure de 1.250.- € pour la première instance et d’un même montant pour l’instance d’appel.

A l’appui de son appel, l’appelant reprend en substance son argumentaire de première instance.

Cet argumentaire s’articule en trois moyens, tandis que l’appelant ne reprend plus son moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », pour non-indication suffisante des motifs à la base de la décision ministérielle critiquée.

En premier lieu, l’appelant réitère son moyen tiré d’une violation des dispositions de l’article 9, point e), du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 déterminant les conditions de recrutement, d’instruction et d’avancement du personnel policier, ci-après « le règlement grand-ducal du 27 avril 2007 », ainsi que de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la motivation contenue dans un avis consultatif.

En deuxième lieu, l’appelant conclut à une violation de l’article 9, point e), et de l’article 70 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, en ce que la condition de moralité y prévue n’aurait pas permis, compte tenu des faits de l’espèce, à l’exclure de l’épreuve de sélection dont s’agit.

2En troisième lieu, l’appelant invoque le principe général de proportionnalité, qui, selon lui, n’aurait pas été respecté en l’occurrence en ce que l’autorité ministérielle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits.

La partie étatique conclut au rejet de ces trois moyens et sollicite la confirmation du jugement dont appel, essentiellement sur base de l’argumentaire y déployé par les premiers juges.

Il est constant en cause que le point névralgique de la présente affaire consiste dans l’appréciation des éléments de fait ayant servi à l’autorité ministérielle, à la suite de l’avis du directeur général de la Police, ci-après « le directeur général », pour estimer que les conditions de moralité ne se trouvaient pas atteintes à suffisance en l’espèce, compte tenu des faits du 22 octobre 2016 relatés par le procès-verbal de la Police grand-ducale (…) constatant un délit de grande vitesse, l’intéressé ayant roulé à une vitesse de 144 km/h au lieu des 90 km/h autorisés en tant que titulaire d’un permis de conduire depuis à peine 3 semaines, tout en s’étant vu reprocher un défaut de suivre les injonctions des membres de la Police grand-ducale en charge de contrôler la circulation à l’endroit. Ces constats ont valu à Monsieur … un retrait provisoire de son permis de conduire.

Par jugement non appelé du tribunal de police d’Esch-sur-Alzette du 6 janvier 2017, l’intéressé a été condamné du seul fait libellé d’un dépassement de vitesse supérieur à 25 km/h, en l’occurrence 144 km/h au lieu de 90 km/h, à une amende de 200 € ainsi qu’à une interdiction de conduire de 5 mois dont 3 mois avec sursis.

A la suite du tribunal, la Cour a également accédé à la demande de l’intéressé à voir abréger les délais d’instruction afin de le fixer au plus vite de sa possibilité éventuelle de se représenter utilement à une épreuve de sélection ultérieure pour l’admission à la formation de base de l’inspecteur de police.

Le premier moyen tiré de la violation de l’article 9, point e), du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 contenant la clause de moralité et de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif au contenu d’un avis consultatif tend à l’annulation de la décision ministérielle critiquée en ce que l’administré n’aurait pas été à même en l’espèce de mesurer, à défaut de production de l’avis consultatif en question, dans quelle mesure la décision ministérielle reprenait le contenu dudit avis.

D’après l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent.

Il est patent qu’à la lecture de l’avis du directeur général du 26 juin 2018 versé au dossier administratif, il ressort que celui-ci rencontre amplement les exigences de motivation précitées.

Une simple comparaison permet également de dégager que la décision ministérielle critiquée reprend pour l’essentiel les éléments de l’avis en question, ayant trait aux faits précités du 22 octobre 2016, en omettant cependant le renvoi non explicité aux faits de minorité.

Les exigences de retraçabilité se trouvant de la sorte dûment remplies et les droits de la défense n’ayant pas été sérieusement atteints dans le chef de l’intéressé, l’avis étant quérable et une demande afférente en phase précontentieuse n’étant pas documentée au dossier, il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a écarté ce premier moyen.

3La Cour tient cependant à souligner que si le ministre s’était appuyé sur la partie de l’avis non retraçable faisant de manière explicite référence à des faits de minorité, cette même conclusion n’aurait plus pu être tirée en termes de retraçabilité. Il est un fait que la partie publique a affirmé clairement en phase contentieuse ne pas s’être appuyée sur cette partie de l’avis et s’être concentrée uniquement sur les faits du 22 octobre 2016.

Le second moyen tiré de la violation des articles 9, point e), et 70 du règlement grand-ducal du 27 avril 2007 revient à situer les faits retenus par le ministre à la suite du directeur général, en l’occurrence ceux du 22 octobre 2016, par rapport à la vingtaine de cas énoncés par l’appelant où les juridictions administratives ont eu à connaître de la notion de « moralité requise ». A vrai dire, ce second moyen se recoupe avec le troisième moyen tiré d’une non-observation du principe de proportionnalité et d’une vérification d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre, en ce que le deuxième moyen revient à demander à la Cour de constater que les faits mis en avant dans la présente affaire seraient à analyser comme étant moins graves que certains retenus dans d’autres affaires pour les voir relativiser sur cette toile de fond. Dès lors, ces deux moyens sont à analyser ensemble.

Il est constant en cause que par rapport aux critères de moralité énoncés par l’article 9, point e) du règlement grand-ducal du 27 avril 2007, l’autorité compétente, en l’occurrence le ministre, dispose d’une marge d’appréciation certaine et que l’avis du directeur général a un caractère consultatif et non décisionnel.

En définitive, c’est l’appréciation des faits retenus qui est déterminante.

Une première analyse des faits ne manque pas d’en faire ressortir le caractère particulier.

Non seulement, Monsieur … était à l’époque titulaire d’un permis de conduire depuis à peine 3 semaines, mais encore le dépassement de la vitesse autorisée était consistant : 144 au lieu de 90 km/h. L’autre élément saillant, plus précisément au regard de sa candidature pour le corps de la Police grand-ducale, est le fait qu’il apparaît comme n’ayant pas donné une suite effective aux injonctions des agents de la Police grand-ducale lui demandant de s’arrêter en ce qu’il a certes ramené sa vitesse à celle énoncée comme ayant été de 50 km/h au moment de se trouver à hauteur des agents verbalisants, pour, ensuite, continuer sa route, certes à une vitesse ralentie en roulant sur la bande de sécurité. L’intéressé explique son agissement par un manque d’expérience de la situation, son peu de maturité à l’époque et une inadéquation des lieux pour s’arrêter. Il est encore un fait que les agents verbalisants avaient perdu de vue l’intéressé et que seulement sur leur décision de le rechercher non pas sur l’autoroute A13, mais sur l’autoroute A3, ils ont pu l’intercepter, roulant toujours sur la bande de sécurité, au niveau de cette seconde autoroute.

Il est vrai que devant la juridiction pénale, seul le dépassement de vitesse a été libellé, de sorte que Monsieur … a uniquement été condamné pénalement pour cette infraction. Il n’en reste pas moins que le fait de ne pas avoir donné une suite effective aux injonctions des agents de la Police grand-ducale a encore pu être valablement retenu par le ministre au niveau de sa décision sous analyse, complémentairement et ensemble avec celui du dépassement consistant de vitesse constaté quelques semaines seulement après l’obtention du permis de conduire par l’intéressé.

Il convient encore de cadrer la mission du juge dans la présente espèce. Tel que le tribunal l’a correctement retenu, le juge administratif statue ici non pas dans le cadre d’un recours en réformation, mais dans celui d’un recours en annulation. Il doit dès lors se placer à la date de la prise de la décision ministérielle critiquée et vérifier si l’autorité ministérielle qui disposait en 4l’occurrence d’un pouvoir d’appréciation certain, avait ou non dépassé sa marge d’appréciation en la matière.

Si la Cour entrevoit très bien que les faits mis en exergue par le ministre ont trait à un seul et même événement qui s’est déroulé le 22 octobre 2016, il n’en reste pas moins que ces faits sont à mettre en concordance avec la demande initiale de l’appelant consistant à vouloir rejoindre le corps de la Police grand-ducale.

Il est absolument normal que dans ce cadre particulier l’appréciation de faits ayant précisément trait à un comportement inadéquat de l’intéressé face à des injonctions précisément de la Police grand-ducale, outre le dépassement manifeste et consistant de la limite de vitesse à l’endroit de la part d’un jeune conducteur ne disposant de son permis de conduire que depuis à peine trois semaines, ont pu peser à l’époque particulièrement lourd dans la balance et conditionner effectivement la décision de refus ministérielle, sans qu’à ce moment un dépassement de la marge d’appréciation du ministre ne puisse être valablement retenu dans le cadre du recours en annulation introduit.

En conclusion, l’appel est à déclarer non fondé en tous ses moyens invoqués et le jugement dont appel est à confirmer, étant rappelé que la date d’analyse a nécessairement été celle du 2 juillet 2018, sans égard aux développements ultérieurs et à une maturation éventuelle de l’intéressé dans l’entretemps.

Eu égard à l’issue du litige, la double demande de l’appelant en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et l’instance l’appel est à rejeter.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;

déclare l’appel recevable ;

au fond, le dit non justifié ;

partant, en déboute l’appelant ;

confirme le jugement dont appel ;

rejette la double demande de l’appelant en allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et l’instance d’appel ;

condamne l’appelant aux dépens de l’instance d’appel.

5Ainsi délibéré et jugé par :

Francis DELAPORTE, président, Henri CAMPILL, vice-président, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 25 avril 2019 au local ordinaire des audiences de la Cour par le président, en présence du greffier assumé de la Cour Colette MORIS.

s. MORIS s. DELAPORTE Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2019 Le greffier de la Cour administrative 6


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42354C
Date de la décision : 25/04/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2019-04-25;42354c ?

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