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14/03/2019 | LUXEMBOURG | N°44/19

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 14 mars 2019, 44/19


N° 44 / 2019 du 14.03.2019.

Numéro 4097 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze mars deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Yannick DIDLINGER, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

A), dit B), demeurant à (…), demandeur

en cassation, comparant par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est ...

N° 44 / 2019 du 14.03.2019.

Numéro 4097 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze mars deux mille dix-neuf.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Yannick DIDLINGER, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth EWERT, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

A), dit B), demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, assisté de Maître Pierre HURT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, et:

1) la société anonyme SOC1), en liquidation judiciaire prononcée par un jugement rendu le (…) par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, ayant son siège social à (…), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), représentée par son liquidateur, Maître C), avocat à la Cour, 2) Maître C), avocat à la Cour, prise en sa qualité de liquidateur de la société anonyme SOC1), demeurant à (…), défenderesses en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Philippe DUPONT, avocat à la Cour, 3) la société anonyme SOC2), en liquidation judiciaire prononcée par un jugement rendu le (…) par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, ayant son siège social à (…), inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), représentée par son liquidateur judiciaire, Maître D), avocat à la Cour, demeurant à (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître D), avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 4) la société anonyme Soc3), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, numéro 176/17, rendu le 20 décembre 2017 sous le numéro 41196 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 29 mars 2018 par A), dit B), à la société anonyme SOC1) en liquidation judiciaire (ci-après « la société SOC1) »), à Maître C), prise en sa qualité de liquidateur de cette société, à la société anonyme SOC2) en liquidation judiciaire (ci-après « la société SOC2) ») et à la société anonyme Soc3), déposé le 30 mars 2018 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 22 mai 2018 par la société SOC2) à A), à la société SOC1), à Maître C) et à la société Soc3), déposé le 25 mai 2018 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 24 mai 2018 par la société SOC1) et par Maître C) à A), à la société SOC2), à Maître D), liquidateur de la société SOC2), et à la société Soc3), déposé le 28 mai 2018 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Carlo HEYARD et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Maître C), liquidateur de la société SOC1), avait rejeté la déclaration de créance de A) tendant au paiement de dommages-intérêts par la société SOC1) ; que pour contester cette décision de rejet, A) avait assigné la société SOC1), Maître C), prise en sa qualité de liquidateur de cette société, et la société SOC2) devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, pour voir annuler, pour cause de dol, sinon pour cause d’erreur, les contrats de prêt conclus avec la société SOC1) et, par voie de conséquence, les contrats de garantie conclus pour sûreté des dettes issues de ces contrats de prêt et consistant, entre autres, dans une hypothèque grevant un immeuble de A) et dans des gages portant, entre autres, sur des polices d’assurance-vie conclues avec la société SOC2) et pour voir constater des créances de dommages-intérêts vis-à-vis de la société SOC1) et de la société SOC2) ; que A) avait assigné la société SOC3) en déclaration de jugement commun ; que la société SOC1) avait demandé reconventionnellement la condamnation de A) au remboursement du prêt ; qu’elle avait encore demandé la validation d’une saisie-

arrêt pratiquée entre les mains de la société SOC2) ; que le tribunal d’arrondissement avait déclaré la demande dirigée par A) contre la société SOC2) irrecevable ; qu’il avait rejeté la déclaration de créance de A) ; qu’il avait déclaré la demande reconventionnelle dirigée par la société SOC1) contre A) fondée pour un certain montant ; qu’il avait encore déclaré fondée la demande en validation de la saisie-arrêt ; que sur appel de A), la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ;

Sur le premier moyen de cassation :

« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement des premiers juges et d'avoir ainsi déclaré irrecevable la demande du demandeur en cassation en responsabilité solidaire, sinon in solidum, contre la société SOC2), aux motifs que matière commerciale, saisi dans le cadre d'une contestation de créance, a une compétence liée strictement confinée à l'objet de l'instance judiciaire, à savoir l'admission au concours des créanciers par l'inscription sur la liste, selon les masses constituées. [.-] L'assignation contre la masse représentée par son liquidateur est une action née de la faillite. Tel n'est pas le cas de l'assignation dirigée contre un tiers étranger à cette contestation dont la responsabilité est recherchée par le demandeur. Ce n'est pas parce que ce dernier a conclu à la responsabilité solidaire, sinon in solidum dudit tiers avec la société mise en liquidation qu'il est recevable à attraire ce dernier dans le même acte d'assignation devant le tribunal appelé à statuer sur la contestation née du rejet de sa déclaration de créance du passif de la liquidation (voir l'ouvrage cité par le tribunal, mais n° 2652). Ce n'est pas non plus parce qu'il a procédé par voie d'assignation devant le tribunal d'arrondissement siégeant en matière commerciale, normalement compétent pour connaître d'une telle demande en responsabilité dirigée contre l'assureur, qu'il lui est permis de faire figurer cette demande dans l'assignation tendant à voir admettre sa créance au passif de la liquidation. [.-] Ce volet du jugement est donc à confirmer » (p.9, §§ 9 10 et p. 10, §§ 1 et 2).

alors que l'arrêt d'appel ne pouvait pas interpréter l'article 635 du Code de commerce comme édictant une règle de compétence, pour juger dans la suite que la demande du demandeur en cassation était irrecevable ; que l'ordre juridictionnel luxembourgeois ne connaissant pas l'existence de tribunaux de commerce, les juges d'appel auraient dû appliquer l'article 640 du même code disposant que ;

qu'en refusant de ce faire, tout en jugeant irrecevable la demande du demandeur en cassation, la Cour d'appel a violé les articles 635 et 640 précités. » ;

Attendu que selon le paragraphe 7 de l’article 61, qui est relatif à la procédure de liquidation, de la loi modifiée du 5 avril 1993 relative au secteur financier, le tribunal d’arrondissement arrête le mode de liquidation des établissements du secteur financier et peut rendre applicables, dans la mesure qu’il détermine, les règles de la faillite ;

Attendu que dans son jugement du 12 décembre 2008, le tribunal d’arrondissement avait ainsi arrêté un certain nombre de règles de procédure particulières s’appliquant à la liquidation de la société SOC1) ; que contrairement au droit commun des faillites, en vertu duquel il appartient au curateur de saisir le tribunal en matière de contestation du bien-fondé d’une déclaration de créance, ce jugement du 12 décembre 2008 avait prévu qu’un créancier doit agir par voie d’assignation dans un délai de 40 jours à partir de la date d’envoi à la poste de la lettre recommandée par laquelle les liquidateurs judiciaires l’informent que sa déclaration de créance est contestée et qu’à défaut, la déclaration de créance est considérée comme définitivement rejetée ; qu’il avait également prévu que les jugements statuant sur les contestations des déclarations de créance ne sont pas susceptibles d’opposition ;

Attendu que le premier moyen de cassation, lu à la lumière de sa discussion, fait en substance grief aux juges d’appel d’avoir admis que « le tribunal d’arrondissement aurait une compétence exclusive, car limitée à l’admission des créanciers au passif de la liquidation », de sorte qu’il « est dépourvu du pouvoir de connaître des actions qui ne sont pas des actions nées de la faillite, comme en l’espèce l’action en responsabilité contre SOC2), dès lors qu’il connaît déjà d’une action née de la faillite – ici l’action sur la contestation de la créance » ;

Attendu que les juges d’appel n’ont pas fondé leur décision d’irrecevabilité de la demande dirigée contre la société anonyme SOC2) sur le constat que le tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, serait incompétent pour connaître de cette demande ; qu’ils ont constaté que le tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, est normalement compétent pour connaître d’une telle demande ; que leur décision d’irrecevabilité se fonde, au contraire, sur le motif, étranger à toute considération relative à la compétence, que le tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, saisi d’une action née de la faillite, telle une contestation de créance, dirigée contre la masse des créanciers représentée par le curateur de la faillite ou le liquidateur de la liquidation judiciaire, ne peut être saisi par la même assignation d’une action de droit commun, telle une action en responsabilité civile dirigée contre un tiers ; que la décision d’irrecevabilité attaquée n’implique donc pas que le tribunal d’arrondissement serait dépourvu de compétence pour connaître de l’action de droit commun dirigée contre un tiers ; qu’elle se limite à postuler que le tribunal ne peut pas être saisi, dans le cadre d’une même assignation, d’une action née de la faillite à juger selon les règles de procédure particulières applicables en matière de faillite et d’une action de droit commun dirigée contre un tiers à juger selon les règles de droit commun applicables en matière commerciale ;

Qu’il en suit que le moyen manque en fait ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement des premiers juges et d'avoir ainsi rejeté la déclaration de créance du demandeur au passif de la liquidation de la Banque, tout en le condamnant, sur reconvention, à payer la somme de EUR 30.071.037,96, avec les intérêts conventionnels à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à solde, ainsi qu'aux frais en dépens de l'instance, en écartant, pour ce faire, l'exception que le pénal tient le civil en l'état tirée de l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, aux motifs que liquidatrice est actuellement toujours en cours [au Luxembourg] » (p. 14, § 3) et que .

alors que, première branche du moyen, la loi pénale étant d'interprétation stricte, la Cour d'appel ne peut pas établir une distinction entre les instances pénales indigènes ou étrangères alors qu'une telle distinction n'est pas opérée par le texte légal ; que le juge ne peut pas procéder à une interprétation contra legem de la loi pénale ; que l'arrêt viole ainsi l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, et que, seconde branche du moyen, la Cour d'appel ne peut valablement rejeter l'application de la règle consacrée par l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale en prétextant de l'absence de traité international entre les pays concernés ; qu'il existe en droit positif de nombreuses conventions internationales liant les parties concernées, à savoir, d'une part, l'article 54 de la Convention d'application des Accords de Schengen du 14 juin 1985 en ce qu'il affirme le principe non bis in idem, d'autre part, l'article 82 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'article 8 de la décision-

cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne en ce que ces textes affirment le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales et, enfin, l'article 3 de la décision-cadre 2008/675/JAI relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale en ce qu'il prévoit le principe d'assimilation aux jugements nationaux des jugements répressifs rendus dans l'Union européenne ; qu'ils obligent lesdites parties contractantes concernées à reconnaître les instances pénales étrangères et les conséquences de celles-ci en droit national, notamment l'autorité de chose jugée qui en découle ; que l'arrêt attaqué, en n'en tenant pas compte dans son interprétation de l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale a violé celui-ci par une fausse interprétation, Question préjudicielle : étant entendu que pour statuer sur la seconde branche de ce moyen, en tant qu'il est fondé sur des traités européens, la Cour de cassation sera tenue, aux termes de l'article 267du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - à moins qu'elle juge d'ores et déjà avec le demandeur en cassation que les textes invoqués sont effectivement d'application, ou que l'application correcte du droit européen dans le sens du présent moyen de cassation s'impose avec une évidence telle qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable -

de saisir la Cour de Justice de l'Union européenne en vue de l'interprétation des textes précités, notamment au moyen des questions préjudicielles suivantes :

1) L’article 54 de la Convention d'application des Accords de Schengen du 14 juin 1985 en ce qu'il affirme le principe non bis in idem, doit-il être interprété de manière à ce qu'il implique implicitement mais nécessairement que la règle selon laquelle s'applique également à une instance étrangère ? 2) L’article 82 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en ce qu'il affirme le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, doit-il être interprété de manière à ce qu'il implique implicitement mais nécessairement que la règle selon laquelle s'applique également à une instance étrangère ? 3) L’article 8 de la décision-cadre 2008/909/JA1 concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne, en ce qu'il affirme le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, doit-il être interprété de manière à ce qu'il implique implicitement mais nécessairement que la règle selon laquelle s'applique également à une instance étrangère ? 4) L’article 3 de la décision-cadre 2008/675/JAI relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les États membres de l'Union européenne à l'occasion d'une nouvelle procédure pénale, en ce qu'il prévoit le principe d'assimilation aux jugements nationaux des jugements répressifs rendus dans l'Union européenne doit-il être interprété de manière à ce qu'il implique implicitement mais nécessairement que la règle selon laquelle s'applique également à une instance étrangère ? » ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu que l’article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale n’édictant pas de peine, la règle d’interprétation stricte lui est étrangère et ne peut pas prohiber la distinction entre instances pénales indigènes et étrangères ;

Qu’il en suit qu’en sa première branche, le moyen n’est pas fondé ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu qu’aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;

Attendu que le demandeur en cassation considère que chacune des dispositions du droit de l’Union européenne visées au moyen, prise isolément, implique que la règle que « le criminel tient le civil en l’état » s’applique également à une instance étrangère ;

Attendu qu’en sa seconde branche, le moyen met en œuvre la violation de l’article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale en combinaison avec l’article 54 de la Convention d’application des Accords de Schengen du 14 juin 1985, la violation de l’article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale en combinaison avec l’article 82 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la violation de l’article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale en combinaison avec l’article 8 de la décision-cadre 2008/909/JAI du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l’Union européenne et la violation de l’article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale en combinaison avec l’article 3 de la décision-cadre 2008/675/JAI relative à la prise en compte des décisions de condamnation entre les Etats membres de l’Union européenne à l’occasion d’une nouvelle procédure pénale ;

Que le moyen met partant en œuvre quatre cas d’ouverture distincts ;

Qu’il en suit qu’en sa seconde branche, le moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation :

« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement des premiers juges et d'avoir ainsi rejeté la déclaration de créance du demandeur au passif de la liquidation de la Banque, tout en le condamnant, sur reconvention, à payer la somme de EUR 30.071.037,96, avec les intérêts conventionnels à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à solde, ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance, en écartant, pour ce faire, l'exception que le pénal tient le civil en l'état tirée de l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, aux motifs que liquidatrice est actuellement toujours en cours [au Luxembourg] » (p. 14, § 3) et que .

alors que, première branche, l'arrêt ne pouvait pas à la fois constater qu'une poursuite pénale était (p. 14, § 3) au Luxembourg contre la liquidatrice et (p. 11, § 3) et que les faits objets de cette poursuite pénale étaient (p. 14, § 1) à ceux de la procédure dont était saisie la Cour d'appel, sans appliquer la règle que le pénal tient le civil en l'état au cas d'espèce ;

qu'en statuant ainsi l'arrêt d'appel a violé, par fausse application, l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale ;

et que, deuxième branche, l'arrêt ne pouvait pas à la fois constater qu'une instruction pénale était en cours au Luxembourg contre la liquidatrice et contre la Banque, tout en jugeant, par adoption de motifs, que ; que les premiers juges avaient précisément constaté qu'à l'époque du jugement de première instance, aucune poursuite indigène n'avait eu lieu (cf. le jugement de première instance, p. 16, § 1) ; que ces deux séries de motifs se contredisent et s'annulent réciproquement ; que la contradiction de motifs vaut absence de motifs et dès lors violation des articles 89 de la Constitution et 249, en combinaison avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile ;

et que, troisième branche, l'arrêt ne pouvait pas juger, comme il l'a fait, que la Cour n'aurait pas besoin d'attendre l'issue de la poursuite judiciaire luxembourgeoise en cas de condamnation de la Banque en France du chef d'escroquerie, puisqu'alors cette décision française aurait sur la question de la validité des contrats, pas plus qu'en cas de (p. 14 in fine), et que ; qu'en jugeant ainsi l'arrêt attaqué a nié purement et simplement l'existence de la poursuite pénale luxembourgeoise, ainsi que l'autonomie de l'infraction de blanchiment ; que l'arrêt viole ainsi l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale, ainsi que l'article 506-8 du Code pénal ;

et qu'enfin, quatrième branche, pour juger comme ils l'ont fait, les juges d'appel auraient dû constater que la décision à intervenir sur l'action publique luxembourgeoise n'était pas de nature à influer sur celle à rendre par la Cour d'appel ; qu'en omettant de constater que le jugement pénal à intervenir au Luxembourg sur l'infraction de blanchiment d'escroquerie et sur les infractions de faux bilans et d'association de malfaiteurs n'était pas de nature à influer sur le jugement de l'affaire civile dont elle était saisie, la Cour d'appel a privé sont arrêt de base légale au regard de l'article 3, alinéa 2, du Code pénal. » ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu que le demandeur en cassation se fonde sur le motif suivant de l’arrêt :

« L’appelant, qui argue de nullité pour cause de dol, sinon d’erreur les contrats signés avec la Banque et les hypothèques prises sur ses biens immobiliers et le gage sur deux assurances-vie, soutient à raison que le délit de blanchiment présuppose établie l’infraction primaire d’escroquerie commise par la Banque à son détriment et que les éléments constitutifs de cette infraction sont assimilables voire identiques à ceux qui peuvent induire en erreur le cocontractant, voire faire partie des manœuvres dolosives l’ayant amené à contracter. » ;

Attendu que les juges d’appel, après avoir constaté qu’une poursuite pénale pour blanchiment était en cours au Luxembourg, se sont limités, par ce motif, à constater que les éléments constitutifs de l’infraction primaire de ce blanchiment, en l’espèce l’infraction d’escroquerie, étaient « assimilables voire identiques » à la preuve que le demandeur en cassation devait rapporter pour établir la nullité des contrats pour dol, sinon erreur, dans le cadre de la procédure civile pendante devant eux ; qu’ils n’ont pas constaté, en revanche, que l’objet de la poursuite pénale en cours au Luxembourg, à savoir le blanchiment de l’objet ou du produit de l’escroquerie alléguée qui aurait été commise en France, était à son tour assimilable, voire identique à la procédure pendante devant eux ;

Qu’il en suit qu’en sa première branche, le moyen manque en fait ;

Sur la deuxième branche du moyen :

Attendu que le demandeur en cassation considère que les juges d’appel ont refusé de surseoir à statuer en présence d’une procédure pénale luxembourgeoise en adoptant les motifs des juges de première instance suivant lesquels la poursuite d’une infraction devant une juridiction étrangère ne suspend pas l’exercice au Luxembourg des actions civiles nées de cette infraction ;

Attendu que les juges d’appel ont refusé de surseoir à statuer « pour défaut de pertinence » en raison de la procédure pénale luxembourgeoise pour blanchiment ; qu’ils ont adopté les motifs retenus par les juges de première instance, non au regard de la procédure pénale luxembourgeoise, mais au regard de la procédure pénale française pour escroquerie ;

Qu’il en suit qu’en sa deuxième branche, le moyen manque en fait ;

Sur la troisième branche du moyen :

Attendu que les juges d’appel ont considéré que la procédure dont ils étaient saisis et dont l’objet était d’établir l’existence de vices du consentement affectant des contrats conclus entre parties n’était susceptible d’être influencée que par la poursuite pénale en France pour escroquerie et non par celle au Luxembourg pour blanchiment de l’objet ou du produit de cette escroquerie, qui suppose la preuve de l’infraction primaire, donc de l’escroquerie, qui ne peut être rapportée qu’en France ;

Qu’il en suit que les juges d’appel n’ont nié ni l’existence de la poursuite pénale au Luxembourg ni l’autonomie de l’infraction de blanchiment, mais qu’ils ont constaté que cette poursuite pénale n’était pas, en l’espèce, de nature à exercer une influence sur la procédure dont ils étaient saisis ;

Qu’il en suit qu’en sa troisième branche, le moyen manque en fait ;

Sur la quatrième branche du moyen :

Attendu qu’il résulte de la réponse à la troisième branche du moyen que les juges d’appel ont précisé pour quelle raison la décision à intervenir sur l’action publique luxembourgeoise n’était pas de nature à influer sur leur décision ;

Qu’il en suit qu’en sa quatrième branche, le moyen manque en fait ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement des premiers juges et d'avoir ainsi rejeté la déclaration de créance du demandeur au passif de la liquidation de la Banque, tout en le condamnant, sur reconvention, à payer la somme de EUR 30.071.037,96, avec les intérêts conventionnels à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à solde, ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance, en écartant, pour ce faire, l'exception de sursis à statuer invoquée par le demandeur et fondée sur le pouvoir discrétionnaire des juges d'appel, ainsi que sur le fondement du principe d'égalité des armes tiré de l'article 6, alinéa, 1 Conv.

EDH au motif que surséance n'a vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'un texte légal. Les exemples cités par l'appelant ont d'ailleurs tous trait à des cas de figure dans lesquels il n'y avait pas de texte légal sur lequel les juges pouvaient s'appuyer pour prononcer la surséance. Le cas est tout autre, en l'espèce, étant donné que les conditions de l'article 3 du Code de procédure pénale ne sont pas remplies. Accorder dans ces conditions un pouvoir discrétionnaire au juge de passer outre à cet article reviendrait à violer et en fait à vider de sens ladite disposition légale », alors que, première branche, l'article 3, alinéa 2, du Code de procédure pénale n'interdit nullement aux juges d'appel de prononcer le sursis à statuer pour d'autres motifs ; qu'en statuant comme il l'a fait, l'arrêt d'appel a conféré à ce texte une portée qu'il n'a pas ; que, partant, la Cour d'appel a violé, par une fausse interprétation, le texte en question ;

et que, deuxième branche, en jugeant que juge de prononcer une surséance n'a vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'un texte légal » et qu'à défaut, , alors même que le demandeur avait expressément présenté et explicité dans ses conclusions récapitulatives, à l'appui du sursis à statuer, un moyen invoquant le principe d'égalité des armes, titré de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, les juges du fond ont omis de répondre à un élément péremptoire des conclusions du demandeur, violant ainsi l'article 89 de la Constitution et l'article 249, en combinaison avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile. » ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu que l’appréciation de l’opportunité d’un sursis à statuer ne relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond que hors le cas où cette mesure est prévue par la loi ; que lorsque le sursis est, comme en l’espèce, prévu par la loi, il est subordonné aux conditions de celle-ci ;

Qu’il en suit qu’en sa première branche, le moyen n’est pas fondé ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, partant un vice de forme ;

Qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu que les juges d’appel ont énoncé que A) invoquait la violation du principe de l’égalité des armes ;

Attendu que par les motifs reproduits au moyen de cassation, les juges d’appel ont implicitement, mais nécessairement rejeté le moyen tiré de la violation de ce principe ;

Qu’il en suit qu’en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen de cassation :

« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement des premiers juges et d'avoir ainsi rejeté la déclaration de créance du demandeur au passif de la liquidation de la Banque, tout en le condamnant, sur reconvention, à payer la somme de EUR 30.071.037,96, avec les intérêts conventionnels à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à solde, ainsi qu'aux frais et dépens de l'instance, en écartant, pour ce faire, la demande en annulation du contrat de prêt conclu avec la Banque devant notaire le 30 juillet 2007 et du contrat de prêt sous seings privés du 17 juillet 2007, ainsi que des contrats de garantie conclus pour sûreté de la dette, le moyen d'annulation ayant été fondé tant, sur le dol, que l'erreur, sinon sa cause illicite et immorale, aux motifs qu' [equity release] et l'équilibre éventuel à atteindre sont des éléments essentiels qui sont nécessairement pris en compte par le client dans sa décision de souscrire à un produit. S'il est dès l'ingrès conscient du caractère irréaliste du produit proposé, il ne contracte pas » (p. 30, § 4), que (p. 33, § 5), que le demandeur a offert en preuve par expertise de faire (p. 34, § 4), que ; mais que l'offre de preuve est à (p. 36, in fine) au motif que l' (p. 36, § 3), alors que, première branche, la Cour d'appel, après avoir défini, pour le cas d'espèce, l'objet de la preuve du moyen fondé sur le dol, sinon sur l'erreur, sinon sur la cause illicite et immorale comme portant sur le caractère réaliste de l'objectif à atteindre par le produit equity release et après avoir constaté que l'offre de preuve du demandeur porte précisément sur cet objet, a néanmoins jugé qu'il se poserait alors ; que ces deux séries de motifs, consistant, d'une part, à définir pour le cas d'espèce l'objet de la preuve et, d'autre part, à rejeter l'offre de preuve conforme à cet objet, se contredisent et s'annihilent réciproquement ; que la contradiction de motifs vaut absence de motifs et dès lors violation des articles 89 de la Constitution et 249, en combinaison avec l'article 587 du Nouveau code de procédure civile ;

et que, deuxième branche, la Cour d'appel, après avoir défini, pour le cas d'espèce, l'objet de la preuve du moyen fondé sur le dol, sinon sur l'erreur, sinon sur la cause illicite et immorale comme portant sur le caractère réaliste de l'objectif à atteindre par le produit equity release et après avoir constaté que l'offre de preuve du demandeur porte précisément sur cet objet, a néanmoins jugé qu'il se poserait alors ; qu'en prétextant ainsi du caractère de la décision à rendre et en anticipant ainsi une impossibilité de rendre un arrêt futur au cas où l'expert confirmerait la thèse du demandeur sur le caractère irréaliste de l'objectif du montage equity release, ainsi qu'en rejetant l'offre de preuve au vu de cette impossibilité future, les juges d'appel ont commis un déni de justice ; que les juges d'appel ont, partant, violé l'article 4 du Code civil. » ;

Sur la première branche du moyen :

Attendu qu’aux termes de l’article 10, alinéa 2, de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, chaque moyen ou chaque branche doit préciser, sous peine d’irrecevabilité, ce en quoi la décision attaquée encourt le reproche allégué ;

Attendu qu’en tant que tiré d’une contradiction de motifs valant absence de motivation, le moyen manque de la précision requise en ce qu’il omet d’indiquer en quoi les motifs de la décision attaquée seraient contradictoires ;

Qu’il en suit qu’en sa première branche, le moyen est irrecevable ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que les juges d’appel, en rejetant l’offre de preuve par expertise au motif que celle-ci ne saurait mener à un résultat convaincant, n’a pas refusé de statuer ;

Qu’il en suit qu’en sa seconde branche, le moyen n’est pas fondé ;

Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge des sociétés en liquidation SOC1) et SOC2), défenderesses en cassation, l'intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient d’allouer à la société SOC1), en liquidation, une indemnité de procédure de 5.000 euros et à la société SOC2), en liquidation, une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la société SOC1), en liquidation, défenderesse en cassation, une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la société SOC2), en liquidation, défenderesse en cassation, une indemnité de procédure de 2.500 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Elisabeth EWERT, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44/19
Date de la décision : 14/03/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2019-03-14;44.19 ?

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