N° 113 / 2018 du 22.11.2018.
Numéro 4023 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-deux novembre deux mille dix-huit.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, Yannick DIDLINGER, conseiller à la Cour d’appel, Serge WAGNER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
1) A), et son épouse 2) B), les deux demeurant ensemble à (…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
1) C), demeurant à (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) D), et son épouse 3) E), les deux demeurant ensemble à (…), défendeurs en cassation.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué, no. 109/17, rendu le 13 juillet 2017 sous le numéro 42193 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation, signifié le 4 octobre 2017 par A) et B) à C), à D) et à E), déposé le même jour au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse, signifié le 18 octobre 2017 par C) à A), à B), à D) et à E), déposé au greffe de la Cour le 27 octobre 2017 ;
Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Elisabeth EWERT ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait dit que l’architecte C) devra tenir les époux A)-B) quittes et indemnes des condamnations intervenues à leur encontre au profit des époux D)-E) du chef de vices affectant une maison qu’ils avaient vendue à ces derniers ; que la Cour d’appel, réformant, a dit la demande en intervention dirigée par les époux A)-B) contre C) non fondée et a déchargé ce dernier de la condamnation prononcée à son encontre en première instance ;
Sur la recevabilité du pourvoi en cassation qui est contestée :
Attendu que le défendeur en cassation C) soulève la nullité, sinon l’irrecevabilité du mémoire en cassation pour contenir des mentions fausses en ce que les demandeurs en cassation se présenteraient dans cet acte comme étant respectivement ouvrier et femme au foyer, alors qu’ils seraient les associés d’une société dénommée « Soc1)» dont B) serait la gérante, qu’A) se présenterait sur internet comme technicien en bâtiment et que les demandeurs en cassation seraient en réalité des professionnels de la construction ;
Attendu que le défendeur en cassation restant en défaut de préciser, conformément à l’article 246, alinéa 2, du Nouveau code de procédure civile, en quoi le prétendu vice de forme consistant dans des énonciations inexactes contenues dans le mémoire en cassation serait de nature à porter atteinte à ses intérêts, son moyen tiré de la nullité, sinon de l’irrecevabilité du mémoire en cassation est à rejeter ;
Attendu que le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation :
« tiré de la violation de la loi et plus particulièrement de celle des articles 1792 et 2270 du Code civil, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'appel fondé, d'avoir dit la demande en intervention contre C) non fondée, d'avoir déchargé ce dernier de la condamnation à tenir A) et B) quittes et indemnes de la condamnation intervenue dans le cadre de la demande principale dirigée par D) et Madame E) contre eux, de les avoir condamnés à une indemnité de procédure de mille euros pour la première instance, à une indemnité de procédure du même montant pour l'instance d'appel, d'avoir rejeté leur demande en indemnité de procédure contre C), de les avoir condamnés aux frais et dépens de première instance relative à la demande en intervention et d'avoir mis à leur charge l'entièreté des frais et dépens de l'instance d'appel, en ce que la Cour d'appel a considéré que l'architecte pouvait, par la clause ayant figuré sur un plan signé par l'architecte et A), et selon laquelle mettre à charge des actuels demandeurs en cassation le risque de l'absence de prise en compte de sa part de la mauvaise qualité du sol, alors que les articles 1792 et 2270 du Code civil sont d'ordre public et n'admettent pas que l'architecte s'exonère conventionnellement et par avance de l'omission complète de sa part de tenir compte de la qualité du sol ; que la Cour d'appel, en statuant comme elle l'a fait, a violé les articles 1792 et 2270 du Code civil. » ;
Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni d’aucun autre élément de la cause à laquelle la Cour de cassation peut avoir égard que les demandeurs en cassation, qui avaient invoqué en instance d’appel une violation de son obligation générale de conseil par le défendeur en cassation, aient également basé leur demande sur les articles visés au moyen relatifs à la garantie décennale ;
Que le moyen est partant nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des circonstances de fait, mélangé de fait et de droit ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
« tiré de la violation de l'article 1134 du Code civil par dénaturation de la clause ayant figuré sur le plan dressé par l'architecte, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'appel fondé, d'avoir dit la demande en intervention contre C) non fondée, d'avoir déchargé ce dernier de la condamnation à tenir A) et B) quittes et indemnes de la condamnation intervenue dans le cadre de la demande principale dirigée par D) et Madame E) contre eux, de les avoir condamnés à une indemnité de procédure de mille euros pour la première instance, à une indemnité de procédure du même montant pour l'instance d'appel, d'avoir rejeté leur demande en indemnité de procédure contre C), de les avoir condamnés aux frais et dépens de première instance relative à la demande en intervention et d'avoir mis à leur charge l'entièreté des frais et dépens de l'instance d'appel, en ce que la Cour d'appel, après avoir constaté l'existence d'une clause sur un plan signé par l'architecte et A), selon laquelle , a jugé que l'architecte avait satisfait à son obligation de conseil en rapport avec la nécessité d'une étude de sol, alors que les conventions ont force de loi entre ceux qui les ont conclues, et qu'il n'est pas permis d'en dénaturer la portée, ce que la Cour a cependant fait en étendant la clause en question à la nécessité d'une étude de sol, violant ainsi l'article 1134 du Code civil, sachant que la clause en question ne visait que des études de résistance. » ;
Attendu que sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à mettre en discussion l’interprétation de la clause litigieuse par les juges d’appel, interprétation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation :
« tiré de la violation de la loi et plus particulièrement de celle des articles 1135 et 1147 du Code civil, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'appel fondé, d'avoir dit la demande en intervention contre C) non fondée, d'avoir déchargé ce dernier de la condamnation à tenir A) et B) quittes et indemnes de la condamnation intervenue dans le cadre de la demande principale dirigée par D) et Madame E) contre eux, de les avoir condamnés à une indemnité de procédure de mille euros pour la première instance, à une indemnité de procédure du même montant pour l'instance d'appel, d'avoir rejeté leur demande en indemnité de procédure contre C), de les avoir condamnés aux frais et dépens de première instance relative à la demande en intervention et d'avoir mis à leur charge l'entièreté des frais et dépens de l'instance d'appel, en ce que la Cour d'appel a considéré que par la clause ayant figuré sur un plan signé par l'architecte et A) et selon laquelle , l'architecte avait satisfait à son obligation de conseil et se mettait à l'abri de l'absence de prise en compte de sa part de la mauvaise qualité du sol et de la nécessité d'une étude de sol, alors que les conventions obligent à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature, et que la clause en question, ne visant que des études de résistance mais non le défaut de prise en compte de la mauvaise qualité du sol, laissait intacte l'obligation de l'architecte de tenir compte de la qualité du sol et de son obligation de conseil y relative, et que la Cour d'appel, en statuant ainsi qu'elle l'a fait, a violé les textes de loi susdits. » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;
Attendu que le moyen articule, d’une part, la violation de l’article 1135 du Code civil relatif à l’étendue des obligations contractées, et, d’autre part, la violation de l’article 1147 du même code ayant trait à la réparation de l’inexécution ou de l’exécution tardive de l’obligation, partant deux cas d’ouverture distincts ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le quatrième moyen de cassation :
« tiré de la violation de l'article 89 de la Constitution, des articles 249 et 587 combinés du Nouveau code de procédure civile par adoption de motifs ambigus, il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'appel fondé, d'avoir dit la demande en intervention contre C) non fondée, d'avoir déchargé ce dernier de la condamnation à tenir A) et B) quittes et indemnes de la condamnation intervenue dans le cadre de la demande principale dirigée par D) et Madame E) contre eux, de les avoir condamnés à une indemnité de procédure de mille euros pour la première instance, à une indemnité de procédure du même montant pour l'instance d'appel, d'avoir rejeté leur demande en indemnité de procédure contre C), de les avoir condamnés aux frais et dépens de première instance relative à la demande en intervention et d'avoir mis à leur charge l'entièreté des frais et dépens de l'instance d'appel, en ce que la Cour d'appel a retenu que par la clause ayant figuré sur un plan signé par l'architecte et A) et selon laquelle , l'architecte se mettait à l'abri de la demande des actuels demandeurs en cassation, et que toutefois en même temps la Cour d'appel fait référence dans son arrêt à la nécessité d'une étude de sol, laissant inexpliquée la question de savoir ce qui permettait à l'architecte d'échapper à sa responsabilité, alors que toute décision doit être dûment motivée, ce qui exclut le recours à des motifs ambigus, et que le fait pour la Cour d'appel de fonder sa décision sur des motifs ambigus, revient à une absence de motivation et, partant, viole les susdits textes. » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;
Attendu que le moyen vise, d’une part, en tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et des articles 249 et 587 du Nouveau code de procédure civile, le défaut de motifs, qui constitue un vice de forme, et articule, d’autre part, le grief d’une ambigüité des motifs, qui vise le défaut de base légale constitutif d’un vice de fond, partant deux cas d’ouverture distincts ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge du défendeur en cassation C) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ;
condamne les demandeurs en cassation à payer au défendeur en cassation C) une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne les demandeurs en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Georges KRIEGER, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur Serge WAGNER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.