N° 101 / 2018 du 15.11.2018.
Numéro 4024 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quinze novembre deux mille dix-huit.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour de cassation, Michel REIFFERS, conseiller à la Cour de cassation, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
1) A) et 2) B), les deux demeurant ensemble à (…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
1) la société de droit allemand SOC1), représentée par son conseil d’administration, immatriculée auprès du Amtsgericht Frankfurt-am-Main sous le numéro (…), établie et ayant son siège social à (…), laquelle a fusionné avec la Soc2) avec siège social à (…), immatriculée auprès du Amtsgericht Frankfurt-am-
Main sous le numéro (…), de laquelle elle a repris tous les droits et obligations, la SOC2) ayant cessé d’exister avec effet au 11 mai 2009, défenderesse en cassation, comparant par Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) C), notaire honoraire, demeurant à (…), défendeur en cassation.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué, numéro 123/17, rendu le 14 juin 2017 sous le numéro 36571 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 4 octobre 2017 par A) et B) à la société de droit allemand SOC1), en son siège social, et à C), déposé le même jour au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 11 décembre 2017 par la société SOC3) à A), à B) et à C), déposé le même jour au greffe de la Cour ;
Sur le rapport du conseiller Eliane EICHER et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint John PETRY ;
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
Attendu que la société SOC3) oppose l’irrecevabilité du recours en cassation au motif que le mémoire n’a pas été signifié à toutes les parties ayant figuré à l’instance d’appel ;
Attendu que le pourvoi en cassation n’a pas été signifié par les demandeurs en cassation aux parties que la société SOC3) avait mises en intervention en instance d’appel, par une assignation du 15 mars 2016, aux fins de déclaration d’arrêt commun ;
Attendu qu’à défaut d’indivisibilité du litige, les demandeurs en cassation n’étaient pas tenus de diriger le pourvoi contre toutes les parties ;
Attendu que la société SOC3) oppose encore l’irrecevabilité du pourvoi en cassation pour défaut d’indication des dispositions attaquées ;
Attendu que le mémoire en cassation énonce avec précision les dispositions attaquées de l’arrêt ;
Qu’il en suit que les moyens d’irrecevabilité soulevés par la société SOC3) ne sont pas fondés ;
Que le pourvoi, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable ;
2 Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société de droit allemand Soc4), dont tous les droits et obligations ont été repris par la société SOC3), avait fait signifier à A) et à B) un commandement tendant à la saisie de deux immeubles leur appartenant pour obtenir paiement d’une somme en principal et intérêts et qu’elle avait ensuite fait pratiquer saisie-arrêt entre les mains du notaire par-devant lequel la vente d’un de ces immeubles avait eu lieu ; que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré non fondée l’opposition à commandement signifiée par A) et B) à la société SOC4), dit non fondée la demande en paiement dirigée contre ces parties par la société SOC4), ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée par la société SOC4) et déclaré le jugement commun au notaire C) ; qu’en instance d’appel, la société SOC3) avait mis en intervention huit autres parties aux fins de déclaration d’arrêt commun ; que six de ces parties n’avaient pas constitué avocat ;
que la Cour d’appel, statuant contradictoirement, a, par réformation, condamné A) et B) au paiement du montant réclamé par la société SOC3), confirmé le jugement de première instance pour le surplus et déclaré l’arrêt commun à toutes les parties mises en intervention à ces fins ;
Sur les deux moyens de cassation réunis :
tirés, le premier « de la violation, la mauvaise interprétation, sinon la mauvaise application de la loi, en l'occurrence de l'article 84 du Nouveau code de procédure civile portant obligation légale en cas de pluralité de parties assignées de devoir réassigner une partie défaillante et non touchée à personne par la première assignation en l'informant que le jugement à intervenir sera réputé contradictoire si elle ne comparaît pas, et qui dispose que :
Article 84 du Nouveau code de procédure civile :
parties défaillantes auxquelles l'acte introductif d'instance n'avait pas été délivré à personne, sont, à l'expiration du délai de comparution, recitées par huissier de justice, avec mention, dans la recitation, que le jugement à intervenir sera réputé contradictoire.
A l'expiration des nouveaux délais d'ajournement, il sera statué par un seul jugement contradictoire entre toutes les parties, qu'elles aient été ou non représentées par un mandataire. ».
En ce que la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a, dans le dispositif de l'arrêt attaqué du 14 juin 2017 :
• prétendu statuer contradictoirement, • reçu l'appel principal et l'appel incident en la forme, • dit l'appel incident non fondé, • déclaré la demande de A) et B) en paiement de dommages et intérêts du chef du préjudice matériel et de préjudice moral irrecevable pour être nouvelle, • dit l'appel principal partiellement fondé, 3 • réformé le jugement entrepris du 05 décembre 2008 en condamnant A) et B) à payer solidairement à la société SOC3) A.G. le montant de 1.087.143,45 euros avec les intérêts à partir du 08 juillet 2014 jusqu'à solde, • confirmé pour le surplus le jugement entrepris du 05 décembre 2008 en ce qu'il a déclaré non fondée l'opposition à commandement de A) et B) et autorisé la continuation des poursuites sur l'immeuble sis à Luxembourg, 55, rue d'Anvers, tout en ordonnant l'exécution provisoire du jugement, sans caution, sur ce point.
• déclaré l'arrêt commun à Maître C), à la société anonyme soc4), à la société anonyme soc5), à D), à la soc6), à la sàrl soc7) en liquidation judiciaire, à E), à Maître F) et à la soc8), • débouté la société SOC3) A.G, A) et B) de leurs demandes respectives en allocation d'une indemnité de procédure pour l'instance d'appel, • fait masse des frais et dépens de l'instance d'appel et les impose pour moitié à chacune des parties et ordonne la distraction à Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, qui la demande, affirmant en avoir fait l'avance.
Sans motifs quant au caractère prétendument contradictoire de l'arrêt et aux modalités de signification des assignations d'appel et d'intervention aux six parties défaillantes et au respect de l'obligation légale et des formalités de réassignation des six parties défaillantes, Alors que face à une pluralité de parties assignées dont certaines ne comparaissent pas, il incombe à la juridiction saisie d'examiner d'office si les conditions d'application de l'article 84 du Nouveau code de procédure civile sont remplies, c'est à dire de vérifier si ces parties défaillantes ont ou non été touchées à personne par l'exploit d'assignation et, dans la négative, de déclarer irrecevables les demandes sinon nul l'exploit d'assignation. Les six parties défaillantes n'ayant pas été réassignées, il appartenait à la Cour d'appel de déclarer irrecevables les demandes formulées dans les assignations d'appel et d'intervention sinon nulles les assignations d'appel et d'intervention. » ;
le second, « de la violation, la mauvaise interprétation, sinon la mauvaise application de la loi, en l'occurrence de l'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile portant obligation légale d'indiquer dans les jugements les noms des avoués et les noms et professions et demeures des parties, ainsi qu'un exposé sommaire des points de fait et de droit, ses motifs et son dispositif et qui dispose que :
Article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile :
procureur d'Etat s'il a été entendu ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements (…).».
En ce que la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a, dans le dispositif de l'arrêt attaqué du 14 juin 2017 :
4 • prétendu statuer contradictoirement, • reçu l'appel principal et l'appel incident en la forme, • dit l'appel incident non fondé, • déclaré la demande de A) et B) en paiement de dommages et intérêts du chef du préjudice matériel et de préjudice moral irrecevable pour être nouvelle, • dit l'appel principal partiellement fondé, • réformé le jugement entrepris du 05 décembre 2008 en condamnant A) et B) à payer solidairement à la société SOC3) A.G. le montant de 1.087.143,45 euros avec les intérêts à partir du 08 juillet 2014 jusqu'à solde, • confirmé pour le surplus le jugement entrepris du 05 décembre 2008 en ce qu'il a déclaré non fondée l'opposition à commandement de A) et B) et autorisé la continuation des poursuites sur l'immeuble sis à Luxembourg, 55, rue d'Anvers, tout en ordonnant l'exécution provisoire du jugement, sans caution, sur ce point.
• déclaré l'arrêt commun à Maître C), à la société anonyme soc4), à la société anonyme soc5), à D), à la soc6), à la sàrl soc7) en liquidation judiciaire, à E), à Maître F) et à la soc8), • débouté la société SOC3) A.G., A) et B) de leurs demandes respectives en allocation d'une indemnité de procédure pour l'instance d'appel, • fait masse des frais et dépens de l'instance d'appel et les impose pour moitié à chacune des parties et ordonne la distraction à Maître Laurent NIEDNER, avocat à la Cour, qui la demande, affirmant en avoir fait l'avance.
Sans motifs quant au caractère prétendument contradictoire de l'arrêt ni mention des noms des trois avocats à la Cour constitués et comparaissant pour trois parties assignées en intervention ainsi que des noms, professions et demeures des huit parties assignées en intervention, Alors que la juridiction saisie doit mentionner dans l'arrêt les noms, professions et demeures de toutes les parties au litige ainsi que celui de leurs avocats à la Cour respectifs pour celles ayant constitué avocat à la Cour ainsi que la preuve de l'accomplissement des formalités substantielles requises par la loi en matière de réassignation des parties défaillantes non touchées à personne par la première assignation. Il incombait en conséquence à la Cour d'appel de mentionner les noms, professions et demeures des huit parties mises en intervention au litige ainsi que les noms des trois avocats à la Cour constitués et comparaissant pour trois d'entre elles ainsi que de mentionner après vérification si les parties défaillantes non touchées à personne par la première assignation ont été régulièrement réassignées à défaut de quoi l'arrêt encourt la nullité. » ;
Attendu que l’inobservation des formalités visées aux moyens concerne les seules parties mises en intervention et n’affecte pas la décision rendue à la demande de la société SOC3) à l’égard des demandeurs en cassation ;
5 Qu’il en suit qu’à défaut d’intérêt dans le chef de A) et de B), les deux moyens de cassation sont à déclarer irrecevables ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu que les demandeurs en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne les demandeurs en cassation aux dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.