GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 39774C Inscrit le 22 juin 2017
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Audience publique du 24 avril 2018 Appel formé par M. …, …, et Mme …, …, contre un jugement du tribunal administratif du 16 mai 2017 (n° 37619 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’établissement en commun de revenus d’entreprises collectives et de copropriétés
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 39774C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 22 juin 2017 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à …, et de Madame …, demeurant à …, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-
Duché de Luxembourg le 16 mai 2017 (n° 37619 du rôle), par lequel ledit tribunal les a déboutés de leur recours tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes rendue le 21 décembre 2015, faisant suite à leur réclamation contre les bulletins de l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 2012 et 2013, émis en date du 15 juillet 2015 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 18 septembre 2017 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 16 octobre 2017 par Maître André HARPES pour compte de Monsieur … et de Madame … ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Diana RAIMUNDO FERREIRA, en remplacement de Maître André HARPES, et Monsieur le délégué du gouvernement Sandro LARUCCIA en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 novembre 2017.
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Ayant acquis en 2012 un appartement construit en 1970 situé à …, au prix de … €, Monsieur … et Madame … y firent exécuter des travaux de rénovation. Dans le cadre de leur déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés pour les années 2012 et 2013, ils entendirent faire valoir les frais afférents, s’élevant à un montant de … € pour l’année 2012 et de … € pour l’année 2013, en tant que frais d’entretien et de réparation et demandèrent la déduction de ces frais en tant que frais d’obtention dans la catégorie des revenus provenant de la location de biens.
Par courrier du 6 mai 2015, le bureau d’imposition Luxembourg 8 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », informa la « copropriété … », sur le fondement du § 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », qu’il envisageait de redresser leur déclaration de l’année 2012, dans les termes suivants : « (…) En application de l’article 105 L.I.R. et de la circulaire L.I.R. n° 105/8 — 98/1 du 16 mars 2005, les travaux effectués durant les années 2012 et 2013 dans l’appartement sis à …, ont conduit de par leur envergure, à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’objet. Ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble. Le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale. Les dépenses qui, prises isolément, constitueraient des frais d’entretien, sont néanmoins à englober parmi les dépenses d’investissement lorsqu’il existe un lien matériel avec des travaux d’investissement.
De ce qui précède, lesdits travaux sont à considérer comme dépenses d’investissement, qui augmentent le prix d’acquisition ou de revient, et sont déductibles, le cas échéant, par voie d’amortissement. Il est précisé que l’amortissement se rapportant à la période d’inoccupation pendant des travaux de remise en état est déductible en tant que frais d’obtention lorsque l’immeuble n’est pas remis, par les travaux, dans un état d’inachèvement, c’est-à-dire si ni le genre, ni l’envergure des travaux sont de nature à faire obstacle à la possibilité d’habiter les lieux.
Le prix d’acquisition ou de revient, après les travaux effectués en 2012 est déterminé comme suit :
Prix d’acquisition :
… EUR Frais d’acte :
… EUR Travaux 2012 :
… EUR :
… EUR Total :
… EUR Le revenu de location pour l’année d’imposition 2012 est fixé comme suit :
Frais d’obtention déductibles Assurances :
… EUR Electricité, etc.
:
… EUR Rentes et chges. perm.
:
… EUR Impôt foncier :
… EUR Total :
… EUR Mme. … (…%) : - … EUR M. … (…%) : - … EUR Bien disposé de vous entendre en cas de désaccord, je vous prie de formuler vos objections par écrit pour le 12/06/2015 au plus tard. Ce délai passé je me permets d’admettre votre approbation. (…) ».
Par courrier du même jour, le bureau d’imposition informa encore la copropriété …, sur le fondement du § 205 AO, qu’il envisageait également de redresser leur déclaration de l’année 2013, dans les termes suivants : « (…) En application de l’article 105 L.I.R. et de la circulaire L.L.R. n° 105/8 — 98/1 du 16 mars 2005, les travaux effectués durant les années 2012 et 2013 dans l’appartement sis à …, ont conduit de par leur envergure, à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’objet. Ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble. Le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale. Les dépenses qui, prises isolément, constitueraient des frais d’entretien, sont néanmoins à englober parmi les dépenses d’investissement lorsqu’il existe un lien matériel avec des travaux d’investissement.
De ce qui précède, lesdits travaux sont à considérer comme dépenses d’investissement, qui augmentent le prix d’acquisition ou de revient, et sont déductibles, le cas échéant, par voie d’amortissement. Il est précisé que l’amortissement se rapportant à la période d’inoccupation pendant des travaux de remise en état est déductible en tant que frais d’obtention lorsque l’immeuble n’est pas remis, par les travaux, dans un état d’inachèvement, c’est-à-dire si ni le genre, ni l’envergure des travaux sont de nature à faire obstacle à la possibilité d’habiter les lieux.
Le prix d’acquisition ou de revient, après les travaux effectués en 2013 est déterminé comme suit :
Prix d’acquisition :
… EUR Frais d’acte :
… EUR Travaux 2012 :
… EUR … EUR Travaux 2013 :
… EUR :
… EUR (*) Total :
… EUR (*) : Les coûts en relation avec la cuisine sont à éliminer des dépenses d’investissement, à savoir … EUR et … EUR. La durée normale d’utilisation de ces biens est en général de 10 ans, et la somme de … EUR est à amortir, le cas échéant sur une période de 10 ans.
Le revenu de location pour l’année d’imposition 2013, pour la période du 01/01/2013 au 31/07/2013 est fixé comme suit :
Frais d’obtention déductibles Assurances :
… EUR Electricité, etc.
:
… EUR Rentes et chges. perm.:
… EUR Impôt foncier :
… EUR Total :
… EUR D’après le contrat de bail signé en date du 12/07/2013, l’objet est occupé par M. … à partir du 01/08/2013, contre paiement d’un loyer de … EUR à Mme …, pour la partie appartenant à cette dernière.
Afin de pouvoir bénéficier de l’imposition du revenu de location svt. art. 98 L.I.R. et de la déduction des frais d’obtention svt. art 105 LIR., un loyer approprié d’après l’usage entre tiers devra être demandé. Or le loyer versé ne correspond pas à un loyer approprié d’après l’usage entre tiers.
Suivant les dispositions fiscales en vigueur, ce fait est considéré comme mise à disposition gratuite, ayant comme conséquence l’imposition de la valeur locative sans déduction de frais d’obtention quelconques. Il est rappelé que la fixation de la valeur locative n’intervient qu’avec l’utilisation effective par le propriétaire de son habitation, ou encore dès que celle-ci se trouve du moins continuellement à sa disposition. Une habitation est à la disposition du propriétaire à partir du moment où elle n’est pas occupée par un tiers, qu’elle est meublée et en état d’être habitée. Le fait que le propriétaire, qui occupe son habitation, ne meuble qu’une ou plusieurs pièces de son habitation, n’empêche pas la fixation de la valeur unitaire sur la base du montant intégral de la valeur unitaire.
Il s’ensuit le calcul suivant:
Valeur unitaire :
… EUR Valeur locative (=4%) :
… EUR Période occupée (à p. 01/08/2013) :
… EUR * * * * * Le revenu de location total de l’immeuble sis à … est fixé comme suit :
Mme. … F.O. (… %) :
- … EUR Val. loc.(… %) :
… EUR Total :
… EUR M. … F.O. (… %) :
… EUR Val. loc.(… %) :
… EUR Total :
- … EUR Bien disposé de vous entendre en cas de désaccord, je vous prie de formuler vos objections par écrit pour le 12/06/2015 au plus tard. Ce délai passé je me permets d’admettre votre approbation. (…) ».
Par deux courriers réceptionnés le 10 juin 2015, Madame … formula ses objections au nom de la copropriété … pour les années d’imposition 2012 et 2013 dans les termes suivants :
« […] Il est pris appui sur la circulaire 105/8-98/1 du directeur des contributions du 16 mars 2005 (ci-après: la circulaire) dont deux passages, tirés de deux points distincts que la circulaire distingue nettement, sont joints, comme s’ils faisaient partie d’un même raisonnement, ce qui n’est pourtant pas le cas: Or, les deux premières phrases sont tirées du point II), 2) de la circulaire qui a trait à la manière de distinguer entre les frais d’entretien et les dépenses d’investissement, tandis que la troisième phrase est tirée du point II), 3) de la circulaire qui a trait à la manière de séparer les frais d’entretien et les dépenses d’investissement. Les phrases: Ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble et le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale sont tirées du point II), 2) qui fournit des explications et des exemples sur la manière d’opérer la distinction entre les dépenses d’entretien et les dépenses d’investissement. La troisième phrase: Les dépenses qui, prises isolément, constitueraient des frais d’entretien sont néanmoins à englober parmi les dépenses d’investissement lorsqu’il existe un lien matériel avec des travaux d’investissement est tirée du point II), 3) qui traite de l’hypothèse dans laquelle des travaux donnent lieu à la fois à des dépenses d’entretien et à des dépenses d’investissement, hypothèse qui, selon la circulaire, conduit en principe à la coexistence de frais d’entretien et de dépenses d’investissement, à moins que, pour une dépense donnée - et non pas de manière générale pour les travaux pris dans leur intégralité, comme le suggère la circonstance que la phrase est reproduite dans le contexte de la distinction entre les dépenses d’entretien et les dépenses d’investissement - il existe ce que la circulaire appelle un lien matériel entre les deux.
L’exemple de l’agrandissement d’une cuisine par l’ajout d’une verrière effectué en même temps que la remise en peinture du hall donné in fine du point II), 3) de la circulaire est très parlant. La manière dont les deux premières phrases, d’une part, la troisième phrase, d’autre part, sont jointes dans la communication du bureau d’imposition est de nature à induire en erreur alors qu’elle peut conduire à admettre qu’il suffit qu’un seul des travaux exécutés soit à qualifier de dépense d’investissement, pour que tous les autres travaux soient automatiquement à qualifier de dépenses d’investissement dès lors qu’il existe un lien matériel avec des travaux d’investissement, alors que tel n’est pas le cas: La circulaire, au point II), 3), requiert une analyse de chaque dépense: Lors d’importants travaux de modernisation, il est fréquent que des travaux conduisant à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment ou à une amélioration considérable d’une habitation vont de pair avec d’autres travaux. Dans ces cas, les dépenses sont, en principe, à séparer en dépenses d’investissement et en frais d’entretien. Cette séparation s’opère en relevant d’abord tous les travaux qui ont donné lieu à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment. Les dépenses y relatives constituent des dépenses d’investissement. Ensuite, il faut examiner si des travaux ont conduit à une amélioration considérable. Dans l’affirmative, les dépenses afférentes à l’amélioration considérable sont également à qualifier de dépenses d’investissement. Les dépenses restantes sont à considérer comme frais d’entretien ou de réparation. Il ne ressort pas de la communication que le bureau d’imposition s’est livré à une analyse des travaux exécutés, au contraire la communication se contente d’indiquer que les travaux (…) ont conduit de par leur envergure à une amélioration considérable de l’état antérieur.
2. La qualification des dépenses comme dépenses d’investissement est à tort basée sur la seule envergure des travaux, donc des dépenses, dont il est déduit une amélioration de l’état antérieur. La communication du 5 juin 2015 contient pour seule motivation que en application de l’article 105 LIR et de la circulaire (…), les travaux effectués durant les années 2012 et 2013 (..) ont conduit de par leur envergure, à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’objet. La communication du bureau d’imposition ne fait état d’aucun autre élément d’analyse, de sorte qu’il faut en déduire que le bureau d’imposition entend fonder sa décision sur la seule envergure des travaux. Cette seule phrase d’explication est suivie de la reproduction des trois phrases tirées de la circulaire citées sous le point 1 ci-dessus qui, à leur tour sont immédiatement et sans la moindre référence à la situation concrète, suivies de la conclusion: de ce qui précède, lesdits travaux (sic) sont à considérer comme dépenses d’investissement. Non seulement cette conclusion découle-t-elle d’une lecture que l’article 105 LIR n’autorise pas, elle est même expressément reconnue comme erronée par la circulaire au point II), 2), sous c) que le bureau d’imposition a choisi de taire: Suite à plusieurs jugements du tribunal administratif (TAdm 10111, 10835, 11541), il convient d’abandonner la pratique administrative consistant en la requalification de dépenses d’entretien en dépenses d’investissement dès lors que le montant des dépenses faites consécutivement à l’acquisition d’un immeuble dépasse certains seuils.
3. De l’article 105 LIR, au vœu duquel les frais d’entretien, de réparation et les primes d’assurance sont à considérer comme frais d’obtention déductibles dans la catégorie de revenus à laquelle ils se rapportent, la circulaire, suivie en cela largement par la jurisprudence, a déduit, au point II), 2) 1er alinéa de la circulaire, qu’il y a lieu de distinguer entre, d’une part, les frais d’entretien et de réparation, déductibles intégralement au cours de l’année d’imposition où ils sont payés et, d’autre part, les dépenses d’investissement qui, augmentant le prix d’acquisition ou de revient sont déductibles par voie d’amortissement.
Parmi les trois critères retenus pour opérer la qualification de la dépense comme dépense d’investissement, seul celui visant les travaux aboutissant à une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment entre en ligne de compte. Un changement de la nature du bâtiment est à exclure parce que l’appartement a servi à des fins exclusives d’habitation avant les travaux et continue de servir à des fins exclusives d’habitation après les travaux. Une augmentation essentielle de la substance du bâtiment est pareillement à exclure parce que les travaux exécutés n’ont abouti ni à une augmentation de la surface ou du volume de l’appartement, ni à la réalisation d’équipements qui n’existaient pas avant les travaux.
S’agissant de l’amélioration considérable de l’état antérieur, la circulaire, au point II), 2), sous c) fait le juste constat que les travaux de remise en état d’une habitation améliorent en principe toujours l’immeuble pour affirmer que l’amélioration est à qualifier de considérable uniquement lorsque ces travaux (…) dépassent la simple rénovation de l’immeuble et en augmentent clairement les possibilités d’utilisation par rapport à celles existantes (sic) à la date d’acquisition, de façon à ce qu’il y ait naissance d’un bien économique nouveau.
En l’espèce:
- Le fait déclencheur des travaux était une fuite d’eau due à la corrosion des tuyaux dans deux pièces de l’appartement survenue en février 2011 travaux qui, dans un premier temps, ont conduit le précédent propriétaire à remplacer la tuyauterie - avec la réfection de la chape et du revêtement de sol - dans deux pièces, puis, dans un deuxième temps, en juin 2011, à dénoncer le bail au motif qu’il était nécessaire de refaire l’ensemble de la tuyauterie.
Pour autant que de besoin, ces faits sont offerts en preuve par déposition de Mme …, demeurant à …. Comme le problème était connu, ne fût-ce que par le fait de sa survenance dans la plupart des autres appartements de l’immeuble, il a été considéré que le remplacement de la tuyauterie dans les autres pièces était inéluctable. Pour autant que de besoin, ces faits sont offerts en preuve par déposition de Mme …, demeurant à … et de M. …, demeurant également à …. Il va sans dire que la réfection de la chape et des revêtements de sol, et en fin de compte, la remise en peinture, en étaient la conséquence nécessaire.
- Les meubles de cuisine et l’équipement sanitaire dataient au moins de 1982, date à laquelle le précédent propriétaire avait acquis l’immeuble et se trouvaient dans un état de vétusté avancé. Par contre, et bien que cela eût pu paraître recommandé dans un esprit de modernisation et de confort, il a été renoncé à modifier la disposition des pièces, de même que la dimension des portes, à la fois en hauteur et en largeur.
Il échet donc de conclure, en utilisant les termes de la circulaire, que les travaux ne dépassent pas la simple rénovation, qu’ils n’en augmentent pas les possibilités d’utilisation antérieures et qu’il n’y a par conséquent pas naissance d’un bien économique nouveau.
4. Dans ces circonstances il paraît presque superflu de rappeler au bureau d’imposition les quelques passages du jugement du tribunal administratif du 19 septembre 2011, rôle n° 27420 reproduits ci-dessous, jugement qui a déclaré fondé le recours en réformation contre un bulletin d’imposition qui avait décidé que les travaux en cause étaient d’une telle envergure que les dépenses n’étaient pas à considérer comme frais d’entretien et de réparation:
Il échet tout d’abord de relever que la seule question litigieuse dans le cadre des présentes est la question de la qualification des dépenses effectuées par le demandeur au cours de l’année 2003.
(…) La distinction entre dépenses d’entretien (Erhaltungsaufwand) et dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand) est usuellement opérée à partir de trois critères, dont l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de dépense d’investissement, étant entendu que dans le doute sur la nature exacte d’une dépense considérée, celle-ci est à qualifier de dépense d’entretien.
(…) En ce qui concerne les deux autres critères de qualification des dépenses d’investissement, il importe tout d’abord de relever que le seul montant total des dépenses faites, sans analyse d’ordre qualitatif des frais sous-jacents ne saurait constituer un critère pour décider de la nature des travaux effectués.
(…) Quant au critère de l’amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment, il ressort de l’énumération des travaux tels qu’ils ressortent du détail des factures versées au dossier, que le demandeur a fait faire des travaux ayant trait au remplacement d’une cage d’escaliers et d’un chauffage, ainsi que des travaux ayant trait à la menuiserie intérieure, à l’isolation de la toiture, à des travaux d’électricité, de plâtrerie d’un magasin, de revêtement de sols et de peinture intérieure.
Au vu des travaux ainsi effectués, une amélioration considérable (mot mis en évidence par le tribunal) de l’état antérieur du bâtiment ne saurait être retenue, les travaux en question n’ayant porté que sur des éléments ponctuels de l’état général de la maison.
En effet, si des travaux de modernisation ou de remise en état sont certes toujours de nature à améliorer l’état antérieur d’une maison, les dépenses afférentes ne sauraient être qualifiées de dépenses d’investissement que dans le cas où elles conduisent à une amélioration considérable de l’état antérieur de façon à donner naissance à un bien économique nouveau (erhebliche Verbesserung).
En l’espèce les travaux effectués par le demandeur au cours de l’année 2003, voire même au cours de l’année 2004 ne sont pas à considérer comme ayant donné naissance à un bien économique nouveau. (…) ».
Le courrier réceptionné le 10 juin 2015 et concernant l’année d’imposition 2012 précise encore que :
« (…) 5. Le bureau d’imposition considère que le montant de …,- € payé par un des copropriétaires à l’autre copropriétaire pour la part de ce dernier dans l’appartement ne constitue pas un revenu provenant de la location de biens au sens de l’article 98 LIR au motif que le loyer payé ne correspond pas à un loyer approprié d’après l’usage entre tiers avec la conséquence que suivant les dispositions fiscales en vigueur non autrement précisées, il convient de considérer la jouissance accordée à l’un des copropriétaires comme une mise à disposition gratuite. Si le bureau d’imposition semble donc contester l’intention de réaliser un bénéfice dans le chef du copropriétaire auquel le loyer est payé, il se contente d’affirmer que le loyer est insuffisant, sans autre précision dont on pourrait tirer une quelque indication sur la raison qui a pu conduire le bureau d’imposition à formuler cette conclusion et sur la nature d’un commentaire qui pourrait être utilement fait à ce sujet.
Il n’y a pas lieu pour autant à renoncer à contester l’affirmation que le loyer ne correspond pas à un prix pratiqué entre tiers: La part du copropriétaire qui perçoit le loyer est de …%, celle du copropriétaire qui paie le loyer et qui a la jouissance de l’immeuble est de …%; le loyer théorique correspondant à 100% de l’appartement est donc de …,- €. Il est soutenu au contraire que …,- € hors charges pour un appartement de … m2 à … correspond à un loyer d’usage: Le loyer payé en dernier lieu au précédent propriétaire pour l’appartement dans l’état dans lequel il se trouvait avant les travaux de rénovation était de …,- €; ce loyer n’a pas été considéré comme mise à disposition gratuite dans le chef de celui-ci. En 2011, lorsque l’immeuble a été acquis, un autre appartement du même immeuble et d’une surface comparable a été donné à bail pour …,- €. Pour autant que de besoin, ce fait est offert en preuve par la déposition de M. …, demeurant à ….
6. A la page deux de la communication du bureau d’imposition, la phrase introduite par un astérisque contient la remarque que les dépenses relatives à la cuisine intégrée sont à exclure des dépenses d’investissement au motif que la durée normale d’utilisation est de dix ans et que la cuisine intégrée est de ce fait à amortir sur une période plus courte que ne l’est l’immeuble. Il ne découle cependant pas de la suite du texte pour quelle raison le bureau d’imposition considère qu’il n’y a pas lieu à amortissement, d’après sa logique, au moins pour la période antérieure à l’occupation de l’appartement.
Conclusion:
Parmi les travaux exécutés aucun n’a abouti à une amélioration considérable de l’état antérieur.
Tous les travaux exécutés méritent par conséquent la qualification de frais d’obtention.
(…) ».
En date du 15 juillet 2015, le bureau d’imposition émit à l’égard de la copropriété … les bulletins de l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 2012 et 2013 et informa cette dernière que l’imposition avait été effectuée conformément au courrier du 6 mai 2015.
Par deux courriers réceptionnés le 24 et 27 juillet 2015, Monsieur … et Madame … introduisirent une réclamation à l’encontre des bulletins de l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 2012 et 2013 auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».
En date du 19 octobre 2015, le directeur procéda à une mise en état en invitant les réclamants à présenter : « (…) les factures ainsi que les preuves de paiement de l’ensemble des frais déclarés et/ou encourus lors de la remise en état de leur appartement sis … (abstraction faite tant de la date de leur paiement effectif (avant ou après l’emménagement du sieur … en date du 1er août 2013) que de la qualification fiscale à leur donner par la suite (frais d’obtention et/ou dépenses d’investissement)) » et à fournir « les factures et les preuves de paiement de l’ensemble des autres menus frais (d’obtention) déclarés au titre des deux années litigieuses (p. ex. : assurances, frais d’électricité ou de chauffage, taxe d’eau, impôt foncier, taxe de canalisation, frais de gérance, etc.) (…) » pour le 20 novembre 2015 au plus tard.
Par décision du 21 décembre 2015 (nos C 21237 et C 21238 du rôle), le directeur rejeta comme non fondées les réclamations précitées du 24 et 27 juillet 2015 en les termes suivants :
« (…) Vu les requêtes introduites en date du 24 et du 27 juillet 2015 par le sieur …, demeurant à …, et la dame …, demeurant à …, pour réclamer contre les bulletins de l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années 2012 et 2013 de la copropriété …, tous les deux émis en date du 15 juillet 2015 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu la mise en état du directeur des contributions du 19 octobre 2015, en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO), et la réponse y relative des réclamants, entrée le 19 novembre 2015 ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;
Considérant que les deux requêtes, portées au rôle sous les numéros respectifs C 21237 et C 21238, ayant un objet connexe, il y a lieu de les joindre, dans l’intérêt d’une bonne administration de la loi ; que le fait de joindre les deux requêtes ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamants font grief au bureau d’imposition d’avoir refusé la déduction à titre de frais d’obtention d’une série de dépenses afférentes à la remise en état de leur immeuble sis …, immeuble acquis en 2012 et utilisé à partir du 1er août 2013 comme résidence principale du sieur … ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens des réclamants, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;
qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’en exécution du § 205, alinéa 3 AO, le bureau d’imposition avait informé les réclamants en date du 6 mai 2015 qu’il entendait diverger des déclarations pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés des années litigieuses, telles que remises de la part des requérants, ceci notamment en ce qui concerne la détermination du revenu net provenant de la location de biens, en ce qu’il envisageait de considérer les frais relatifs à l’immeuble cité en rubrique comme dépenses d’investissement et non comme frais d’entretien ou de réparations, tel que souhaité par les réclamants ;
Considérant que le prix d’acquisition de l’appartement litigieux s’est élevé à … euros hors frais d’acte, les travaux de réfection y réalisés pendant les années 2012 et 2013 et 2014 (année ne faisant cependant pas l’objet de la présente décision sur réclamation), donc quasi immédiatement après son acquisition, se présentant comme suit :
n° pièce date fournisseur Objet montant 1 10.07.2012 Parlanti Fliesen … € 2 13.07.2012 Bâtiself Kleinmaterial … € 3 14.07.2012 Bâtiself Baubedarf … € 4 04.08.2012 Hornbach Baubedarf … € 5 24.08.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 6 28.08.2012 Hornbach Ytong … € 7 29,08.2012 Hornbach Ytongmörtel … € 8 31.08.2012 Hornbach Haftputzgips … € 9 04.09.2012 Parlanti Fliesen … € 10 05.09.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 11 10.09.2012 Hornbach Baubedarf … € 12 15.09.2012 Hornbach Baubedarf … € 13 24.09.2012 BatiC Abdeckmaterial … € 14 03.10.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 15 10.10.2012 Bâtiself Tapetenablöser … € 16 18.10.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 17 19.10.2012 Steinhäuser Malerbedarf … € 18 26.10.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 19 26.10.2012 BatiC Knipex Halter … € 20 30.10.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 21 31.10.2012 Steinhäuser Malerbedarf … € 22 31.10.2012 Steinhäuser Malerbedarf … € 23 02.11.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 24 02.11.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 25 02.11.2012 Steinhäuser Kleinmaterial … € 26 03.11.2012 Steinhäuser Malerbedarf … € 27 24.11.2012 Hornbach Feuchtraumplatten … € 28 27,11.2012 Hornbach Ytong … € 29 27.11.2012 Hornbach Klein material …€ 30 28.11.2012 Hornbach Klein material … € 31 10.12.2012 Moes Frères Klein material … € 32 19.12.2012 Hornbach Baubedarf … € 33 20.12.2012 Hornbach Kleinmaterial … € 1 23.03.2012 Mauduit Sanitär … € 2 02.06.202 Mauduit Heizung, Sanitär, Fliesen … € 3 19.07.2012 Mauduit Heizung, Sanitär, Fliesen … € 4 25.10.2012 Schaaf Fenster … € 1 22.01.2013 Hornbach Kleinmaterial … € 2 24.01.2013 Steinhäuser Baubedarf … € 3 08.02.2013 BatiC Baubedarf … € 4 15.02.2013 Thomas Bauz.
Kleinmaterial … € 5 19,02.2013 Steinhäuser Malerbedarf … € 6 20.02.2013 Thomas Bauz.
Kleinmaterial … € 7 05.03.2013 Bâtiself Kleinmaterial … € 8 05.03.2013 Bâtiself Kleinmaterial … € 9 26.03.2013 Thomas Bauz.
Sanitärbedarf … € 10 24.05.2013 Hela Elektrikerbedarf … € 11 24.05.2013 Hela Kleinmaterial … € 12 27.06.2013 Bâtiself Kleinmaterial … € 13 02.11.2013 Thomas Bauz.
Kleinmaterial … € 3 05.06.2013 Mauduit Abschlussrechnung … € 4 13.06.2014 Mereso Parkett & Türen … € 5 13.06.2014 Peinture moderne Malerarbeiten … € Considérant que le bureau d’imposition a qualifié les dépenses litigieuses s’élevant en tout et pour tout à … euros de dépenses d’investissement, alors qu’il s’agirait selon les requérants de dépenses d’entretien ou de réparation ;
Considérant, en matière de principe, que le propriétaire d’un immeuble bâti réalise un revenu de location au sens de l’article 98 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) lorsque, même en l’absence immédiate de recettes, il expose des dépenses faites directement en vue d’acquérir des recettes (article 105, alinéa 1er L.I.R.) ; qu’en vertu de l’article 105, alinéa 4 L.I.R. les frais d’obtention n’entrent cependant en ligne de compte que dans la mesure où ils sont en rapport avec des revenus imposables ; qu’il en découle que si le propriétaire d’un immeuble passagèrement inoccupé est en principe en droit de déduire les frais d’obtention s’y rapportant, encore faut-il que les dépenses engagées soient à qualifier de dépenses d’entretien ou de réparation, et non de dépenses d’investissement, celles-ci faisant partie intégrante de l’immeuble auquel elles se rapportent tout en en augmentant le prix de revient ; qu’elles sont ainsi prises en considération à force de l’amortissement (cf. article 106 L.I.R.) ;
Considérant que la distinction entre dépenses d’entretien (Erhaltungsaufwand) et dépenses d’investissement (Herstellungsaufwand) est usuellement opérée en droit luxembourgeois à partir de trois critères, dont l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de frais d’investissement (Tribunal administratif du 28 mars 2001, n° 10835 du rôle) ;
Considérant que des dépenses sont notamment à considérer comme dépenses d’investissement (TA du 14 janvier 1998, n° 10111 du rôle ; TA du 28 mars 2001, n° 10835 du rôle ; TA du 23 février 2000, n° 11541 du rôle) lorsque les travaux aboutissent à :
a) un changement de la nature du bâtiment, ou b) une augmentation essentielle de la substance du bâtiment, ou encore c) une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment ;
Considérant qu’aux termes de la circulaire du directeur des contributions L.I.R.
105/8-98/1 du 16 mars 2005, l’envergure des travaux constitue un indice permettant, le cas échéant, de conclure à une amélioration considérable ; qu’ainsi, des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l’état de plusieurs éléments majeurs de l’équipement d’une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, peuvent conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l’immeuble ; que le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d’entretien, n’empêche pas cette qualification globale ;
Considérant, qu’en l’espèce, d’importants travaux de remise en état ont été effectués au cours des années 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de … euros, à savoir :
- travaux de gros œuvre - chapes et carrelages - menuiserie - travaux de chauffage - travaux de sanitaire - électricité - travaux de peinture, etc. ;
Considérant que le total du coût des travaux de remise en état, se chiffrant à … euros, représente pas moins de … pour cent du prix d’acquisition de la bâtisse initiale, la valeur du terrain étant éliminée à raison de … pour cent (… x …% = … euros ; … / … x … = …%) ;
Considérant encore et en ce qui concerne plus particulièrement les dits travaux de remise en état, que le précédent propriétaire avait résilié le contrat de bail de longue date avec le sieur …, un des actuels copropriétaires, à cause de dégâts matériels importants apparus à l’appartement, le rendant inhabitable ; qu’il avait néanmoins renoncé à la rénovation, préférant revendre l’objet aux réclamants qui l’ont acquis en connaissance de toutes ses imperfections et notamment de l’impossibilité d’occupation ; que le prix d’acquisition payé par les réclamants a nécessairement dû refléter les vices apparents ;
Considérant qu’il peut, partant, être valablement admis que les dépenses pour réparations immédiates, celles pour les travaux y liés directement et indirectement ainsi que les rénovations pour vétusté étaient à envisager par les réclamants dès avant l’acquisition, comme un complément au prix d’acquisition, inévitable pour permettre l’utilisation en tant qu’habitation d’un immeuble présentant des dégâts structurels importants ;
Considérant dès lors que l’ensemble des travaux exécutés, de par leur nature, leur envergure et de par leur nécessité absolue, notamment afin de rendre l’appartement à nouveau habitable, aboutit sans conteste à une amélioration considérable de l’état antérieur, de sorte que les dépenses litigieuses, dans leur ensemble, sont à qualifier de dépenses d’investissement augmentant le prix d’acquisition de l’immeuble ;
Considérant que pour le surplus, les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 mars 2016, Monsieur … et Madame … firent introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du directeur du 21 décembre 2015.
Dans son jugement du 16 mai 2017, le tribunal administratif reçut ce recours en la forme, mais le rejeta comme étant non fondé.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 22 juin 2017, Monsieur … et Madame … ont fait régulièrement relever appel de ce jugement du 16 mai 2017.
A l’appui de leur appel, ils exposent que suite à trois jugements du tribunal administratif (14 janv. 1998, n° 10111 du rôle ; 23 février 2000, n° 11541 du rôle : 28 mars 2001, n° 10835 du rôle), le directeur aurait donné, dans sa circulaire LIR n° 105/8-98/1 du 16 mars 2005 ayant pour objet certains aspects de la détermination du revenu provenant de la location de biens immobiliers bâtis faisant partie du patrimoine privé, ci-après désignée par la « circulaire 105/8 », consigne aux bureaux d'imposition de modifier la pratique administrative dans le sens d'abandonner la pratique antérieure consistant à qualifier les dépenses en fonction de leur envergure et d’opérer la distinction entre frais d'obtention et dépenses d'investissement sur la base d’une analyse de chaque dépense en séparant les dépenses d'investissement et les frais d'entretien, cette séparation s'opérant en relevant d'abord tous les travaux qui ont donné lieu à une augmentation essentielle de la substance du bâtiment et ceux ayant conduit à une amélioration considérable, les dépenses restantes étant à considérer comme frais d'entretien ou de réparation. La jurisprudence subséquente des juridictions administratives aurait maintenu ce raisonnement. Les appelants critiquent que la position adoptée par le jugement entrepris conduirait à rétablir l’ancien critère du montant des dépenses effectuées, pourtant infirmé par la jurisprudence, qui aurait pour effet de conduire les contribuables avisés soit à étaler les travaux sur une période plus longue, sachant que le délai ordinaire de prescription est de cinq ans, de sorte que le bureau d'imposition ne pourrait pas attendre de prendre une décision au-delà de ce délai, soit à ne faire valoir les dépenses que dans les limites appliquées par les bureaux d'imposition. En outre, ce critère se concilierait mal avec la déclaration et la perception annuelles de l'impôt sur le revenu, au motif qu'il serait fréquent que les travaux de rénovation s'étendent sur plus d'une année d'imposition.
Les appelants contestent également l’analyse faite par le tribunal de ses propres jugements antérieurs du 19 septembre 2011 (n° 27420 du rôle) et 22 mai 2013 (n° 30528 du rôle), ce dernier ayant été confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 3 avril 2014 (n° 32971C du rôle), invoqués par eux, au motif que ces affaires présenteraient la particularité que l'autorité fiscale, en ayant fait plaider que les travaux de remise en état auxquels avaient fait procéder les contribuables, de nature tout à fait comparable avec ceux auxquels ont fait procéder les appelants eux-mêmes, étaient à qualifier de frais d'obtention, aurait fait défendre la position opposée à celle qu'elle aurait défendu dans toutes les autres affaires antérieures et qu'elle défend dans la présente affaire. Ils estiment que, contrairement à la position du tribunal suivant laquelle il n'aurait pas à prendre en considération les développements oraux relatifs à une décision de justice en raison du caractère écrit de la procédure, ils auraient été en droit d’invoquer ces décisions même oralement à l'appui d'un moyen de droit qu’ils auraient fait valoir en temps utile. Ils renvoient aux conclusions de l’arrêt du 3 avril 2014 qui aurait confirmé que l’installation d’une nouvelle cuisine équipée, le remplacement partiel des fenêtres, la réfection de l’équipement sanitaire et des travaux de peinture s’analyseraient en des remises en état d’éléments antérieurs relèveraient en eux-mêmes du champ des travaux d’entretien. Les appelants considèrent que le fait que dans cette affaire les dépenses avaient été effectuées sur une période plus étendue devrait rester sans incidence sur la qualification de la dépense, celle-ci devant s'opérer en fonction de la nature de la dépense et non pas de l'époque à laquelle la dépense est effectuée.
L’Etat se réfère à la jurisprudence et à la circulaire 105/8 pour faire valoir que la distinction entre dépenses d'entretien et dépenses d'investissement serait usuellement opérée à partir de trois critères, dont l'établissement d'un seul suffirait pour qualifier la dépense concernée de dépense d'investissement, ces trois critères s'articulant plus particulièrement en soit une augmentation essentielle de la substance du bâtiment par la création d'éléments nouveaux, soit un changement de la nature du bâtiment dans le sens d'une modification d'affectation ou d'utilisation, soit une amélioration considérable de l'état antérieur du bâtiment de façon qu'il y ait naissance d'un bien économique nouveau. Le directeur indiquerait à juste titre dans sa circulaire 105/8 que l'envergure des travaux constituerait un indice pour permettre de conclure à une amélioration considérable de l'immeuble en question et que des travaux de remise en état ou de modernisation améliorant significativement l'état de plusieurs éléments majeurs de l'équipement d'une habitation, tels que fenêtres, installation électrique, installation sanitaire ou installation de chauffage, pourraient conduire, dans leur ensemble, à une amélioration considérable de l'immeuble, le fait que chaque mesure considérée isolément serait à apprécier comme une mesure d'entretien n'empêchant pas cette qualification globale.
Quant au cas d’espèce, l’Etat souligne que les appelants auraient effectué durant les années 2012-2014 d'importants travaux de remise en état pour un montant total de … euros, correspondant à … % du prix d'acquisition de l'appartement. En outre, il résulterait du dossier fiscal que d'après les propres déclarations des appelants ledit appartement aurait été inhabitable avant la remise en état et que, conformément aux stipulations du contrat de bail du 12 juillet 2013, signé entre les appelants eux-mêmes, que ces derniers auraient fait procéder à la rénovation intégrale de l'appartement, à savoir la réfection complète des conduites d'eau, la réfection complète de l'installation électrique, la réfection complète des installations sanitaires, la réfection de la chape et des revêtements du sol ainsi que le remplacement des portes, fenêtres et radiateurs et la mise en peinture. L’Etat conclut que le bureau d'imposition aurait estimé à juste titre qu’au vu de l'ensemble des travaux exécutés, de par leur nature, leur envergure et de par leur nécessité absolue, notamment afin de rendre l'appartement à nouveau habitable, lesdits travaux auraient conduit à une amélioration considérable de l'état antérieur de l’appartement en cause et qu’il a qualifié les dépenses litigieuses effectuées, dans leur ensemble, de dépenses d'investissement augmentant le prix d'acquisition de l'immeuble.
L’Etat estime dès lors que le tribunal aurait écarté à bon droit les arguments des appelants fondés sur les jugements prévisés du tribunal administratif au motif que les situations à la base de ces jugements ne seraient pas transposables en l’espèce.
Aux termes de l’article 105 (1) de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, en abrégé « LIR », « sont considérés comme frais d’obtention les dépenses faites directement en vue d’acquérir, d’assurer et de conserver les recettes ». Il est encore précisé à l’alinéa (2) n° 2 dudit article que constituent également des frais d’obtention notamment les frais d’entretien et de réparation pour autant que ces dépenses se rapportent à des biens qui procurent des revenus au contribuable.
Par voie de conséquence, en relation avec un bien immobilier, les travaux qui ne modifient pas la substance de l’immeuble, mais sont destinés à la conserver en son état ou la maintenir dans un état conforme à l’évolution technique, sont à qualifier comme dépenses d’entretien rentrant dans le champ de l’article 105 LIR. Par contre, tout comme les investissements pour la construction de la substance d’un immeuble produisant ensuite des revenus ne sont pas déductibles directement comme frais d’obtention, mais constituent le prix d’acquisition ou de revient de l’immeuble qui doit être déduit de manière étalée par voie d’amortissement, les coûts des modifications apportées à cette substance par des travaux ultérieurs de nature à l’accroître constituent également des investissements et doivent logiquement suivre le même régime.
Les premiers juges ont retenu à bon droit que la distinction entre dépenses d’entretien (« Erhaltungsaufwand ») et dépenses d’investissement (« Herstellungsaufwand ») est opérée à partir de trois critères, dont l’établissement d’un seul suffit pour qualifier la dépense concernée de dépense d’investissement, étant entendu que dans le doute sur la nature exacte d’une dépense considérée, celle-ci est à qualifier de dépense d’entretien. Les trois critères en question s’articulent plus particulièrement en soit une augmentation essentielle de la substance du bâtiment par la création d’éléments nouveaux (« Vermehrung der Substanz »), soit un changement de la nature du bâtiment dans le sens d’une modification d’affectation ou d’utilisation (« Änderung der Wesensart »), soit une amélioration considérable de l’état antérieur du bâtiment de façon qu’il y ait naissance d’un bien économique nouveau (« erhebliche Verbesserung »).
C’est par rapport à ces critères qu’il convient dès lors d’examiner les différents travaux dont les intimés se prévalent.
Il se dégage du descriptif non autrement contesté des appelants que la cause tant de la vente, par l’ancien propriétaire, de l’appartement en cause aux appelants et de la réalisation des travaux litigieux réside dans les fuites apparues au niveau de la tuyauterie d’eau dans deux pièces et dans la nécessité technique de remplacer dans tout l’appartement la tuyauterie d’eau au vu de problèmes d’étanchéité dus à la corrosion apparus déjà dans d’autres parties de l’immeuble comprenant l’appartement litigieux. Par essence, de tels travaux de remplacement de la tuyauterie d’eau n’apportent en eux-mêmes aucune amélioration substantielle de l’état antérieur mais tendent seulement à rétablir l’ancienne fonctionnalité du ravitaillement de certains équipements du logement en eau. Ces travaux s’analysent ainsi en des travaux de réparation donnant lieu à des dépenses d’entretien.
Il est d’un autre côté vrai que le remplacement de la tuyauterie, habituellement posée sur la dalle et sous la chape, emporte la nécessité de casser ou d’enlever les revêtements du sol et la chape et de les refaire ou remplacer entièrement ou partiellement. Or, un remplacement des revêtements au sol (moquettes, carrelages, parquets etc.) est qualifié comme dépense d’entretien pour autant que le nouveau revêtement soit comparable à l’ancien, notamment au vu de son prix (cf. Norbert FEHLEN : L’impôt sur le revenu (IV), Etudes Fiscales n° 75/76, octobre 1986, n° 98.24, p. 544), ce qui n’est pas contesté en l’espèce par l’Etat.
Il est encore vrai que l’exécution des travaux de remplacement complet de la tuyauterie d’eau a été du moins partiellement à l’origine du remplacement des équipements sanitaires, normalement également reliés à la tuyauterie d’eau, également effectué par les appelants. Le renouvellement même complet des installations sanitaires s’analyse en principe en une dépense d’entretien pour autant que les nouveaux équipements ne permettent pas des fonctionnalités nettement supérieures, dépassant clairement l’évolution du standard technique des équipements remplacés (cf. Cour adm. 3 avril 2014, n° 32971C du rôle). Or, une telle augmentation des fonctionnalités des équipements sanitaires ne découle pas des éléments en cause.
Au-delà de ces travaux liés directement au remplacement de la tuyauterie d’eau, les appelants ont encore fait procéder dans l’appartement en cause à une réfection complète de l’installation électrique qui servait à la mise en conformité de ladite installation aux normes techniques actuelles. Or, à l’instar d’une mise à niveau à travers la transformation du circuit de 110 vers 220 volts (cf. Norbert FEHLEN : L’impôt sur le revenu (IV), Etudes Fiscales n° 75/76, octobre 1986, n° 98.24, p. 544), les coûts d’une telle mise en conformité technique sont à qualifier de dépenses d’entretien.
Les appelants ont également pourvu au remplacement au moins partiel des portes intérieures, sans apporter des modifications aux ouvertures murales de ces portes, et des fenêtres, ces remplacements constituant encore des dépenses d’entretien même si une amélioration de l’isolation est obtenue (cf. Cour adm. 3 avril 2014, n° 32971C du rôle).
Les appelants ont en outre fait remplacer les radiateurs dans l’appartement et ces travaux de simple remplacement de répartiteurs de chaleur, ne touchant pas au système ou au mode de chauffage de l’immeuble, aboutissent encore à des travaux d’entretien.
Finalement, les appelants se prévalent de travaux de peinture intérieure exécutés dans les pièces dans lesquelles les autres travaux ont été effectués, pareils travaux donnant de même lieu à des dépenses d’entretien.
Il s’ensuit que pris individuellement, les postes majeurs de travaux entrepris par les intimés durant les années 2012 et 2013 constituent des dépenses d’entretien.
Cependant, des travaux de rénovation générale d’une habitation, impliquant des remplacements d’un nombre élevé d’éléments majeurs d’infrastructures existants pouvant être individuellement encore qualifiés comme dépenses d’entretien, sont susceptibles de conduire dans leur globalité à une amélioration considérable de l’état antérieur de façon à donner naissance à un bien économique nouveau (« erhebliche Verbesserung ») et partant être qualifiés dans leur ensemble comme dépenses d’investissement.
Or, en l’espèce, il convient de constater que les travaux litigieux ont remplacé du moins partiellement les infrastructures majeures des fenêtres et de la menuiserie intérieure, tandis que des travaux sur le système de chauffage ont comporté le seul remplacement des radiateurs du système de chauffage, la seule infrastructure ayant fait l’objet d’une réfection complète étant l’installation électrique. Les autres travaux ayant concerné le remplacement de la tuyauterie d’eau et la réfection des chapes et revêtements de sol ont été effectués non pas dans le but d’augmenter considérablement la valeur de l’appartement en cause ou de prolonger considérablement sa durée d’utilisation, mais ont été dictés par la nécessité de réparer la tuyauterie d’eau et le but de rendre de nouveau habitable cet appartement sans y apporter d’autres modifications intérieures.
Ces travaux seulement partiels ne peuvent pas être considérés comme remplacements d’un nombre suffisant d’éléments majeurs d’infrastructures existants pour faire admettre que dans leur globalité ils ont abouti à une amélioration considérable de l’état antérieur de l’appartement des appelants de manière à le transformer en un bien économique nouveau.
La Cour aboutit partant à la conclusion que c’est à tort que les premiers juges ont décidé que le directeur a pu, à bon droit et sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, procéder à une qualification globale des dépenses en dépenses d’investissement, sans qu’il y ait lieu de procéder à une ventilation entre frais d’entretien et dépenses d’investissement. Il y a plutôt lieu de retenir que les frais de rénovation tels qu’invoqués par les appelants ne sauraient être considérés comme des frais d’investissement augmentant considérablement l’état antérieur du bâtiment ayant comme conséquence la naissance d’un bien économique nouveau, même si les travaux sont d’une certaine envergure d’un point de vue financier.
Partant, c’est à tort que la décision directoriale déférée a retenu que les frais, non autrement contestés, déboursés au titre des années 2012 et 2013 par les appelants en vue de la rénovation de leur appartement, seraient à considérer comme des frais d’investissement non déductibles.
L’appel est partant justifié et le jugement entrepris est à réformer en ce sens que, par réformation de la décision directoriale, il y a lieu d’admettre la déduction à titre de frais d’obtention d’une série de dépenses d’un montant total de … euros afférentes à la remise en état de leur immeuble sis ….
Les appelants sollicitent l’octroi d’une indemnité de procédure sans indiquer un montant précis, mais en la justifiant par la considération qu’ils auraient dû recourir aux services d'un avocat pour un point de droit sur lequel la jurisprudence serait constante depuis plus de quinze ans. Cette demande est cependant à rejeter, étant donné qu’il n’appert pas des éléments en cause en quoi il serait inéquitable de laisser à charge des appelants les frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 22 juin 2017 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, réforme le jugement entrepris en ce sens que, par réformation de la décision directoriale déférée, il y a lieu d’admettre la déduction à titre de frais d’obtention d’une série de dépenses d’un montant total de … euros afférentes à la remise en état de l’appartement sis … et acquis par les appelants, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, rejette la demande des appelants en allocation d’une indemnité de procédure, condamne l’Etat aux dépens des deux instances.
Ainsi délibéré et jugé par:
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 24 avril 2018 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier de la Cour Jean-Nicolas SCHINTGEN.
s. SCHINTGEN s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 avril 2018 Le greffier de la Cour administrative 19