N° 07 / 2018 du 25.01.2018.
Numéro 3890 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-cinq janvier deux mille dix-huit.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
1) A), demeurant à (…), 2) B), demeurant à (…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
1) C), veuve de D), demeurant à (…), 2) E), épouse F), demeurant à (…), 3) G), demeurant à (…), défendeurs en cassation, comparant par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, Place Winston Churchill, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 209469, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué, numéro 193/16, rendu le 21 décembre 2016 sous le numéro 41086 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 14 mars 2017 par A) et B) à C), E) et G), déposé au greffe de la Cour le 16 mars 2017 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 5 avril 2017 par C), E) et G) à A) et B), déposé au greffe de la Cour le 13 avril 2017 ;
Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Sandra KERSCH ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, saisi par C), E) et G) d’une action en responsabilité dirigée contre A) et B) et tendant au paiement d'un certain montant correspondant au prix payé par feu D) pour la souscription de parts d’une société, investissement qui avait été perdu par la suite, avait déclaré la demande irrecevable pour autant qu’elle était dirigée contre les défendeurs sur la base contractuelle en tant qu’administrateurs de la société et non fondée pour autant qu’elle était dirigée contre eux en tant qu’intermédiaires financiers ; que la Cour d’appel, réformant, a condamné A) et B) en tant qu’agents de placement sur base de la responsabilité délictuelle à payer à C), E) et G) le montant réclamé ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application de l'article 61 du Nouveau code de procédure civile, ainsi que des articles 1134 et 1156 du Code civil, en ce que l'arrêt du 21 décembre 2016 a retenu :
cause que A) et B) ont offert les parts du H) à la souscription », aux motifs que A) et B) ont diffusé une invitation, destinée souscripteurs et amis », à une conférence de présentation du H) se tenant à Luxembourg le 27 février 2008, dont l'objet était d'attirer des investisseurs pour investir dans l'immobilier à Dubaï, et qu'ils y ont distribué un document publicitaire décrivant la stratégie du Fond ainsi qu'un mentionnant les caractéristiques de ce dernier, alors qu'aux termes de l'article 61 du Nouveau code de procédure civile, il est fait obligation au juge de respecter les termes et le sens de la pièce claire et précise lorsqu'il soumet cette pièce à son appréciation et/ou en détermine les effets ;
de sorte que l’arrêt du 21 décembre 2016 doit être cassé pour avoir assigné à un sens et une portée que ses termes clairs et précis ne comportent pas, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé le texte susvisé. » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;
Attendu que le moyen articule, d’une part, la violation de l’article 61 du Nouveau code de procédure civile par une fausse qualification d’un document, d’autre part, la violation de l’article 1134 du Code civil relatif à la force obligatoire des contrats, et enfin la violation de l’article 1156 du Code civil ayant trait à l’interprétation des conventions ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 61 du Nouveau code de procédure civile, en ce que l'arrêt du 21 décembre 2016 a retenu que les sieurs A) et B) avaient la qualité d'agents de placement, aux motifs qu' il résulte des pièces versées que A) et B) ont diffusé une invitation, destinée , à une conférence de présentation du H) se tenant à Luxembourg le 27 février 2008, dont l'objet était d'attirer des investisseurs pour investir dans l'immobilier à Dubaï, et qu'ils y ont distribué un document publicitaire décrivant la stratégie du Fond ainsi qu'un mentionnant les caractéristiques de ce dernier, alors que ce faisant, ils n'ont pas donné aux faits leur exacte coloration juridique, partant ont commis une erreur dans la qualification des faits valant violation de la loi, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé. » ;
Attendu que sous le couvert du grief de la violation de la disposition visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et circonstances de la cause relatifs aux agissements des actuels demandeurs en cassation, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 61 du Nouveau code de procédure civile, et des articles 1134, 1134-1 et 1382 du Code civil, en ce que l'arrêt attaqué a retenu la responsabilité délictuelle des sieurs A) et B), aux motifs que la responsabilité encourue par les intimés en qualité d'agents de placement est cependant, par réformation du jugement entrepris, à qualifier de délictuelle, alors qu'il n'est pas établi que les frais de fonctionnement de 5% versés par feu D), aient été continués aux intimés, alors qu'après avoir retenu la qualité d'agents de placement, la responsabilité ne peut plus être délictuelle mais exclusivement contractuelle, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé. » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;
Attendu que le moyen articule, d’une part, la violation de l’article 61 du Nouveau code de procédure civile par une fausse qualification d’un document, d’autre part, la violation des articles 1134 et 1134-1 du Code civil ayant trait, respectivement, à la force obligatoire des contrats et aux obligations contractuelles synallagmatiques, et enfin la violation de l’article 1382 du code civil relatif à la responsabilité civile ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le quatrième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 1382 du Code civil, en ce que l'arrêt du 21 décembre 2016 a déclaré la demande des consorts C),E),G) fondée et a condamné les sieurs A) et B) au montant de 515.000 €, aux motifs que le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi est donné puisqu'on peut raisonnablement admettre qu'un investisseur même moyennement prudent, ne risquerait pas sa mise dans une entreprise hasardeuse consistant à investir dans des contrats de construction pour un multiple des avoirs disponibles, dans l'espoir de revendre ces contrats avant d'avoir à débourser des fonds ;
alors qu’aux termes de l’article 1382, le lien de causalité doit être établi non point raisonnablement mais certainement, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé le texte susvisé. » ;
Attendu qu’en énonçant que « Le lien de causalité entre la faute des intimés et le préjudice subi est donné (…) », les juges d’appel en ont retenu le caractère certain ;
Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi ;
condamne les demandeurs en cassation à payer aux défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne les demandeurs en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur John PETRY, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.