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11/01/2018 | LUXEMBOURG | N°40031C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 11 janvier 2018, 40031C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 40031C Inscrit le 11 août 2017

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Audience publique du 11 janvier 2018 Appel formé par MM. … et …, L-…, contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2017 (n° 38315 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 40031C du rô...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 40031C Inscrit le 11 août 2017

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Audience publique du 11 janvier 2018 Appel formé par MM. … et …, L-…, contre un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 2017 (n° 38315 du rôle) dans un litige les opposant à une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 40031C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 11 août 2017 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … à … (Albanie), et de Monsieur …, né le … à …, agissant en sa qualité d’administrateur public de Monsieur …, frère mineur de Monsieur …, né le … à …, tous de nationalité albanaise, demeurant ensemble à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 14 juillet 2017 (n° 38315 du rôle), par lequel ledit tribunal les a déboutés de leur recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, d’une part, à l’annulation sinon subsidiairement à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 juillet 2016 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 15 septembre 2017 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du gouvernement Stéphanie LINSTER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 octobre 2017.

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Le 31 août 2015, Monsieur …, accompagné de son frère mineur, Monsieur …, ci-après désignés par les « consorts … », introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, abrogée par la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Par une ordonnance rendue par le juge des tutelles auprès du tribunal de la jeunesse et des tutelles de Luxembourg en date du 24 novembre 2015, la Fondation … fut désignée administrateur public du mineur …. Par une ordonnance du même juge du 29 février 2016, Monsieur … fut désigné administrateur public du mineur … en remplacement de la Fondation … qui fut déchargée de son mandat.

Par décision du 28 juillet 2016, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 1er août 2016, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », rejeta la demande de protection internationale des consorts … comme étant non fondée sur base des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 août 2016, les consorts … firent déposer un recours tendant, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance, d’une part, à l’annulation sinon subsidiairement à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 28 juillet 2016 rejetant leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Dans son jugement du 14 juillet 2017, le tribunal administratif déclara irrecevable le recours en ce qu’il est dirigé par Monsieur … contre la décision ministérielle du 28 juillet 2016 portant refus à son égard d’un statut de protection internationale, reçut en la forme le recours en réformation introduit par Monsieur … contre la décision ministérielle du 28 juillet 2016 portant à son égard rejet d’un statut de protection internationale et, au fond, le déclara non justifié et en débouta. Il reçut en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 28 juillet 2016 portant ordre de quitter le territoire et déclara ce recours non justifié et en débouta les demandeurs, tout en les condamnant aux frais.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 11 août 2017, Monsieur … et Monsieur …, agissant en sa qualité d’administrateur public de Monsieur …, ont fait régulièrement relever appel de ce jugement du 14 juillet 2017.

Ils estiment que ce serait à tort que le tribunal a déclaré le recours irrecevable dans le chef de Monsieur … et qu’il aurait ainsi refusé d’annuler la décision ministérielle dès lors qu’elle porterait atteinte à des règles procédurales d’ordre public.

Ainsi, Monsieur … devrait être considéré comme mineur non accompagné au sens de l’article 2, point m), de la loi du 18 décembre 2015 et ce serait pour cette raison que le juge des tutelles aurait nommé deux administrateurs publics successifs pour Monsieur …, le second étant Monsieur …. Dans ces conditions, ce serait à tort que la décision entreprise considérerait que Monsieur … serait accompagné par son frère majeur … et il aurait appartenu au ministre de notifier la décision entreprise du 28 juillet 2016 à Monsieur … en sa qualité d’administrateur public de Monsieur … depuis le 29 février 2016. Le défaut de cette notification aurait rendu impossible toute intervention de l’administrateur public qui aurait ignoré l’existence de la décision entreprise et aurait empêché le litismandataire des consorts … de connaître la nomination d’un administrateur public pour Monsieur …. Par voie de conséquence, l’administrateur public de Monsieur … ne saurait se voir reprocher de ne pas être intervenu en nom et pour compte de ce dernier en instance contentieuse et la décision entreprise devrait encourir l’annulation de ce chef en ce qu’elle vise Monsieur ….

La légalité externe d’une décision administrative se trouve conditionnée par les exigences procédurales préalables et les formes imposées pour leur adoption. Par contre, les exigences procédurales et formes prévues par la loi en aval de l’adoption de la décision ne sauraient en principe plus influer directement sur la légalité externe de la décision en elle-même en ce qu’elles portent sur des actes à accomplir après l’adoption de la décision en question qui existe valablement de par son adoption par l’autorité et n’affectent plus cette dernière en elle-même. Ainsi, plus précisément, les exigences particulières tenant à la notification d’une décision administrative à son destinataire se situent en aval de l’adoption de la décision en cause et ne sauraient partant être considérées comme formalités dont le non-respect vicierait la légalité de la décision elle-même, mais sont tout au plus susceptibles d’avoir des incidences à d’autres niveaux.

Il s’ensuit que c’est à tort que les appelants concluent que le non-respect d’une prétendue obligation légale de notification d’une décision ministérielle en matière de protection internationale à l’administrateur public d’un demandeur de protection internationale, en l’espèce un mineur, devrait entraîner l’annulation de la décision en question.

D’un autre côté, il convient de constater qu’à la date de l’introduction du recours contentieux devant le tribunal administratif en date du 9 août 2016, Monsieur …, né le …, était encore mineur d’âge, de manière que, conformément aux articles 372 et suivants du Code civil, il n’avait pas la capacité d’agir pour introduire personnellement un recours devant le tribunal administratif. En outre, à travers une ordonnance du juge des tutelles auprès du tribunal de la jeunesse et des tutelles près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 29 février 2016, Monsieur … avait été nommé administrateur public de Monsieur …. Il y a lieu d’admettre que cet administrateur public nommé sur base de l’article 433 du Code civil était également à considérer comme administrateur ad hoc prévu par l’article 20, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 avec la mission de « l’assister et de le représenter au cours des procédures relatives à sa demande de protection internationale et, le cas échéant, d’accomplir des actes juridiques en son nom ».

Dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré irrecevable pour défaut de capacité à agir l’action intentée par le mineur d’âge … sur base de ces deux ordres de dispositions légales au motif qu’il n’avait pas la capacité d’agir devant le tribunal administratif, mais qu’il aurait dû introduire son recours contre la décision ministérielle du 28 juillet 2016, sous peine d’irrecevabilité, par le biais de son représentant légal agissant en son nom et pour son compte.

Au vu de cette conclusion, la Cour n’est pas utilement saisie du moyen des appelants suivant lequel la décision entreprise violerait l’article 13, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, au motif qu’il aurait appartenu au ministère d’entendre Monsieur … même en tant que mineur non accompagné sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale et que le défaut d’une audition porterait une atteinte substantielle à ses droits. En effet, ce moyen relatif à la légalité externe du volet détachable de la décision entreprise du 28 juillet 2016 relatif à la demande de protection internationale de Monsieur … et, plus particulièrement, exclusivement à la procédure suivie à l’égard de ce dernier relève de l’examen du fond du recours et ne peut être soulevé que par la personne étant le destinataire de ce volet autonome de la décision déférée pouvant se prévaloir d’une lésion de ses droits découlant d’un éventuel non-

respect de cette exigence. Au vu cependant de l’irrecevabilité du recours en tant que formé par Monsieur … et de la tenue d’un entretien avec Monsieur …, aucun des appelants ne peut utilement soulever ce moyen devant la Cour.

Il y a partant lieu d’examiner le fond du recours exclusivement par rapport à la personne de Monsieur …, encore que la situation personnelle des deux frères … présente des parallélismes manifestes.

Quant au fond, il critique l’analyse du tribunal relative au défaut d’un caractère actuel et concret de sa crainte de subir une vengeance de la part de la famille … en faisant valoir que la réalité de la menace pour leurs vies découlerait du dossier de son oncle …, à partir duquel il faudrait conclure que la menace resterait actuelle en ce qu’il serait toujours dans l’intention de la famille … de se venger pour la mort d’un membre mâle de leur famille. Cette menace serait d’autant plus concrète que Monsieur … ne serait plus mineur, statut qui l’aurait protégé encore à l’époque contre la vengeance de la famille ….

L’appelant fait ensuite valoir que les autorités en place en Albanie seraient incapables de lui assurer une protection effective contre les crimes de sang qui satisferait aux critères posés par l’article 40, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015. Il se réfère à un document intitulé « Albanie : vendetta », publié par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés le 13 juillet 2016, et sur le rapport de mission en République d’Albanie du 3 au 13 juillet 2013 organisée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, pour en déduire qu’en substance, le phénomène de la vendetta resterait un problème en Albanie, que malgré les efforts du gouvernement albanais pour réduire l’application de la loi du Kanun et le renforcement des sanctions pénales afférentes, l’ancrage de cette loi coutumière dans les traditions du pays et l’inefficacité, voire l’extrême réticence des autorités policières et judiciaires dans la poursuite des cas de vendettas et la protection des victimes auraient pour résultat qu’elle soit toujours largement appliquée et qu’en raison de la taille réduite du pays et du petit nombre de zones urbaines, une personne menacée d’une vendetta n’aurait pas de chances de se cacher devant ses persécuteurs dans une autre partie du pays. Il en conclut qu’il ne bénéficierait pas d’une protection suffisante dans son pays d’origine, au motif que les autorités étatiques albanaises ne prendraient toujours pas de mesures suffisantes pour remédier à cet état des choses, entraînant qu’il ne pourrait pas se voir reprocher de ne pas avoir sollicité de manière plus intense ces mêmes autorités au vu également de son cas spécifique de vendetta dans le cadre de laquelle plusieurs personnes auraient déjà été tuées.

Quant au statut de la protection subsidiaire, l’appelant se réfère à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne et considère que les menaces subies par lui seraient à assimiler à un traitement inhumain et dégradant en ce qu’elles se traduiraient par des souffrances mentales particulièrement intenses dans son chef, dont notamment la perspective de vivre dans l’angoisse quotidienne de subir des agressions. Cette situation qui perdurerait déjà dans le temps risquerait encore de durer davantage, étant donné que la vengeance aurait lieu bien longtemps après les faits à la base. Dès lors, cette durée relativement longue de souffrance serait de nature à établir à suffisance de droit le degré de gravité exigé pour se voir accorder la protection subsidiaire.

Par rapport à l’ordre de quitter le territoire, Monsieur … s’empare du principe de non-refoulement consacré par l’article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, par la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions pour prétendre au statut de réfugié et l’article 54, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 pour faire valoir qu’en conséquence de la reconnaissance de la protection internationale dans son chef, il faudrait réformer la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire.

Il se dégage de la combinaison des articles 2 h), 2 f), 39, 40 et 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 1er, de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de ladite loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire. La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l’article 48 ».

Les premiers juges ont encore souligné à juste titre que dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

En outre, l’examen de la situation personnelle du demandeur de protection internationale, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance, ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais comporte également l’appréciation de la valeur des éléments de preuve et de la crédibilité des déclarations du demandeur. Les premiers juges ont encore justement admis que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015 si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible.

C’est à bon escient que les premiers juges ont relevé le fait que dès lors que l’élément qui fait défaut touche à l’auteur des persécutions ou des atteintes graves, aucun des deux volets de la demande de protection internationale ne saurait aboutir, les articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 s’appliquant, comme relevé ci-avant, tant à la demande du statut de réfugié qu’à celle de protection subsidiaire.

Ensuite, la Cour partage entièrement l’application de ces dispositions en l’espèce et l’analyse exhaustive et minutieuse de la situation particulière de l’appelant faite par les premiers juges, de manière que la Cour renvoie aux motifs tels que détaillés dans le jugement dont appel dans la mesure où ils ne sont pas repris dans la suite.

Ainsi, les premiers juges ont conclu à bon droit qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que l’appelant serait, la majorité atteinte, une cible potentielle de vengeance de part de la famille …. Ainsi, au-delà de son anxiété compréhensible exprimée lors de son audition, l’appelant a admis que son propre père n’est pas concerné par la vengeance en cause, vu qu’il appartient à une autre famille et que, conformément à la loi du Kanun, la famille ne devrait pas se venger sur sa personne et sa famille. En outre, il a admis l’absence de la moindre menace directe proférée à son encontre de la part de la famille …. De même, Monsieur … est l’oncle du côté maternel de l’appelant et non pas de son côté paternel et il se dégage de son audition, dont le rapport a été versé en cause par l’appelant, qu’il est, d’après son propre récit des faits, encore recherché par la famille … pour avoir été l’auteur direct de l’assassinat d’un membre de leur famille. Au vu de ces éléments, les premiers juges ont valablement estimé que la crainte de l’appelant, fondée surtout sur des doutes si la famille … respecte le cercle potentiel de victimes de vengeance tracé par la loi du Kanun, doit s’analyser davantage en un sentiment général d’insécurité plutôt qu’en une crainte fondée d’être victime d’actes de vengeance.

A l’instar du tribunal, la Cour se doit de relever que par jugement du 14 juillet 2017 (n° 38368 du rôle), le tribunal a confirmé le rejet de la demande de protection internationale introduite en date du 29 septembre 2015 par Monsieur …, qui se trouve à l’origine de la vendetta invoquée, au motif essentiel qu’il n’est pas établi que les autorités albanaises ne veulent ou ne peuvent pas lui offrir une protection suffisante.

L’appel introduit par Monsieur … contre ce jugement a fait l’objet d’un arrêt de radiation du 24 octobre 2017 (n° 40017C du rôle) suite à la renonciation par Monsieur … à cette instance judiciaire. Alors même que l’appelant a fait plaider que Monsieur … aurait procédé à cette renonciation pour des motifs qui lui seraient personnels et qui ne devraient pas influer sur sa propre demande de protection internationale, il n’en reste pas moins qu’il faut en tirer la conclusion que le besoin de protection à l’étranger de Monsieur … ne peut plus être tellement pressant, étant donné qu’il a renoncé à épuiser toutes les procédures à sa disposition afin de se voir bénéficier d’un statut lui évitant un retour vers son pays d’origine. Or, une telle conclusion à l’égard de la personne se trouvant à l’origine de la vendetta invoquée doit nécessairement rejaillir sur l’appréciation du bien-fondé des craintes exprimées par son neveu et fondées sur la même vendetta.

La Cour partage dès lors la conclusion des premiers juges qu’indépendamment de la question de la qualification des faits invoqués par l’appelant à l’appui de sa demande de protection internationale, l’examen des faits et motifs mis en avant par lui à l’appui de sa demande de protection internationale dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène à conclure qu’il reste en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions, respectivement d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Albanie.

Par voie de conséquence, le tribunal est à confirmer en ce qu’il a décidé que l’appelant ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié, ni à celui de la protection subsidiaire et que le ministre a dès lors valablement pu rejeter la demande de protection internationale comme non fondée, de sorte que l’appel n’est pas fondé en ce volet.

Par rapport à l’ordre de quitter le territoire, l’appelant soutient qu'en cas d'octroi de la protection internationale, l'ordre de quitter le territoire devra être annulé.

Or, comme le jugement entrepris est à confirmer en tant qu'il a rejeté la demande en octroi d’un statut de la protection internationale et que le refus dudit statut entraîne, automatiquement, l'ordre de quitter le territoire, l'appel dirigé contre le volet de la décision des premiers juges ayant refusé d'annuler cet ordre est encore à rejeter.

Il suit des considérations qui précèdent que le jugement du 14 juillet 2017 est à confirmer dans toute sa teneur.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 11 août 2017 en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute les appelants, partant, confirme le jugement entrepris du 14 juillet 2017, condamne les appelants aux dépens de l’instance d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 11 janvier 2018 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier assumé de la Cour Samuel WICKENS.

s. WICKENS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 12.01.2018 le greffier de la Cour administrative 8


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40031C
Date de la décision : 11/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2018-01-11;40031c ?

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