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23/11/2017 | LUXEMBOURG | N°39193C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 23 novembre 2017, 39193C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 39193C Inscrit le 3 mars 2017

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Audience publique du 23 novembre 2017 Appel formé par la société anonyme … S.A., L-…, contre un jugement du tribunal administratif du 31 janvier 2017 (n° 37032 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 39193C Inscrit le 3 mars 2017

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Audience publique du 23 novembre 2017 Appel formé par la société anonyme … S.A., L-…, contre un jugement du tribunal administratif du 31 janvier 2017 (n° 37032 du rôle) dans un litige l’opposant à une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de retenue d’impôt sur les revenus de capitaux

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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 39193C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2017 par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration en fonctions, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 31 janvier 2017 (n° 37032 du rôle), l’ayant déboutée de son recours tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes rendue le 9 juillet 2015 (n° C 17765 du rôle), faisant suite à sa réclamation contre le bulletin de la retenue d’impôt sur revenu de capitaux de l’année 2008 émis en date du 25 avril 2012 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe de la Cour administrative le 31 mars 2017 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 24 avril 2017 par Maître Yves PRUSSEN pour compte de la société anonyme … S.A. ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;

Le rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yves PRUSSEN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Lou THILL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 juin 2017.

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En date du 24 novembre 2008, et suite à l’autorisation de l’assemblée générale, le conseil d’administration de la société anonyme … S.A., ci-après dénommée la « société … », décida de procéder au rachat de 10 actions propres, représentant 10% du capital social de ladite société à l’actionnaire ….

En date du 11 août 2010, la société … déposa sa déclaration fiscale pour l’année 2008 et effectua les comptabilisations en relation avec l’opération de rachat des 10 actions propres, précitée, de manière suivante :

Actions propres … CHF … EUR à Autres dettes … CHF … EUR Provisions pour risques … CHF … EUR et charges futures à … CHF … EUR Réserve extraordinaire Par courrier du 8 février 2012 et en exécution des §§ 170 et 205 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, dite « Abgabenordnung », en abrégé « AO », le bureau d’imposition Sociétés 2 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à la société … dans les termes suivants : « […] Au cours de l’année 2008, la société a racheté ses propres actions. Veuillez décrire clairement et justifier ce qui s’est passé. Veuillez expliquer en détail comment les actions ont été évaluées au montant de … euro et illustrer la comptabilisation qui a eu lieu.

Pourquoi cette opération a-t-elle été passée sous charges au P&P ? Pourquoi au 31/12/2009 la valeur des actions a-t-elle diminué de … euro ? […] ».

Par courrier du 5 mars 2012, la société … répondit de la manière suivante : « […] Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint l’acte de vente concernant le rachat d’actions effectué en date du 24/11/2008. La société a racheté ses propres actions pour un montant global de … euros qui résulte réglé au cours de l’exercice 2009. L’opération au … se réfère à une provision pour risques effectuée au moment du rachat d’action pour un montant de … Euros. […] ».

En date du 24 avril 2012, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société … le bulletin de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de l’année 2008 et informa cette dernière qu’il refusait d’admettre la dotation à une provision pour risques et charges futurs d’un montant de … € et que ce montant allait être soumis à la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de 15%, aux motifs suivants: « […] La provision pour risques et charges futurs (montant: … euro) passée à charge du résultat courant de l’exercice 2008 n’est pas déductible, étant donné qu’en l’occurrence le retrait de fonds par un des actionnaires de la société aurait dû être comptabilisé à travers une réduction des résultats reportés ou des réserves disponibles. Ledit retrait de fonds par un des actionnaires de la société constitue de surcroît une distribution de bénéfices passible de la retenue sur les revenus de capitaux, au taux de 15% (selon l’article 148 alinéa (1), 1ère phrase de la loi concernant l’impôt sur le revenu/L.I.R.), et ce au motif qu’en l’espèce il n’y a pas eu partage partiel au sens de l’article 101 alinéa (2), 3e phrase de la préévoquée loi concernant l’impôt sur le revenu (LIR), vu qu’ "il y a partage partiel en cas de rachat ou de retrait portant sur l’intégralité de la participation d’un associé et à condition qu’il y ait réduction correspondante du capital" (…, Fiscalité et comptes annuels des entreprises, n°1894, page 523 Editions Portalis, avril 2005), ces conditions n’étant manifestement pas remplies pour le présent cas d’imposition ».

Par courrier du 4 juin 2012, la société … prit une seconde fois position par rapport au courrier du bureau d’imposition lui adressé en date du 8 février 2012 dans les termes suivants : « […] La provision qui a été comptabilisée pour … Euro représente la différence entre la valeur de rachat (… Euro) et les 10% du capital social racheté (…) et en contrepartie un compte de réserve […] ».

Par un courrier du 9 juillet 2012, entré au bureau d’imposition le 12 juillet 2012, la société … introduisit une réclamation à l’encontre du bulletin de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux précité auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur ».

En date du 10 juin 2013, le directeur procéda à une mise en état en invitant la société … à fournir pour le 5 juillet 2013 au plus tard : […] « - les rapports du commissaire aux comptes se rapportant aux exercices clôturés des années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 - les listes de présence des actionnaires aux assemblées générales ordinaires des années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 - les rapports des assemblées générales ordinaires se rapportant aux années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 - des explications quant à la dotation à la provision pour risques et charges futurs opérée en 2008 (montant : … euros), tout en joignant des pièces justificatives ».

Quant à la dotation à la provision pour risques et charges futurs opérée en 2008, la société … répondit par courrier du 10 juillet 2013 de la manière suivante : « […] En 2008, la société a constitué une réserve extraordinaire (CR CHF …) par le débit d’une provision pour charges, reclassée en charges (amortissements de EUR …). Fiscalement, l’amortissement a été retraité en amortissements inadmissibles. Socialement, la réserve extraordinaire (pour actions propres) aurait dû être dotée par le débit de réserves distribuables.

En 2012, une AGE a réduit le capital en vue d’éliminer les actions propres. Dans ce cadre, il y a lieu normalement de ramener les fonds propres au juste montant (CR CHF …) en régularisant les écritures de 2008.

Fiscalement, la reprise en 2012 de l’amortissement 2008 (fiscalement inadmissible) est à neutraliser (produit non imposable).

Autrement dit et pour le dernier point de votre courrier Mise en état, la réponse deviendrait que la provision de EUR … était socialement non avenue et fiscalement retraitée comme inadmissible ; en 2012 et dans le cadre de l’AGE ayant réduit le capital à concurrence des actions propres, cette provision a été extournée et le produit extraordinaire neutralisé fiscalement (à hauteur de l’amortissement inadmissible en 2008). […] ».

Par décision du 9 juillet 2015, référencée sous le numéro C 17765 du rôle, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation prémentionnée du 12 juillet 2012 sur pied des motifs suivants :

« […] Vu la requête introduite le 12 juillet 2012 par la dame …, au nom de la société anonyme …, avec siège social à L-…, pour réclamer contre le bulletin de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de l’année 2008, émis le 25 avril 2012 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les paragraphes 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit dans les forme et délai de la loi ; qu’elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir opéré une retenue d’impôt sur revenus de capitaux de 15% sur une opération de rachat d’actions ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ;

qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que la réclamante a pour objet entre autres la promotion internationale du tourisme et de l’industrie hôtelière, achat, vente ou échange d’immeubles de tout genre, ainsi que toutes opérations s’y rattachant directement ou indirectement ;

Considérant qu’il résulte du dossier fiscal que le bureau d’imposition n’a pas admis une dotation à une provision pour risques et charges futurs d’un montant de … euros ;

que le bureau d’imposition a soumis ce montant à la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de 15% ;

Considérant qu’en guise de motivation, la réclamante expose que l’acquisition de 10 actions propres de la part de l’actionnaire … constituerait un partage partiel de l’actif social et que le prix payé pour lesdites actions correspondrait au principe de la pleine concurrence ;

que la requérante fait encore valoir qu’une retenue de 15% ne serait pas à opérer sur le prix de rachat de ses propres actions compte tenu de l’exonération des sommes allouées à l’occasion du partage social de l’actif net investi dès lors qu’il en résulte une réduction de capital ;

Considérant qu’il ressort des comptes annuels qu’ainsi d’une réponse à une mesure d’instruction du bureau d’imposition que la réclamante a effectué les comptabilisations suivantes en relation avec l’opération d’achat d’actions propres ;

Actions propres … CHF … EUR à … CHF … EUR Autres dettes Provisions pour … CHF …EUR risques et charges futures … CHF … EUR à Réserve extraordinaire Considérant qu’il résulte des comptes annuels que la réclamante a acquis 10 actions propres représentant 10% de son capital social par l’actionnaire … pour un montant total de … euros (… francs suisses), soit … euros par action ;

Considérant d’abord que l’article 49-1 de la loi modifiée sur les sociétés commerciales (LSC) du 10 août 1915 retient le principe de l’interdiction de la souscription ou de l’achat des actions d’une société par elle-même (« Les actions d’une société ne peuvent être souscrites par celles-ci ») ;

Considérant que par dérogation à l’article 49-1 LSC, les articles 49-2 à 49-5 LSC prévoient l’acquisition de ses propres actions sous réserve de certaines conditions ;

Considérant qu’une des conditions est l’accord de l’autorisation d’acquérir par l’assemblée générale qui fixe les modalités des acquisitions envisagées, et notamment le nombre maximal d’actions à acquérir, la durée pour laquelle l’autorisation est accordée et qui ne peut dépasser cinq ans et, en cas d’acquisition à titre onéreux, les contre-

valeurs maximales et minimales (article 49-2 LSC) ;

Considérant encore que « dans les cas où l’acquisition d’actions propres est possible conformément aux articles 49-2 et 49-3 la détention de ces actions est soumise aux conditions suivantes ;

a) parmi les droits attachés aux actions, le droit de vote des actions propres est suspendu ;

b) si ces actions sont comptabilisées à l’actif du bilan il est établi au passif une réserve indisponible d’un même montant » (article 49-5 LSC) ;

Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que la réclamante a comptabilisé les actions rachetées à l’actif du bilan ;

Considérant qu’aux termes de l’article 49-5 LSC, une réserve indisponible d’un même montant doit être établie au passif du bilan ;

que la réserve indisponible doit dès lors être basée sur le prix d’acquisition et ne peut pas tenir compte d’une éventuelle diminution de titres ;

Considérant qu’il n’est pas litigieux que la réclamante a établi une réserve indisponible d’un montant différent au passif du bilan ;

que la comptabilisation relative retient un montant de … euros (… CHF) au lieu de de … euros (… CHF) ;

Considérant ensuite qu’une comptabilisation correcte de la réserve indisponible aurait dû retenir comme compte à débiter le compte des réserves libres ou même le compte des résultats reportés, et non pas, comme en l’espèce, un compte de charges, i.e.

une correction de valeur sur éléments de l’actif circulant d’un montant de … francs suisses ;

Considérant qu’en date du 10 juin 2013, le directeur a notifié une mesure d’instruction à la réclamante afin d’obtenir des pièces et informations supplémentaires, notamment les rapports/procès-verbaux des assemblées générales des années 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, ainsi que des explications sur la dotation à la provision pour risques et charges ;

Considérant que l’autorisation d’opération de rachat d’actions est soumise à l’accord de l’assemblée générale ;

que cet accord peut être obtenu lors d’une assemblée générale ordinaire suite à un vote à majorité simple ;

Considérant que les rapports versés pour les assemblées générales tenues pour les exercices 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 ne fournissent pas d’informations sur un tel rachat d’actions ;

Considérant qu’il n’est pas litigieux que la réclamante a racheté 10% de son capital et qu’elle était censée respecter toutes les dispositions de l’article 49-5 LSC ;

Considérant d’ailleurs que la requérante reconnaît dans sa réponse du 10 juillet 2013 à la mesure d’instruction que « Socialement, la réserve extraordinaire (pour actions propres) aurait dû être dotée par le débit de réserves distribuables » ;

Considérant qu’il n’est pas clair pourquoi la requérante n’a pas respecté les règles en droit commercial en ce qui concerne le rachat d’actions propres ;

Considérant en outre qu’il n’est pas litigieux que la comptabilisation d’un montant de … à un compte de charges d’une correction de valeur représente une diminution de bénéfice pour la requérante ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est dès lors à bon droit que le bureau d’imposition a majoré le revenu imposable de l’année 2008 d’un montant de … euros ;

Considérant que la réclamante fait encore valoir que l’opération de rachat constituerait un partage partiel de l’actif social ; que le rachat aurait porté « sur l’ensemble de la participation détenue par le minoritaire et, d’autre part, une réserve pour actions propres » aurait été constituée à hauteur du prix des actions rachetées ;

Considérant qu’aux termes de l’article 101 L.I.R., il y a partage de l’actif social en cas de dissolution, de transformation, de fusion, d’absorption, de scission de l’organisme ou d’adoption par l’organisme du statut d’organisme exempt d’impôts ;

qu’aux termes du même article (article 101 alinéa 2 L.I.R.), lorsqu’une participation fait l’objet d’un rachat ou d’un retrait et qu’il en résulte une réduction de capital, l’actif social est censé être partagé pour la fraction correspondante à ladite participation ;

Considérant qu’en l’occurrence, il n’est pas litigieux que les conditions de l’article 101 L.I.R. ne sont pas remplies ; qu’en l’espèce, il n’y avait pas de réduction de capital pour la fraction correspondante à ladite participation ;

Considérant qu’un gestionnaire, même moyennement diligent et consciencieux, tendant à assurer la rentabilité d’une exploitation commerciale, n’aurait pas effectué des opérations de rachat sans accord de l’assemblée générale et sans respecter les dispositions légales du droit commercial ;

que l’« administration peut supposer une diminution indue des bénéfices de l’entreprise si les circonstances la rendent probable, sans avoir à la justifier exactement.

Il y a alors renversement de la charge de la preuve, le contribuable devant prouver qu’il n’y a pas diminution de bénéfice ou que celle-ci est économiquement justifiée, et non seulement motivée par des relations particulières entre deux entités liées » (jugement tribunal administratif du 9 juin 2008 n° 23324 du rôle, arrêt Cour administrative du 11 février 2009, n° 24642C du rôle) ;

que ledit retrait de fonds par l’actionnaire minoritaire constitue en effet une distribution de bénéfices ;

que le bureau d’imposition pouvait dès lors admettre une distribution de bénéfices en relation avec le rachat des actions propres ;

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article 146 L.I.R, les distributions de bénéfices tant ouvertes que cachées, sont passibles de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux ;

Considérant qu’aux termes de l’article 148 L.I.R., le taux de la retenue d’impôt applicable pour l’année 2008 est de 15%, à moins que le débiteur des revenus prenne à sa charge l’impôt à retenir, ce qui, même en matière de distribution cachée de bénéfices, n’est jamais présumé ;

Considérant que le bulletin de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de l’année 2008 est à confirmer ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, la rejette comme non fondée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 octobre 2015, la société … fit introduire un recours tendant à la réformation de la décision directoriale précitée du 9 juillet 2015.

Dans son jugement du 31 janvier 2017, le tribunal reçut ce recours en la forme, mais le rejeta comme étant non fondé.

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mars 2017, la société … a fait régulièrement relever appel de ce jugement du 31 janvier 2017.

A l’appui de son appel, la société … rappelle que le litige concernerait la vente de ses propres actions par l’ancien actionnaire … en novembre 2008, cette cession ayant été opérée moyennant deux ventes, à savoir une première de 38 actions par le vendeur à Madame …, laquelle aurait détenu antérieurement une seule action, et une deuxième cession de 10 actions à l’appelante elle-même. Elle précise que le prix de vente aurait été sensiblement identique pour toutes les actions en ce qu’il se serait élevé à … € par action pour celles vendues à Madame … et à … € par action pour celle rachetée par l’appelante elle-même.

L’appelante reproche au jugement entrepris de s’être prononcé sur des points sans aucune pertinence dans le contexte du recours, telles les questions relatives au droit des sociétés, lesquelles ne seraient pas du ressort du tribunal administratif, ainsi que les questions de la comptabilisation erronée de l’opération ne faisant pas l’objet de la contestation.

Pour le surplus, le jugement entrepris analyserait la question litigieuse en retenant que l’article 101 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par « LIR », impliquerait que l’opération de réduction du capital devrait suivre immédiatement l’opération du rachat des actions propres et que l’appelante n’aurait pas décidé d’une réduction de capital en temps utile, la réduction de capital effectuée en l’année 2012 ayant été considérée par le tribunal comme étant sans pertinence pour la solution du litige. Sur base de ce constat, le tribunal aurait conclu que l’article 101 LIR ne trouverait pas application en l’espèce et qu’en conséquence le rachat ne serait pas constitutif d’un partage d’actif mais d’une distribution à l’actionnaire donnant lieu à la soumission à la retenue d’impôt sur revenus de capitaux. L’appelante considère que ce faisant, le tribunal aurait interprété de façon erronée les dispositions légales par lui appliquées. Se référant à la doctrine luxembourgeoise, elle considère que le rachat porterait souvent sur la totalité des actions ou parts sociales détenues par l’associé en cause aux moyens d’une réserve distribuable et que, d’un point de vue fiscal, l’opération ne constituerait pas une distribution de dividendes mais un partage de l’actif social au sens de l’article 101 LIR.

Du point de vue économique, selon l’appelante, la nécessité d’annuler des actions ne se justifierait nullement en ce qu’une réduction de capital ne serait très souvent pas la raison des rachats d’actions par des sociétés, mais que ces actions pourraient ensuite servir à d’autres fins et pourraient être recédées par la société à des tiers. L’appelante considère qu’au-delà de la question de l’alternative si les actions sont maintenues au bilan de la société à une valeur égale au prix d’acquisition, ce qui gonflerait inutilement le bilan, ou à une valeur zéro, autre solution prévue par la loi sur les sociétés commerciales, le fait resterait toujours qu’en l’espèce l’actionnaire serait sorti et qu’il aurait reçu un prix pour ses actions et ce par opposition à une distribution de dividendes.

En deuxième lieu, l’appelante se réfère à la genèse de la LIR et relève que le texte finalement adopté de l’article 101 LIR n’aurait été introduit que sur base de l’avis du Conseil d’Etat qui aurait motivé sa proposition par la considération que cette disposition viserait seulement le rachat effectué par la société au moyen de son capital et impliquant une réduction de celui-ci, mais que le rachat effectué uniquement au moyen de réserves ou de bénéfices ne serait pas visé en ce que pareille opération pourrait constituer un dividende ou une cession. L’appelante en déduit que l’intention du législateur n’aurait pas été de modifier en quoi que ce soit la situation légale antérieure découlant de l’ancien § 20 de la Einkommensteuergesetz, en abrégé « EStG », législation allemande maintenue en vigueur au Luxembourg, pareille analyse se trouvant également confirmée dans une Etude fiscale relative à la réforme législative par la LIR au moment de son introduction.

Elle considère qu’une hypothèse prévue dans les travaux préparatoires de la LIR, à savoir le rachat d’actions de manière égale à tous les actionnaires d’une quote-part identique de ces actions qui serait considérée comme l’équivalent d’une distribution du bénéfice dans la mesure où la participation de chaque actionnaire reste inchangée, ne se trouverait pas non plus vérifiée en l’espèce.

Afin d’appuyer encore son argumentation, l’appelante se prévaut de la doctrine allemande de l’époque et actuelle qui conclurait de manière constante que le rachat d’actions propres par une société devrait être qualifié comme opération de cession des titres, voire éventuellement être assimilé à une liquidation partielle, et qu’une distribution cachée ne pourrait être admise que dans la mesure où la partie surfaite du prix d’acquisition s’analyse en un avantage à l’associé sortant motivé par la seule relation d’associé, de manière qu’une distribution cachée se limiterait au montant qui serait jugé comme dépassant le prix du marché. Or, en l’espèce, les prix payés par l’autre associé et par l’appelante à Monsieur … seraient presqu’identiques, de sorte qu’une distribution cachée ne serait pas établie en cause.

Elle se réfère ensuite à la jurisprudence allemande qui considérerait l’existence de distributions vérifiée seulement dans la mesure où un prix surfait donnant lieu à des distributions cachées serait attribué aux actionnaires. Or, en l’espèce, le prix d’acquisition des actions litigieuses aurait été évalué par les autres associés dans un contexte de continuité de la société par les autres actionnaires avec la sortie de l’un d’entre eux et, au niveau de l’actionnaire-vendeur, par rapport auquel il faudrait donc se placer pour juger si l’opération est à considérer comme une vente pure et simple ou comme une distribution du bénéfice, il faudrait voir si une partie de l’actif est transmise à l’associé sortant et si les droits de participation resteraient inchangées en leur substance, tel n’étant cependant pas le cas en l’espèce au vu de la sortie de l’actionnaire du capital de l’appelante. Dans la mesure où il faudrait également tenir compte du fait que les distributions de dividendes concerneraient des bénéfices courants et que le produit de liquidation ne serait soumis à aucune retenue à la source, il faudrait vérifier si un actionnaire sort de la société en se faisant payer par cette dernière la valeur égale à celle de sa participation, opération devant être analysée en une vente pure et simple, ou si le paiement dépasse cette valeur et devrait être qualifié dans cette mesure en une distribution et il faudrait appliquer cette distinction également pour juger de la situation en l’espèce.

L’appelante reproche à l’administration, en premier lieu, d’avoir confondu une vente avec une distribution de bénéfices sans avoir argumenté sa position et, en deuxième lieu, d’essayer de dénier au contribuable le droit de se prévaloir du principe de l’appréciation selon des critères économiques sans pour autant avoir elle-même analysé du point de vue économique la différence entre une vente et la perception d’un dividende.

Finalement, l’appelante soutient que l’administration aurait plaidé en l’espèce contre sa propre pratique puisqu’elle admettrait dans de nombreux cas qu’une vente d’actions à une société devrait être nécessairement considérée comme une vente par opposition à une distribution. Ainsi, notamment dans le cadre de rachats d’actions effectués par des sociétés cotées en bourse, le vendeur ne saurait nullement si la contrepartie est la société elle-même ou un tiers et la vente pourrait porter sur tout ou partie d’une participation. Il s’agirait alors économiquement d’une vente puisque le vendeur cèderait un actif qu’il n’aurait plus par après et il aurait encaissé un prix pour cette vente. L’appelante soutient que personne ne pourrait prétendre que ce prix de vente serait soumis à une retenue à la source s’il est déboursé par la société elle-même et qu’il n’y aurait pas de retenue à la source si la contrepartie est une autre personne. L’appelante en conclut que dans certains cas non visés par l’article 101 LIR, l’administration reconnaîtrait que la notion de vente s’appliquerait mais qu’ici, dans un cas clair, on pourrait s’interroger pourquoi elle insisterait que le paiement du prix de vente des actions cédées par l’actionnaire sortant soit assimilé à une distribution.

L’Etat conclut par contre au caractère justifié des motifs contenus dans le jugement entrepris. Il estime que le principe de l’appréciation d’après des critères économiques ne permettrait pas au contribuable de s’exonérer des formalités requises par la loi, en l’occurrence de la réalisation d’une réduction du capital en bonne et due forme, afin de bénéficier des dispositions de l’article 101 LIR. Après avoir rappelé que les conditions pour l’application de cette disposition n’auraient ainsi pas été remplies aux moments où il a été procédé à l’imposition de l’appelante et où elle aurait introduit sa réclamation et que l’appelante aurait procédé à cette réduction de son capital social seulement quatre années après le rachat d’actions litigieux du 24 novembre 2008, l’Etat considère que cette réduction de capital ne se trouverait plus en lien avec ledit rachat d’actions propres. Dans ces conditions, le retrait de fonds par l’actionnaire constituerait une distribution de bénéfices et le bureau d'imposition aurait pu admettre cette qualification et le soumettre à la retenue d’impôt sur revenus de capitaux mobiliers conformément à l’article 146 LIR.

A titre subsidiaire, l’Etat argue que l’administration aurait valablement pu écarter un « Scheingeschäft » au sens du § 5 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, dite « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », à savoir un rachat d’actions propres fictif non mené à terme sans réduction de capital pour analyser l’opération réelle comme distribution de bénéfices.

C’est à juste titre que l’appelante soutient que les questions relatives à la comptabilisation correcte de l’opération de rachat par elle-même de ses propres actions n’est pas de nature à influer sur la question litigieuse en l’espèce de la qualification de l’opération de rachat en elle-même pour les besoins de l’impôt sur le revenu.

L’article 101 LIR vise, d’après son paragraphe (1), les opérations de « partage total ou partiel de l’actif social de l’un des organismes mentionnés à l’alinéa premier de l’article 100 ». Les revenus dégagés par ces opérations sont qualifiés par cette même disposition comme le « produit d’une aliénation de la participation au sens de cet article » et l’article 97, (3), point d), LIR confirme qu’en contrepartie, les sommes allouées dans le cadre d’un partage de l’actif social ne constituent pas un revenu courant de la participation et ne constituent partant pas un revenu de capitaux mobiliers.

Le même article définit dans son paragraphe (2) d’abord comme opérations censées constituer un partage total d’actif social celles de « dissolution, de transformation, de fusion, d’absorption de scission de l’organisme ou d’adoption par l’organisme du statut d’organisme exempt d’impôts ». Toutes ces opérations ont pour effet commun de mettre un terme à l’existence de la collectivité concernée en tant que contribuable soumis à l’impôt sur le revenu des collectivités.

Le même texte qualifie ensuite comme partage partiel de l’actif social pour la fraction correspondante l’opération « lorsqu’une participation fait l’objet d’un rachat ou d’un retrait et qu’il en résulte une réduction de capital ». Si une telle opération ne met pas fin à l’existence de l’organisme en lui-même, elle met cependant un terme non seulement à la relation entre l’organisme et son associé mais également à l’existence de sa part dans le capital qui se trouve annulée par la réduction du capital, entraînant que l’opération ne pourra point aboutir à une cession de la même participation à une autre personne tierce ou déjà associée. Dans la mesure où ce partage partiel doit affecter une partie de la substance de la société, la réduction du capital correspondante à la suite du rachat d’une participation par la société-même s’analyse en une condition d’application du régime du partage partiel de l’actif social prévu par l’article 101 LIR et doit partant intervenir dans un laps de temps suffisamment rapproché suite au rachat de la participation pour pouvoir encore être reconnu comme étant en relation causale avec ce dernier.

Or, en l’espèce, il est incontesté que l’opération litigieuse de rachat effectuée par l’appelante à l’égard de son actionnaire sortant a été conclue à travers un contrat de cession du 24 novembre 2008 et que l’appelante a procédé seulement le 30 août 2012 à la réduction de son capital à hauteur de la valeur nominale des actions acquises le 24 novembre 2008 et ce, comme le délégué du gouvernement et le tribunal l’ont relevé à juste titre, après l’émission du bulletin critiqué de la retenue d’impôt sur revenus de capitaux de l’année 2008 du 25 avril 2012 et après l’introduction, par l’appelante, de sa réclamation du 12 juillet 2012. Eu égard à ce délai entre les opérations de rachat de la participation et de réduction du capital et des autres circonstances prévisées, il ne peut pas être admis en l’espèce que ladite réduction « résulte » du rachat d’actions du 24 novembre 2008. Il s’ensuit que le rachat d’actions litigieux ne peut pas être qualifié comme partage partiel de l’actif social considéré comme opération d’aliénation de la participation et qu’il ne rentre pas dans le champ d’application de l’article 101 LIR, sans qu’il y ait lieu d’examiner la question de savoir si le rachat, par l’appelante, de seulement 10 des 48 actions détenues par Monsieur … s’analyse en un rachat de participation au sens de l’article 101 (2) LIR.

Le directeur et le tribunal ont estimé en substance que dès lors que le régime du partage de l’actif social prévu par l’article 101 LIR ne s’applique pas à l’opération de rachat litigieuse, le retrait de fonds de la société par l’actionnaire minoritaire devrait s’analyser en une distribution de bénéfices soumise à la retenue d’impôt sur revenus de capitaux.

L’article 146 (1) LIR soumet à cette retenue à la source notamment sous son point 1., seul pertinent en l’espèce, « les dividendes, parts de bénéfice et autres produits visés sub 1 de l’article 97, alinéa 1er ».

L’article 97 LIR qualifie comme revenus de capitaux en son paragraphe (1), point n° 1 « les dividendes, parts de bénéfice et autres produits alloués, sous quelque forme que ce soit, en raison des actions, parts de capital, parts bénéficiaires ou autres participations de toute nature dans les collectivités visées aux articles 159 et 160 ». Le même article 97 exclut du champ des revenus de capitaux mobiliers dans son paragraphe (3), point b) « les allocations qui sont la contrepartie de la réduction du capital social constitué par les apports des associés, la partie du capital social provenant éventuellement de la capitalisation de réserves en exemption totale ou partielle de l’impôt sur le revenu étant censée distribuée en premier lieu ; les allocations de l’espèce restent cependant imposables, lorsque la réduction de capital n’est pas motivée par de sérieuses raisons économiques ».

L’article 97 (1), point 1, LIR a trait aux « revenus de participations dans les sociétés de l’espèce en tant qu’il s’agit de dividendes et de revenus similaires, c’est-à-

dire de revenus distribués en cours de société d’une façon ordinairement périodique et à titre de rémunération courante des capitaux engagés dans la société » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 117), partant à des revenus découlant de la source de revenus constituée par les titres de participation dont la substance ne se trouve point affectée par ces revenus. L’article 97 (3), point b) LIR y ajoute les revenus alloués en raison d’une réduction de capital à l’égard de tous les actionnaires, sans opération de partage total de l’actif social au sens de l’article 101 (2) LIR, dans la seule mesure où la réduction porte sur des réserves antérieurement capitalisées au lieu d’avoir été directement distribuées aux actionnaires ou associés, partant sur des bénéfices antérieurs dont la distribution a ainsi été reportée dans le temps.

D’un autre côté, la cession de titres de participation constitue pour leur détenteur un acte de disposition par rapport à ces titres qui a pour conséquence qu’en contrepartie de l’obtention d’un paiement équivalent à la valeur de ces titres, il perd ses droits sur la source de revenus découlant de l’investissement dans le capital de la société en cause. Or, d’un point de vue économique, la valeur d’un titre de participation dans une société opaque est en principe constituée tant par l’investissement initial dans le capital social que par la part dans les réserves sociales, donc la richesse accumulée et non distribuée produite par l’activité de la société. Néanmoins, nonobstant ce caractère composé de la valeur d’un titre de participation, la LIR qualifie l’intégralité du produit net provenant d’une aliénation de titres de participation à un tiers comme une plus-value de cession rentrant dans le champ d’application de l’article 100 LIR dans l’hypothèse d’une participation importante supérieure à 10% du capital et dans le champ d’application de l’article 99bis LIR dans l’hypothèse d’une participation inférieure à 10% détenue depuis moins de 6 mois. De même, toutes les opérations effectuées entre le détenteur de titres de participation et la société elle-même, affectant la substance du titre de participation et rentrant dans le champ de l’article 101 LIR, y compris le rachat d’une participation par la société avec réduction correspondante du capital, sont qualifiées par l’article 101 (1) LIR comme le « produit d’une aliénation de la participation » au sens de l’article 100 LIR, donc comme un bénéfice de cession.

Il reste partant à qualifier les aliénations, par le détenteur, d’une partie ou de l’intégralité de sa participation directement à la société-même sans qu’une réduction de capital pour annuler ces titres s’ensuive, ces aliénations n’étant pas spécifiquement visées par une disposition de la LIR. Il est vrai que l’aliénation des titres à la société-même diffère de l’aliénation à un tiers en ce sens que le détenteur obtient directement de la société le paiement de sa part dans les richesses accumulées produites par l’activité de la société, ce qui la rapproche dans un certain sens d’une distribution de bénéfices, tandis qu’il obtient le paiement de sa part de manière indirecte en cas d’aliénation à un tiers qui lui paye la valeur du titre. Il n’en reste pas moins que l’opération s’analyse à la base en une cession des titres de participation et que, comme le Conseil d’Etat a considéré à l’égard de l’article 101 LIR, « au regard des participations importantes, il convient de soumettre au même régime les bénéfices de cession et les bonis de liquidation, étant donné que les deux opérations aboutissent à des résultats économiques voisins ; les cessions permettent au titulaire de la participation de réaliser la contrevaleur des réserves sociales, tandis que la liquidation a pour effet de lui attribuer directement ces mêmes réserves » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 57116, avis du Conseil d’Etat, ad art. 117b). Or, dans la mesure où les cessions de titres de participations à des tiers et les rachats desdits titres par la société-même suivis d’une réduction correspondante du capital social sont qualifiés comme opérations d’aliénation et non pas comme revenus courants rentrant dans le champ d’application de l’article 97 (1), point 1., LIR, aucune raison valable ne permet de rejeter cette qualification comme opération d’aliénation portant transmission volontaire à autrui de la propriété de titres de participation également dans le chef des cessions de titres de participation directement à la société émettrice desdits titres, étant donné que toutes ces opérations constituent un acte de disposition sur une source de revenus et que l’identité différente de l’acquéreur ne peut être considérée comme changeant la substance du revenu réalisé.

Il convient partant de conclure que le produit net d’une aliénation, par le propriétaire, d’une partie ou de l’intégralité des titres constituant sa participation dans une forme de société visée aux articles 159 et 160 LIR directement à la société-même sans qu’une réduction de capital pour annuler ces titres s’ensuive n’est pas à qualifier comme distribution de bénéfices courants rentrant dans le champ d’application de l’article 97 (1), point 1, LIR, mais comme opération d’aliénation pouvant, le cas échéant, donner lieu dans le chef d’un actionnaire personne physique à un revenu d’aliénation au sens de l’article 100 LIR ou à un bénéfice de spéculation au sens de l’article 99bis LIR. Cette inapplicabilité de l’article 97 (1), point 1, LIR emporte également la conséquence de l’inapplicabilité de l’article 146 (1), point 1., LIR et partant de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux.

Cependant, cette conclusion n’empêche pas l’application de l’article 164 (3) LIR dans l’hypothèse où le prix effectivement payé par la société à son actionnaire ou associé dans le cadre du rachat de sa participation dépasse la valeur réelle de cette participation et où le prix surfait n’est pas justifié par un motif d’ordre économique valable, mais s’explique seulement par l’existence de la relation d’associé. Dans cette hypothèse la partie surfaite du prix de rachat pourrait être qualifiée de distribution cachée rentrant dans le champ d’application de l’article 97 (1), point 1., LIR et partant également de l’article 146 (1), point 1., LIR.

En l’espèce, l’Etat ne fait pourtant état ni d’un caractère surfait du prix payé par l’appelante à Monsieur … ni d’indices qu’un tel prix s’expliquerait essentiellement par la qualité d’associé de Monsieur …. La seule circonstance que le prix par action payé par l’appelante (… €) dépasse de … € le prix payé par l’autre actionnaire pour chacune des autres 38 actions détenues par Monsieur … (… €) n’est à elle seule pas de nature à indiquer l’existence d’une distribution cachée.

Par voie de conséquence, les conditions pour admettre en l’espèce l’existence d’une distribution cachée de bénéfices susceptible de justifier en son principe l’application d’une retenue d’impôt sur revenus de capitaux ne se trouvent pas établies à suffisance de droit et de fait.

La Cour tient à ajouter, ainsi que le précisent les travaux parlementaires relatifs à la LIR, que les §§ 117a et 117b du projet initial, devenus les articles 100 et 101 LIR, « reprennent, en substance, les solutions consacrées par le § 17 de la loi actuelle » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 57116, avis du Conseil d’Etat, ad art. 117, p. 63) que les §§ 17 et 20 de la loi allemande concernant l’impôt sur le revenu ont toujours été majoritairement interprétés, au-delà de certaines modifications légales intervenues, en ce sens que des opérations de cessions de titres de participation à la société émettrice même sont qualifiées comme opérations de cession et non pas comme distributions de revenus courants (cf. …, EStG-Kommentar, § 17, Anm. 91 et § 20, Anm.

70 avec autres références y visées).

Finalement, l’argument étatique relatif à l’existence en l’espèce d’une simulation au sens du § 5 StAnpG disposant que « Scheingeschäfte und andere Scheinhandlungen … sind für die Besteuerung ohne Bedeutung. Wird durch ein Scheingeschäft ein anderes Rechtsgeschäft verdeckt, so ist das verdeckte Rechtsgeschäft für die Besteuerung maßgebend », n’emporte pas la conviction de la Cour. En effet, les éléments en cause ne permettent pas de conclure que le rachat de la participation par l’appelante à Monsieur … aurait été une opération fictive destinée à cacher une opération réelle de distribution de bénéfices antérieurs en faveur de ce dernier, vu qu’aucun indice ne permet de mettre en doute la volonté de Monsieur … de sortir du capital de l’appelante en cédant toutes ses actions et de se faire racheter une partie de ses parts par l’appelante et la qualification de l’aliénation correspondante comme opération de cession de titres.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel sous examen est justifié. La décision directoriale déférée du 9 juillet 2015 doit dès lors encourir la réformation en ce sens que le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 2008 du 25 avril 2012 est à réformer dans le sens de la fixation de cette retenue à zéro euro. Le jugement entrepris est partant à réformer en conséquence.

L’appelante sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros. Il y a cependant lieu de rejeter comme non justifiée cette demande, étant donné qu’il n’est pas inéquitable de laisser à charge de l’appelante les frais irrépétibles au vu de l’ensemble des éléments du dossier et nonobstant la solution au fond du litige.

PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause, reçoit l’appel du 3 mars 2017 en la forme, au fond, le déclare justifié, partant, par réformation du jugement entrepris du 31 janvier 2017, réforme la décision directoriale déférée du 9 juillet 2015 en ce sens que le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 2008 du 25 avril 2012 est à réformer à travers la fixation de cette retenue à zéro euro, renvoie l’affaire devant le directeur de l’administration des Contributions directes pour exécution, rejette la demande de l’appelante en allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros, condamne l’Etat aux dépens des deux instances.

Ainsi délibéré et jugé par:

Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, et lu à l’audience publique du 23 novembre 2017 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller, en présence du greffier assumé de la Cour Samuel WICKENS.

s. WICKENS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24.11.2017 le greffier de la Cour administrative 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39193C
Date de la décision : 23/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2017-11-23;39193c ?

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