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24/10/2017 | LUXEMBOURG | N°39503C

Luxembourg | Luxembourg, Cour administrative, 24 octobre 2017, 39503C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE No 39503C du rôle Inscrit le 3 mai 2017

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Audience publique du 24 octobre 2017 Appel formé par Madame …, L-…, contre un jugement du tribunal administratif du 27 mars 2017 (no 37537 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre 1) une « décision » du gouvernement en conseil, 2) une décision du FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT et 3) l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la co

nstitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette en matière d’act...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE No 39503C du rôle Inscrit le 3 mai 2017

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Audience publique du 24 octobre 2017 Appel formé par Madame …, L-…, contre un jugement du tribunal administratif du 27 mars 2017 (no 37537 du rôle) ayant statué sur son recours dirigé contre 1) une « décision » du gouvernement en conseil, 2) une décision du FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT et 3) l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette en matière d’acte administratif à caractère réglementaire

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Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 39503C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2017 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif le 27 mars 2017 (n° 37537 du rôle), par lequel ledit tribunal a déclaré irrecevable son recours en annulation dirigé contre (i) la « décision » du gouvernement en conseil du 8 mai 2015 portant adoption d’un projet d’arrêté grand-

ducal concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-

Alzette; (ii) l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette et (iii) la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, concernant des fonds sis à Esch-sur-Alzette;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY le 1er juin 2017 au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 2 juin 2017 par la société anonyme AMMC LAW S.A., inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, représentée par Maître Christophe MAILLARD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, établi et ayant son siège à L-2155 Luxembourg, 74, Mühlenweg;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 6 juin 2017 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale d’Esch-

sur-Alzette;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 3 juillet 2017 au nom de l’appelante;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont appel;

Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY, Maître Emmanuelle PRISER, en remplacement de Maître Christophe MAILLARD, ainsi que Maître Steve HELMINGER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 octobre 2017.

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Le 16 septembre 2014, l’établissement public FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, ci-après désigné par le « FONDS », déclara zone de réserves foncières un ensemble de terrains sis à Esch-sur-Alzette, au quartier dit « … », inscrits au cadastre de la commune d’Esch-

sur-Alzette, à la section …, sur base des articles 97 à 102 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-

après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 ».

Par courrier du 26 septembre 2014, le président du comité-directeur du Fonds s’adressa à « Madame et Monsieur … », au sujet de « [leurs] parcelles en copropriété no. … pour … et no. … pour … sises à Esch-sur-Alzette, section … », pour les informer de la susdite déclaration et de la procédure subséquente, telle que prévue par les dispositions légales susmentionnées.

Par courrier du 28 octobre 2014, Madame …, déclarant agir en sa qualité de co-indivisaire à raison de 50% des parcelles inscrites au cadastre de la commune d’Esch-sur-Alzette, section …, sous les numéros … et …, ci-après désignées par les « parcelles n° … et n° … », fit introduire auprès du président du comité-directeur du FONDS une réclamation à l’encontre du susdit projet de constitution d’une zone de réserves foncières.

Lors de sa séance du 8 mai 2015, le gouvernement en conseil adopta « (…) le projet d’arrêté grand-ducal concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette (quartier « … ») par le Fonds (…) ».

Le 1er décembre 2015, le Conseil d’Etat avisa ledit projet d’arrêté grand-

ducal.

La constitution de ladite zone de réserves foncières fut approuvée et déclarée d’utilité publique par arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette, ci-après désigné par l’« arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 ». Ledit arrêté grand-ducal est libellé comme suit:

« (…) Art. 1er. La constitution par le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat, dénommé ci-après le «Fonds», d’une zone de réserves foncières au lieu-dit «in den …», est approuvée et déclarée d’utilité publique.

Art. 2. Cette zone de réserves foncières comprend les parcelles de terrains inscrites au cadastre, section …, sous les numéros ….

Art. 3. Le Fonds est autorisé à poursuivre l’acquisition ou l’expropriation des terrains visés à l’article 2.

Pour autant que de besoin, les mêmes parcelles seront expropriées conformément au titre III de la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d’une grande voirie de communication et d’un fonds des routes. Les mesures préparatoires relatives à l’expropriation ont été régulièrement accomplies.

Art. 4. La prise de possession des parcelles sera réalisée endéans un délai de cinq ans par le Fonds. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 février 2016, Madame … fit introduire un recours tendant à l’annulation (i) de la « décision » du gouvernement en conseil du 8 mai 2015 portant adoption du projet d’arrêté grand-

ducal concernant la constitution de la susdite zone de réserves foncières à Esch-sur-

Alzette, (ii) de l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 et (iii) de la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS.

Par jugement du 27 mars 2017, le tribunal administratif déclara son recours irrecevable, le tout en rejetant sa demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure, de même que celle formulée par le FONDS et en la condamnant aux frais.

Les premiers juges ont en premier lieu décidé que la délibération du gouvernement en conseil du 8 mai 2015, prise en application de l’article 100 de la loi du 19 juillet 2004, ne produirait pas, en elle-même des effets juridiques, mais ne ferait que préparer l’adoption ultérieure de l’arrêté grand-ducal approuvant la déclaration du FONDS, de sorte à ne constituer qu’un simple acte préparatoire non susceptible de recours.

Pour le surplus, ils ont déclaré irrecevable le recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse, laquelle aurait manqué de prouver sa qualité de propriétaire des parcelles n° … et n° ….

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2017, Madame … a régulièrement interjeté appel contre ce jugement du 27 mars 2017.

L’appelante reproche aux premiers juges d’avoir déclaré son recours en annulation irrecevable en ce qu’il vise la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, ainsi que l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015, parce que la preuve de sa qualité de propriétaire indivisaire des parcelles n° … et n° … n’avait pas été rapportée à suffisance.

Elle expose que suite au décès de son mari, en date du le 7 avril 2009, elle serait devenue propriétaire indivisaire des parcelles en question et ce conformément à leurs clauses contractuelles de mariage et au régime de communauté universelle auquel les époux avaient consenti.

Elle entend appuyer ses dires par la production de différents documents tendant à établir sa qualité de propriétaire indivisaire desdites parcelles. Ainsi, elle produit une déclaration de succession rectificative du 3 juin 2011, un extrait cadastral du 7 novembre 2014 indiquant que la succession de Monsieur … est à considérer comme néant, un relevé parcellaire du 27 septembre 2016, un bulletin portant « fixation nouvelle pour changement de propriétaire » émis par le service des évaluations immobilières de l'administration des Contributions directes du 3 février 2011, ainsi que trois bulletins de l'impôt foncier « … » émis par la commune d'Esch-sur-Alzette, pour les années de 2013 à 2015.

Elle demande à voir réformer le jugement entrepris en conséquence.

Pour le surplus, elle demande à la Cour d’évoquer le fond de l’affaire dans une optique d'effet utile.

Au fond, elle soulève différents moyens d’annulation tirés :

- d’un détournement de pouvoir, au motif qu’en l’espèce, l’outil urbanistique de la création d’une zone de réserves foncières aurait été utilisé dans un but étranger à celui visé par le législateur, qui serait celui d’agir sur les prix du logement et de créer des conditions préalables pour mener à bien certaines initiatives dans le domaine du logement social, au motif que la procédure en question aurait été utilisée comme un moyen de pression dans le cadre des négociations en vue de l’acquisition des parcelles concernées;

- du caractère vicié de la procédure, du fait que le dossier déposé à la commune ne contiendrait pas de délibération du comité-directeur;

- de la violation des articles 101 de la loi du 19 juillet 2004, 16 de la Constitution, et 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH »;

- de l’inconstitutionnalité de l'article 97 de la loi du 19 juillet 2004.

Les trois parties intimées se rapportent à la sagesse de la Cour pour ce qui concerne la question de l’intérêt à agir de la demanderesse initiale.

Ensuite, le délégué du gouvernement reproche aux premiers juges d’avoir retenu que la déclaration de constitution d'une zone de réserves foncières faite le 16 septembre 2014 par le FONDS constitue un acte susceptible de recours.

Il estime que pareille déclaration, même approuvée par le gouvernement en conseil le 8 mai 2015 ayant adopté un projet d'arrêté grand-ducal concernant la constitution d'une zone de réserves foncières, n'aurait ni le caractère d'acte final de procédure, ni ne pourrait être qualifié d'acte réglementaire.

Ainsi, le recours introductif de la première instance serait à déclarer irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre la déclaration du FONDS du 16 septembre 2014.

Ensuite, le délégué conclut au rejet des différents moyens d’annulation soulevés par l’appelante.

Spécialement, en ce qui concerne la prétendue violation de l'article 101 de la loi du 19 juillet 2004, il soutient qu’il ne saurait être question de ce que l'arrêté grand-ducal litigieux du 16 décembre 2015 constituerait une « prolongation » au sens strict de l'arrêté grand-ducal précédant du 1er février 2010. Il s’agirait plutôt d’un « renouvellement » de la constitution d'une zone de réserves foncières.

Or, chacun de ces arrêtés respectifs serait conforme à la loi, cette dernière n’excluant, selon le délégué, point la possibilité de « renouveler » une déclaration en zone de réserves foncières, spécialement dès lors que lors d'une nouvelle déclaration en zone de réserves foncières, toutes les étapes procédurales prévues aux articles 97 et suivants de la loi du 19 juillet 2004 doivent à nouveau être accomplies, et cela notamment afin d'assurer le respect du droit de propriété des propriétaires concernés.

Par ailleurs, le FONDS aurait agi avec diligence et la nouvelle déclaration en zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, accompagnée d'une poursuite des efforts déjà déployés, aurait de la sorte été justifié, comme le Conseil d’Etat l’aurait d’ailleurs également retenu dans son avis du 1er décembre 2015.

A l’instar du délégué du gouvernement, le FONDS demande à voir déclarer irrecevable le recours en annulation de Madame … dans la mesure où il est dirigé contre la déclaration du FONDS du 16 septembre 2014 au motif qu’il ne s’agirait que d’un simple acte préparatoire.

Il estime aussi que la demande ayant trait à l’évocation de l’affaire ne serait pas justifiée et demande, le cas échéant, à voir renvoyer le dossier devant les premiers juges.

Au-delà, pour autant que de besoin, le FONDS conclut également au rejet des moyens d’annulation soulevés par la partie appelante.

En particulier, au sujet du moyen tiré de la violation de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004, le FONDS soutient que le texte dudit article 101 n'interdirait pas la prise d'arrêtés grand-ducaux successifs.

L’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette déclare se rallier aux argumentations de l’Etat et du Fonds.

Quant à la question de l’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse initiale, Madame …, la Cour constate, au vu de l’ensemble des éléments d’information produits en cause par elle, dont plus spécialement le relevé parcellaire du 27 septembre 2016 émis par l'administration du Cadastre et de la Topographie, que l’intéressée établit à suffisance de droit sa qualité de propriétaire indivisaire à 50%, avec la Ville d'Esch-sur-Alzette, des parcelles portant les numéros cadastraux … et ….

Or, de la sorte, elle est à considérer de façon patente comme directement concernée et affectée par les décisions querellées portant constitution d'une zone de réserves foncières sur lesdits terrains et conférant à la commune et au FONDS un droit de préemption sur les parcelles visées, d’une part, et comme présentant un intérêt personnel, direct, effectif et actuel à agir à leur encontre, d’autre part.

Il s’ensuit que, par réformation du jugement entrepris, il y a lieu de déclarer recevable le recours en annulation de Madame … en ce qui concerne son intérêt à agir contre la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, ainsi que l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015.

Le recours ainsi circonscrit, la décision d’irrecevabilité de son premier volet n’étant pas remis en cause par l’appelante, est encore recevable pour avoir été déposé dans les délai et formes prévus par la loi.

Si en principe il y aurait lieu à renvoi de l’affaire devant les premiers juges pour voir statuer y relativement au fond sous le respect de l’exigence du double degré de juridiction, il doit en aller différemment et la Cour peut évoquer l’affaire dans un cas de figure tel celui de l’espèce où les questions de fond en vue de la solution du litige se trouvent clairement dégagées à travers les conclusions des parties et dûment rencontrées sous ses différents aspects par celles-ci.

Sous ce rapport, il convient d’examiner le moyen d’irrecevabilité du recours introductif de la première instance, réitéré en appel, en tant que moyen de défense, par le délégué du gouvernement et le FONDS, auxquels se rallie l’administration communale de la Ville d’Esch-sur-Alzette, en ce que la demanderesse initiale vise la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS, au motif qu’il s’agirait d’un simple acte préparatoire, ne produisant aucun effet par lui-même et donc non susceptible de recours devant le juge administratif.

L’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame. N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n° 58 et les autres références y citées).

Concernant les actes préparatoires en particulier, il est encore constamment admis qu’ils échappent au recours contentieux, étant donné qu’ils ne font que préparer la décision finale et ne constituent que des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci (cf. Cour adm. 22 janvier 1998, n° 9647C, 9759C, 10080C, 10276C, Pas. adm. 2017, V° Actes administratifs, n° 57 et les autres références y citées).

Ceci étant dit, pour déterminer la nature exacte d’une déclaration de zone de réserves foncières par le FONDS, telle celle dont il est question en cause, il convient de tracer le cadre légal la prévoyant et l’entourant.

Aux termes de l’article 97 de la loi du 19 juillet 2004, « (…) Le Fonds pour le développement du logement et de l’habitat, après délibération du comité-

directeur, est (…) habilité à déclarer zones de réserves foncières un ensemble de terrains destinés à servir soit à la réalisation de logements des infrastructures et services complémentaires du logement, soit à la réalisation de constructions abritant des activités compatibles avec l’habitat. (…) ».

L’article 98 de la même loi prévoit que « dans les trente jours qui suivent la déclaration visée à l’article 97, le projet est déposé au secrétariat des communes sur le territoire desquelles se trouvent les terrains concernés.

Le public en est informé par voie d’affiches apposées dans la commune de la manière usuelle et par annonce dans au moins quatre quotidiens publiés et imprimés au Grand-Duché de Luxembourg.

Conjointement avec cette publication, les propriétaires, nus-propriétaires, usufruitiers et emphytéotes concernés sont avertis par lettre recommandée qui les informe des dispositions du présent chapitre.

La déclaration et le projet pourront être consultés par le public à la maison communale dans un délai de trente jours à compter de la publication du dépôt prévu à l’alinéa 2. ».

En vertu de l’article 99 de la loi du 19 juillet 2004, « dans le délai de trente jours visé à l’article 98, alinéa 4, les observations et objections contre le projet doivent, sous peine de forclusion, être présentées par lettre recommandée au (…) président du Fonds pour le développement du logement et de l’habitat. », l’article 100 de la même loi prévoyant qu’« à l’expiration de ce délai, (…) le président du Fonds pour le développement du logement et de l’habitat [transmet] les pièces avec les observations éventuelles aux ministres ayant respectivement l’Intérieur et le Logement dans leurs attributions.

Après délibération du Gouvernement en conseil, le dossier complet est transmis au Conseil d’Etat qui est obligatoirement entendu en son avis. ».

Finalement, aux termes de l’article 101 de ladite loi du 19 juillet 2004, « un arrêté grand-ducal approuve la constitution de la zone de réserves foncières et en déclare l’utilité publique. (…) ».

Or, à l’analyse des susdites dispositions légales, ainsi agencées, une zone de réserves foncières à l’initiative du FONDS est indubitablement constituée par déclaration de ce dernier.

S’il est vrai que cette constitution ne sort pas immédiatement ses effets, mais qu’elle doit être approuvée par un arrêté grand-ducal, pris sur avis du Conseil d’Etat, c’est-à-dire que son exécution est temporisée et conditionnée par ladite approbation, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un acte juridique propre et distinct de l’approbation.

La déclaration de zone de réserves foncières, une fois approuvée, ne constitue partant pas un simple acte préparatoire, mais une décision administrative susceptible de recours direct et le moyen d’irrecevabilité a été rejeté à bon droit par les premiers juges.

Quant aux moyens d’annulation de Madame …, le juge administratif n'étant pas tenu de suivre l'ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie mais, dans l'intérêt de l'administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent, la Cour se prononce en premier lieu quant au moyen tiré de la violation de l’article 101 de ladite loi du 19 juillet 2004, lequel a déjà été examiné dans le cadre de deux affaires parallèles, toisées par arrêts séparés pris en date de ce jour (n°s 39474C et 39517C du rôle et n°s 39475C et 39518C du rôle).

Or, comme la Cour l’a pu relever dans les deux arrêts en question, l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit que l’arrêté grand-ducal approuvant la constitution d’une zone de réserves foncières doit fixer le délai dans lequel la prise de possession des terrains est à réaliser, précisant expressément que ce délai ne peut pas être supérieur à cinq ans, d’une part, et l’intention poursuivie par le législateur à travers les dispositions de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004, telle qu’elle se dégage des documents retraçant l’élaboration parlementaire de ladite loi (i.e. le commentaire relatif à l’article 99 du projet de loi n° 4486 concernant l’aménagement communal et le développement communal, doc. parl. n°44863, p.

79, devenu par la suite l’actuel article 101 de la loi du 19 juillet 2004), desquels il se dégage que : « La décision du gouvernement prise suite à l’avis du Conseil d’Etat revêt la forme d’un arrêté grand-ducal. Le texte impose un délai maximum de cinq ans pour la prise de possession des parcelles concernées, délai au-delà duquel l’arrêté grand-ducal ne pourra plus sortir ses effets, et notamment ne pourra plus justifier l’expropriation des fonds visés.

En effet, l’acquisition, de gré à gré ou par expropriation, est une obligation pour la commune ou l’Etat, lorsqu’il s’agit de zones de réserves foncières, les pouvoirs publics ne pouvant laisser planer l’incertitude sur l’application de[s] dispositions, bloquant de fait la mise en valeur des terrains en question. », d’autre part.

Ainsi, il est patent que le mécanisme législatif, avec sa limite temporelle de cinq ans pour l’acquisition des terrains concernés, tend clairement à limiter l’immixtion dans le libre exercice des droits des propriétaires des terrains ainsi affectés.

S’il est vrai que ni l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004, ni une autre disposition de ladite loi, n’interdit expressément un renouvellement de la procédure, d’une part, et s’il est vrai encore que pareil renouvellement peut, le cas échéant, se justifier, notamment lorsqu’un délai court a été fixé pour la prise de possession des terrains concernés, et qu’il se dégage des circonstances vérifiées qu’une procédure, par ailleurs diligente, ne pouvait pas être menée à terme pour des raisons indépendantes de la volonté du pouvoir public ayant constitué la zone de réserves foncières, d’autre part, il appert que le délai de cinq ans ne saurait en tout état de cause pas être dépassé sous peine de se heurter au texte et à l’esprit de la loi.

Dans ce contexte, le fait que toute nouvelle procédure de constitution d’une zone de réserves foncières présente à nouveau des garanties procédurales, dont les parties appelantes se prévalent, n’empêche pas que la prise d’arrêtés grand-ducaux successifs portant constitution d’une zone de réserves foncières et accordant un délai de plus de cinq ans a pour effet de placer les propriétaires concernés dans une situation durable d’incertitude et de blocage quant à la mise en valeur de leurs terrains, ce que le législateur entendait précisément éviter.

Admettre que la situation de blocage générée par une déclaration d’une zone de réserves foncières en application de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004 puisse s’étendre sur une durée de plus de cinq ans impliquerait l’acceptation de répercussions sérieuses et dommageables dans le chef des propriétaire des terrains concernés, de sorte à leur imposer une charge spéciale et exorbitante rompant le juste équilibre devant régner entre l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens, tels qu’ils sont garantis par l'article 1er du Protocole additionnel à la CEDH et l'article 16 de la Constitution.

Sur ce, en l’espèce, dès lors qu’il est constant que les différentes parcelles faisant l’objet de l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015, dont celles de la partie appelante, avaient déjà fait l’objet d’un classement en zone de réserves foncières par le biais de deux arrêtés grand-ducaux en date des 9 juillet 2004 et 1er février 2010, chacun de ces deux arrêtés grand-ducaux antérieurs ayant fixé à cinq ans le délai dans lequel la prise de possession des parcelles en question devait avoir lieu, sans que cette prise de possession ne soit intervenue dans le délai imparti, respectivement sans que la procédure d’expropriation n’ait été entamée, le renouvellement de ladite procédure encourt l’annulation pour violation de l’article 101 de la loi du 19 juillet 2004.

Compte tenu de l’issue du litige, la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et/ou l’instance d’appel, telle que formulée par le FONDS est à rejeter.

Enfin, les deux demandes de l’appelante tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure pour la première instance et l’instance d’appel sont, à leur tour, à rejeter, étant donné que les conditions légales ne sont pas remplies en cause.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;

reçoit l’appel en la forme;

au fond, le déclare justifié;

réformant, déclare le recours en annulation de Madame … recevable en ce qu’il vise la déclaration de zone de réserves foncières, faite le 16 septembre 2014 par le FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT, ainsi que l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015 concernant la constitution d’une zone de réserves foncières à Esch-sur-Alzette;

évoquant, le déclare justifié, partant annule la déclaration de zone de réserves foncières du 16 septembre 2014, ainsi que l’arrêté grand-ducal du 16 décembre 2015, précités;

écarte toutes les demandes en allocation d’une indemnité de procédure formulées respectivement par Madame … et le FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT pour la première instance et/ou pour l’instance d’appel;

fait masse de l’ensemble des dépens des deux instances et les impute pour moitié à l’Etat et pour moitié au FONDS POUR LE DEVELOPPEMENT DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT.

Ainsi délibéré et jugé par :

Henri CAMPILL, vice-président, Serge SCHROEDER, premier conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le vice-président en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier assumé de la Cour Sam WICKENS.

s. WICKENS s. CAMPILL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25.10.2017 le greffier de la Cour administrative 11


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39503C
Date de la décision : 24/10/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.administrative;arret;2017-10-24;39503c ?

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